La quete numero 166 juillet aout 2014

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3$ Le magazine de rue de Québec

No 166 Juillet-Août 2014

S.V.P. n’achetez qu’au camelot portant une carte d’identification 2 $ sur le prix de vente va directement au camelot.

Les saisonniers

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• Le pari de l’aubergiste • Une cannette à la fois • Budget annuel ? • Quand la mer gèle + Anticosti ou l’attrait de l’or noir


Cabinet des curiosités, Cirque du Soleil et KURIOS sont des marques détenues par Cirque du Soleil et employées sous licence.

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NOUVELLE CRÉATION - écrit et mis en scène par michel laprise

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SOMMAIRE DOSSIER

POUR LE PLAISIR DE LIRE

L E S

SAISONNIERS

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Oui, je le veux !

25

Éloge à la promenade

27

La terre est folle

28

Mon frère

Réforme de l'assurance-emploi

29

Femme

10

29

Après Morphée...

30

Solidaires

30

Bucolique

31

Lingala

33

Cézanne

34

Notre idylle d'amour

35

Jardinier

07

08

À la conquête des grands espaces Travail saisonnier, budget annuel

09

11

Quand la mer gèle le salaire Ramasser le monde... une cannette à la fois

14

Pour le meilleur et pour le pire

15

Le pari de l'aubergiste

16

Une journée dans la vie d'un cuisinier du 1640

17

L'œil du cœur

21

Acheter d'occasion... pourquoi pas !

Photo : Luc-Antoine Couturier

12-13 Les p'tit boulots... des grandes personnalités

JEUX 18

Le jeu de La Quête

19

La langue dans sa poche

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Travailler à loisir ?

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Anticosti ou l'attrait de l'or noir

20

Comment mangez-vous votre pétrole ?

38 JUILLET-AOÛT 2014

Aux trois folles

Courtoisie: William Gauvin

CHRONIQUES

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PAGE COUVERTURE Photo: Luc-Antoine Couturier lucantoinecouturier@gmail.com

RÉALISER L’ESPOIR Camelots recherchés

L’Archipel d’Entraide, organisme à but non lucratif, vient en aide à des personnes qui, à un moment

donné Hey toi! de leur existence, sont exclues du marché du travail ou vivent en marge de la société. Ces laissés Tu as 18compte ans ou plus. pour cumulent différentes problématiques : santé mentale, itinérance, toxicomanie, pauvreté, Tu veux te faire quelques dollars? etc. Dans la foulée des moyens mis en place pour améliorer le sort des plus défavorisés, l’Archipel d’Entraide lance, en 1995, le magazine de rue La Quête. Par définition, un journal de rue est destiné personnes en difficulté, notamment des sans-abri. La Quête permet ainsi aux camelots de reprendre confiance en leurs capacités, de réaliser qu’à titre de travailleurs Pour plus d’informations autonomes ils peuvent assumer des responsabilités, améliorer leur quotidien, socialiser, bref, Appelle-nous au certain pouvoir sur leur vie. reprendre un Travaille à ton compte. Pas d’horaire. à la vente - sur de la rue rue !par des Vends le magazine La Quête

418 649-9145 poste 33 Ou L’Archipel d’Entraide, composée d’une équipe d’intervenants expérimentés, offre également des Viens nous rencontrer au services d’accompagnement 190, rue St-Joseph Est (coin Caron)communautaire et d’hébergement de dépannage et de soutien dans la recherche logement par le biais de son service Accroche-Toit. Dans l’église d’un Jacques-Cartier

Depuis sa création, La Quête a redonné l’espoir à quelques centaines de camelots. SUIVEZ-NOUS SUR

ÉDITEUR Archipel d'Entraide ÉDITEUR PARRAIN Claude Cossette COORDONNATRICE Francine Chatigny CONSEILLÈRE À L’ÉDITION Martine Corrivault RÉDACTRICE EN CHEF Valérie Gaudreau RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE Isabelle Noël

JOURNALISTES Alicia Beauchemin, Émilie Bonnefous, Jean Louis Bordeleau, Mathieu Massé, Isabelle Noël, Marc-Antoine Paquin, Gabrielle Thibault-Delorme

Envie de faire connaître votre opinion, de partager vos poésies, de témoigner de votre vécu. Nos pages vous sont grandes ouvertes. Envoyez-nous vos textes par courriel, par la poste ou même, venez nous les dicter directement à nos bureaux. Faites-nous parvenir votre texte (500 mots maximum) avant le 1er du mois pour parution dans l’édition suivante. La thématique de septembre  : Famille

FAIRE DES SOUS EN DEVENANT CAMELOTS Les camelots récoltent 2 $ de profit sur chaque exemplaire vendu. Autonomes, ils travaillent selon leur propre horaire et dans leur quartier. Pour plus d’informations, communiquez avec Francine Chatigny au 418 649-9145 poste 31 Nous vous encourageons fortement à acheter La Quête directement à un camelot. Toutefois, si aucun d’eux ne dessert votre quartier, vous pouvez vous abonner et ainsi nous aider à maintenir la publication de l’unique magazine de rue de Québec.

COUPON D’ABONNEMENT 10 PARUTIONS PAR ANNÉE Camelots recherchés

Nom: Adresse: Travaille à ton compte. Pas d’horaire. Ville: Vends le magazine de rue La Quête postal: PourCode plus d’informations

Abonnement régulier Abonnement de soutien Abonnement institutionnel

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Téléphone: La Quête est appuyée financièrement par : Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI)

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Conception graphique : Karyne Ouellet

CHRONIQUEURS Martine Corrivault, Claude Cossette, Réal Malouin

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UNE TRIBUNE POUR TOUS

Appelle-nous au 418 649-9145 poste 33 Ou Viens nous rencontrer au 190, rue St-Joseph Est (coin Caron) Dans l’église Jacques-Cartier

Modèle : Émilie Ramirez-Fortier Réceptionniste au St-Amour

AUTEURS Michel Bonnelly, Jean-Pierre Colzon, Jasmin Darveau, Jean-Pierre Drolet, Laurence Ducos, Gaétan Duval, François Gagnon, Pascal Grenier, Jacques Pruneau, Geneviève Thompson, Bernard Songe, Christiane Voyer AUTEURS DES JEUX Hélène Huot, Jacques Carl Morin, Ginette Pépin RÉVISEURES Geneviève Loiselle, Nathalie Thériault PHOTOGRAPHES Alicia Beauchemin, Luc-Antoine Couturier, Camille Amélie Koziej-Lévesque, Hélène Marchand INFOGRAPHISTE Karyne Ouellet AGENTE DE PUBLICITÉ SOCIALE Geneviève Thompson IMPRIMEUR Les Impressions STAMPA inc. 418-681-0284 COPYLEFT La Quête, Québec, Canada, 2014 Ce document est mis à votre disposition sous un droit d’auteur Creative Commons « Paternité - Pas d'Utilisation commerciale - Pas de Modification 2.5 – Canada » qui, si ce n’est pas commercial, permet de l’utiliser et de le diffuser tout en protégeant l’intégralité de l’original et en mentionnant le nom des auteurs.

Journal La Quête

190, rue St-Joseph est Québec (Québec) G1K 3A7 Téléphone: 649-9145 Télécopieur: 649-7770 Courriel: laquetejournal@yahoo.ca

Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien

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MOT DE LA COORDONNATRICE

Courtoisie: Daniel Dion

LES SAISONNIERS

Les travailleurs saisonniers ont mauvaise presse. On leurs attribue bien des défauts, notamment de profiter du système - lire l'assurance-emploi - pendant une bonne partie de l'année. Dans nos critiques, on semble oublier que leur travail a une incidence directe sur nos vies : il n'y a qu'à penser à nos assiettes qui foisonnent de saveurs et de couleurs pendant la belle saison grâce aux pêcheurs et aux cueilleurs, entre autres, et à ceux qui nous les servent. Notre intention dans cette édition n'est toutefois pas de faire un débat politique, mais plutôt de présenter des travailleurs qui pour la plupart aiment, par-dessus tout, leur métier en dépit des inconvénients qui viennent avec... Alicia Beauchemin s'est entretenu avec Nicolas Létourneau, guide d'aventure spécialisé dans les activités de rivière et d'eau vive. L'été, il pratique son métier sur le territoire québécois alors qu’à l’arrivée de la saison froide, il doit quitter le Québec pour continuer à vivre de sa passion. Si l'exil est la solution de certains travailleurs saisonniers, tous ne peuvent recourir à cette astuce. Pour arriver à boucler leur budget annuel, ils doivent adopter « la stratégie de la fourmi » et engranger pour les périodes creuses. Gabrielle Thibault-Delorme s'est intéressé à l'insécurité financière qui est le lot de la majorité d’entre eux.

toine Paquin a rencontré un pêcheur de homard et un débardeur pour qui l'empire humide est synonyme de labeur et de ferveur. Jean Louis Bordeleau était curieux de savoir si la cueillette de cannettes est plus lucrative en période estivale. Il est allé à la rencontre d'un duo de pros. Quand vient l'été, Mathieu Massé troque sa vie paisible (!) d'étudiant contre celle pas mal plus rough de reboiseur. Petit témoignage bien senti ! Marc-Antoine Paquin y va également d'un texte au ton très personnel. Son expérience de travailleur dans une auberge lui a révélé les hauts et les bas des hôteliers régionaux. Quels emplois d'été ont occupé le maire de Québec Régis Labeaume, le gourou de la publicité québécoise Claude Cossette et l'écrivain Alain Beaulieu ? Mille et un métiers qui sauront vous surprendre ! QUESTION DE PÉTROLE... Ce mois-ci, deux de nos chroniqueurs, Martine Corrivault et Réal Malouin, s'attardent à la question de l'exploitation du pétrole sur l'Île d'Anticosti. Comme de nombreux Québécois, ils s'inquiètent du sort qui est réservé à la perle du Fleuve et questionnent les motivations que camoufle un tel empressement à fracturer un de nos joyaux. LECTURE D'ÉTÉ

Janvier 2013, le gouvernement Harper réformait le programme d'assuranceemploi. Les saisonniers, dont une bonne partie dépend de ce programme quand leur contrat est terminé, ont plutôt mal accueilli cette réforme dont ils semblaient être les principales victimes. Isabelle Noël fait le point.

Les auteurs de La Quête vous gâtent une fois de plus. Il vous faut vraiment prendre le temps de lire la seconde section de ce numéro qui vous offre des mots en cadeau.

Gagne-pain pour quelques milliers de Québécois, la mer impose un rythme de travail au gré des saisons. Marc-An-

Nos lecteurs seront ravis d'apprendre qu'il est maintenant possible d'accéder aux éditions précédentes de La Quête

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LES ÉDITIONS PRÉCÉDENTES EN LIGNE!

via laquetejournal.blogspot.ca. M. Claude Cossette, notre éditeur parrain qui fait du bénévolat à l'Archipel d'Entraide une demi-journée par semaine, a profité des rares moments libres que lui laisse son poste à l'accueil pour créer ce blogue. Vous y trouverez les 26 derniers numéros de La Quête en version ISSUU et en version PDF téléchargeable. Nos versions électroniques affichent un copyleft qui permet aux lecteurs d'utiliser les contenus, à la condition de nommer l'auteur et la provenance de l'article. Nous sommes très heureux de cette belle initiative. Merci M. Cossette ! PAS DE VACANCES POUR LES CAMELOTS La température est plus clémente, et pourtant, l'été s’avère la saison la plus difficile pour les camelots. Leurs clients sont en vacances, les touristes ne s'intéressent pas au magazine, ils doivent vendre la même édition pendant deux mois... rien de jojo. Ce n'est surtout pas le temps de les laisser tomber. Faites découvrir La Quête aux parents et amis qui vous visitent... et parlez-en à vos voisins ! Bonne lecture et bel été ! FRANCINE CHATIGNY

LA QUÊTE 2013-2014, C'EST : • 53 camelots • 15 900 exemplaires vendus sur la rue • 103 bénévoles dont 15 professionnels • 51 organismes à vocation communautaire dont on a parlé • 19 ans d'existence... et ça continue ! Cent fois merci à nos généreux bénévoles. Sans vous, il serait impossible de réaliser et produire La Quête.

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TRAVAILLER À LOISIR ? ss

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L'Organisation internationale du travail (OIT) est un organe qui rassemble gouvernements, employeurs et travailleurs des États membres de l'Organisation des nations unies (ONU), dans le but, lit-on sur leur site Web, « d’encourager la création d’emplois décents ». Ah ! « décents ». Le travail saisonnier, qui est le sujet du présent numéro de La Quête, est-il plus décent que le travail à temps complet, que le travail au noir ou que le travail des étudiants supposés en vacances ? Je vous laisse répondre à cette question. IL Y A TRAVAIL ET « TRAVAIL » ? Le dictionnaire Le Robert Dixel définit ainsi le travail : « Ensemble des activités humaines organisées, coordonnées en vue de produire ce qui est utile; activité productive d'une personne. » Quand, à titre d’ébéniste employé dans une coopérative de production, je construis une berceuse, je travaille donc. Bien. Et si, tout seul, je bricole pour enfin disposer d’une berceuse confortable dans ma maison, est-ce que je travaille encore ? Sans doute, car je produis et je fais œuvre utile. Si je n’ai aucunement besoin d’une berceuse, que je juge même que ces chaises donnent mal au cœur, mais que je m’active tout de même des mois pour sculpter une véritable œuvre d’art — une berceuse dans laquelle il est pratiquement impossible de s’asseoir — que je présenterai au Symposium de sculpture de Baie-Saint-Paul, aurai-je travaillé ? Non ? Est-ce le fait d’être rémunéré qui transforme une activité de production en « travail » ? Ou le fait de l’accomplir de manière obligée ? Quand j’écris le présent article, je pratique un loisir, alors que si j’étais journaliste professionnel et que j’accomplissais la même tâche, je « travaillerais » ? LES MAINS OU LA TÊTE On peut se poser la question suivante : Qu’est-ce qu’une « activité utile » ? Il semble évident pour tous que produire quelque chose avec les mains, « en dur », que ce soit une botte de carottes, une berceuse ou une navette spatiale, apparaîtra aux yeux de la plupart comme du travail. On admet également que l’avocat qui élabore une plaidoirie accomplit du travail de même que le médecin qui pose un diagnostic. Travaille également le professeur de philosophie qui prépare sa leçon de la semaine. Si, assis chez lui, perdu dans ses pensées, le même prof se questionne sur « la nature du travail », est-il encore en train de travailler ? Et quand il potasse un gros bouquin de philo pendant ses vacances, travaille-t-il également ?

