The Ida Renerel’s case
© 2007-2008, Cepa Miveco et Mico Vepace – www.corsicapolar.eu – Thierry Venturini pour les photographies.
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Ça prend une tournure qui commence à me plaire. Continuez, please, j'aime beaucoup ce que vous faites ! Basgi...
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Saison 1 Sur une plage du Cap corse, Ida Renerel a passé son dernier appel téléphonique, à la gendarmerie, avant de disparaître, laissant derrière elle deux photographies dissimulées dans la cabine téléphonique. Les ombres ont évolué et les photographies sont donc prises à des heures différentes de la journée. Les angles de prises de vue ne sont pas tout à fait identiques. Sur la photographie en couleurs, l’adjudant de gendarmerie Sextius Denticoni remarque une canne à pêche plantée dans le sable. Cette arme contre les poissons a disparu sur la photographie plus sombre. Quel temps s’est écoulé entre les deux clichés ? Une journée ? Une nuit ? Plusieurs jours ? Quel péché ( peccatum )a commis un pêcheur (pescator) sur cette plage habituellement tranquille en ce mois de mars 2007 ? Miss Ida Renerel a-t-elle été prise au hameçon d’un pécheur (peccator) devant l’éternel ressac des vagues menaçant le rivage corse? Ou alors, 5
est-elle la pécheresse ou une sirène qui a emporté gravement le pêcheur (pescator) au fond de la mer parfois tranquille, parfois rageuse et toujours mystérieuse… L’expectative dans laquelle il se trouve rend Denticoni d’une humeur péccante. Notre pandore corse avait pris l’appel de cette aventurière parlant le français avec un fort accent américain. Elle avait décliné son identité qu’il avait mentionnée dans le registre des appels avant d’y enregistrer sa déclaration téléphonique… Mais est-on bien certain que ces photos aient été laissées par Ida Renerel ? A moins que cette dernière ne l'ait spécifié lors de son coup de fil à la gendarmerie ? On ne saurait exclure qu'elle ait été enlevée et que ces deux clichés aient été placés là par son ravisseur. Une sorte de défi aux enquêteurs… On ne peut pas exclure, non plus que ces clichés n'aient aucun lien avec Ida Renerel.
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Que disait-elle, au juste, durant cet appel reçu par l'adjudant Denticoni ? Semblait-elle inquiète, voire affolée ? Combien d'appels ont été passés ce même jour de la disparition d'Ida Renerel, depuis cette cabine sur la plage ? A qui ? Se pourrait-il qu'Ugo Pandolfi, par exemple, dont on sait l'admiration que lui voue Ida Renerel, soit au nombre des personnes contactées depuis cette cabine ? Peut-être, mais il l'ignore encore, n'ayant pas eu le temps de rentrer chez lui, qu'un message d'Ida l'attend, sur son répondeur. Un message qui pourrait éclairer la lanterne de Sextius… L'adjudant Denticoni a-t-il bien inventorié le contenu de la poubelle située juste à côté de la cabine ? A-t-il été possible, aussi, de déterminer depuis quand Ida se trouvait en Corse, par quels moyens s'y était-elle rendue, et si elle était descendue dans quelque hôtel proche de cette plage ? C'est cela qu'il faudrait savoir… 7
Les bottes que l'adjudant Denticoni voulut prêter au substitut Camesson étaient trop petites. Malgré sa petite taille, le magistrat chaussait du 44. L' affaire s'annonçait mal. Après tout il n'y avait pas de cadavre à voir sur cette plage. Des traces de sang tout au plus, avait dit le gendarme. Deux photos et l'appel d'une étrangère à partir d'une cabine téléphonique que France Télécom avait eu l'idée saugrenue de poser sur la laisse de la mer comme on abandonne un chien avant de partir en vacances. Décidément Camesson n'avait pas de chance. Les deux dernières semaines qu'il venait de passer étaient maudites. La première gagnait le pompon au calendrier des cauchemars: Madame Camesson ne supportait plus rien, ni la Corse, ni les insomnies de son substitut de mari, ni les infidélités de son amant. Lundi, elle avait clairement signifié son intention de divorcer et de retrouver son Ile de France natale. Le lendemain, le 6 mars, Jean Baudrillard était mort. Le mercredi et le jeudi, Etienne Camesson avait tenté en vain de retrouver les deux premiers volumes des Cool Memories dans lesquelles il avait une envie folle de se replonger. Il ne les découvrit que vendredi dans les cartons abandonnés dans le fond du 8
garage où les surmulots avaient fait leurs nids. Samedi, sa fille fêtait son quatorzième anniversaire avec une quinzaine de copines en folie. Camesson s'était réfugié au Palais de Justice. Il avait ensuite passé son dimanche à faire disparaître de son champ visuel les emballages de Carambar et les boites poisseuses de Coca Light. Les jours qui suivirent n'avaient rien apaisé. A présent, il était calme, serein presque, simplement parce qu'il était de permanence ce dimanche, et qu'il marchait sur la plage avec l'adjudant Sextius Denticoni. Le magistrat n'avait jamais été déçu par les gendarmes qui font du zèle. Et Denticoni, question zèle, il avait les palmes, le masque et le tuba. Total zélé, le Sextius, une couronne de lauriers sous le képi. Son inventaire de la poubelle située juste à côté de la cabine téléphonique était d'une précision exemplaire. Pas vraiment ragoutants les détails. Mais suffisament inquiétants pour que le substitut Camesson commence à se torturer les méninges. Mention de main courante : Disons que, ce jour, nous avons reçu un appel téléphonique d’une personne se présentant 9
comme étant la Dame Ida Renerel nous informant que l’éclipse lunaire de la nuit du 3 au 4 mars dernier était annonciatrice d’un drame qui était en train de se jouer sur une plage de la commune,d’où elle était entrain de nous appeler. Elle a raccroché, sans nous laisser le temps d’essayer d’en savoir plus. D’heureux chef, nous transportons sur place. L’Adjudant Sextius Denticoni. Procès verbal de découvertes, saisies et placements sous scellés : Nous, Sextius Denticoni Adjudant-chef, Officier de Police Judiciaire Poursuivant nos constatations, Sans désemparer, Disons procéder à l’inventaire et à la mise sous scellés des objets et documents découverts dans la poubelle de la cabine téléphonique située sur la plage de notre commune, comme suit : 10
Scellé n° UN : Un exemplaire de la nouvelle policière " A case of identity " écrite par Sir Arthur Conan Doyle, contenant un marque page des Editions Little Big Man et deux photographies de la plage avec la cabine téléphonique. Scellé N° DEUX : Un boite vide de cigares de marque Ninas contenant un cafard mort. Scellé N° TROIS : un billet d’invitation à une répétition de la pièce de Shakespeare "la Tempête ", par une troupe de comédiens corses amateurs. Scellé N° QUATRE : Une chaussette multicolore genre Burlington supportant des traces noirâtres. Scellé n° CINQ : Dans un petit vase de Soissons, un petit poinçon rouge. Scellé N° SIX : Une boite de conserve ronde non ouverte avec les indications "merda d’artista ", "artist’s shit ", 30 grammes, Piero Manzoni.
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Scellé N°SEPT : Un rouleau de papier hygiénique sur lequel est imprimé un article signé par Marcel Duchamp. Scellé N° HUIT : Une page du catalogue de La Redoute consacrée aux articles de pêche, sur laquelle une main a écrit : " Le chemin , c’est moi, parce que je suis la vérité et la vie. Personne ne va au père sans passer par moi. Jean 14 :6. ". Scellé n° NEUF : Une pierre enveloppée dans une feuille de papier sur laquelle est écrit : " Tamo ! Samo ! ". Disons que des recherches de traces papillaires et biologiques ont été effectuées sur les lieux et sur les différents objets et documents saisis. Les relevés effectués feront l’objet d’analyses au laboratoire de police scientifique. Disons que des clichés photographiques ont été pris et seront annexés. Disons que nous ferons appel à un interprète en langue anglaise pour traduire les termes : " A case of identity " et " artist’shit". 12
Disons que, avisé par nos soins, Mr CAMESSON, substitut de permanence, nous a rejoint sur les lieux. L’officier de police judiciaire De son côté, Sextius observait à la dérobée Camesson, avec la perplexité du pêcheur à la ligne qui vient de remonter une espèce non répertoriée. Drôle de petit bonhomme, avec ses panards comme des chaloupes de débarquement, son costume qui sortait indubitablement du bon faiseur mais semblait avoir séjourné longuement dans un panier de linge sale avant d'en être extrait en toute hâte sans passer par la case "teinturier", sa cravate -Denticoni misa pour de la soie- nouée à la diable, ses cernes prononcés et ce début de calvitie que, soit par négligence, soit par suprême crânerie, il ne cherchait pas à dissimuler. Pas brillant-brillant, mais Sextius avait appris, depuis fort longtemps, à ne pas s'arrêter à la prime apparence de ses semblables. Pas plus qu'à se fier aux "on-dit". Camesson passait pour un type compétent, bosseur. Pas le genre de magistrat à se faire muter en Corse pour s'y croiser les bras en méditant sur les discours qu'il tiendrait plus 13
tard, à Lille, Aix ou Paris, sur l'impossibilité qu'il y avait sur ce fichu caillou à faire suivre à la justice le cours normal et serein qui était le sien partout ailleurs. Sans négliger l'incontournable tirade sur l'omerta, et quelques vacheries tout en demi-teintes sur le manque de zèle dont font preuve policiers et gendarmes, singulièrement lorsqu'ils se trouvent être du cru… Camesson semblait être d'une toute autre trempe. "Un pur" avait même entendu dire Sextius un jour à son propos. Mais il se méfiait des réputations, bonnes ou mauvaises, préférant ne s'en remettre qu'à sa propre expérience. Or si monsieur le substitut paraissait s'être échappé en toute hâte d'un camion-benne de la voirie ou -allez savoir ?s'être arraché avec plus ou moins de regret aux griffes laquées de quelque cabouleuse de Bastia, Denticoni nota que malgré les cernes et les conjonctives de la couleur d'un bigarreau à l'eau-de-vie, le regard d'Etienne Camesson était tout sauf éteint. Las, mais pas blasé, l'homme. Sans la moindre considération pour ses chaussures italiennes, le magistrat s'en vint rejoindre le gendarme qui arpentait à présent le rivage détrempé. 14
"Je ne suis pas certain que ce doigt coupé soit celui de la femme" dit-il. A part lui, Sextius se fit la réflexion que Camesson avait employé la même formule que lui : depuis qu'il avait pris son appel, qu'il avait entendu sa voix, chaude, légèrement rauque, râpeuse comme un vieux velours précieux, il ne pensait pas à la disparue comme à "la dénommée Ida Renerel", ni comme à la "victime présumée". Pour lui, elle était tout simplement "la femme"… ...à se torturer les méninges car le fond de la poubelle réservait manifestement une bien curieuse surprise. Parmi les détritus, qu'un grouillement de vers de vase mêlés de sciure semblait se faire mouvoir, Denticoni avait relevé quelques indices intrigants. Une boîte d'appâts, tout d'abord. A peine entamée, pour peu que l'on puisse se fier à la quantité de lombrics qui infestaient la poubelle. Or, son emballage était maculé de sang. Mais ce n'est pas tout : au milieu de ces immondices, Denticoni avait exhumé trois étuis de munitions. D'un genre peu commun, vu la 15
rareté de l'alliage utilisé. L'adjudant pensait à des douilles de balles explosives...
