La négo pour les nuls

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As-tu négocié ton contrat ? Cette question vous file la chair de poule, votre cerveau devient moite ? Pas de panique, ce guide est fait pour vous.

Ce document se base sur des situations concrètes et des témoignages d’illustrateurs, pour vous permettre de réagir aux problématiques les plus courantes. Il vous aidera à repérer les points essentiels de vos contrats, vous donnera les clefs pour évaluer si les propositions qui vous sont faites sont correctes. Et face aux éditeurs, vous guidera pour trouver quels mots, quels arguments utiliser.


Sommaire PAGE 4

Les enjeux de la négociation PAGE 6

L’art de la négociation, comment être crédible ? PAGE 8 • 14 mauvaises raisons pour ne pas négocier PAGE 12

Je reçois une proposition, je fais quoi ? PAGE 14 • Négocier son avance de droits (à-valoir) PAGE 18 • Négocier son pourcentage PAGE 21 • Négocier son contrat PAGE 22

Les points essentiels du contrat PAGE PAGE PAGE PAGE PAGE PAGE PAGE PAGE PAGE

23 • Les temps de rémunération, les mises à jour 24 • La clause de préférence ou clause de non-concurence 25 • Les droits préférentiels, les comptes et paiements ou redditions de comptes, les frais de négociation de cession et de coédition 26 • La provision sur retour, les redditions de comptes 27 • Les droits dérivés ou secondaires : l’édition de poche, les éditions de luxe/club, les ventes à l’étranger 28 • Les autres cessions de droits dérivés : exploitation par l’éditeur principal, exploitation par un tiers 29 • Zoom sur les traductions 30 • Les coéditions ou coproductions en langues étrangères 32 • Le numérique PAGE 36

Les autres types de contrat PAGE 36 •  Le contrat d’adaptation audiovisuelle PAGE 38 • Les lettres de commande ou contrats concernés par la rémunération au forfait PAGE 39   • L’édition scolaire et parascolaire, les jeux, les couvertures PAGE 40 • Les commandes hors édition (agences de com, institutions, associations, particuliers…)  PAGE 41 • Conclusion sur les négociations de contrats PAGE 42

Guide de survie face aux arguments des éditeurs PAGE 50

Les adresses utiles 3


Les enjeux de la négociation Je ne sais pas faire !

Je suis nul en négociation, ce n’est pas mon métier...

Je ne me sens pas assez pro pour me permettre d'être si pointilleux !

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L E S E N J EU X DE L A N ÉGOCIATION

Négocier c’est ... ... banal, il faut désacraliser la négociation. Les éditeurs ont l’habitude de répondre aux questions des illustrateurs, de parler des contrats avec eux. La négociation fait partie de leur quotidien.

... être à l’écoute de l’autre, partager des points de vue et conserver des bonnes relations.

... addictif. Cela ne prend pas forcément beaucoup de temps. Un aller-retour par mail, suffit souvent à augmenter une avance, ou un pourcentage. Quand vous obtiendrez une augmentation de votre avance sur droits de 100, 500 ou 1500 euros, vous aurez envie de recommencer. Vous gagnerez de la confiance en vous. Dans la majorité des cas, la négociation vous permet d’obtenir toujours un peu plus. Même lorsque les conditions de départ vous paraissent correctes, négociez à la hausse, car vous avez souvent tendance à sous-estimer la valeur de votre travail, le temps et les charges qu’il repésente. Vous avez un savoir-faire précieux, vous méritez d’être payé en conséquence.

... défendre

et valoriser son travail. L’éditeur refusera certaines de vos conditions, mais ça ne veut pas dire qu’il ne voudra plus travailler avec vous. Il vous considérera avec plus de respect que si vous acceptiez de bosser à n’importe quel prix/conditions…

... un investissement sur le long terme. Le temps passé à négocier votre contrat, vous en apprécierez à plusieurs reprises les bénéfices. Immédiatement, en recevant votre à-valoir. Les années suivantes, en touchant des droits d’auteur.

Le fait de négocier ne m’a jamais grillée auprès d’un éditeur. Je le fais systématiquement !1

En négociant, vous êtes gagnant à 3 niveaux : • Vous adoptez une attitude professionnelle, vous êtes respecté. • Vous gagnez de la confiance en vous. • Vous gagnez plus d’argent.

1. Toutes les citations d’illustrateurs dans le document ont été recueillies à l’occasion de l’envoi d’un questionnaire anonyme adressé aux adhérents du Grill (association d’illustrateurs dissoute en avril 2014).

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L’art de la négociation, comment être crédible   On me parle de façon infantilisante, ça me déstabilise. Sur ce point, je ne suis pas d’accord.

Je ne sais pas formuler les clauses du contrat, faute de connaître les termes juridiques.

D’après mon expérience ...

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L’ A RT D E L A N É GO C IATION , COMMEN T ÊTRE CRÉDIB L E

Adopter la bonne attitude • Il est possible de demander les choses fermement, tout en restant cordial et agréable. Ne soyez ni trop familier (gardez une distance professionnelle), ni trop sur vos gardes ou agressif (restez à l’écoute de votre interlocuteur). • Restez sûr de vous, du moins essayez de ne pas montrer que vous êtes tendu (souriez en parlant par exemple, et surtout faites ressentir que pour vous, la discussion est absolument normale).

Se préparer • Prenez du temps pour lire votre contrat pour le comprendre. • Renseignez-vous auprès d’auteurs expérimentés. • Faites-vous expliquer les points que vous ne maîtrisez pas. • Préparez soigneusement vos arguments par écrit ainsi que vos questions à l’éditeur sur les points qui ne sont pas clairs. Plus vous serez sûr de vous et de ce dont vous parlez, plus vous aurez l’air crédible, et moins on vous contredira.

D’après mon expérience ...

Je ne vois pas les choses de cette façon.

N’hésitez pas à utiliser les formules suivantes :

J’ai plutôt l’habitude de ...

La réalité est tout à fait différente de mon point de vue. Sur ce point, je ne suis pas d’accord.

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L’ A RT D E L A N É GO C IATION , COMMEN T ÊTRE CRÉDIB L E

14 mauvaises raisons pour ne pas négocier

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J’ai peur que l’éditeur stoppe tout et de passer à côté d’un projet très chouette.

On me donne l’impression que j’abuse.

• Un interlocuteur honnête sait reconnaitre des demandes sensées même s'il ne peut pas toujours y accéder. • Donner l’impression que vous abusez est une forme d’intimidation : faites savoir que vos demandes sont parfaitement normales, ne vous laissez pas déstabiliser.

• L’éditeur fait appel à vous parce qu’il vous a choisi. Il ne va pas tout stopper parce que vous souhaitez discuter des conditions. • Négociez donc sans crainte, l’éditeur vous dira à quel moment il ne peut plus accéder à vos demandes. Vous aurez alors le choix d’accepter ou non les conditions proposées. “Ce que vous me proposez est en-deçà des conditions que j’accepte habituellement, si vous ne pouvez vraiment pas me proposer mieux, sachez qu’à l’avenir, il faudra revoir les conditions à la hausse.”

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J’ai peur que les échanges deviennent agressifs.

• Si votre interlocuteur a l’air agacé par vos remarques, vos propositions : dites-vous qu’il fait juste son boulot. Vous faites le vôtre et cela fait partie du jeu. • S'il est agressif : c’est la seule arme qu’il a trouvée pour vous faire fléchir. Ce n’est pas bon signe sur la valeur de ses arguments. Il faut peut-être penser à passer votre chemin. • Les rôles peuvent s’inverser, à vous de le rassurer et de pondérer ses propos.

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L’ A RT D E L A N É GO C IATION , COMMEN T ÊTRE CRÉDIB L E

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J’ai l’impression que mon interlocuteur “noie le poisson”.

Je crains d’installer une mauvaise ambiance dès le début.

• N’hésitez pas à ramener autant de fois que nécessaire l’interlocuteur sur l’objet de votre discussion : ce sera moins fatigant et surtout, vous éviterez de vous perdre dans votre argumentation.

• Ne soyez pas parano, un illustrateur qui défend ses droits peut être très sympa. • Rappelez-vous, la négociation fait partie de votre métier, comme de celui de l’éditeur. Vous pensez être casse-pieds ? Vous agissez juste comme un professionnel, comme lui. Adoptez simplement le bon ton.

“Excusez-moi de vous interrompre mais j’ai l’impression qu’on s’éloigne du sujet.” “Revenons svp à ce qui nous concerne aujourd’hui.”

• Visez la bonne personne : n’impliquez pas l’interlocuteur en le rendant responsable des mauvaises conditions proposées par sa boîte. Ne dites pas : “Les conditions que vous me proposez”, mais dites “les conditions que les éditions Machin me proposent.” C’est plus juste et ça paraît moins agressif.

“Ça n’est pas mon problème malheureusement /C’est un autre problème.”

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On me parle de façon infantilisante, ça me déstabilise.

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• Ne vous laissez pas démonter, faites valoir votre expérience. Veillez à garder une attitude professionnelle (voix posée, etc.) • Si vous débutez, vous savez bien qu’il y a des conditions en-dessous desquelles il n’est pas possible de vivre décemment de son travail. Cela restera toujours un bon argument.

Je crains à l’avenir de ne plus avoir de collaborations avec l’éditeur.

• Si le contrat est signé avec les modifications que vous vouliez, c’est que l’éditeur pouvait se le permettre. S’il ne pouvait plus se le permettre, il en discuterait avec vous avant de commencer la collaboration suivante.

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L’ A RT D E L A N É GO C IATION , COMMEN T ÊTRE CRÉDIB L E

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J’ai peur que tout s’arrête avec un éditeur avec qui je bosse souvent et dont je dépends financièrement.

• Ne craignez pas un rejet de votre interlocuteur avant même que la négociation n’ait commencé. Le fait que vous négociez ne fera pas fuir votre éditeur ! • S’il ne peut pas vous proposer de meilleures conditions, il vous le dira et vous aurez alors le choix d’accepter ou non.

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Je ne sais pas formuler les clauses du contrat, faute de connaître les termes juridiques.

• Pendant la négociation, vous n’avez pas besoin de savoir parler juridique, exposez vos envies avec vos mots. Par exemple : “Je ne souhaite pas céder mes droits pour tout, et pour toute la vie" "Je ne souhaite pas que vous puissiez librement détruire mon livre dès sa parution...” Il n’y a pas de complexes à avoir, vous êtes illustrateur, pas juriste. Des personnes compétentes au sein de la maison d’édition pourront réécrire le contrat correctement et vous le soumettre à relecture ensuite. • Si la maison d’édition ne met aucune bonne volonté, et que vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas à faire appel à des associations d’illustrateurs2 pour avoir l’avis d’un avocat. Il pourra vous aider à trouver les mots.

