LETTRES D'AMOUR, POSTE RESTANTE

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Francis

Combes Lettres d’amour, poste restante

poĂŠsie


Lettres d’amour, poste restante


Tout poème destiné à celle ou celui qu’on aime est en même temps une lettre d’amour adressée poste restante à la Terre entière


Message secret à tous

Cette lettre est à qui l’ouvrira. Billet d’amour très personnel avec la ville entière pour tout destinataire missive secrète ultraconfidentielle à diffusion publique, elle contient la Bonne nouvelle, la révélation que chacun connaît : Nous qui sommes si souvent étrangers les uns aux autres nous sommes à peu près tous faits pareils, différents et identiques, uniques et ressemblants, nous avons tous à peu près les mêmes désirs, les mêmes soucis les mêmes rêves… Alors qu’est-ce que nous attendons pour nous retrouver ?

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Petite annonce Soleil Encore dans la force de l’âge Situation brillante Cherche petite planète Pour éclairer ses jours Et la faire reluire

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Pour une robe nouvelle à Patricia

Tu as cousu le tissu d’une prairie légère piquée de myosotis en suivant, avec le bec d’oiseau sans remords de tes ciseaux, un dessin compliqué qui ressemble à l’aube d’un calcul d’astronomie. Puis, tu t’en es revêtue ajustant l’orbe et l’asymptote aux courbes liquides de ton corps et cet exercice de liberté surveillée me fait penser à un poème qu’on pourrait habiter.

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Rêveuse sieste Couché seul pour la sieste je somnole et m’endors la main sur un livre ouvert (Éluard en Pléiade), l’index dans la pliure, là où repose le signet. Avec ses pages rebondies et la peau douce de son papier bible le livre ouvert est comme une paire de fesses que l’on caresse... De même ou à l’inverse le corps de la femme aimée est un livre qu’on ne cesse jamais tout à fait d’effeuiller.

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La Chine et toi Nous étions jeunes, te souviens-tu ? Et déjà je m’étais mis en tête d’apprendre le chinois... J’avais cours à Dauphine Mais tous les vendredi après midi je me faisais la belle pour rejoindre ma belle. J’empruntais le métro aérien Et, le cœur battant, je traversais le ciel obligatoirement bleu de Paris pour venir te rejoindre dans ta chambrette d’Aubervilliers. Ainsi pour toi, ma chérie, (il m’est arrivé de te le rappeler) ai-je laissé tomber plus d’un milliard d’êtres humains.

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Un coquelicot Voici, ma chérie, arraché à sa terre, un coquelicot. Ses pétales, d’un bel écarlate, sont, on le sait, fragiles, sa tige est rachitique, mais il porte des boutons et son cœur qui est noir contient beaucoup de graines... Acceptes-tu de lui donner l’asile politique ? Je le planterai chez nous sur un coin de terre, afin qu’au printemps nouveau, plus nombreux et plus beaux, fleurissent les coquelicots.

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L’amour y voit clair « L’amour est aveugle », dit-on ... Est-ce pour ça que les amoureux, même en plein jour, se cherchent toujours à tâtons ? Moi, en tout cas, je vois très bien (tes qualités et des défauts qui sont aussi tes qualités) J’y vois très bien (en m’aidant bien sûr parfois du bout des doigts...)

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Pâques païennes Il fait frisquet ce matin L’eau dans la brouette a gelé mais le soleil a sorti son livre de coloriage. L’herbe se met à briller les pâquerettes s’écarquillent un pinson tournicote du côté de la vieille pompe. C’est la résurrection païenne du printemps et la maison est un œuf géant et décoré dans lequel tu dors encore.

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Le Sonnet du cul Le cul est un instrument utile mais négligé À tel point qu’en général chacun s’assoit dessus. Nul n’ignore pourtant son essentielle contribution À la bonne marche de la machinerie vitale. Mais le cul est aussi un bibelot prisé Objet lumineux du désir, volumineux trésor Astre, rotondité, double planète aérienne Odalisque, univers à l’envers, orbe en orbite Terrain glissant, double ballon, baba au rhum Siège honni, lieu impur, repère secret du Malin Tentation qui rendrait les plus saints concupiscents Palanche ou fléau portant de ton corps le butin Balancier par lequel toute marche s’équilibre Le cul est un oiseau, un nuage, un mont libre.

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Poème simplet pour une boulangère à Izabela

Dans Bruges la cité aux maisons de poupée toutes les poupées ne sont pas heureuses La blonde boulangère qui se tient au coin essuie une larme en vendant son pain Si le pain est salé meilleur est le pain. Les chagrins d’amour passeront demain.