Mail à l'attention de l'Adjudant Denticoni: Comment faire une action offensive? http://pute2life.free.fr/public/tutorial.php Cliquez sur "Boite", puis choisissez un cafard. En validant, vous aurez accès à toutes vos actions offensives disponibles Rédigé par: Blatte man | le 14 mars 2007 à 10:03
Mail à l’attention du Substitut Camesson C’est une P’tit Jazzman Noir Un type bizarre Qui boit sa bière au comptoir 16
En fumant son cigare. C’est un p’tit Jazzman Noir Au piano bar Je l'ai rencontré un soir Le prédateur de cafard. http://poesie.webnet.fr/vospoemes/3356/2268 1.html Gisèle d’hôpital psychiatrique, sa Carmen à cigare, sa Belle au bois dormant junkie … http://www.lyonweb.net/agenda/e/864/Balletde-l-Opera-de-Lyon-Solo-for-two-1996Fluke-2002-.htm … Qui m’emmène vers nulle part Et qui me ramène Dos à dos avec mon cafard Qui broie du noir 17
Dans tous les bars En réalité je me marre Car la vie c’est un cadeau A quoi bon broyer du noir ? Il vaut mieux fumer un bon cigare… www.algeriedz.com/forums/archive/index.php/t-106.html
Denticoni lisait et relisait le message signé Blatte man , lorsque le téléphone coupa le silence dans lequel somnolait la gendarmerie à l’heure de l’apéritif. C’était le substitut Camesson, destinataire d’un autre message signé le cancre las. Le scellé N°2 prenait de l’ importance dans une enquête au point mort, ce qui faisait cafarder l’adjudant. Avec les deux messages et les indices, il se disait qu’il aurait bien besoin d’un profiler capable de lui fournir sur l’identité du coupable plus de renseignements 18
que l’ADN… Mais coupable de quoi ? Cette question le soulagea . Pour l’heure, il n’avait aucun cadavre sur la commune et , si un meurtre avait été commis sur la plage, ce serait peut-être une autre gendarmerie qui hériterait du cadavre jetée à la mer, d’autant plus qu’une tempête avait sévi causant même des dégâts à une des paillotes pas encore brûlée sur ordre d’un préfet. Faute de spécialiste du profilage, il irait se jeter derrière le gosier un coup de blanc de Roglianu, en compagnie du Babbu du Village, ce patriarche dont la sagesse et la mémoire seraient des atouts précieux. En outre, le grand-père avait des dons de mazzeru qui se révélaient le plus souvent après quelques canistrelli trempés dans du vin blanc, lorsqu'on lui offrait de fumer un cigare. Il devenait volubile avec des volutes fumeuses qui éclairaient le réduit de son cerveau en même temps qu'elles opacifiaient sa vision des choses. Comme dans cette étrange photographie prise sous un ciel zinzolin.
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Soudain, l'adjudant eut une illumination. La vue d'un chat noir, liée à l'action du blanc, réveilla en lui sa curieuse prédisposition au mazzérisme. Et là, un providentiel don de prophétie funèbre lui laissa entrevoir le visage de la victime. Celui d'une femme. Jeune. Brune. Fluette. Mais très vite, cette vision évanescente, semblable à une volute, se dissipa sous l’effet d’un cri de terreur, celui de " ma biche ". Notre adjudant dégaina son arme et monta à quatre jambes les deux marches qui le séparaient de son épouse localisée dans la cuisine en train de préparer des "bastelle", sortes de chaussons de pâte à pain fourrés avec des blettes, du brocciu… et des olives noires. Celle-ci s’était d’abord étonnée qu’une des olives aient des pattes qui lui permettent de venir toute seule se faire dénoyauter , suivie par une seconde, une troisième… celle de trop qui déclencha l’alarme et les cris de " ma biche ", donc Joséphine car tel était le prénom de la "femme d’adjudant"…
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Nous disons bien la femme d’adjudant , et non pas " de l’adjudant " , car il s’agit d’un titre plus que d’une fonction matrimoniale. Oui ! En épousant un gendarme, on s’engage dans la gendarmerie. Le " mari de femme d’adjudant ", essoufflé par l’effort produit pour sortir son arme et monter deux marches, trouva sa " collaboratrice conjugale " prête à enjamber la fenêtre. Il crut à un attentat commis par des agresseurs cagoulés. Devant leur nombre et leur taille, il réalisa qu’il s’agissait d’une armée de cafards et choisit l’arme chimique pour exterminer les intrus qui portaient atteinte à l’intégrité de son territoire familial. La réalité aurait du le faire rire mais elle le ramenait à l’énigme du doigt coupé, au cafard mort dans la boite de cigares, aux deux messages de Blatte man et du Cancre las… L’invasion de cafards dans son appartement de fonction ne pouvait être fortuite. Cette pensée l’angoissa jusque pendant son sommeil rempli de cauchemars dans lesquels il voyait des cafards fumant des cigares qui se transformaient en balles explosives, pendant 21
qu’un doigt coupé le désignait comme la cible à atteindre… La première fois que Sextius vit Joséphine, il la trouva franchement belle. . Elle lui plut, enfin. - Stop ! fit le lecteur. Y en a marre. Vous n'allez tout de même pas vous prendre pour Aragon et nous récrire Aurélien. Non, mais... Il aima comment elle était habillée...tenta à nouveau l'adjudant Ticoni qui voulait participer à l'écriture d'un roman en ligne qu'une bande de farfelus avait lancé dans le cyberespace. -Basta, je te dis ! Ta disparue de la plaine orientale, c'est pas l'inconnue de la Seine, d'accord ? Faites nous un polar normal...Je sais pas moi, un truc simple, avec des cadavres, des tueurs, des témoins, des mobiles, des vrais flics, une enquête. Comme à la télé quoi... - Ecoute petit, tu nous les brises avec tes clichés. On écrit ce qu'on veut, où on veut et quand on veut, intervint Camesson. Le 22
substitut se tenait assis, dans un coin de la pièce, en tentant de se débarrasser de bottes qui étaient trop petites pour lui. - Qui t'es toi, bouffon ? fis le lecteur, surpris. Camesson l'ignora. L'adjudant Ticoni sourit, se leva lentement de sa chaise et se dirigea lentement vers le lecteur. Il se pencha vers lui et murmura quelques mots à son oreille. - Je savais pas, m'sieur. Excusez moi. Je pouvez pas savoir... -Petit con, nique ta simplement le magistrat.
mère
!
répondit
- M'injuriez pas, m'sieur le substitut. Je vous ai présenté mes excuses. Il me semble que... - Comment y me parle, lui ! répondit Camesson. Et où t'as appris à parler sur ce ton ? -C'est au collège, m'sieur. On fait des leçons de mots, chaque semaine. C'est obligatoire. 23
On doit employer des mots nouveaux chaque fois. C'est pas ma faute, c'est obligatoire...Je vous jure. L'adjudant Ticoni fixa le substitut. Celui-ci regarda à son tour le gendarme. Les deux hommes étaient dubitatifs. Ils se tournèrent ensemble vers le jeune homme. -D'accord, on veut bien te croire, fit le substitut Camesson. Tu va nous raconter une petite histoire avec le mot... Camesson hésita, interrogea du regard l'adjudant. Il cherchait un mot difficile. Ticoni restait muet. Camesson se décida enfin. -Une histoire avec le mot...hameçon. Le jeune lecteur leva les yeux, regarda tout autour de lui, réfléchit un long moment avant de se lever pour narrer son histoire. -La semaine dernière, mon père a fait une grosse colère. Il voulait s'acheter des bottes pour aller à la pêche. Il a fait plusieurs magasins, mais il n'a rien trouvé. En rentrant il était furieux. Il criait après ma mère qui ne 24
comprenait rien à son histoire de bottes. C'est qu'hameçon toutes trop petites lui a t il expliqué. - Je la connaissais, fit le gendarme, hilare. C'est l'histoire de Johnny, a queu hameçon trop petites. C'est Johnny, à queu’oui... -Je vous en prie adjudant, fit sèchement le magistrat. Elle n'est pas drôle. Et, je vous signale tout de même que c'est pas gagner, votre cyber enquête à la con avec cette histoire de cafard dans la boite et vos délires magico-ethniques. Je veux un dossier béton, moi. Vous entendez ? Béton ! Un long silence s'installa dans la pièce enfumée. - Béton, c'est pas possible, monsieur le substitut. Pas dans l'immédiat, fit le gendarme, timidement. - Et pour quelles raisons, s'il vous plaît ? -Les ententes illicites, monsieur le substitut. Vous avez pas lu les journaux. Les cimentiers, 25
ils viennent de se faire allumer par le Conseil de la Concurrence. Personne ne parlera. -L'omertà, en Corse, c'est la bonne excuse des mauvais flics, répondit Camesson. C'est pas moi qui le dit. C'est l'ancien patron du SRPJ d'Ajaccio qui l'affirme. Et croyez moi, il sait de quoi il parle. On va les trouver vos témoins. Et ils vont parler. Ils vont être encore plus bavards que les touristes de Guantanamo. -Vous voulez dire que l'enquête va reprendre comme dans un vrai polar ? interrogea le lecteur, audacieux.