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Traiter de problèmes juridiques et administratifs avec le directeur artistique me met mal à l’aise.

• Les directeurs artistiques sont comme vous, ils sont plus à l’aise sur la phase créative ! En général, ils sont plutôt sensibles à vos arguments. • Toutefois évitez de mettre trop d’affect dans la relation. Il s’agit d’une relation professionnelle. Rassurez-vous, quand la phase négociation sera terminée, vous passerez tout deux à autre chose. • Si cela crée vraiment un malaise, vous pouvez demander un autre interlocuteur. C’est parfois même le DA qui le propose. Le service juridique peut vous expliquer les contrats, mais c’est le directeur éditorial ou l’éditeur qui pourra accéder ou non à vos demandes. 2. Voir liens page 50

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L’ A RT D E L A N É GO C IATION , COMMEN T ÊTRE CRÉDIB L E

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J’ai peur qu’en étant maladroitE sur la négociation, je manque de crédibilité lors de la phase créative.

J’ai peur de ne pas réussir à trouver un compromis, et donc j’abandonne trop vite la négociation.

• Tenez bon ! Dites par exemple : “je tiens à ces conditions, voyez ce que vous pouvez obtenir et on en reparle.” Tant qu’on ne vous a pas dit non, c’est qu’il y a une marge de négociation. • Un non sur un point ne veut pas dire qu’on ne peut pas en négocier un autre.

• Que vous ayez obtenu satisfaction ou pas dans la phase de négociation, vous êtes gagnant. Vous avez essayé, vous avez défendu vos droits. Vos remarques ont été entendues. À force, cela portera peut-être ses fruits. Ne vous sentez pas affaibli. • En phase créative, vous êtes sur votre terrain, on vous fait confiance, pas de soucis !! Si vous mettez de l’énergie à défendre vos droits, cela prouve aussi l’enthousiasme qui vous anime et votre implication personnelle.

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J’ai peur de négocier alors que le travail est commencé.

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Je signe le contrat pour ne pas retarder l’échéance de mon paiement car j’ai besoin d’argent.

• Le mieux est de ne pas commencer un travail tant que le contrat n’est pas signé. Mais si vous êtes dans cette situation, sachez qu’il y a peu de chances que l’éditeur vous retire le projet. Ce n’est vraiment pas dans son interêt car il a un planning à respecter. Au contraire, il a tout interêt à trouver un terrain d’entente rapidement. • Si finalement, il stoppe votre collaboration, il devra de toute façon vous payer pour le travail engagé.

• Demandez le contrat le plus tôt possible. Prenez le temps de le lire, ne signez pas n’importe quoi. • Négociez au moins l’avance et les pourcentages, souvent ça ne prend pas plus que le temps d’un aller-retour par mail. Ne passez pas à côté. C’est quand même pour gagner plus d’argent, justement…

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Je reçois une proposition, je fais quoi ? Je ne comprend pas l’article 4.5.1. Concrètement, ça veut dire quoi ?

Votre proposition m’intéresse, mais le forfait que vous proposez est trop juste.

J’aimerais faire ce travail le mieux possible, pour cela j’ai besoin de temps (et la rémunération qui va avec).

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

Au téléphone • Écouter de façon neutre • Ne jamais dire oui tout de suite • Demander toutes les informations nécessaires pour étudier la proposition et demander qu’on vous envoie un mail récapitulatif (description du projet, nombre d’illustrations, montant de l’avance, pourcentages, délais, format, etc.)

Les échanges de mails Avez-vous toutes les informations nécessaires pour étudier cette proposition ?

• Étudier la proposition à tête reposée.

• Demandez des informations complètes (délais, nombres d’illustrations, prix du livre, nombre du tirage, avance, droits, format...) • Demandez le contrat en pdf pour pouvoir l’étudier. • Définissez très clairement avec votre interlocuteur le nombre de pages, d’illustrations, de cabochons, n’oubliez pas la couverture.

Avant l’envoi du contrat Vous devez avoir négocié : • l’avance sur droits • le pourcentage principal ou le forfait

• le délai • le cas échéant, la rémunération de l’essai

À propos des essais Un client devrait pouvoir se fier à votre portfolio pour voir si vous correspondez à sa recherche. Attention donc à ne pas participer à des essais gratuitement. Si on vous en demande, dites à la personne qui vous fait cette proposition que vous êtes étonné et qu’elle peut se fier à votre portfolio. C’est d’ailleurs ce qui l’a amenée à vous contacter. Si jamais un essai est vraiment nécessaire, dites que vous facturerez ces essais à tel tarif si vous n’étiez pas retenu. Envoyez un devis à faire signer avec la mention “bon pour accord”.

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

Négocier son avance sur droit (ou à-valoir) À ce stade, vous ne devez pas avoir accepté de faire le projet. Tous les conseils listés dans la partie suivante (rémunération, contrats) vous aident à savoir ce que vous pouvez demander. Ce sont vos objectifs. Si vous n’obtenez pas gain de cause pour tout, ne culpabilisez pas, l’important c’est d’es-say-er ! “Votre proposition m’intéresse, mais le forfait que vous proposez est trop juste.”

Par exemple On vous propose 2000 € pour 10 doubles-pages + couverture: ça fait 190 € la double-page et 95 € la couv (si on considère qu’une couv est une page simple). Vous pouvez répondre :

• Rappelez que l’avance est un minimum garanti qui permet d’être rémunéré pour son temps de création. Il faut donc que cette somme soit décente et vous permette de vivre. L’avance qu’on vous propose vous paraît acceptable ? Vous avez l’impression que c’est la norme ? Que c’est rare d’avoir plus ? Mettez tous ces préjugés de côté, ils ne sont pas rationnels, ne reposent sur rien. Concentrez-vous sur le concret : le temps que ça va vous prendre, la qualité de votre savoir-faire, etc.

“Le tarif à la page est quand même trop faible, sachant que je vais passer X jours en moyenne par image. J’ai plutôt l’habitude de facturer 250 euros par double-page, il faut aussi compter la couv : 125 euros (et éventuellement cabochons, pages de garde)”

• Parlez de votre temps de travail, décrivez le temps passé par image : documentation, réflexion, crayonnés, encrage, scannage, nettoyage de l’image, colorisation, tout inclus.

Au total, vous demandez donc 700 € de plus. Vous avez des chances d’obtenir ce que vous demandez, ou alors l’éditeur coupera la poire en deux en vous proposant, par exemple, 2400 €.

• Calculez combien vous seriez payé à la page ou à l’illustration avec la proposition qu’on vous fait. Sans oublier l’illustration de couverture et les gardes. Un bon truc est de demander une augmentation du tarif par page ou double-page. C’est plus facile de formuler une augmentation de 50 € par page que 500 € sur le forfait global (la pilule passe mieux, car on comprend à quoi correspond l’augmentation).

Ceci est un exemple, mais il n’est pas aberrant de demander plus de 300 ou 400 € la double page, voire plus, il n’y pas de règle ! Votre temps de travail, la qualité ou la complexité de vos illustrations et votre expérience comptent.

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

À votre éditeur : “j’ai besoin de 3 jours par double-page. En tout, ça me prendra tant de temps.” Votre éditeur ne bosse pas les week-ends, vous non plus (ou alors ça coûte bien plus cher !).

• Proposez systématiquement plus que ce que vous visez. L’éditeur coupe souvent la poire en deux. Par exemple, si on vous propose 2000 et que vous voulez 2500, demandez 3000. C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à y aller franchement sur les tarifs à la page pour pousser l’éditeur au maximum de son budget. On se dévalorise trop souvent, surtout lorsqu’on débute. L’éditeur a souvent plus de marge qu’on imagine. Votre credo : qui ne tente rien, n’a rien.

• Démontrez que le rapport temps de travail/ rémunération qu’on vous propose ne permet pas de vivre décemment de votre travail. D’autant plus que vous devez payer avec ce montant : vos charges (atelier, fournitures, matériel informatique, etc.), vos cotisations sociales, vos congés, votre complémentaire obligatoire et une épargne pour prévenir l’inactivité, bref tout ce qui est déduit de la paie d’un salarié, vous, vous devez le déduire de votre rétribution. Au final, votre revenu net peut être très faible.

• Rappelez-vous qu’il y a 22 jours ouvrés en moyenne par mois. Par exemple, si chaque image vous prend une journée, 30 images ne se font pas en un mois, mais presque en un mois et demi.

La réalité des charges d’un illustrateur Exemple 1 Rémunération moyenne brute par mois : 900 € Auteur Agessa, non affilié.

Exemple 2 Rémunération moyenne brute par mois : 2000 € Auteur Agessa affilié.

59 € de charges sociales* 130 € lieu de travail (atelier, internet, edf...) 80 € fournitures (papier, pinceaux et/ou coût du matériel informatique lissé sur 3 ans) 20 € complémentaire retraite obligatoire (en classe spéciale)

233 € de charges sociales* 130 € lieu de travail (atelier, internet, edf...) 80 € fournitures (papier, pinceaux et/ou coût du matériel informatique lissé sur 3 ans) 73 € complémentaire retraite obligatoire (en classe B)

Total : 289 €, soit 32% de charges soit

Total : 516 €, soit 26% de charges soit

une rémunération “nette” de 611 €. Une épargne est à constituer en plus pour pouvoir s’octroyer des congés et une réserve en cas d’inactivité.

une rémunération “nette” de 1484 €. Une épargne est à constituer en plus pour pouvoir s’octroyer des congés et une réserve en cas d’inactivité.

* À l’Agessa, le taux des cotisations est de 16,15% du bénéfice majoré de 15%. Les contributions CSG et CRDS ne sont dues que sur 98,25% du brut H.T. Les affiliés cotisent en plus pour l’assurance vieillesse. Voir la calculatrice des charges sociales sur : freelancer-app.fr/fiches-pratiques/mda-agessa/calculatrice-charges-sociales

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

• Si on vous répond qu’il est impossible d’augmenter l’avance, vous pouvez proposer de réduire le nombre d’illustrations ou d’adopter une technique plus rapide pour

Le cas de la presse Généralement, les forfaits proposés en presse, jeunesse ou adulte, ne sont pas négociables. Avant d’accepter une commande, vérifiez si la proposition financière est rentable par rapport à votre temps de travail.

rentrer dans le budget. • Si une fois les négociations bouclées, des illustrations supplémentaires vous sont demandées au fil de la commande, rappelez à votre interlocuteur le tarif que vous pratiquez par image et assurez-vous que la maison d’édition a la possibilité de revoir son avance en conséquence.

