Ostéoporose: quelle deuxième séquence thérapeutique ?

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L’ostéoporose Quel traitement après une première séquence thérapeutique?

Erick Legrand Service de Rhumatologie CHU et Faculté de Médecine, Angers


Choisir la première séquence thérapeutique


Pour le diagnostic et l’évaluation Facteurs de risque cliniques +++ Age, ATCD de fractures, Handicap neuro sensoriel, plus de 2 chutes l’année passée, corticothérapie, maladie inflammatoire, tabagisme, alcoolisme, IMC Radiographies du rachis (ou VFA) systématiques, si on envisage un traitement Densitométrie osseuse, très utile (suivi) mais pas indispensable si F ESF ou 2 FV évidentes Biologie générale et phosphocalcique


Prescriptions de la première consultation

1- Activité physique en charge : 3 heures par semaine soit 30 mn de marche à pied par jour 2- Pas plus d’un verre d’alcool par jour 3- Demander au patient de consommer 3 produits laitiers par jour (ou 2 PL + eau minérale riche en calcium) 4- Plan de sevrage tabagique 5- Plan de sevrage des corticoïdes +++ 6- Prescrire de la vitamine D (environ 100.000UI/2 mois) pour obtenir une concentration sérique entre 75 et 125 mmo/l ou entre 30 et 50 ng/ml


Contre indications aux traitements de fond ATCD d’Oesophagite sévère : CI pour les Bisphosphonates par voie orale Etat dentaire déplorable : CI temporaire pour les BP et le dénosumab ATCD de phlébite ou EP : CI pour le raloxifène Erysipèle ou Ulcère de jambe : CI (relative ) pour le dénosumab; par ailleurs non indiqué en première intention I Rénale (CL< 30 ml/mn) : CI pour les bisphosphonates et le teriparatide; si Cl < 15, tous les TT sont CI ATCD de cancer ou hémopathie ou radiothérapie : CI pour le tériparatide (PTH 1-34)


L’efficacité des traitements de fond • Elle été prouvée dans des essais de très bonne qualité • Réduction du risque de fracture de 50 à 70 % • Efficacité prouvée avant et après survenue de la fracture • Efficacité après des fractures multiples • Efficacité après une Fracture de l’ESF • Efficacité chez les sujets de plus de 75 ans • Plus le risque de nouvelle fracture est élevé, plus le traitement est utile


Choisir le première séquence en fonction du contexte clinique OP modérée : 0 ou 1 fracture vertébrale, pas de FESF  Estrogènes avant 50 ans (ménopause précoce)  Raloxifène entre 50 et 70 ans (effet anti cancer du sein)  Bisphosphonates au delà car le risque de phlébite et de FESF augmente rapidement OP sévère avec 2 FV : Teriparatide (ou zoledronate) OP avec FESF : Zolédronate IV (ou tériparatide) OP avec troubles des fonctions sup : Zoledronate IV OP avec maladie digestive : Zoledronate IV OP avec cancer connu : Zolédronate IV


Gestion de la première séquence Durée 18 mois pour le tériparatide, 4 à 5 ans pour les autres traitements Consultation clinique annuelle avec mesure de la taille, de l’observance, des effets secondaires, information répétée Biologie entre 9 et 12 mois pour vérifier la normalisation de la vitamine D + fonction rénale Pas de Densitométrie avant 4 ans Pas de radiographies avant 4 ans,  sauf douleur rachis ou perte de taille > 2 cm


Choisir la deuxième séquence thérapeutique


Choisir une deuxième séquence thérapeutique est difficile 1- Les résultats scientifiques disponibles pour le choix d’un deuxième traitement sont très limités 2- Il n’est pas simple d’évaluer le résultat, favorable ou défavorable, de la première séquence thérapeutique 3- A la fin de la première séquence, les situations cliniques sont très hétérogènes; prescription « au cas par cas » Karine Briot, Rev Rhum, Novembre 2011 Erick Legrand, Revue du Praticien, Avril 2012


Mais renouveler un traitement de fond de l’ostéoporose, au-delà de 5 ans sans évaluation des risques et des bénéfices, est clairement une mauvaise pratique médicale qui expose à plusieurs inconvénients : -Prolonger un traitement…. devenu inutile - Prolonger un traitement inefficace - Majorer le risque d’effets indésirables - Décourager le patient - Faciliter la mauvaise observance


I- Les résultats scientifiques disponibles pour le choix d’un deuxième traitement sont très limités


Après l’arrêt du traitement Raloxifène

Risédronate Alendronate Zolédronate

Tériparatide

Denosumab

Persistance de l’effet sur le remodelage

Aucun

2 à 5 ans

Non

Aucun

Persistance de l’effet anti fracturaire

Pas clair

Oui 2 à 5 ans

Pas clair

Pas clair


Utilisation du Zoledronate après l’Alendronate Mac Clung, Bone 2007 - Etude Randomisée, double aveugle - 225 femmes traitées depuis au moins 1 an par alendronate (4 ans en moyenne) - Alendronate : 70 mg/ sem ou zolédronate : 5 mg /an Gain DMO au rachis à 1 an : Zol : + O.16 % ; Al : + O.8 % La rotation alendronate vers zolédronate n’induit pas de gain densitométrique particulier … si l’alendronate est bien pris!