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SETTE

E COS

CLAUD

Par ailleurs, on ne peut affirmer catégoriquement que réaliser une œuvre d’art constitue un travail, car on ne peut répondre affirmativement à la question « Est-ce utile ? ». Quand le poète Nelligan cisèle ses vers de huit pieds de Soirs d’hiver, « Qu'est-ce que le spasme de vivre/À la douleur que j'ai, que j'ai ! », accomplit-il un travail? Quand le peintre Jean-Paul Lemieux brosse minutieusement Le train de midi dans son atelier, travaille-t-il moins que lorsqu'il peint avec rémunération la fresque Histoire de la médecine à Québec pour le pavillon Vandry de l’Université Laval, en 1957 ? TRAVAILLER EN QUÉMANDANT ? Par ailleurs, les quémandeurs de toutes sortes qui font le trottoir ou la rue, ces squeegees, ces prétendus musiciens et autres vendeurs de La Quête, accomplissent-ils un travail? Pour en décider, il faut poser les questions subséquentes : « Produisent-ils » ? Si oui, leur produit est-il « utile » ? Admettons qu’ils produisent de menus résultats : des vitres propres (ou la colère d’automobilistes !), de l’information, de la joie, de menus objets, ainsi de suite — et surtout, de la bonne conscience chez ceux qui leur offrent une pièce ou un billet. Simplement pour survivre, tous ces débrouillards « travaillent », et donc, ils dépensent énormément de temps. D’énergie aussi parfois. Et d’imagination pour certains : ils explorent des tactiques de sollicitation, repèrent les spots les plus rentables, expérimentent des boniments plus convaincants les uns que les autres. Ils accomplissent une œuvre utile — au moins pour eux-mêmes. En tout cas, en saison, ces « mendiants » augmentent en nombre, car s’y ajoutent les jeunes itinérants qui quittent un foyer souvent inhospitalier pour le rêve de trouver la liberté avec un grand « L ». Ces derniers deviennent alors, d’un certain point de vue, des « travailleurs saisonniers », non ? Mais là, je laisse mon clavier, car je crois que je commence à travailler… du chapeau. CLAUDE COSSETTE PUBLICITAIRE & PROFESSEUR

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À LA CONQUÊTE DES GRANDS ESPACES Guide de tourisme et d’aventure : un métier fascinant, mais méconnu. Rencontre avec un trentenaire qui, pour exercer ce métier qui le passionne, doit parcourir l'Amérique du Nord.

Photo: Alicia Beauchemin

Originaire de Québec, Nicolas Létourneau est un guide d’aventure spécialisé dans les activités de rivière et d'eau vive. Dans la Belle Province, il travaille de mai à début septembre. La saison froide l'oblige cependant à s’expatrier. Il sillonne alors les routes du Canada et des États-Unis. « En quittant le Québec avant et après la saison estivale, je suis largement capable de prolonger ma période de travail de mars à novembre », affirme-t-il. Puis, lorsqu’il n’est pas en mouvement sur une rivière, Nicolas Létourneau se dirige vers le Nord pour y exercer son autre métier : éducateur auprès des jeunes Inuits. MOTIVATION PERSONNELLE M. Létourneau affirme que le rythme de vie associé à son métier non traditionnel lui procure certains avantages, notamment de découvrir des lieux où il n’aurait probablement jamais mis les pieds, comme le Nunavut, le Sud-ouest américain et la Basse-Californie. À l’étranger, il a pu travailler avec des organisations de renommées mondiales et acquérir une expérience considérable en très peu de temps. Ce bagage professionnel aurait été beaucoup plus ardu à développer s'il était resté ici, l'éducation par l'aventure étant à un stade assez embryonnaire. Quand il doit faire de longues heures de route en étant seul, il puise sa motivation dans la poursuite de son rêve d'enfant. Grand amoureux de la nature et passionné des grands espaces, Nicolas se réalise dans ce style de vie qui, malgré les embûches, lui procure autonomie et indépendance. « Ultimement, la nature sauvage est extrêmement précieuse pour moi et mon métier me permet de la faire découvrir à des centaines de personnes. On protège ce que l’on aime et ce à quoi on se sent connecté ». LES DÉFIS DU MÉTIER Entretenir des relations avec son réseau relève du défi avec ce métier. Heureusement pour Nicolas, sa famille est compréhensive et le soutient dans son choix de carrière. Quand il est de passage à Québec, il en profite pour mettre ses amis en priorité dans son agenda. Le plus dur, dira-t-il « est de manquer les événements marquants dans la vie de ses proches, tel que des mariages, des fêtes, des naissances ».

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Le guide souligne qu’au Québec, son métier, que plusieurs ne considèrent pas comme un « vrai job », est victime de nombreux préjugés. Par contre, ailleurs au Canada et aux États-Unis, le guide a rencontré des gens plus ouverts d’esprit qui reconnaissent ce métier. « Là bas, j’ai trouvé une communauté de gens qui évolue dans le même milieu que moi. Même la caissière à l’épicerie comprend le but de mon métier ».

sur le court que sur le long terme. Ses premières années dans le domaine ont été plus ardues. Maintenant qu'il a une série de contrats récurrents, ses revenus s’avèrent stables, d'une année à l'autre. Il ne faut pas se leurrer toutefois. Ce n'est pas tout le monde qui se contenterait de son salaire. « Pour quelqu’un qui possède une hypothèque de 300 000 $ et une famille à nourrir, mon salaire ne serait probablement pas suffisant pour subvenir à leurs besoins. Mais n’ayant aucune dette et des dépenses limitées, car je suis logé/ nourri durant la plupart de mes contrats, je vis très bien avec mon salaire annuel ».

Comme son nom l'indique, ce métier comporte sa part d'aventure et de risque. Les journées sont longues et le boulot exige une bonne condition physique ; parfait pour rester en bonne santé. « Il sera Le guide souligne toujours temps pour moi qu’au Québec, son de travailler derrière un ordinateur lorsque mon métier, que plusieurs corps ne sera plus capable ne considèrent pas comme un « vrai de suivre ».

AVENIR

Nicolas reste très optimiste quant à son avenir professionnel. Par les expériences que lui et ses collègues offrent aux gens, il contribue à sa façon à ce job », est victime de Être responsable de la séque notre société trouve curité et du bien-être des nombreux préjugés. l’équilibre entre dévelopclients, surtout lorsqu’il pement et protection des s’agit de mineurs, ajoute un certain poids milieux sauvages. Il encourage les jeunes psychologique au guide. En tant qu’en- Québécois à s’investir dans ce type de mévironnement dynamique et mouvemen- tier. Le milieu du plein air est en expanté, la rivière comporte une part de dan- sion au Québec. Patience. ALICIA BEAUCHEMIN ger. Pour Nicolas, ceci se traduit par des prises de décisions rapides pour éviter les accidents et les bris. Vigilance et vivacité « Une fois de plus, nos valises cabossées s'empilaient sur le trottoir ; on avait du d’esprit sont donc requises. chemin devant nous. Mais qu'importe : la La sécurité d'emploi n'existe pas pour route, c'est la vie. » ce travailleur autonome. Côté finance, il ~ JACK KEROUAC, SUR LA ROUTE doit donc faire des choix judicieux, tant

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TRAVAIL SAISONNIER, BUDGET ANNUEL Les travailleurs saisonniers vivent pendant l’année sur un revenu amassé pendant quelques mois. En s’initiant à leur métier, ils apprennent à composer avec l’insécurité financière, développant des stratégies pour bien vivre toutes les saisons de l’année.

Photo: Archives Web

Pour certains travailleurs saisonniers, la chard. Pendant la saison morte, ce dersaison active entraîne son lot de dépenses, nier combine les sommes des prestations surtout pour ceux qui travaillent dans des d’assurance-emploi et du coussin amassé territoires éloignés. Dans l’industrie de la durant l’été, en y ajoutant quelques reveforesterie, le retour de la belle saison s’ac- nus ponctuels grâce à des contrats à court compagne de la recherche d’un deuxième terme. logement près du lieu de travail. « À l’île d’Anticosti, c’était assez bien : on était lo- Un compagnon de la construction intergés et nourris. On travaillait un mois et rogé use de la même stratégie pendant les deux mois d’hiver on retournait à la maioù il se retrouve sans son une semaine. Pen« Il faut se faire un coussin emploi. « J’embarque dant le mois passé sur sur le chômage. Tu l’île, on n’a aucune dé- pendant l’été... » as moins d’argent ~ Olivier Bédard-Richard, pense », explique Oliqui entre, mais tu dévier Bédard-Richard, technologue forestier penses moins. Au lieu technologue forestier. d’aller prendre une Les ententes avec les employeurs sont bière tous les soirs, j’écoute la télévision. fréquentes dans l’industrie forestière. De toute façon, ce n’est pas pour longLes travailleurs peuvent recevoir une in- temps », précise-t-il. Quand les durs mois demnité hebdomadaire pour les dépenses sont passés, l’employeur reprend contact usuelles ou encore, résider dans un loge- avec lui pour lui offrir un nouveau ment fourni par la compagnie. En régions contrat. Il rappelle que plus le travailleur

éloignées, la possibilité de faire des heures supplémentaires joue souvent dans la balance. Pendant une courte période, « on travaille en fous et on a un gros revenu pour presque pas de dépenses. Ça s’accumule vite », ajoute M. Bédard-Richard, qui rappelle qu’il est essentiel de ne pas se lancer dans de folles dépenses à la fin de la saison. Dans le secteur forestier, gérer son budget durant la saison morte est essentiel. Le chômage est presque inévitable. Aussi, la grande majorité des travailleurs de ce secteur travaillent-ils moins de 39 semaines par année selon les données 2005 du Chantier sur la saisonnalité de la Capitale-Nationale. « Il faut se faire un coussin pendant l’été. Pendant l’hiver, si l’employeur veut te garder l’été prochain, il peut te donner des petits contrats, des petits travaux », explique M. Bédard-Ri-

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est connu dans le métier et que meilleure est sa réputation, moins il risque d’être sur le chômage pendant une longue période. Pendant les temps morts, ce compagnon vit avec des prestations d’environ 480 $ par semaine.

S’ils disent ne pas avoir de stratégie budgétaire particulière, les travailleurs interrogés précisent qu’ils dépensent très peu et qu’ils savent éviter les achats impulsifs. Olivier Bédard-Richard rappelle également l’importance d’économiser pour être préparé à toute éventualité. GABRIELLE THIBAULT-DELORME

LA RÉFORME DE L’ASSURANCE-EMPLOI CHEZ LES TRAVAILLEURS SAISONNIERS Depuis 2013, les prestataires fréquents du régime d’assurance-emploi doivent accepter tout travail similaire à leur emploi, dès leur licenciement, dont le salaire s’élève à 80 % de leur salaire horaire précédent. Au bout de six semaines, ils doivent accepter tout emploi pour lequel ils sont qualifiés et qui offre au moins 70 % de l’ancien salaire. L’emploi doit se trouver à moins d’une heure de déplacement du domicile du travailleur. La réforme a été particulièrement décriée chez les travailleurs saisonniers qui constituent près de 27,3 % des prestataires d’assurance-emploi au Canada, surtout que la mesure sépare les chômeurs en trois catégories : les travailleurs de longue date, les prestataires occasionnels et les prestataires fréquents. Cette dernière catégorie, composée en majorité de travailleurs saisonniers, est celle qui donne le moins de temps au travailleur pour accepter tout emploi similaire, soit 6 semaines, plutôt que 18 pour le prestataire occasionnel.

Pour les travailleurs saisonniers interrogés, la relation avec l’employeur est au cœur de la sécurité financière. Une promesse de réembauche leur permet de gérer leur budget pendant la saison morte avec la certitude qu’ils bénéficieront d’un revenu sitôt que la belle saison revient. Personne n’est toutefois à l’abri des mauvaises surprises. « À Montréal, la construction a été beaucoup touchée par la récession. À un moment donné, mon boss a dû me mettre à la porte, même si j’étais son seul employé », explique le compagnon de la construction qui a déjà traversé des périodes creuses.

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RÉFORME DE L'ASSURANCE-EMPLOI Entrée en vigueur en janvier 2013, la récente réforme de l’assurance-emploi du gouvernement Harper a suscité indignation et questionnement chez les travailleurs saisonniers. Les changements apportés devaient favoriser un retour plus rapide des chômeurs sur le marché du travail. Un an et demi plus tard, La Quête dresse le bilan. LES GRANDES LIGNES

TRAVAILLEUR DE LONGUE DATE Les chômeurs qui ont été des travailleurs employés durant sept des dix dernières années devront accepter un emploi dans leur domaine. Le salaire doit équivaloir à au moins 90 % de l’emploi précédent. Après 18 semaines de chômage, ce taux descend à un salaire d'au moins 80 %. PRESTATAIRE FRÉQUENT Dans le cas des travailleurs fréquemment au chômage, les règles se resserrent. Ceux qui ont reçu des prestations au moins trois fois, pour un total de 60 semaines pendant les cinq années précédentes, devront accepter un emploi avec un salaire d’au moins 80 % de celui du précédent emploi. Après six semaines de prestations, l’emploi doit payer au moins 70 % de la rémunération précédente. PRESTATAIRE OCCASIONNEL Cette catégorie regroupe les travailleurs qui reçoivent des prestations d'assurance-emploi, mais ne font pas partie des deux précédentes catégories. Les exigences sont similaires au travailleur de longue date, mais ce dernier doit en plus chercher un emploi à 70 % de sa précédente rémunération à partir de la 19e semaine. Cette séparation entre les types de chômeurs redéfinit l’« emploi convenable » et la « recherche d’emploi convenable » pour être admissible à l'assurance-emploi. Un emploi convenable a les caractéristiques suivantes : - Il convient à l'état de santé et aux capacités physiques de la personne; - L'horaire et la nature du travail ne sont pas incompatibles avec ses croyances religieuses;

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LES CHIFFRES

Photo: Archives Web

D’abord, il faut savoir que depuis 2013 les prestataires de l’assurance-emploi sont divisés en trois catégories : travailleur de longue date, prestataire fréquent et prestataire occasionnel. Depuis l'adoption des nouveaux critères d'admissibilité, les prestataires fréquents doivent accepter des emplois moins bien rémunérés, dans d'autres domaines et pour lesquels ils ont des compétences, sous peine de perdre leurs prestations.

les régions afin de payer les comptes, et ce, pour un salaire moindre.

- Le temps pour se rendre au travail est d'une heure ou moins. Le chômeur qui refuse un emploi possédant ces caractéristiques perd ses prestations, selon le Guide de la détermination de l'accessibilité. Ce changement constitue le nerf de la guerre de la nouvelle réforme. Ayant pour objectif de jumeler les Canadiens avec les emplois disponibles, le gouvernement Harper tient à ce que les chômeurs fournissent des preuves qu’ils cherchent activement du travail chaque jour. CONTESTATIONS AU PAYS L'opposition à cette réforme s'est surtout manifestée dans l'Est du pays, où la proportion de travailleurs saisonniers est plus élevée. Ces travailleurs sont plus susceptibles de devenir des prestataires fréquents de l'assurance-emploi. Il s'agit, par exemple, des travailleurs des pêcheries, de l'agriculture et de la foresterie. Dans certaines régions, l'activité économique se structure autour d'emplois saisonniers, l'assurance-emploi assurant un revenu pendant la saison morte. Au Québec, pour les deux ans de la réforme [c’est en mars 2012 que M. Harper avait annoncé les changements à venir pour les prestataires de l’assurance-emploi], des manifestations ont eu lieu à Montréal, à Trois-Rivières et Roberval, ainsi que dans plusieurs villes et villages gaspésiens. Des sites Internet et groupes Facebook, tels que nonausaccage.com et Non à la réforme de l’assurance-emploi ont été créés en guise de moyen de pression contre les nouvelles mesures. D’après ces groupes, les travailleurs saisonniers doivent maintenant se déplacer loin de leur domicile, voire déserter

Depuis que les règles se sont resserrées, le nombre de prestataires de l’assurance-emploi est effectivement en baisse. Le nombre de prestataires d'assurance-emploi dans les provinces de l'Atlantique et ailleurs au Canada a diminué d'octobre 2012 à octobre 2013, selon Statistique Canada. Au Nouveau-Brunswick, tout près de 32 000 personnes se sont qualifiées en octobre 2013 pour recevoir des prestations. L'année précédente, on comptait environ 36 000 prestataires. La baisse est de 15,1 % à l'Île-du-Prince-Édouard, 12,3 % en Nouvelle-Écosse et 8 % à TerreNeuve-et-Labrador. En moyenne, la diminution du nombre de prestataires au Canada est de 8,4 %. ISABELLE NOËL

L’ASSURANCE-EMPLOI DANS LE TEMPS : TRANSFORMATIONS CONTINUES 1940 : Gouvernement MacKenzie King : création de la Loi sur l’assurance-chômage. Plus de 40 % des travailleurs sont couverts par l’assurance. 1957 : Les pêcheurs sont maintenant admissibles aux prestations. 1971 : Assouplissement de la Loi : près de 96 % des travailleurs sont couverts. 1977 : L’admissibilité varie selon la région de résidence afin de tenir compte des variations de l’emploi. 1979 : Baisse du montant des prestations, et augmentation des heures de travail afin d’y avoir droit. 1993 : Nouvelle baisse des prestations et resserrement de l’admissibilité. 1996 : L’assurance-chômage renommée assurance-emploi. 2000 : Les prestations parentales sont augmentées à 35 semaines. 2009 : Les prestations sont plus longues dans les régions où le chômage est plus élevé. Les travailleurs qui suivent des formations pour changer de carrière peuvent bénéficier également de prestations plus longues. 2012 : Le projet de loi Omnibus C-45 naît, proposant des changements à l’assurance-emploi qui entrent en vigueur le 1er janvier 2013.