À VOS CALCULETTES Estimez vos droits d’auteur et le recouvrement de votre avance en fonction du tirage et du prix du livre. Nbre d’exemplaires du 1er tirage x Prix du livre hors taxe x Pourcentage (3% = 0,03, 6% = 0,06) Demandez à votre éditeur le tirage et le prix du livre. EXEMPLE 1

EXEMPLE 2

EXEMPLE 3

avance : 1200 €

avance : 2500 €

avance : 2500 €

tirage : 6000 exemplaires

tirage : 7000 exemplaires

tirage : 10000 exemplaires

Prix du livre : 6,90 € TTC

Prix du livre : 7,50 € TTC

Prix du livre : 14,50€€ TTC

Je calcule le prix hors taxe du livre, (la TVA du livre en France étant de 5,5%) :

Je calcule le prix hors taxe du livre, (la TVA du livre en France étant de 5,5%) :

Je calcule le prix hors taxe du livre, (la TVA du livre en France étant de 5,5%) :

6,90 - (6,90 x 0,055) = 6,90 - 0,38 = 6,52 €

7,5 - (7,5 x 0,055) = 7,5 - 0,412 = 7,09 €

14,5 - (14,5 x 0,055) = 14,5 - 0,80 = 13,70 €

TVA

TVA

TVA

Je multiplie le prix du livre HT par mon pourcentage (par exemple de 3%), multiplié par le nombre d’exemplaires :

Je multiplie le prix du livre HT par mon pourcentage (par exemple de 3%), multiplié par le nombre d’exemplaires :

Ensuite je multiplie le prix du livre HT par mon pourcentage (par exemple de 3%), multiplié par le nombre d’exemplaires :

6,52 x 0,03 x 6000 = 1173 €

7,09 x 0,03 x 7000 = 1488 €

13,70 x 0,03 x 10000 = 4123,73 €

L’avance ne sera comblée que si l’éditeur procède à un second tirage. J’aurai dû négocier une meilleure avance, par rapport au temps que j’y ai passé.

L’avance ne sera comblée que si l’éditeur procède à un second tirage. Heureusement, mon avance a couvert mon temps de travail.

L’avance sera comblée dès le 1er tirage. Si les 10000 exemplaires sont vendus, je toucherais 1623,73 € en plus de mon avance de 2500 €.

CONCLUSION

Plus le prix du livre et le tirage sont importants, plus vite l’avance est comblée par les ventes. Mais puisqu’on ne peut pas prévoir le succès d’un livre, ni prévoir que tous les exemplaires du premier tirage soient vendus, l’avance reste la seule garantie d’une rémunération pour le temps de travail effectué.

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

Pour des images de la qualité de mon portfolio, il me faut du temps, et donc une rémunération en conséquence.

Ce n’est pas le tarif minimum pour ce type d’illustration, ce tarif-là serait plus adéquat.

Certifiés authentiques et pratiqués, les arguments des illustrateurs

Je facture habituellement plus que ce que vous me proposez : xxx euros la page, c’est le tarif qui me permet de m’y retrouver.

Cet a-valoir ne me permet pas de vous garantir un travail de qualité. Pour ce tarif-là, je vais devoir travailler bien plus vite, c’est dommage : ni vous, ni moi n’aimerions que le travail soit bâclé.

J’aimerais faire ce travail le mieux possible, pour cela j’ai besoin de temps (et la rémunération qui va avec).

Compte tenu des délais très courts, je vais devoir travailler plus tard et plus vite, vous devez faire un effort si j’en fais un.

témoignages Assez facile de négocier ce point. Ils proposent systématiquement en dessous de ce qu’ils peuvent ! Il faut négocier même si le montant paraît honnête…

Récemment, on m’a proposé 1000 euros , j’ai obtenu 1800 euros. Une autre fois, on est passé de 2500 euros à 3050 euros.

Très souvent j’arrive à augmenter l’avance. Parfois cela passe du simple au double !

Un éditeur m’a proposé 1200 euros d’à-valoir pour un projet, et après mon refus lui expliquant que je ne travaille pas à ces tarifs-là, il est monté à 1800 euros comme par magie.

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

Négocier son pourcentage principal Pour rappel, le % minimum accordé en édition jeunesse pour un auteur/illustrateur est de 6% (=3% pour l’illustrateur). Insistez pour obtenir ce minimum. Le maximum dépasse rarement les 8%. En BD, 10% est le minimum. Votre argument chic et choc : C’est l’usage et vous n’avez jamais signé en dessous de ce pourcentage. Quand il n'y a pas d'auteur (reprises de contes, comptines…) ou que le texte est rédigé en interne, soulignez que la partie illustration est ultra majoritaire et demandez un pourcentage plus élevé.

Les ouvrages collectifs Dans le cas des ouvrages collectifs, demandez le taux global (qui doit toujours être de 6% minimum auteur+illustrateur ou 3% minimum pour l’illustration) et le nombre de contributeurs. Même s’il y a beaucoup d’illustrateurs, il est tout à fait possible d’obtenir un %. Certains éditeurs le proposent systématiquement, même lorsqu’il y a une dizaine de contributeurs à l’ouvrage (du coup le % est tout petit, donc négociez bien votre à-valoir).

Pour un projet d’album-objet dont le concept venait de l’éditeur mais dans lequel il n’y avait pas du tout de texte, j’ai réussi à obtenir 5% pour mes illustrations.

L’intérêt d’augmenter le pourcentage : la preuve par les chiffres Faites un calcul PVHT x le pourcentage (%) x 1er tirage avec un pourcentage supérieur. • Nous avons vu dans l’encart "À VOS CALCULETTES" page 16, dans l’exemple 1, un livre édité à 6000 exemplaires et dont le prix est 6,90 €. 6,52 (prix du livre hors TVA) x 0,03 (pourcentage) x 6000 (nbre d’ex.) = 1173 € € • Vous pouvez vous rendre compte que si vous négociez d’un demi-point votre pourcentage (3,5%) : 6,52 x 0,035 x 6000 = 1369 € € La différence est de 196 €. Ce n’est pas un énorme effort pour l’éditeur, mais c'est toujours un plus à gagner pour vous. En négociant votre pourcentage sur tous vos contrats, vous cummulerez ces petits bénéfices, ne vous en privez pas ! De plus, souvenez-vous dans l’exemple, votre avance de droits d’auteur était de 1200 €, si tous les livres sont vendus, l’avance est donc comblée et vous commmencez à toucher des droits d’auteur.

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

Certifiés authentiques et pratiqués, les arguments des illustrateurs

Demandez en plus des pourcentages progressifs C’est quoi ? C’est une clause qui permet d’augmenter votre pourcentage quand le livre dépasse un certain nombre de ventes. Le but est la juste répartition des bénéfices entre auteur et éditeur en cas de succès de votre livre. En général, le pourcentage augmente lorsque le premier tirage du livre a été couvert (demandez donc le nombre d’exemplaires prévus au premier tirage, ce sera votre premier palier). À ce stade, on peut considérer que l’éditeur est à peu près sûr de rentrer dans ses frais (il n’y a plus d’avance à donner aux auteurs. Seul le coup de fabrication du livre est à prévoir). Il n’y a plus aucune raison dans ces conditions de se contenter d’un droit d’auteur minimum.

Vu que l’illustration est ultra majoritaire dans ce projet et que vous n’avez pas d’auteur à rémunérer, je ne peux pas me contenter de 3%

Je ne signe jamais en-dessous de 3,5%, franchement 7% pour la part auteur, c’est un minimum.

Exemple : ­− 3% jusqu’au 5000ème exemplaire ­− 4% du 5001ème au 8000ème ­− 5% au delà Que 3% soit d’usage n’est pas une raison qui vaille. L’accepter comme une norme a pour effet de niveler vers le bas les conditions de travail de tous les illustrateurs.

• Si on refuse d’augmenter votre pourcentage principal, insistez pour obtenir des % progressifs. Si vous ne pouvez vraiment pas m’accorder un meilleur pourcentage dans l’immédiat, je veux au moins des droits d’auteurs progressifs.

Je souhaite des droits progressifs pour que la maison d’édition Machin et moi-même soyons tous les deux gagnants en cas d’un succès public du livre.

Cela dit, ne pensez pas que les droits progressifs n’existent que pour compenser un mauvais pourcentage, on peut obtenir un meilleur pourcentage principal ET des pourcentages progressifs.

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

Le cas des romans de poche illustrés Pour les romans illustrés, souvent, l’éditeur considère que la partie texte/auteur est majeure et donc dans la pratique, la part proposée à illustrateur n’est souvent que de 1 ou 2%. Ce taux est discutable par rapport au travail souvent conséquent fourni par l’illustrateur et par rapport au coût de fabrication d’un roman (moindre que les albums jeunesse cartonnés). Qu’est-ce que je négocie ? • La première chose à faire, c’est de poser des questions à votre éditeur. Pourquoi vous propose-t-on un taux si faible ? Qu’est-ce qui le justifie ? Renseignez-vous en même temps sur l’enveloppe globale auteur/illustrateur.

(car vos illustrations représentent souvent plus d’un quart du livre). Malheureusement, en livre poche, les taux sont difficiles à négocier, les éditeurs se montrent souvent intransigeants. Ne culpabilisez pas si vos négociations n’aboutissent pas. Mais “qui ne dit mot consent”… Le minimum est de faire entendre votre voix, de défendre notre métier et de pointer un mauvais usage. Encore une fois, on a rien à perdre à demander, vous parviendrez peut-être tout de même à augmenter votre %. Quoi qu’il en soit, vous aurez le choix de refuser ou d’accepter le projet, mais c’est légitime que l’éditeur ait entendu vos arguments.