Utilisation du denosumab après alendronate David Kendler , Christian Roux

JBMR 2010

Effects of denosumab on bone mineral density and bone turnover in postmenopausal women transitioning from alendronate therapy

504 patientes ménopausées Age > 55 ans -2.0 <T-score< -4.0 Alendronate depuis au moins 6 mois Les gains osseux sont supérieurs si rotation de l’alendronate vers le denosumab (ESF 1.9% vs 1.05%)


Utilisation du Tériparatide après l’Alendronate ou le Raloxifène Ettinger B, JBMR 2004

59 femmes, traitées antérieurement par Raloxifene ou Alendronate pendant 18 à 36 mois. TPT 18 mois 18 mois : DMO rachis :

Rlx : +10.2%

Al : +4.1%

DMO hanche :

Rlx : +1.8 %

Al : O %


Utilisation du tÊriparatide après risedronate ou alendronate Y Chevalier Bone 2010

171 patientes Depuis au moins 2 ans sous alendronate (87) ou risedronate (84) Scanner L1 and L2 Baseline et Ă 12 mois


Utilisation sĂŠquentielle tĂŠriparatide/ alendronate F Cosman, JBMR 2009

126 patientes Sous Alendronate depuis au moins 1 ans (I) Teriparatide pendant 15 mois (72) puis de nouveau Alendronate pendant 1 an (49) (II) Puis de nouveau Teriparatide pendant 15 mois (27)

(I) DMO Lombaire 6,2% P1NP + 120% (II) DMO lombaire 4,7% P1NP +60%


Utilisation de l’acide zolédronique après le tériparatide Réponse densitométrique 30

30

Nombre de patients

25

22

21 20

11

11

10

7 3

3

4

2

1

0 Rachis

Col Perte

ASBMR 2009 - D’après Tuthill K.

Hanche totale Stabilité

Corps entier

Gain

Rachis

Hanche

Stabilité

21/35 (60 %)

22/35 (63 %)

Gain

11/35 (31 %)

11/35 (31 %)


Que retenir de ces études? Il est inutile de passer d’un BP à l’autre, sauf si le premier BP n’était pas bien pris L’utilisation d’un BP après une séquence de 18 mois de tériparatide est utile pour maintenir/améliorer la DMO+++ Le tériparatide après un échec de traitement par BP ou raloxifène est efficace pour améliorer la DMO Le dénosumab après un BP peut améliorer la DMO  Mais aucune action anti fracturaire prouvée


II-Il n’est pas simple d’évaluer le résultat, favorable ou défavorable, de la première séquence thérapeutique


En théorie, ce n’est compliqué! Il faut disposer avant et après la séquence thérapeutique des mêmes informations et les comparer • Facteurs de risque et comorbidités • Evolution du risque de chute • Poids et taille • DMO mesurée sur le même appareil, dans les mêmes conditions et sur les mêmes sites anatomiques • Nombre et gravité des fractures vertébrales avant et après la séquence thérapeutique • Conditions de survenue d’éventuelles Fractures périphériques • Et la biologie…


En pratique… Femme de 70 ans, ménopausée à 42 ans Evaluation en 2008 • Taille 162 cm, poids 45 kg • T-score lombaire -3; ESF -2,5 • Pas de fractures connues, pas de rachialgies • Pas de radiographies du rachis ni de VFA • Pas d’autres facteurs de risque  Risedronate + Vitamine D pendant 5 ans


Femme de 70 ans, ménopausée à 42 ans Evaluation en 2013, après 5 ans de risédronate • Taille inchangée 161.5, poids 48 kg, pas de douleurs • DMO lombaire et fémorale inchangée • Pas de fractures périphériques • VFA : deux fractures vertébrales T10 et L2 grade 1 • Sous prednisone pendant 18 mois entre 2011 et 2012 pour une maladie de Horton, guérie


Médecin optimiste • La taille est stable donc les FV devaient exister avant • La densité est stable donc le TT a été pris pendant 5 ans • La prednisone est stoppée : un facteur de risque en moins! • Le risédronate a un effet rémanent

Décision :

1- arrêt risédronate 2- évaluation 2 ans plus tard


Médecin pessimiste • Les FV sont probablement nouvelles : OP sévère • La DMO ne s’améliore pas : TT mal pris ou peu efficace • La prednisone a provoqué une aggravation qualitative du tissu osseux • La patiente a 5 ans de plus donc un risque accru de fracture  Le risque de fracture est beaucoup plus élevé  Décision : arrêt risédronate mais prescription de tériparatide, évaluation 1 an plus tard


III- A la fin de la première séquence, les situations cliniques sont très hétérogènes


A la fin de la première séquence, les situations cliniques sont très hétérogènes

• Gravité initiale de l’ostéoporose • Evolution des comorbidités pendant la 1ere séquence • Evolution de la volonté de la patiente de traiter ou non  en fonction des effets secondaires réels ou perçus • Médicament choisi pour la première séquence  Avec ou sans effet rémanent • Evolution sous traitement  Favorable, défavorable, catastrophique


Après 4 à 5 années de raloxifène Excellent résultat

Résultat insuffisant

Pas de nouvelles

Une fracture incidente ou diminution de la DMO

fractures DMO stable ou meilleure Age < 65 ans

Poursuivre raloxifène 4 années supplémentaires

Evaluer Observance Vitamine D Comorbidités? Corticothérapie?

