La quete numero 154 mai 2103

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Sommaire Mot de la coordonnatrice

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Les nuances de l’itinérance

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14-15 Mission : Aider

Un toit pour tous

Itinérante d’un jour

Le gouvernement fera-t-il ses devoirs ? Marie-Michèle Genest

À la croisée des préjugés

François Pagé

Francine Chatigny

7

Éditorial

8-9

Chloé Patry-Robitaille

16

L’itinérance nomade

11

Mélyssa Turgeon

Fuguer, un voyage ?

17

Vanessa Breton-Beaulieu

Camille Bélanger-Vincent

Émilie Bonnefous

T é mo ig n ag e s Je suis passé par là

18

Parcours de vie

25

Alexandre Gagnon

35

Dégel

Bernard St-Onge

Steves Desponts

C hro n iqu e s 20

Diane Morin

Mai 2013

Bout de chemin sur un mot

Les fantômes de nos villes

On va tous manger nos bas

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Robert Maltais

réalise l’espoir

46

Martine Corrivault

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PAGE COUVERTURE Illustration : Danièle Rouleau

r é a l i s e r l’ e s p o i r

Éditeur Pierre Maltais

L’Archipel d’Entraide, organisme à but non lucratif, vient en aide à des personnes qui, à un mo-

Éditeur parrain Claude Cossette

Camelots recherchés

Hey toi!donné de leur existence, sont exclues du marché du travail ou vivent en marge de la ment Tu as 18 ans ou plus. société. Ces laissés pour compte cumulent différentes problématiques : santé mentale, itinéTu veux te faire quelques dollars?

rance, toxicomanie, pauvreté, etc. Dans la foulée des moyens mis en place pour améliorer le sort - des + # + / plus % % 35 51défavorisés, 0' 5 0 & 13$ 5 + * l’Archipel 5 0 + / 3$ 5 d’Entraide lance, en 1995, le magazine de rue La Quête. Par définition, un journal deQuête rue est destiné à la vente - sur la rue !- par des personnes en difficulté, Vends le magazine de rue La notamment des sans-abri. La Quête permet ainsi aux camelots de reprendre confiance en leurs 0, 5& % , * 5 / ' de !0 réaliser + 1/ 0' * 5 qu’à titre de travailleurs autonomes ils peuvent assumer des responsabicapacités, Appelle-nous au leur quotidien, socialiser, bref, reprendre un certain pouvoir sur leur vie. lités, améliorer 418 649-9145 poste 33 Ou L’Archipel d’Entraide, composée d’une équipe d’intervenants expérimentés, offre également Viens nous rencontrer au des services d’accompagnement communautaire et d’hébergement de dépannage et de soutien 1 5 , 35 1 0* 3& 5 * 15 0/ ' 5 + 0' 5 dans par le biais de son service Accroche-Toit. + ' * 5% la% /recherche * 35 + , 3* d’un + 1/ 3 logement 5

Depuis sa création, La Quête a redonné l’espoir à quelques centaines de camelots.

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/ Archipel d’entraide

Une tribUne poUr toUs Envie de faire connaître votre opinion, de partager vos poésies, de témoigner de votre vécu. Nos pages vous sont grandes ouvertes. Envoyez-nous vos textes par courriel, par la poste ou même, venez nous les dicter directement à nos bureaux. Faites-nous parvenir votre texte (500 mots maximum) avant le 11 du mois pour parution dans l’édition suivante. La thématique de juin : Les nouveaux patriotes.

Coordonnatrice Francine Chatigny CONSEILLERS À L’ÉDITION Martine Corrivault, Jacques Dumais, Robert Maltais RÉDACTRICE EN CHEF Valérie Gaudreau RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE Isabelle Noël ÉDITORIALISTE François Pagé CHRONIQUEURS Martine Corrivault, Robert Maltais, Diane Morin JOURNALISTES Camille Bélanger-Vincent, Émilie Bonnefous, Vanessa Breton-Beaulieu, Marie-Pier Cayer, Marie-Michèle Genest, France Lalande, Chloé Patry-Robitaille, Gabrielle Thibault-Delorme, Mélyssa Turgeon

Faire des soUs en devenant camelots Les camelots récoltent 2 $ de profit sur chaque exemplaire vendu. Autonomes, ils travaillent selon leur propre horaire et dans leur quartier. Pour plus d’informations, communiquez avec Francine Chatigny au 418 649-9145 poste 31

ÉCRIVANTS Julie Cartier, Jasmin Darveau, Steves Desponts, Harouna Diarrassouba, Laurence Ducos, Gabriel Dufresne,Étienne Labonté, Gaby Leya,Lesly Marcoux, Marcel-Guy Mailloux, Astrid Moreira, Bernard St-Onge, Jasmine Tremblay, Luis Urrea, Christiane Voyer AUTEURS DES JEUX Hélène Huot, Jacques Carl Morin, Ginette Pépin RÉVISEURE Nathalie Thériault PHOTOGRAPHE Luc-Antoine Couturier ILLUSTRATEURS Stéphane Bellefeuille, Francis Desharnais, Joël Jouvrot-Boisvert, Danièle Rouleau INFOGRAPHISTE Karyne Ouellet AGENTE DE PUBLICITÉ SOCIALE Geneviève Thompson

Nous vous encourageons fortement à acheter La Quête directement à un camelot. Toutefois, si aucun d’eux ne dessert votre quartier, vous pouvez vous abonner et ainsi nous aider à maintenir la publication de l’unique magazine de rue de Québec.

IMPRIMEUR Imprimerie STAMPA inc. (418) 681-0284

COUPON D’ABONNEMENT 10 PARUTIONS PAR ANNÉE Camelots recherchés Hey toi! Tu as 18 ans ou plus. Tu veux te faire quelques dollars?

Nom: Adresse: Ville: 0, 5& % , * 5 / ' !0 + 1/ 0' * 5 Appelle-nous au postal: 418Code 649-9145 poste 33 Ou Viens nous rencontrer au Courriel: ) 5 , 35 1 0* 3& 5 * 15 0/ ' 5 +

- + # + / % % 35 510' 5 0 & 13$ 5 + * 5 0 + / 3$ 5 Vends le magazine de rue La Quête

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Journal La Quête 0' 5

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La Quête est appuyée financièrement par :

Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI)

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190, rue St-Joseph Est Québec (Québec) G1K 3A7 Téléphone: 649-9145 Télécopieur: 649-7770 Courriel: laquetejournal@yahoo.ca

Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien

réalise l’espoir

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Mot de la coordonnatrice

L e s n uan ce s de l ’ itiné ranc e Les itinérants sont la raison d’être du magazine La Quête. Dans cette optique, il était impératif de consacrer l’édition de mai à l'itinérance afin d’appuyer le Regroupement pour l’Aide aux Itinérants et Itinérantes de Québec (RAIIQ) qui lancera ce mois-ci la première édition de leur campagne de sensibilisation : La semaine de l’itinérance ; Les nuances de ma rue.

is

oux, Onge,

Les nuances de ma rue

L'itinérance est une réalité à laquelle on aime mieux ne pas faire face. Dans notre société d'abondance, c'est assez dérangeant de constater que des gens sont contraints de vivre dans la rue. Alors, on aime bien croire que c'est leur choix. Mais en fait, il n'en est rien.

Afin de sensibiliser la population et les élus, la campagne Les nuances de ma rue, qui se tiendra du 14 au 17 mai, propose une programmation* riche en activités diverses. L'objectif est de faire connaître aux différents paliers de gouvernement le portrait réel de l'itinérance à Québec, afin que ces derniers prennent des décisions éclairées en matière de lutte à la pauvreté et de soutien aux personnes flirtant avec l'itinérance. Les élus sont invités à partager avec ces derniers autour d'un petit déjeuner offert par le Café Rencontre du Centre-Ville. Une tournée des organismes communautaires de Québec leur donnera en outre l’occasion de découvrir les services offerts dans la région, ainsi que de constater quels sont les défis rencontrés par les intervenants dans le cadre de leur travail.

Si ce n'était des services mis à la disposition des personnes à risque d'itinérance, le nombre de sans-abris serait beaucoup plus élevé. D'ailleurs, si les gouvernements maintiennent le cap actuel, c'est ce qui va arriver. Côté fédéral, on annonçait au dernier budget que les sous à venir en aide à l'itinérance allaient servir principalement à l'hébergement. Vu de l'extérieur, cela peut sembler une bonne décision. Mais qui côtoie au quotidien ces personnes à la situation précaire — à Québec, pas moins de 35 organismes

Un panel de réflexion permettra quant à lui à la population de découvrir « Les visages de l’itinérance à Québec ». D’ailleurs, il est possible de déjà poser vos questions via Facebook (https://www.facebook.com/events/119817731545321/) et Twitter. Par ailleurs, Frédérick Keck, coordonnateur du RAIIQ, Shelley-Rose Hippolite, médecin-conseil à la Direction de la santé publique de la Capitale-Nationale et directrice de la recherche « Comprendre et agir autrement, pour viser l’équité en santé dans la région de la

À la lecture de ce numéro, vous vous familiariserez avec les différents visages de l'itinérance dans la Capitale-Nationale. Pourquoi les connaît-on si peu ? Parce qu'on ne veut pas les voir. Quand on croise cet homme, cette femme ou ce jeune qui tend la main ou qui fait les poubelles, on préfère détourner le regard, changer de trottoir ou jeter un œil à notre téléphone intelligent...

,

communautaires œuvrent dans ce secteur — sait très bien que c'est un leurre de croire que de leur offrir un toit réglera tous leurs problèmes : sans accompagnement, sans soutien, plusieurs d'entre eux retourneront à la rue.

Capitale nationale », ainsi qu’Éric Gagnon, chercheur sur le « Partage de l’espace public, un comparatif entre Québec et Montréal » dresseront de leur côté un portrait de l’itinérance. Cette allocution sera suivie de celle de deux intervenants d’organismes communautaires, PECH et le Café rencontre du Centre-ville, en plus de deux personnes en situation d’itinérance qui témoigneront de la réalité du terrain. Pour clôturer le tout en beauté, un vernissage se tiendra au Cercle, dont la totalité des œuvres exposées provient d’artistes ayant vécu ou vivant en situation d’itinérance. Au nom de tous les itinérants de Québec, bonne lecture !

Francine Chatigny *Programmation détaillée : www.raiiq.org

Tu es formidable, le sais-tu ? C'est sous ce thème que l'Association canadienne pour la Santé mentale tiendra du 6 au 13 mai sa semaine annuelle de sensibilisation. Cette 62e édition sera principalement axée sur la santé mentale des jeunes. Quelques faits éloquents : • Jusqu’à 70 % des jeunes adultes qui éprouvent des problèmes de santé mentale indiquent que les symptômes ont commencé pendant l’enfance. • Aujourd’hui, environ 5 % des jeunes Canadiens et 12 % des jeunes Canadiennes ayant entre 12 et 19 ans ont connu un épisode dépressif majeur.

Illustration: Danièle Rouleau

• Le suicide fait partie des principales causes de décès chez les Canadiens âgés de 15 à 24 ans, ce qui en fait la deuxième en importance après les accidents. Visitez le site www.semainedelasantementale.ca pour obtenir plus de renseignements.

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Illustration: Stéphane Bellefeuille

Éditorial

À la croisée des préjugés En plus de fragiliser la situation des plus démunis, la réforme de l’aide sociale proposée par la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais, encourage les préjugés à l’égard des moins nantis. La prestation de base de l’aide sociale est de 7 248 $ par année, soit à peine plus du tiers du seuil de faible revenu établi par Statistique Canada. Pourtant, le cliché voulant que les assistés sociaux se la coulent douce grâce aux largesses de l’État est répandu. En rendant conditionnelle la bonification des prestations, Mme Maltais envoie le message qu’il suffit de se prendre en main pour s’en sortir. Comme si la nonchalance était à la base du problème. Les préjugés sont plus spontanés que la solidarité quand il est question de pauvreté. C’est d’autant plus évident dans le cas des itinérants. On comprend parfois mal que des gens puissent passer au travers des mailles du filet social autrement que par choix. On estime à 30 000 le nombre de personnes sans domicile fixe au Québec. Va-t-on nous faire croire que tous ces gens ont été séduits par l’oisiveté paradisiaque des bancs de parc par une nuit de février, par l’aventure bohème de se lever chaque jour en se demandant si on aura un toit pour dormir et de quoi se nourrir, ou par l’argent facile de la mendicité qui attire trop souvent plus de mépris que de générosité ? Des organismes montréalais comme l’Auberge Madeleine ou l’Auberge du Cœur comptent aujourd’hui environ 20 % de bénéficiaires nés à l’extérieur du Québec. Ces gens auraient-ils émigré dans l’espoir de devenir itinérants ici ? 6

On ne choisit pas de vivre dans la rue. Ce n’est que l’endroit où l’on aboutit lorsque toutes les ressources ont été épuisées. Dans les mots du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), l’itinérance est « à la croisée d’une histoire de vie singulière et d’un contexte socio-économico-politique particulier ».

du clochard ivrogne, il est toutefois important de préciser que cette statistique ne précise pas si la dépendance est un facteur principal, ni même si elle est venue avant ou après la situation d’itinérance. De mauvaises habitudes peuvent être prises dans la rue. Doit-on se surprendre de voir des sans-abris désirer anesthésier leur quotidien ?

Certains évènements peuvent chambouler l’existence d’un individu. Par exemple, dans une étude publiée en 2000, 92 % des jeunes sans-abris interrogés faisaient un lien direct entre leur situation et des problèmes issus de leur famille d’origine. Dans une autre étude, des chercheurs de Toronto ont conclu que les enfants subissant de la négligence et de la violence physique ou sexuelle auraient 26 fois plus de chances de vivre de l’itinérance à l’âge adulte. La précarité causée par une perte d’emploi ou une rupture amoureuse peut aussi être un facteur important. Ces situations ne sont faciles pour personne et peuvent être cruciales pour des gens plus fragiles économiquement. Ainsi, le taux de pauvreté est trois fois plus élevé chez les femmes divorcées.

Et puis, il y a les facteurs sociaux, comme la nature de plus en plus exigeante du marché du travail qui réclame toujours plus de diplômes, alors que le taux de décochage est de 17,5 % au Québec, ou encore la conjecture économique, etc. Réduire l’itinérance à un choix, c’est simplifier à l’extrême et décharger la société de ses responsabilités sur le dos des plus démunis. Pour contrer ce phénomène, il faut cesser de le voir comme un problème et comprendre que c’est d’abord une conséquence.

Il y a aussi des explications à trouver du côté de la désinstitutionalisation des gens atteints de troubles mentaux. En 2009, l’Association canadienne pour la santé mentale estimait que le tiers des itinérants étaient atteints de troubles majeurs comme la schizophrénie ou la dépression sévère. Et il s’agit là d’un chiffre beaucoup plus conservateur que ceux généralement avancés par les organismes communautaires et les chercheurs du milieu. Les problèmes de dépendance(s) font également des ravages et toucheraient 68 % des personnes sans domicile fixe. Question de nuancer le stéréotype

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Les pistes de solutions sont multiples, mais comme le veut la formule : si l’itinérance n’est pas qu’un problème de logement, c’est d’abord un problème de logement. Il faut donc commencer par construire davantage d’habitations abordables. Alors que la prestation de base de l’aide sociale est de 604 $ par mois, le loyer moyen se situe à 666 $ et dépasse les 700 $ dans des villes comme Montréal ou Québec selon la Société d’Habitation du Québec (SHQ). C’est sans compter que 79 % des nouvelles constructions en 2010 étaient des propriétés individuelles ou des condominiums. N’en déplaise aux promoteurs, mais les itinérants ne sont pas très portés sur l’immobilier. La solution doit venir de l’État.

François Pagé

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Politique de l'itinérance Le gouvernement fera-t-il ses devoirs ? Extrait du discours inaugural de Mme Marois

Intégrité, prospérité, solidarité et identité : tels sont les quatre piliers qui constituent l’action gouvernementale du Parti Québécois. Afin de rétablir la solidarité, la première ministre du Québec, Pauline Marois, avait annoncé la mise en place d’une Politique de l’itinérance lors de son discours inaugural, le 31 octobre dernier. Six mois plus tard, à quelle étape se trouve le projet ? Les organismes communautaires qui font de l’itinérance leur cheval de bataille attendaient ce moment depuis longtemps. « C’est déjà une grosse victoire pour nous que la Politique de l’itinérance ne seraitce qu’abordée, lors de l’inauguration de la première ministre. Maintenant, c’est de continuer le travail pour rester en fait au courant », a admis Aline Essombé, agente de liaison au Regroupement pour l’Aide aux itinérants et itinérantes de Québec (RAIIQ), qui regroupe 35 organismes. Il faut savoir que la mise en place d’une Politique a beaucoup plus d’ampleur qu’une loi, qui peut être modifiée selon le gouvernement en place. « C’est aussi le fait de garantir une vision globale et à long terme pour venir répondre au problème de l’itinérance, qui est de plus en plus en croissance dans la Capitale-Nationale », a expliqué l’agente de liaison au RAIIQ. Les organismes communautaires espèrent donc que la Politique voit le jour sous peu. Selon Mme Essombé, elle serait déjà solidement établie par le Réseau solidarité itinérance du Québec (RSIQ), qui l’avait élaborée avec l’appui d’une centaine d’organismes. « Depuis 2006, la plateforme pour une Politique en itinérance est là. On part d’un outil qui est très solide et tout ce qu’on demande, c’est qu’elle soit concrètement adoptée par le gouvernement », a-t-elle soutenu. Toutefois, la chercheure en criminologie et sur la question de l’itinérance à l’Uni-

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versité de Montréal, Céline Bellot, explique que la Politique, qui exige la participation de nombreux acteurs, est présentement en cours de rédaction. Mme Bellot figure d’ailleurs sur le comité consultatif qui aide les dix ministères à élaborer la Politique, chapeautée par le Ministère de la Santé et des Services sociaux. Jointe par courriel, l’attachée de presse de la ministre déléguée, Mme Véronique Hivon, stipule que la Politique de l’itinérance sera présentée d’ici décembre 2013, tel qu’annoncé par le gouvernement Marois. Un plan d’action s’ensuivra afin de transposer les objectifs du papier à la réalité.