• Ensuite, selon les arguments de l’éditeur, rappelez-vous que cette enveloppe auteur/ illustrateur doit être de 6% minimum (dans la littérature générale, l’enveloppe auteur se situe autour de 10% pour les romans !!) • Comptez le nombre de pages illustrées par rapport au nombre global de pages, et estimez la proportion (un quart ? un tiers ?). Vous verrez que si on ne vous propose que 1%, le partage est peut-être disproportioné

Un pourcentage sur quelle base ? L’assiette de rémunération est la base sur laquelle votre pourcentage est assis. Il est donc important de déterminer quelle est cette assiette : le prix de vente public hors taxe (PVPHT), les recettes, le chiffre d’affaire ? Quel que soit le secteur dans lequel vous effectuez une commande (édition, décoration, prêt-à-porter, etc.), privilégiez toujours d’asseoir vos droits d’auteur sur le prix de vente public hors taxe. C’est le mode de calcul le plus transparent. On comprend de quoi il s’agit, il n’y a pas de frais déduit. En édition, l’usage est généralement d’asseoir le pourcentage sur le prix de vente du livre hors taxe (les taxes étant la TVA réduite à 5,5%). Mais pour certains droits dérivés, lorsqu’il est impossible de déterminer un prix de vente public, le pourcentage peut être assis sur les recettes ou le chiffre d’affaire. Dans ce cas, le pourcentage doit être supérieur au droit principal car cette assiette est beaucoup plus faible. En général 50% pour un auteur-illustrateur ou 25% pour un illustrateur. De plus, demandez ce qui est entendu par votre éditeur par recette ou chiffre d’affaire, et veillez à ce que cela n’induise pas la déduction de plusieurs frais qui affaibliraient votre assiette de façon notoire.

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J E REÇ OIS U N E PROPOSITION , JE FA IS QU OI ?

Négocier son contrat Je ne comprends rien à mon contrat. Je n’ai pas le temps de lire mon contrat.

Insistez pour obtenir votre contrat au plus vite. Demandez une version numérique pour l’étudier. Oui, un contrat c’est compliqué et ça prend du temps à analyser. Le lire, c’est impératif, on ne discute pas là-dessus ! Plus vous vous y plongerez, plus vous vous familiariserez et plus vous aurez d’assurance et d’arguments face à votre interlocuteur. • Ayez de bonnes lectures comme “Le contrat d’édition” publié par le Conseil Permanent des Écrivains. Ainsi que les plaquettes téléchargeables sur le site de la Charte des auteurs et illustrateurs (“Le contrat al dente”, “Le contrat dont vous êtes le héros”)6.

• Prenez de quoi noter : crayon de papier, Post-it... Et listez les infos importantes, comme votre rémunération (taux principal, taux sur les droits dérivés, etc). Ça vous permettra d’y voir plus clair. Ensuite, soulignez et notez tout ce que vous ne comprenez pas. Maintenant, il ne vous reste plus qu’à vous le faire expliquer. Vous pouvez déjà en parler avec vos collègues illustrateurs.

• Googlisez : en cherchant bien, on trouve des réponses.

• Comparer vos contrats permet de les mettre en perspective. Ensuite, vous avez le droit de poser des questions à votre éditeur et c’est son devoir d’y répondre.

Je ne comprend pas l’article 4.5.1. Concrètement, ça veut dire quoi ?

• N’ayez pas honte de poser les questions de façon basique, tout le monde sait que vous n’êtes pas juriste.

En cas de traduction, ça veut dire que je vais toucher combien sur un livre ?

• Posez vos questions sur le forum de la Charte3. Assistez aux formations proposées qui vous aident à décrypter un contrat4. Il y a aussi des groupes sur Facebook comme “Je suis auteur/artiste/dessinateur/créateur et j’ai mal au cul” sur lesquels vous pouvez poser des questions5.

3. www.forum.la-charte.fr (Il faut être adhérent à la Charte pour participer au forum.) 4. www.afdas.com 5. www.facebook.com/groups/jaimalaucul 6. la-charte.fr/le-metier/publications/article/brochures-à-télécharger

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Les points essentiels du contrat

POurriez-vous m'expliquer la clause de l'article 2. 1. a) ?

Les conditions de rémunération me conviennent, néanmoins je voudrais qu'on revoit quelques points du contrat avant de le signer définitivement.

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT

Vous avez épluché votre contrat, il est maintenant temps de le négocier. Pour vous aider, comparez-le avec les contrats que vous avez déjà signés. Ce que vous avez déjà obtenu dans un contrat, vous pouvez l’obtenir dans un autre. En plus, c’est instructif : vous vous rendrez compte que les différences peuvent être énormes d’un éditeur à un autre. Pensez à faire un “best-of”, avec les meilleures conditions proposées parmi l’ensemble de vos contrats.

• Les temps de rémunération

• Les mises à jour C’est quoi ? “À la demande de l’éditeur, l’auteur apportera sans rémunération complémentaire toute mise à jour et/ou correction nécessaire.” Cette clause présente sur certains contrats n’est pas adaptée à notre travail. Il est bien évident que tout travail non prévu initialement sur le contrat mérite une rémunération supplémentaire.

C’est quoi ? Le moment où vous serez payé. Ils peuvent être : à signature, à la remise des crayonnés, à la remise des illustrations, à parution. Qu’est-ce que je négocie ? Le mieux, c’est de diviser le versement de l’avance en deux temps : de préférence à la remise des crayonnés ou à la signature du contrat, puis à la remise des fichiers. Évitez les temps de rémunération à parution, une avance, c’est fait pour que vous puissiez vivre pendant le temps de création. La parution c’est trop loin, surtout quand le contrat prévoit un délai de parution assez long. Attention, lors d’une avance versée en partie à signature du contrat, vous pouvez être tenté de ne pas discuter les points de votre contrat pour être payé rapidement. Prenez quand même le temps de le lire et de le négocier, c’est tellement important.

Qu’est-ce que je négocie ? Veillez à faire supprimer cette clause qui n’a pas lieu d’être. Cela ne posera sans doute aucun problème ! Votre argument chic et choc : "En lisant cette clause, on pourrait croire que les éditions Machin pourraient me demander de retravailler une nouvelle couverture gratuitement. Ce n’est pas adapté à cette collaboration."

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT

• La clause de préférence ou clause de non-concurence C’est quoi ? C’est une clause qui permet à l’éditeur d’acquérir la priorité sur les droits de vos prochains livres. Elle ne peut porter que sur des œuvres futures dont le genre est nettement déterminé. En signant cette clause, vous vous engagez à lui présenter en exclusivité vos prochains projets de livres. L’éditeur, lui, n’est pas tenu de les publier. Cela dit, après deux refus consécutifs de sa part, vous reprenez de plein droit votre liberté. L’effet de la clause doit se limiter à 5 œuvres nouvelles au maximum ou à un délai de 5 ans à compter de la signature, sinon elle est nulle (non valable selon la loi). Qu’est-ce que je négocie ? Deux cas de figure :

• Le contrat concerne un travail de commande

• Le contrat concerne un projet dont vous êtes l’auteur.

Signer cette clause est compréhensible dans le cas où l’ouvrage est d’un genre bien particulier (un livre objet, un livre à principe inédit). Si c’est l’éditeur qui est à l’origine de ce principe, on peut comprendre qu’il ne veuille pas que vous réutilisiez son idée avec un autre éditeur une fois le livre terminé. Dans ce cas, cette clause est légitime.

Si c’est vous l’auteur du projet et que l’éditeur cherche à vous maintenir sous le droit de préférence, il est tout à fait légitime que vous refusiez. Barrez-là sans scrupules. II n’est pas difficile de supprimer cette clause, surtout si l’on travaille déjà avec d’autres éditeurs. Argument chic et choc : “Dans la mesure où je travaillle (ou souhaite) travailler avec d’autres maisons d’éditions, je demande que cette clause soit supprimée.”

Dans le cas de livres dont le genre déterminé serait trop vague (“livre illustré pour la jeunesse” par exemple), cette clause est abusive. Il est facile de la supprimer. Il est précisé dans le CPI6 que la clause ne peut porter que sur des œuvres futures dont le genre est nettement déterminé.

Vous pouvez sinon limiter l’engagement lié à cette clause en réduisant le nombre de livres à proposer à votre éditeur (deux, par exemple) ou en réduisant le délai. Attention, si le contrat précise que les œuvres nouvelles couvertes par la clause seront éventuellement publiées par l’éditeur “dans les mêmes conditions” que celles du contrat déjà signé : il faut biffer la mention “dans les mêmes conditions” et y substituer “dans des conditions à déterminer d’un commun accord”, ce qui vous permettra de formuler ultérieurement de nouvelles exigences propres à décourager votre éditeur si vous ne souhaitez plus travailler avec lui. 6. Code d la Propriété Intellectuelle : www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT

• Les droits préférentiels

• Les frais de négociation de cession et de coédition

(À distinguer de la clause de préférence) C’est quoi ? Dans le cas où un tiers voudrait acheter les droits sur une illustration qui vous lie avec l’éditeur et dont les droits n’ont pas été encadrés par le contrat, cette clause signifie que vous devez d’abord en référer à l’éditeur.

(Voir page 29 sur les traductions)

Qu’est-ce que je négocie ? Si cette clause apparait dans vos contrats (c’est assez rare), faites spécifier que les conditions de cette cession devront obligatoirement être validées par l’illustrateur ou qu’elles feront l’objet d’un avenant.

C’est quoi ? “Les pourcentages indiqués aux points ci-dessus s’entendent après déduction de 10% de frais de négociation.” Il s’agit des frais qui couvrent la présence des éditeurs sur des foires/festivals internationaux. Qu’est-ce que je négocie ? Essayez de supprimer cette clause. Ce sont des frais qui devraient incomber à la maison d’édition.

• Les comptes et paiements ou redditions de comptes

“Faire en sorte de vendre le livre le plus largement possible est une des missions de la maison d’édition. Des personnes qualifiées sont payées par les éditions Machin pour faire ce travail que je ne peux pas assurer de mon côté. À l’inverse, je ne fais pas payer à la maison d’édition les frais professionnels qui m’incombent. Je vous remercie de supprimer cette clause.”

C’est quoi ? C’est un document qui vous informe de la vie de votre livre. En effet, votre éditeur est tenu par la loi de tenir un relevé des comptes pour chaque ouvrage, et de vous en adresser l’état au moins une fois par an. La reddition des comptes doit comporter : • le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, • la date et la quantité des tirages, • le nombre d’exemplaires en stock, • le calcul de vos droits d’auteur. Qu’est-ce que je négocie ? Faites inscrire sur le contrat une date d’arrêté des comptes (par exemple le 31 décembre de chaque année) et précisez que l’éditeur s’engage à communiquer une fois par an à l’auteur un relevé des comptes et le paiement des sommes dues.

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT

• La provision sur retour Par exemple

C’est quoi ? Dès qu’un livre est en librairie, il est comptabilisé comme “vendu”. Or, les libraires commandent toujours les nouveautés en plus grandes quantités. Par conséquent, ils sont souvent amenés à faire d’importants retours à l’éditeur. Cette clause permet à l’éditeur de soustraire une partie de vos droits d’auteur lors de la première reddition des comptes pour pallier aux probables retours des libraires. Elle n’est justifiable que la 1ère année d’exploitation. En effet, par la suite, l’ouvrage n’est plus une nouveauté, les libraires commandent selon la réalité des ventes, et donc votre éditeur peut en faire le décompte exact.

