Landscape Magazine #9 - winter 2009

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INTERVIEW JOE BREEZE, TOM RITCHEY & CHARLES KELLY Joe Breeze, Tom Ritchey et Charles Kelly nous ont accordé une interview. Trois des pionniers du mountain bike nous replongent plus de 30 ans en arrière dans le Comté de Marin, California. Bonjour à vous trois. On va attaquer cette interview par du lourd: pour vous, qui a inventé le mountain bike, et qu’est-ce qui défini le premier vrai «mountain bike»? Charles Kelly: Le nom «Mountain Bikes» était celui de notre société. Gary Fisher et moi, nous assemblions des vélos à partir de cadres soudés par Tom Ritchey. C’était notre marque et on ne voulait pas que les autres l’utilisent pour vendre leurs vélos. Malheureusement, l’avocat qu’on avait chargé de déposer et protéger officiellement le nom a foiré en beauté. Par après, d’autres fabricants de vélos ont copié notre design et le terme mountain bike est rentré dans le langage commun pour désigner les vélos tout terrain à gros pneus. Tom Ritchey: J’ai soudé mon premier cadre quand j’avais 15 ans. J’étais un très bon cycliste de route, je roulais en équipe nationale junior et pour moi, fabriquer mes propres vélos pour mon usage personnel, c’était une façon d’aller au bout de ma passion. Les gens me voyaient rouler sur des bikes légers et solides, mes résultats en courses étaient excellents, ils ont donc voulu m’acheter du matos. J’ai soudé des centaines de cadre à cette période. Le business de la construction de cadre était très petit aux États-Unis, peu de gens pouvaient enseigner ce savoir-faire et le matériel pour la fabrication était peu courant. Dans ces années-là, des gars s’amusaient déjà à modifier de vieux bikes, notamment le Morrow Dirt Club, je les voyais quand j’allais avec mon père au Cupertino Bike Shop, un magasin qui importait en petite quantité des cadres et composants Italiens, du Cinelli principalement. Ces mecs du Morrow Dirt Club adaptaient des pièces de vélos de routes ou de motos sur de vieux Schwinn. J’étais vraiment focalisé sur la route à ce moment-là, mais plus tard un de mes voisins, Jobst Brand, m’a initié à sa pratique du tout terrain sur un vélo de route. Ce mec est très important dans l’histoire du mountain bike car c’est lui qui nous a ouvert l’esprit pour sortir des sentiers battus. Nous le suivions Joe, Gary et moi dans des sorties en pleine nature sur des pistes de montagne et tout ça sur nos vélos de route. C’était le pied, on s’entraînait mais il y avait déjà cette