L’itinérance, un sujet aux multiples facettes Le problème de l’itinérance est complexe et global et voilà pourquoi, selon Mme Essombé, il faut prendre le problème dans son ensemble et non l’aborder avec des œillères. En effet, la Politique de l’itinérance est composée de six conditions interreliées, qui présentent toutes le même degré d’importance: le droit de cité (droit à la citoyenneté et à l’occupation de l’espace), le droit au logement, le droit à des soins de santé, le droit à l’éducation, le droit à un revenu décent, et enfin, le droit à un accès à un réseau d’aide et de solidarité. Mme Essombé estime que de miser uniquement sur une seule condition, comme l’a fait le gouvernement fédéral dans son dernier budget en mettant de l’avant le droit au logement, éclipse les autres problèmes reliés à l’itinérance. « Quand une personne itinérante est logée, elle doit le garder son logement, il faut qu’elle puisse créer une certaine stabilité résidentielle et cela tourne autour de la santé, de l’éducation, de la confiance en soi et de la capacité à défendre ses droits », a commenté Mme Essombé. Elle de-

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photo: Archives Web

« En amont, il faut aussi s’occuper des personnes qui vivent le drame de l’itinérance, un phénomène qui présente plusieurs visages et qui ne se limite plus seulement aux milieux urbains. Ces hommes, ces femmes et parfois ces enfants souffrent de conditions de vie qui peuvent être misérables et c’est le devoir du gouvernement de les aider. Nous le ferons en déployant une politique gouvernementale en matière d’itinérance ». mande donc un plus grand dialogue entre les institutions fédérales et les organismes communautaires, qui détiennent une solide expertise en la matière.

La main tendue malgré les inquiétudes Les récentes mesures annoncées par la ministre Agnès Maltais afin de réformer l’aide sociale ébranlent un peu la foi des organismes communautaires en attente de la Politique. Selon Mme Essombé, ses collègues ont été surpris et demeurent vigilants, puisque ces mesures touchent les personnes qui sont à risque d’itinérance ou en situation d’itinérance. « Bien que c’est une mesure qui est sortie en catimini et que personne peut-être n’attendait, c’est une mesure qui, on l’espère, n’aura pas finalement les répercussions que l’on craint », a souhaité Mme Essombé.

Des modèles extérieurs Plusieurs pays se sont dotés d’une politique en itinérance, tels que le RoyaumeUni et les États-Unis. Selon Mme Bellot, chercheure sur la question de l’itinérance à l’Université de Montréal, l’Europe en général aborde l’itinérance sous l’angle de la prévention. Par exemple, les établissements institutionnels tels les hôpitaux psychiatriques ou les centres de détentions mettent en place des stratégies qui visent à empêcher que les gens se retrouvent en situation d’itinérance à leur sortie. Chez nos voisins du Sud, la problématique de l’itinérance s’inscrit dans l’action, et plusieurs grandes villes, comme Détroit ou New York, travaillent plutôt à faire sortir de la rue les personnes s’y trouvant déjà.

Marie-Michèle Genest 7


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photo: La Quête

Itinéra nte d’un jour

Au petit matin, tout est calme à la porte arrière de la Maison Lauberivière. Dans quelques heures, les bancs seront envahis par les fumeurs.

Par un beau samedi après-midi, je marche sur la rue St-Joseph en direction de l'endroit où je vais passer la nuit. « L’aventure » qu'on me propose me paraît l’occasion de me défaire de mes préjugés. Je suis une personne ouverte, mais je sens tout de même ma nervosité augmenter à l'approche de la Maison de Lauberivière.

On m’avait conseillé d’entrer par la porte arrière qui donne sur le Centre de jour, puisque c'est par là qu'arrivent la plupart des itinérants. À l’accueil, je demande s’il y a de la place pour la nuit. On me dit de m’asseoir un moment. Je me sens seule. Assis, plusieurs hommes semblent regarder le vide. À quoi pensent-ils ? Que font-ils ici ? Qui sont-ils ? Tant de questions sans réponses. Les circonstances probablement… Une télévision allumée représente la seule ambiance dans la pièce. Je la regarde pour faire comme les autres. Je me demande s’ils se questionnent aussi sur ma présence, même s'ils ne portent pas vraiment attention à moi. Une travailleuse sociale de l’Accueilfemmes vient à ma rencontre et me fait

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entrer dans un petit bureau : je dois répondre à ses questions sur ma situation, ma consommation et ma santé. Avisée de mon arrivée, elle m’explique brièvement comment se déroule cette étape habituellement. Je sens alors cette impression que doivent avoir les femmes qui débarquent à cet endroit pour un moment de répit et qui doivent raconter tous leurs problèmes. Ça ne doit pas être facile. Les femmes collaborent, m'explique la travailleuse sociale, car elles ont vraiment besoin d’un toit. Ensuite, elle me fait part des règles auxquelles je dois me soumettre, au même titre que les autres femmes qui ne savent pas que je suis une journaliste me faisant passer pour une itinérante.

Un climat d’entraide Après avoir rempli les formulaires d’usage, l’intervenante me fait visiter les lieux. Je suis stressée de voir où je passerai la nuit. À ma grande surprise, l'Accueil-femmes est chaleureux. Une charmante petite cuisine, un salon confortable, un fumoir et trois salles de bain propres sont disponibles pour un maximum de douze résidentes. Nous sommes sept, mais deux sont sorties pour la soirée. On me montre ensuite ma chambre, bleu pâle, meublée de trois lits fleuris. Dès qu'elle m'aperçoit, l'une de mes colocs

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libère de l'espace dans la commode pour mes vêtements. En la remerciant, je lui explique que je n’ai rien apporté. Je lui dis que je suis venue pour avoir la paix, mais que j’irai probablement chez des amies le lendemain. Elle m’explique alors que je peux aller chercher des vêtements à la friperie, mise à notre disposition, et qu’on me prêtera aussi serviette et shampoing. À ce moment, je constate le climat d’entraide qui règne à l’Accueil-femmes. 16 h 30, on doit aller manger avant la soupe populaire. C’est samedi : le fast food est à l’honneur. Nous nous assoyons à une table consacrée exclusivement aux femmes puisqu'il est interdit de parler aux hommes à la cafétéria. Cette règle permet à celles qui le désirent de ne pas avoir de contacts avec des hommes, malgré le caractère mixte de l'endroit. Celles qui souhaitent échanger avec l’autre sexe peuvent se rendre au Centre de jour jusqu’à 19 h. Contrairement à ce que j'aurais cru, personne ne semble affamé. Il faut dire qu’une cuisine est à notre disposition avec collations et aliments pour le petit déjeuner, le tout provenant de différents dons. Côté nourriture, on ne peut donc pas se plaindre. Après le souper, chacune retourne à ses occupations. Je crains qu’on ne vienne me parler. Je vais faire un petit tour au

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Centre de jour en passant par la cafétéria bondée de monde. Les gens sont arrivés de bonne heure afin d’obtenir, pour la modique somme de 0,75 $, un bon souper complet. Il s’agit peut-être de leur seul repas de la journée... À mon retour à l’Accueil-femmes, je tourne en rond. Une femme le remarque et me propose d’aller marcher avec elle. J’accepte avec joie. Elle a besoin de cigarettes et je comprends qu'elle n’a pas les moyens de se les payer. Je sens que vais vivre une expérience... À peine sortie, Ève* me demande pourquoi je suis là. Je lui explique alors que je n’ai pas envie d’en parler, ce qu’elle comprend. Nous parlons alors de la vie. Je suis stressée de me promener sur St-Joseph par un beau samedi après-midi : je pourrais rencontrer des gens que je connais. J’ai pris mon rôle au sérieux et me suis habillée de vêtements très ordinaires. À ma grande surprise, les autres femmes sont beaucoup mieux vêtues que moi. Encore un autre stéréotype… En marchant, Ève me raconte sa situation, sans entrer dans les détails qui, de toute façon, sont inutiles pour que nous en venions à cette conclusion : il arrive parfois des moments dans la vie où tout chamboule en même temps.

Une problématique commune À Lauberivière, j’ai rencontré des femmes instruites, des femmes qui sont en bonne relation avec leur famille, des femmes qui habitent Québec depuis peu. Des femmes différentes les unes des autres dont la seule caractéristique commune est qu'à ce moment de leur vie, elles ont besoin rapidement d’un service d’hébergement temporaire. C’était le cas d'Ève. Elle évoquait la difficulté de trouver un appartement à Québec lorsque l’aide sociale est le seul revenu que l’on ait, et qu’on vient d’aménager dans une nouvelle ville. De plus, la colocation n’est pas la meilleure solution lorsqu’on a des fréquentations douteuses. Ce qu’elle a besoin, c’est d’un peu de stabilité et de se sentir chez elle. Elle m’explique que trouver le bon logement lui permettra de recommencer ses études et sera la clef qui réglera plusieurs de ses problèmes. Lauberivière lui permet donc d’avoir l’esprit tranquille pour faire ses démarches, jusqu’à sa prochaine entrée d’argent. À ce moment, si elle n’a pas encore trouvé son nid, elle devra se tour-

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ner vers d’autres ressources, comme la YWCA, m’explique-t-elle.

Un moment de répit encadré De retour à Lauberivière, on s’installe devant la télévision. Peu à peu, les femmes, dont certaines que je n'avais pas encore vues, reviennent de leur journée. Elles échangent peu et font leurs petites affaires dans le calme. Elles sont ici pour y trouver la paix, pour prendre du temps pour elles et pour redonner un sens à leur vie. Par conséquent, rares sont les fois où des disputes éclatent. Il s’agit plutôt d’un climat de calme et de respect qui prévaut dans cet endroit, que j’ai eu la chance de fréquenter. Deux films plus tard, il est 23 h, l’heure d’aller au lit. Personne ne se dit bonne nuit en quittant la salle. Arrivée à ma chambre, je constate que l’une de mes colocataires n’est toujours pas rentrée. La travailleuse sociale me dit que je peux fermer la porte de la chambre. Elle était sortie pour le souper et devait revenir pour le couvre-feu, mais elle n’est jamais rentrée… Il arrive souvent que les femmes ne reviennent jamais pour chercher leurs biens. Peut-être par honte d’être retournées à l’endroit qu’elles avaient fui. Le respect du couvre-feu est assez strict. Dépassé 23 h, les femmes perdent leur place. Les règles doivent être claires, car les intervenants agissent un peu comme des parents avec celles qui utilisent ce service. Donner une permission à l’une se saurait rapidement chez les usagères régulières. Cependant, et contrairement à ce que l’on peut croire, 50 % des femmes hébergées par Lauberivière n'y auront recours qu’une seule fois dans leur vie.

Une nuit de repos

avec cette sensation de mieux comprendre. Moi qui m'inquiétais de mon habillement, de ma sécurité, de l'alibi que j'allais présenter pour expliquer ma présence. Moi qui croyais rencontrer des « personnes à problèmes » qui ne veulent pas avancer. Moi qui côtoie parfois des personnes à problèmes, moi qui ait une vie bien ordinaire, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas jouer à l'itinérante, ni me sentir étrangère à Lauberivière. Cet endroit est pour tout le monde. Oui, il peut y avoir des toxicomanes et des personnes avec des problèmes de santé mentale, mais pas toujours et pas uniquement. Oui, j’ai vécu une expérience, mais celle-ci ne m’a pas transformée, car les personnes que j'ai côtoyées sont des gens comme vous et moi. Des gens qui ont momentanément besoin d'un toit et de nourriture. Être itinérant, c’est ne pas avoir de domicile pour les jours à venir, tout simplement. Et ça, ça peut arriver à Monsieur et Madame Tout-le-monde. En vivant cette expérience, j’ai réalisé à quel point Lauberivière offre un service essentiel qui répond à un réel besoin, incompris des gens qui ont la chance d’avoir un toit. Cette aventure m'a révélé que mes craintes de départ n'étaient pas fondées, car malgré la misère et les gens qui semblent attendre que la vie passe, ce qu'on ressent dans cet endroit c’est la paix qui y règne.

Chloé Patry-Robitaille *Nom fictif Merci infiniment à Éric Boulay, directeur général de la Maison Lauberivière, et à l'équipe de l'AccueilFemmes d'avoir accueilli notre journaliste.

Étonnamment, je me sens en sécurité dans cette chambre que je partage avec une inconnue. Celle-ci semble avoir de la difficulté à s’endormir et se lève très tôt le lendemain, même si la grasse matinée est permise la fin de semaine. Durant les jours ouvrables, les usagères doivent se lever tôt pour faire les démarches nécessaires pour se sortir de leur situation. Reposée, je me rends à la cuisine pour préparer mon déjeuner. Sur la table, un journal ouvert aux petites annonces avec quelques notes prises par une autre résidente. Avant de partir, je salue ma coloc. On se dit bonne chance pour la suite… Au retour, je suis sur la rue St-Joseph

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Un toit pour tous

La pénurie de logements locatifs dans le Québec métropolitain, qui persiste déjà depuis le début des années 2000, affecte plus particulièrement les moins bien nantis, allant même jusqu’à menacer la réinsertion des personnes itinérantes. « L’itinérance est un phénomène complexe qui ne peut pas se résumer seulement à une problématique de logement. Mais à partir du moment où il existe une difficulté d’accéder à un logement en raison de son coût ou de sa disponibilité, les populations à risque font face à un problème », explique Aline Essombé, agente de liaison pour le Regroupement d’aide aux itinérants et itinérantes du Québec (RAIIQ). Dans un contexte de rareté des logements, les propriétaires « ont le gros bout du bâton » et peuvent discriminer les personnes itinérantes, en exigeant par exemple une enquête de crédit. L’agente de liaison estime qu’il y a un « travail d’inclusion sociale » à effectuer du côté des propriétaires de logements locatifs, mais aussi envers les différents paliers de pouvoir. À titre d’exemple, Mme Essombé maintient qu’il est plus profitable d’investir dans la lutte contre l’itinérance, en offrant notamment des logements sociaux, plutôt que de judiciariser un itinérant. En s’appuyant sur la Plateforme pour une politique en itinérance du Réseau SOLIDARITÉ Itinérance du Québec (RSIQ), celle-ci souligne qu’une incarcération coûte 60 000 $ par année dans le système fédéral. À titre informatif, une enquête partielle du RAIIQ datant de l’année dernière, indique que 15 organismes communautaires de la ville de Québec rejoignaient 6 771 personnes en situation ou à risque

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photo: Luc-Antoine Couturier

La ville de Québec affiche le plus bas taux d’inoccupation de logements locatifs dans la province, ce qui n’est pas sans conséquence pour les citoyens en recherche d’un logis dans la Capitale. Avec un taux d’inoccupation atteignant 2 % à l’automne 2012, la ville de Québec reste toujours en deçà de l’équilibre fixé à 3 % soutenu par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). d’itinérance. « L’itinérance est difficile à chiffrer, car il s’agit d’une itinérance cachée », précise Mme Essombé.

Plus de condominiums et moins de logements à louer Véronique Laflamme, organisatrice communautaire et porte-parole pour la ville de Québec du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), déplore la détérioration du parc locatif de la région métropolitaine de Québec. Outre les personnes en situation d’itinérance, les immigrants, les personnes assistées socialement, les personnes âgées et les personnes seules subissent plus amèrement cette réalité. L’explosion généralisée des coûts des logements à Québec demeure une conséquence directe de la pénurie de logements, qui perdure depuis plus de dix ans. « Selon le rapport sur le marché locatif de la SCHL, à l’automne 2012, le loyer moyen était à 712 $ pour Québec », soutient-elle. D’ailleurs, le coût des loyers a augmenté de 43 % depuis le début des années 2000. Mme Laflamme rappelle également que le prix à débourser pour son appartement devrait correspondre à moins de 30 % de son salaire pour vivre de façon digne. En parallèle, les propriétaires de logements les transforment en condominiums, notamment dans le Vieux-Québec et le quartier Limoilou, « ce qui réduit considérablement l’accessibilité à des logements abordables », ajoute Mme Laflamme. Et les promoteurs immobiliers privés investissent massivement dans la construction de condominiums, au détriment de bâtiments de logements locatifs

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dans la ville de Québec. « En 2012, on a construit 2 581 condos et il y avait 1 511 logements locatifs. En 2006, la quantité était sensiblement la même avec la construction de 1 138 condos et 1 099 logements locatifs », étaye-t-elle. Dans cette perspective, le FRAPRU revendique depuis quelques années la construction de 50 000 nouveaux logements sociaux sur 5 ans dans la province (HLM, coopératives et OSBL d’habitation) pour combler l’ampleur des besoins. « Pour exemple, le délai moyen d’attente pour un HLM dans la ville de Québec était de 18 mois en 2010 », illustre-t-elle. Ensuite, la ville de Québec, mais aussi les municipalités en général, doit resserrer sa réglementation protégeant son parc de logements locatifs. Indirectement, un meilleur soutien financier pour la lutte à la pauvreté de la part des deux paliers de gouvernement permettrait d’aider les personnes vulnérables à se loger convenablement à prix raisonnable, entre autres, en augmentant le salaire minimum.

Mélyssa Turgeon Logements sociaux pour 2013 Selon l’Office municipal d’habitation de Québec (OMHQ), plus de 20 000 personnes habitent actuellement l’un des 9 192 logements sociaux administrés par l’organisme et la Société municipale d’habitation Champlain (SOMHAC). Notons que le Programme triennal d’immobilisations 2013-2015 de la Ville de Québec, déposé en décembre dernier, prévoit une enveloppe de 21, 6 millions $ pour la construction de 425 logements sociaux attendus pour cette année. 11


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L’inchiffrable itinérance Le dernier recensement des personnes en situation d’itinérance a eu lieu en 2008 à Québec. Un peu moins de 12 000 personnes auraient fréquenté les ressources d’hébergement, les soupes populaires et les centres de jour de la ville. De celles-ci, près de 4 000 seraient sans domicile fixe.

Le nombre de personnes en situation d’itinérance serait pourtant bien plus élevé, mais il est difficile, vu leur nomadisme, de déterminer précisément leur nombre et les caractéristiques de ce groupe. Frédéric Keck, coordonnateur du Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes de Québec (RAIIQ), confirme qu’il est difficile de chiffrer l’itinérance. « Ce que l’on remarque, c’est que le niveau d’itinérance est stable, mais tout de même alarmant à Québec », affirme-t-il. « Nous avons travaillé énormément ces dernières années pour mobiliser les acteurs et déterminer les meilleurs moyens pour utiliser les ressources disponibles. Mais obtenir du financement est très ardu », explique-t-il. Les organismes ont de plus en plus de mal à combler les demandes d’aide. « Les ressources sont limitées. Les organismes manquent de denrées et de ressources financières devant un nombre de demandes de plus en plus élevé », affirme le coordonnateur du RAIIQ. Les gouvernements provinciaux et fédéraux procurent une grande part du soutien financier que reçoivent les organismes. En 2013-2014, 492 millions de dollars sont et seront offerts par Québec à plus de 3300 organismes dans la province via le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC). Le gouvernement fédéral, « qui menace de retirer son aide chaque année », donne annuellement 2,3 millions de dollars par le programme Initiative de partenariats de lutte contre l’itinérance (IPLI).