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QUAND LA MER GÈLE LE SALAIRE

2 h 30 a.m., Baie de Gaspé. Daniel Dion se lève. C’est l’heure du boulot. Il va pêcher cette « bibitte » qu’il adore tant, le homard. À la fin avril, M. Dion a entamé sa sixième saison de pêche. Tous les ans, c’est un marathon de 10 semaines, 7 jours sur 7, qui l’attend. Le temps, c’est de l’argent. La pêche, c’est exigeant. Avec un couple d’amis (Yves, le capitaine, et sa blonde Jasmine), Daniel Dion opère sur le Carignan et en fait un immense récipient à crustacés. Trouver les lignes, hisser et vider les casiers, installer les appâts, et ainsi de suite, les tâches ne

rarement de l’alcool. C’est un régime santé ! ». Mais 10 semaines de boulot, ce n’est pas assez dans une année. M. Dion doit « trouver des solutions ». Après la pêche, il travaille 14 à 15 semaines en foresterie, dans le coin de Port-Daniel. Courtoisie: William Gauvin

Horaires inhabituels, tâches ardues : nombreuses sont les difficultés qu’accompagnent un travail sur la mer. À cette liste, il faut ajouter les caprices et les incontournables de la météo. Le gel de l’eau, oui, mais aussi, trois saisons de gel du salaire. La Quête a discuté avec un pêcheur de homards et un jeune débardeur sur les navires marchands du Grand Nord, pour nous faire part de ces réalités.

« Quand la job en forêt est finie, je fais ma demande d’assurance-emploi. C’est ça vivre de la nature; on ne peut pas travailler tout le temps. Et c’est mieux pour le homard. Si on le pêchait à l’année, il n’y en aurait plus ! ». Un rythme de vie particulier, mais qui plaît à M. Dion. Il ne ferait pas autre chose. On n’a qu’à l’entendre énumérer ses petits plaisirs pour s’en persuader.

de construction, en passant par la majorité des véhicules qui sont utilisés dans le nord », décrit-il. Si les journées de voyage sont considérées comme des « temps morts », les journées de déchargement sont exténuantes. Un gros déchargement peut durer 2 jours. Et ces journées s’éternisent souvent durant 5 à 21 heures.

« L’air salin, le lever de soleil, la lune et le soleil en même temps, le plaisir de manipuler ces bibittes là […] J’aime les bateaux, la mer, les embruns […] ». Épuisé, Daniel Dion finit son quart de travail sur l’heure du midi. Il se prépare tranquillement pour le coucher de 17 h, où il tâchera de récupérer… pour la prochaine partie de pêche.

C’est beaucoup, mais William Gauvin adore ça. « J’ai toujours aimé les emplois qui sortent de l’ordinaire, mais surtout qui me plongent dans une toute nouvelle réalité, explique-t-il. Ce type de job est un réel apprentissage et je suis fier de participer à des opérations de cette envergure ».

--À midi, William Gauvin, lui, est en plein travail dans l’Arctique, sur les ponts des

Courtoisie: Daniel Dion

Les voies navigables n’étant ouvertes que la moitié de l’année, M. Gauvin et ses collègues doivent, tout comme Daniel Dion, s’occuper autrement. Un défi annuel.

manquent pas. Il y a tout un travail derrière les 200 à 300 homards (de 200 à 400 lb.) qu’ils ramènent au quai, tous les jours. « C’est très physique la pêche. Pour faire tes journées efficacement, t’as vraiment besoin d’être en forme, affirme l’homme de 52 ans, au bout du fil. Ça me prend 9 heures de sommeil. Je mange super bien et pendant la saison de pêche, je prends

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bateaux cargos de la compagnie Desgagnés. M. Gauvin est débardeur, c’està-dire qu’il s’occupe exclusivement des marchandises transportées. En tant que « vérificateur en chef », il s’assure de leur bonne livraison aux clients.

Âgé de seulement 23 ans, M. Gauvin est quant à lui à l’école. Il suit une formation d’infographiste au Collège Salette, une école de design à Montréal. Un rêve qu’il a pu se permettre en travaillant comme débardeur au cours des trois dernières années. Et ses collègues ? « La plupart prennent un mois de congé après la saison et travaillent dans un domaine connexe jusqu’au début de la prochaine », note-til, soulignant la force de ceux-ci, souvent habités par un « sentiment de culpabilité de devoir laisser [leurs] êtres chers à euxmêmes durant plusieurs mois ». MARC-ANTOINE PAQUIN

« Nous livrons toutes sortes de marchandises, de simples caisses de provisions destinées aux professeurs des communautés Inuits, à d’importants matériaux

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RAMASSER LE MONDE

UNE CANNETTE À LA FOIS Mercredi matin, c’est le moment de la paye pour les ramasseurs de canettes de St-Roch. Une poignée et demie de recycleurs viennent porter à la « gobeuse » du Metro Plus Mail St-Roch, à plein sac, leur récolte de la veille. La Quête est allée à leur rencontre.

Trois soirs par semaine, ils fouillent les parcs, les bacs bleus, sacs de poubelles et conteneurs. Souvent, même, des « clients » réguliers viennent porter leurs corps morts lorsqu’ils voient passer Mitch et Mitch. Ceux-ci s’assurent de respecter la propreté des propriétés. Le duo se vante de faire le double de ce que font les autres ramasseurs. À trois « nuits blanches » par semaine, un des Mitch avoue faire plus de 400 $ par mois. Ce matin, à deux, ils ont « facilement 25 $ », avant de dire que « c’est rare qu’on fait en bas de 35-40 piastres ». En d’autres termes, ça joue autour de 6-7 $ de l’heure. Mais leur salaire pourrait bientôt augmenter. Le plus expérimenté des Mitch explique : « Avec le PQ, ils voulaient faire passer la consigne de 5 ¢ à 10 ¢. Là, avec Leitao [ministre des Finances] qui vient de rentrer, est-ce que ça va se faire ? Parce que ça aurait plus de bon sens, ça doublerait. Ça fait que là, il y aurait deux fois plus de monde porté à faire ça ». Enfin, certains ramasseurs contournent la voie légale pour ajuster leur revenu. Le grand Mitch confie que certains recopient des codes-barres de produits valant 20 ¢ au recyclage, puis les apposent sur des canettes à 5 ¢. « De la fraude » dit-il. LES JOIES DE L’ÉTÉ La belle saison est synonyme de festivals, de rafraîchissements sur les galeries, bref plus de canettes et de bouteilles disponibles. En plus d’une température clémente pour la cueillette. Cet engouement estival est toutefois contrebalancé par la facilité de l’emploi. « Il y a bien plus de monde. Il y a du monde qui ramasse pour 5 $ et vont s’acheter

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Photo: Arvh

Dans toute la ville, il y a une cinquantaine de ramasseurs plus ou moins réguliers. Parmi eux : Mitch et Mitch, un grand et un moyen bonhommes. Pas grand monde en ramasse autant qu’eux.

une bière avec ça », s’emporte Mitch. « Je les appelle les mouettes ». L’autre Mitch corrige et dit que vers la fin du mois, plusieurs concurrents apparaissent pour essayer de boucler leur budget.

d’une soue à cochons, tout redevient propre ». « C’est utile ! Ils [la ville] devraient nous donner un salaire » renchérit le moyen Mitch

Tout cela, c’est sans compter les bienfaits pour l’environnement. En triant les poubelles, ils évitent que des matières recyclables se retrouvent au dépotoir. « Il n’y a pas un commerce qui va payer un employé pour faire le recyclage, pour trier. C’est vraiment dans les « C’est utile ! Ils [la ville] poubelles, au moins la moitié de ce que je radevraient nous donner masse  », juge le grand un salaire » renchérit le Mitch. « C’est de l’argent moyen Mitch qui va se perdre ».

Si le froid « est raide » pour ces travailleurs extérieurs, la chaleur a aussi ses désagréments : « les guêpes, les abeilles et la senteur est vraiment plus forte ».

N’empêche, les fêtes d’été ont toujours été la manne. Auparavant, aux fêtes de la St-Jean, le moyen Mitch se souvient d’avoir fait « 150 $ en une soirée  ». Mais aujourd’hui, « la belle époque est finie », avec l’interdiction d'apporter des bouteilles sur le site des Plaines. Le grand Mitch explique quant à lui sa tactique pour les sites de festival : « Tu rentres, un petit peu sur le borderline, tu commences à ramasser. Si je me prends un panier ouvert, les gens viennent les tirer dedans ». Suffit de rester hors du site pour que la police laisse faire. « Le monde y vont, jusqu’à ce qu’ils se fassent avertir  », conclut-il.

Ces spécialistes du contenant rappellent que le Québec pourrait faire mieux sur le plan des matières recyclables. « Les bouteilles de vin, au Québec elles sont pas consignées. Si tu savais les milliers de bouteilles de vin qui sont jetées. Même à soir, on en a pogné des bacs. Là-bas, en Ontario, c’est 10 ¢ chacune. Avec les bouteilles du Québec je suis déjà allé les vendre en Ontario ! » se rappelle Mitch. JEAN LOUIS BORDELEAU

UNE INDUSTRIE ÉCOLOGIQUE Les deux Mitch se voient comme de vrais travailleurs autonomes. « Tu y vas quand tu veux, tu n’as pas de boss, tu fais les heures que tu veux faire ». Ils voient aussi leur travail comme étant une « utilité collective », presque un service public. « Quand je passe à la place d’Youville après les punks, là où ça a l’air

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LES P’TITS BOULOTS … DES GRANDES PERSONNALITÉS

PAR ÉMILIE BONNEFOUS

Pour cette édition de l’été, La Quête s’est demandé : Quel fut le premier emploi saisonnier de nos personnalités de Québec ?

CLAUDE COSSETTE

Courtoisie: Claude Cossette

Courtoisie: Claude Cossette

murs enduits d’encaustique, une peinture blanche qui se délaie à l’eau, pour préparer les murs et les plafonds. Je sortais de là tout blanc, un peu comme un bonhomme de neige tout à fait arrosé ! », s’amuset-il encore à raconter. L’été qui a suivi, M. Cossette était l’apprenti d’un électri-

Une des première enseigne de M. Cossette peinte à la main.

cien, et là encore, ce travail lui évoque de bons souvenirs. « Le temps pour prendre le lunch sur l’heure du midi était de 30 minutes seulement, alors je faisais comme les autres ouvriers, je m’étendais dans un coin après avoir mangé rapidement, je mettais ma tête sur une brique en guise d’oreiller et je faisais la sieste pendant 15 minutes avant de reprendre le travail ! », se rappelle-t-il.

Claude Cossette est professeur associé à l’Université Laval et un précieux collaborateur de La Quête. Il a fondé sa propre agence de publicité, Cossette Communication Marketing, en 1964 et est aujourd’hui encore connu comme un grand publicitaire et auteur québécois. Pourtant, ce n’est pas du tout dans ce domaine qu’il a obtenu ses premiers emplois d’été. À 14 ans, il a d’abord été « manœuvre » sur les chantiers de construction. « La première job que j’ai eue, ça a été de laver les

C’est finalement ce qui lui a permis de développer une habileté manuelle dont il s’est servi par la suite dans le graphisme et la publicité. Ces différentes expériences ont aussi fait de lui un homme intègre et c’est ce qu’il aime à transmettre aux générations qui le suivent. « J’ai toujours travaillé avec enthousiasme. Quand j’étais en affaires dans une discipline qui était la mienne, ça ne me dérangeait pas plus de faire les paquets pour l’expédition de fin de journée et de les amener au bureau de poste. Pour moi, ce n’était pas plus déshonorant, ni plus fatigant, ni emmerdant que de faire de la création, ce que souvent, les jeunes veulent faire quand ils s’en vont dans le domaine de la publicité ».

Claude Cossette avoue avoir toujours été satisfait des emplois qu’on lui offrait et

Alain Beaulieu, surtout connu comme romancier, est écrivain et professeur de création littéraire à l’Université Laval. Il compte à son actif huit romans pour adultes, dont Le Festin de Salomé paru en 2014, et quatre romans pour les jeunes. Son œuvre a été récompensée de plusieurs prix et s’est expatriée jusqu’en France. Dans sa jeunesse, il passait l’été au chalet de ses parents au Lac St-Joseph et c’est là qu’il a eu son premier emploi saisonnier. « J’avais 15 ans, je faisais le ménage de la plage avant l’arrivée des vacanciers, ce qui veut dire de 5 h à 8 h du matin… », se souvient-il. C’est aussi au Lac St-Joseph qu’Alain Beaulieu a été moniteur de crosse, son sport de prédilection, à l’âge de 17 ans. Il se rappelle avec amusement cette période de son adolescence. « Au-

jourd’hui, ça peut faire un peu sourire, car plus grand monde ne connaît ça ici ou ne le pratique ! », avoue-t-il. Pourtant, Alain Beaulieu était fier d’avoir côtoyé ceux qu’il appelait « les vedettes », les Caribous de Québec, la célèbre équipe de crosse de la Capitale Nationale qui avait loué un chalet tout proche du sien…

Courtoisie: Alain Beaulieu

Courtoisie: Alain Beaulieu

ALAIN BEAULIEU

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c’est justement cette envie de travailler et de s’ouvrir à de nouvelles disciplines qui lui a mis le pied à l’étrier dans le domaine qui est le sien, la publicité. À 17 ans, il a été employé par un client de son père cordonnier pour qui il confectionnait déjà des affichettes. « Dans les années 50-55, j’ai travaillé pour un fabricant d’enseignes, elles pouvaient mesurer 1,5 m par 5 m et dans ce temps-là, tout était fait à la main avec de la peinture murale, même le lettrage ! »

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Après l’adolescence, Alain Beaulieu dit être entré dans le monde adulte d’une manière un peu particulière… « Il y a des anecdotes que je ne peux pas vous raconter… », souffle-t-il entre deux rires. Pendant trois étés, le futur écrivain faisait des remplacements à Poste Canada. « Disons que c’était l’entrée d’un jeune dans un milieu d’hommes, avec tout ce qui peut

être propre à ce milieu, des caractères particuliers, des trucs reliés à la sexualité un peu… » La seule anecdote qu’il nous autorise à raconter, c’est le souvenir d’un casier de facteur … parsemé de photos de femmes nues ! Même si l’on peut imaginer qu’il a puisé de l’inspiration pour ces romans dans cette époque, il n’en est rien ! « J’ai fait mes études à l’Université

et j’étais postier à temps partiel en dehors de l’été. Je suis rentré à l’intérieur, là où les machines trient le courrier pendant quelques années, ça me permettait d’écrire le jour et de travailler le soir ou la nuit. Je suis devenu écrivain comme ça moi, dans le fond ! », conclut M. Beaulieu.