Bruges, le 14/08/2000

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Questions La pluie qui désaltère le sol est-elle jalouse des rivières ? Le soleil qui fait brunir ta peau est-il jaloux du feu ? Et le souffle d’air qui te caresse en veut-il aux vents qui font le tour de la Terre ? Si l’amour est le souci du bonheur de l’autre, l’amour n’est pas compatible avec la jalousie. Ce n’est pas parce que tu t’es donnée à moi que je te possède. (Et pourtant, je veux te garder.)

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Pour tes étrennes Pour tes étrennes, je t’offrirai la nacre de l’aube (quand on ne sait pas si la mer est rose ou bleue), une robe taillée dans la lumière du petit matin (si tu veux, tu peux d’ailleurs ne porter que ça) un œillet corallin à tête de mouton frisé pour t’en faire un petite culotte... Et si tu trouves que tout ça ne te tient pas assez chaud je suis prêt à ajouter un manteau de prairies piqué de pâquerettes et, pour compléter l’ensemble, (si je parviens à mettre la main dessus), comme collier, un arc-en-ciel... – Voilà qui ne te coûtera pas trop cher, me dis-tu. – Pourtant, la beauté du monde n’a pas de prix.

Poèmes d’Hôpital

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Un Sénateur romain Dans les couloirs, je croise un sénateur romain. De son drap de lit blanc il s’est fait une toge dont il a jeté un pan par dessus son épaule et qu’il tient de sa main droite couverte d’ecchymoses (sans doute la perfusion). On dirait Cicéron ou Sénèque Mais il ne siège pas sur une chaise curule. Il attend son tour pour un doppler assis sur un siège au coussin en élastomère vert d’eau. Dans la vie extérieure, la vraie vie, dehors, celle où on ne pense pas tous les jours à la mort, il doit porter un costume ordinaire ; c’est un monsieur sérieux, un homme responsable et plutôt estimé ; quelqu’un que ses collaborateurs n’imaginent pas tout nu assis sur la cuvette des W.C. (ou alors, rarement). C’est vrai que, ces dernières années, il ne s’est pas beaucoup économisé... Et puis, avec toutes ses obligations, les repas offerts aux clients, les réceptions, le cigare et le whisky le soir, de retour à la maison à pas d’heure, il mène une vie de bâton de chaise... (Pourtant, les bâtons des chaises à porteur qui transportaient les maîtres, n’étaient pas toujours à la noce.) Lui, il ne porte pas et ne se fait pas porter (on est en République) mais il se déplace tout le temps en voiture. et bouger avec la voiture, c’est une vie de sédentaire. Le Sénateur romain est un petit chef d’entre­prise aux prises avec la crise. 67


Un brancardier Ibrahim est brancardier. Un grand Noir en blouse verte. Il descend les malades de leur chambre et les remonte du bloc opératoire. Cela fait 14 ans qu’il travaille ici. C’est pas cette petite blondasse ici depuis trois jours qui va lui apprendre son métier !... Parfois Ibrahim a l’impression qu’on le prend pour un balaibrosse. Il sait que le balai-brosse est utile... Mais, en général, il ne bénéficie d’aucune considération (quand on a fini de s’en ser­vir on l’enferme dans son placard et on l’oublie). « Ils me prennent pour leur boniche... y a du foutage de gueule... mais ils savent pas à qui ils ont affaire... moi, je m’en bats les couilles... » Énervé, il cogne sans le faire exprès le brancard dans les virages et contre les parois du monte-charge. Et comme s’il avait lui-même ressenti le coup « Attention à vos mains », dit-il, et il repart en douceur (Car il sait bien que les patients n’y sont pour rien).

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La grappe de raisins noirs Tu m’ as apporté dans ma chambre d’hôpital une grappe de raisins noirs. Ils sont gros et ronds, leur peau est résistante et leur jus est sucré. Ce sont des voyageurs venus de l’autre bord Ils me disent que dehors la vie continue. Les raisins noirs ont leur clarté Les raisins ont raison Un à un, je les égrène, les mange à la dérobée. Plaisir clandestin qu’on ne peut me voler.

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Je te très respectueusement... Je te très respectueusement baise la main je te très délicatement baise le bout des doigts je te très affectueusement baise la peau des paumes je te très chastement baise le plat du bras je te très sensuellement baise le creux du cou je te très joliment baise la peau des lèvres je te très passionnément baise le pli du coude je te très goulûment baise le bout des seins je te très évidemment baise le ventre au centre je te très allégrement baise le flanc, Je te très galamment baise la peau des fesses je te très suavement baise la fente je te très amoureusement baise.

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Trois courriels envoyés de Montréal à ma blonde restée à Paris (et qui d’ailleurs est brune) 1. Ma belle est loin de moi et l’écume blanche de la fièvre l’empêche de dormir Ah ! je voudrais par le miracle des ondes électromagnétiques me changer en vague pour franchir l’océan passer en fraude les portes de la nuit traverser le mur du jour et venir près d’elle qu’elle puisse poser la tête sur mon épaule et que je laisse sur ses lèvres au moins le sourire d’un baiser.