Rentable, l’aide aux itinérants Selon une étude de l’anthropologue Karina Côté,« laisser une personne itinérante à elle-même coûte deux fois plus cher que de lui venir en aide ». En effet, il en coûte à la société tout près de 25 000 $ en moyenne par individu dans le besoin.

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Coût de l'itinérance: 24 000$ / individu 2%

Services d'urgence 22%

Aide sociale

40%

11%

Maison d'hébergement et soupe populaire

tournent donc vers les organismes d’aide pour survivre », affirme M. Keck. Selon les dernières données publiques datant de 2003, les jeunes de moins de 30 ans représentaient déjà 42 % des personnes utilisant les services d’aide à Québec.

L’augmentation de l’itinérance chez les femmes est aussi remarquée. Entre 1997 25% et 2008, le taux d’occupation dans les Services judiciaire ressources d’accueil pour les femmes est Seulement en frais d’incarcération, il en passé de 50 % à 100 %, malgré une augSeulement en frais d’incarcération, il en coûte 8 500 $ par individu. mentation de l’offre de services. Les orcoûte 8 500 $ par individu. L’étude démontre aussi que les gens qui sont maintenant logés et qui ont un passé d’itinérance ganismes ont noté une augmentation de entraînent des fraisdémontre de 12 000 $ en moyenne la société. L’étude aussi àque les gens la durée des séjours, un alourdissement qui sont qui un des problématiques et un rajeunissement Seulement en fraismaintenant d’incarcération, illogés en coûte 8et500 $ paront individu. passé d’itinérance entraînent des frais de des femmes dans le besoin. La situation L’étude démontre aussi que les gens qui sont maintenant logés et qui ont un passé d’itinérance 12 000 $ en moyenne à la àsociété. des femmes à Québec est inquiétante. À entraînent des frais de 12 000 $ en moyenne la société. Montréal, les femmes représentent 23 % Coût de l'aide à l'itinérance: 12 000$/ individu des personnes qui utilisent les ressources 1%1% d’aide tandis qu’à Québec elles comblent Services d'urgence 37 % des demandes. Services de santé

Aide sociale 34%

58%

Maison d'hébergement et soupe populaire Services de santé

Portrait de l’itinérance à Québec

Services judiciaire

La moyenne d’âge des itinérants est de

6%

Les coûts des services judiciaires et d’urgence ne représentent que 2 % des dépenses lorsque les ans. personnes sont aidées. La plus grosse part des dépenses est celle de l’Aide34 sociale qui représente plus ou moins 7 000 $.

11 295 personnes ont utilisé les res-

Nouveau Les visage coûts des services judiciaires et d’ur- sources d’aide de la Ville. Les coûts des services judiciaires et d’urgence ne représentent que 2 % des dépenses lorsque les gence représentent 2 % des dépersonnes sontne aidées. La plus grosse partque des dépenses est celle de l’Aide sociale qui représente pluspenses ou moins 7lorsque 000 $. les personnes sont aidées. 3 589 personnes seraient sans

La plus Nouveau visagegrosse part des dépenses est celle de l’Aide sociale qui représente plus ou moins 7 000 $.

Nouveau visage « Avant, il y avait une véritable rupture sociale entre ceux qui demandaient de l’aide et le reste de la population », confie M. Keck. Maintenant, on voit de plus en plus de travailleurs qui ont recours aux différents services d’aide. « Ils n’y arrivent plus. Même ceux qui travaillent n’arrivent plus », insiste-t-il. Cet éclatement du profil alarme les organismes. La clientèle rajeunit beaucoup également. « Les jeunes qui sortent des Centres jeunesse sont laissés à eux-mêmes. Ils se

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fixe.

domicile

Les 18 à 29 ans représentent 28 % de la clientèle. De ce nombre, 37 % sont des femmes et cette proportion ne cesse d’augmenter, incluant la présence de mères monoparentales. 3 % de la population canadienne est autochtone et représente 10 % de la population itinérante.

Marie-Pier Cayer

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photo: ARCHIVES WEB

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Femme à la rue : Ni vu, ni connu L’itinérance chez les femmes est moins visible, moins connue. Et pourtant, elle existe bel et bien. Mais qui sont ces femmes ? Des personnes pauvres, des personnes malades qui n’ont pas eu de chance dans la vie ? Pas nécessairement. La ligne est mince entre une personne qui a un logement et un travail et une personne itinérante. Alors, quelle est la cause de leur situation précaire et quelles sont les ressources disponibles à Québec ? Le refuge pour femmes YWCA Québec accueille chaque année des femmes âgées entre 18 et 85 ans, ayant toutes des parcours de vie différents. Les raisons qui font en sorte que les femmes deviennent des itinérantes sont multiples, entre autres des problèmes de dépendance, de santé physique et mentale, de prostitution ou d’extrême pauvreté. Dans d’autres cas, on retrouve des jeunes femmes qui sortent des Centres jeunesses. Cela peut également provenir de la perte d’un enfant, d’un conjoint, d’un emploi. « Les raisons sont nombreuses et il n’y a pas de portrait type », précisent Stéphanie Lampron Directrice des programmes sociaux et communautaires et Jessica Grossein, intervenante sociale à YWCA Québec. « Les femmes sont plus fières, elles vont tout faire pour ne pas que ça paraisse, jusqu’à mettre tout leur argent sur leur apparence. Elles vont trouver une solution pour ne pas être à la rue même si

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cela veut dire se mettre en danger en restant en situation de violence ou habiter dans leur voiture », indiquent Mme Lampron et Mme Grossein. Selon la directrice et l’intervenante de YWCA Québec, « les femmes sont plus à risque de devenir itinérantes que les hommes, car leur revenu est moins élevé, elles sont plus à risque d’être victime de violence et sont plus fragiles à la dépression. À cela peut s’ajouter le fait d’avoir des enfants très jeunes ». De nombreuses femmes itinérantes ont des enfants. « Le YWCA Québec est le seul refuge à Québec à accueillir les enfants des résidentes et il accepte un maximum de deux enfants par femme. Les garçons peuvent rester jusqu’à l’âge de 13 ans et les filles jusqu’à 18 ans. Les femmes enceintes sont acceptées également », informent Mme Lampron et Mme Grossein. YWCA est un refuge, mais également un centre communautaire qui permet d'accéder à une salle d’entraînement, un jardin collectif, à des séances d’activités physiques, à des cours de langues et à plusieurs autres animations. « Nous encourageons la mixité sociale, et le fait d’être anonyme favorise l’intégration », souligne la directrice de YWCA Québec. À Québec, il existe de plus un centre de prévention de l’itinérance. « Le Centre femmes 3A (Accueil-Aide-Autonomie) est un organisme communautaire qui prévient l’itinérance, la judiciarisation et la récidive chez les femmes en situation de délinquance (toxicomanie, impulsivité, alcoolisme, etc.) », précise Véronique Richard, intervenante psychosociale du Centre femmes 3A.

autour de 45 ans, judiciarisées ou à risque de l’être. « Pour déterminer si une femme fait partie de leur clientèle, elle doit avoir une évaluation psychosociale pour établir les besoins », indique Mme Richard. « Leurs services sont très diversifiés, ça passe par la cuisine créative, le suivi psychosocial, l’accompagnement à la cour, l’aide à la recherche d’appartement et la mise de vestiaires à leur disposition », précise Véronique Richard. « Souvent, les femmes sont laissées à elles-mêmes quand elles sortent de prison. Elles ne savent pas par où commencer pour se loger. Nous accompagnons ces femmes dans leurs démarches pour se trouver un appartement », explique Mme Richard. Également, le Centre offre un service d’entreposage gratuit pour les femmes qui sont emprisonnées ou qui se font expulser de leur logement. Donc, « elles ne perdent pas leurs biens et n’ont pas à recommencer à zéro pour se meubler », souligne Véronique Richard. Tant au YWCA qu'au Centre femmes 3A, les femmes qui bénéficient des services se soutiennent moralement et s'appuient mutuellement dans leur recherche d’appartement et de travail. Il arrive parfois qu’elles louent un appartement ensemble. Ces femmes ont des vécus lourds, et les organismes sont là pour les aider à avancer à petits pas. Par ailleurs, Stéphanie Lampron souligne « qu’il y a de beaux résultats comportementaux: elles retrouvent le sourire, leur confiance en elles, elles arrêtent de consommer et elles récupèrent leurs enfants ».

France Lalande

Leur clientèle est constituée de femmes de 18 ans et plus, en moyenne âgées

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Photo : La Quête

Mission : Aider

Pierre Maltais : intervenant social Pierre Maltais est intervenant à l’Archipel d’Entraide. La clientèle dont il s’occupe est une clientèle adulte qui rencontre plusieurs problématiques : problèmes de santé mentale, itinérance, drogue, prostitution et dépendance au jeu.

Il faut donc pour cela que les gens réussissent à se confier. « Quand ils viennent nous voir, ils sont désespérés, ils en sont conscients et veulent s’en sortir. Il est impossible d’aider quelqu’un qui ne veut pas être aidé », confie-t-il, un peu plus sombre, en se remémorant un cas particulièrement difficile qu'il a vécu. « J’ai perdu un de mes clients en tout début d’année. Il était dans la jeune quarantaine, pris avec une maladie incurable. Je lui ai donné beaucoup d’aide mais il ne se confiait pas trop, ce n’était pas facile de l’aider », explique-t-il. Cette personne avait aussi un problème d’alcool et de drogue. « À cause de sa maladie, il souffrait beaucoup et avait tendance à doser lui même sa médication. Finalement, on ne sait pas si c’était un suicide ou bien accidentel, mais il aurait ingurgité une dose fatale de médicaments », se souvient-il. Pierre Maltais reste malgré tout positif au quotidien. « Il faut se rationaliser et ne pas douter de ses compétences quand on les a. Alors là, il faut que tu te fasses une carapace » illustre-t-il. Il compare souvent ce qu’il fait au métier de l’urgentologue. « Tous les jours, il va voir arriver des gens avec des bras cassés, le ventre ouvert, des affaires pas croyables, que moi, je ne serais pas capable de vivre. Mais lui, c’est sa profession, il est urgentologue, il faut qu’il soit professionnel ». M. Maltais croit qu’il ne faut pas tomber dans l’émotivité pour faire correctement son métier. Il aime à garder ce qu’il appelle « une distance thérapeutique » avec ses clients. « Si je veux pouvoir t’aider, il faut qu’il y ait une distance entre nous pour que je puisse être objectif ».

Pierre reçoit des appels de la part des hôpitaux, des CLSC ou des proches de ceux qui se trouvent dans la détresse. Ce faisant, il rencontre ces gens à l’Archipel ou dans leurs propres milieux et participe à leur réintégration dans la société en leur donnant des avis, des conseils, des idées, des références. « Quand tu rencontres quelqu’un, il faut que tu fasses une collecte de données pour connaître la personne et savoir de quelle façon tu peux l’aider. Où se situent ses problèmes, ses faiblesses, ce qu’elle attend de nous. On est là aussi pour chercher des ressources pour les clients. On n’impose pas des choses », expose-t-il.

Photo : La Quête

Sœur Françoise est responsable de l’Entraide St-Roch. Cette petite dame toute frêle a sur son bureau un énorme saladier rempli de bonbons. « Ils peuvent en prendre s’ils me le demandent… », me souffle-t-elle dans un sourire.

Sœur Françoise : soutien aux démunis 14

Sœur Françoise est coordonnatrice de cet organisme en collaboration avec la Société St-Vincent de Paul de Québec, qui s’adresse aux personnes démunies, qui sont dans le besoin, à un moment très creux de leur vie et qui nécessitent de l’aide de toute sorte. Leur priorité va cependant aux familles. « J’essaie de les recevoir toujours avec le plus de bonté possible, toujours sans porter de juge-

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Le travail d'équipe permet de maintenir plus facilement cette objectivité. « C’est très « famille » ici. On s’entraide entre intervenants. On discute de certains cas difficiles, pour avoir d’autres lumières, pour valider ou non une idée, une approche. Aussi, on se sert beaucoup de l’humour entre nous pour décompresser ». Pierre Maltais est sûr de sa vocation depuis longtemps. « La santé mentale m’intéressait parce que j’ai souffert d’agoraphobie par le passé, laquelle est très bien contrôlée maintenant. J’ai décidé de m’intéresser à ces phénomèneslà pour en apprendre davantage et ensuite afin de pouvoir aider des gens qui sont aux prises avec ce genre de problèmes ». Pour ce faire, il a repris les études et est arrivé à l’Archipel il y a bientôt 15 ans. Il ne regrette en rien ce choix de vie. « Il faut avoir le goût d’aider. Dans le milieu communautaire, il est essentiel qu’on ait un côté humanitaire. Je suis un intervenant social qui fait qu’il y a des choses qui s’améliorent dans la vie des gens dont je m’occupe, et c’est très valorisant ». D’ailleurs, il voit dans son métier une certaine raison de vivre. « J’arrêterai pas d’aider les autres par ce que si j’arrête ça, c’est ma mort. Si je suis en santé, j’ai l’intention de travailler jusqu’à 75 ans ! » s’exclame-t-il, ajoutant que « même si ce n’est pas quelque chose de flamboyant, on fait des milliers de tout petits actes qui sont significatifs pour les gens. Non seulement j’adore mon travail, mais je suis payé pour le faire ! » conclut-il, dans un éclat de rire.

ment, ce n’est pas facile parce qu’on a beaucoup de personnes qui sont vraiment démunies, d’autres qui sont dépendantes. La première des choses pour moi c’est l’accueil, l’accueil inconditionnel », explique d’une voix douce celle qui tire ses valeurs de sa religion. Humainement, elle a besoin de sentir que quelqu’un l’appuie, « Il est avec moi et Il m’accompagne. Comme religieuse, j’ai des heures de prière et c’est toujours un moment favorable pour être capable de me remplir. En fait, ça peut être très vidant notre travail, quelques personnes ont souvent de très grandes douleurs, des détresses, presque sans solutions ». Elle

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tire sa force de Dieu, sans pourtant jamais le nommer. « Je ne leur demande jamais qu’elle est leur religion, souvent ils vont me le dire, mais j’en parle s’ils veulent en parler » explique-t-elle, tout en assurant que la meilleure façon de parler avec les gens réside dans le témoignage. Elle souligne de plus que les bénéficiaires apprécient toujours d’être respectés dans leurs croyances.

autres, même avant d’avoir décidé d’entrer en religion pour enseigner. Lors de sa première année de profession, elle a rencontré sa provinciale qui lui a dit « il faudra toujours t’occuper des pauvres ». À cet instant, c’est donc devenu sa mission. « J’ai enseigné 20 ans et j’ai toujours fait des missions. Je voudrais continuer jusqu’à ce que je sois capable. Quand je vais sentir mes forces diminuer, je veux premièrement avoir la sagesse d’arrêter, pour ne pas nuire, et laisser la place à d’autres par la suite » confie-telle.

En 18 ans d'entraide, Sœur Françoise a souvent été touchée par les souffrances de ceux qu’elle croise. « C’est difficile de ne pas l’être. Il faut que l’on vibre à leur douleur mais il ne faut pas porter ces douleurs sur nous, parce qu’on peut crouler », raconte-t-elle. Prendre une marche l'aide toutefois à évacuer ses émotions. Elle trouve également du réconfort auprès de sa communauté.

Dans sa grande carrière, elle n’a vraiment eu peur qu’une seule fois. « Je pense que pour les personnes qui viennent, si on les accueille comme elles voudraient être accueillies, c’est l’important. Si la relation commence bien, donc habituellement elle finit bien. Mais s’il y a des gens

Photo : La Quête

Sœur Françoise a toujours voulu aider les

Naëlla Zafar : infirmière de liaison Naëlla Zafar est infirmière clinicienne au CLSC Haute-Ville. Elle fait la liaison entre les milieux hospitaliers et les ressources communautaires et s’occupe de la clientèle itinérante ayant un profil de santé mentale. « Je reçois la demande qui provient des hôpitaux, j’évalue avec eux quelle serait la ressource la plus appropriée pour le client, que je réfère ensuite vers cette ressource. Ensuite, je vais le visiter là-bas pour le suivi, évaluer ses besoins, ses antécédents, s’il a des problèmes de santé mentale, de santé physique et des problèmes de dépendances aussi », explique-t-elle. La première étape est donc l’évaluation de la condition mentale et physique et s’ensuivent des interventions plus spécifiques. S’il y a des problèmes de santé, il faut faire le pont avec un médecin ou

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qui parlent un peu fort, je baisse le ton, ça les déstabilise et ça fait baisser la vapeur, comme on dit ! » plaisante-t-elle. Elle a également eu le temps de voir des gens s’en sortir et lui témoigner leur affection. « Il y a des gens qui vont me revenir et me dire : moi je voudrais aider quelqu’un, parce que vous nous avez aidés. Certains vont venir dire un petit bonjour et me montrer que ça va bien. Il y a un garçon l’autre jour qui m’a arrêtée dans la rue et m’a dit « Bon, ça va bien, j’ai toujours été vous voir quand ça allait mal ben là, je viens vous dire que ça va bien ». Ça fait vraiment du bien aussi d’entendre ça ! » s’exclame-t-elle, tout sourire. Elle finit par glisser que « si l’on ne sait pas rester jeune de cœur, on est fait ! ».

prodiguer des soins infirmiers. « Si la personne est diabétique, on prendra ses glycémies », cite en exemple Naëlla. Dans les cas de santé mentale non traités, elle doit faire beaucoup d’enseignement et établir un lien de confiance afin d’amener la personne à se faire soigner.

dure ». Naëlla s’assure donc que ses clients ne soient pas laissés à eux-mêmes, qu’ils connaissent les ressources appropriées, qu’ils apprennent à reconnaître les signes et symptômes de leur maladie ainsi que les différents moyens pour prévenir une rechute.

Naëlla réfère les clients qui ont des problèmes de dépendances vers les ressources en toxicomanie, comme le Centre de réadaptation en dépendance du Québec. Elle suit aussi les clients qui occupent « des lits de dépannage » à l’Armée du Salut, au Programme d'encadrement clinique et d'hébergement » (PECH), ainsi que dans des « chambres et pensions ».