RÉGIS LABEAUME La première tâche du Maire de Québec comme employé saisonnier ? Nettoyer des toilettes ! Régis Labeaume a travaillé pour la première fois l’été de ses 15 ans dans le garage mécanique dont son père, mécanicien, était le gérant. « La première journée, il m’a fait nettoyer l’intérieur de la salle de bain. La deuxième journée, il m’a fait peinturer l’extérieur, ensuite l'intérieur. Alors j’ai vraiment commencé en nettoyant des toilettes ! Je pense qu’il voulait m’envoyer un signal comme de quoi il n’y avait pas de préférence par rapport aux autres ! », confie-t-il.

Courtoisie: Régis Labeaume

Par la suite, M. Labeaume est devenu assistant préposé aux pneus. À l'époque, tout se faisait à la main. « J'arrivais à la maison complètement épuisé, vidé, parce que c'est du travail physique, on n’était pas habitué ! », se rappelle-t-il. Il a conservé cet emploi pendant quatre étés chez Cartier Transport à Québec avant de devenir laveur de camions. « Je lavais l’extérieur des vans et des camions, on lavait des camions durant tout l’été ! »

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Juste avant d’entrer au Cégep, le futur maire s’est rendu à SeptÎles et a été l’employé de la Commission scolaire du Golfe pour laquelle il faisait l’inventaire des écoles jusqu’à Natashquan. Il a également fait partie du personnel bilingue pour un congrès en Colombie-Britannique, travaillé pour la Société des Alcools du Québec et été conducteur de camion dix roues. Régis Labeaume dit n’avoir jamais manqué de travail. « Je levais jamais le nez sur rien » ajoute-t-il. De ces emplois-là, il en a tiré des enseignements. « Ça m’a convaincu que je devais aller à l’école ! » s’exclame-t-il en plein rire. Probablement aussi que je comprends mieux l’ensemble de la population parce que j’ai eu ces emplois-là, qui ne sont pas nécessairement des emplois faciles, ce qui m’a permis de garder les deux pieds sur terre ! ».

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REBOISEUR:

POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE Le cadran sonne. Il est 6 h 00 am. Pour la majorité des gens, c’est la routine qui commence et qui se répète depuis longtemps. De mon côté, c’est plutôt ma première journée comme reboiseur qui s’amorce dans le négatif, avec la température qu’il fait dans ma tente. Pas de douche très chaude pour commencer la journée. J’entame plutôt la suite de mouvements qui deviendront ma routine à moi pour les quelques prochaines semaines : pour ne pas avoir froid pendant que je me prépare, je déroule la couverture enroulée autour de mes pieds, j’enlève les pantalons de coton ouaté qui sont par dessus mes pantalons de travail, qui sont eux-mêmes la deuxième couche après mes combinaisons. Puis j’enfile enfin mes 2 chandails (un de combinaison et un T-shirt). Tout ça dans le confort d’une tente aussi grande qu’une petite garde-robe. Qu’est-ce que je fais ici ? Planteur d’arbres… C’est pour une deuxième saison que je me lance dans cette aventure assez folle. C’est du moins un des qualificatifs possible. J’avais entendu parler du treeplanting pour la première fois par un franco-ontarien croisé en Australie, il y a de ça quatre ans. Ça semblait une bonne idée pour faire beaucoup d’argent rapidement, selon lui. L’idée s’est plantée dans un coin de ma tête et j’imagine que ça a pris trois ans pour qu’un germe en pousse et me revienne à l’esprit. Donc, planter des arbres hein? Pourquoi faire 27 heures de route pour atterrir au Manitoba et y planter des arbres? Pour l’argent évidemment ! Certaines personnes, tristement naïves (sans être méchant), croyaient que j’allais faire ça pour l’environnement. Désolé de vous décevoir. L’environnement n’a pas vraiment à voir avec ce qui se passe là bas. Un peu, quand même, mais c’est surtout une question de business. Voilà comment les choses fonctionnent : les compagnies forestières coupent des arbres. Beaucoup d’arbres ! Lorsqu’un territoire a été exploité, il est de la responsabilité des forestières de laisser le terrain en question avec le même potentiel naturel. Elles engagent donc des sous-traitants pour planter des arbres qu’elles

pourront à nouveau couper dans de très nombreuses années. Brinkman reforestation and Associates est l’un des ces sous-traitants depuis près de 40 ans maintenant. Je fais cette année partie de l’équipe Bison (Bison crew). Nous avons comme mandat de planter un million d’arbres sur le territoire du Manitoba et encore un autre million en Ontario. À 0,08 $ l’arbre, c’est pratiquement un travail de cheval, ou de titan. Mais en réalité, personne au camp n’est un titan ou une bête. Il y a moi, 24 ans, qui

Ptoho: Mathieu Massé.

Certaines personnes, tristement naïves (sans être méchant), croyaient que j’allais faire ça pour l’environnement.

La copine de Mathieu, Anouk Neveu-Laflamme, au travail!

mesure 5 pieds 10 pouces avec mes 140 livres mouillées. Des femmes encore plus petites font également ce travail de fou. Mais pour le moment, on ne pense vraiment à rien d’autre qu’il est 6 h 00 am et que les arbres n’attendent rien d’autre que de se faire planter. MATHIEU MASSÉ

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LE PARI DE L’AUBERGISTE

Photo: Marc-Antoine Paquin

Quand il est question d’emplois saisonniers, on pense directement aux emplois extérieurs; au pêcheur, au couvreur et à l’agriculteur. On tend souvent à en oublier plusieurs, comme l’aubergiste, qui lui aussi affronte de nombreux défis tous les ans.

Il y a 17 ans, Yvon Plourde et Suzanne Bilodeau ont réalisé un rêve. Originaires de Québec, ils ont fait l’achat de l’Auberge sur Mer, à Notre-Dame-du-Portage, dans le Bas-du-Fleuve. C’est eux, par la force des choses - ils m’emploient depuis deux mois déjà -, qui m’ont fait réaliser l’ampleur de l’investissement entourant la gestion d’une auberge saisonnière. C’est qu’à tous les printemps, alors qu’il se prépare tranquillement à l’ouverture, M. Plourde lance les dés. Il gage. Il prend le pari que cet été, son domaine sera bondé. Une bonne attitude est la base de toute réussite, dit-on… Pourtant, l’homme d’une cinquantaine d’années sait très bien que son souhait ne se réalisera pas. Mais il a confiance. Parce que posséder une auberge saisonnière, c’est faire confiance. Faire confiance à son offre, à ses employés et à la bonne volonté des touristes. À l’instar des pêcheurs, les aubergistes ne peuvent prévoir que difficilement la « récolte » d’une journée prochaine. Personne ne peut prétendre prédire les aléas des vacanciers. Il faut faire confiance à Dame Nature aussi, bien évidemment. Toute personne travaillant dans le tourisme sait à quel point le soleil est important. D’ailleurs, de plus en plus, les caprices de la température font des siennes. L’été

débute, et pourtant, les degrés ne sont pas au rendez-vous. Du moins, ici, dans l’est. Avouons-le, l’hiver a été difficile. Le printemps également. Et si l’été se pointe le bout du nez en retard, les vacanciers font de même. Tout est retardé; la fonte des neiges, les travaux sur le terrain, dans le jardin, et donc les vacances à l’extérieur de chez soi. Les gens sont si heureux de chauffer leur piscine, qu’ils aiment mieux l’essayer quelques semaines avant de partir sur la route. C’est légitime. Les auberges, notamment celles présentes dans de petits villages comme NotreDame-du-Portage, possèdent une clientèle sélecte. Une clientèle organisée. Une clientèle qui cherche le calme et qui est prête à payer un peu plus cher pour une belle vue et un bon repas. Elles ne bénéficient donc pas des voyages familiaux et des arrêts aléatoires. Cela rend encore les choses plus difficiles. Bien entendu, tout plein d’éléments peuvent venir «  perturber  » la réussite d’une saison. C’est pareil pour tous métiers saisonniers. L’année dernière, par exemple, de nombreux travaux ont été réalisés sur la 132, à Notre-Dame-duPortage. Ils avaient lieu à l’est et à l’ouest de l’Auberge. Les clients n’ayant que difficilement accès à l’établissement, l’été ne fut pas terrible. Si cette année, la 132, toute neuve, rend l’Auberge très accessible, le début de saison n’est pas plus étincelant. Je le vois.

Les patrons aussi. Cela semble plus difficile à avaler quand on se remémore les difficultés passées et les travaux récents. Entretenir une auberge d’une soixantaine de chambres, ce n’est pas donné, mais pourtant nécessaire. Parce qu’on veut toujours un plus bel endroit. Parce qu’on veut toujours offrir mieux. Parce qu’on espère que cela attirera les foules. Juillet et août amèneront leur lot de clients. C’est toujours le cas. Ce sont les deux mois qui rachètent souvent un peu la saison. Est-ce assez? Je ne sais pas. Mais je sais qu’ils feront du bien. -Le portrait semble tout gris, c’est vrai. On y trouve tout de même des touches de couleurs, rassurez-vous. Les « mercis », les sourires et les petites discussions de fin de soirée à la réception sont tous des raisons qui font oublier les sacrifices. Être aubergiste, c’est être passionné. C’est aimer les gens, aimer leur parler, aimer les accueillir. C’est aussi être optimiste. Optimiste, parce qu’un service personnalisé, cela rend les gens fidèles. Et qu’une personne fidèle reviendra vous rendre visite. C’est cela, le pari de l’aubergiste. MARC-ANTOINE PAQUIN

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UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UN CUISINIER DU 1640 AU MENU

Vive l’été pour les promenades qui se prolongent par un souper terrasse bien arrosé en bonne compagnie. La détente est au menu! Pour le cuisinier, par contre, c’est l’heure du boulot… ce qui ne veut pas dire pour autant que ce soit déplaisant. Les cuisiniers du 1640 commencent la journée en se saluant, une poignée de main aux garçons, la bise aux filles. Le sourire aux lèvres dans une ambiance chaleureuse de franche camaraderie. Dans cet esprit, il y a de la place aux blagues, aux histoires comiques et aux taquinages pour agrémenter une journée qui, sans cela, pourrait être empreinte de stress.

Bergy entouré de deux collègues

dage de ce restaurant, autrefois appelé l’Auberge du trésor, qui a pignon sur rue depuis 1980. Beau temps comme mauvais temps, l’étape qui prime dans la cuisine est la mise en place; vérifier le contenu des frigos et les dates de préemption, afin de s’assurer qu’il y a l’inventaire nécessaire pour la semaine. PRENDRE LES COMMANDES… DANS TOUS LES SENS DU TERME.

Surtout que temps estival, rime avec nouveaux menus et nouveaux staffs débarquant pour la saison touristique. Même si les mets classiques sont conservés, il faut apprendre aux nouveaux employés le fonctionnement de la cuisine et la préparation des plats à maîtriser.

Le chef dans son rôle de gestionnaire délègue les tâches pour la répartition entre les membres de l’équipe. La brigade se charge alors des idées de recettes et de leurs confections. Le suiteur pose quant à lui les questions aux cuisiniers pour faire le suivi entre la cuisine et la salle à manger. De l’autre côté, les serveurs passent les commandes via les ordinateurs en réseau qui à leur tour les transmettent aux cuisiniers. Le cuisinier regarde ce qu’il y a à sortir et vérifie le nombre d’assiettes, à commencer par l’entrée. Il est prêt, les aliments sont précuits, assaisonnés, les légumes taillés et cuits à la minute et les sauces élaborées selon l’estimation effectuée pour la journée. Cuisson finale, ensuite, l’étape du montage et de la décoration et le tour est joué, direction vers le client.

Toute l’équipe doit être préparée de façon optimale à recevoir les clients, et encore plus lors des journées où ils accueillent beaucoup de groupes, car sinon l’équipe en cuisine risque de courir.

Après la période intense, il y a de nouveau une vérification à effectuer, une mise en place à refaire et ça recommence, pour se terminer avec le fameux nettoyage et un verre en équipe.

Le 1640 avec sa terrasse ensoleillée comporte une centaine de places. Située en face du Château Frontenac, elle possède la plus belle vue sur ce lieu mythique. Cet emplacement de choix mousse l’achalan-

CARACTÈRE À REVENDRE

«  On rit, mais ça prend une bonne concentration, quand c’est le temps de travailler, on travaille et on se doit d’avoir une bonne communication entre nous » nous mentionne Éric Bergeron, cuisinier du 1640.

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Photo: Jasmin Nukovic

Recette magique  Mise en place  Achalandage  Bonne humeur

Une force essentielle en cuisine est la rapidité d’exécution et le sens de l’organisation. Il n’y a pas de place aux gaffes, sinon tout doit être recommencé, ce qui

n’est pas commode si le resto est bondé de monde. Le métier de cuisinier n’est pas fait pour tous. L’expression « avoir les reins solides » s’applique tout spécialement dans ce domaine. « Nous devons être forts mentalement et physiquement » indique Bergy, ainsi appelé par ses collègues. Mentalement pour conserver le sangfroid, malgré le stress et les situations difficiles qui peuvent survenir. Physiquement pour résister aux longues heures à travailler debout dans la chaleur, ainsi que pour le matériel quelquefois lourd à transporter, par exemple. Dans de telles conditions, s’entraider et cultiver un bon tempérament devient primordial pour tout le monde. Pendant que les gens se détendent, il y a le monde du cuisinier, enchanté d’offrir un menu varié et des plus délicieux, entre autres l’entrée chaude au croquant de chèvre. En plat principal, la bajoue de bœuf, qui est une bonne pièce tendre et qui fond en bouche. Il y a aussi le duo crevettes-pétoncles accompagné d’un Orzo ainsi que la ratatouille montée en emporte-pièce pour accompagner un plat de poisson. Et quoi de mieux pour terminer le repas qu’une assiette de fromages du Québec (et d’ailleurs) et d’un dessert bien-aimé à la crème brûlée à l’érable ou d’une pyramide au chocolat. Automne comme hiver, printemps comme été, reste la joie du cuisinier d’offrir un repas mémorable. L’art du 1640, c’est le plaisir de recevoir ! GENEVIÈVE THOMPSON

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LE MARCHAND DE LUNETTES

L'ŒIL DU CŒUR Homme d'affaires, l'opticien Simon Dufour est aussi homme de communauté. Oubliez tout ce que vous savez des opticiens : Le Marchand de lunettes ne fait rien comme les autres.

Simon a opté pour la lunetterie mobile pour satisfaire - un peu - son propre besoin de bouger, mais surtout pour « créer de l'accessibilité » : il va là où se trouvent les clients. En éliminant les coûts de loyer, de décoration et de publicité, le Marchand de lunettes fait des économies substantielles, dont il fait bénéficier sa communauté. Les clients sont les premiers à profiter des largesses de M. Dufour, d'abord, par le coût d'achat de leurs lunettes, de deux à cinq fois moins chers qu'en lunetterie commerciale. Les prestataires de la sécurité du revenu peuvent acquérir une lunette complète pour aussi peu que 20 $. Démocratiser la lunette est l'objectif du Marchand de lunettes. «  Quelques personnes croient qu'une lunette performante doit avoir un antireflet ou un résistant à l'égratignure  ». Certains se privent de lunettes depuis longtemps parce qu'ils n'ont pas les moyens de s'offrir ces options. « Même si on a moins de sous, on a le droit d'avoir une bonne paire de lunettes et de bien voir », affirme-t-il. Quitte à sacrifier un peu sur l'esthétisme ! « On peut avoir une très bonne capacité visuelle avec des foyers, même s'il y a une ligne dans le verre ». Simon Dufour voit beaucoup plus loin que son offre de service. « Des lunettes, ça permet parfois de repartir la roue, de lire un peu plus, d'aller à l'ordinateur... et éventuellement, de se retrouver un travail ». Hors de question pour lui d'être apprécié uniquement pour sa politique de prix. « Ça m'importe d'avoir une pensée globale ». Voilà pourquoi ses principaux partenaires d'affaires se trouvent parmi les organismes communautaires qui promeuvent le Marchand de lunettes auprès

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Photo: Francine Chatigny

M. Dufour opère une lunetterie communautaire itinérante. Tout son équipement, montures et appareils d'ajustement, tient dans quelques malles que l'opticien trim-balle d'un organisme communautaire à l'autre. Il a d'abord concentré son offre de service dans les quartiers centraux de Québec, « là où c'est essentiel ». L'embauche d'une assistante et d'une opticienne à temps partiel lui permet maintenant de desservir 18 organismes dans les quartiers périphériques tels L'Ancienne-Lorette, Loretteville et même Lévis.