La première année, l’éditeur vous retire - 300 € de vos droits d’auteur au titre de la provision sur retour (= retours fictifs) en plus des ventes (= livres commandés donc comptés comme ventes mais pas certains d’êtres vendus). L’année suivante, vous retrouvez sur vos redditions de compte + 300 € (réintégration de la provision sur retour) en plus des ventes (réelles) et des retours (= réels).

• Les exemplaires d’auteur

Qu’est-ce que je négocie ? Le pourcentage : pas plus de 25%. (La charte7 préconise 20%).

C’est quoi ? C’est le nombre d’exemplaires que vous recevrez à parution du livre.

Faites noter dans vos contrats :

Qu’est-ce que je négocie ? Quel que soit le nombre que vous propose votre éditeur, rien ne vous empêche de lui en demander plus, tout en restant dans une demande raisonnable. Cinq exemplaires par exemple, c’est vraiment peu, il n’est pas rare de recevoir une vingtaine d’exemplaires.

“La clause de provision sur retour n’est valable que pour la première année d’exploitation et devra être réintégrée sur les comptes de l’année suivante.”

• Vérifiez sur vos redditions de compte que les provisions sur retour ont bien été réintégrées.

7. la-charte.fr/IMG/pdf/contrataldente-2.pdf

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT Les droi t s dér i v és

• Les droits dérivés ou secondaires C’est quoi ? Tout ce qui ne concerne pas l’édition principale. (Édition principale = le livre papier ou numérique qui sera vendu en librairie dans quelques mois.) Cela comprend toutes les formes d’éditions graphiques : format qui change (livre de poche), qualité de la couverture qui varie (édition de luxe), formes d’ouvrages collectifs (votre livre est associé avec d’autres dans un coffret). Mais cela comprend aussi les traductions, les livres non traduits vendus à l’étranger, les livres vendus via des canaux de vente spécifiques (éditions club). Et enfin cela inclut aussi les exploitations “immatérielles“ de votre ouvrage : adaptation au théâtre, lecture, projection vidéo, etc. Toutes ces exploitations peuvent être assurées par l’éditeur lui-même, ou par des tiers (autres éditeurs ou intervenants). Pour aller plus loin : consultez l’excellent “Contrat al dente” publié par la Charte7.

• L’édition de poche

• Les éditions luxe/club

Qu’est-ce que je négocie ? On demande le même pourcentage que l’édition principale pour l’édition de poche.

Qu’est-ce que je négocie ? On garde le même pourcentage que l’édition principale. Si on se permet une édition de luxe, c’est que l’ouvrage se vend bien, donc pas de raison de baisser le %, même si le livre coûte plus cher à la fabrication, il sera aussi vendu plus cher en magasin.

Vos argument chic et choc : “C’est moins cher à fabriquer. Rien ne justifie que le % soit plus faible. Je l’obtiens sans problème dans tous mes contrats.” “Si vous envisagez cette édition de poche, c’est que le livre se vend bien, il n’y pas de raison de baisser les pourcentages.”

• Les ventes à l’étranger C’est quoi ? À ne pas confondre avec les traductions et les cessions de droits à des éditeurs étrangers, les ventes à l’étranger sont les livres en langue française distribués et vendus à l’étranger (par exemple dans une librairie française à l’étranger). Généralement, vous touchez 50% du taux principal sur ces ventes (par exemple, 3% sur les ventes en France =1,5% sur les ventes à l’étranger). Suite page suivante.

Parfois l’éditeur rétorque que le livre est vendu à un tout petit prix, ce qui justifie la baisse du %. Rétorquez : “Si le prix de vente est plus bas, ma rémunération le sera également, c’est proportionnel.”

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT L es droi t s dér i v és

Qu’est-ce que je négocie ? Demandez le même taux que l’édition principale. Argument : "Ce sont des frais qui incombent à l’éditeur, je trouve que ce n’est pas aux auteurs de participer à ces frais."

• Les autres cessions de droits dérivés C’est quoi ? Ce sont toutes les exploitations de votre travail qui n’auraient pas été citées dans le contrat.

Si l’éditeur insiste vraiment pour réduire votre pourcentage : faites préciser que cela concerne uniquement les ventes hors d’Europe. Proposez de toucher le même taux que votre taux principal diminué de 25% seulement. (Par exemple, 3% sur les ventes en France = 2,25% sur les ventes à l’étranger.)

• Exploitation par l’éditeur principal C’est votre éditeur qui exploite lui même votre travail sous une autre forme que le livre, vous devez toucher 50% des recettes HT (à partager avec un éventuel auteur). Si seules les illustrations sont exploitées, les 50% vous reviennent. Certains contrats stipulent que cette clause fera l’objet d’un avenant, c’est bien aussi.

"Je ne veux pas renoncer à la moitié de mes droits, je trouve que céder un quart de mes droits d’auteur constitue un effort suffisamment conséquent pour ma participation au frais de transport hors d’Europe."

• Exploitation par un tiers Votre éditeur cède les droits à une autre entreprise qui exploitera votre travail. Vous devez toucher 50% des recettes HT (à partager avec un eventuel auteur). Si seules les illustrations sont exploitées, les 50% vous reviennent. Faites stipuler sur vos contrats : “50% à partager avec l’auteur” plutôt que “25%” sans précision.

• Les traductions Voir zoom sur les traductions page suivante.

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT L e s d roi t s dér i v és : l es t r aduct i ons

• Zoom sur les traductions On ne vous le cache pas, cette partie risque de vous faire des noeuds au cerveau. Chaque maison d’édition procède de façon différente et les termes varient selon les contrats. Il est essentiel que vous posiez des questions à votre interlocuteur si vous n’arrivez pas à déchifrer votre contrat. Demandez à votre éditeur comment il procède en cas de traduction et qu’il vous explique avec un langage moins juridique comment sont calculés vos droits d’auteurs. Voici les grandes façons de procéder en cas de traduction, essayez d’identifier celle qui correspond à votre contrat et comparez. À noter : les traductions font partie de la famille des “cessions des droits dérivés”. C’est dans cette partie du contrat que vous trouverez cette clause.

3 grands types de vente à des éditeurs étrangers a. COÉDITIONS ET COPRODUCTIONS LA MAISON

LA CASA

THE HOUSE

桔山关巨

DIE HAUS

FABRICATION ET DISTRIBution par l'éditeur FRANçAIS

LOGO DES MAISONS D'ÉDITIONS ÉTRANGÈRES

b. LES CESSIONS THE HOUSE

L'éDITEUR éTRANGER A ACHETÉ LES DROITS ET S'OCCUPE DE LA FABRICATION ET de la DISTRIBution

LOGO DE LA MAISON D'ÉDITION ÉTRANGÈRE

c. LES LIVRES TRADUITS PAR L'ÉDITEUR FRANÇAIS THE HOUSE

L'éDITEUR FRANÇAIS S'OCCUPE DE LA FABRICATION ET de la DISTRIBution

LOGO DE LA MAISON D'ÉDITION FRANçaise

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT L e s d roi t s dér i v és : l es t r aduct i ons

a. Les coéditions ou coproductions L’éditeur français se charge lui-même de la fabrication et fait parvenir vos livres à un éditeur étranger. Parfois, plusieurs éditeurs étrangers se regroupent sur une même fabrication. La coédition permet aux éditeurs étrangers qui souhaitent un petit tirage de bénéficier d’une impression à moindre coût. Seuls, ils n’auraient pas les moyens de l’imprimer : c’est logique, plus les tirages sont importants, moins l’impression coûte cher. C’est pour cela qu’on peut vous demander parfois de privilégier dans vos illustrations les textes en noir (sur un calque séparé) afin qu’ils puissent être imprimés à part. Sans le texte, le livre est identique quel que soit le pays. En se regroupant pour le premier passage en CMJN (le plus onéreux), les coéditeurs font des économies. Le texte traduit est ajouté par un passage supplémentaire en noir. Dans ce cas, votre éditeur vend : • Les droits d’exploitation du livre pour un tirage (= le droit de vendre les livres à l’étranger) + Une participation financière proportionnelle aux frais de fabrication et d’impression.

• Négociation en cas de droits d’auteur inclus On touche un pourcentage sur le chiffre d’affaires. C’est-à-dire : • Le prix de coédition (ou de cession) aux coéditeurs x Le nombre d’exemplaires qu’ils achètent (peu importe qu’ils les vendent ou pas ensuite). • Le prix de coédition (ou de cession) comprend : Le prix unitaire de fabrication + La marge de l’éditeur français - Les Frais éventuels (transport, traduction, jaquette...). • Le prix de vente du livre à l’étranger ne rentre pas toujours en compte dans les calculs. • Le prix unitaire varie selon le pays et les quantités demandées. Il n’est pas non plus le même s’il y a un agent, s’ils prennent plusieurs titres… Le chiffre d’affaires est donc calculé par pays. Dans ce cas, le pourcentage que l’on vous propose dans votre contrat doit être au moins égal à votre pourcentage sur l’édition principale (par exemple vous touchez 3% sur l’édition française, vous touchez 3% sur les coéditions) mais vous pouvez négocier ce pourcentage à la hausse. Nous avons observé des contrats où le % sur les coproductions augmente jusqu’à 5% (pour un taux de 3% sur l’édition principale française).

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• Négociation en cas de droits d’auteur non inclus Votre pourcentage doit être de 25% des sommes nettes ou recettes hors taxe perçues par l’éditeur (50% si vous êtes auteur-illustrateur).


L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT L e s d roi t s dér i v és : l es t r aduct i ons

b. Les cessions

c. Les éditions par l’éditeur français en langues étrangères

L’éditeur étranger se charge lui-même de la fabrication. Dans ce cas, l’éditeur français lui vend seulement les fichiers et les droits d’exploitation. L’éditeur étranger paie alors à l’éditeur français une avance sur droits. L’auteur et l’illustrateur se partagent 50% de cette avance (soit 25% pour l’illustrateur). Ils se partageront également 50% (soit 25% pour l’illustrateur) des droits perçus par l’éditeur si les ventes sont bonnes à l’étranger et que l’avance est couverte. N’hésitez pas à demander à votre éditeur à combien s’élèvera ce pourcentage, qu’obtiennent-ils en moyenne ?