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Saison 2 La disparue de la plaine aurait-elle enfin un visage ? Il manque toujours un doigt à une main. L'intrigue se complique et la boite aux indices s'enrichit de vieux films en noir et blanc en VO sous titrée. Le feuilleton se poursuit... Denticoni s’était retrouvé avec ce doigt coupé et des étuis de munitions à rajouter dans son procès verbal. Heureusement, il avait emporté avec lui son paquet de bâtonnets ouatés et, en le vidant, le petit sac en plastique avait servi de réceptacle convenable. Pour s’éponger le front, il sortit le mouchoir avec les initiales de son pauvre père. Bâtonnet et mouchoir, les deux accessoires indispensables pour garder l’ouïe fine et son flair d’enquêteur. Pour la vue, il disposait d’une paire de lunettes corrigeant sa myopie, seule excuse à présenter pour avoir négligé des indices importants. Il disposait maintenant d’une empreinte digitale et d’un ADN dans un seul 27
doigt. Il restait à découvrir quelle identité se cachait dans les méandres digitaux et les serpentins d’Acide désoxyribonucléique. .. Maintenant, il faisait des cauchemars. Il y a des jours où Denticoni se dit qu’il laisserait bien béton, mais ce ne sont que des défaillances passagères. Il suffit de laisser un peu de sable du temps s’écouler, d’y jeter dessus un bon verre d’eau de vie pour cimenter les fêlures et refaire la façade de son opiniâtreté de gendarme. Il faudrait cependant fortifier les fondations de son enquête pour ensuite, pierre après pierre, construire la clôture autour du coupable pour la transformer en prison. Mais quel coupable ? Quel crime ?… Heureusement, une affaire insulaire, qui risquait de faire voler en éclat l’entente des cimentiers avec de nouvelles éclaboussures médiatiques, occupait la magistrature et sa hiérarchie, tout en mettant du liant dans l’histoire. Personne ne lui avait encore mis la pression pour que les investigations avançassent plus vite, à part, peut-être, un lecteur de polar qui confondait fiction et réalité… Même pas le Substitut Camesson. 28
Etienne Camesson cachait, derrière son dexième prénom " Ferdinand ", un secret de famille. Ferdinand était son trisaïeul, né à Boubers sur Canche dans le Pas de Calais et décédé à la prison de Riom, , sans domicile fixe. Au palais de justice, ses collègues surnommait le juge aux grands pieds " le clown " ou bien " Jameson " , une allusion à son goût affirmé pour la boisson gaélique aux reflets cuivrés et aux effets d’une bonne cuite. Etienne, Ferdinand Camesson avait fait la plus grande partie de sa carrière dans des îles lointaines qui lui avaient donné le goût du " Kolé Séré" et des peaux noires. La biguine et ses béguins lui avaient valu des menaces de mort de la part de quelques maris jaloux. D’île en île, il s’était rapproché de la France pour se retrouver en Corse, où il avait trouvé charentaise à son pied puisque son épouse était native de Gardes-le-Pontaroux,. " Quétou qu'olé ? " était la question que sa drôlesse lui posait de façon récurrente. Si ces mots de patois charentais lui rappelaient ses frasques antillaises, ils signifiaient en réalité " 29
Qu’est-ce que c’est ? " car, en Corse, la Charentaise un peu sourde avait pris du sable dans les oreilles. Lorsque nous disons " à son pied ", nous devrions dire à ses pieds, puisqu’il s’agissait de sa greffière devenue son épouse. Nous ne mettrons pas un pied de plus car le reste est du domaine de la vie privée.. et depuis lors, ils eurent un caniche, un matou corse et, avec l’aide de la science, une fille. Après le mariage, la justice était devenue une affaire familiale et notre juge faisait des rêves de grandeur. Il se voyait vêtu d’un habit bleu sur une robe rouge, et coiffé de son bonnet rond sur lequel une balance était cousue de fil d’or. Parfois la plume de Maât venait et voletait au dessus des plateaux de la balance lorsqu’il siégeait au tribunal d’Osiris… Sous sa toque de magistrat, Camesson avait pu développer son esprit cartésien, mais, en Corse, c’était sa part d’irrationnel qui prenait le dessus, la part qui rêve. Pour l’heure notre porteur de mortier ( c’est ainsi que l’on désigne la toque d’un magistrat) était accaparé par l’affaire des cimentiers… Cette enquête ne semblait pas bâtie sur du sable sur lequel on 30
avait pas semé : L’action judiciaire engagée n’était pas inutile. Bien sûr, les ententes illicites ne sont pas des mystères et l’énigme posée par Ida Renerel est bien plus Holmesienne. Il s’agit d’un doigt coupé, non d’un nez. On aurait pu alors penser que Ida Renerel était devenue une nazimozze, cette fée corse sans nez, ou bien qu’elle avait fourré son nez là où il ne fallait pas , comme ,par exemple, une affaire d’entente illicite… Lorsqu’il lisait la presse, notre adjudant Denticoni voyait des doigts coupés partout. En Californie, une femme affirme avoir découvert un morceau de doigt dans son sandwich et en Ecosse, un chef cuisinier s’était coupé un doigt en ouvrant un avocat. Ce crétin de gendarme Olivieri n’arrêtait pas de chanter … Oh oh oh jolie poupée sur mon doigt coupé oh oh oh jolie poupée 31
tu me fais chanter Y'a des marteaux du stylo intellectuels moi j'ai du style au marteau j'suis un manuel j'tap' sur un clou j'me tap' sur les doigts j'coup' un bout d'bois j'me coup' un bout d'doigt heureus'ment j'ai tout prévu en pareil cas sous la main j'ai du coton sparadrap Oh oh oh jolie poupée sur mon doigt coupé oh oh oh jolie poupée tu me fais chanter oh oh oh jolie poupée sur mon doigt coupé oh oh oh jolie poupée 32
bobo pas pleurer… Et si ce doigt n’était que le premier d’une série ? Aucune revendication n’était parvenue officiellement. Les deux messages anonymes pouvaient être des plaisanteries de mauvais goût ou l’œuvre d’un fou. La thèse de l’enlèvement n’était pas idiote puisqu’aucun corps n’avait été retrouvé…. Notre enquêteur enleva son képi pour donner plus d’espace à son crâne dans lequel les idées se trouvaient à l’étroit, lorsque le curé du village entra dans la gendarmerie. Le saint homme venait voir l’adjudant pour lui faire part de la peur collective de ses ouailles. L’affaire du doigt coupé alimentait toutes les conversations. Les rumeurs allaient bon train et nos villageois voyaient derrière tout cela la main du malin Alors que Denticoni s’évertuait à rassurer notre curé qui ne pratiquait pas l’exorcisme, ce dernier sortit un livre de sa poche et lui fit la lecture du martyre de Saint Jacques l’Intercis : un extrait de La légende dorée de Jacques De Voragine, œuvre traduite par l’Abbé J-B M. RozeL'ABBÉ, Chanoine Honoraire de la cathédrale d'Amiens, aux éditions Edouard Rouveyre. 33
" … Alors, les bourreaux lui coupèrent le pouce de là main droite; et Jacques s'écria : " Jésus de Nazareth, mon libérateur, recevez ce rameau de l’arbre de votre miséricorde; car, celui qui cultive la vigne en coupe le sarment, afin qu'elle pousse de plus beaux jets et qu'elle produise avec plus d'abondance. " Le bourreau lui dit : " Si tu veux obéir, je puis encore t'épargner, et je te donnerai des médicaments. " Jacques répondit: " N'as-tu pas vu un cep de vigne? Quand on coupe les sarments, le noeud qui reste produit de nouvelles branches, à chaque taille, quand le temps est venu et que la terre commence à s'échauffer; si donc on taille la vigne à différentes époques, pour qu'elle produise des jets, à combien plus forte raison le chrétien fidèle en donnera-t-il, lui qui est enté sur la véritable vigne qui est le Christ? " Alors, le bourreau vint lui couper le second doigt. Et le bienheureux. Jacques dit : " Recevez, Seigneur; ces deux rameaux qu'a plantés votre droite. " Il coupa encore le troisième, et saint Jacques dit : " Délivré d'une triple tentation, je bénirai le Père, le Fils et le SaintEsprit, et avec les trois enfants préservés dans la fournaise, je vous confesserai, Seigneur, et en union avec le choeur des martyrs, je 34
chanterai des cantiques à votre nom, ô JésusChrist ! " Le quatrième doigt fut coupé aussi, et Jacques dit: " Protecteur des enfants d'Israël, qui avez béni jusqu'à la quatrième génération, recevez de votre serviteur le témoignage de ce quatrième doigt, comme ayant été béni en Juda. " Quand le cinquième doigt fut coupé, il dit : " Ma joie est, complète. " Alors, les bourreaux lui dirent : " Epargne maintenant ta vie ne meurs as, ni ne te contriste point d'avoir perdu une main ; car il y en a beaucoup qui n'en ont plus qu'une, et qui possèdent beaucoup de richesses et d'honneurs. " Le bienheureux Jacques répondit : " Quand les bergers se mettent à tondre leurs troupeaux, enlèvent-ils seulement la toison de droite, et laissent-ils celle qui est à gauche? Et moi qui suis un homme raisonnable, dois-je moins dédaigner d'être tué pour Dieu ? " Alors ces impies s'approchèrent et coupèrent le petit doigt de la main gauche, et Jacques dit : " Vous, Seigneur, vous étiez grand, et vous avez voulu vous faire tout petit et chétif pour nous; c'est pour cela. que je vous rends le corps et. l’âme, que vous avez créés et rachetés de votre propre sang. " On coupe ensuite le septième doigt, et il dit : " Sept fois le jour, 35