Deuxième étage, Maison Lauberivière : Simon Dufour ajuste les lunettes de sa cliente Dorice Girard.

de leur clientèle et qui reçoivent des sous en échange. « Quand le client me précise que, par exemple, c'est l'Archipel d'Entraide qui m'a référé, je redonne 10 $ par lunettes complètes vendues, peu importe le prix, à l'Archipel ». En un an et demi d'opération, M. Dufour a remis plusieurs milliers de dollars aux organismes communautaires. «  Je suis fier de cela. C'est important pour moi de boucler la boucle en redonnant aux organismes... qui sont malheureusement sous-financés ». L'imagination débordante, le jeune trentenaire multiplie les occasions de partager avec la communauté. Ses prix ne font pas un chiffre rond, 149 $ par exemple : il propose à son client de payer 150 $ et il investit le dollar flottant dans une cause. En 2014, lui et son assistante ont participé au défi Leucan - ce qui explique sa coupe de cheveux!- auquel ils ont versé 1200 $. En 2015, les dollars flottants seront investis dans le programme de chiens-guides, une initiative de la Fondation des Lions du Canada.

d'un an en Amérique latine qui lui a ouvert les yeux. « Côtoyer la pauvreté, ça été un point de départ à l'initiative communautaire ». Au retour, celui qui avait travaillé près de 10 ans en lunetteries commerciales doute de sa capacité à réintégrer ce milieu : il aime son métier, mais pas le contexte dans lequel il doit le pratiquer. Son ami de Montréal, Philippe Rochette, le premier opticien communautaire au monde, lui tend alors la main. « En travaillant avec le Bonhomme à lunettes, j'ai su dès la première heure que c'est cela que je voulais faire ». La vie dans la métropole ne lui convenant plus, il décide de transposer le concept à Québec. Il travaille 70 heures par semaine, mais ne s’en plaint pas. « C'est un peu égoïste de faire ce que je fais... Je retire beaucoup. Je rencontre des gens extraordinaires et ça me ground vraiment ! ». FRANCINE CHATIGNY

Par ailleurs, il développe une politique environnementale qui se traduit pour l'instant par le rachat des crédits carbone pour compenser ses déplacements. « C'est un work in progress, c'est pas encore clair, mais je veux faire plus ». POINT DE BASCULE À l'écouter énumérer toutes ces bonnes actions, on se demande si le Marchand de lunettes est tombé dans la charité quand il était petit. Eh bien non! C'est un voyage

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ANTICOSTI OU L’ATTRAIT DE L’OR NOIR

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À l’heure où le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) alerte le monde entier qu’il est impératif de réduire radicalement notre dépendance aux énergies fossiles, l’État québécois nous enfonce dans un processus pétrolifère qui mettra bientôt en péril la survie d’un joyau de la nature du Québec. On appelle l’île d’Anticosti, la Perle du Saint-Laurent. Environ 230 habitants y vivent, concentrés près de la pointe sud-ouest, à Port-Menier. La longueur de l’île est de 220 kilomètres et sa superficie est 40 fois celle de l’île d’Orléans. Il s’agit d’un territoire québécois encore pratiquement vierge, traversé par de riches rivières à saumon au milieu d’une merveilleuse forêt peuplée de 200 000 chevreuils. Ces magnifiques paysages ne sont visités que par quelques milliers de personnes par an. Des touristes avisés y viennent pour la chasse, la pêche ou simplement pour se laisser séduire par la pure beauté de la nature. En plus de son parc national, ainsi que de sa faune et de sa flore exceptionnelles, l’île est truffée de fossiles datant de plusieurs centaines de millions d'années. Un trésor reconnu dans le monde entier par les paléontologues. Sur ses plages, même les phoques profitent de ce décor pittoresque. DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE OU PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’HUMANITÉ Des citoyens d’Anticosti demandent l’arrêt des travaux d’exploration pétrolière, car ils sont inquiets des répercussions des activités menées par les pétrolières jusqu’à maintenant et de celles à venir sur l’île et dans le golfe du Saint-Laurent. Hydro-Québec avait des droits d’exploitation qu’elle a cédés à Pétrolia en 2008, sous le régime libéral. Une entente étrangement confidentielle a été signée entre Hydro-Québec et la compagnie Pétrolia. Le 29 mai 2013, le gouvernement du Parti québécois (PQ) publie un règlement autorisant la fracturation hydraulique. Ainsi, 80 % du territoire de l’île sera ouvert aux forages. Il s’agit d’une volte-face du PQ qui, en campagne électorale, avait pourtant promis de protéger Anticosti. En février dernier, le Gouvernement Marois a conclu une entente avec Pétrolia pour l'exploration pétrolière sur l'île d'Anticosti avec un investissement de 110 millions de dollars. Selon l’Institut économique de Montréal, l’exploitation du pétrole de schiste à Anticosti serait une chose positive pour les Québécois, puisque « ça permettrait d’enrichir les gens grâce à des redevances qui pourraient permettre de réduire le déficit budgétaire ». Pendant ce temps, l'opposition à l'exploitation pétrolière sur l'île s'organise. Études scientifiques, plaintes citoyennes, recours légaux, mouvements citoyens opposés aux gaz de schiste. Les

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organisations, tout comme les individus, se mobilisent : Équiterre, citoyens de Gaspé et des Îles-de-la-Madeleine, membres des Premières Nations, Fondation David Suzuki, parmi d’autres… De fait, il y aurait l’équivalent de 40 milliards de barils de pétrole enfouis dans la roche-mère de l’île dont on ne pourrait extraire qu’environ 5 %, tout en faisant un véritable gruyère de l’île d’Anticosti. Il faudrait forer 15 000 puits reliés par des oléoducs (pipeline) acheminant le pétrole vers un port de mer. Un véritable Klondike pour l’économie québécoise. Un désastre environnemental pour le Québec! Car voilà où le bât blesse cruellement ! Il ne s’agit pas de nappes de pétrole conventionnelles : le pétrole d’Anticosti est du pétrole de schiste qu’il faudrait exploiter par la technique très contestée, puisque trop polluante, de fracturation hydraulique. Ce qui veut dire, en termes simples, qu’au lieu de former un lac souterrain d’où l’on pourrait le pomper facilement, ce pétrole est réparti comme des petites bulles dans une éponge de pierre solide, qu’il faut briser, fracturer, pour en extraire le contenu. Une telle entreprise comporte des risques avérés pour l’environnement : pollution de l’air par des gaz à effet de serre (GES), pollution des nappes phréatiques, pollution des cours d’eau par des produits hautement toxiques, menace pour la survie de certaines espèces animales et végétales, et j’en passe… « Aujourd'hui, ce qui est absurde, c’est de se lancer sur Anticosti à la recherche de nouvelles réserves d’un pétrole parmi les plus sales et les plus polluants de la planète, au nom d’une soi-disant indépendance énergétique », commente Dominic Champagne, coproducteur du récent documentaire Anticosti : la chasse au pétrole extrême. Au Québec, nous importons 150 millions de barils de pétrole chaque année. Nous avons des surplus d’électricité. Nous n’utilisons que de façon symbolique les solutions véritablement efficientes du point de vue environnemental. Allons-nous comprendre à temps que les ressources naturelles encore intactes de l’île d’Anticosti et du golfe du Saint-Laurent n’ont pas de prix pour un Québec qui espère encore un avenir viable pour ses descendants ? RÉAL MALOUIN PHILOSOPHE

N.B. Fin mai 2104, le gouvernement libéral a donné son accord à la poursuite de l'exploitation pétrolière sur l'île d'Anticosti.

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Note pour Karyne : Mettre cette pub le plus petit possible. Tu peux jouer avec les éléments si tu veux.

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COMMENT MANGEZ-VOUS VOTRE PÉTROLE ?

Au menu aujourd'hui, notre pétrole comestible sous toutes ses formes : en potage mystère, en vinaigrette sur salade d'algues brunes fanées ou en sauce sur mutant de poisson du lac Athabasca. En dégustation, nous proposons la moelle de bœuf séchée sur galette de farine d'os archéologue de bison ou une pointe de magret de canard reconstitué relevé d'herbes mortes des Prairies... Nous avons aussi un choix de carnes synthétiques : volailles, gibiers divers et même des poissons du site Old Harry... Comme breuvage, pourquoi ne pas essayer notre eau aux parfums d'étang de rétention... Ces élucubrations datent d'avant qu'on ne parle sérieusement d'explorations pétrolières à Anticosti. La tragédie écologique appréhendée à la porte du golfe Saint-Laurent restait loin du Québec écolo. mais aujourd'hui, impossible d'en ignorer l'actualité. Lorsqu'il s'agit d'approvisionnement en énergie, le discours d'une partie de nos élites impose de conclure qu'il faut de grands changements dans nos habitudes de consommation. Les finances nationales sont malades et ont besoin des revenus que généreraient les projets d'exploitation d'éventuelles ressources pétrolières des sols et fonds marins nationaux. Alors, pour allécher des groupes financiers, nos gouvernements ne calculent ni les investissements, ni les risques. Les inquiétudes environnementales ou écologiques doivent céder le pas devant les urgences gazières et pétrolières. La prospérité économique des générations futures en dépend. À peine consent-on certaines précautions, pour se disculper devant l'histoire. Pour avoir grandi dans une ville minière qui pendant un siècle a vécu les péripéties d'une aventure entre l'humain et le capital, j'avoue que ces promesses sonnent une alarme. On va encore se faire avoir! Au nom de la prospérité, de la création d'hypothétiques emplois et d'occasions d'affaires, l'industrie énergétique aura carte blanche pour détruire ce qui la gêne dans ses invasions guerrières. Quand elle aura tout massacré pour s'emparer des ressources qu'elle veut vendre, elle partira en se lavant les mains des dommages et torts causés. Malgré les investissements publics et les désillusions semées parmi les naïfs avaleurs de rêves.

Comme pour les tas de résidus des forages miniers, les dommages ont été compensés, croit-on, par les revenus, indemnités, redevances et salaires, versés à certains éléments de la population. Quand on réalise après coup, comme ce fut le cas avec l'amiante, que la ressource magique comportait des risques, les gouvernements investissent encore l'argent des contribuables pour cette fois éliminer les substances devenues dangereuses. Y'a rien là: des centaines de travailleurs ont gagné leur vie pendant des décennies, des familles ont vécu une certaine prospérité et leur région a connu un développement économique envié par plusieurs ! Tant pis pour ceux qui en sont morts. Voilà pour l'amiante mais qu'en est-il du cuivre et du fer des régions isolées ? Demandez aux gens de Murdochville. Ou à ceux de Malartic où pour exploiter une veine d'or prometteuse, on a déplacé rues et maisons. On a aussi connu ça pour l'amiante de Thetford, il y a un demi siècle. Pour voir les dégâts causés par les forages, pas besoin d'aller voir les étangs des sables bitumineux de l'Ouest canadien ni même les montagnes dévastées par nos intérêts miniers en Amérique du Sud ou en Afrique. Les multinationales ignorent la géographie et les gouvernements ne retiennent rien des enseignements de l'histoire. Devant les mirifiques projets de construction ou d'inversions d'oléoducs et autres quincailleries du genre pour, à travers forêts, prairies et montagnes de l'Ouest, offrir aux marchés asiatiques les matériaux énergétiques tirés de nos sous-sols, on peut hurler. Mais il faut crier encore plus fort quand une hypothétique suffisance énergétique passe devant l'autosuffisance alimentaire, avec la bénédiction de nos " élites ". Et notre argent.

MARTINE CORRIVAULT

Charriage et alarmisme ? Même pas. Il suffit de voir comment les choses se passent lorsque débarque une équipe de forage dans une région. Même les bâtisseurs d'éoliennes, malgré leur mandat écologique, ont " dérangé " et sont souvent repartis sans ramasser leurs traîneries ni réparer les dégâts causés par leur passage.

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ACHETER D’OCCASION… POURQUOI PAS!

Photo: Archives Web

Juillet, c'est le temps des déménagements et... du désencombrement. Avez-vous pensé à donner vos surplus d’objets à un organisme qui les revalorisera? Si oui, c’est excellent! Toutefois, quand vous avez besoin d’un objet, songez-vous à vous le procurer dans un magasin d’occasion? Cette façon de faire est essentielle à l’équilibre entre l’entrée et la sortie des objets dans ce type de commerces.

Si les gens connaissaient les avantages d’acheter d’occasion, ils en profiteraient plus souvent. Le principal gain est qu’il n’est pas rare de ne payer que 20 % à 30 % du prix de l’objet neuf pour un objet qui a déjà servi. De plus, le choix de la marchandise est souvent plus grand dans un magasin d’occasion que dans une boutique mode. On y découvre « des petits trésors », particulièrement dans les départements de vêtements d’enfants et des jouets. Cette pratique d’achat est également bénéfique pour l’environnement. En effet, elle permet de réduire l’exploitation des ressources, l’énergie, la pollution, le transport et les déchets. Sur le plan social, elle permet à des organismes communautaires de se financer et à des petits commerçants de gagner leur vie. Finalement, pour ceux qui veulent acheter « québécois », c’est une façon détournée d’y arriver, même si c’est marqué « fabriqué en Chine ». Il y a plusieurs endroits où l’on peut se procurer des objets de seconde main. Mentionnons les marchés aux puces, les ventes-débarras, les bazars, les encans, les comptoirs caritatifs, les friperies, les ressourceries et autres magasins de surplus domestiques. On peut aussi dénicher de belles trouvailles grâce aux petites annonces, aux babillards et finalement, aux différents sites Internet, principalement LesPac et Kijiji. Les mêmes moyens cités plus haut peuvent également être utilisés pour

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revendre les objets que l’on a en surplus. Cependant, lorsqu’on ne veut pas se donner la peine de revendre, on peut simplement mettre l’objet au bord de la rue avec une inscription « À donner ». C’est étonnant de constater à quel point presque tout disparaît vite ! Bien sûr, l’achat d’objets de seconde main nécessite plus de démarches : il faut vaincre le fouillis de certains magasins, envisager du nettoyage et des réparations, composer avec moins de garanties. Toutefois, le plus grand inconvénient est d’avoir à subir la concurrence des objets neufs, si peu chers. En effet, avec la diminution du prix des matières premières et les salaires démesurément bas versés aux travailleurs des pays en voie d’industrialisation, les objets neufs se vendent souvent à vil prix dans nos magasins. Il devient alors difficilement justifiable de faire réparer des objets comme un grille-pain ou une imprimante d’ordinateur, alors que l’on peut s’en procurer des neufs pour un montant équivalant à celui d’une réparation. Quel gaspillage ! Personnellement, j’achète beaucoup d’occasion. La plupart de mes achats importants commencent par une recherche dans des catalogues ou sur le site Web de certains magasins pour connaître les prix et les caractéristiques des objets neufs. Ensuite, je fais le tour, par téléphone, des marchands d’objets de seconde main, à l’aide du bottin du réemploi publié par la Communauté métropolitaine de Québec.