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2. Intègre, Tu es comme le verre, ma chérie, le verre de la vitre, la vitre claire par où passe la lumière, la vitre qui n’aime pas faire de mystères, tu es la vitre que la pluie et le vent parfois violentent, la vitre qu’un brouillard peut embuer, qu’un coup pourrait briser mais que nul ne peut rayer tu es et tu restes la fenêtre à travers laquelle je vois s’éveiller le jour

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3. Toi ma terrestre, mon attentive, pendant que je poursuis mon activité internationale de courant d’air tu es restée à demeure et tu habilles ton monde d’un ciel de myosotis Tu prends les mesures exactes du jour tu vérifies le tour de poitrine de l’amour tu découpes et tu assembles et tu veilles à ce que deux cœurs au moins y aient la place de battre ensemble.

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Confession d’un ange imparfait « Tu es comme les autres », m’as-tu dit un jour Et je crois, mon amour, que tu disais vrai. Je suis un homme, ni très bon ni très mauvais, Qui va son chemin avec toi, mon amour Par la ville imparfaite où usons d’aimer. Oui, je l’avoue, je suis un homme imparfait Mais rien sur cette terre, crois-moi, n’est parfait. Ni l’arbre, ni la violette, ni l’oiseau Pas plus que le grain de sable sur la plage... Et le soleil lui-même qui brille là-haut A comme chacun sait des taches sur le visage. « Voici que tu te prends pour l’astre solaire ! » Il n’y a que les anges qui soient parfaits mon ange ... À ce qu’on dit, mais je ne les connais guère Et les soupçonne aussi de salir leurs langes. De plus, ils laissent toujours autour d’eux traîner Si j’en crois les poètes, des tonnes de duvet Aussi blanc et froid que la neige en hiver Comme les poules qu’on plume pour faire des oreillers Doux, immaculés, afin d’y faire dodo. Mais comme je suis à la plume allergique Je leur préfère le kapok, le tampico Même le crin, et, de loin, les mousses synthétiques. Non, je ne suis pas un ange ; c’est un fait. Je sais bien que je suis un être imparfait (Comme tout ce qui vit et meurt sur cette Terre). J’ai mes points faibles, mes bons, mes moins bons côtés. J’ai pas mal de défauts... Mais je vais rêvant Que je peux encore pour toi m’améliorer.

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La vie des poètes Ah ! les poètes, les poètes... les poètes ont la belle vie ! Un poète, ça passe son temps à quoi ? À bâiller aux corneilles ? À recenser les étoiles ? À compter sur ses doigts ? À cueillir des fleurs, À conter fleurette ? Oui, bien sûr... Tout ça, et beaucoup plus encore avant de suçoter par la racine les pissenlits : le poète que tu es, le poète que nous sommes tous, ça doit s’atteler à l’ordinateur, répondre au téléphone, lire des manuscrits, corriger les fautes (en commettre d’autres) préparer le café, faire le ménage, porter des paquets, régler les factures, calmer les créanciers, éconduire les huissiers, calculer, calculer ligoté par le filet serré de l’emploi du temps... Ah ! la vie, la belle vie que la vie de poète ! Tirer le diable par la queue, et toujours serrer délicatement les mâchoires pour ne pas lâcher la pâquerette qu’il tient entre les dents.

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La vie des poètes Ah ! les poètes, les poètes, les poètes ont la belle vie ! Un poète, ça passe son temps à quoi ? À bâiller aux corneilles ? À recenser les étoiles ? À compter sur ses doigts ? À cueillir des fleurs, À conter fleurette ? Oui, bien sûr... Tout ça, et beaucoup plus encore avant de suçoter par la racine les pissenlits : le poète que tu es, le poète que nous sommes tous, ça doit s’atteler à l’ordinateur, répondre au téléphone, lire des manuscrits, corriger les fautes (en commettre d’autres) préparer le café, faire le ménage, porter des paquets, régler les factures, calmer les créanciers, éconduire les huissiers, calculer, calculer ligoté par le filet serré de l’emploi du temps... Ah ! la vie, la belle vie que la vie de poète ! Tirer le diable par la queue, et toujours serrer délicatement les mâchoires pour ne pas lâcher la pâquerette qu’il tient entre tes dents.

Cinq poèmes de Medellin

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Écrit avant ton réveil Tu dors, le bras posé sur ma poitrine Ton rêve peut-être au loin caracole Tu plonges et disparais comme un dauphin Et me rejoins peut-être, ou pas... qu’importe Tu es là, tout près de moi, bougeant à peine Et ce poids de ta main m’allège et fait ma joie Car cela qui m’est naturel ne l’est pas... Il y a tant d’hommes tout autour de la Terre Qui dorment sans tes bras, tant de femmes Aussi, sans personne dans leurs bras pour les aimer.

