Dermatoses neutrophiliques mars 2015

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Dermatoses neutrophiliques

Sarah Gu茅gan Service de Dermatologie-Allergologie, H么pital Tenon, H么pitaux Universitaires Est Parisien


Dermatoses neutrophiliques – – – – – – –

Pyoderma gangrenosum Syndrome de Sweet Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson Erythema elevatum diutinum Syndrome arthrocutané associé aux MICI Pyostomatite-pyodermatite végétante Abcès aseptiques


Dermatoses neutrophiliques •

Concept de dermatose neutrophilique +++ – Fréquence des formes de chevauchement – Association de lésions qui empruntent cliniquement à 2 voire 3 entités

Définition histologique – Infiltrat de PNN touchant le derme superficiel, profond, l’épiderme, voire des organes profonds – En l’absence de tout phénomène infectieux

Atteinte cutanée : dermatose neutrophilique – Atteinte possible des organes profonds : maladie neutrophilique – Atteinte hépatique, splénique, ganglionnaire, osseuse, pulmonaire…


Pyoderma gangrenosum • Clinique – Ulcère nécrotique avec bourrelet périphérique inflammatoire et clapiers purulents – 4 formes cliniques décrites : • • • •

Ulcérée : forme la plus classique Pustuleuse Bulleuse Végétante

– Unique, multiple – Localisation péristomiale chez les MICI – Pathergie :réponse exagérée aux traumatismes

– > Retentissement fonctionnel


Pyoderma gangrenosum • Pathologies sous-jacentes – MICI : Crohn et RCH (PG ulcéreux) – Gammapathies monoclonales (PG ulcéreux) – Syndromes myélo-prolifératifs et leucémies aiguës myéloides ( PG bulleux) – Pathologies rhumatismales : polyarthrite rhumatoire, spondylarthropathies – Pathologies systémiques: polychondrite atrophiante, Behçet, Takayasu, lupus érythémateux systémique… – Cancers solides (colon, vessie)


Ulcère aigu de la vulve


Ulcère aigu de la vulve


Ulcère aigu de la vulve


Pyoderma gangrenosum •

Anatomo-pathologie •

Ulcération mettant à nu le derme se prolongeant par une plage de nécrose tatouée par des polynucléaires neutrophiles, intéressant le derme superficiel et une partie du derme réticulaire

Images de pustules non spongiformes dans l’épiderme de part et d’autre de l’ulcération

Infiltrat inflammatoire à polynucléaires neutrophiles


Pyoderma gangrenosum • Epidémiologie – 2e manifestation après l’érythème noueux en terme de fréquence – 0,7 à 3 % des MICI, Crohn avec atteinte colique ou iléo-colique +++ – MICI : 1re étiologie des PG (20 à 30 % des cas) : MICI à rechercher systématiquement en cas de •PG associé à ATCD familiaux de MICI ou signes digestifs ou lésions aphtoïdes ou anopérinéales évocatrices de MICI •PG récidivant sans atteinte hémato ni rhumato

– Parfois inaugural – MICI le plus souvent en poussée (67 et 80% des cas dans 2 séries prospectives) mais peut être dissocié


Pyoderma gangrenosum • Cohorte prospective de 2400 patients • Pas de différence d’incidence du PG dans la MC et la RCH • Survenue chez 0,75% des patients (n = 18) • Pas d’association entre PG et agressivité de la MICI • PG associé à différents facteurs (multivarié): – sexe féminin, – origine africaine (p=0,003) – ATCD familiaux de colite ulcérée (p=0,0005) – pancolite comme manifestation initiale digestive (p=0,03) – érythème noueux (p<0,0001) – stomie permanente (même après exclusion des PG péri-stomiaux) (p=0,002) – atteinte oculaire (p=0,001) Farhi D et al. Medicine 2008


Pyoderma gangrenosum • Principes du TTT – Association de soins locaux + TTT immunosuppresseur topique et par voie générale. – TTT de la pathologie sous-jacente – Eviter toute chirurgie / mise à plat car risque d’aggravation éventuellement envisageable sous TTT immunosuppresseur par voie générale et en période de stabilisation du PG


Pyoderma gangrenosum • TTT immunosuppresseur topique – Dermocorticoïde de niveau IV: clobétasol Dermoval® crème – Dermocorticoides en intra-lésionnel – Tacrolimus Protopic® pommade 0,1% Littérature sur 10 ans : •44 cas de PG traités par PROTOPIC® soit 10 cas cliniques et 6 petites séries •36 guérisons sous PROTOPIC® dans délai de 2 à 8 semaines

– Pimecrolimus


Pyoderma gangrenosum • TTT immunosuppresseur par voie générale : TTT empirique – Corticothérapie par voie générale (grade B) • • • • •

Prednisone 0,5 à 1 mg/kg/j jusqu’à cicatrisation Bolus Methylprednisolone 1g/j 3-5 jours Efficacité rapide Décroissance et maintien à petite dose Problèmes possibles de corticodépendance et corticorésistance