dimension d’exploration et d’amusement. Je bossais toujours sur mes cadres tout en poursuivant des études et ma production avait très bonne réputation dans la région. Un jour, Joe Breeze m’a commandé un tandem. Il m’a aussi montré un de ses prototypes de gros vélo, ce qui allait devenir le premier mountain bike. Son père étant un mécanicien très créatif, leur garage était plein d’outils assez rares et il bricolait beaucoup sur ses vélos. De mon côté, je voulais réaliser un cadre adapté à ma pratique du tout terrain. Gary Fisher a entendu parler de ce projet et m’a dit de lui en faire un aussi. J’en ai fait finalement 3 dont un que Gary a vendu à un ami. Il m’a dit que si j’en faisais plus, il me les vendrait facilement, et c’est comme ça que le business a commencé. Moi je fabriquais les cadres, Fisher et Kelly les montaient avec des pièces du shop où ils travaillaient. Dans le même temps j’ai aussi développé et fabriqué des pièces spécifique à cette nouvelle pratique: fourches, potences,... C’était nouveau, tout était à inventer ou adapter. Joe Breeze: Je considère que les premiers mountain bikes étaient ces vieux clunkers sur lesquels on roulait au début des années 70. Ok, ils étaient brut, n’étaient solides que par leur poids et leur côté massif, mais leurs gros pneus nous permettaient de rider les pentes du Mont Tamalpais en prenant un maximum de sensations. Les premières courses de moutain bike, les Repack races, c’était de la descente pure et dure. L’esprit de compétition nous poussait à innover pour améliorer le matériel. Ces bikes étaient étranges pour de nombreuses personnes, pas très esthétiques il faut l’avouer.. Mes 10 premiers Breezers construits entre 77 et 78 étaient les premiers vélos pensés pour cette pratique spéciale du tout-terrain. J’ai fais ces cadres pour améliorer nos rides sur le Mont Tamalpais. C’est à ce moment que le cap a été franchi entre «clunkers» et mountain bikes. Ces nouveaux vélos ont tout de suite fais tourner la tête à un paquet de monde... même ceux qui, avant, regardaient de travers nos rides hors des sentiers battus et qui n’avaiten jamais voulu essayer. Pouvez-vous expliquer ce qu’étaient les Clunkers? Joe Breeze: Par ce terme, on désignait nos vélos à gros pneus. C’était généralement des vieux bikes déglingués des années 30 et 40, souvent des Schwinn Excelsior. Les vieilles bagnoles étaient aussi appelées comme ça à l’époque. Quand on descendait les pistes défoncées ça faisait du bruit, en anglais ce genre de sons s’appelle «clunking sounds». Billy Savage a naturellement appelé son documentaire «Klunkerz» en référence à tout ça.

Charles Kelly: Je dirais que c’était aussi une façon de faire la différence entre ces bikes assez pourris qu’on récupérait pour quelques dollars ou même dans des décharges, et nos vélos de routes italien tout clean. A coté d’eux, nos clunkers faisaient très... brut! On les aimait bien, mais on y attachait moins d’importance qu’à nos vélos de courses. Tom Ritchey: On les appelait aussi «Ballooners» en référence à leurs pneus de grosse section. Plusieurs groupes de riders de Californie ont posé les bases du mountain bike. Vous pouvez en dire plus? Joe Breeze: Il y avait le «Larkspur Canyon Gang», une bande de jeunes qui habitait une ville au pied du mont Tamalpais, dans le comté de Marin. Dés 1970, ils s’amusaient avec de vieux clunkers. Je les voyais lors de mes entraînements de vélo de route dans la région. C’est en 1972 que le Velo Club Tamalpais vit le jour. Un club de routeux. À l’époque, la route n’avait pas la même réputation que maintenant. On aimait le vélo dans son entièreté, c’était notre vie. C’est au sein de ce Club qu’après avoir vu les jeunes de Larkspur s’amuser dans leur coin, et sur les encouragements de mon co-équipier Marc Vendetti, que j’ai acheté un vieux B.F Goodrich. Une fois les garde-boue et autres éléments superflus enlevés, j’avais mon premier clunker. Je l’ai pris un jour lors d’un meeting du club, et peu de temps après Gary Fisher, Kelly et Otis Guy roulaient aussi sur ce genre de bike aux gros pneus. Charles Kelly: Ces gars de Larkspur étaient actifs bien avant nous sur la scène Clunkers, même si on ne peut pas vraiment parler de scène. Les groupes de riders ne se connaissaient pas entre eux. Comme les gars du Morrow Dirt Club, leurs vélos avaient des Coaster brakes. Certains d’entre eux ont participé aux Repack races. Tom Ritchey: Pour moi les membres du Morrow Dirt Club étaient les vrais précurseurs du mountain bike moderne. Au premier championnat US de cyclo-cross, des gars de chez eux se sont ramenés avec des clunkers équipés de dérailleurs. On était bluffés par l’avancée technologique de leurs bikes. Ils mixaient pièces de motos et de vélo. La plupart des cyclistes de routes qui vécurent les premières années du mountain bike faisaient partie du Vélo Club Tamalpais.

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