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Une douche Enduites de savon mes deux mains Descendent lentement le long de tes épaules, Caressent tes seins, ton ventre, ton dos, tes fesses Et n’oublient aucun recoin Pendant que les tiennes Sur moi font de même ; Car nous nous lavons tous les deux Aussi consciencieusement que possible Quand nous prenons la douche ensemble. Nous dessinons dans la mousse qui s’épanouit sous la douche Les contours de la tendresse Et c’est un grand moment de douceur ... (L’amour est la fleur du corps). Se laver ainsi n’est pas une corvée. Pourrions-nous, pareillement, En tout temps, de chaque nécessité faire un plaisir.

Le 28/06/2012

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Dialogue avec un pigeon Je fume le cigare sur le balcon de ma chambre au llème étage du Gran Hotel et je regarde la ville en bas qui s’affaire. Un pigeon autochtone, sans rien dire, vient se poser à ma hauteur. – Salut, pigeon, tu montes aussi haut que moi... – Mais toi tu dois prendre l’ascenseur... Que ferais-tu sans le secours de la technologie ? – Tu as raison, mon cher... Voilà bien la faiblesse mais aussi la supériorité de notre espèce.

Le 28/06/2012

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Les deux ombres Deux ombres se tenant par la main s’éloignent sur les marches qui descendent de l’amphithéâtre en plein air, sur la montagne. Elles s’éloignent avec précaution, lentement, dans une lumière verte... Et derrière elles la foule des jeunes gens s’attarde au milieu des gradins pour danser Et prolonger la fête. Deux ombres s’en vont et s’effacent dans la lumière Ces deux ombres, c’est toi et moi, qui nous tenons la main, Les deux ombres que nous serons demain, quand, ici comme ailleurs, nous aurons passé... Mais pour l’instant nous descendons dans la nuit non pas vers notre propre obscurité mais vers les lumières de la ville. Nous descendons rejoindre le bus des poètes en nous tenant par la main Et la poésie qui est l’ombre portée lumineuse de l’amour Marche sur nos pas.

(après la séance d’ouverture du 22e festival de poésie de Medellin, en 2012)

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Poème en forme de flûte Pas loin de la Gare de l’Est juste à côté d’un abribus une femme est debout presque dressée sur la pointe des pieds elle sourit et fait un signe vers une fenêtre à l’étage en face qu’elle vient sans doute de quitter elle est à cet instant une flûte de champagne où montent des bulles de légèreté.

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Étoile de mer Tu es pareille à l’étoile de mer miracle vivant de la nature qui repose sur le sable au fond des eaux et porte les stigmates du cosmos dans l’architecture de ses branches Mais les étoiles de mer n’ont pas de cerveau et toi, tu en as un et tu brilles en plein jour quand tu veux d’une lumière clignotante plus vive et malicieuse qu’une étoile du ciel.

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Vœux — Faut-il souhaiter à la mer de rester la mer ? à l’herbe de pousser ? à l’oiseau de chanter ? — Ils peuvent s’en passer. — Faut-il souhaiter aux hommes d’être humains ? de vivre en paix ? — Pas sûr que cela suffise… Mais comment s’en passer ?

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À demain Elle passe l’aspirateur et avale un nuage Elle est bien partie pour nettoyer le monde.

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La fleur inverse Tu m’as offert, ma rose, Un petit rosier en pot. (D’ordinaire, ma femme, c’est l’inverse. Ce sont les hommes qui sont censés Offrir aux femmes des roses.) Mais toi, ma femme, Tu m’as offert un rosier Qui redresse fièrement Ces petites robes renversées De satin orangé, Couleur soleil couchant Ou peut-être levant. .. Ainsi prenant les devants Et m’offrant un rosier Tu remets tout un monde sur ses pieds, Ma femme à la robe de rose renversée, Ma fleur inverse.

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Question Si la rose se savait mortelle la verrait-on pâlir ? Si la rose se savait mortelle en serait-elle moins belle ? Cesserait-elle de fleurir ?

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L’Égalité des sexes (un madrigal)

– Si la Lune éclaire, c’est parce qu’elle reflète la lumière du soleil. – Et toi, tu serais le Soleil ? Ne t’enflamme pas ; tu vas te consumer ! – Ne sois pas jalouse… il y a des clairs de femme, comme il y a des clairs de lune… Nous tournons, mon astre, sur l’orbite de nos amours et chacun, tour à tour, est à l’autre le Soleil et la Lune… – Je me contente d’être ton égale… Et toi, si tu peux, tente d’être mon égal. *

L’égalité dans la différence Égaux et différents comme la roche et la rivière, comme la pluie et le sillon, comme l’oiseau et le poisson, comme le tremble et le bouleau, la musique et le chant.

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Un amour à croquer « Mon lapin », lui dit-elle. « Ma biche », répond-il « Mon chou »… « Mon poussin »… « Ma poulette »… « Mon canard »… « Ma caille »… Tout ceci avait bien commencé mais finit en fricassée.