Naëlla Zafar a fait sa technique en Soins infirmiers et détient un baccalauréat en Sciences infirmières. Aujourd’hui soucieuse d’avoir une la meilleure formation, et afin d’améliorer la qualité des soins qu'elle offre, elle complète une maîtrise en santé mentale. « J’ai toujours aimé la clientèle », confie celle qui a fait ses débuts à l'urgence psychiatrique au CHUL, après avoir terminé ses cours. Puis, elle a senti une attirance pour le milieu communautaire. « J’aime mon travail, ce n’est pas difficile ni éprouvant. J’y vais tout le temps naturellement, puis avec le cœur ça va bien. C’est sûr que des fois il y a des gens qui ont de gros vécus, un passé très lourd ou qui ont subi de la négligence, de la violence. Je fais preuve d’empathie, mais je garde une distance thérapeutique. Ainsi quand j’arrive chez moi, je suis capable de me détacher » conclut-elle, enthousiaste.

Le travail de cette infirmière dynamique réside surtout dans le réseautage pour essayer d’accrocher la personne démunie aux services. « Souvent, c’est des gens qui sont désaffiliés du système de santé. Ils n’ont pas de suivi, parfois de gros problèmes de santé non traités, je les aide à acquérir une certaine stabilité », détaille-t-elle. Le CLSC prend parfois le relais auprès d’une personne démunie dont l'hospitalisation n’est plus nécessaire. C’est à ce moment que les infirmières tiennent un rôle important. « Il y a des soins qui peuvent être faits dans le milieu communautaire, mais ce qui parfois a été remarqué, c’est que lorsque la clientèle retourne dans son milieu de vie, elle ne va pas toujours chercher les ressources dont elle a besoin, et son problème per-

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Émilie Bonnefous

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L’itinérance nomade

« Les itinérants subissent une pression sociale à cause de l’image d’insécurité à laquelle ils sont associés », estime Frédéric Keck, coordonnateur du Regroupement pour l’Aide aux Itinérants et Itinérantes de Québec (RAIIQ). Pourtant, celui-ci considère que l’idée de la revitalisation du quartier Saint-Roch avait du bon au départ. « Personne ne peut dire que c’était une mauvaise idée, si on compare la situation de l’époque à celle d’aujourd’hui », fait d’ailleurs remarquer M. Keck. Selon lui, le problème réside plutôt dans le fait que les itinérants de Québec subissent les conséquences directes du développement économique associé à la revitalisation. « Les personnes perdantes à travers ça, ce sont toujours les personnes défavorisées », signale-t-il. La présence d’itinérants dans le quartier Saint-Roch est d’ailleurs beaucoup moins forte qu’elle ne l’était il y a dix ans. Historiquement, le déplacement des itinérants dépendait des lieux de transit à Québec, selon Réjean Lemoine, historien et chroniqueur urbain. Il donne l’exemple de la Gare du Palais qui, durant des années, a agi comme une terre d’accueil pour de nombreux « déracinés », comme il les appelle. Aujourd’hui, il croit plutôt que c’est la gentrification, c’est-à-dire le phénomène social d’embourgeoisement, qui force les itinérants à s’éloigner du centre-ville. Devenus de plus en plus indésirables dans les lieux publics, les itinérants n’ont d’autre choix que de se disperser dans les quartiers voisins. Hors du centre-ville, les itinérants se trouvent forcément éloignés des ressources qui leur sont dédiées, telles que les soupes populaires, les refuges, les organismes d'entraide, etc. « Dans le quartier Saint-Roch et au carré 16

Courtoisie: Archives de la ville de Québec

Les temps changent. Et les lieux où se regroupent les itinérants de Québec aussi. Du carré D’Youville dans les années 90, ils se sont tranquillement déplacés sur le parvis de l’église Saint-Roch au tournant du siècle. Aujourd’hui, l’étroite coexistence de richesse et de pauvreté à Québec met une lourde pression sur les itinérants, car leur présence est jugée inadéquate dans les quartiers en revitalisation. À défaut de pouvoir occuper les zones publiques, ils se dirigent maintenant vers des espaces privés de plus en plus éloignés du centre-ville.

Cove Fields : le bidonville des Plaines d’Abraham.

D’Youville, il y avait un réseau naturel qui se formait. Avec la dispersion actuelle, on perd ce réseau », constate d’ailleurs Frédéric Keck.

sont associés. « Ça me surprendrait que les itinérants se rendent en banlieue », a d’ailleurs ajouté Frédéric Keck, en appui aux propos de M. Lemoine.

Migration vers Saint-Sauveur

Somme toute, le centre-ville demeure un secteur névralgique pour les itinérants de Québec en raison de l’abondance de services qui y sont offerts. Et comme l’explique M. Lemoine, la coexistence de réalités opposées est normale dans toute grande ville. « Tous les centres-villes font face à cette réalité-là. C’est tout à fait normal », précise-t-il.

Le directeur du Regroupement des gens d’affaires du quartier Saint-Sauveur, Mario Bédard, ne craint pas l’arrivée d’itinérants dans le secteur. « Ce n’est pas une inquiétude. […] L’authenticité du quartier va toujours être conservée », assure-t-il. D’autre part, M. Lemoine estime qu’une revitalisation de SaintSauveur se produit actuellement grâce aux jeunes. « C’est un quartier intéressant, qui est en train de se revitaliser tout seul parce que les jeunes achètent », affirme-t-il. Le nouveau visage qu’adopte à l’heure actuelle le quartier Saint-Sauveur pousse toutefois les itinérants à éviter le secteur, car les ressources manquent pour favoriser leur accueil. « Ils n’ont pas intérêt à vivre dans des quartiers très résidentiels, parce que peu de services y sont offerts », constate en effet Réjean Lemoine. Pourtant, le déplacement des itinérants vers des quartiers résidentiels ne date pas d’hier, selon Frédéric Keck du RAIIQ. M. Lemoine évoque d’ailleurs l’une de ces occasions, tout juste après la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle les itinérants étaient envoyés vers Charlesbourg et Beauport. « On les installait dans des chalets en banlieue durant la période hivernale », raconte-t-il. Malgré tout, Réjean Lemoine considère que les banlieues ne sont pas propices à l’établissement de groupes d’itinérants, à cause du manque de services qui leur

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Camille Bélanger-Vincent Un bidonville sur les Plaines d'Abraham Après la Deuxième Guerre mondiale, une grave crise du logement frappe Québec. En mai 1945, la Ville de Québec loue au gouvernement fédéral 22 huttes militaires et les installe sur les Plaines d’Abraham. Ce petit village improvisé, appelé Cove Fields, a permis de loger jusqu’à 1 200 personnes qui, autrement, se seraient retrouvées en itinérance. « C’était des huttes pas vraiment isolées, sans toilettes », spécifie l’historien Réjean Lemoine, ajoutant du même souffle que les bidonvilles étaient occupés à l’année. Cette mesure a duré sept ans, de 1945 à 1952, alors que dès 1946, la Commission des champs de bataille nationaux réclamait la démolition des huttes et l’expulsion des résidents.

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Fuguer, un voyage ? Un jeune décide de fuguer. Il en a marre, il prend la clé des champs. Un simple coup de tête pour le thrill de l'aventure ? Rien n'est moins sûr... En effet, rares sont les jeunes qui finissent dans la rue par choix ou pour le plaisir, selon Maxime Dubé, coordonnateur au SQUAT Basse-ville, un organisme d'aide aux jeunes fugueurs. « Chaque cas est unique, quand tu creuses, tu peux trouver beaucoup de raisons qui poussent un jeune à s’enfuir », relate l’intervenant.

En 2012, le SQUAT Basse-Ville a offert plus de 2100 nuits d’hébergement pour 206 jeunes différents. En tout, 6534 visites réparties pratiquement de façon égale entre les garçons et les filles. La moyenne d’âge des jeunes en visite est de 16 ans pour les mineurs, 18 ans pour les majeurs. Le SQUAT n’est pas le seul organisme à venir en aide aux jeunes en fugue. La Maison Dauphine, qui aide les jeunes de la rue à cheminer vers l'autonomie, accueille chaque année plus de 500 visiteurs âgés de 12 à 24 ans,. Ces nombres de visites démontrent bien l’importance du problème qui est souvent ignoré, voire jugé par la population.

Un cercle vicieux « Plus tu fugues, plus tes fugues vont durer longtemps », explique Maxime Dubé. Une fugue pour un jeune, c’est une façon de faire passer un message, de lancer un cri d’alerte. « Dans le cas de fugues familiales, tu vas fuguer pour faire peur à tes parents, leur prouver que tu peux te débrouiller par toi-même. Au départ, tu pars une journée, après trois, après cinq », déclare le coordonnateur. Les jeunes apprennent à vivre en mode survie, se créent un réseau et des repères dans la rue. C’est à ce moment que la situation devient plus problématique pour les adolescents. Puisque certains ont appris à survivre dans la rue, ils vont par-

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Il cite les tensions familiales, la violence, un entourage malsain, même une peine d’amour. « Certains jeunes fuguent également de centres jeunesse pour oublier la vie en unité. Ils sont peut-être en manque de drogue et ont besoin de consommer », ajoute M. Dubé.

venir à ce qu’ils voulaient et oublier les problèmes qu’ils ont fuis. Les aspects négatifs relatifs à leur milieu disparaissent, au détriment d’autres dilemmes qui surviennent. Cependant, puisque le but était au départ de fuir une situation difficile ou un conflit, le jeune est amené à voir les avantages de la rue plus que ses désavantages. « Quand tu fugues, tu ne te rends pas compte de l’évolution, mais ta santé en écope. Des fois, tu dors dans des endroits où c’est difficile de bien dormir, donc tu ne dors plus beaucoup et ta santé se détériore. J’en ai vu arriver ici avec le visage plein de boutons de peanut [signe visible de l’usage de méthamphétamine] et il était vraiment temps qu’ils rentrent chez eux pour certains. Il y en a aussi qui n’ont plus d’endroit où dormir et qui

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finissent chez des hébergeurs malsains et je te garantis qu’ils ne paient pas en argent », raconte Maxime Dubé. À ce stade, le cercle vicieux a réellement pris forme. Après avoir fugué quelques semaines, tu reviens à l’école où tu as pris du retard, tu perds peu à peu tes amis qui ne sont pas dans la rue, tes champs d’intérêt vont changer et ainsi de suite, un problème en entraînera un autre. « Être en fugue, c’est comme un voyage. Quand tu pars en voyage, tu oublies tes problèmes. Une fugue c’est comme ça. Tu pars en mettant un break à ta vie, mais ta vie continue et les conséquences s’accumulent au bout du compte ».

Vanessa Breton-Beaulieu

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Je suis passé par là Des affaires d’or à la rue...

Au tournant, la déprime l’attend. Son magot fond et il ne sait pas comment gagner sa vie. « J’ai pas d’autres talents », pense-t-il alors. Le moral à la baisse, il se voit mourir... et se laisse aller « en sale », investissant des milliers de dollars en paradis artificiels. À force de la fuir, la réalité le rattrape : il se retrouve dans la rue. Dormir dans le bois, descendre en Basse-Ville pour manger pas cher. Il fait ça quelques semaines, puis visite sa mère. Elle lui suggère d’aller à Lauberivière. Ce qu’il fait, mais la discipline imposée le rebute. « Je faisais de la marde, je crissais mon camp, je revenais... »

Rencontre avec un miroir Dans son errance, il se lie d’amitié avec ses « pairs ». En discutant avec l’un d’eux, il voit le reflet de son avenir : le bonhomme n’a presque plus de dents, il est maigre comme un clou. Il ramasse assez de canettes pour payer ses trois repas par jour dans les soupes populaires, mais son pécule est destiné à l’achat de substance pour oublier sa réalité. Son avenir est bouché... Alexandre veut traverser son miroir. Ça suffit !

Retour aux sources Avec la sérieuse intention de s’en sortir, Alexandre « s’installe » à Lauberivière où il compte sur l’aide des intervenants. Pour occuper ses mains et son esprit, on lui suggère de travailler au jardin des Urbainsculteurs, sur le toit de la maison de Lauberivière.

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Comme bien d’autres jeunes, Alexandre expérimente la drogue. D’abord des drogues douces, puis de plus en plus dures. Il vend aussi. Les affaires vont bien, l’argent coule à flots. Puis, insidieusement, un malaise s’installe. De poisson dans l’eau dans son univers de petit trafiquant, il devient un paranoïaque en puissance. Il ne dépense plus son argent. Ses amis se font prendre, alors il décide de ne plus sortir de chez lui. Il fait faire ses commissions. Convaincu qu’on l’espionne, il barricade ses fenêtres et établit un code de procédure digne des plus grands polars : n’entre pas chez lui qui veut. Sa mère le trouvant dans cet état pitoyable le convainc de cesser ce jeu dangereux. Avec l’aide d’amis, il arrête de consommer, même si ce n’est pas facile.

Ce contact avec la nature lui fait grand bien. Tous les jours, il se lève tôt et va s’occuper du potager : boutures, semis, arrosage. Il réalise qu’il aime entretenir les choses. En échange de son effort de travail, il a droit à trois repas par jour. Son petit boulot lui permet également de rencontrer des gens en dehors de son milieu. Grâce à son implication avec les Urbainculteurs, il réussit à dénicher un emploi lucratif et honnête... Son ancienne vie lui fait de l’œil, parfois il pense à revenir en arrière, mais il tient bon. Il occupe son poste depuis trois ans maintenant. Il a tourné le dos à la rue comme milieu de vie, mais il est resté sensible à ceux qui y vivent.

Regard critique Alexandre, qui a aussi résidé un temps à l’Armée du Salut, y retourne régulièrement pour manger. Il pourrait sans sortir autrement avec son salaire correct — sans plus —, mais il aime se retrouver avec la « famille », même s’il a des cousins tannants! Son passage dans cet univers lui donne une compréhension tout en nuance de l’itinérance. Aussi, il donne autant qu’il peut aux gens sur la rue. Aux

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résidents de l’Armée, il refile ses canettes vides. Solidaire des gars qui traversent une passe difficile, il a toutefois en aversion les crapules. « Des sans-abris qui volent des sans-abris, je trouve que ça pas de classe “en sale”. » Puis il se rétracte et avoue que la rue « c’est la jungle : l’instinct de survie prime. Faut pas juger... »

Message au peuple « Ne jugez pas le sans-abri que vous croisez. Souriez-lui. Parlez-lui. Demandezlui pourquoi il est là. S’il vous répond, vous comprendrez mieux sa réalité. Ne le jugez surtout pas à partir de votre expérience personnelle. »

Alexandre Propos recueillis par Luc-Antoine Couturier Rédaction : Francine Chatigny Merci à Sarah, Marc-André et Éric de l’Armée du Salut, ainsi qu’à Steves de nous avoir aidé dans notre quête de témoignages. Merci à Alexandre pour sa générosité!

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On va tous manger nos bas ! Diane Morin

Je suis d’avis que nous allons subir des contrecoups importants sur les plans économique et social dans un proche avenir. La population en général sera touchée et le milieu de l’itinérance écopera de multiples façons. Sur le plan macro-économique, il semble bien que la fameuse reprise dont on nous a tant parlée soit plus un vœu qu’une réalité, voire une chimère. Faisons un tour rapide de la situation mondiale avant de revenir ici.

L’Europe pratique l’austérité et la confiscation des épargnes L’Europe est bien mal en point avec la crise de la dette. Les populations de plusieurs pays tels la Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la France et l’Irlande souffrent des politiques d’austérité exigées le plus souvent par la Troïka composée du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque centrale européenne (BCE) et de l'Union Européenne (UE) . Pour les personnes défavorisées, l’avenir est encore moins réjouissant. « Les plus démunis risquent de devoir faire un nouveau trou à leur ceinture… Réunis en sommet le vendredi 8 février, les dirigeants de l'Union ont voté une diminution draconienne de l'aide alimentaire européenne pour la période 20142020. La politique d'austérité qui inflige au budget européen une baisse historique de 3 % entraîne dans son sillage une coupe budgétaire de 40 % du Programme européen d'aide aux plus démunis par rapport à l'enveloppe 2007-2013. […] C'est la douche froide pour les associations d'aide aux plus démunis dont la pérennité des stocks alimentaires dépend de ce fonds ». (Source : Toute l'Europe) De plus, les récents déboires de Chypre ont fait apparaître un nouveau risque pour les épargnants, celui de se faire confisquer leurs économies pour encore une fois sauver des banques ayant pris des risques. Alors que jusqu’à maintenant c’était le contribuable et l’assisté social qui écopaient, les épargnants deviennent de nouvelles victimes.

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La Chine ralentit La Chine, grand pays émergent, qui tirait la croissance mondiale, ralentit de plus en plus la cadence, trouvant de moins en moins d’acheteurs pour ses produits. En corolaire, les pays producteurs de matières premières comme le Canada voient leurs exportations chuter. La Chine vit par ailleurs une nouvelle crise aviaire qui a une incidence très importante sur le marché de la volaille. Si la crise s’amplifiait avec l’apparition d’une transmission soutenue et efficace d’humain à humain du virus H7N9, des mesures de restrictions de voyage entreraient en vigueur en Chine et chez ses voisins immédiats, avec des conséquences désastreuses sur le commerce mondial.

Le Japon et les États-Unis font dangereusement aller la planche à billets Le Japon et les États-Unis, tous deux fortement endettés, pratiquent une politique monétaire dite « d’assouplissement quantitatif », soit l'impression de billets et leur mise en circulation, sans qu’il y ait de justificatif économique conventionnel. Cette pratique est communément appelée la « planche à billets ». La manœuvre permet de prêter de l’argent gratuitement à l’État ou aux banques et de soutenir de façon factice le marché boursier pour ne pas démoraliser la population. Mais la population qui subit les coupures de services, les mises à pied, les faillites personnelles, les faillites commerciales des villes ou des États, n’est pas dupe. On apprenait en avril que Chicago s’apprête à fermer pas moins de 54 écoles pour éponger un milliard de déficit. Ce n’est là qu’un petit exemple de ce qui se passe là-bas. Mais qui n’a pas eu connaissance du fameux « mur budgétaire » qui a entraîné des coupures de 85 milliards, dont une bonne partie en santé. Le phénomène de la planche à billets a pris une telle ampleur que plusieurs craignent maintenant l’éclatement des bulles que cela a permis de gonfler et même un effondrement économique dévastateur à l’échelle planétaire.