Lorsque l’objet convoité, en bon état et à bon prix, est repéré, je fais des visites. Si je ne le trouve pas de cette façon ou en consultant les petites annonces sur LesPac ou sur Kijiji, je poursuis en passant moi-même une annonce dans la rubrique « Recherche ». Ainsi, j’ai déjà trouvé des instruments de musique, des matériaux de construction, etc. Le domaine des marchandises de seconde main a grand besoin de publicité! Ce n’est qu’en faisant connaître ses avantages et en combattant les préjugés qui y sont associés que cette solution de remplacement aux achats conventionnels se développera, pour ensuite atteindre un certain équilibre entre les objets reçus et vendus par les organismes caritatifs. Pour ma part, grâce à ce moyen relativement facile de consommer, je me réjouis régulièrement de l’augmentation de mon niveau de vie et du sentiment de cohérence que j’éprouve avec mes valeurs environnementales. La découverte de l’objet de seconde main convoité est, de plus, devenue pour moi un vrai défi et un réel plaisir. PASCAL GRENIER, SIMPLICITAIRE

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LE JEU DE LA QUÊTE

LE JEU DE LA QUÊTE par Ginette Pépin et Jacques Carl Morin

PAR JACQUES CARL MORIN ET GINETTE PÉPIN Ce jeu consiste à remplir les rangées horizontales ainsi que les colonnes 1 et 20 à l’aide des définitions, indices ou lettres CE JEU CONSISTE À REMPLIR LES RANGÉ­­­­­­­ES HORIZONTALES AINSI QUE LES COLONNES 1 ET 20 À mélangées ou déjà inscrites. Chaque case grisée représente une L’AIDE DES DÉFINITIONS, INDICES OU LETTRES MÉLANGÉES OU DÉJÀ INSCRITES. CHAQUE CASE qui est àUNE laLETTRE fois la lettre d’un mot et D’UN la première lettreR GRISÉE ­ EPRÉSENTE QUIdernière EST À LA FOIS LA DERNIÈRE LETTRE MOT ET LA lettre du suivant. PREMIÈRE LETTRE DU SUIVANT. 1

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VERTICALEMENT : Verticalement

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1- Région touristique du Québec.

Région touristique 20-1Mouvement brusque.

7- Période de congé. Assistance à quelqu’un en danger. Jumeaux attachés l’un à l’autre par une partie du corps.

du Québec.

HORIZONTALEMENT :

8- Relatif à l’odorat. Ancienne unité monétaire de France. Pays d’Amérique centrale.

Mouvement brusque. 1- 20Se dit d’un moment décisif. Pupitre soutenant une partition de musique. Nonobstant, cependant.

9- Fleur versicolore. On le pêche à la mouche, notamment à Anticosti. Personne qui fait du commerce en gros (GANITECON). Creux dans une surface.

2- Crustacé. Le quart d’une pinte. Baldaquin au-dessus d’un autel. Petit appartement.

10- Instrument de musique à percussion. Espace de terrain entouré d’une clôture. Portion de droite délimitée par deux points.

Horizontalement :

3- Salle destiné à l’écoute d’œuvres musicales ou théâtrales. Titre de l’avocat. Axe d’un véhicule supportant deux roues à Se dit d’un moment décisif. Pupitre ses1extrémités.

Nonobstant, cependant. 4- Extrême délicatesse. Échanger une chose contre une autre. Moitié de rhubarbe. 5- 2« On Crustacé. fait son ___ comme se couche.  ». Homme de la Leonquart d’une pinte. pègre. Double d’un document. Verbe auxiliaire.

appartement.

soutenant une partition de musique.

Baldaquin au-dessus d’un autel.

Petit

6- Pente raide, abrupte. Communication à distance par la pensée.

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PAR HÉLÈNE HUOT DES MOTS POUR RIRE / L’HOMME, UN DRÔLE D’ANIMAL! Il « dort comme un loir, a une faim de loup, un œil de lynx, une vie de chien. Pour être toujours prêt à se faire aussi gros qu’un bœuf ou à passer par un trou de souris, il lui faut être rusé comme un renard. Quoique l’amour, dont il fait son cheval de bataille, le rende gai comme un pinson et léger comme une plume, il n’aime pas faire le pied de grue et rester comme un oiseau sur la branche. Si donc on lui pose trop de lapins, surtout par un froid de canard, il aura vite la puce à l’oreille et, loin de ménager la chèvre et le chou, n’hésitera pas à prendre le mors aux dents et le taureau par les cornes : il sait parfois faire l’âne pour avoir du son, mais on ne lui fait pas avaler des couleuvres. Il a d’autres chats à fouetter. Il en tombera peut-être malade comme un chien, au point d’en avoir une fièvre de cheval, mais il saura rester, sur ses mésaventures, muet comme une carpe car, s’il est parfois bavard comme une pie, il sait mettre un bœuf sur sa langue. Avouez que c’est un drôle de zèbre. » [Extrait de Pierre Daninos, Le Jacassin, Hachette, 1962]

DES MOTS POUR JOUER / DES ANIMAUX ET DES HOMMES De nombreuses caractéristiques humaines trouvent dans les animaux un symbole approprié. À quel animal associe-t-on les traits suivants ? 1. Avare, pingre 2. Bavard 3. Doux 4. Dur et rapace 5. Fier 6. Gai 7. Grand et maigre 8. Grégaire

9. Laid 10. Malin 11. Nu 12. Rapide 13. Myope 14. Rusé 15. Silencieux

DES MOTS POUR PARLER 1. Quelle expression signifie : passer brutalement d’un sujet à un autre ? 2. L’œil-de-bœuf est une lucarne pratiquée dans un mur; qu’est-ce qu’un œil-de-chat ? 3. Autrefois, on appelait « destrier » le cheval de combat, parce que le chevalier le conduisait de la main droite. Vrai ou faux ? 4. Que signifie : être le dindon de la farce ? 5. Vers 390 avant J-C, les Gaulois ont envahi Rome; selon la légende, ce sont des animaux qui ont donné l’alerte et permis aux

Romains de repousser l’envahisseur. Quels sont ces animaux ?

6. La chanson « Tout va très bien madame la marquise » annonce la mort d’un animal; lequel ? 7. Un proverbe, qui met en scène des animaux, signifie que les adversaires sont de force égale. Quel est ce proverbe ? 8. «  On commence par voler un œuf. Ensuite on vole un bœuf. Et puis on assassine sa mère. »

L’auteur de ces phrases est : a. Coluche; b. Jean de La Fontaine; c. Jules Renard.

9. L’âne brait, le lapin clapit; que fait le chameau ? 10. Urus et urubu sont deux noms pour désigner le même animal. Vrai ou faux ? J’attends de vos nouvelles… Vous aimez les mots. Vous avez des commentaires à formuler ou des suggestions à faire concernant cette chronique La langue dans sa poche. Rien de plus simple. Écrivez-moi à hu-go@sympatico.ca. Cela nous permettra d’échanger sur des questions qui vous intéressent et d’enrichir par le fait même les futures chroniques. Merci à vous ! Les réponses page 37.

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Oui, je le veux !

J'ai un pays à garder, à conserver comme un souvenir en mémoire que l'on garde toute sa vie.

Notre pays à bâtir, à construire, à prouver aux yeux anxieux et froids de l'univers sans s'embrouiller avec les autres, aimer notre culture, notre langue, et celle des autres aussi.

Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

Mon pays est endetté, tout comme bien d'autres, sauf que le mien n'est pas encore né. Il est dans le ventre du Canada qui va accoucher quand nos yeux seront voilés. Et puis qu'importe voilé ou dévoilé, le vin ruisselle pour tout un chacun. Chanter en buvant au ruisseau de l'amour poétique partisan de son pays, jusqu'au cou dans la rivière de larmes et de salut. Mon pays à vivre par soir orageux sous des nuages gris sous une lune ronde et nue. Nous serons les amis d'un pays clair, limpide et pur. Nous deviendrons fleuve en léthargie pour lui, nous lui offrirons la plus belle fleur, le LYS. Nous crierons que nous l'aimons, sans trompette ni tambour. Nous le recevrons à notre table avec des invités sublimes où notre chef nous servira, avec sincérité et intégrité, un rôti juteux plein de vérité, le plus tendre, le plus beau, un rôti de liberté pour tous que nous aurons mérité. Les « on est né pour un p'tit pain », c'est fini : on va prendre la miche au complet et on se grouillera à s'alimenter de savoir. Mon pays sera de musique d'amour, de musique symphonique, rock ou country. Mon pays sera littérature en français et en poésie québécoise avec notre jargon. S'il le faut, les « yousques » et « sasse passe » seront acceptés, et nos poètes nouveaux seront notre fierté et nous les garderons sur la bonne voie de notre littérature. Mon pays aura l'âme d'un petit enfant qui vient de naître à l'aube d'un nouveau jour, avec ses grands vides que l'on remplira d'amour et de concessions, il verra au fil du temps le vaste territoire où il est né. Il ne nous délaissera jamais et restera parmi nous pour préserver nos vieux chênes qui se sont tenus debout pendant plus d'un siècle de discussions. Nous resterons fermes devant l'adversité et souples devant ceux qui nous donnerons la chance de prouver ce dont nous avons rêvé. Sinon, on fermera notre gueule et on restera caché, comme un secret qu'on ne veut pas dévoiler. Mon pays grandira à côté de ses frères et sœurs, il montrera à tous ce qu'est son hiver, ce que sont les gelures, les gerçures, le givre et sa longue chevelure blanche tapissant son territoire de neige poudreuse. Il remerciera nos grands-mères qui se sont battues pour l'égalité des femmes et nos grands-pères qui ont travaillé comme des bœufs, tout comme leurs ancêtres qui ont défriché ce pays à venir et qui ne sera jamais terminé, car il deviendra au jour le jour plus beau, plus grand et plus fier. Nous prendrons le temps de nous couvrir les épaules d'un châle de laine vierge tricoté par nos arrières grands-mères pour les soirs de tempête et d'ennui. Nous nous accrocherons à tous ceux qui voudront participer à notre œuvre étatique par le labeur et les corvées, où chacun se sera investi avec cœur et âme, sans menace, sans injure, mais avec dignité, force et génie, un peu d'orgueil et beaucoup d'espoir. Voilà la recette garantie d'un pays à venir.

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Ce futur enfant naîtra des cendres de nos aïeux sans haine, ni colère. Sans gêne, il affrontera les autres pays jaloux de notre réussite collective. Ils vont essayer de nous encabanner, nous juger, mais nous resterons forts. Aucun « canedas » (Canada) ne pourra nous résister, car nous aurons la clé des champs de notre liberté. Nous serons maisons rêvées pour recevoir les étrangers, nos immigrés, tout en conservant nos propres valeurs sans s'esquiver du premier venu, nous lui ferons face sans l'abîmer, ni le décoiffer, nous l'accepterons tel qu'il est. Nous conserverons nos traditions et nos conditions avec une politesse exemplaire. Nous serons critiqués sévèrement par d'autres pays, ils nous éreinteront à coup de paroles et d'écriture. Nous vaincrons tous nos adversaires de toutes les couleurs et de toutes les nationalités, nous aurons notre propre identité. Nous resterons loyaux et chaleureux, valeureux sans être baveux. Dévoués sans être soumis. Honnêtes sans être voleurs. Les gens d'ici seront enfin dans leur nouveau pays, des gens gracieux, aimables et bons, où la galanterie sera à l'honneur pour s'entraider dans une vraie solidarité sociale et pour vivre notre liberté identitaire. Nous ne heurterons personne au passage de notre liberté, nous braverons tempêtes et ouragans. Nous foncerons pour atteindre le pied de la montagne et nous monterons au sommet pour installer notre étendard fleurdelisé avec un écriteau en granit où il sera écrit : Libre d'être Québécois Nous serons peuple Nous serons nation Nous serons patriotes Nous serons Autochtones Nous serons fierté Nous serons franchise Nous embrasserons nos rivaux car nous seront respectés et réceptifs. Nous serons nous. Nous serons avant tout QUÉBÉCOIS ! MICHEL BONNELLY

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Éloge à la promenade La meilleure façon, à mon avis, de découvrir un environnement, que ce soit une ville, un village, une forêt ou un parc, est de marcher tranquillement, avec tous nos sens en alerte, ainsi qu'avec un esprit d'ouverture, de curiosité et d'émerveillement, sans se sentir coupable de prendre son temps. Il y a, je crois, un sens philosophique à la marche. Il faut découvrir les bienfaits de la randonnée, tant pour l'esprit que pour le corps : marcher est naturel et sain.

Marcher, c'est aller de découverte en découverte : à la rencontre des autres, de soi et de la Nature qui nous entoure et qui nous offre ses beautés toutes simples. Marcher, c'est s'éloigner des écrans devant lesquels nous passons d'ailleurs trop de temps et qui nous incitent à la surconsommation, tout en nous endettant toujours plus, par le biais d'incessantes et de harcelantes annonces publicitaires de rêves, de chimères, de « miroirs aux alouettes », disait Félix Leclerc, le grand contemplatif et amoureux de la Nature, comme il l’exprime si bien dans ses livres, notamment dans Calepin d'un flâneur.

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Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

Les autos, les autobus et les trains que nous utilisons pour nous rendre au travail et pour les longs déplacements sont indispensables. Mais quel plaisir, pendant nos jours de congé et nos vacances, de délaisser le téléviseur et l'ordinateur et de sortir dehors pour aller nous promener au gré du vent! Aller faire un pique-nique sur les plaines d'Abraham ou dans tout autre parc; découvrir un coin de nature où humer les fleurs; observer les oiseaux et leur chant. Dans mes promenades, je ressens la liberté de marcher à mon rythme. Quand arrive le printemps, surtout après de longs hivers comme nous en avons connus cette année, je suis toujours éblouie de voir des centaines de personnes qui déambulent sur la rue SaintJean en se dirigeant tranquillement vers le Vieux-Québec, la terrasse Dufferin ou encore Place-Royale. C'est alors viscéral de sortir de chez soi pour aller marcher, de s’extirper de l'immobilité pour se mettre en mouvement. Il arrive qu'il faille faire un petit effort pour partir, mais comme dit Bernard Voyer, grand marcheur et explorateur : « Il s'agit d'abord de faire le premier pas... »

extérieur, la promenade est pour moi une ouverture, un mode d'appréhension du monde. Presque tous les jours, je prends le train et puis je descends en cours de route pour finir le trajet à pied. Il m'arrive de ne pas aller directement à mon atelier et faire des détours. Marcher pendant ces sortes d'interstices dans mon emploi du temps me libère mentalement. Ce sont les seuls instants pendant lesquels je peux oublier mon travail ou mes soucis. Il arrive que des lieux ou des événements découverts par hasard au cours de ces déambulations deviennent ensuite du matériel pour mes créations. Ce sont des moments très précieux pour moi.