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La joie des autres est aussi la nôtre 1. Les enfants attachés à des courroies élastiques rebondissent sur le trampoline, sautent dans les airs et font des saltos arrière. – Ce jeu n’est pas pour toi, mais tu partages leur joie. 2. Tu as ôté sa laisse à la chienne et elle court librement sur la plage déserte. Elle fait des bonds et patauge dans les vagues... – Toi, tu ne pourrais pas courir comme ça, mais tu es content de la voir qui s’en donne à cœur joie. 3. Dans la rue, tu croises deux jeunes gens ; ils sont beaux et amoureux et s’embrassent tendrement. Tu ne les connais pas mais tu es heureux de les voir heureux. (Toi qui pourtant d’être amoureux n’a pas encore passé l’âge).

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Le poète est un communiste Tout poète – même s’il l’ignore et même s’il le refuse – tout poète est un communiste. Tout poète partout et toujours dit que le monde, la terre et les mers, les arbres, les oiseaux, les villes et tout ce qu’elles contiennent, même les palais, les Champs-Élysées, les ponts sur la Seine, le sourire des femmes, de toutes les femmes (même celles qui ne sont pas la tienne... mais, en vérité, aucune n’est ta propriété) et le sourire des enfants et celui des hommes et le regard des bêtes tout, la Terre entière, le monde et ses saisons, l’automne et ses richesses, l’hiver et ses plaisirs, le printemps, ses promesses, l’été et ses moissons, tout est à nous. Tout ce que nous ne possédons pas, par les pouvoirs que nous confèrent l’imagination, la poésie, et le rêve nécessaire de l’humanité, tout nous appartient et nous appartenons à tout. Toute la vie sur Terre est notre affaire.

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Tout nous parle et nous répondons de tout. Tout est à nous. Et partout et toujours tout nous est à partager.

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Premier de l’an « Ça commence bien... » dit la première étoile qui parvint à briller au milieu des nuages. « Ça commence, bien, mais après ?... » dit à la rosée le brin d’herbe qui craignait la gelée. « Ça s’arrête ici ? » demanda au sable de la plage la dernière vague de l’année. « Non, c’est ici que ça commence... » lui répondit le sable. « Ça n’est jamais terminé, ça recommence toujours » répétait le galet remué par la marée. « Ça commence bien... ça commence mieux... » se dirent les amoureux en s’embrassant sous le gui. Mais, en vérité, tout était encore à faire.

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Malgré… Malgré la débâcle des banquises et les écueils et les brisants malgré les eaux glacées malgré les congères et les tornades malgré les dunes et les dos courbés malgré les marais et les sables mouvants dans les bureaux, les rues, les avenues malgré les vents contraires et les orties les buissons d’épineux qui poussent dans nos cités malgré les collines de l’espérance toujours à escalader. Malgré la fatigue et ceux qui voudraient nous décourager nous franchirons le jour en nous tenant la main.

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Un moment privilégié

Conversation avec Francis Combes Propos recueillis par Thierry Renard Vénissieux, le vendredi 10 janvier 2020

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— Mon cher Francis, nous sommes très heureux de pouvoir enfin t’accueillir avec ce recueil inédit dans notre nouvelle collection de poésie. Nous nous connaissons depuis une bonne trentaine d’années, et c’est la première fois que j’ai la chance d’être ton éditeur. Ce livre, qui paraît aujourd’hui à notre enseigne, me semble un peu différent de tes derniers ouvrages parus. Tu l’ouvres, d’ailleurs, par ces quelques paroles : Tout poème destiné à celle ou celui qu’on aime est en même temps une lettre d’amour adressée poste restante à la Terre entière. Qu’as-tu tenté, ici même ? — À la différence de la plupart de mes livres précédents (une vingtaine) qui étaient souvent construits autour d’un thème (comme l’histoire des révolutions pour Cause commune ou une réflexion sur l’identité nationale pour La France aux quatre vents) celui-ci est un recueil, au sens propre du terme. Un peu comme faisaient les anciens Chinois. Ce sont des poèmes glanés au fil des jours et jetés dans le sac du voyageur… Un recueil, comme un journal de bord. Je crois qu’il est bon que les poèmes soient vécus avant que d’être écrits. Et que la vie nous fasse la surprise de chaque poème… Cependant, ce recueil poursuit une réflexion amoureuse déjà abordée dans plusieurs livres précédents, comme L’Amour, la marguerite et l’ordinateur ou les sonnets de L’Aubépine. Il s’agit à la fois d’un amour concret, personnel, mais aussi d’un questionnement sur la place de l’amour dans notre société, et sur son évolution nécessaire. Je suis sans doute mieux connu pour mes poèmes politiques que pour mes poèmes d’amour, mais pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Dans toute relation amoureuse, il y a une part de politique… Et que vaut l’engagement politique s’il n’a pas à voir avec l’amour, au moins l’amour de l’humanité ? Pour reprendre la formule d’Éluard, il s’agit de passer « de l’horizon d’un homme à l’horizon de tous ».