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Le Canada jongle avec l’austérité, la bulle immobilière et l’endettement des ménages Pour le Canada, il y a un risque d’éclatement d’une bulle immobilière associé à un phénomène d’endettement des ménages. On conçoit bien que si cela venait à se concrétiser, la population serait touchée et cela accentuerait le taux d’inoccupation de logements pas chers. Cependant, on entend moins semble-t-il que le gouvernement Harper veuille privatiser le volet social de la Société d’hypothèque et de logement ? Cette perspective cause de sérieuses inquiétudes dans les HLM et les coops. « Quant au volet social de la SCHL, il est clairement à risque. Malgré le retrait du fédéral du financement du logement social en 1993, la SCHL subventionne toujours les coopératives et les HLM grâce à des ententes signées auparavant. Ces ententes tombent progressivement à échéance d’ici à 2030 et des groupes comme le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) espèrent encore convaincre le gouvernement de prolonger le financement après 2030. Toutefois, les signaux venus d’Ottawa suggèrent plutôt le contraire. « Jamais le privé ne va prendre la relève. Ça veut dire des augmentations de loyer importantes », déplore le porte-parole du FRAPRU, François Saillant. Dans les coops, par exemple, tout l’argent du fédéral est utilisé pour les familles à faible revenu, pour que leur loyer suive leur capacité de payer. […] Il y a des gens qui reçoivent des subventions de 200 $, 300 $ par mois.” (Source : Le Devoir) « Au cours des prochaines années, le gouvernement fédéral cessera de verser des subventions aux logements sociaux, qu’il a pourtant contribué à réaliser et qu’il finance en partie depuis des décennies. Quelque 127 000 logements HLM, coopératifs et appartenant à des organismes sans but lucratif d’habitation seront touchés. Cela représente 85 % de l’ensemble des logements sociaux construits au Québec ». (FRAPRU)

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Les itinérants directement touchés par ces mesures À cela, il faut ajouter d’autres coupures dans la fonction publique et dans différents programmes, comme celle déjà en vigueur pour le Programme d’assuranceemploi. D’autres à venir en avril 2014 toucheront de plein fouet pour leur part les ressources en itinérance au Québec. En effet, le gouvernement fédéral ne reconnaît plus le caractère généraliste de l’enveloppe Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI). À Québec, l'avenir de différents services pour les personnes itinérantes ou à risque est en jeu. Ils représentent 2,3 millions de dollars et sont dispensés par 70 intervenants, comme les Rendez-vous CentreVille au sous-sol de l’Église Saint-Roch et à Lauberivière, la fiducie de Lauberivière, des services d’hébergement à l’Armée du Salut et à la YWCA, le service alimentaire et d’accompagnement du Café-rencontre Centre-Ville, Le SQUAT Basse-Ville, l’Aumônerie communau-

taire de Québec, le Centre de traitement des dépendances le Rucher, le Centre femmes aux trois A de Québec, le Centre Multi-services Le Complice, Le Centre résidentiel et communautaire JacquesCartier, la Ligue des Droits et libertés section Québec, le Gîte jeunesse de Québec, la Maison Marie Frédéric, la Maison Richelieu Hébergement Jeunesse SainteFoy, le Projet Intervention Prostitution de Québec, le magazine La Quête et certains autres.

Le FMI et la Santé publique se prononcent contre les coupures À ces coupures appréhendées, il faut ajouter celles annoncées dans le Programme d’aide sociale au Québec. Notons que les directeurs de santé publique « ont adressé une lettre ouverte à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale Agnès Maltais, lui demandant de renoncer aux modifications au Programme d’aide sociale » craignant que celui-ci soit contreproductif (Source :

L’Actualité). Même le FMI a avertit le Canada qu’il « doit éviter tout excès de zèle en matière de finances publiques » (Source : Le Devoir).

Tous tirés vers le bas comme une vulgaire chaussette Qu’adviendra-t-il des personnes démunies, dans un tel contexte7? Ils vont manger leurs bas avec les intervenants, car les organismes qui constituaient un filet de sécurité sociale autour d’eux et une grande partie de la classe moyenne vont glisser inexorablement vers la pauvreté. Le problème de dettes publiques ainsi que les solutions qui sont actuellement appliquées nous entraînent vers l’abîme.

Diane Morin

Engagés au sein de sa communauté, le Centre d'entraide Émotions met l'entraide au service de la santé mentale.

Soyons solidaires, changeons le monde !

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Le problème de l’itinérance est complexe et il n’existe pas de solution magique. Cela ne veut pas dire qu’il n’arrive pas parfois de petits miracles lorsque des personnes itinérantes parviennent à se trouver un emploi et à accéder à la stabilité financière. Grâce à des programmes de réinsertion sociale et à des employeurs ouverts, la rue peut devenir un lieu de passage, plutôt qu’un point d’arrivée. La réinsertion sociale nécessite une démarche globale. À la maison Lauberivière de Québec, les intervenants de première ligne s’assurent d’abord de combler les besoins de base - nourriture et hébergement d’un individu. L’aide qui est alors apportée est aussi « un prétexte pour créer un lien de confiance », indique M. Éric Boulay, directeur général de la Maison Lauberivière. Par la suite, la Maison met à la disposition de sa clientèle des outils et des formations facilitant la réinsertion sociale, notamment, le programme À l'aube de l'emploi issu d'une collaboration entre Lauberivière et le Centre Louis-Jolliet. Ce programme particulier de formation en entretien ménager permet de développer l'employabilité de ces adultes, parfois exclus du marché du travail. Et le jeu en vaut la chandelle ! Sur les 70 diplômés formés dans le cadre de ce programme, 95 % sont toujours en emploi aujourd’hui. Empro fait partie de ces employeurs qui permettent aux participants de retourner sur le marché du travail ou de l'intégrer pour la première fois. « Il faut que l’employeur soit ouvert à la démarche », précise Bruno Blanchard, responsable de la réinsertion sociale à la Maison du père, à Montréal. En effet, ces travailleurs présentent certaines difficultés, ils ne seront pas nécessairement aussi productifs qu’un employé régulier et l’éthique de travail est souvent à construire. Dans les deux organismes consultés, des intervenants sont présents pour donner 22

Photo: Archives La Quête

De la rue à l’entreprise

Roch Falardeau a réussi le programme de l’Aube de l’emploi.

des outils qui permettent une meilleure employabilité. La période de jumelage s’accompagne aussi d’un suivi par les organismes, qui joue alors le rôle de mentor. Pour faciliter les programmes de jumelage, France Desjardins, directrice générale à la Maison du père, suggère la création d’une prime ou encore un programme d’incitation à des stages pour encourager les employeurs à adopter cette démarche. À Québec, certains employeurs, comme Empro, travaillent en amont, avant même la fin de la formation. Les personnes en situation d’itinérance présentent souvent des caractéristiques qui rendent difficile l’exercice d’un travail. Tout d’abord, le faible taux de scolarisation de ces personnes réduit leur employabilité ainsi que leurs perspectives d’emploi. « Les trois quarts n’auraient pas terminé leur primaire », explique Bruno Blanchard. Dans le cas d’un décrochage au niveau secondaire, les centres de formation pour adultes peuvent permettre d’obtenir une attestation de reconnaissance des acquis. Le retour aux études, avec sa routine et ses exigences, représente un défi qui s’apparente à un retour au travail. Mais cette situation n’est pas imputable qu’à l’individu, « l’encouragement aux études vient souvent de la famille », précise France Desjardins. Comme plusieurs personnes itinérantes ont été ballotées de familles d’accueil en famille d’accueil, cet intérêt n’a pu être suffisamment nourri. De plus, « il faut retrouver l’estime de soi et développer un lien de confiance [avec les autres] pour pouvoir exporter cela sur le marché du travail », explique Éric Boulay.

comanie sont également nombreux chez les personnes itinérantes. Ces situations interagissent négativement avec le monde du travail et son code de conduite, sans compter la perception négative que peut ressentir l’employeur par rapport à son employé. Cependant, un enrayement complet des dépendances n’est pas une solution réaliste et atteignable pour tous. Dans les deux organismes, on parle plutôt d’une « réduction des méfaits néfastes de sa consommation de drogues ». En d’autres termes, apprendre à consommer raisonnablement en limitant les impacts sur soi et le monde extérieur.

Un effet global Lorsque l’opération est un succès, les effets sur la personne sont immenses. En plus des bénéfices matériels (nourriture, logement, vêtements et à-côtés), les bénéfices psychologiques sont importants. La réinsertion sociale permet une meilleure estime de soi et une meilleure stabilité, qui peut avoir un effet sur la santé mentale puisque les problèmes de santé mentale peuvent être une « conséquence de la condition de vie d’itinérance », peut-on lire sur le site du Ministère de la Santé et des services sociaux. Cependant, pour parvenir à une bonne réinsertion, il faut travailler de manière flexible, personnalisée… et en amont. « Quand on travaille avec cette clientèle, il faut regarder la santé mentale, physique, l’accès au logement », indique Mme Desjardins. Le défi de la réinsertion sociale ne peut se faire en vase clos.

Gabrielle Thibault-Delorme

Les problèmes de dépendance et de toxi-

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Photo: Archives La Quête

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Vivre dans la rue avec un problème de santé mentale

M ission impo ssibl e ? Trouver un lieu pour dormir, quêter pour manger, faire face à la température pas toujours clémente, trouver les vêtements adaptés à la saison, obtenir des soins sans preuve d’identité et des services, sans preuve de résidence. Vivre dans la solitude. Sentir en permanence les regards réprobateurs dirigés vers soi. Occuper un espace public avec la menace de s’en faire chasser. Aucun répit, jamais. Que du stress en continu. Vivre dans la rue, c’est rough en c...

Une pépinière à problèmes Les conditions de vie extrêmes que subissent les « sans-abri-sans-le-sou » entraînent leur lot de problèmes de santé physique, notamment des carences nutritives importantes, de l’hypothermie ou des coups de chaleur résultant d’une exposition au froid extrême ou aux grandes chaleurs, des infections de toutes sortes en raison d’une hygiène déficiente, l’apparition potentielle de parasites, etc. On estime que ce mode de vie peut réduire de 20 ans l'espérance de vie d'un itinérant. À cela, il faut ajouter les perturbations psychologiques qu’engendrent la violence tournée vers eux, le vol de leurs maigres effets personnels, l’incapacité à satisfaire leurs besoins de base, l’application des règles de vie dans les refuges et l’humiliation subie par le comportement des personnes rencontrées. Autant de facteurs de stress mettant la table pour développer un problème de santé mentale. Sachant que l’Organisation mondiale de la santé définit la santé mentale comme « un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté », il est facile d’imaginer que d’encaisser les aléas de la vie en tant qu’itinérant risque d'entraîner le développement d'un problème de santé mentale, notamment la dépression ou la dépendance.

La santé, c’est mental D’ailleurs, dans bien des cas, il est malaisé de déterminer qui, de l’itinérance ou des problèmes de santé mentale a pris la personne en otage en premier. Néanmoins, une bonne part des itinérants ont reçu un diagnostic précis - schizophrénie, troubles d’anxiété, troubles de la personnalité, etc.- avant de se retrouver dans la rue. Comment en arrivent-ils là ? L’instabilité de leur état peut les amener à commettre certaines bévues : négliger de payer leur loyer, faire une crise « occasionnelle », déranger constamment les voisins... Le proprio finit par en avoir assez et expulse l’importun. Les mauvaises références s’additionnant, il devient difficile de trouver un logis. Dépourvu de toit et de stabilité et sans argent pour payer la médication, leur problème de santé mentale ne peut être qu’exacerbé. Dans cette situation, faire face aux défis quotidiens de la vie devient mission impossible. Si par surcroît, comme plusieurs de ses comparses, l’itinérant adopte une consommation abusive comme un mécanisme d’adaptation à son nouveau mode de vie, il risque fort de ne pas survivre à ce cocktail explosif ou bien faire des gaffes monumentales et se retrouver soit en prison, soit en urgence psychiatrique. Leur seule planche de salut se trouve alors dans les ressources. Et plus précisément dans les ressources qui viennent à eux, comme les travailleurs de rue ou encore dans celles s’avérant facilement accessibles, tels les organismes communautaires.

Étiqueté contre son gré Extrait : « Le simple fait pour un itinérant d’avoir un dossier psychiatrique ne doit pas être considéré comme le signe infaillible de la présence d’une psychopathologie majeure : c’est souvent une marque, un « stigma » du parcours de la vie dans la rue, tout comme le fait d’avoir un dossier judiciaire, souvent pour de relatives vétilles. Bref, l’itinérant finit un jour ou l’autre par être l’objet, de gré ou de force, de la sollicitude des sédentaires. Est-ce à dire que la majorité des itinérants sont en bonne santé mentale ? Ou, autre cliché, qu’ils font ce choix « volontairement », comme si on choisissait volontairement d’être dans la rue plutôt que d’habiter un logis confortable dans un quartier agréable ? Toutefois, au-delà de ces évidences, il faut être prudent sur le plan des constats épidémiologiques et particulièrement attentifs au plan clinique. Qui ne finirait pas par développer des affects dépressifs ou une certaine méfiance, suite au harcèlement presque constant que vit l’itinérant aux prises avec des résidants qui s’inquiètent, des commerçants qui veulent s’en défaire, des policiers qui exercent trop nerveusement leurs réflexes de surveillance, des intervenants sociaux qui accroissent le stress de la survie par des objectifs inadaptés de traitement? Qui ne finirait pas par éprouver un certain déséquilibre dans un mode de vie aussi déstabilisant ? »

Mario Poirier, Raymonde Hachey et Yves Lecomte. Extrait de l'éditorial L’inquiétante étrangeté de l’itinérance. Revue santé mentale au Québec, Volume XXV, numéro 2 (http://www.santementaleauquebec.ca/spip.php?article218&param=b#)

Francine Chatigny

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Pour le bien-être des enfants photo: Archives Web

En général, les parents aiment leurs enfants, agissent pour leur bien-être. Même quand notre maturité affective est stable, il est parfois difficile de prendre des décisions sages et raisonnables. Ces décisions auront un impact sur l’enfant, sur sa vie future. Mais qu’en est-il quand le parent vit avec un problème de santé mentale qui affecte son quotidien, sa pensée, ses prises de décisions ? Et surtout, quand il y a des enfants qui dépendent de ces décisions et de ce quotidien. Quand la santé mentale est jumelée avec un problème de consommation, cela devient explosif. Les deux pathologies s’imbriquent alors l’une dans l’autre et il devient presque impossible de les séparer ou savoir laquelle influence l’autre. Souvent, les enfants servent à combler un besoin, un besoin de laisser sa trace, de ne pas avoir vécu et mourir sans laisser un petit peu de soi à l’Univers, une sorte de contribution. Mais lorsqu’une femme vit avec un problème de santé mentale, l’enfant prend une signification encore plus grande et troublante, celle de combler un manque affectif, un vide, une réparation de l’enfant qui a été, et qui est plus tard devenu cette femme souffrante. La maternité est aussi la preuve, face à la société, que cette mère est comme toutes les autres capable d’avoir un enfant. C’est la seule chose qu’elle fait comme les autres! Mais que se passe-t-il quand la mère n’est pas apte à s’occuper de son enfant? Règle générale, la société lui retire l’enfant, en lui faisant bien comprendre qu’elle est inapte, que c’était utopique de croire qu’elle pourrait s’en occuper, qu’elle était bien bête de croire qu’elle pourrait y parvenir. À ce moment, soit elle sombre encore plus dans la souffrance et le dysfonctionnement, soit elle fait un autre enfant, en espérant que cette fois- ci la société aura changé d’idée, que cette fois-ci elle jouera adéquatement son rôle de mère, et ainsi de suite. Autrement, la société et ses instances accepteront possiblement que cette mère ait des limitations, des difficultés, mais que si l’on croit en elle, qu’on lui donne les outils et du soutien, elle y parviendra. Mais sans aucune assurance toutefois que cela n’affectera pas l’enfant. Car en plein milieu de toute cette souffrance, il y a un enfant qui a besoin de stabilité, de cohérence pour se développer, ainsi que pour devenir un adulte qui, idéalement, n’aura pas à vivre les mêmes difficultés que son parent.

Qu’en est-il du bien-être de l’enfant ? Est-il préférable de rester avec sa mère biologique ou d’aller vivre ailleurs, avec une mère d’adoption par exemple ? Dans quel milieu sera-t-il le plus stable ? En réalité, rien n’est sûr. La mère biologique peut acquérir une stabilité émotive et élever son enfant de façon saine et cohérente et, à l’inverse, la mère adoptive peut ne pas être en mesure de s’investir pour une longue durée. Conséquemment, l’enfant sera dirigé vers d’autres milieux, ce qui entraînera des conséquences sur sa confiance, mais également envers les adultes et la société. Une mère doit agir pour le bien-être de son enfant, mais la comorbidité des pathologies l’empêche de le faire. Celle-ci est pourtant persuadée d’agir pour le bien de son enfant, mais en réalité elle agit pour son propre bien, pour espérer que ce vide sans fin qui est au centre de sa vie disparaisse. La souffrance empêche ces femmes de se projeter dans l’avenir, dans le « plus loin ». Cette même souffrance les empêche de prendre conscience de leur instabilité et de leur incohérence, mais surtout de l’admettre, de l’accepter et, au final, de composer avec.

Qu’en est-il du bien-être de l’enfant ? (prise 2) On en revient alors à l’ultime question : qui doit assurer le bien-être de l’enfant ?

La société, les institutions, le parent, la famille élargie ? Peut-on, en tant qu’individu, décider pour un autre individu? De quel droit, en tant qu’individu, peut-on poser un jugement, ou imposer son idée ? La société est-elle prête à accepter qu’un individu aux prises avec un problème de santé mentale puisse être un bon parent ? Il n’y a pas si longtemps, les gens « fous » étaient stérilisés ! On ne parle pas ici d’il y a 100 ans, ni dans un pays lointain ou sousdéveloppé, mais bel et bien au Canada. En tant que société qui se respecte, qu’est qu’on fait ? Soit on accepte que les gens aux prises avec un problème de santé mentale aient des enfants, en étant prêt à leur offrir soutien, à reconnaître leurs besoins et leurs particularités, mais surtout à faire preuve de compréhension, d’empathie et de RESPECT. Soit on les empêche d’avoir des enfants, en surveillant par exemple la chambre à coucher de tout un chacun. Il existe un proverbe africain qui dit « qu’il faut tout un village pour élever un enfant ». Alors comme village, choisissons d’élever nos enfants en collectivité.