Rotation vers un BP par voie orale ou IV (doute sur observance)


Effets de Raloxifene sur l’incidence des cancers invasifs à 8 ans

Incidence cumulée (%)

4.0

Placebo 4.2 pour 1000 femmes/an HR 0.34 ( 0.22-0.50)

3.0

p <0.001 66%

2.0 1.0

Raloxifene 1.4 pour 1000 femmes/an

0.0 0

1

2

3

4

5

6

7

8

Années dans l’étude Martino S J. Natl. Cancer Inst. 2004;96(23):1751-1761


Après 4 à 5 années de raloxifène

Très mauvais résultat Deux FV incidentes ou Fracture de l’ESF ou deux fractures majeures Evaluer Observance Vitamine D

Comorbidités? Corticothérapie?

Rotation vers tériparatide (FV) ou zoledronate IV (FP)


Après 4 à 5 années de BP par voie orale Excellent résultat

Résultat insuffisant

Pas de nouvelles fractures

Pas de fractures

DMO stable ou meilleure

Mais baisse DMO

Pas de nouveau FR

Evaluer Observance Horaire des prises Vitamine D Comorbidités Corticothérapie

Arrêt du BP (effet rémanent) Poursuivre Vitamine D Evaluation 2 ans plus tard

Rotation vers Zolédronate IV ou dénosumab


Après 4 à 5 années de BP par voie orale Mauvais résultat

Mauvais résultat

Plusieurs fractures

Fracture de l’ESF, du

vertébrales

bassin, de l’humérus

Observance Horaire des prises Vitamine D Comorbidités Corticothérapie

Agir sur la chute +++++

Rotation vers le tériparatide

Rotation vers Zoledronate IV


Après 18 mois de tériparatide •

Le traitement a été prescrit pour une OP sévère

• Le résultat obtenu est temporaire • La densité osseuse va baisser lors de l’arrêt du tériparatide • Toujours poursuivre par une séquence de BP  pour une durée initiale de 3 ans  par voie IV si accord de la patiente


Synthèse : Après une première séquence thérapeutique Si l’évaluation de l’efficacité est très favorable  Maintenir le raloxifène (4 à 10 ans, < 70 ans)  Envisager une suspension du traitement pendant 2 ans pour les BP  Maintenir Vit D, apports calciques, activité physique, prévention de la chute  Nouvelle évaluation 2 ans plus tard


Si l’évolution est de l’OP est défavorable  Ne pas changer immédiatement de thérapeutique mais vérifier - La réalité du diagnostic initial (clinique et biologie) - La gravité initiale de l’ostéoporose - L’observance thérapeutique ++++ - La nutrition, les activités, les nouvelles comorbidités+++ - Les conditions de réalisation du traitement - Les circonstances des fractures : accident, mauvaise chute++++ -La décision d’une rotation thérapeutique, souvent utile, sera prise au cas par cas, à titre individuel


Séquence logique 1 Evaluation vers 60 ans Raloxifène de 60 à 64 ans Evaluation vers 64 ans Raloxifène de 64 à 68 ans Evaluation vers 68 ans stabilité mais pas d’effet rémanent du raloxifène BP pendant 5 ans entre 68 et 73 ans Evaluation favorable Pause thérapeutique 3 ans Nouvelle évaluation BP pendant 5 ans entre 76 et 81 ans


Séquence logique 2 Evaluation vers 60 ans Raloxifène de 60 à 64 ans Evaluation vers 64 ans Phlébite + une FV BP pendant 5 ans entre 64 et 69 ans Evaluation favorable Pause thérapeutique 3 ans Nouvelle évaluation BP pendant 5 ans entre 72 et 77 ans


Séquence logique 3 Evaluation vers 68 ans: OP sévère 2 FV Tériparatide 18 mois entre 68 et 70 ans BP IV pendant 3 ans entre 70 et 73 ans Evaluation favorable Pause thérapeutique 2 ans entre 73 et 75 ans Evaluation favorable Pause thérapeutique 2 ans entre 75 et 77 ans Evaluation défavorable, Chute, F Humérus. TT cataracte + BP IV pendant 3 ans entre 77 et 80 ans


Quatre messages Avant 65 ans devant une OP modérée, débuter par le raloxifène La survenue d’une FP après une mauvaise chute n’est pas toujours un indicateur d’échec du traitement de fond; Il est indispensable de disposer d’une VFA ou de radiographies du rachis avant et après une séquence thérapeutique au cours de l’ostéoporose La plupart des échecs de traitement par les BP sont liées à une mauvaise observance ou à une prise non à jeun ; toujours privilégier la voie IV ++++


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