j'ai célébré les louanges du Seigneur. " On coupe le huitième, et il dit : " Le huitième jour, fut circoncis Jésus, et le huitième jour, on circoncit l’hébreu, afin de l’admettre aux cérémonies légales; faites donc, Seigneur, que l’esprit de votre serviteur se sépare de ces incirconcis qui conservent leur souillure, afin que je vienne à vous et que je voie votre face, Seigneur. " On coupe ensuite le neuvième doigt, et il dit : " A la neuvième heure, le Christ rendit l’esprit sur la croix; ce qui me fait confesser votre nom et vous rendre grâces par la douleur de ce neuvième doigt. " On coupe le dixième; et il dit : Le nombre dix est celui des commandements... Alors, quelquesuns de ceux qui étaient là lui dirent : " O vous, qui avez été autrefois notre ami intime, faites votre déclaration seulement devant le consul, et vous vivrez ; car, quoique vos mains soient coupées, il y a cependant de très habiles médecins qui pourront guérir vos douleurs. " Jacques leur dit : " Loin de moi une si infâme dissimulation ! car quiconque, ayant mis sa main à la charrue, regarde derrière soi, n'est point propre au royaume de Dieu. ". Alors, les bourreaux indignés s'approchèrent et lui coupèrent le pouce, du pied droit, et Jacques dit : " Le pied du Christ 36
a été percé, et il en est sorti du sang. " On coupe le second doigt du pied, et il dit: " Ce jour est grand pour moi, en comparaison de tous les autres de ma vie ; car aujourd'hui, j'irai vers le Dieu fort. " Ils coupèrent aussi le troisième, qu'ils jetèrent devant lui ; alors. Jacques dit en souriant : " Va, troisième doigt, rejoindre tes compagnons,; et de même qu'un grain de froment rapporte beaucoup de fruits, de même aussi, au dernier jour, tu reposeras avec tes compagnons. " On coupe le quatrième, et il dit : "Pourquoi es-tu triste, ô mon âme, et pourquoi te troubles-tu ? Espère en Dieu, car je lui rendrai encore des actions de grâce; il est mon Sauveur et mon Dieu." On coupe le cinquième, et il dit " Je puis dire maintenant au Seigneur qu'il m’a rendu digne d'être associé à ses serviteurs. " Alors ils prirent le pied gauche, et en coupèrent le petit doigt, et Jacques dit : " Petit doigt, console-toi, car le petit et le grand ressusciteront également; si un petit cheveu de la tête ne périra pas, pourquoi serais-tu séparé de tes compagnons ? " On coupe le second, et Jacques dit : " Détruisez cette vieille maison, car on m’en prépare une plus belle. " On coupe le troisième, et, Jacques dit: " L'enclume s'endurcit sous les coups. " On 37
coupe encore le quatrième, et il dit : " Fortifiez-moi, Dieu de vérité, parce que mon âme se fie en vous et que j'espérerai à l’ombre de vos ailés, jusqu'à ce que l’iniquité soit passée. " On coupe . aussi le cinquième, et il dit : " Voici, Seigneur, que je, m’immole pour vous vingt fois. " Alors ils lui prirent le pied droit et le coupèrent ; Jacques dit : " J'offre ce présent au roi du ciel, pour l’amour de qui j'endure ces tourments. " Ils coupèrent ensuite le pied gauche, et le bienheureux Jacques dit : " C'est vous, Seigneur, qui faites des merveilles ; exaucez-moi et me sauvez. " Ils coupèrent la main droite, et il dit : " Que vos miséricordes me viennent en aide, Seigneur! " A la gauche, il dit : " C'est vous, Seigneur, qui opérez des merveilles. " Ils coupèrent le bras droit, et il dit : " O mon âme, louez le Seigneur. Je louerai le Seigneur pendant ma vie; je célébrerai la gloire de mon Dieu, tant que je vivrai. " Après quoi, ils coupèrent le bras gauche, et il dit " Les douleurs de la mort m’ont. environné ; au nom du Seigneur, j'en serai vengé. " Alors ils s'approchèrent., et coupèrent la jambe droite en la sciant jusqu'aux reins. Le bienheureux Jacques, accablé par une douleur inexprimable, s'écria : " Seigneur Jésus-Christ, aidez-moi, car les 38
gémissements de la mort m’ont environné. " Puis, il dit aux bourreaux : " Le Seigneur me recouvrira d'une nouvelle chair, que vos blessures ne sauront souiller." Les bourreaux étaient épuisés, parce que, depuis la première heure du jour , jusqu'à la neuvième, ils avaient sué à le trancher. Enfin ils prirent sa jambe gauche, et la coupèrent jusqu'aux reins. Alors saint Jacques s'écria : " Souverain Seigneur, exaucez un homme à demi mort ; vous êtes le . maître des vivants et des morts. Des doigts, Seigneur, je n'en ai plus pour les lever à vous; des mains non plus, pour les étendre vers vous ; mes pieds sont coupés et rues genoux sont abattus, je ne puis plus les fléchir devant vous ; je suis comme une maison qui a perdu ses colonnes et qui va crouler. Exaucez-moi, Seigneur J.-C., et ôtez mon âme de prison. " Après ces mots, un des bourreaux s'approcha et lui coupa la tète… " Denticoni était resté muet alors que l’angoisse l’envahissait à l’idée de recevoir un cadavre en kit. L’homme d’église lâcha, avant de retourner dans sa maison de Dieu : " Il ne faut surtout pas prendre cette histoire à la légère. Mon petit doigt me l’a dit… " Denticoni avait été à deux doigts de pousser un juron… C’est 39
ainsi que s’acheva la rencontre entre le sabre et le goupillon.
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Saison 3 Entre les anagrammes d' Ida Renerel et les nouveaux outils de la version beta d'Europeana, les enquêteurs se prennent la tête de lectures. Les indics sont aussi bavards que l' attachée de presse d'un narcotrafiquant en cavale. Quant à la boîte aux indices, c'est un gros sac de noeuds gordiens. Courage, lecteur ! Personne n’avait entendu parler de Ida Renerel avant sa disparition. Depuis lors, l’épicier avait vu ses ventes d’aulx augmentées notablement et, pour protéger des démons, leurs tresses étaient apparues au dessus des portes de nombreuses demeures. L’adjudant Denticoni revenait sans cesse à la liste des pièces à convictions. Il faudrait plusieurs semaines au Laboratoire de police scientifique de Marseille pour lui fournir les résultats des diverses analyses. Il ne pouvait qu’échafauder des théories plus fumeuses les unes que les autres car alimentées par la rumeur et les croyances. La phrase tirée d’un texte saint l’intriguait…. " Le chemin , c’est moi, parce que je suis la vérité et la vie. 41
Personne ne va au père sans passer par moi. " Le père de qui ? Le Bon Dieu ? Il s’agissait peut-être du curé du village… Personne va au père sans passer par moi ? Le criminel voulait-il imposer l’omerta jusqu’à contrôler les confessions en établissant une censure préalable : venez tout me dire et je vous dirai ce que vous pourrez confesser à votre curé sans que je vous coupe un doigt. Cela voudrait dire que tout le village le connaissait… Impossible ? En Corse, l’impossible est parfois possible et c’est le possible qui tourne trop souvent à l’impossible… Et cette pierre associée aux deux mots Tamo ! Samo !… Il en avait parlé au Babbone. Le grand-père du village connaissait la pierre de Castirla et le pouvoir de cette calcidoine du Col d’Ominanda. En la tenant dans une main, il fallait prononcer cette incantation " Tamo ! Samo ! ", une sorte de sésame qui ouvrait la porte d’une quatrième dimension : " voir sans être vu "… Une chose était sûre, pour affronter cette enquête, il fallait savoir lire sous la pierre : notre adjudant est un malin qui sait attendre tout en réfléchissant… Il savait que un grand nombre des Corses préféraient se mettre des pierres dans la bouche plutôt que 42
de parler… Et même si la pierre de Castirla ne les rendait pas invisibles, elle pouvait les laisse muets… Notre adjudant mit cette pierre magique dans ses mains jointes et prononça l’incantation " Tamo ! Samo "… Il attendit quelques minutes devant un miroir qui, incrédule, lui renvoyait avec insistance son image inversée et , en fond, son épouse Joséphine qui se signait de droite à gauche… Des anomalies sans mystère lorsqu’on y réfléchit… avec l’aide de la science! Le substitut Camesson n'avait pas fermé l'oeil de la nuit. Le passage à l'heure d'été entre le 24 et le 25 mars n'y était pour rien. Paul Féval et son histoire de revenants l'avaient hanté jusqu'à l'aube. Camesson avait lu cette histoire extraordinaire, moitié bretonne, moitié parisienne, à cause du dernier rapport que lui avait transmis l'adjudant Denticoni et de l'incroyable découverte qu'il contenait. Denticoni expliquait comment son collégue Olivieri, un passioné d'informatique, avait découvert que Ida Renerel disposait d'un compte sur europeana.eu, la version expérimentale française de la Biblliothéque Numérique Européenne. Ce compte permettant d'accéder à une bibliothèque 43
personnalisée, contenait quatre document dont le roman de Paul Féval, deux ouvrages de Gabriel Tarde sur la politique et le crime et le huitième volume des figures célèbres répertoriés par Angelo Mariani, l'inventeur du vin à la cocaïne. Au delà du caractère eclectique de son contenu, ce qu'il y avait d'extraordinaire dans ce compte d'Ida Renerel, c'était son existence même. Ida Renerel était portée disparue depuis le début du mois de mars. Le problème, c'est que europeana.eu n'était accessible au public que depuis le 22 mars 2007, soit prés deux semaines après sa disparition. Camesson avait besoin qu'une commission rogatoire obtienne auprès des hébergeurs de la bibliothèque numérique la date exacte de l'ouverture de son compte. La disparue de la plaine orientale devait faire partie des intiés qui avaient mis au point la version béta de la Bibliothèque Numérique. C'était la seule explication possible. Où alors Ida Renerel était une revenante !