Dans ce cas, moins courant, le livre est traduit en langue étrangère, mais fabriqué et édité par l’éditeur français. Cela veut dire que c’est bien le logo de la maison d’édition française qui apparait sur les exemplaires de ces livres traduits. Votre pourcentage doit être au moins égal à votre pourcentage sur l’édition française. Lorsque le prix de vente ne peut pas être déterminé, vous devez toucher 25% sur les sommes nettes perçues (ou 50% si vous êtes auteur-illustrateur) Note : Le prix de vente à l’étranger ne peut parfois pas être déterminé parce qu’il n’y a pas de prix de vente unique du livre comme en France. Votre argument chic et choc : "Ce sont des taux qui ont été proposés / que j’ai obtenus dans mes autres contrats."

Liste des questions que vous pouvez poser à votre éditeur • En cas de traduction, ce seront plutôt des cessions ou des coédtitions ? • Pouvez-vous me réexpliquer avec des termes plus simples que ceux du contrat comment sont calculés mes droits d’auteurs ? • Quels sont les frais qui vont être déduits du calcul de mes droits ? • Le terme “sommes nettes perçues“ désigne-t-il le chiffre d’affaires ? • Le terme “recette HT“ désigne-t-il le chiffre d’affaires ? • Y a-t-il des frais qui sont déduits de cette somme nette ? Etc. • N’hésitez pas à formuler autant de questions que nécessaires.

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT L e s d roi t s dér i v és : l e num ér i que

• Le numérique

Voir liens

L’édition numérique en est à ses balbutiements et personne n’est en mesure de prévoir l’avenir dans ce domaine. Pourtant les éditeurs vous “offrent” souvent de céder vos droits numériques sur toute la durée de la propriété intellectuelle (=70 ans après votre mort, comme le livre papier), à des pourcentages souvent équivalents au tirage papier. Dans la mesure où le livre n’est plus fabriqué, ni stocké, cela pose problème.

• Le site de la Charte http://la-charte.fr/magazine/le-dossier-livre-numerique/article/texte-integral-de-l-accord-entre

En mars 2013, un accord a été signé entre auteurs et éditeurs concernant l’édition numérique, qui devrait déboucher sur une modification du code de la propriété intellectuelle et du code des usages, mais à ce jour, la loi n’est toujours pas votée. Les éditeurs en profitent. Actuellement, ils disposent d’un créneau autour duquel tout ce qui est signé restera en l’état… Cela les arrange donc que la loi traîne.

Voir cette analyse :

• Le texte intégral http://la-charte.fr/docs/accord-cadre-cpesne-vf.pdf • Le site Lemotif http://www.lemotif.fr/ fichier/motif_fichier/151/fichier_fichier_coa.t.du.livre. numa.rique_syntha.se.pdf

Pour l’instant, le marché est trop récent pour qu’on puisse vraiment avoir du recul. En attendant, entamez la discussion, posez des questions sur les coûts, cela ne peut être qu’instructif. Et encadrez certains points de vos contrats dans la mesure du possible. Néanmoins, quoi qu’il arrive restez modéré, gardez-vous de tout préjugé. Ne pensez pas par exemple, que le livre numérique ne coûte rien à l’éditeur et que chacun de ses arguments est un mensonge destiné à cacher de mirifiques bénéfices. Qu’est-ce que je négocie ? Vu les conditions actuellement proposées par les éditeurs, le mieux est de demander à rayer la clause numérique.

Votre argument chic et choc : "Si l’exploitation numérique de l’ouvrage n’est pas encore prévue, pourquoi ne pas simplement éditer un avenant au contrat le moment venu ? Nous aurons alors tous les éléments pour mieux comprendre la nature de cette exploitation numérique."

“Je ne souhaite pas signer ce tte clause avec les taux actuellement proposés.”

Rayez-la sans hésitation si l’ouvrage en question n’est pas adapté au format numérique (un livre objet ou un pop-up par exemple) ou si l’éditeur n’a pas de réel projet de créer le livre numérique pour le moment.

Lorsqu’un auteur s’oppose à la clause numérique, certains éditeurs empêchent alors la signature du contrat “papier”. En tant qu’auteur, vous vous retrouvez en situation délicate, car vous avez quand même envie/besoin de réaliser le livre papier.

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT L e s d roi t s dér i v és : l e num ér i que

• L’exploitation

Que faire ? Négocier au mieux les conditions de cette cession numérique :

permanente

et suivie Dans le domaine de l’édition papier, une des obligations de l’éditeur est l’exploitation permanente et suivie de l’ouvrage, c’est-à-dire qu’il est tenu de fabriquer, promouvoir et vendre votre livre. Lorsque l’ouvrage est épuisé ou que les exemplaires sont pilonnés, selon les contrats, l’éditeur doit vous prévenir et dans le cas d’un livre épuisé et non réimprimé, vous avez alors la possibilité de récupérer vos droits (ce n’est pas très simple à faire, mais c’est inscrit dans la loi). Problème avec le livre numérique, sur quels critères considère-t-on que l’éditeur fait bien son travail d’exploitation ? Un nombre de téléchargements ? À quel moment peut-on considérer que l’ouvrage est épuisé ? Il suffit à l’éditeur de conserver un fichier téléchargeable et il vous est alors impossible de récupérer vos droits…

• La forme Il faut que l’exploitation sous format numérique soit l’objet d’un paragraphe bien distinct de l’exploitation papier et qu’il regroupe toutes les dispositions concernant cette exploitation.

• Le délai de publication Si l’éditeur vous fait céder vos droits sur le numérique, il doit exploiter le livre sous cette forme, c’est son job. Faites stipuler dans le contrat que l’éditeur est tenu de publier le livre numérique dans un délai de 3 ans à compter de la signature du contrat d’édition. Toutefois, cette disposition ne doit pas avoir pour effet d’obliger l’éditeur à publier l’œuvre sous forme numérique avant sa parution sous forme imprimée. À défaut de publication dans un délai de 4 ans, la reprise des droits d’exploitation numérique par l’auteur a lieu de plein droit (article 5.1 de l’accord cadre cpe/cne).

Que faire ? Demandez à ce que le contrat spécifie, dans le cas où l’ouvrage papier est épuisé, un nombre de téléchargements annuels en dessous duquel on considère que l’exploitation permanente et suivie de l’ouvrage n’est pas assurée. Ce qui vous permettrait alors de récupérer vos droits. Par exemple : moins de 100 téléchargements annuels.

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT L e s d roi t s dér i v és : l e num ér i que

• La durée

Si l’éditeur refuse, vous pouvez demander une clause de réexamen au terme d’un délai de 4 ans à compter de la signature du contrat. C’est ce qui a été signé lors des accords cpe/cne.

Les conditions qui vous sont proposées aujourd’hui ne seront peut-être plus en adéquation avec la réalité du marché dans quelques années. C’est pourquoi, il faudrait veiller à ne pas céder vos droits numériques sur une durée trop importante. Pour l’instant, les éditeurs ne souhaitent pas céder sur la question de la cession limitée, et rédigent les contrats de façon à ce que les auteurs cèdent les droits d’exploitation numérique sur toute la durée de la propriété intellectuelle.

La clause de réexamen sert à ajuster les conditions de cession en cas d’évolution du numérique, notamment sur la rémunération. En cas de désaccord, l’exploitation s’arrête. L’auteur ne peut pas éditer son livre ailleurs, l’éditeur ne peut pas exploiter l’ouvrage sans un nouvel accord de rémunération. Le mieux est donc de rédiger la clause de façon à ce que l’auteur récupère ses droits sur l’édition numérique en cas de désaccord.

Qu’est-ce que je négocie ? Proposez quand même en premier lieu une cession sur une durée limitée :

Votre argument chic et choc : Je ne peux pas céder mes droits numériques sans une clause de rééxamen au bout de 5 ans. Il faudrait que je puisse avoir la possibilité de réévaluer ces droits en fonction de l’évolution du marché.

Je veux bien céder les droits sur le numérique, mais pas sur toute la durée de la propriété intellectuelle alors qu’on ne peut prévoir ce que sera le numérique dans 2 ans, 5 ans, 20 ans….

Je vous propose une cession pour une durée de 5 ans.

Un exemple d’une clause de rééxamen plutôt bien vu: “Il est convenu que cette rémunération pourra être réexaminée au terme d’une première période de 5 ans à compter de la signature du présent contrat. Le contrat se poursuivra alors durant toute la durée de l’exploitation de l’ouvrage, en appliquant les conditions convenues. À défaut d’un accord, l’exploitation entreprise cessera dans les délais les plus brefs sous réserve d’un délai raisonnable permettant à “l’éditeur Machin” de notifier à ses cocontractants le retrait de l’édition numérique en cause, et d’effectuer les opérations techniques nécessaires.”

Exemple de clause avec la cession de durée limitée. “La présente cession des droits numériques est consentie et acceptée pour le monde entier et pour une durée de 5 ans à dater de la parution en librairie de l’œuvre faisant l’objet du présent contrat. Elle pourra ensuite se renouveler par tacite reconduction pour une nouvelle durée de 5 ans, sauf dénonciation faite par l’une des parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au moins 3 mois à l’avance.”

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L E S P OIN T S ESSEN TIE L S DU CON TRAT L e s d roi t s dér i v és : l e num ér i que

• Le pourcentage La prudence amènera peut-être votre éditeur à vous assurer qu’un pourcentage supérieur au droit principal en édition numérique n’est pas viable pour eux économiquement. C’est l’occasion de poser des questions, quel est le seuil de rentabilité du livre numérique ?

exemple de POURCENTAGE DE DROIT D'AUTEUR numérique Exemple observé dans un contrat (pour un droit papier de 3%) • 4,5% de 1 à 1000 exemplaires • 5,25% de 1001 à 2000 exemplaires

Le minimum serait d’obtenir le double de votre pourcentage principal.

• 6% au de là de 2000 exemplaires. Vous pouvez également exiger une clause de réexamen (voir page précédente).

Votre argument chic et choc : "L’auteur doit toucher un bénéfice identique sur un livre vendu qu’il soit papier ou numérique. Vu que le livre est globalement deux fois moins cher en numérique, son pourcentage doit donc être deux fois plus élevé."

Si cet argument est contré par l’éditeur pour des raisons économiques (l’éditeur dit : “le numérique me coûte plus cher car il y a trop peu de ventes, je ne peux pas te donner un gros pourcentage”), comme dans l’édition papier, vous pouvez alors demander des droits progressifs. Votre argument chic et choc : Comme le marché est balbutiant, que le coût de fabrication d’un fichier n’est pas actuellement amorti par les ventes, mettons en place des droits progressifs : faible pourcentage jusqu’à l’amortissement, gros pourcentage après.

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Les autres types de contrat

Je souhaite être rémunéré pour toutes les utilisations qui sont faites de mon travail.