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Pourtant, en vérité, l’amour a souvent fait défaut dans notre histoire. Y compris, du côté de ceux qui rêvaient d’unir les prolétaires du monde et dont l’idéal était une humanité réconciliée avec elle-même. La finalité a parfois été oubliée en chemin... et le moyen, c’est-à-dire la conquête du pouvoir, l’a emporté sur les fins. Pour changer le monde, l’amour ne suffit bien sûr pas... Il faut aussi la lutte, une lutte acharnée. Mais une lutte qui ne serait pas commandée par l’amour de l’humanité, par le respect des êtres humains et de la vie, cela conduit au cynisme et à l’échec moral et politique. — Pour continuer avec Lettres d’amour poste restante, je voudrais te demander si, pour toi, cet ouvrage s’inscrit pleinement dans une tradition poétique clairement définie. Je pense, notamment, à la poésie amoureuse française du vingtième siècle, chère à d’autres poètes que tu apprécies, en particulier Paul Éluard et Louis Aragon… Ou à d’autres, encore, des étrangers pour la plupart… En bref, te situestu plutôt du côté de la tradition ou du côté de l’innovation ? Voire, comment concilies-tu ces deux penchants ? — Il y a des poèmes d’amour dans toutes les langues du monde. Mais on peut dire sans exagérer que, des troubadours du XIIe siècle à Apollinaire et aux Surréalistes, l’amour est le thème majeur de la poésie française. Les poètes de ce pays, poursuivant l’héritage des Latins, ont contribué à faire de ce qui est un besoin universel une culture singulière, voire une civilisation tournée vers le bonheur. Bien sûr, cette tradition poétique est contradictoire. Elle est très masculine (malgré quelques grandes voix de femmes, comme celles de certaines trobaïritz ou de Louise Labé). Elle a donc souvent mis le désir masculin au centre… pendant qu’elle plaçait la femme sur un piédestal ! Et elle est marquée par des siècles d’inégalité. Elle est aussi marquée par l’héritage de toute une culture dominée par le dualisme religieux, l’amour divin et le

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péché, la séparation du corps et de l’esprit. Avec d’un côté l’idéalisation de la femme, et de l’autre, l’Enfer des poésies érotiques du « Parnasse satyrique ». Enfin, elle porte aussi les stigmates d’une idée très ancienne, qui nous vient du Moyen-Âge féodal et peut-être même du legs arabe : l’amour perçu à la fois comme une bénédiction et comme une malédiction, le coup de foudre qui est un coup de grâce... La défense de la poésie amoureuse et lyrique en général, passe, à mon avis, par sa critique. Dans la poésie elle-même. Cet héritage érotique contradictoire se retrouve en effet dans la poétique amoureuse du XXe siècle. Par exemple, Aragon et Éluard qui furent tous deux communistes et tous deux grands poètes de l’amour, expriment des visions assez différentes. Aragon porte à son apogée l’idée romantique de l’amour-passion, de l’amour exclusif, avec son cortège obligé de jalousie et de désespoir. « Il n’y a pas d’amour heureux… ». Chez Éluard se fait jour, à mon avis une vision plus nouvelle, à la fois plus sensuelle, plus réaliste mais qui n’abaisse pas l’amour, au contraire. « Je t’aime pour toutes les femmes que je n’ai pas aimées », écrit-il dans ses Derniers poèmes d’amour. Aujourd’hui que paraît revenir en force un nouveau puritanisme, (que ce soit sous le signe de la religion ou sous celui d’un féminisme à l’américaine), nous aurions bien besoin de renouer avec la poésie amoureuse. Une nouvelle poésie courtoise, d’une courtoisie partagée. Pour défendre le droit à l’amour et au bonheur, à l’amour-plaisir, dont parlait Roger Vailland, mais aussi (et c’est autre chose), à l’amoursolidarité. Rimbaud disait qu’il fallait réinventer l’amour. Il faut en tout cas redessiner la Carte du Tendre. Sans mièvrerie. Avec réalisme et idéalisme. Pour un amour capable de se dégager et de nous dégager du poids d’une société depuis si longtemps fondée sur la propriété privée, étroite et bornée. Alors que l’amour et la poésie nous enseignent que nous n’avons pas besoin de posséder le monde, à la découpe et au détail, pour qu’il devienne nôtre.