Martine Danjou Coordonnatrice Parents-Espoir

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Parcours de vie

J’étais un bébé étrange : je ne pleurais pas, ne marchais pas et n’ai commencé à parler qu’à 4 ans. On m'a déclaré sourd et muet, puis autiste, puis Asperger, puis atteint du syndrome de Lennox-Gastaut. On m'a ensuite diagnostiqué une malformation congénitale non répertoriée du cerveau. Quel effet cela a eu sur moi ? Rien, mis à part le fait qu'on m'a plus étudié, que ce que j’ai moi-même pu étudier. À la mort de mon père, les quatre enfants avons été pris en charge par la DPJ. J’avais 6 ans. J'ai passé un an à l’hôpital Sainte-Justine puis trois ans à Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur de Jésus de Québec.Mon cerveau est objet d'études. À 12 ans, on m'accuse de voie de fait sur un notaire. Il m’avait agressé sexuellement. Madame Justice ne m’a pas cru. On me condamne à 3 ans de centre d’accueil. Ce même notaire sera arrêté en 2010 pour agressions multiples sur 14 mineurs en Beauce. De retour chez ma mère avec mon petit frère, depuis à peine 4 mois, elle se met à le battre violemment. Incapable de la raisonner, je la gifle. Elle me met à la porte. J'ai 15 ans. C'est là que je m'initie à l’itinérance. Je mendie pour manger. Après 4 semaines d'errance, je vais rencontrer la police jeunesse pour leur expliquer ma situation. Ils vont voir ma mère puis... m'accusent de voie de fait. On me replace en centre d’accueil. Deux mois après, j'apprends que ma mère perd la garde de mon frère. Elle lui a cassé le nez, la mâchoire et six côtes provoquant une perforation du poumon. Ni la DPJ, ni la police Jeunesse ne portent d’accusation contre ma mère.

vide les couches de crottins pour les caléchiers (1 $ la couche). Quand le froid arrive, je squatte les édifices désaffectés et je commence à vendre de la drogue au centre-ville. J'ai fait ça 8 ans : de la drogue j’en ai vendu en tabernacle. En 1996, en pleine guerre des motards, je suis la cible de 3 tentatives de meurtre en 2 mois. Je ne veux pas crever sans avoir connu l’amour. Je m'exile à Chicoutimi. Quinze jours après mon déménagement : bang ! C’est le déluge du Saguenay! Je perds tout, mais comme tous les sinistrés, je reçois l’aide de l’État. Je trouve un emploi à l’Étape où je rencontre Julie, mon unique amour. On revient à Québec fin '97. Je me tiens loin des quartiers centraux (!) et je travaille — beaucoup trop — en informatique. Julie et moi, on s'aime à la folie, mais nos rhésus et nos groupes sanguins respectifs, moi A —, elle AB+ sont incompatibles. Julie fait 6 fausses couches. J’apprends alors que je suis porteur de la protéine de Kell K 2,2, 11, ce qui provoque le rejet systématique par les fœtus de tout traitement. Mon passé nous empêche d'adopter. Julie veut être mère, je travaille trop et je suis incapable d'arrêter de fumer... On se sépare en 2005. Ma séparation affecte mon rendement au travail et je ne veux plus faire de 70 à 100 heures par semaine. Après six semaines d'horaire régulier — 40 h semaine —, on me congédie. S'ensuit une période de dépression. Une firme de consultants contractant pour le gouvernement du Québec m'embauche. Pendant 18 mois, je passe par 6 ministères. Je constate avec stupeur à quel point les fonctionnaires méprisent les citoyens. Ce sont les pires bandits que j’ai rencontrés dans ma vie. Ce constat amplifie mon état dépressif. En arrêt de travail depuis 6 mois, je démissionne.

Deuxième période

Je fais 3 sérieuses tentatives de suicide. On me ballote d'un psychologue à l'autre. Après m'avoir écouté pendant deux ou trois séances, on me dit que je suis un cas trop lourd et on me recommande à un collègue où se rejoue le même scénario.

Mai. La journée de mes 18 ans, la DPJ me montre la sortie, sans plus. Tout l’été, je dors sur les Plaines, je mange à Lauberivière (ça ne coûte rien), je quête et je

2007. Je vis chez un ami. Dans sa bibliothèque, je tombe sur Mon Combat d'Adolph Hitler. Cette lecture exacerbe ma haine : j’ai alors souhaité l’éradica-

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photo: Archives Web

Ma mère était sadique. Elle incitait mon père à nous battre... ce qui l'a rendu alcoolique. Je l’ai trouvé pendu dans la cave. Pendant une heure, j'ai regardé son corps suspendu. Je savais pourquoi il avait fait ça.

tion de l’espèce humaine laide et méprisable. Je sombre dans la dépression psychotique, ne mange plus, ne sors plus. Le chèque du loyer « rebondit », le proprio débarque chez moi. Il me trouve avec une corde au cou, étendu sur le sol : la poutre n’a pas tenu le coup.

Troisième période Je pèse 87 livres quand on m'admet à Robert-Giffard. J'y reste le temps de retrouver un semblant de raison. En sortant de là, j'entre dans ma troisième période d’itinérance. Entre 2008 et 2012, je passe 2 ans soit dans la rue, soit dans des refuges. Ma période houleuse ayant entaché mon dossier de crédit, on me refuse tout logement. Mon statut d'assisté social n'aide pas la cause. Éreinté par la vie exténuante de sans-abri, je décide d'aller là où on ne me mettra pas à la porte : en prison. Je cherche donc un crime à commettre et une manière de faire passer mon message. Dans une lettre de 5 pages à l'assistance sociale, j'écris qu’elle est nazie et fasciste. Je leur remets en main propre et leur demande de changer, sinon je me fais sauter avec du nitrate d’ammonium dans un de leurs édifices. Je sais bien que je vais me faire arrêter. Personne n’a compris pourquoi j'ai fait ça. Depuis janvier je me suis sorti de l’itinérance. Je vais tenter une approche différente dans la prochaine année... tout en continuant à travailler à vous ouvrir les yeux.

Steves Desponts

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Les fantômes de nos villes Robert Maltais

Tels de pauvres fantômes, des milliers d’itinérants hantent le cœur de nos cités. On en recense quelque mille à Québec, alors que trente mille d’entre eux errent comme des âmes en peine dans les rues de Montréal, leur nouveau sans-toit. Ces fantômes urbains, nous les croisons plus souvent qu’autrement dans la rue, sans leur porter la moindre attention. Il nous arrive même de détourner notre regard, car leur pitoyable état de loques humaines nous dérange, sans que nous osions bien sûr l’avouer. Il n’est pas rare que plusieurs d’entre eux passent la nuit dehors, par grand froid l’hiver, et qu’ils finissent par en mourir, et ce, au su et au vu de concitoyens qui préfèrent rester sourds et aveugles devant ce drame humain. Il est tellement facile d’affubler les itinérants des pires qualificatifs : bons à rien, parasites, clochards, mendiants, fous à lier, maudits drogués, pour ne pas dire déchets sociaux dont on ne sait que faire. Pour plusieurs d’entre nous, c’est un moyen comme un autre de mettre la sourdine à notre conscience sociale. De les maudire en les étiquetant de BS, plutôt que de compatir aux malheurs de ces pauvres êtres, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Portrait criant de la souffrance humaine, l’itinérance interpelle pourtant toute la société québécoise, c’est-à-dire chacun et chacune d’entre nous. Au Québec, près des deux tiers des itinérants sont des hommes, quoique l’on constate la présence grandissante de femmes et de jeunes dans leurs rangs, des jeunes qui sont parfois d’âge mineur (entre 14 et 18 ans). Une foule de facteurs amènent à l’itinérance : des problèmes psychologiques, de toxicomanie, de pauvreté, de solitude, l’absence de gagne-pain ou le rêve d’une vie meilleure. On trouve aussi parmi les itinérants nombre de jeunes victimes d’abus divers, physiques et sexuels.

grâce à la présence d’un certain nombre d’organismes humanitaires qui, en quelque sorte, représentent l’industrie québécoise de la compassion. Rien à voir avec la richesse de moyens ou l’abondance de ressources du monde de la finance, ai-je le goût de souligner. Heureusement qu’il existe des organisations vouées à l’entraide, dont il faut saluer la présence essentielle auprès des démunis de la terre, des organismes tels La Maison de Lauberivière et L’archipel d’Entraide à Québec, La Mission Bon Accueil et le Bon Dieu dans la Rue à Montréal, pour ne nommer que celles-là. Face au problème de l’itinérance, leur rôle est essentiel, vital. Mais les ressources consenties à ces organisations de bienfaisance sont-elles réellement suffisantes pour aider correctement et efficacement les itinérants ? Reconnaissons-le franchement : la compassion sociale n’est pas économiquement rentable. Notre magnifique système capitaliste préfère de loin aligner les colonnes de chiffres et les bénéfices, plutôt que la colonne rouge de la souffrance humaine. Nos braves économistes et nos gens d’affaires ne fantasment que sur la production de la richesse, la consommation de biens et services, sur les indices de la bourse et le marché de l’emploi. Je soupçonne que leurs rêves ne sont peuplés que par des signes de piastres. Il n’y a pas pires aveugles que ceux qui ne veulent pas voir… Le fossé entre l’économie et la triste réalité économique des itinérants ne cesse de creuser un profond sillon dans le tissu social.

Robert Maltais

Le mirage de la grande ville Les villes de Québec et de Montréal agissent comme des aimants auprès de nombreuses personnes susceptibles de tomber dans l’itinérance, voire exercent un attrait irrésistible pour plusieurs d’entre elles. Que vient-on y chercher ? L’espoir d’une vie meilleure ? Ou à tout le moins d’une amélioration de son sort ? Un peu plus de compassion humaine ? L’implantation de ressources efficaces dans les petites villes ou les villages? Sans doute un peu de tout ça. Mais cette migration vers les grands centres s’avère-t-elle plus qu’un pur mirage pour les itinérants ? Les agglomérations de Québec et de Montréal ont-elles des ressources suffisantes pour pouvoir secourir les milliers de laissés-pour-compte qui hantent leurs rues jour et nuit ? La réponse est partiellement oui,

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S! Sans-abri ?

Les élèves de troisième secondaire de l'école Vanier ont lu un texte traçant le portrait de l'itinérance dans la ville de Québec. Suite à cette lecture, certains ont essayé de se mettre dans la peau d'un itinérant, d'autres ont voulu partager ce qu'ils ont retenu de ce phénomène

Un parcours difficile En 1996, quand je venais d’avoir 28 ans, j’ai fréquenté plusieurs soupes populaires. Parmi les 11 295 individus qui fréquentaient ces soupes, nous étions 3 589 qui n’avions aucun domicile fixe. Mais la chance m’a souri. En 2002, j’ai été rejoint par l’un des 25 organismes venant en aide aux personnes comme moi. Je suis l’une des nombreuses personnes atteintes de trouble de santé mentale. J’ai été choisi pour suivre un programme qui pourrait m’aider à redevenir une personne normale. Trois ans plus tard, on m’a déplacé à Québec où j’ai eu beaucoup d’aide de ma famille que j’avais dû quitter à l’âge de 18 ans à cause de problèmes de drogue et d’alcool. Maintenant que je suis normal, j’ai quitté le centre. Je me suis installé dans le Vieux-Québec.

Parlons problèmes Problèmes sociaux, problèmes de santé, problèmes personnels, peu importe, un problème reste un problème et en voici un d’intérêt : l’itinérance. Nous vivons dans un monde où le pouvoir et l’argent sont priorisés, où la race humaine est égoïste et matérialiste. Avant de développer sur ce point, je vais vous faire part de quelques statistiques. La dernière collecte de données (réalisée en 1996 et 1997) sur les personnes en situation d’itinérance a permis de dénombrer 11 295 individus qui ont fréquenté des soupes populaires. De ce nombre, 3589 étaient sans domicile fixe. Malheureusement, le nombre de personnes itinérantes est en augmentation depuis le dernier dénombrement. Nous devons nous serrer les coudes, leur donner un coup de main et, surtout, arrêter de les pointer du doigt. Il y a presque la moitié des itinérants qui ont moins de 30 ans (42 %). Nous devons apprendre aux enfants à avoir une ouverture d’esprit face au monde dans lequel nous sommes, pour qu’ils soient capables plus tard d’avoir une bonne perception de la vie. Au lieu d’en faire des personnes capricieuses qui obtiennent toujours ce qu’elles désirent, celles-ci pourraient rebâtir un nouveau monde, là où l’entraide et le respect de nos semblables se feraient sentir.

Jasmine Tremblay

Ce n’est drôlement pas drôle !

Gaby Leya

Merci à vous! Bonjour, je me nomme Julie Dubuc et j’ai 32 ans. Je suis une mère monoparentale de deux jeunes filles de six et neuf ans. J’ai vécu dans la rue pendant environ deux ans. Tout a commencé après le décès du père de mes deux filles. Nous vivions une vie merveilleuse. Du jour au lendemain, le médecin lui a décelé un cancer au cerveau qui s’est vite généralisé. Durant cette dure période de deuil, j’ai dû fréquenter les soupes populaires comme 11 295 autres personnes. Pendant quatre mois, j’ai été sans domicile fixe comme 3589 autres personnes qui fréquentaient elles aussi les refuges. J’ai beaucoup apprécié l’aide que m’ont apporté les organismes. Sans leur soutien, je ne m’en serais jamais sortie. Je remercie les nombreux intervenants qui m’ont permis de me reprendre en main. Aujourd’hui, mes filles ont la vie qu’elles méritent vraiment. Malheureusement, le problème d’itinérance ne cesse d’augmenter dans les grandes villes.

Luis Urrea 28

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Savez-vous quoi ? À l’époque, j’étais un grand humoriste avec beaucoup de talent. Presque tous les soirs, j’avais un show. Je jouais dans les bars et dans les grandes salles de spectacle. Pour les gens de Québec, j’étais considéré comme un dieu du rire. Mais à un moment, l’argent m’a monté à la tête. Je suis tombé dans l’enfer de la drogue, de l’alcool et du jeu. J’ai tout perdu, même mes amis. Mes seuls amis étaient la poudre, la bière, le blackjack, le poker, l’héroïne et le Jack Daniel’s. J’ai tout pris ça, moi. Bref, là je suis dans la rue. Mais aujourd’hui, grâce à vous les Alcooliques Anonymes (AA), je vais pouvoir me redresser et peut-être redevenir l’humoriste que j’étais. J’ai été cinq ans dans la rue et je vous jure que vous ne voulez pas vivre ça.

Gabriel Dufresne Mai 2013


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Mes 16 ans

Harouna Diarrassouba

Un mode de vie L’itinérance peut être vécue par tout le monde. Il s’agit d’un mode de vie différent des autres. C’est vivre sans logement, dans la rue avec ses propres moyens et avec peu de sous. Pas de sous équivaut à aucun achat. Donc pas de nourriture, pas d’endroit où habiter, pas de vêtements ou d’objets utiles, etc. La majorité des itinérants, soit 63 %, sont des hommes. Les troubles de santé mentale et physique et les dépendances à l’alcool, aux jeux et aux drogues, toutes ces causes augmentent le taux d’itinérance. Être itinérant est un choix. Il existe des centres pour s’occuper des sans-abri, pour leur fournir de la nourriture et un logement. Le faible taux d’inoccupation et l’augmentation du coût des loyers expliquent aussi le nombre élevé d’itinérants. À Québec, la proportion de personnes itinérantes qui sont nées au Canada est de 92 %.

Lesly Marcoux

Illustration: Joël Jouvrot-Boisvert

Je m’appelle Antoine. Je viens d’avoir 16 ans. Comme cadeau d’anniversaire, je me suis offert un t-shirt à cinq dollars. On est en 2002 et je fais partie des 16 194 personnes différentes qui fréquentent l’un des 25 organismes qui viennent en aide aux itinérants. Ça fait à peine quelques mois que je suis un sans-abri. Je me suis enfui de chez moi parce que mon père me battait. Je suis jeune et tellement seul contre le monde. Une des raisons pour laquelle mon père me battait est que je prenais de la drogue en cachette. Dans un journal que j’ai trouvé par terre, j’ai appris que 63 % des itinérants sont des hommes. Aujourd’hui, ma mère est venue me chercher au Carré d’Youville. Elle et mon père se sont séparés, depuis qu’elle a appris qu’il me battait pendant qu’elle n’était pas là. On va dorénavant habiter à Ste-Foy et je vais recommencer à aller à l’école. Quel bel anniversaire !

L’itinérance et moi Je suis Marianne, une jeune itinérante de 20 ans. Aujourd’hui, je vous raconte ma vie. Je suis devenue itinérante à l’âge de 19 ans. Je me suis ramassée à la rue, car j’étais dépendante aux jeux et à la drogue. Je suis la seule femme parmi les gens que je côtoie. Tout comme moi, certains sont accros aux drogues et aux jeux. D’autres ont également des troubles mentaux. J’essaye le plus possible de me tenir loin d’eux. Je suis la plus jeune, et celle qui a le moins de souvenirs. Je remercie le ciel de m’en avoir épargné. Certains docteurs qui m’ont examinée disent que je souffre d’amnésie, mais je crois plutôt que c’est dû au fait que je me suis battue avec un homme d’environ 30 ans pour un simple morceau de viande. Ici, dans la rue, tu as deux choix : tu te bats pour survivre ou tu meurs sans t’être battu. J’avoue qu’à 20 ans, j’aurais mieux fait d’aller au cégep ou à l’université, sauf que maintenant, je devrai recommencer à zéro.

Astrid Moreira

Lueur d’espoir J’attendais que le temps passe sur mon périmètre quand cette bénédiction m’a sauté en pleine face. J’avais le meilleur quartier de notre groupe. J’étais placé à une rue du Château Frontenac. Les touristes qui séjournaient là avaient habituellement pitié de moi. Aussitôt qu’ils me voyaient, ils me donnaient de l’argent. J’étais le chef de mon groupe. Nous avions tous 30 ans, quel hasard ! Chacun avait un talent particulier. Moi, c’était de pleurer. Je pouvais pleurer n’importe quand, un vrai Brad Pitt. Nous étions tous nés à Québec. Nous connaissions la ville par cœur. Nous étions très unis, même si nous étions pauvres. Mais, je m’égare quant à l’histoire que j’allais vous raconter. J’étais couché sur ma couverte, au moment où j’ai vu un papier coincé en dessous d’un carton. C’était un billet de loto et il n’était pas gratté. Je me suis empressé d’aller m’acheter un journal. Directement après avoir donné un dollar à la caissière, j’ai gratté le billet. Et surprise, il était perdant. Au moins, pendant une minute, j’ai eu l’impression d’avoir gagné quelque chose.

Étienne Labonté

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Plus qu’un refus global un refus total !