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L’adjudant Denticoni, utillisateur d’une vieille machine à écrire Japy, avait du mal à supporter l’informatique et le gendarme Olivieri. Il considérait que ce " bidouilleur " du numérique prenait un peu trop d’importance au sein de la brigade. Ce ressentiment était exacerbé lorsque ce dernier répondait à une question par le rituel " C’est trop long à vous expliquer, je vais le faire, mo adjudant". Force était de constater qu’ Olivieri était ainsi devenu seul maître à bord devant le clavier de l’ordinateur, ayant décidé que son chef était trop primaire pour comprendre le langage binaire. Et voilà que maintenant, ce jeune gendarme, originaire de la Balagne, la jouait fine pour aller chercher sur Internet une histoire de revenante, en se basant sur une identité dont personne n’était sûr. Ida Renerel pouvait être l’anagramme d’une multitude d’identités féminines, à condition que nous ayons affaire à une femme. Pour contrer son subalterne, Denticoni s’était amusé à chercher tous les anagrammes possibles : Ida Nerrele, Léa Dreiner, Léa Derrien… Derrine Ale.. et pourquoi pas Iréne Adler ou Lina, Renée, Aline etc.. Et si l’inconnu était un homme s’appelant Adrien Léré ou René Ladrie. 45
De son côté , le substitut Camesson s’était souvenu qu’il avait hérité de quelques livres rares " Une histoire de revenants " , ecrite par Paul Féval, Editeur Albin Michel (Paris) monographie imprimée année 1926. Et plus moyen de fermer l’œil après la lecture qu’il venait d’en faire. La nuit, sans qu’il sache pourquoi, il s’était mis à penser à une courtisane : Ida Saint Elme dont il connaissait l’ouvrage : Souvenirs d'une courtisane de la Grande Armée ou les mémoires d'une jeune femme belge (1792-1815), texte présenté par Jacques Jourquin (éd. Tallandier, texte présenté par Jacques Jourquin) . Il alla consulté le site : http://www.geocities.jp/rougeaud1769 où il trouva un portrait : Ida Saint-Elme (1778-1845) Que serait l'Histoire, la "grande", avec ses héros et ses monstres, sans les "petites" histoires qui gravitent autour d'elles comme Titan autour de Saturne ? Ce sont souvent des histoires de femmes, d'ailleurs... Voici une de ces "petites" histoires, celle d'Ida Saint-Elme (1778-1845), courtisane de la Grande Armée. 46
Comme le chevalier Eon, Ida Saint-Elme reste dans l'histoire des mœurs un exemple fameux du travestissement et de la confusion des sexes ; courtisane, amazone, espionne, parfois habillée en homme, elle maniait l'épée et tirait au pistolet. Fille de pasteur, elle fut aussi la maîtresse des grands hommes de son temps, parmi lesquels le général Moreau ou le maréchal Ney. On la jugea sévèrement pour cette liberté de vie hautement revendiquée. Ses Souvenirs firent scandale et connurent un immense succès sous la Restauration. Jamais réédités depuis lors, ils constituent un témoignage appréciable, sinon précieux. Serait-elle celle qui se cache sous le pseudo d’Ida Renerel ? Aurait-elle connu Bonaparte, voire Napoléon ? Si oui, serait-elle venue en Corse ?… La petite histoire d’un fait divers rejoindrait-elle la grande Histoire ? L’informatique avait peut-être permis de remonter le temps au delà de son invention. Etait-il possible qu’une femme ayant vécu au 18ème siècle puisse s’inscrire à la Bibliothèque numérique européenne ? L’informatique, l’Europe, Napoléon et l’empire, une courtisane… Tout cela se bousculait dans la 47
tête de notre Camesson qui se serait bien bu un petit verre de Vin Mariani. Angelo Mariani ! C’était Denticoni qui avait pu lui faire part de son érudition en matière de vins corses et de sa réprobation en ce qui concernait l’usage qu’en avait fait ce Mariani, en y ajoutant de la cocaïne. Il était devenu un véritable dealer avec ses clients devenus toxicomanes dont certaines célébrités de l’époque. Olivieri avait alors ramené sa science en faisant remarquer que les Américains s’étaient servi de l’idée pour fabriquer leur Coca cola. Denticoni avait fait sournoisement remarquer que les toxicocacolisés étaient légions et même parmi les jeunes gendarmes. Content d’avoir le dernier mot puis rêveur, notre adjudant songea que , si les Corses en avaient fait autant, l’île de beauté serait l’Amérique et la tête de maure aurait envahi le monde entier. Lui, Denticoni, arborerait une étoile de Shérif et, comme John Wayne, entrerait dans le seul bar du village sur la musique de Dimitri Tiomkin inspiré par le 'degüello', Denticoni ignorait qu’il s’agissait du thème traditionnel mexicain, réutilisé dans d'autres westerns. "Deguello" signifie égorgement. Il s'agit de la chanson 48
chantée par les Mexicains pendant le siège d'El Alamo… Malgré le fort Chabrol de l’adjudant Denticoni (rêvant d’être le shérif John T. Chance) contre le bien fondé de la piste trouvée par Olivieri, le Substitut Camesson, après une nuit blanche, avait ouvert une information judiciaire pour qu’un Juge d’instruction puisse délivrer une commission rogatoire dont Olivieri se trouva immédiatement en charge, sous l’œil réprobateur de son chef. Le Substitut Camesson, en dehors de son trisaïeul Ferdinand, avait un secret contemporain. Il écrivait un livre sur la criminologie et espérait obtenir le "Prix Gabriel Tarde" Depuis 1972, ce prix récompense, tous les deux ans, le meilleur travail francophone de recherche en criminologie. Il est décerné par un jury international indépendant, réuni sous l'égide de l'Association Française de Criminologie. Quant aux deux livres de Gabriel Tarde référencés dans le procès verbal du gendarme Olivieri, il ne les avait pas lus et projetait de le faire. 49
NOTE DE RENSEIGNEMENTS Urgent et confidentiel. Provenance : Ministère de la Défense – Direction générale de la Gendarmerie Nationale Destinataire : Gendarme Olivier Olivieri sous couvert de l’Adjudant Sextius Denticoni Adresse courriel sextius.denticoni@gensdart.net
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Objet : réponse du Centre national de documentation opérationnelle Pour faire suite à votre interrogation sur cinq points, nous vous faisons parvenir les éléments relevés par notre centre national de documentation opérationnelle. 1°/ Ida Saint Elmes / Bonaparte Le 3 mai 1798, Bonaparte quitte Paris pour aller s’embarquer à Toulon. Joséphine accompagne son mari. Prosper Jullien est aussi du voyage. Il part pour l’Égypte le 19 50
mars 1798 et embarque avec Bonaparte sur " l’Orient ". Il est alors aide de camp de Bonaparte. Le 30 juillet 1798, il part pour Alexandrie portant des lettres adressées à l’amiral Brueys, aux généraux Kléber et Menou. Lors de cette mission, il est massacré avec son escorte par les habitants du village d’Alkam (Alquam) peu de temps après, certainement le 2 août 1798. Le 25 août, Bonaparte donnera l’ordre au général Lanusse ( no comment! Et on ne plaisante pas dans le genre : Est-il mort sur le champ de bataille d’une deuxième trou de balle ?…) de piller le village, puis de le détruire. En note des Mémoires du capitaine Gerbaud, à propos de l'assassinat de l'aide de camp, on relève :" Thomas Prosper Jullien, né en 1773 à La Pallud, lieutenant en 1792, capitaine adjoint aux adjudants généraux en 1794, aide de camp de Bonaparte en 1798. " Fidèle au souvenir, l’empereur Napoléon fit placer un buste du capitaine Jullien dans la salle des maréchaux, aux Tuileries, pendant toute la durée de l’Empire. Ce buste est actuellement exposé à Versailles, château de Trianon. Son frère, le Général, Comte d’Empire en commanda cinq copies en plâtre, dont deux furent mises dans les demeures des Jullien à Lapalud, deux à 51