Dans les années 60-70, j'habitais une petite ville de la région de la Mauricie. Hiver comme été, nous étions pleins d'enfants qui jouaient dans les cours, dans les ruelles et dans les parcs. Nous nous inventions des jeux avec une balle, une corde à danser et des billes. Avec des bâtons et des restes de tissus, nous fabri-

Combien de fois, nous aussi, avons-nous fait de belles observations et de fructueuses méditations lors de nos promenades ? Par exemple, quand dans un parc nous nous assoyions sur un banc ou sur l'herbe pour écrire un beau texte ou peindre un tableau ! CHRISTIANE VOYER

quions des marionnettes pour nos petites pièces de théâtre d'été. Dès le début de notre adolescence, tout en vivant nos premiers émois amoureux, nous trouvions plaisir, qu'importe la distance, à nous promener main dans la main et à nous « bécoter » sur un banc public. Je raconte ces souvenirs non pas avec nostalgie, mais uniquement pour comparer hier avec aujourd'hui. Depuis cinquante ans, le Progrès a fait des pas de géants et devant ce « Monde excessivement rapide », nous avons droit, à « Échelle humaine », d'être perplexes, de nous questionner, d'être critiques et de discerner ce qui est bon pour nous... comme la marche ! Le créateur japonais de bandes dessinées et de mangas, Jirô Taniguchi, dont je partage à 100 % les réflexions, raconte comment et où il trouve ses inspirations. Contrairement aux rêveries du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau où le promeneur reste enfermé sur lui-même et quasiment hermétique sur le monde

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www.epicerie-europeenne.com

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Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

LA TERRE EST FOLLE… Il fait trop chaud dans le nid Chaleur d’alcool que je n’ai pas pris J’en ai marre des nouvelles à soulever le cœur J’ai envie d’aller voir ailleurs Et de m’y faire pendre. Ou de simplement descendre du bourgeois Sans me faire prendre Pour me passer le temps dans la joie. Il fait trop chaud dans mon lit La belle est fournaise et me fait la peau Je me colle contre la tendre et je me sens petit Ni jeune comme avant, ni bien, ni puceau J’écoute le bulletin de news encore une fois Ça me donne soif, ça me rend triste. La terre est folle, Christ Ça n’était pas la peine de venir ici On avait déjà assez de menteurs patentés On s’est bien fait fourrer, par tes curés, Je ne sais pas pourquoi je parle au passé… Une poignée de cachets, j’ai mal au Black Bloc Je m’ennuie, il fait trop bon dans ce nid L’odeur de la rue me manque.

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Je suis à crever dans cette foutue planque Tiens… il pleut à boire debout Cette expression est une idée de fou J’ai trop de fièvre pour arpenter le dehors En fait j’ai tout à fait l’air d’un mort Perdu dans un minable monde flou Situé sur une terre folle Où on ne trouve plus d’eau mais du pétrole Qui ne parle que l’anglais et qui rigole Qui est religieux de sa secte de l’ouest Qui a dieu pour insecte, répugnant et arriéré Qui donne à la caisse du parti tous les péchés Pour qu’on s’en serve contre nous Contre la Liberté Dont ils n’ont jamais eu la moindre idée ! Je retourne me coucher Avec l’espoir de ne plus me réveiller. JACQUES PRUNEAU L’ANARCHISTE

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Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

Mon Frère

Sillonner les États-Unis d’est en ouest par la mythique route 66, à bord d’un autobus, en conduisant des jeunes, c’est mon métier 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ce qui change constamment, ce sont les gens que je rencontre. Ce qui ne bouge pas, c’est ma route. Ma route 66… Cette route est devenue un champ pour moi, car j’ai l’impression qu’avec mes passages successifs, je sème toutes sortes de graines en elle. Je la connais par cœur, ma route 66, avec ses motels, ses villages fantômes, ses histoires, l’Histoire qu’elle traverse et qui la traverse… Depuis vingt ans que je roule ainsi, je peux même dire que c’est la route 66 qui a fait son chemin en moi. Je lui appartiens, corps et âme. C’est elle qui m’a donné tous mes points de repère, mes balises. Et c’est normal, je suis le boss de mon autobus. Pendant plusieurs jours, je suis le phare, le guide de ces jeunes qui veulent la découvrir. Presque leur grand frère, même. Pendant tous ces jours, au fur et à mesure que l’on avance, on voit toutes sortes d’images défiler… Alors je leur raconte des histoires avec mon micro, des fois sans, et nous chantons aussi avec le grand Bob et tous les autres…

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Tout allait bien jusqu’à ce mois-ci. Je me sentais tellement bien dans ce manège qui ne s’arrêtait jamais…Oui, tout allait bien jusqu’à ce mois-ci, jusqu’à ce que j’entende à la radio, alors que je n’étais plus à bord de mon autobus mais plutôt dans ma petite voiture personnelle, la chanson de Maxime Le Forestier, Mon Frère. Ce n’était pas la première fois que je l’entendais. Et chaque fois, je chialais comme une fontaine sans pouvoir dire pourquoi. Moi, le gars aux épaules carrées… Dans la chanson de Max, c’est un homme qui parle. Il parle de son frère qu’il n’a jamais eu, avec qui il aurait pu faire tellement de choses… À un moment donné, il dit que si la vie avait choisi d’être éthique, elle aurait partagé en deux toutes sortes d’affaires… Pour que ce frère puisse avoir sa place à ses côtés… Et à la fin, cet homme nous dit qu’il n’a jamais eu de frère. Il s’excuse même, auprès de ce frère imaginaire, de l’avoir dérangé, en lui donnant cette explication : « Ici quand tout vous abandonne, on se fabrique une famille ».

Aujourd’hui, je me sens particulièrement mal. Ma petite voiture m’a ramené chez moi, chez mes parents, que j’ai quittés il y a vingt ans. Je n’avais pas d’autre choix que celui de partir. Mon frère, que j’aimais tant, était tombé malade et il lui fallait du calme… Je me languis de les voir. Je suis à quelques mètres de la maison et je commence à avoir les jetons. Comment vont se passer ces retrouvailles ? Est-ce que je vais savoir, cette fois-ci, comment me comporter avec mon frère ? Ce frère qui est schizophrène… LAURENCE DUCOS

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Femme Femme vous êtes le visage et le regard celui qui contemple l'autre face de la beauté vous êtes l'écoute amoureuse

Femme tout en vous palpite et se déshabille vous la vigie la détente la mer qui berce et repose la pointe du sein le bout du pied vous les feux sur la berge Vous l'amour qui boitille qui marche et court yeux fermés tel ce hic et nunc sous votre nombril et le cœur léger de toute sa hauteur

Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

des clapotis des attentes des accents étrangers et le corps flamboyant de la Terre que baise un premier croissant

femme de foi contre la pâleur incertaine de ce côté-ci du paysage Femme sans autorisation je m'en viens vous courtiser vous telle qu'un tout un chacun serez-vous vous-même

(même qu'en une autre une étrangère une rom) à même les décors passagers. LE POÈTE DE LA RUE (J.-P. D.)

Après Morphée… Vivre de larmes, trahir la peur Regard d’effroi, étranges malheurs Vagues de froid, vallée de larmes Un cœur brisé, que rien n’épargne Tomber à genoux, dans la braise Transi de froid, sur une falaise Et hurler à Dieu : au secours ! Et voir s’amasser les vautours… L’âme s’évade, monde illusoire L’esprit s’égare, dans le soir Des papillons envahissent les pensées

JASMIN DARVEAU

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Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

Salut éphémère, folie passagère Retour abrupt, dans l’univers Où les cauchemars attendent, après Morphée…

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Solidaires1 Sept jours chaque semaine, trente midis par mois, Nous sommes des centaines, frères parmi les sœurs, Tous sous le même toit et la main sur le cœur. Il y a des chanceux, des nantis, des prospères, Mais surtout des exclus qui vivent de misère, Viennent quêter un peu de soupe populaire. Je suis un des chanceux mais ne fais pas le fier : Mon rôle est de sourire, accueillir et servir Ces gens seuls en enfer qui vivent la galère. Photo: Jean-Pierre Colzon

On leur redonne un peu de ce qu'on a reçu, Se disant bien souvent qu'ils pourraient être nous, Qu'on passe à un cheveu d’être aussi dans la rue. Tous les jours de semaine, peu importe le mois, Nous sommes des centaines, frères parmi les sœurs, Nous sentant solidaires, tous dans la même foi. JEAN-PIERRE COLJON Poème en hommage aux bénévoles de la soupe populaire de la Haute-Ville de Québec, initiée en janvier 1900 par les sœurs de la Charité de la Maison Mère-Mallet, congrégation fondée en 1849. 1

Quelques bénévoles de la soupe populaire sont au côté de Soeur Simone (en blanc à droite)

Bucolique Syllabus de nos étreintes Dans la brume sur la lande Au petit matin, Tu déposes la rosée de nos amours Voici ô femme les hauts-lieux de ta genèse

Photo:

Or nos troupeaux en transhumance Parmi l'effort et la peine de l'homme suant sa confiance. LE POÈTE DE LA RUE (J.-P. D.)

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Lingala Ils ont dû me bousculer pas mal longtemps pour que je me décide enfin à lui parler.

Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

Voilà. C’est fait. Je lui parle. C’est-à-dire que des sons articulés sortent de ma bouche. Je parle doucement dans un idiome rempli de « o » et de « a ». Je forme des mots. Des mots que je ne comprends pas. Mais c’est fait. Je lui parle. Tout bas, bien sûr, mais je lui parle quand même. Ils peuvent bien rire dans mon dos, mes drôles d’amis qui disaient : « Tu n’es pas capable, tu n’es qu’un voyeur minable ». Mes amis qui, et c’est le mot qui m’a enflammé, ont osé prétendre que j’avais peur. « Peur, moi ! » « Peur de parler à une femme ! » Ils se fourvoyaient, puisque je parle, tout bas il est vrai, à la jeune femme. Si seulement elle pouvait se retourner, pivoter de cent-quatre-vingt degrés. Certes, j’apprécie la fragrance de sa chevelure qui titille mon odorat. Certes, la contemplation de sa nuque, encore bronzée par l’été, me procure un vif plaisir. Mais je ne sais toujours pas si elle a remarqué ma présence, moi qui babille dans son dos. Pas contre elle, bien entendu, malgré les fêtards qui nous bousculent en jouant des coudes. Je lui parle et c’est déjà très bien. Attention! La voilà qui se retourne ! Retiens ton souffle, prends garde. Elle se retourne et m’aperçoit, jasant. Elle jette un rapide coup d’œil derrière elle pour voir mon auditeur possible. Il n’y en a pas. Il n’y a qu’elle. Elle qui me regarde et me sourit. J’avale ma pomme d’Adam. Je continue de lui parler. Elle m’écoute. Elle écoute mon baratin, tout attentionnée, pour en saisir le message que je m’évertue à lui transmettre. Mais elle ne comprend sûrement pas le lingala! Et moi, sans raison, je lui parle en lingala. La surprise est grande pour moi aussi. C’est la première fois que je parviens à baragouiner ce dialecte rempli de « o » et de « a ». Malgré tous les efforts de mes copains Bantous pour m’initier à cette langue, qu’ils parlent couramment, je n’ai jamais rien saisi à leurs histoires. Comme je n’ai jamais rien compris aux femmes, d’ailleurs.

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J’entends encore le rire puissant de Matuana assis avec moi, il y a quelques minutes. Après avoir écouté mes doléances, il m’avait expliqué : « Mais, Bernard, une femme; ça ne se comprend pas. Ça s’aime, un point c’est tout ».

d’un sourire, tout l’ivoire qu’elle cache dans sa bouche exquise. Je défaille.

« Une femme, ça sème. C’est sainte ! » La musique me joue des tours d’oreille.

Toujours, je lui parle, ou déparle, je ne sais plus, pendant que mes copains se donnent de grands coups de bouteille sur la tête. Le rire les anime, s’envenime, leur déchire le ventre.

Je lui parle, mais elle n’est plus devant moi. Elle me contourne pour aller chercher son grand verre d’eau sucrée, derrière moi. Elle frôle mon épaule un tantinet. Juste ce qu’il faut pour me permettre d’imaginer qu’elle m’invite peut-être à me retourner; pour me permettre de croire qu’elle ne me fuit pas; qu’elle a simplement soif. Je me retourne, sans cesser de parler en lingala. « Ciârge » ! Si au moins je savais ce que je dis. Je ne sais même pas si je raconte une expédition de chasse aux crocodiles ou si je lui explique comment préparer le poulet à l’huile de palme! Tout ce que je sais, c’est que les copains qui tantôt m’ont bousculé, se tordent maintenant de rire, roulent sous les tables, là-bas, au-delà de la machine à boules sur laquelle la fille repose son verre. Peut-être qu’elle veut danser ? Peut-être qu’elle ne m’a pas frôlé le bras intentionnellement ? Qu’elle en a marre de m’écouter ? Si elle m’écoute ? Peut-être que… c’est sûrement la première fois qu’on l’accoste en lingala! En tenue de gala, je lui offre mon bras. Mon bras, mon coude et tout le reste. Et voilà qu’elle me dévoile

Puis, elle rejette légèrement la tête en arrière et replace ses cheveux ébouriffés d’une seule main, doigts écartés.

Soudain, la femme me toise une seconde. Une seconde où les bruits environnants s’atténuent; où l’espace-temps se contracte; où ma vie entière risque de sombrer dans l’abîme de l’échec. La femme me reluque et me répond en lingala ! Elle, l’inconnue aux cheveux bruns, me répond en lingala ! Elle, que j’espionne du coin de l’œil à tous les soirs, depuis une semaine. Elle me parle en lingala, tout simplement. Je ne comprends rien à son charabia, mais de l’œil, elle m’invite à sortir. Ils n’auront pas besoin de me bousculer longtemps pour que je me décide à saisir cette langue remplie de hauts et de bas. BERNARD SONGE Cette histoire a été imaginée vers 1988 alors que j’avais des amis Bantous aux résidences de l’Université Laval.

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Michel Yacoub

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Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

Cézanne

Il y a des pommes et des oranges. Cézanne peint-il seulement des fruits ? Toute la fécondité de la terre, la vigueur des couleurs dépassent le cadre du tableau. Je ne connais pas toute l’œuvre du peintre, ni l’abondance des récoltes déposées sur un drap blanc.

Que faire alors de ces fruits aux tableaux des saisons, de ces racines nues qui plongent des berges dans l’eau limoneuse de l’étang, de ces nuages duveteux, blanc parfait, qui poussent dans le ciel bleu.

Mais les tombes se remplissent à n’en plus finir. Les crises éclatent, les files d’attente s’allongent encore et encore.

Assis devant les vivantes couleurs du tableau, ils boivent le thé sur leur véranda durant les après-midis chauds et humides. Puis ils épongent leur front avec un mouchoir à carreaux rouges. Et chaque confidence fait en sorte qu’un jour est si différent d’un autre.

J’en ai connu qui conversaient avec les morts pour apaiser leur souffrance en écoutant la voix d’une cantatrice, celle d’un oiseau ou celle des rivières au printemps. Ne plus finir d’atteindre les rivages qui dispersent les glaces en éclat de lumière, en lambeau de saison. Ils ont tant d’espoir. Mais les guerres se poursuivent à n’en plus finir. Les périodes de famine se prolongent, les contagions se répandent encore et encore. Un homme meurt dans une mine, un autre sera fusillé contre un mur. Ils rêvent de couleur orange. Les femmes signent des pétitions, marchent en brandissant des pancartes, chantent la paix pour tous les hommes et les hommes s’allument des cigarettes. Pourtant malgré les insomnies répétées du monde, malgré la grande fatigue des femmes, les rides sont comme des tranchées autour des yeux. Les paupières filtrent la lumière, au matin la paix est orange.