6 avril 2013 Lettre ouverte à travers le temps Salut Paul-Émile,

En 1948, le contrôle hégémonique des pensées du prolétaire était détenu par les soutanes. Et bien sache que maintenant, le clérical a été remplacé par le syndical : une force tout aussi ténébreuse et dominatrice, pour qui ne sait penser son propre parsec de réalité. Aujourd’hui, ce pouvoir ne dicte plus la raison par des sermons, mais par la coercition en scandant et forçant la solidarité avec leurs membres ; d’insatiables hédonistes, et en mettant en marge tous ceux qui refusent d’être homogénéisés et pasteurisés par leurs contrôles des milieux ouvriers. Il en résulte pour plusieurs d’entre nous, une voie toute tracée par les savants calculs des actuaires, la pauvreté et l’itinérance ! Puisqu’un individu refuse les peurs communes de tous, que tu as si brillamment mentionnées dans ta lettre : « peur des préjugés, peur de l’opinion publique — des persécutions — peur de la réprobation générale, peur d’être seul sans Dieu dans la société qui isole très infailliblement, peur de soi — de son frère — peur de la pauvreté, peur de l’ordre établi — de la ridicule justice, peur des relations neuves, peur du surrationnel, peur des nécessités, peur des écluses grandes ouvertes sur la foi en l’homme — en la société future, peur de toutes les formes susceptibles de déclencher un amour transformant ». Pour certains de ces itinérants, le refus de se conformer aux normes de la supposée bonne société devient un mode de vie. C’est le refus total : refus de l’argent, des lois, de l’autorité, de la possession, du travail, des autres.

photo: Archives Web

Je te remercie de m’avoir fait parvenir ton manifeste en 1984, cela m’a permis de comprendre les grands, car je n’avais que 12 ans au moment où je l'ai lu. Donc mon cher Paul-Émile, je me permets de te répondre aujourd’hui, près de 30 ans plus tard, car 65 ans après la parution de ton écrit, bien des choses ont changé, excepté les mentalités. Ils vivent tous dans le refuge habituel des vaincus, sauf que ce n’est plus des murs lisses de la peur mais bien des murailles d’angoisses et de névroses abyssales. Tu sais, bien des gens voudraient se voir exclus de ce « gouverne et ment » là. Je parle ici du normatif et du législatif, bien entendu. L’entreprise de désinformation qu’est la télévision a bien servi à ces deux groupes. Aujourd’hui, la justice est à ce point pathétique qu’elle a donné l’immunité totale à tous les corrompus et les voleurs provenant du fonctionnariat, du corporatif et du politique. Tous, nous nous « mafions » de l’industrie de la construction. Et depuis près d’un an maintenant, nous voyons avec stupéfaction défiler un nombre incalculable de voleurs issus du libéralisme. Et comme tu l’as si bien dit des médecins : « il-faut-bien-n'est-ce-pas-payer-ces-longuesannées-d'études ! » La quête de pouvoir des « gouverne et ment » est telle, qu’ils ont dédoublé les services, essayant d’avoir le meilleur de deux nations qui devraient être séparées. Pour ce faire, ils ont endetté les générations à venir d’un fardeau si lourd, qu’ils ne savent même plus comment s’en sortir. Nous devons « péréquationner » pour réussir à tout payer, et encore ce n’est pas assez ! Si on compare la force de notre société à celle d’une chaîne, qui se définit par la résistance de son maillon le plus faible, et bien notre « gouverne et ment » actuel est en train de fragiliser la maille la plus faible de notre filet social. Et c’est pourquoi je dois te laisser là-dessus pour aller manifester pour protéger mes bien-aimés, ces pauvres, ces itinérants qui, tout comme moi, se réclament d’un refus total. C’est peut-être en cela que réside ma folie Paul-Émile, une tristesse qui n’évolue plus sur rien.

Tu sais, ton écrit a porté ses fruits. À la fin des années 60, il y eut révolution au Québec. Oh ! Pas comme celle des Français, des Russes ou des Espagnols, mais une révolution tranquille au sein de laquelle il s’instaura une nouvelle forme de gouvernance. Ils ont appelé cela le modèle québécois, moi je le décris comme le fiasco québécois. Malgré 2 référendums sur la souveraineté, le peuple québécois n’en est pas encore un, n’a plus de gouvernement mais bien des « gouverne et ment ».

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Steves Desponts Merci à La Quête de publier mon texte. Les opinions exprimées n’engagent que moi. Et si mes propos vous choquent trop, vous n’avez qu’à faire comme avec Paul-Émile Borduas, et me déclarer persona non grata !

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­L E­J E LE U­JEU D EDE­LA L AQUÊTE ­ Q U ÊT E par Jacques Carl Morin et Ginette Pépin par Ginette Pépin et Jacques Carl Morin

Ce jeu consiste à remplir les rangées horizontales ainsi que les colonnes 1 et 20 à l’aide des définitions, indices ou lettres mélangées ou déjà inscrites. Chaque case grisée représente Ce jeu consiste à remplir les rangées horizontales ainsi que les colonnes 1 et 20 à l’aide des une lettre qui est à la fois la dernière lettreoud’un et la première lettre du représente suivant. définitions, indices ou lettres mélangées déjàmot inscrites. Chaque case grisée une lettre qui est à la fois la dernière lettre d’un mot et la première lettre du suivant. 1

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Verticalement : 7- Homme sachant bien monter à cheval. Notions élémentaires d’un art, d’une science. Animal à l’honneur en 2013 selon l e calendrier lunaire chinois.

Verticalement :

Led’une résultat d’une soustraction. 1- Le 1résultat soustraction. 20- Aliment.

20- Aliment.

8- Instrument servant à vérifier l’horizontalité d’une surface plane. Propre à satisfaire un besoin. Occupe la plus grande partie de la péninsule ibérique. Restreint, très petit.

Horizontalement : 1- ♫« Le bon roi ___ a mis sa culotte à l’envers. ». Pierre fine Horizontalement de couleur bleue ou verdâtre. :Vente aux enchères publiques.

9- Forme de la lune avant le premier quartier. Naguère prisé ou chiqué. Houspiller, traiter sans ménagement (ECHUTHAR).

2- Couveuse. Personne qui gouverne pendant l’absence ou la 10- Déraisonnable bizarre. Masse 1-du! souverain. « Le bonPrimo, roi ___ a mis ». Pierreetfine de Recouvre couleurl’oreiller. bleue ou minorité secundo, ___.sa culotte à l’envers. les métaux. métallique sur laquelle on forge verdâtre. Vente auxOiseau enchères 3- Ustensile. A cueilli le fruit défendu. noir. publiques. 4- Policier. Copropriété immobilière. Vase pour piler cer2- Couveuse. Personne qui gouverne taines substances.

souverain. Primo, secundo, ___.

pendant l’absence ou la minorité du

5- Se dit d’un triangle dont tous les côtés sont égaux. Arbuste ornemental à fleurs très odorantes. S’oppose à junior.

3- Ustensile. A cueilli le fruit défendu. Oiseau noir.

6- Cancan, commérage. Bourlingueur (TRADORU). Déclaration qui contredit une information (TINEMED).

4- Policier. Copropriété immobilière. Vase pour piler certaines substances.

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Le

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a­la ng u e­ ­L a­l ang ddans ans­­sa­ sa­ppoch och ee

par­Hélène H u o t

UNE LAPALISSADE On appelle « lapalissade », ou « vérité de La Palice », ou encore « truisme », une affirmation dont la vérité est évidente pour tous, une affirmation par conséquent banale, inutile, niaise ou ridicule… D’où la connotation péjorative qui y est associée. Des exemples : - Un quart d’heure avant sa mort il était encore en vie. - Certains hommes sont grands, d’autres pas. - Blessé d’une main cruelle, on croit, puisqu’il en est mort, que la plaie était mortelle. - Le vainqueur a remporté la victoire. Le mot « lapalissade » vient de Jacques II de Chabannes (1470-1525), dit Jacques de La Palice. Il tire son orthographe du nom de la commune de Lapalisse, qui abrite le château historique de Jacques de La Palice. Ce dernier était un noble et un militaire, élevé par François 1er à la dignité de Maréchal de France. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est l’auteur d’aucune lapalissade.

qua la défaite des Français dans leur tentative de dominer le nord de l’Italie. La Palice y trouva la mort et ses soldats composèrent pour lui une chanson en vue de souligner le courage de leur maréchal qui s’était bien battu. Une des strophes de cette chanson se lit comme suit : « Hélas, La Palice est mort, Est mort devant Pavie ; Hélas, s’il n’était pas mort, Il ferait encore envie ».

Comment sortir de la con tradiction à laquelle plusieu rs d’entre nous sont présen tement confrontés, qui nous fait beaucoup aimer le français collectiveme nt mais nous fait aussi mis er beaucoup sur l’anglais individuellement ?

Gérard Bouchard

Plus tard, cette chanson inspira Marie de Melun, la veuve de Jacques, qui fit graver cette épitaphe sur le tombeau de son mari : « Ci-gît le Seigneur de La Palice, S’il n’était mort il ferait encore envie ». Une erreur de lecture (fondée en partie sur une graphie du « s » qui ressemble au « f ») fit en sorte que la phrase passa à la postérité dans une version déformée : « S’il n’était mort il serait encore en vie ». Ce fut la naissance des lapalissades…

Conseiller du roi qu’il accompagnait dans la guerre d’Italie, Jacques prit part à la bataille de Pavie; cette bataille mar-

Le français au jour le jour 1. Comment appelle-t-on les habitants de Sainte-érèse ? 2. Quelle expression signifie : appeler les choses par leur nom, être franc et direct ? 3. L’itinérance est l’état ou la situation d’une personne qui n’a pas de logement fixe. Cette définition est propre au Québec. Vrai ou faux ? 4. « Les fragments du météorite toujours introuvables » (Le Soleil, 18 février 2013). « Fragments de la météorite retrouvés » (Le Soleil, 19 février 2013). D’après ces articles, le mot « météorite » est masculin un jour, féminin le lendemain… Quel est donc le genre de ce mot ? 5. Dans sa chronique publiée le 6 mars 2013 dans Le Journal de Québec, Joseph Facal compare Justin Trudeau à un olibrius. Qu’est-ce qu’un olibrius ? 6. Comment appelle-t-on l’auteur d’un attentat suicide ? 7. L’adjectif pécuniaire se rapproche de : a. financier; b. dispendieux; c. fiscal. 8. Comment se conjugue le verbe choir (qui signifie : tomber, s’écrouler) à l’indicatif présent ? 9. Le tabou désigne ce sur quoi on fait silence, par pudeur ou par crainte. Quel est le verbe qui va avec tabou ? 10. Que signifie : « chanter a capella » ? J’attends de vos nouvelles… Vous aimez les mots. Vous avez des commentaires à formuler ou des suggestions à faire concernant cette chronique La langue dans sa poche. Rien de plus simple. Écrivez-moi à hu-go@sympatico.ca. Cela nous permettra d’échanger sur des questions qui vous intéressent et d’enrichir par le fait même les futures chroniques. Merci à vous! Les réponses page 45.

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Participer activement au développement de notre milieu.

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LA BOÎTE À PAIN

CAFÉ NAPOLI

289 Saint-Joseph Est, Québec (St-Roch) Lundi au samedi 6 h 30 à 20 h Dimanche 6 h 30 à 17 h 30 Tél. : 418 647-3666

396, 3e Avenue, Québec (Limoilou) Lundi au mercredi 6 h 30 à 18 h 30 Jeudi et vendredi 6 h 30 à 19 h Samedi et dimanche 7 h à 18 h 30 Tél. : 418 977-7571

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Illustration: Danièle Rouleau

Dégel

Et me revoilà légèrement high à nouveau. Une fois de plus, une fois encore. Je suis plus sensible, plus fragile, plus heureux plus malheureux. Ou peut-être pas. C’est plutôt que je vis à nouveau des émotions. J’ai commencé à le sentir hier alors que je ne voulais pas faire de sieste après dîner. Je suis allé marcher pour faire mes commissions et baisser mon maudit taux de diabète qui me tient en haleine ces temps-ci. Et j’ai réussi. Une belle glycémie à 5.6 au souper. Autre symptôme : je pleure comme une Madeleine en regardant le Discours du roi. C’est normal, c’est un film émouvant, mais je suis plus à fleur de peau que de coutume.

Ce matin, je me lève à 6 h 20. C’est définitif : code jaune, Houston, we’ve got a problem. Mais non, je ne recommencerai pas à fumer. Mais ce n’est pas la première fois. Je ne m’enfargerai pas dans les fleurs du tapis. Je n’explorerai pas les cimes et les abysses de la sensibilité. Je vais réagir en accord avec les professionnels de la santé. Je vais juguler le malin. Je vais tordre le linge à vaisselle jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une goutte qui en dégouline.

Peut-être ajuster la médication. Peut-être envisager la résidence. Rester actif sans trop déroger à la routine et continuer de s’ennuyer une partie de son soûl. À tantôt ! 10 h 44 St-Roch, Tam Tam café, we’ve got a solution. Bernard St-Onge PS : Sur FaceBook ce soir-là, j’écrivis qu’on pourrait organiser une nuit de la poésie dans le nouvel amphithéâtre en 2015.

Bernard St-Onge Note de l’auteur: ce texte a été rédigé en 2011

LA QUÊTE EST DIFFUSÉE PAR TÉLÉPHONE VIA

AUDIOTHÈQUE POUR PERSONNES HANDICAPÉES DE L’IMPRIMÉ DU QUÉBEC INC Québec 418 627-8882 • Montréal 514 627-8882 • Ailleurs au Québec 1-877 393-0103

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L’École Baudelaire Les grandes douleurs n’ont ni commencement, ni fin, car elles sont éternelles… Pour moi, cette histoire a commencé le jour où Catulle Mendès m’a accueilli chez lui. C’était le 1er novembre 1902. Il venait de terminer une chronique consacrée à Baudelaire, lorsqu’il l’avait hébergé chez lui, dans la nuit du 4 au 5 juillet 1865. Alors que Mendès écoutait dans l’ombre les atermoiements de Baudelaire, celui-ci se mit soudain à crier : « Gérard de Nerval… Il n’était pas fou… Dites-le à Asselineau… Il ne s’est pas tué, on a menti… On l’a tué… Vous direz à tout le monde qu’il n’était pas fou, et qu’il ne s’est pas tué… Promettez-moi le… »

Photo: Archives Web

Mendès, âgé alors de vingt-quatre ans, suffocant dans la nuit, promit… Et quelques instants plus tard se fit entendre dans cette chambre noire, un SANGLOT… L’immense sanglot de Baudelaire… Mendès conclut dans sa chronique, que depuis cette nuit-là, le véritable Baudelaire avait disparu. Avant que la mort ne s’empare de lui le 31 août 1867. ∞ J’avais écrit dans mon recueil de poèmes : « La Chaîne éternelle » en 1910, un poème, Baudelaire. En épitaphe, je faisais référence à Confession de Baudelaire, et à la chronique de Mendès, « Baudelaire, une nuit », parue dans le Figaro le 2 novembre 1902. Mendès m’avait dit ceci la veille, ce qui m’a marqué : « Ce qui compte, c’est l’histoire et non l’auteur, car les mots sont les seuls à connaître leur véritable destinataire ». ∞ Aujourd’hui, en 1950, mon poème Baudelaire est inconnu de la plupart des gens, tout comme mon nom; Fernand Gregh. En ce dimanche, j’étais allé auprès de la fontaine qui avait inspiré Victor Hugo. Je découvrais les carnets d’asile d’Émile Nelligan. Avec émotion, j’ai retrouvé mon poème Baudelaire, dans les notes de l’infortuné poète, interné dès l’âge de 19 ans jusqu’à sa mort. Il avait noté ma première strophe, et avait même recopié mon poème intégralement à la fin des années 20 ! Tout s’est éclairé devant cette fontaine. J’ai revu Baudelaire criant : « Il n’était pas fou ! … », tandis que Dame Poésie venait chercher Nelligan dans sa chambre psychiatrique en 1941, accompagné par ma dernière strophe :

Émile Nelligan

Et cette confidence éperdue, ajoutée Au martyrologe de l’Art ». C’est ici même à cette fontaine, qui s’appelait alors la « fontaine de l’abyme1 », que Cosette était venue la nuit chercher de l’eau dans cette forêt. Le dernier vers du Vaisseau d’or est : « Hélas ! Il a sombré dans l’abîme du Rêve ! » Ce soir de Noël 1823, 56 ans avant la naissance d’Émile Nelligan, Cosette; au moment où elle n’avait plus de forces pour porter son seau, rencontra un homme sur son chemin. Cet homme, c’était Jean Valjean. Il était venu pour elle… Il était venu pour la sauver.

Laurence Ducos 1

En 1985, soit 100 ans après la mort de Victor Hugo, la fontaine de l’abyme a été baptisée « Fontaine Jean Valjean ».

« J’ai souvent évoqué cette chambre écartée, Ce lit froid, ce flambeau blafard,

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La philosophie de la patate Devant la maison familiale, des rosiers sauvages poussaient. Le doux parfum des roses embaumait l'air chaud et humide de l'été et nous enveloppait, pendant que nous nous bercions sur le balcon. Tout à tour, mes frères, mes sœurs et moi avons quitté la maison pour aller faire notre vie. Quand notre mère décéda en 2004, mon père s'y retrouva seul. Un jour, il décida de raser les rosiers et de planter des pommes de terre à la place. Nous trouvions l'idée originale et drôle. La patate étant le légume favori de mon père, je me suis alors dis pourquoi pas ?