Vannes dont une à la préfecture. En Egypte, l’ancien Fort Rashid remis en état prend le nom de Fort Jullien en souvenir de l’aide de camp Thomas Prosper Jullien. C’est au cours de travaux de fortification que fut mise à jour une pierre de granit noire recouverte d’inscriptions en trois langues. C’est la fameuse " Pierre de Rosette" qui permit plus tard à Champollion de percer le secret des hiéroglyphes. Selon L'abbé Rose, curé de Lapalud, Mme Ida de St Elme, ayant retrouvé au Caire la sépulture de Prosper JULLIEN, y aurait cueilli une fleur pour la classer dans son herbier puis suspendu une branche de laurier sur la tombe du héros en témoignage d'admiration et de sympathie. " Tous les grands spécialistes du Premier Empire s’accordent pour dire que Jullien Thomas Prosper était un officier de grand talent et aurait été sans nul doute nommé Maréchal d’Empire par Napoléon s’il n’avait pas malheureusement péri lors de la campagne d’Égypte. Ida Saint Elme, Hollandaise, courut l’Europe et les champs de bataille napoléoniens maniant l’épée et le pistolet. Elle fut la proche du général Moreau, rival de Napoléon, la 52
tendre amie du maréchal Ney et la maîtresse d’un grand nombre d’officiers. Confidente des hommes de pouvoir, elle fut une femme de passion. Ses Souvenirs d’une courtisane de la Grande Armée témoignent d’un caractère libre et insolent. Des voyageuses comme George Sand ou Ida Saint-Elme conçoivent leur voyage comme une libération de la femme, ce qui peut les conduire, comme dans le cas de La contemporaine en Égypte (1831), à refuser de se servir du registre de l’intimité, d’habitude réservé aux femmes, et à communiquer leurs expériences d’ordre privé à un public plus large. Plus radicalement encore, on trouve dans le récit mi-moralisateur, mi-anecdotique d’Ida Saint-Elme, qui se donne pour objectif de comparer d’un point de vue contemporain la décadence de la cour du vice-roi égyptien et de l’empire français, des passages dans lesquels la voyageuse conteste absolument l’idée qu’elle se déplacerait en tant que " femme ". Elle est allée au Sinaï et en Haute-Égypte, où elle trouve les traces de Champollion, dont elle parle d'ailleurs sans aménité. Quant à 53
Soliman Pacha, elle semble avoir vécu pendant des semaines, chez lui, soit au VieuxCaire, soit sous la tente au camp de Toura, et ne tarit pas d'éloges sur son compte.. " 2°/ Recherches des ventes et vols d’œuvres littéraires et artistiques : Ida Saint Elme Le 18 octobre 2006, une édition originale des mémoires de cette courtisane auraient été achetée aux enchères : SAINT-ELME (Ida). Mémoires d'une contemporaine, ou souvenirs d'une femme sur les principaux personnages de la République, du Consulat, de l'Empire, etc... Troisième édition. Paris, Ladvocat, 1828. 8 volumes in-8 cuir de Russie citron. Un portrait et une figure au trait. Lot estimé à 5000 euros de la BIBLIOTHEQUE DES ROIS & PRINCES DE HANOVRE, vendue DROUOT-RICHELIEU - SALLE 6. . Le 4 mars 2007, une sculpture étaient volée et les références figuraient aux fichiers de l’Office central du trafic des œuvres d’arts soit : Sculpture : médaillon ; relief , DAVID Pierre Jean, DAVID D'ANGERS (dit) Titre IDA DE SAINT-ELME (1778-1845) Ecole France 2e quart 19e siècle.- Lieu de 54
conservation et du vol : Angers ; musée David d'Angers. 3°/ Spécialiste de l’époque Napoléonienne et d’Ida Saint Elme : Jacques Jourquin. Avec un cahier d'illustrations ; Ida de SaintElme, Souvenirs d'une courtisane de la Grande Armée, 1792-1815, édition établie et présentée par J. Jourquin, éd. Tallandier, coll. Bibliothèque napoléonienne, 2004 Après des études dans une grande école de commerce, Jacques Jourquin (né en 1935) est sollicité par les éditions Hachette pour occuper un poste à la direction commerciale des éditions Tallandier, avant de rejoindre la direction éditoriale et de diriger la revue Historia. Il y créa dans les années 70 la collection Bibliothèque napoléonienne, qu'il dirige de nouveau après une interruption de quelques années. Jacques Jourquin fut également le rédacteur en chef de la Revue du Souvenir Napoléonien de 1993 à 2006. Viceprésident de l'Institut Napoléon depuis 2004, il devient en 2006 membre du jury des prix d'histoire de la Fondation Napoléon. 55
Historien, Jacques Jourquin a publié de nombreux articles et ouvrages, 4°/ Mythologie : Les dieux de Samothrace commandent spécialement aux vents et aux tempêtes, et sauvent les navigateurs du péril de la mer, ce qui, comme on l'a remarqué, est bien le propre de dieux dont le culte a traversé les flots pour venir s'établir dans l'île ; ils apparaissent aux marins qui les invoquent, sous la forme des flammes électriques du feu Saint-Elme. Tout ceci leur est commun avec les Tyndarides ; aussi est-ce à Samothrace, suivant une des formes de la légende , que les étoiles du feu Saint-Elme descendent pour la première fois sur la tête des Dioscures après qu'ils ont adressé leur prière aux Cabires, qui se manifestent en eux de cette façon. Aussi pour Ovide et pour Plutarque, les deux dieux de l'île deviennent purement et simplement les Tyndarides. Nous tendons à rapporter l'origine des Cahires à l'Asie Mineure et en particulier à la religion de l'Ida. Dans la religion phrygienne le mythe de la mutilation d'Attys est celui qui 56
correspond dans une certaine mesure au meurtre de ZAGREUS, et l'histoire du Cahire mis à mort, telle que la raconte Clément d'Alexandrie, tient à la fois de celle d'Attys et de celle de Zagreus. Il l'a si bien compris luimême qu'il ajoute, après l'avoir narrée : " Ce n'est donc pas sans raison que quelques-uns voudraient qu'on donnât le nom d'Attys à Dionysos, après sa mutilation. 5°/ Feux de Saint Elme Les feux de Saint Elme sont des manifestations électriques dues à un violent conflit de masses d'air de températures radicalement différentes : ils correspondent à un espèce d'halo scintillant que nous pouvons observer le long des mâts des bateaux, des ailes d'avion ou encore des clochers lorsqu'il y a de l'orage .Ce phénomène provient du personnage Saint Elme recueilli par un marin alors qu'il risquait la noyade ; pour le remercier, il dit au marin qu'il enverra une boule de feu pour le prévenir de fortes rafales de vent dans l'immédiat . Formation des feux de Saint Elme : Au voisinage de la pointe d'objets pointus, le 57
champ électrique augmente considérablement car la densité des charges électriques n'est pas uniformément répartie sur l'objet ; une très grande quantité d'électrons affluent vers la pointe ; mélangés avec des particules d'air, les électrons provoquent la dissipation de l'énergie contenu dans les particules : des étincelles apparaissent, les feux de Saint Elme sont nés ! La couleur des feux de Saint Elme est variable selon l'intensité des charges électriques mais surtout de la densité des charges électriques ; les couleurs les plus fréquentes sont le jaune, le bleu et le violet . Conséquences : Lors de l'apparition des feux de Saint Elme, il y a grand danger : en effet, de nombreuses charges électriques sont présentes et le champ électrique au maximum de son intensité ; du coup, la différence de potentiels augmente entre le nuage et l'objet : le coup de foudre est alors imminent ! Il ne serait trop conseillé de ne pas toucher aux feux de Saint Elme ( comme son nom l'indique, vous risquez de vous cramer les doigts :); Or ce phénomène est assez mobile ; 58
il peut même rentrer dans les maisons et semer la panique ; ce phénomène va même jusqu'à susciter des phobies, des fausses croyances, bref de tout et n'importe quoi .