Mais ces belles images se sont élimées avec le temps. Maintenant le fleuve est couleur cendre, noir, dans la désolation de la boue et de la glaise. Aux abords de la rive glissent des pierres anciennes échouées par banc de naufrage. Très loin, tout seul sur le sable abimé le scintillement d’une herbe douce. Cézanne qui est si fier des ses pommes et de ses oranges exprime la fragilité de la terre dans sa construction et la splendeur de l’été qui commence à frémir sans jamais craindre le fauve dans son piège. Voici venir le premier jour du monde qui s’éveille doucement et qui s’en vient léguer tous ces fruits. FRANÇOIS GAGNON

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Notre idylle d'amour

Photo: Camille-Amélie Koziej Lévesque

Notre idylle amour est utopique nous séparent trop d'années que le temps des tulipes il ne sautait durer Il aurait à peine le temps d'être romantique que je devrais à regret l'abandonner pour la longue éternité ma bien-aimée Soyons plus raisonnable que ma passion irraisonnée et abandonnons nous plutôt à l'amitié au lieu des baisers langoureux l'entendement goûtons du sourire réciproque radieux ajoutons le regard exquis que l'autre embellit goûtons le bonheur ou la bonne humeur ensemble ami. nous explorerons la vie et dans des éclats de rire on pourra découvrir tous les trésors de notre beau sentiment qu'on ne cessera de cueillir même si nous ne serons jamais amant. GAÉTAN DUVAL

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JARDINIER J'ai trouvé un travail d'été Je suis devenu jardinier jardinier de l'amour et du cœur puis j'arrive toujours à l'heure J'ai vingt ans, je suis grand du dehors comme du dedans je sarcle, je sème tous les jardins qu'ils soient grands, petits ou presque rien Je plante des rosiers parfumés des hostas et des azalées des pétunias et des pensées mon cœur en est aromatisé

Photo: Hélène Marchand

Je respecte tous les plans comme dans la vie, pourtant quelquefois je déborde on me laisse trop de corde Je suis tellement heureux d'avoir ce travail respectueux, car je suis vert au fond de moi la maturité est innée en moi J'adore être un jardinier je vois les gens défilés à toute heure de la journée j'en suis bien récompensé À la fin de mon labeur sous un soleil chaud d'été je suis rempli de bonheur d'entrer chez moi pour me reposer

Une bonne douche, un bon repas préparé par ma maman adorée quoi demander de plus, n'est-ce pas oui, oui je sais! quand m'arrêter Je souhaite à tous de trouver un emploi d'été enrichissant un jardin de vie enchanté avec un soleil resplendissant

J'aime travailler, c'est valorisant je vous en espère tout autant allez, rencontrer des patrons chevronnés bon été, joyeux été, les jardiniers MICHEL BONNELLY

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Ressources Aide sociale ADDS Association pour la défense des droits sociaux 301, rue Carillon, Québec Tél. : 418 525-4983 Maison de Lauberivière Centre de jour 401, rue Saint-Paul, Québec Tél. : 418 694-9316 centredejour@lauberiviere.org Relais d’Espérance Aider toute personne isolée et en mal de vivre 1001, 4e Avenue, Québec Tél. : 418 522-3301 Rendez-vous Centre-ville Centre de jour 525, rue St-François Est Tél. : 418 529-2222 Rose du Nord Regroupement des femmes sans emploi 418 622-2620 www.rosedunord.org Aide aux femmes Centre femmes d'aujourd'hui Améliorer les conditions de vie des femmes 1008, rue Mainguy, Québec Tél. : 418 651-4280 c.f.a@oricom.ca www.centrefemmedaujourdhui.org Support familial Flocons d'espoir Écoute et aide matérielle pour les femmes enceintes 340, rue de Montmartre, sous-sol, porte 4, Québec Tél. : 418 683-8799 ou 418 539-2939 flocons.espoir@videotron.ca Violence Info Sensibilisation, information et intervention pour contrer la violence conjugale et la maltraitance envers les aînées. accueil@violenceinfo.com www.violenceinfo.com Alphabétisation Alphabeille Vanier 235, rue Beaucage, Québec Tél. : 418 527-8267 alphabeille@qc.aira.com Alpha Stoneham 926, rue Jacques-Bédard, bureau 202 Tél. : 418 841-1042 alphastoneham@ccapcable.com www.alphastoneham.com Atout-lire 266, rue Saint-Vallier Ouest, Québec Tél. : 418 524-9353 alpha@atoutlire.ca www.atoutlire.ca Lis-moi tout Limoilou 798, 12e Rue, 1e étage, Québec Tél. : 418 647-0159 lismoitout@qc.aira.com La Marée des mots 3365, chemin Royal, 3e étage, Québec Tél. : 418 667-1985 lamareedesmots@oricom.ca www.membre.oricom.ca/lamareedesmots Détresse psychologique Centre de crise de Québec Tél. : 418-688-4240 ecrivez-nous@centredecrise.com www.centredecrise.com Centre de prévention du suicide 1310,1re avenue, Québec Tél. : 418 683-4588 (ligne de crise) www.cpsquebec.ca Communautés solidaires 5, rue du Temple, Québec Tél. : 418 666-2200 info@communautessolidaires.com www.communautessolidaires.com Tel-Aide Québec Tél. : 418 686-2433 www.telaide.qc.ca Tel-Jeunes Tél. : 1 800 263-2266 www.teljeunes.com

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Entraide Carrefour d’animation et de participation à un monde ouvert (CAPMO) 435, rue du Roi, Québec Tél. : 418 525-6187 poste 221 carrefour@capmo.org www.campo.org Fraternité de l'Épi Aide aux personnes vivant de l’exclusion par la création d’un lien d’appartenance 575, rue Saint-François Est Tél. : 418 523-1731 Hébergement Maison de Lauberivière Pour hommes et femmes démunis ou itinérants 401, rue Saint-Paul, Québec Tél. : 418 694-9316 accueil.hommes@lauberiviere.org www.lauberiviere.org L'Armée du Salut et La maison Charlotte Hébergement hommes 14, côte du Palais, Québec Tél. : 418 692-3956 poste 1 Hébergement femmes 5, rue Mc Mahon, Québec Tél. : 418 692-3956 poste 2 www.armeedusalut-quebec.ca Maison Revivre Hébergement pour hommes et femmes 261, rue Saint-Vallier Ouest, Québec Tél. : 418 523-4343 info@maisonrevivre.org www.maisonrevivre.net SQUAT Basse-Ville Hébergement temporaire pour les 12 à 17 ans 97, rue Notre-Dame-des-Anges, Québec Tél. : 418 521-4483 coordo@squatbv.com www.squatbv.com Gîte Jeunesse Hébergement temporaire pour garçons de 12 à 17 ans Résidence de Beauport 2706, av. Pierre Roy, Québec Tél. : 418 666-3225 Résidence de Ste-Foy 3364, rue Rochambau, Québec Tél. : 418 652-9990 YWCA Hébergement et programme de prévention de l’itinérance et de réinsertion sociale pour femmes (La Grande Marelle) 855, av. Holland, Québec Tél. : 418 683-2155 info@ywcaquebec.qc.ca www.ywcaquebec.qc.ca Réinsertion sociale Maison Dauphine Pour les jeunes de 12 à 24 ans 31, rue D’Auteuil, Québec Tél. : 418 694-9616 courrier@maisondauphine.org www.maisondauphine.org Prostitution La Maison de Marthe 75, boul. Charest Est, CP 55004 Québec (Québec) G1K 9A4 Tél. : 418 523-1798 info@maisondemarthe.com www.maisondemarthe.com P.I.P.Q. Projet intervention prostitution Québec 535, av. Des Oblats, Québec Tél. : 418 641.0168 pipq@qc.aira.com www.pipq.org Soupe populaire Café rencontre Centre-Ville Déjeuner et dîner 796, rue St-Joseph Est, Québec Tél. : 418 640-0915 info@caferencontre.org www.caferencontre.org

Maison de Lauberivière (Souper) 401, rue Saint-Paul, Québec Tél. : 418 694-9316 stephane.deslauniers@lauberiviere.org Soupe populaire Maison Mère Mallet (Dîner) 745, Honoré-Mercier, Québec Tél. : 418 692-1762 mallet1849@gmail.com Santé mentale La Boussole Aide aux proches d’une personne atteinte de maladie mentale 302, 3e Avenue, Québec Tél. : 418 523-1502 laboussole@bellnet.ca www.laboussole.ca Centre Communautaire l'Amitié Milieu de vie 59, rue Notre-Dame-des-Anges, Québec Tél. : 418 522-5719 info@centrecommunautairelamitie.com www.centrecommunautairelamitie.com Centre d’Entraide Émotions 3360, de La Pérade, suite 200, Québec Tél. : 418 682-6070 emotions@qc.aira.com www.entraide-emotions.org La Maison l'Éclaircie Troubles alimentaires 2860, rue Montreuil, Québec Tél. : 418 650-1076 info@maisoneclaircie.qc.ca www.maisoneclaircie.qc.ca Le Pavois 2380, avenue du Mont-Thabor, Québec Tél. : 418 627-9779 Téléc. : 418 627-2157 Ocean Intervention en milieu Tél. : 418 522-3352 Intervention téléphonique Tél. : 418 522-3283 Parents-Espoir Soutien et accompagnement des parents 363, de la Couronne, bureau 410, Québec Tél. : 418-522-7167 Service d'Entraide l'Espoir 125, rue Racine, Québec Tél. : 418 842-9344 seei@videotron.ca www.service-dentraide-espoir.org Relais La Chaumine 850, 3e Avenue, Québec Tél. : 418 529-4064 chaumine@bellnet.ca www.relaislachaumine.org TOXICOMANIE Al-Anon et Alateen Alcoolisme Tél. : 418 990-2666 www.al-anon-alateen-quebec-est.ca Amicale AlfA de Québec 75, rue des Épinettes, Québec Tél. : 418 647-1673 info@amicale-alfa.org www.amicale-alfa.org Point de Repères 225, rue Dorchester, Québec Tél. : 418 648-8042 www.pointdereperes.com VIH-SIDA MIELS-Québec Information et entraide dans la lutte contre le VIH-sida 625, avenue Chouinard, Québec Tél. : 418 649-1720 Ligne Sida aide : 418 649-0788 miels@miels.org www.miels.org

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PARTENAIRES BRONZE Audiothèque Épicerie européenne Morin Desrochers Beaulieu Maison J-A Moisan Point de repères Quincaillerie St-Jean-Baptiste

SOLUTION DES MOTS POUR JOUER 1. Rat 2. Pie 3. Agneau 4. Vautour 5. Paon 6. Pinson 7. Girafe 8. Mouton 9. Pou 10. Singe 11. Ver 12. Gazelle 13. Taupe 14. Renard 15. Carpe

3- Salle destiné à l’écoute d’œuvres musicales ou théâtrales. Titre de l’avocat. Axe d’un véhicule supportant deux roues à ses extrémités.

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DES MOTS POUR PARLER 1. Passer du coq à l’âne. 2. L’œil-de-chat est une variété de quartz chatoyant. 3. Vrai. 4. Être trompé, dupé dans une affaire. 5. Ces héroïnes sont les oies sacrées du Capitole. 6. Il s’agit de la jument grise de madame la marquise. 7. À bon chat, bon rat. 8. Jules Renard, auteur de Poil de Carotte (1894). 9. Le chameau blatère. 10. Faux. L’urus est un bison d’Europe; l’urubu est un petit vautour de l’Amérique tropicale.

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AUX TROIS FOLLES

On ne dit plus « fou », ni « folle » ni « folie », mais bien « malade » ou « maladie mentale ». Peu importe le terme que l'on utilise, on ne se gêne pas pour stigmatiser celui ou celle qui ne fonctionne pas comme tout le monde. Dans son école de village, la narratrice du troisième roman de Danielle Trussart était la « bollée à roulettes », celle que les professeurs rappelaient à l'ordre par des « Sors de la Lune ! » Et, malgré ses succès scolaires, son père disait : « Elle a une araignée dans le plafond ». Le langage populaire a depuis longtemps établi une nuance en qualifiant de « merveilleux fou » ou de « merveilleuse folle », celui ou celle qui se démarque, qui sort de l’ornière et qui se lance dans des projets audacieux. Nul besoin d'être malade pour faire des folies! Ce qui dérange, c'est la différence qui parfois mène à la marginalité. Marginalité/normalité : ça commence et ça s'arrête où ? La question intéresse la romancière qui, dans L'œil de la nuit paru l'automne dernier chez XYZ Éditeur, propose, avec un sourire, trois femmes qui font fi des frontières. Violette, la narratrice, a constaté à l'hôpital psychiatrique que dans les portraits qu'elle dessine, chacun reconnaît les traits des autres, mais pas les leurs. Elle avance que « la folie, c'est ça : ne plus correspondre à son reflet. Se renier, divorcer d'avec sa vie, en avoir assez de soi ». Et aussi des autres qu'elle nomme « charlatans » à cause de leurs contradictions. Plus loin, celle qui a souvent « joué à ne pas être là » ajoute : « C'est une affaire qui concerne le temps [...], une manière de vouloir lui résister, lui échapper ». De quoi écrire des livres et inventer des personnages pour les réconcilier avec « le monde ». Trussart nous présente l'histoire de Violette, de Clothilde et de Lucie, qui relèvent le défi d’entrer dans la société à leur rythme et à leur façon, et en s'entraidant sur la voie de l'autonomie. Ainsi, dans un cahier offert par une de ses thérapeutes où elle réunit tout ce qui ressemble à un dicton avec l'explication de l'expression et les fois où elle l'utilise, Violette pourrait noter : « Rien là pour écrire à sa mère... » Elle est un peu... spéciale, comme ses deux colocataires, Clothilde la borderline et Lucie la parano maniaco-dépressive. Violette et Clo se connaissent depuis le cégep du Vieux-Montréal où l'une et l'autre grappillaient des cours en arts. Aux prises avec leurs problèmes de comportement, elles décrochent de l'école à la suite d'incidents sur lesquels Violette, la narratrice, ne s'étend pas trop, ce qui n'empêche pas le lecteur de comprendre, au fil des pages, la nature de leurs problèmes existentiels.

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Chacune a vécu seule sa descente aux enfers, mais elles se retrouvent toutes deux au département de psychiatrie de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Et là, elles adoptent Lucie, une petite bonne femme de 72 ans qui soigne la énième réédition des crises d'angoisse qui jalonnent sa vie depuis 50 ans. L'histoire du trio commence à leur sortie de l'institution, quand les jeunes femmes refusent foyer de groupe et programmes de réinsertion sociale. Pour voler de leurs propres ailes, elles louent avec la complicité de la sœur de Clo, une riche avocate, un grand appartement où Lucie les y rejoint. On suit les événements à travers le regard de Violette qui nous avoue sa passion pour la Lune, pour la Bérénice de L'Avalée des avalés de Réjean Ducharme (livre piqué chez sa psy du secondaire, à Baie-Saint-Paul), pour la marche urbaine, activité soigneusement planifiée et pour... les salons de coiffure dont elle collectionne les cartes commerciales. Elle calme ses angoisses en dessinant, en mémorisant des listes de mots et en échangeant avec Bérénice. Des trucs suggérés par sa psy qui, au secondaire, lui a trouvé de vagues symptômes du syndrome d'Asperger de la famille de l'autisme. Si Violette a « une araignée dans le plafond », quelle passion dévore l'insatiable Clo, la fille de Westmount, militante et nymphomane à ses heures? Quels secrets cache Lucie, la mystérieuse grand-mère aux tricots interminables, accro de berceuses et des Belles histoires? Il faut lire le roman pour observer comment elles viennent à bout de leur mal de vivre. Danielle Trussart, née à Montréal, connaît la ville mais, peintre et aubergiste à Baie-Saint-Paul depuis une vingtaine d'années, elle a su transplanter sa Violette du village de PetiteRivière-Saint-François à la métropole, où elle pourra mieux « vivre autrement ». P.-S. : Ce « vivre autrement » que défend Mme Trussart se trouvait déjà dans son premier roman, Le train pour Samarcande, qui en 2008 décrochait le Prix Robert-Cliche (VLB éditeur). Aux trois folles est le nom que Clo souhaitait pour le restaurant qu'elle rêvait d’ouvrir avec ses amies. Et L'œil de la nuit et son rapport avec la Lune ? Une image dans la tête de Violette...

MARTINE CORRIVAULT

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