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L’auteur

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Francis Combes Francis Combes est né le 31 mai 1953, à Marvejols, en Lozère (France). Il est diplômé de Sciences Po (1974) et a fait des études de langues orientales (russe, chinois et hongrois). Quand il était étudiant, il a été secrétaire national des étudiants communistes et fut élu plus jeune conseiller général de France en 1979. De 1981 à 1992, il a été directeur littéraire des éditions Messidor et l’un des responsables de la revue Europe. Il a participé aux comités de rédaction d’Europe, Aujourd’hui poème et Commune. Il a travaillé avec des musiciens (notamment le compositeur chilien Sergio Ortega) et écrit des chansons et des livrets d’opéra ou de pièces musicales qui ont été portés à la scène. De 1993 à 2008, il s’est occupé, avec le poète Gérard Cartier, de la campagne d’affichage de poèmes dans le métro, qu’ils avaient proposé à la RATP. En 1993, avec un collectif d’écrivains, il a fondé les éditions Le Temps des Cerises, dont il est le directeur depuis. Cette maison d’édition publie trente livres par an dont un tiers de poésie. Engagé dans la défense de l’édition indépendante, il fut l’un des fondateurs (en 2003) de l’Association L’Autre Livre dont il a assumé la présidence jusqu’en février 2012 et qui fédère 150 éditeurs indépendants. De 2011 à 2018, il a dirigé le festival de poésie de la Biennale internationale des poètes en Val-de-Marne. Poète, il a publié une vingtaine de recueils. Ainsi que des anthologies et quelques ouvrages de prose. Certains de ses poèmes ont été traduits dans diverses langues (arabe, anglais, allemand, italien, tchèque, portugais, serbo-croate, roumain, chinois, albanais, turc, espagnol…). Il a invité dans de nombreux festivals de poésie (San Francisco, Naples, Struga, Autriche, Angleterre, Nicaragua, Colombie, Turquie, Chine, Taïwan, Québec, Saint-Domingue…) Il anime actuellement un cours- de poésie, à Sciences-Po Paris, sur le thème : « la poésie comme sentiment du monde ».

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Quelques-unes de ses publications Poésie — Lettres d’amour poste restante, éditions La passe du vent, 2020 — Francis Combes, anthologie, préface Jean-Luc Maxence, éditions Le Nouvel Athanor, 2018 — La France aux quatre vents, Le Temps des Cerises, 2015 — Si les symptômes persistent consultez un poète, préface Bernard Noël, Le Merle moqueur 2013 — La barque du pêcheur, éditions Al Manar, 2012 — Poèmes du nouveau monde, Les Écrits des forges, 2011 — L’Aubépine, cent un sonnets pour un amour frondeur, Le Préau des collines, 2011 — Le vin des hirondelles, Le Petit pavé, 2011 — « La clef du monde est dans l’entrée à gauche », in : Commune, 2008 — La Ballade d’Aubervilliers, Dialectiques communication, Le Temps des Cerises, 2007 — « Le Cahier bleu de Chine », in : Commune, 2005 — Cause commune, Le Temps des Cerises, 2004 — La Fabrique du Bonheur, Le Dé bleu / Les Écrits des Forges, 2000 — La Ballade du cœur insoumis, La Malle d’aurore, 1996 — « Au Vert-galant jeté en Seine », in : Europe /poésie, 1991 — La Dame de la Tour Eiffel, Contrastes, 1989 — « Les Petites leçons de choses », in : Commune, 1987, 1997 — Cévennes ou le ciel n’est pas à vendre, préface Robert Laffont, Ipomée, 1986, Prix RTL de poésie — L’amour, la marguerite et l’ordinateur, Messidor, La Petite sirène, 1983 Apprentis du printemps, EFR, 1980

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Romans — La Galère, Le Temps des Cerises 2018 — La romance de Marc et Leïla, Le Temps des Cerises, 2000 et 2012 — Bal masqué sur minitel, conte moral, Messidor, 1989

Essais — Le français en liberté, avec Patricia Latour, préface Claude Hagège, le Temps des Cerises, 2017 — La Poétique du bonheur, éditions Delga, 2016 — Les apologues de Jean Lafleur, Le Temps des Cerises, 1995 — Conversation avec Henri Lefebvre, en collaboration avec Patricia Latour, 1990

Traductions en français — Attila Jozsef, le mendiant de la beauté, Le Temps des Cerises, 2014 — Vladimir Maïakovski : Écoutez, si on allume les étoiles, Le Temps des Cerises, 2005- 2009 — Henri Heine, le Tambour de la Liberté, Le Temps des Cerises, 1998, 2007

Livres parus en langues étrangères — Il the symptoms persist, traduction en anglais par Alan Dent, Smokestack Books, 2018 — Il ne faut pas de tout pour faire un monde, choix de poèmes traduits en arabe par Maram al Masri, éditions al-Farasha, Koweit, 2014