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Saison 4 La boîte aux indices est toujours un gros sac de noeuds gordiens. Heureusement Quésaco, lieutenant de police, s'acharne tandis que le professeur Kazeoza (www.kazeoza.com) découvre la machine à fabriquer de la merde. Le gendarme Denticoni, lui, se catalepsise l'intrigue entre le rouge et le noir. Denticoni était en train de remplir les statistiques de la brigade en se triturant les méninges car les mathématiques n’étaient son sport favori… Comme beaucoup, il préférait le football. C’est le moment que choisit Olivieri, pour venir lui casser les c... les pieds. - Chef ! Vous qui êtes capable de produire les anagrammes par kilos, vous connaissez la dernière ? - Je t’écoute , double zéro !… répondit le gradé. En affublant son subalterne de ce sobriquet peu flatteur sans le 7, notre adjudant, au risque de se tromper dans ses additions, faisait ironiquement allusion aux initiales " O.O " d’Olivier Olivieri … 61
- Eh bien ! La dernière , c’est " la dernière " ! - Une lapalissade, c’est tout ce que tu as trouvé pour me déranger dans mon travail de chef ? - La dernière ? Ida Renerel ?… Vous pigez ? - Quoi, la dernière ? Ta dernière connerie ? - Chef ! La dernière est l’anagramme d’Ida Renerel… - Ah ! celle-là alors… C’est bien la dernière ! - Je vous l’ai dit, Chef ! - Et ce serait la dernière quoi, d’après toi? - L’invité de la dernière heure, peut-être. - Ou alors, la dernière heure du condamné. - Ou la dernière cigarette… - La dernière chance, la dernière séance…
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- A Bastia, j’ai vu un film dont le titre était " La dernière corvée " - J’espère que ce ne sera pas notre dernière mission. - Il y a un autre film que je n’ai pas vu et que notre curé déconseille aux paroissiens, c’est la dernière tentation du Christ.. - La dernière fois… - Elle est bonne celle-là… Le curé et la dernière fois. Vous êtes en forme, chef ! - Bon ! Retourne à ton ordinateur . Je dois donner la dernière main aux statistiques… - La dernière main avec un doigt en moins… Basta ! Olivieri préféra ne pas insister . Denticoni put continuer le comptage des contraventions, des accidents de la route… et, lorsqu’il arriva à la rubrique " homicides ", il marqua un temps d’arrêt… L’affaire Ida Renerel avait été qualifiée par Camesson d’enlèvement , séquestration et acte de barbarie… Pour le 63
moment, le seul assassinat enregistré était celui d’une vache, victime d’un différent de voisinage. Une vache n’est pas humaine et donc ne rentrait pas dans la qualification " Homicide ", alors qu’il y avait bien eu assassinat par arme à feu avec préméditation et, même peut-être " pis " , un traîtrise dans le genre guet-apens . Notre adjudant questionna Olivieri sur ce point… - Olivieri ! La vache assassinée, tu la placerais où dans les statistiques ? - Cela dépend si c’est un gendarme ou un adjudant... Nos deux représentants de la maréchaussée durent revenir à un peu plus de sérieux car un citoyen venait d’entrer. Il s’agissait de Maschitttaghjolu ( Joues avinées), qui se dirigea droit sur l’adjudant. Sa trajectoire rectiligne indiquait qu’il n’avait pas encore abusé du blanc de Roglianu… Son élocution était claire mais sa vitesse trahissait simplement son émotion, perceptible aussi par un léger essoufflement qui l’empêchait de finir tous ses mots… Il venait se dénoncer pour le meurtre, par erreur, de sa propre vache 64
qu’il n’avait pas reconnue, pensant qu’il s’agissait d’une voleuse venue pâturer sur ses terres. Il avait justifié son geste par ces mots: "... Vous savez adjudant, celles de Cattucciu seccu ( pot de chambre sec = constipé), elles volent mon herbe et me laissent " a caga "… Bien que " caga " désigne la même matière que le scellé N° 6 , cette mort d’une vache ne faisait pas avancer l’enquête, qui paraissait s’enliser… Jean-Victor Moro, surnommé " Le Russe ", marche sur les quais. Il pleut. On n'entend que le bruit de ses pas. … Il est grand, cheveux rasés. Son treillis lui donne une allure militaire. Sur le Terminal du Port de Bastia, la nuit est noire comme l’intérieur d’une tombe fermée par le couvercle de gros nuages ténébreux, derrière lesquels la pleine lune ne veut rien voir de ce qui se trame sur terre. Une pluie fine, pluie sans fin, fait ruisseler des larmes sur les vitres d’un camion immobile dont l’essuie – glace chasse l’eau qui lessive le pare brise. L’homme se dirige vers le 15 Tonnes. Les fers de ses rangers résonnent 65
maintenant au rythme accéléré de ses pas. L’habitacle du poids lourd est plongé dans l’obscurité, lorsqu’il s’en approche. Soudain, la portière s’entrouvre, libérant une pâle lumière sur deux yeux cruels au-dessus du petit rond noir du canon d’un gros calibre. L’étonnement le stoppe et lui fait faire un écart. La première balle déchire son biceps et la seconde transperce son cou, coupant net sa carotide. Le choc et la douleur provoquent sa lourde chute sur l’asphalte détrempée. Coups de feu, son sang , fluide rouge de vie lui échappe et le laisse vide dans le noir A ses pas lourds arrêtés, succèdent les clapotis d’un déplacement rapide. Le troisième projectile, tiré à bout touchant, réduit en bouillie l’intérieur de son crâne. Son corps contorsionné par la violence des impacts laisse échapper la traînée rouge sombre vers une flaque d’eau alimentée par le ciel en pleur. Dans le silence retrouvé, une portière claque, un moteur ronronne et une Renault 4L gris métallisé , sortie de derrière le camion, s’enfonce dans l’obscurité. 66
Le lieutenant Martin Montalier obtint sa mutation pour Bastia dans l’espoir d’une promotion plus rapide au grade de capitaine de police. Sa taille moyenne ne compensait pas son embonpoint au dessus de la moyenne. Ses rondeurs et ses joues roses lui donnaient un air toujours juvénile. Né à Marseille, il en avait gardé, avec l’accent, quelques formules familières dont le " Quésaco ? " qui signifie " Qu’est-ce que c’est ? ". Aussi, tous ses collègues l’appelaient Quésaco. A son arrivée, il avait considéré les Corses comme des indigènes dangereux. Méditerranéen luimême, il avait fini par les apprécier et se trouver avec eux des affinités. Et puis, il était allé plus loin, en imaginant (sans que le syndrome de Stockholm y soit pour quelque chose) que, avec les 150.000 Corses recensés dans la ville phocéenne, il pouvait avoir dans sa généalogie une parenté lointaine dans l’île,. Le week-end arrivant, il s’était organisé une partie de pèche avec ses nouveaux amis insulaires. Le vendredi soir, il était en train de préparer les lignes pour le lendemain, lorsque son portable vibra dans sa poche droite. Cet appel lui rappela qu’il était de permanence. - Quésaco? 67
- Martin ! On a un cadavre sur les bras.. - Où je vais, patron ? questionna Quésaco. - Sur les quais, dans l’enceinte du port, au Terminal… - Terminal ! Un bon titre de polar pour une fin brutale de vie, non ? - Ce qui m’intéresse, c’est la résolution de l’homicide. Vous me tenez au courant ! - Vous prenez votre petit déjeuner à quelle heure ?… L’heureux chef , derechef, se recoucha. Arrivé à bon port, son lieutenant, dépêché, se dirigea vers les éclairs des gyrophares dans l’obscurité brumeuse. La tête d’un portique, quadrupède monté comme un mécano sur un corps bleu, dominait les masses sombres des navires. A ses pieds, au milieu de la pantomime des ombres, le mort restait zen, figé dans une immobilité de pierre. Sa contorsion pouvait inspirer un sculpteur contemporain : une œuvre intitulée " défi inventif à la gymnastique ". 68
Mais l’heure n’était pas à l’art conceptuel. Le premier souci de la Justice serait de chercher le passé tragique de la victime dans ses viscères. Le médecin légiste officierait comme un grand prêtre, toujours pressé d’en découdre (moins de recoudre) avec un cadavre. Les augures, sous le bistouri, révéleraient que la mort était évidemment due à la balle tirée à bout touchant dans le crâne, mais que les deux autres auraient été tout aussi mortelles. Les seuls indices étaient un bout de cigare Ninas trouvé dans le cendrier du camion signalé volé et, sur la victime, un médaillon représentant une femme étrangement belle, coiffée et habillée comme les nobles dames que le policier avait vues sur des tableaux de l’époque napoléonienne dans un musée d’Ajaccio. N’en doutons pas, Quésaco s’acharnera à tout savoir sur cet assassinat. Pour les statistiques, cet homicide de plus ne serait pas négligeable dans la mesure où son élucidation ferait évoluer favorablement le taux de réussite. Toutefois et dans le fond, pour lui, lorsqu’il aura trouvé le meurtrier, rien ne se sera passé de réellement fondamental. 69
Mentalement, la vie restera un mystère et la mort une injustice. Bien sûr, sur le fond, il pouvait chercher des réponses à l’énigme de l’homme auprès de grands philosophes. Hélas ! La philosophie, si elle le fait douter de la nature humaine, ne ferait que le renvoyer à lui-même et, " parce qu'elle explique tout ce qui se passe dans ce bas – monde, elle répond à tout et elle répond à rien "., pensait-il dans sa lassitude. Pendant que l’as las de la police urbaine philosophait sur la philosophie sans en toucher le fond, notre gendarme champêtre s’empêtrait, n’arrivant pas à faire surface dans son enquête qui s’enlisait. Ainsi, Denticoni n’avait pas avancé d’un pouce dans la résolution de l’énigme que posait le doigt coupé et devenait dyslexique à force d’inventer des anagrammes avec l’identité d’Ida Renerel. En Corse, ces deux limiers, chacun d’un corps d’Etat différents, ne se connaissaient pas encore, en l’état de leurs investigations. Comme tous les matins, l’adjudant Denticoni 70