Je ne souhaite pas céder la totalité de mes droits gratuitement.

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L E S A U TRE S TYPES DE CON TRAT

Le contrat d’adaptation audiovisuelle Quand vous recevez votre contrat d’édition, vous recevez quasi systématiquement un contrat d’adaptation audiovisuelle dans la même enveloppe. Dans l’hypothèse où une société de production serait interessée par l’exploitation de votre œuvre, c’est le contrat d’adaptation audiovisuelle qui encadrerait cette cession de droits.

Ce qu’il faut négocier dans le 1er contrat de cession de droits Un partage 50/50 auteur/éditeur, c’est à dire 50% (25% illustrateurs) de droits pour l’exploitation de votre œuvre. Assurez-vous que les sommes qui vous reviendraient dans le cadre d’une adaptation audiovisuelle de votre œuvre ne viennent pas en remboursement de votre avance versée dans le cadre du contrat d’édition. Il doit s’agir d’un paiement bien distinct. Cela vous permettra de toucher de l’argent sur cette cession de droits même si les ventes de votre œuvre principale ne vous permettent pas encore de toucher de droits papier. Et cela vous permettra également de ne pas avoir à attendre la reddition des comptes chaque année pour toucher votre part du règlement versé bien plus tôt à votre éditeur par la société de production signant l’adaptation de votre œuvre.

Si vous participez au travail de développement du projet audiovisuel, vous toucherez les droits d’adaptation et en plus, votre nouveau travail sera encadré par un nouveau contrat. Pour négocier ce second contrat, il est vivement conseillé de prendre un agent qui saura bien négocier pour vous votre rémunération. Tournez-vous vers les associations d’illustrateurs : • La Charte • Le SNAC8 • La SACD9 (organisme de gestion des droits liés à l’audiovisuel).

à noter Seul le contrat d’édition est nécessaire à la publication de l’ouvrage. Rien ne vous oblige donc à signer le contrat audiovisuel. En général, ça ne pose pas de problème à l’éditeur qui n’a absolument pas le droit de vous retirer le projet ou de bloquer le réglement de votre avance sur droit si vous ne le signez pas.

Lorsque votre projet est adapté pour l’audiovisuel, il existe deux cas de figure : • Soit le projet est développé sans vous. • Soit vous vous associez à son élaboration.

8. www.snac.fr 9. www.sacd.fr

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Les lettres de commande ou contrats concernés par la rémunération au forfait Il est primordial que le montant du forfait couvre parfaitement votre temps de travail et même plus. En effet, une remunération au forfait se calcule ainsi :

Malheureusement, dans certains secteurs de l’édition, les forfaits proposés couvrent seulement la prestation. Bien que ce soit contraire au CPI (voir encart), cet usage est très installé et très difficile à renverser.

• Prix de prestation (=temps de réalisation) + Prix de la cession.

“Qui ne dit mot consent.” Cependant il est parfois impossible de refuser une source de revenus. Vous pouvez accepter ce travail tout en émettant votre réserve, rappeler que ces conditions ne sont pas conformes au CPI et qu’elles vous fragilisent vous, et l’ensemble de la profession. Au moins, le message est passé.

Ce prix de cession va dépendre de nombreux paramètres : la visibilité, la durée d’exploitation, le nombre d’exemplaires, le territoire, etc. Plus le nombre d’exemplaires est important, la durée longue, etc., plus le prix de la cession augmente. Il est donc important de bien encadrer son contrat ou la lettre de commande, ou lorsqu’il n’y pas d’accord signé, de faire un devis ou une facture très détaillée, car ils font alors office de contrat. Vous devez céder uniquement les droits pour une exploitation ciblée. Pas question d’être rémunéré au forfait et que l’éditeur puisse faire ce que bon lui semble avec vos illustrations.

Selon le code de la propriété intellectuelle (article L131-4), la rémunération doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation. On ne peut pas être payé au forfait sauf dans des cas très précis, par exemple, lorsqu’ il est impossible de rémunérer l’auteur au pourcentage (par exemple, une encyclopédie ou le nombre de contributeurs est tellement élevé qu’on ne peut déterminer un partage des droits). Dans ce cas, le forfait n’est valable que pour la première édition (article L132-6). En cas de réédition, l’éditeur doit vous régler de nouveau un forfait pour une nouvelle exploitation.

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L E S A U TRE S TYPES DE CON TRAT

Les couvertures

L’édition scolaire et parascolaire, les jeux

baromètre des prix pratiqués

Première chose, demandez malgré tout un pourcentage. Après tout, c’est ce qui devrait se pratiquer. Si c’est refusé, demandez le nombre d’exemplaires de la première édition, et dites que vous céderez vos illustrations exclusivement pour cette première édition conformément au CPI. Si cela est refusé, vous avez ouvert la voie à vos arguments pour augmenter votre forfait, et pointé le doigt sur ces mauvaises pratiques.

Si l’ouvrage est un énorme succès, je ne toucherai rien de plus que cette somme, il faut donc que je m’y retrouve parfaitement. J’accepte donc de faire ce projet malgré mes réserves mais à condition que le forfait soit de XXXX euros.

450 € 350 €

650 €

Imaginez que l’ouvrage que vous illustrez devienne un succès du type Harry Potter, vous ne toucherez jamais plus que votre forfait initial, donc n’acceptez pas de forfait ridicule. Attention à vos contrats, ne cédez pas tous les droits d’exploitation, essayez de les limiter au maximum, dans l’idéal, cédez vos droits uniquement pour une illustration de couverture. Si le contrat prévoit la cession à des tiers, vous devez toucher au minimum 50% (25% illustrateur seul) des sommes brutes obtenues.

Vos arguments pour négocier des projets payés au forfait :

Je souhaite être rémunérée pour toutes les utilisations qui sont faites de mon travail.

Je voudrais qu’on se mette d’accord sur un contrat qui prenne en compte chaque type d’utilisation possible de mon travail avec un pourcentage adapté à chaque utilisation.

Je ne souhaite pas céder la totalité de mes droits gratuitement.

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L E S A U TRE S TYPES DE CON TRAT

Les commandes hors édition (agences de com, institutions, associations, particuliers…) Ouf ! Vous allez pouvoir appliquer vos tarifs, proposer votre devis et facturer la prestation et les cessions. Car ici c’est généralement la pratique. En principe, vous savez évaluer le tarif de la réalisation si vous savez évaluer votre temps de travail. Sachez que le tarif courant des prestations en illustration dans le secteur de la communication se situe aux alentours de 250/300 euros par jour, mais c'est très variable. Un peu moins pour un débutant, et un peu ou beaucoup plus pour un cador de la com. Pour les petites structures (particuliers, petites associations…), vous adapterez sans doute votre tarif. Concernant les prix de cession, chaque utilisation a un coût différent. Une campagne d’affichage nationale en 4x3 ou une série de flyers pour un petit festival local ne seront pas facturées au même niveau. Listez toutes les utilisations que votre client souhaite faire de vos images et appliquez un tarif pour chacune.

Voir liens • Le groupe facebook “Au secours, j’ai un devis à faire”. • Le site Calkulator : www.calkulator.com est aussi un excellent outil pour évaluer les tarifs des cessions. • Trouvez également des modèles de devis et les clauses à inclure en bas de page des devis sur le site Freelancer : www.freelancer-app.fr

Limitation des droits d’utilisation • Les supports Évitez les cessions totales et illimitées. Pour établir des devis, si vous n’avez pas l’habitude, demandez des conseils à des graphistes de votre entourage ou sur des forums dédiés10.

(Détaillez bien, une mascotte pour carte de visite : XXX euros + site web XXX euros). Faites apparaître dans les clauses en fin de devis que toute utilisation supplémentaire des illustrations fera l’objet d’un nouveau devis.

• La durée (1 an, 2 ans, 5 ans…)

• Le territoire (France, Europe, international)

10. kob-one : Communauté de créatifs free-lance et salariés www.kob-one.com 1dcafé : Communauté des créatifs indépendants www.1dcafe.com

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L E S A U TRE S TYPES DE CON TRAT

Conclusion sur les négociations de contrats Pour proposer des modifications sur les termes de votre contrat :

• N’hésitez pas à y aller franchement. “Il y a plusieurs points du contrat que je souhaite changer : ..." (Listez les points et les changements, éventuellement en expliquant ou en posant des questions).

• Attendez les retours, restez ferme et sûr de vous. “C’est ce que j’obtiens d’habitude, c’est l’usage pour cette clause, je ne veux pas céder mes droits pour si peu, etc.”

• Certains points seront modifiés facilement et d’autres pas, demandez à votre éditeur : “Voyez ce que vous pouvez obtenir au mieux”.

• Une fois que vous vous êtes mis d’accord ou que vous voyez que vous n’obtiendrez pas mieux, veillez à poser tout cela sur le papier. “Je fais les modifications sur le contrat ou vous préférez en rédiger un autre et me le renvoyer ?” Et voilà, vous avez l’air de faire ça tous les jours !

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Guide de survie face aux arguments des éditeurs

Ça n’est pas un problème de confiance en vous. J’ai simplement besoin de bien comprendre à quoi je m’engage.

À ce tarif-là, je ne peux pas vous proposer un travail de la qualité de mon portfolio.

J’ai obtenu mieux lors de mes autres contrats, tout n’est pas figé.

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G U IDE D E S U R VI E FA CE A U X A RGU MEN TS DES ÉDI TEU RS

PETIT PING-PONG VERBAL

Un argument = une réponse ! En général Ah vous, les illustrateurs, vous ne comprenez rien à l’économie de l’édition ! Je m’y intéresse pourtant beaucoup et on partage tout de même beaucoup nos expériences entre illustrateurs. Je suis ouverte à tous les éclaicissements que vous pourrez m’apporter.

Mon expérience me permet tout de même de faire des comparaisons et d’avoir un avis sur ce que vous me proposez.

C’est l’usage. (Renseignez-vous si c’est vraiment l’usage.) Ce que je vous demande ne fait pas une énorme différence, c’est un petit effort et cela me permettra de travailler dans des conditions plus sereines.

J’ai obtenu mieux lors de mes autres contrats, tout n’est pas figé.

Contrats Je ne suis pas responsable des contrats, voyez avec le service juridique. Ce n’est pas moi qui décide, on a été racheté par une grande maison, c’est au chef de décider.

Ok, transmettez ma demande ou donnez-moi leurs coordonnées.

∞ Réponses par téléphone vagues et embrouillées après des questions posées par écrit. Ce serait plus facile si vous répondiez à l’écrit, pour tout ce qui est juridique, là on s’embrouille, ça va nous prendre un temps fou par téléphone, ni vous ni moi ne sommes juristes.