– Ciclosporine 3 à 5 mg/kg/j (grade B) – Association Corticothérapie par voie générale + Ciclosporine (grade B) – Autres immunosuppresseurs (grade C): • • • •

Azathioprine Salazopyrine Dapsone Thalidomide (PG associé à Behçet)

– Associations +++

• • • •

Methotrexate Mycophenolate mofetil Tacrolimus IgIV Reichrath et al. J Am Acad Dermatol 2005


Pyoderma gangrenosum • TTT immunosuppresseur par voie générale – Anti-TNFalpha • 30 patients / essai contrôlé randomisé double aveugle puis ouvert • 13 sous infliximab 5mg/kg et 17 sous placebo • Evaluation à S2 avec taux de réponse à S2 : 46% et non-répondeurs mis en ouvert sous infliximab • Taux de réponse à S6: 69% (20/29) • Taux de rémission à S6: 21% (6/29)

Réponse

100%

P<0. 01

80% 60%

69%

46%

31%

40% 20% 0%

6% S2 (blind)

Brooklyn T et al. Gut 2006

S6 (open)

Éch Grade Bec


Pyoderma gangrenosum • TTT immunosuppresseur par voie générale – Anti-TNFalpha en première intention à discuter en fonction de la pathologie sousjacente +++ • Infliximab REMICADE® 5 mg/kg IV • Adalimumab HUMIRA® Schéma psoriasis : Induction 80 mg SC à S0, 40 mg à S1 puis 1 injection 40 mg / 2 semaines Nbx cas cliniques • Etanercept ENBREL® 1 injection SC de 50 mg/ sem Rapporté efficace dans PG mais inefficace sur la MC, voire aggravation

– Dans les cas résistants : association AntiTNF et Azathioprine/ MTX / Corticoïdes PO


Pyoderma gangrenosum • TTT pour PG réfractaires : thérapie ciblée anti-IL23 ? – 1 cas PG idiopathique chez F de 37 ans réfractaire à corticothérapie (50 mg/j) + tacrolimus topique 3 semaines ARNm, – Mise en évidence d’IL23 dans la lésion au niveau protéique (immunohistochimie) S0 – Efficacité de l’ustekinumab 45 mg en SC à S0 et S4. Guérison complète à S14.

S10

S14

Guenova et al. Arch Dermatol 2011

• Anti-IL12/IL23 p40 – 1 cas PG idiopathique réfractaire chez H de 47 ans et – Echec de ttt par : dermocorticoides topiques intralésionels, Prednisone 60mg/j, Ciclosporine 5 mg/kg/j, dapsone 100mg/j, azathioprine 100mg/j, MTX 10 mg/sem, adalumimab 40 mg/sem, infliximab 7 mg/kg/8 sem et golimumab 50 mg / mois. S0 – Efficacité de l’ustekinumab 90 mg en SC à S0 en association à Prednisone 50 mg/j et Dapsone 100 mg/j. Guérison complète à S22. Goldminz et al. J Am Acad Dermatol 2012

S22


Syndrome de Sweet (SS) • Clinique – Présentation classique – – – – – –

Plaques oedémateuses, lésions papuleuses bien limitées, mamelonnées Formes pustuleuses associées aux MICI Formes nécrotiques ou bulleuses associées aux hémopathies Fièvre (80 à 90% des cas), arthralgies HLPNN (2/3 des cas), Syndrome inflammatoire Histologie : infiltrat tissulaire PNN

– Le plus souvent, épisode unique avec guérison en 4-6 semaines Mais aussi formes récidivantes (30%)





Syndrome de Sweet (SS) • Pathologies sous-jacentes – Formes idiopathiques les plus fréquentes – Hémopathies malignes : • Leucémies aiguës surtout myéloblastiques +++ • Lymphomes, syndrome myélodysplasiques, myélome…

– MICI : Ass°à la RCH +++, également au Crohn • MICI le plus souvent en poussée • Formes révélatrices de la MICI • Rechercher une cause digestive après avoir éliminé une cause infectieuse

– Tumeurs solides : sein, vessie – Maladies systémiques: lupus, polyarthrite rhumatoide, Behçet, Gougerot-Sjögren – Infections : voies respiratoires, digestives – Formes médicamenteuses : G-CSF, Acide tout trans rétinoique, minocycline, AINS


Syndrome de Sweet TTT : • Première ligne – Corticothérapie par voie générale – Anti-TNFalpha chez les MICI / Rhumatismes inflammatoires

• Formes chroniques / modérées – – – –

Eviter les AINS ! chez les MICI Colchicine Disulone Lamprène

• Formes réfractaires – Anakinra – Anti-TNFalpha


Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson • Affection vésiculo-pustuleuse chronique – – – – – –

Exceptionnel : Femmes de plus de 40 ans Vésiculo-pustules de taille variable persistants Pustule à hypopion à base inflammatoire Tronc et grands plis Aucun signe d’accompagnement Evolution chronique, par poussées