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— Alleluya por los zapatos, traductions en espagnol par Myriam Montoya, Roberto Fernandez Retamar et Nancy Morejon, Éditions Zona Torida, Medellin, 2012 — Zemjata ne e trkalezna, choix de poèmes en macédonien traduit par Jordan Plevnes, Strucki, vecheri 2012 — Rabia azrak, (le printemps bleu), raduction en arabe par Tahar Ouettar, Alger 1986, rééd, 2011 — Common Cause, traduction en anglais par Alan Dent, Smokestack Books, 2010 — Maskenball auf Minitel, traduction en allemand par Gerhard leo, Reiher verlag, Berlin 1991 — That Light, traduit en américain par Jack Hirschman, Black Bird Press, 1986

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Table des poèmes Page

Message secret 5 Petite annonce 6 Pour une robe nouvelle 7 Rêveuse sieste 8 Relation sur certains miracles accomplis par l’amour en la bonne ville de Paris 9-11 Une offrande matinale 12 Le moineau de Lesbie 13 Merveille 14 Chanson d’une clef vermeille 15-16 La Chine et toi 17 Billet doux pour une amazone 18 Une fenêtre sur le jour 19 Recours en grâce pour un poète lyrique 20 Scintigraphie 21 Un poirier 22 L’humanité 23 L’Arbre de vie 24 Un coquelicot 25 L’amour y voit clair 26 Pâques païennes 27 Il a neigé cette nuit 28 Chez moi 29 Sonnet baroque 30 Le sonnet du cul 31 Fidèle 32 Les vieux couverts 33 Le monument 34 Le Blason du nombril 35 Petite douceur d’été 36 En ouvrant les volets 37 Découverte 38


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L’Agneau mystique L’embarquement pour Cythère Poème simplet pour une boulangère Sonnet de la pluie La ville est une zone érogène Les vainqueurs Tous les tournesols ne sont pas des opportuniste Débat sur l’économie libérale du désir Amour et politique (un dialogue) L’art d’offrir Le langage des fleurs L’homme de l’âge nucléaire Questions L’unique et ses propriétés Le baiser électrique Un plaisir simple Ma licorne ailée En passant une belle… Pour tes étrennes

Poèmes d’hôpital

39-41 42 43 44 45-46 47 48 49 50 51 52 53-55 56 57 58 59 60-62 63 64

65-99

Un Sénateur romain 67-68 Coronarographie 69-71 Un brancardier 72 Les peupliers 73-75 La grappe de raisins noirs 76 Je te très respectueusement… Confessions d’un pigeon Élégie pour une casquette Trois courriels envoyés de Montréal à ma blonde… Critique de la poésie Déclaration de guerre du Printemps Une simple fleur de cerisier

77 78-80 81-83 84-85 87 88 89-90


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La fin des sortilèges Sacerdoce de la joie Soleil naufragé Soleil d’hiver Les amants et la mort Un colchique Confession d’un ange imparfait Comme un ancien portique La vie des poètes

Cinq poèmes de Medellin Écrit avant ton réveil Les deux ombres La Nouvelle Ève Une douche Dialogue avec un pigeon

91 92 93 94 95 96 97 98 99

100-165 101 102 103-104 105 106

Petite suite printanière 107-112 Poème en forme de flûte 113 Le pain de l’aube 114 Étoile de mer 115 La vie est sans mystère 116 Le pain des rêves 117 Une autre nuit 118 Docteur des roses 119 Gelée royale 120 Profession de foi 121 Aux fossoyeurs de la poésie 122-123 Vœux 124 Appel d’air 125 À demain 126 [15.08.2018] 127-128 Lieux communs 129-131 La fleur inverse 132


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Missive à la Grande Ourse 133 Une histoire 134 Question 135 Le Rendez-vous 136 Défilé de mode 137 Le Pont des rêves 138 Pour une mère 139 L’égalité des sexes 140 Un amour à croquer 141 Cadeaux sur catalogue 142 Poésie transgenre 143-144 Sur la beauté 145-146 La légende du voleur de paysages 147-148 La joie des autres est aussi la nôtre 149 Modeste demande 150 Une histoire de fesses exemplaire (poème didactique) 151-152 Cultiver la merveille 153-155 Le poète est un communiste 156-157 Narcisse 158-159 Strophes pour la défense du droit d’aimer 160-161 Premier de l’an 162 Romance pour un enfant à naître 163 Salut pour l’enfant nouveau-né 164 Malgré 165

Conversation avec Francis Combes

167-175

Biobibliographie de l’auteur

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Coordination : Thierry Renard Relecture : Thierry Renard et Michel Kneubühler Maquette, couverture et mise en page – Myriam Chkoundali d’après une création originale de Beau fixe – Manufacture d’images avec la collaboration et le soutien de l’Espace Pandora 8 place de la Paix 69200 Vénissieux © Éditions La passe du vent, 2019 La Callonne, 01090 Genouilleux http://www.lapasseduvent.com isbn 978-2-84562-360-6 14 x 22 cm – 192 pages

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