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G U IDE D E S U R VI E FA CE A U X A RGU MEN TS DES ÉDI TEU RS

∞ Lorsque vous tentez de négocier certains points, l’éditeur en négocie d’autres ET VOUS embrouille. Excusez-moi de vous interrompre mais j’ai l’impression qu’on s’éloigne du sujet. Revenons sur ce point précis, là on parle d’autre chose.

Revenons svp à ce qui nous concerne aujourd’hui.

Ça n’est pas mon poblème malheureusement. C’est un autre problème.

Si on s'amuse à changer des clauses pour tout le monde, on ne s'en sort plus. C’est un contrat type, on ne le modifie pas, c’est à prendre ou à laisser. Les propositions que vous me faites ne sont pas gravées dans le marbre et doivent pouvoir être discutées et s’adapter à chaque commande et aux deux parties. Pour la bonne et simple raison que tous les projets sont différents et que vos auteurs le sont aussi. De plus, si cela vous convient, je peux me charger des modifications, et il n’y aura plus qu’à contresigner.

∞ Votre interlocuteur vous parle en terme juridique, auquel vous ne comprenez rien. Je ne suis pas juriste, pourriez-vous m’expliquer en termes plus simples ou poser cela par écrit pour que je puisse l’analyser à tête reposée ? Je ne veux pas signer avant de bien comprendre à quoi je m’engage.

Faites nous confiance.

Ne vous inquiétez pas, on n’applique jamais cette clause.

Ça n’est pas un problème de confiance en vous. J’ai simplement besoin de bien comprendre à quoi je m’engage.

Bon dans ce cas, vous ne verrez aucun inconvénient à ce que je la raye.

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G U IDE D E S U R VI E FA CE A U X A RGU MEN TS DES ÉDI TEU RS

Suite à votre demande de contact avec le service juridique : Non, ils croUlent déjà sous le boulot !

Oui, oui, je transmets votre demande , et rien ne se passe. Ne lâchez pas le morceau et demandez le contact direct de la personne qui peut valider vos demandes. L’éditeur ou le directeur éditorial par exemple.

Il faut bien qu’on avance sur la question, nous sommes dans l’impasse.

Cela commence à bien faire. Le délai est dépassé, les contrats devraient être signés ! Moi aussi, je suis pressé de me consacrer à la phase créative. Il faut que nous trouvions un accord/que vous répondiez à mes demandes à propos du contrat.

L’auteur du texte n’a pas négocié. C’est problématique que les contrats ne soient pas semblables.

En quoi est-ce problématique ? Ce que l’auteur a négocié de son côté ne me regarde pas.

Vous pourriez peut-être aligner son contrat sur le mien, ce serait sans doute mieux pour lui aussi.

On a un nouveau logiciel, c’est impossible de modifier le contrat. (Si votre interlocuteur utilise cet argument, il se fiche de vous.) Ce n’est pas un problème, je vais faire des annotations moi-même par écrit. C’est tout à fait valable juridiquement, vous aurez juste à parapher en face de chaque annotation.

Si on cède là-dessus, on créé un précédent, et il nous sera impossible de refuser cela à d’autres auteurs. Ce que vous acceptez ou refusez avec les autres auteurs ne me regarde pas, il s’agit d’un accord entre nos deux parties sur un projet bien précis.

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Budget On atteint le budget max. Nous avons des soucis budgétaires. Il faut qu’on rentre dans nos frais. On a de trop petites marges. Voyez ce que vous pouvez obtenir au mieux et on en reparle.

Pour moi aussi c’est difficile, il y a un minimum sous lequel mon activité n’est pas viable.

Ce que je peux vous proposer, c’est de faire moins d’illustrations ou d’adopter une technique plus rapide pour rentrer dans votre budget.

Nous sommes une toute petite maison crééE par des passionnés, nous n’avons pas beaucoup de moyens. Je ne peux pas participer à votre effort financier, ce n’est pas mon rôle. Il faut aussi que mon activité reste viable.

On ne peut vraiment pas vous proposer plus, mais le livre est très beau et a toutes les chances de très bien se vendre. Je ne peux pas m’engager sur autant de travail en espérant de bonnes ventes pour pouvoir être payée. Il me faut un minimum garanti.

∞ Si on ne vous propose toujours pas mieux et que vous acceptez quand même le projet : OK mais dans ce cas on augmente le pourcentage et on fait des % progressifs.

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G U IDE D E S U R VI E FA CE A U X A RGU MEN TS DES ÉDI TEU RS

Les autres illustrateurs sont payés à ce tarif. Il n’y a pas de raisons pour qu’on vous paye davantage. On ne travaille pas tous de la même façon, on emploie des techniques plus ou moins rapides, bref nous sommes différents !

À ce tarif là, je ne peux pas vous proposer un travail de la qualité de mon portfolio.

Ce n’est pas vous qui prenez les risques. Je vous assure qu’exercer mon métier constitue un risque en soi : je ne suis pas salarié, n’ai pas la sécurité de l’emploi… Nous travaillerons au mieux pour que ce projet soit un succès. Et pour travailler correctement, j’ai besoin d’une rémunération décente.

C’est la crise, nos ventes ont baissé de 30%.

Il m’est impossible de faire un effort étant déjà payée en dessous de mon seuil de rémunération minimum.

Ce sont les tarifs qui se pratiquent. Chaque illustrateur pratique des tarifs différents. Le but, c’est que chacun s’y retrouve par rapport au temps de travail qu’il y a consacré. En ce qui me concerne, j’ai besoin d’être payé XXX la double page pour produire des images de la qualité de mon portfolio.

Vous êtes jeune, c’est risqué pour nous de travailler avec vous. Vous avez pu consulter mon portfolio, vous pouvez vous y fier et avoir confiance en mon travail.

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Je n’ai aucune marge de manœuvre pour cette collection. C’est le moment de demander des infos : le tirage, le nombre d’exemplaires que l’éditeur espère vendre, le seuil de rentabilité et proposer des pourcentages progressifs en fonction.

Vos livres précédents ne se sont pas très bien vendus. Si l’éditeur fait appel à vous, c’est quand même que vos livres ne se vendent pas si mal que ça… ou qu’il a besoin de vous, donc vous êtes en position de force. Il m’est impossible de faire un effort étant déjà payé en dessous de mon seuil de rémunération minimum.

On reste sur ce pourcentage, ma rémunération sera proportionnelle au succès des ventes.

Vous êtes un auteur, pas un salarié, vous ne pouvez pas comparer votre avance avec un SMIC. Justement, en tant qu’illustratrice free-lance, je paye mes charges moi-même, mes cotisations, ma retraite, mes congés et je gagne encore moins/à peine plus que le SMIC. Vous trouvez ça normal ? C’est tout de même un point de comparaison quand on sait que c’est un salaire minimum sans qualification. Je possède un savoir-faire particulier, des années d’étude, je suis qualifiée, j’ai de l’expérience… De plus un salarié rémunéré au SMIC coûte deux fois plus cher à son entreprise qui doit payer des charges. Moi, je suis un indépendante, vous n’avez pas de charges à payer en travaillant avec moi. Tout comme un plombier ou un médecin, je dois adapter mes tarifs pour vivre de mon activité.

Ce ne sera pas rentable pour nous. À partir de combien d’exemplaires le livre sera rentable ? OK, mettons en place des pourcentages progressifs à partir de ce volume de ventes alors ?

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Non. Pour quelles raisons ?


G U IDE D E S U R VI E FA CE A U X A RGU MEN TS DES ÉDI TEU RS

Mais vous percevrez des droits d’auteur plus tard. Je sais par expérience que l’avance est rarement remboursée et j’ai besoin d’argent pour travailler.

Ça représente beaucoup d’investissement pour nous. Pour moi aussi ! Je m’investis totalement dans mon travail, à condition que je sois décemment rémunéré pour le temps que ça me demande.

Vous voulez le beurre et l’argent du beurre. Je veux simplement vivre décemment de mon activité et je souhaite que les exploitations de mon travail soient gérées et rémunérées d’une façon juste et équitable.

Ce sont les pourcentages qui se pratiquent. J’obtiens habituellement un peu plus avec d’autres éditeurs. Rajouter 0,5%, ça ne représente que XXX euros par tranche de 1000 ouvrages vendus, c’est une demande très raisonnable.

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Les adresses utiles Pour rester groupé • Depuis début 2015, l'association Central Vapeur poursuit certaines actions du Grill permettant l’accompagnement des auteurs-illustrateurs (mise en ligne d’un portail d’informations juridique, sociale et fiscale - conseils aux illustrateurs à propos des questions juridiques, administratives et sociales...). Restez connectés ! www.centralvapeur.org • La Charte des auteurs et des illustrateurs jeunesse : www.la-charte.fr • Le SNAC (Syndicat des auteurs de Bande Dessinée) : www.syndicatbd.org • Les lectures téléchargeables indispensables de La Charte : www.la-charte.fr/le-metier/publications/article/brochures-à-télécharger

Les formations • L’AFDAS : www.afdas.com

Les groupes Facebook • Je suis illustrateur et j’ai mal au cul. • Au secours, j’ai un devis à faire !

Les liens utiles • Pour calculer des cessions : www.calkulator.com • Pour rédiger des factures, des devis et glaner plein d’infos utiles : freelancer-app.fr • Pour rigoler : www.monmacon.tumblr.com

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Conclusion Vous voilà un peu plus armé, vous allez pouvoir oser négocier, youpi ! N’oubliez pas, ce n’est pas une catastrophe si vous n’obtenez pas gain de cause. L’important c’est d’essayer et de comprendre ce que l’on signe. Il est très rare d’obtenir TOUT ce qu’on demande, mais il est très rare aussi de ne rien obtenir du tout. Vous serez satisfait de l’avoir fait, et ce sera de plus en plus facile lors de prochaines négociations. Avec l’expérience, vous deviendrez meilleur négociateur. Petit à petit, vous obtiendrez un peu plus et cela vous encouragera à continuer à défendre votre travail et sa juste rémunération.

Ce guide de la négociation est né à l’initiative du Grill et le soutien de l’ADAGP, association des illustrateurs formés ou résidant dans la région Alsace. Les membres du bureau ont tenu à mener ce projet à terme malgré la dissolution de l’association en avril 2014. Rédaction : Lucie Brunellière, Marion Duval Conception graphique : Agathe Demois Illustrations : Alexandra Pichard Merci à : Amandine Laprun, Gregory Jérôme, Nicolas Moreau Les adhérents ayant répondu au questionnaire.

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