Histologie – Pustule sous-cornée – IFD négative

Traitement – DAPSONE +++ efficacité +++ Test diagnostique


Ulcère aigu de la vulve


Erythema elevatum diutinum • Vascularite cutanée chronique – Hommes entre 40 et 60 ans – Papules et nodules persistants – Fermes, bien limités, rouge violacé – Faces d’extension des extrémités (doigts, mains) – Faces d’extension des articulations (coudes, genoux et chevilles, fesses) – Atteinte palmo-plantaire – Evolution vers fibrose ou xanthomisation

Histologie – Vascularite leucocytoclasique avec infiltrat neutrophilique – Présence de macrophages, histiocytes, éosinophiles en périvasculaire


Erythema elevatum diutinum • Associations – Hémopathies (plus de 40% des cas) : Gammapathie à IgA +++, myélome, myélopdysplasie – Infection VIH, hépatite B, hépatite C – Infections bactériennes – Maladies auto-immunes : polyarthrite rhumatoide, polychondrite chronique, maladie coeliaque…

• Traitement – Dapsone ++ – Pas de corticothérapie – Traitement de l’affection sous-jacente


Autres dermatoses neutrophiliques • Syndrome arthrocutané associé aux MICI Rare, plutôt associé à la RCH, aussi MC Évolution parallèle à la maladie digestive Eruption faite de pustules non folliculaires Constamment associée à des manifestations systémiques : fièvre, myalgies, arthralgies et arthrites périphériques – Histo : signes de pustulose sous-cornée, et SS – TTT : – – – –

• • • •

Traiter la MICI Corticothérapie par voie générale Dapsone, sulfasalazine, colchicine : efficacité variable ATB (fluoroquinolones, metronidazole) d’efficacité inconstante


Autres dermatoses neutrophiliques • Pyostomatite-pyodermite végétante – Rare, associée dans 75% des cas à une MICI, plutôt RCH – Touche davantage sexe masculin – Pustules de la muqueuse buccale qui par coalescence donnent un aspect en traces d’escargots – Rupture : érosions végétantes – Dans 50% des cas, ass° à des lésions cutanées pustuleuses et végétantes des grands plis axillaires et inguinaux et du scalp – Histo : pustules intra ou sous épithéliales, microabcès contenant PNN et Eosinophiles avec infiltrat inflammatoire dermique sous-jacent polymorphe – Hyperéosinophilie – TTT : corticothérapie par voie générale et immunosuppresseurs par voie systémique


Dermatoses neutrophiliques •

Folliculite aseptique – Similaire à celle observée dans la maladie de Behçet – Fréquente chez les patients atteints de MICI – Infiltrat à PNN infiltrant le follicule pileux et pouvant être responsable d’une nécrose suppurée


Formes extra-cutanées viscérales • Atteintes pulmonaires – Surtout au cours du Sweet

• Atteintes articulaires – Arthralgies au cours du Sweet ou pyoderma gangrenosum

• Atteintes osseuses – Ostéomyélites aseptiques ou de contiguité

• Atteintes intra-abdominales – Foie, Rate, ggl, pancréas


Abcès aseptiques • Entité rare associant – Abcès viscéraux spléniques +++, hépatiques, ganglionnaires, pancréatiques, cérébraux – Association à des abcès sous-cutanés – Fièvre, AEG, douleurs abdominales – Hyperleucocytose à PNN et infiltrat neutrophilique / Microbiologie négative – Terrain sous-jacent : MICI ou rhumatisme inflammatoire – Inefficacité des ATB et réponse spectaculaire à la corticothérapie


Histologie: PNN+++, rares cellules gĂŠantes, pas de granulome, PAS et Zielh nĂŠgatifs.



Abcès aseptiques Série de 30 cas d’abcès aseptiques

• – –

– – –

Age moyen 29 ans Abcès viscéraux aseptiques : spléniques +++ (93%), ganglionnaires (48%), hépatiques (40%), poumon (17%) pancréatiques, cérébraux Uni ou multifocaux Hyperleuco à PNN (70%) Association à 1 MICI d’activité modérée : 21 MICI dont 17 MC et 3 RCH MICI antérieure (7/21), concomitante (7/21), postérieure (7/21) TTT : corticothérapie par voie générale, MTX, azathioprine, cyclophosphamide, anti-TNFalpha, splénectomie (52%); Récidives : 60% des cas

André et al. Medicine 2007


Formes de chevauchement - H de 54 ans, RCH - dermatose neutrophilique de chevauchement avec lĂŠsions de pustulose aseptique et plaques de syndrome de Sweet


Thérapeutique • • • •

Topiques : dermocorticoides, tacrolimus topique Corticothérapie par voie générale Anti-TNFalpha Imurel, MTX

• Anti-IL12/IL23 p40 • Colchicine, Disulone


Conclusions  Spectre des dermatoses neutrophiliques avec fréquence des formes de chevauchement  Formes extra-cutanées : maladie neutrophilique  Pathologies inflammatoires ou tumorales sous-jacentes  A prendre en compte lors de la prise en charge générale de la pathologie sous-jacente :  Peuvent être révélatrices d’une poussée de la maladie sous-jacente  Peuvent faire le pronostic de la maladie


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