Illustration: Danièle Rouleau

Comme beaucoup de personnes de son époque — il est né en 1913 —, mon père a connu la privation. La nourriture étant rationnée pendant les deux guerres mondiales, les pommes de terre étaient précieuses. J'avais été touchée par la lecture de l'histoire de la grande famine que connut le peuple irlandais, dont les champs de patates ont été dévastés par une invasion d'insectes. Les Irlandais mourraient par milliers. Pour survivre, plusieurs ont choisi d'émigrer au Canada et ont donc embarqué sur des bateaux insalubres où ils tombaient malades, ou pire, décédaient. Quand ils touchaient enfin terre, c'était pour être mis en quarantaine à la Grosse Île. Donc, mon père a toujours aimé la pomme de terre et ses nombreuses qualités. C'est pourquoi il trouva une grande satisfaction à les voir pousser dans la plate-bande devant la maison. Et nous, ses enfants et ses petits-enfants, pensions que son idée était drôle jusqu'à ce que de belles fleurs se forment pendant la croissance. Quand vint l'automne, il récolta de plus une bonne quantité de patates. Il était rempli de satisfaction. Souvent, il nous disait que l'on apprend beaucoup à regarder pousser un légume ou une plante et, en bon philosophe, il ajoutait que nous aussi on vient de la terre, que nous faisons partie intégrante du Tout avec le règne animal et végétal ! Il nous a apprit qu'en cas de gastro-entérite, boire l'eau de cuisson des pommes de terre réhydrate le corps et accélère la guérison. Aujourd'hui, papa a 99 ans. Il aura 100 ans le premier juillet de cette année. Il vit dans un CHSLD... Il nous parle encore des délicieuses pommes terre qu'il a fait pousser et philosophe sur l'apprentissage de la patience que génère la culture des légumes. Il nous répète l'une de ses maximes favorites : « Ce n'est pas en tirant la tige de la plante qu'elle va pousser plus vite ! » Les raisons que mes amis me donnent pour jardiner sont nombreuses : se détendre, prendre le temps de vivre le moment présent, mettre leurs mains dans la terre, regarder pousser ses légumes et ses petits fruits comme les fraises, framboises, bleuets. Pour amener un petit coin de campagne en ville, il suffit d'égayer son balcon de quelques potées de fines herbes : ça sent si bon. On peut aussi fréquenter les jardins communautaires qui sont des lieux de partage, d'échange, de réflexion aussi. Ça vaut vraiment la peine de prendre le temps de cultiver son jardin, même s'il est petit, et de savourer ses récoltes et ses leçons de Sagesse : les mots humus, humidité, humanité et humilité ont tous la même racine...

Christiane Voyer

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Illustration: Danièle Rouleau

Dédicace d’ami

L`ennui c`est accaparant

Non voir monotone t`plaisant

Partage fait changement

D`mésaventure d`instant

Maugréant constamment

De se savoir seconder d`vent

On file morose d`chagrin

Sur le temps avis en lambin

Que se reprendre c`est sain

Je te comprends crois-moi

Ou t`es né comme ça de parents

On est humain fragile de lien

Si d`humeur tu es inconstant ?

Solitude a de bienfaisant

Pour la pensée de ce moment

De revoir désagrément

Déprime durable n` convient

Rester en chicane c`est crétin

T`en défaire tu le pourras

Essayons partager nos poids

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Marcel Guy Mailloux

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YWCA 9>7D=;H Québec,B7855JEKI aave. ve.B;I Holland F7I : ;D<7DJI '7 J7DJ; D 7 D? <HVH; D? &; B;D:;C7?D DEKI <7?IEDI @EKHI :; I;I 7D=;I =7H:?;DI ϰϭϴ ϲϴϯͲϮϭϱϱ ͻ LJǁĐĂƋƵĞďĞĐ͘ƋĐ͘ĐĂ ϰϭϴ ϲϴϯͲϮϭϱϱ ͻ LJ ǁ Đ ĂƋƵĞďĞĐ͘ƋĐ͘Đ IE;KH/ Faites BB; ;IJun I;KB; :7DI B7 L?; C7?I JHVI don +K ;BB; H;FEI; ;DĂ F7?N L?JH; 97IIU; ;J ?DIJ7BB;H GK7JH; I;HHKH;I IE9?78B; )D B ?DL?J; IU9KH?J7?H;I D FBKI DEKI BK? :?IEDI :; +K;BGK;I 7DDU;I FBKI J7H: KD L;D:H;:? I; JHEKL;H I;FJ F;HIEDD;I GK? EDJ KD 8ED % $( ED :U<ED9; B;I FEHJ;I :; I7 C7?IED E\ 9EDJ79J 7L;9 ;BB;

comment nous aider soutenir?

Hébergement transitoire Travail de milieu Soutien communautaire Formation

(418) 523-2820 www.infopech.org pech@qc.aira.com Mai 2013 Mai 2010

réalisel’espoir l’espoir réalise

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Centre de crise de Québec

Administration: 1380-A, René Lévesque Ouest Québec, (Québec) G1S 1W6

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Révélation printanière Champ rempli de corbeaux immobiles Anges noirs mêlés au reste de neige Faible répit pour les branches Le temps au présent Magie de la fonte Extase de rois ailés Êtres aux passions libres Improvisation ou scénographie soignée ? Vision admirable Excitation momentanée Privilège fragile Contemplation gratuite Fraîcheur de l’air humide Des yeux apeurés et confiants

Photo: Archives Web

Griffes ancrées dans la profondeur terrestre En silence, les volatiles nagent dans leurs rêves.

Julie Cartier

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Le suicide

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rÊalise l’espoir

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Abondance Écoute par là-bas, au loin Écoute tout cela, écoute bien Sur les dunes, oubliées S’érodant au fil des années Et vois, des secrets y sont enfouis Qui doucement, ainsi, sombrent dans l’oubli Mais de ceux-ci, pour des marins D’océans dorés, naissent des rêves malsains Malheurs, malheurs à qui songerait Mettre la main sur des secrets Qui tels qu’eux, depuis longtemps Aiguise l’avarice d’humains désirant Ah toi ! Que l’appât du gain dévore Exsudant de toi, de par tous tes pores N’as-tu jamais songé, une fois dans ta vie À ceux qui, au-delà de ces rêves que tu caresses Recherchent dans la vie, une once de promesse Et de cet or, abondance, rêvent de pluie… ?

Photo: Archives Web

Jasmin Darveau

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Ressources Aide sociale ADDS Association pour la dĂŠfense des droits sociaux 301, rue Carillon, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 525-4983 5HODLV GÂś(VSpUDQFH Aider toute personne isolĂŠe et en mal de vivre Ă retrouver OD FRQILDQFH OÂśHVSRLU et la joie de vivre 1001, 4e Avenue, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 522-3301 Rendez-vous Centre-ville Centre de jour 550, rue Saint-Joseph, QuĂŠbec (sous-sol de l'ĂŠglise Saint-Roch, porte verte) TĂŠl. : 418 529-2222 Rendez-vous Centre-ville Centre de jour 401, rue Saint-Paul QuĂŠbec TĂŠl. : 418 694-9316 maison@lauberiviere.org Aide aux femmes

Tel-Aide QuĂŠbec TĂŠl. : 418 686-2433 www.telaide.qc.ca Tel-Jeunes TĂŠl. : 1 800 263-2266 http://teljeunes.com Entraide CarrefRXU GÂśDQLPDWLRQ HW GH SDUWLFLSDWLRQ j XQ monde ouvert (CAPMO) 435, rue du Roi, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 525-6187 poste 221 carrefour@capmo.org FraternitĂŠ de l'Épi 481, rue de La Salle QuĂŠbec TĂŠl. : 418 529-0007 HĂŠbergement Maison de Lauberivière Pour hommes et femmes dĂŠmunis ou itinĂŠrants 401, rue Saint-Paul, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 694-9316 maison@lauberiviere.org www.lauberiviere.org

Centre femmes d'aujourd'hui AmĂŠliorer les conditions de vie des femmes 1008, rue Mainguy, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 651-4280 c.f.a@oricom.ca www.ctech.ca/cfa

L'ArmĂŠe du Salut et La maison Charlotte HĂŠbergement hommes et femmes 14, cĂ´te du Palais, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 692-3956

Centre NaÎtre ou ne pas NaÎtre Écoute et aide matÊrielle pour les femmes enceintes 1379, chemin Sainte-Foy, QuÊbec TÊl. : 418 683-8799 centre.naitre@videotron.ca www.centrenaitre.org

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Violence Info Sensibilisation, information et intervention pour contrer la violence conjugale et la maltraitance envers les aĂŽnĂŠes. CSP du Temple, Beauport TĂŠl. : 418 667-8770 violenceinfo@bellnet.ca

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AlphabĂŠtisation

GÎte Jeunesse HÊbergement temporaire pour garçons de 12 à 17ans RÊsidence de Beauport 2706, av. Pierre Roy, QuÊbec TÊl. : 418 666-3225 RÊsidence de Ste-Foy 3364, rue Rochambau, QuÊbec TÊl. : 418 652-9990

Alphabeille Vanier 235, rue Beaucage, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 527-8267 alphabeille@qc.aira.com Alpha Stoneham 926, rue Jacques-BĂŠdard, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 841-1042 alphastoneham@ccapcable.com www.alphastoneham.com Atout-lire 266, rue Saint-Vallier Ouest, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 524-9353 alpha@atoutlire.ca http://atoutlire.ca/accueil Lis-moi tout Limoilou 798, 12e Rue, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 647-0159 lismoitout@qc.aira.com La MarĂŠe des mots 3365, chemin Royal, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 667-1985 DĂŠtresse psychologique Centre de crise de QuĂŠbec TĂŠl. : 418-688-4240 ecrivez-nous@centredecrise.com www.centredecrise.com Centre de prĂŠvention du suicide 8180, boul. Pierre-Bertrand Nord, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 683-4588 www.cpsquebec.ca CommunautĂŠs solidaires 5, rue du Temple, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 666-2200 info@communautessolidaires.com www.communautessolidaires.com

Maison Lauberivière Souper 401, rue Saint-Paul, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 694-9316 centredejour@lauberiviere.org Soupe populaire Maison Mère Mallet DĂŽner 745, HonorĂŠ-Mercier, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 692-1762 SantĂŠ mentale La Boussole $LGH DX[ SURFKHV GÂśXQH SHUVRQQH atteinte de maladie mentale 302, 3e Avenue, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 523-1502 laboussole@bellnet.ca hwww.laboussole.ca Centre Communautaire l'AmitiĂŠ Milieu de vie 59, rue Notre-Dame-des-Anges, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 522-5719 info@centrecommunautairelamitie.com www.centrecommunautairelamitie.com &HQWUH GÂś(QWUDLGH ePRWLRQV 3360, de La PĂŠrade, suite 200, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 682-6070 emotions@qc.aira.com www.entraide-emotions.org La Maison l'Éclaircie Troubles alimentaires 2860, rue Montreuil, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 650-1076 info@maisoneclaircie.qc.ca www.maisoneclaircie.qc.ca Ocean Intervention en milieu TĂŠl. : 418 522-3352 Intervention tĂŠlĂŠphonique TĂŠl. : 418 522-3283 Parents-Espoir Soutient dans leur rĂ´le parental et accompagne (au centre jeunesse, chez l'avocat...) les parents 363, de la Couronne, bureau 410 QuĂŠbec (QuĂŠbec) G1K 6E9 TĂŠl. :418-522-7167

RĂŠinsertion sociale

Service d'Entraide l'Espoir 125, rue Racine, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 842-9344 aide@service-dentraide-espoir.org www.service-dentraide-espoir.org

Maison Dauphine Pour les jeunes de 12 Ă 24 ans 14, rue Dauphine, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 694-9616 www.maisondauphine.org

Relais La Chaumine 850, 3e Avenue, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 529-4064 violenceinfo@bellnet.ca www.relaislachaumine.org

YWCA HĂŠbergement et programme de prĂŠventioQ GH OÂśLWLQpUDQFH et de rĂŠinsertion sociale pour femmes (La Grande Marelle) 855, av. Holland, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 683-2155 info@ywcaquebec.qc.ca www.ywcaquebec.qc.ca

TOXICOMANIE

Prostitution La Maison de Marthe 75, boul. Charest Est, CP 55004 QuĂŠbec (QuĂŠbec) G1K 9A4 TĂŠl. : 418 523-1798 info@maisondemarthe.com www.maisondemarthe.com P.I.P.Q. Projet intervention prostitution QuĂŠbec 535, av. Des Oblats, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 641.0168 pipq@qc.aira.com Soupe populaire CafĂŠ rencontre Centre-Ville DĂŠjeuner et dĂŽner 796, rue St-Joseph Est, QuĂŠbec TĂŠl. : 418 640-0915 info@caferencontre.org hwww.caferencontre.org

Al-Anon et Alateen Alcoolisme TÊl. : 418-990-2666 www.al-anon-quebec-est.org Amicale AlfA de QuÊbec 815, av. Joffre, QuÊbec TÊl. : 418647-1673 amicalealfa@sprint.ca Point de Repère 530, rue Saint-Joseph Est, QuÊbec TÊl. : 418 648-8042 www.pointdereperes.com VIH-SIDA MIELS-QuÊbec 0RXYHPHQW GœLQIRUPDWion HW GœHQWUDLGH GDQV OD OXWWH FRQWUH OH 9,+-sida 625, avenue Chouinard, QuÊbec TÊl. : 418 649-1720 Ligne Sida aide : 418 649-0788 miels@miels.org www.miels.org


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APUR Atelier de la Mezzanine Auto-Psy Audiothèque de Québec La Boussole Centre de crise Centre Ozanam Danièle Rouleau Épicerie Européenne Érico Choco-Musée Folie Culture Morin, Desrochers, Beaulieu Parents Espoir Point de repères OCEAN Quincaillerie St-Jean-Baptiste Relais La Chaumine Services 211 SOS Suicide

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LA LANGUE DANS SA POCHE 6. Un kamikaze. 7. a. Financier. 8. Je chois, tu chois, il choit, ils choient. La 1re personne et la 2e personne du pluriel sont manquantes. 9. Tabouiser : déclarer, rendre tabou; conférer un caractère sacré à quelque chose. 10. Chanter sans accompagnement d’instruments de musique.

1. Ce sont des Térésiens et des Térésiennes. 2. Appeler un chat un chat. 3. Vrai. Cette définition « sociologique » de l’itinérance est celle de l’Office québécois de la langue française (OQLF, 2002). Dans la même famille, on trouve le mot « itinérant », qui désigne celui qui n’a pas de logement fixe, appelé couramment SDF (sans domicile fixe) en France. 4. « Météorite » est un nom masculin ou féminin. Comme le sont quelques autres noms de la langue française, par exemple aprèsmidi, avant-midi, enzyme, mirepoix, thermos. 5. Un olibrius est un homme original, importun, qui se fait fâcheusement remarquer par sa conduite ou ses propos bizarres. SOLUTION

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Bout de chemin sur un mot Martine Corrivault

Le mot « itinérance » n’existe pas dans nos vieux dictionnaires. Mais on trouve « itinérant » pour désigner la condition de quelqu’un dont le travail ou les fonctions exigent des déplacements d’un lieu à un autre, sans y avoir de résidence fixe. Pour les gens qui vivent dans la rue et sans adresse précise, on utiliserait plutôt les termes clochards, mendiants ou vagabonds. Comme si nos scrupules de rectitude politique pouvaient maquiller la réalité contemporaine bien exprimée par ces vieux mots dérangeants. On finit par confondre la condition des gens et les causes qui les ont menés à la rue : instabilité, inadaptation, crises mentales, maladies, problèmes financiers, en rangeant tout le monde dans la colonne marquée « itinérants ». L’histoire nous apprend que des travailleurs itinérants oeuvrent en marge des sociétés depuis toujours : certains ont construit des cathédrales ! De nos jours, des médecins et infirmières « itinérants » visitent populations et établissements éloignés ; des gens de loi séjournent dans des régions isolées, comme certains spécialistes en éducation. Et sans les centaines d’ouvriers de tous les métiers qui acceptent ce statut, le Plan Nord resterait un ballon politique; partis trois ou quatre semaines vers leurs lieux de travail et rentrant à la maison une dizaine de jours avant de « remonter » dans le Nord. Hier, George Dor et Gilles Vigneault ont chanté les « ennuyances » laissées derrière, mais n’ont pas tout dit. Des centaines d’autres voyagent par le monde pour vivre autrement, pour répondre au désir d’être, de sentir et d’éprouver ce que le modernisme ne peut offrir. Nul ne parle d’eux comme des « itinérants », porteurs de la connotation péjorative accolée au terme pour les gens de la rue. Car ils n’ont pas « décroché » du monde mais opté pour un mode de vie valorisant. Ils ne quémandent rien, même si au besoin, ils savent demander qu’on « les aide à aider ». Dans un monde qui en a besoin, ils sont itinérants mais surtout passion-

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nés : ils veulent être utiles là où ils vont et devenir indispensables dès l’arrivée. Le Québec, comme le reste de l’Amérique, a été construit par des aventuriers. Des « ouvriers » itinérants qui ont un jour décidé de planter leurs racines dans un lieu où l’espoir était permis. Décrocheurs d’un monde rabougri qui ne leur permettait aucun rêve d’avenir, ils ont relevé le défi de l’inconnu malgré les risques. Ils ont pris un rafiot qui leur a fait traverser l’Atlantique afin de tout reprendre à zéro. Même des femmes étaient du voyage : sinon nous ne serions pas là pour en parler. Mais les personnes itinérantes dont on parle actuellement le plus, n’ont rien de ces aventuriers-là. Éclopés de la vie, peut-être, mais surtout démunis de tout ressort pour avoir envie de sortir du trou où ils sont tombés. Évidemment que « le malheur n’a pas toujours de bons yeux » comme dit Clémence : il frappe qui et quand il veut. Malchance, perte d’emploi, maladie, tragédie et hop, c’est la glissade. Rien n’est si simple mais il existe des « filets sociaux de sécurité » sous forme de ressources implantées dans la plupart de ces grandes villes où se retrouvent agglutinés hommes, femmes et enfants de l’âge moderne. Toutefois, des centaines d’entre eux échappent, parfois volontairement, aux mailles à la fois trop larges et trop contraignantes du filet, auquel ils préfèrent la liberté de la rue.

mêmes. Mais quel sens a le mot « amour » à l’heure du « je-me-moi-maintenant » ? À l’ère de l’isolement informatique, de la course aux objets rejetés dès que possédés, des plaisirs instantanés, de l’égo démesuré et des relations inter-personnelles terroristes, comment survivre dans ce désert exempt de sentiments ou d’émotions durables ? Sédentaire ou itinérant, chacun a besoin d’amour et de passions pour grandir, mais aussi de foi en la Vie. Au bout du compte, il faut croire en ses ressources pour respecter les autres - et soi-même et poser ces petits gestes qui font la différence.

mrc

Nous avons désappris ce qui importe dans la vie d’un être humain dès sa naissance : la présence de parents qui l’aiment plus que leurs caprices et sont prêts à tout pour lui. Même à lui apprendre que tout geste comporte « des conséquences » comme disent maintenant des jeunes couples. L’homme qui marche dans la rue a été un adolescent en révolte, un enfant exigeant, un bébé gâté ou, depuis son âge tendre, un être négligé ou maltraité. Personne ne l’a aidé à découvrir où et comment s’abriter de la pluie. Dans des conditions normales, les parents aiment leurs enfants plus qu’eux-

réalise l’espoir

Mai 2013




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