lisait l’unique édition du seul quotidien corse. Ses années de service lui avaient appris à se tenir au courant des événements de façon à pouvoir juger de l’opportunité des actions policières à mener. En Corse, comme ailleurs, le contexte local revêtait une grande importance et un commandant de gendarmerie se devait de tout savoir sur l’actualité insulaire. En outre, les faits divers lui permettaient d’être informé des actes criminels dans le cas où quelque chose se produisait en lien avec une enquête en cours sur son ressort de compétence. Il préférait la présentation journalistique des informations plutôt que les notes diffusées par les autres services. D’abord l’important était ce qui apparaissait dans les médias et par la suite, il pouvait compléter en recherchant dans la documentation administrative. Consciencieusement, il tenait un journal des faits marquants en synthétisant les articles de presse qu’il rangeait dans un classeur. Tout naturellement, il s’arrêta sur l’assassinat de Jean-Victor Moro… Il était en train de lire les quelques indiscrétions médiatisées et 71
notamment la présence d’un étrange médaillon sur la victime, lorsque son adjoint " double zéro " troubla le silence de la gendarmerie par des exclamations incompréhensibles : - Le professeur Kazeoza a trouvé la machine à fabriquer la merde !… Nous tenons une piste pour le scellé n° six… - Olivieri ! Tu n’aurais pas fini la bouteille d’eau de vie en cachette ? - Non, Chef ! Je suis sobre et sérieux… - Qui est le Professeur Kazeoza ? - Un éminent spécialiste des plagiats qui tient un site où il dénonce une imposture littéraire… - Est-ce qu’il dénonce le polar " Ida Renerel ‘s case " du site Corsicapolar ? - Non, Chef ! - Alors, j’ai trouvé : il s’agit sûrement du prix Goncourt de cette année ? 72
- Non, chef ! Le titre est " Le voyage d’agrément de Jean-Luc Cheval ". - Si je comprends bien, le Professeur Kazeoza prétend que la merde d’artiste est celle d’un cheval appelé Jean-Luc… Doit-on voir derrière ce prénom un anagramme que je refuse d’évoquer ? - Non, chef ! Le professeur Kazeoza a découvert " par qui et où " une fausse merde est fabriquée… - Une fausse merde d’artiste ? - Oui, chef ! On n’arrête pas le progrès : une fausse merde fabriquée par une machine... - Elle est fabriquée en Corse ? - Non chef ! En Corse on ne fabrique pas de fausse merde, pour éviter de se retrouver dedans… et puis, avec tous les élevages, on a du bio… Il suffit de choisir : chèvre, brebis, âne… - Sumeru ! L’âne, c’est toi ! Alors, où se trouve cette machine ? 73
- En Belgique ! Je vous lis ce qu’à écrit le Professeur Kazeoza : " Fabriquer et vendre de la merde au XXIème siècle, c'est le projet Cloaca de Wim Delvoye qui fait le tour du monde, www.cloaca.be bientôt une valeur boursière ? Parce que "Tout est économie" Wim Delvoye ne tourne pas autour du pot dans un article paru dans Le Monde du 26.08.05. Le cours de la merde est au plus haut. Il pourrait battre des records… " Chef ! Vous avez relevé l’adresse du site : http://www.cloaca.be/ … J’y suis allé voir et la machine existe bien… - Wim Delvoye ? Tu l’as passé aux fichiers ? - Oui, chef ! Il n’est pas recherché mais il est connu… Je vous lis sa fiche : Tatoueur de cochons, inventeur d'une machine à déjections, post-dadaïste baroque… Wim Delvoye est un artiste plasticien belge né à Wervik (Flandre Occidentale) en 1965. Artiste à l'humour ravageur, qui s'est fait mondialement connaître pour son installation Cloaca (2000), dite machine à caca : avec l'apparent sérieux d'un laboratoire scientifique, la machine de Delvoye reproduit 74
le processus de la digestion : on entre des aliments et, en bout de chaîne, sortent des excréments. L'absurdité apparente d'une telle machine cache un travail extrêmement rigoureux : Cloaca fonctionne véritablement et on peut comparer Delvoye à un Léonard de Vinci contemporain parce que il fait la liaison entre la science et l'art. - Tu penses qu’il voudrait faire de la Corse la plaque tournante d’un trafic de fausse merde d’artiste? - Non, chef ! L’odeur le trahirait ! Mais il y a autre chose d’intéressant : un sacrilège qui pourrait toucher la charcuterie corse… Le suspect élève des cochons en liberté dans une ferme qu'il a acquise en Chine, où il tatoue les bêtes. Arrivé au terme de son âge, l'animal est sacrifié, sa viande offerte aux paysans locaux, son cuir à la voracité des collectionneurs : sur les cinq bestiaux présentés dans une galerie, deux étaient déjà vendus trois jours avant le vernissage. Et comme tout est bon dans le cochon, des vidéos permettent de saisir le processus dans son ensemble.
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- Aucun de nos cochons sauvages ne se laissera attraper vivant, tatouer et filmer. - Vous pensez qu’il faut faire un rapport sur cette nouvelle piste ? - Si tu continues à te foutre de ma gueule, je vais te traiter comme les cochons chinois de ton suspect… Allez ! Porcellu ( porc) ! Prends avec toi notre stagiaire Puchjuculellu ( Porcelet) et allez faire une patrouille pendant que je travaille… Enfin débarrassé de son espiègle subalterne, l’adjudant se replongea dans la presse. Il termina de rédiger sa note sur l’assassinat de Jean-Victor Moro et y ajouta : se mettre en rapport avec l’enquêteur pour en savoir plus. Comme l’évocation du cochon avait aiguisé sa faim, il se coupa des tranches de lonzu qui, entre deux belles tranches de pain, lui firent un encas convenable pour s’enfiler quelques gorgées d’un AOC Patrimonio : un rouge… Vin rouge... croix, planète, tapis rouges... La Butte rouge... Julie la Rousse, le Petit Chaperon rouge... et bien d'autres mots et 76
expressions… ainsi que toutes les nuances : Amarant(h)e, andrinople, carmin, garance, pourpre, rubis, sang... rouge pompéien... rouge Carpaccio, Titien... rouge Ferrari, opéra, pompier... érubescent, roux, rubicond… rouges récents ou très anciens, vestiges de la longue histoire du rouge et témoignages de l'intérêt porté à cette couleur dès l'aube de l'humanité. Denticoni était donc plongé dans le rouge mais heureusement pas encore noir, couleur " qui nous aurait renvoyé moins à la partie sombre de l'individu qu'à la catalepsie de l’enquêteur, quand il s'abandonne à la fête "…
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Saison 5 Comme une main en enfer, la saison 5 de la cyber-intrigue est enfin disponible. Informé par l’Adjudant Denticoni, Quésaco avait rapidement acquis la conviction qu’il lui fallait cuisiner Léa Renerdi, la compagne de feu Jean-Victor Moro, sur l’amputation de son annulaire gauche. Pendant ce temps la juge Babeth Millieri rêve de croisière en Méditerranée avec Arturo Pérez-Reverte. Pleine de mystères, La boîte à Pandora, elle, est toujours ouverte ...Que fait la police ? Lorsque le substitut Camesson lui avait confié l’instruction de cette affaire de doigt coupé, la juge Babeth Millieri avait des raisons de ronchonner. Depuis le début de l’année, elle accumulait les dossiers, pendant que son collègue Jean-Hubert de Virevolte soignait sa dépression nerveuse sans avoir été remplacé. Babeth avait beau être une battante, toujours prête à partir à la guerre contre le crime, elle avait aussi sa vie familiale et ses répétitions dans une troupe de comédiens amateurs qui préparaient une représentation de l’œuvre " La tempête ". Elle avait frémi lorsqu’elle avait lu 79
qu’un billet de théâtre avait été retrouvé prés du doigt coupé. L’assassin ou la victime avait donc l’intention de venir voir la pièce de Shakespeare. Après un bref émoi, elle déplora qu’une place resterait vide et pire, peut-être au premier rang. Pour l’immédiat, Camesson l’avait rassurée en lui disant qu’il s’agissait, en premier lieu, de délivrer une commission rogatoire et que le travail judiciaire serait fait par les gendarmes. Chose dite, commission rogatoire faite, elle avait rangé le dossier sur la pile rouge des crimes de sang, alors que , pour exemples, les couvertures vertes étaient réservées aux délits champêtres, les roses aux affaires de mœurs, ainsi de suite… un arc-en-ciel de paperasses. Le dossier Ida Renerel’s Ida n’avait pas eu le temps de prendre la poussière qu’un dossier d’homicide avec cadavre lui tombait dessus, celui de l’assassinat du nommé Jean-Victor Moro. Elle avait d’abord espéré qu’il manquerait un doigt au cadavre , ce qui lui aurait permis de joindre les deux dossiers pour n’en faire qu’un, enrichi par l’identité du doigt dont l’empreinte digitale n’avait encore rien révélé. Il manquait seulement quelques dents a feu Jean-Victor Moro, résultat du à des 80
caries mal soignées par un arracheur diplômés de la faculté.
Après les premières constatations, le lieutenant Martin Montalier n’avait évoqué aucune piste précise. Etant informé du sobriquet " Quesaco " dont il était affublé, elle se rassurait en se disant que ce policier savait au moins poser une question à laquelle elle pourrait espérer recevoir une réponse : Qu’estce que c’est ?… Un assassinat politique, un règlement de comptes, un crime passionnel, un suicide maquillé en meurtre ? Un mauvais polar sans doute?... Dans la liste des pièces à conviction, elle nota la présence d’un médaillon pouvant avoir une certaine valeur… Elle ne savait pas encore que ce bijou avait aussi une valeur procédurale sur laquelle elle n’avait pas encore mis le doigt. Le hasard des deux enquêtes les faisaient se rejoindre sur la même pile de dossiers… A ce stade des investigations, devant les coïncidences, nous vous entendons : Quel hasard, Balthazar ! Direz-vous moqueur . Et Honoré de Balzac vient à notre rescousse par une citation : " Le hasard est le plus grand 81
romancier du monde ; pour être fécond (l’orthographe est bonne), il n’y a qu’à l’étudier. " Avant que Jésus ne ressuscite, Denticoni venait de recevoir les premiers résultats du laboratoire de police scientifique. Le doigt coupé était un annulaire de la main gauche d’une femme. L’empreinte digitale n’avait pas révélé l’identité de sa propriétaire inconnue aux fichiers de police et de gendarmerie. Le sexe avait été révélé par l’absence de chromosome Y comme Yo-yo dans l’ADN. Par contre, d’autres empreintes relevées sur la plupart des scellés avaient pu être attribuées à un certain Jean-Victor Moro, récemment assassiné sur le port maritime de Bastia. Dans le Chef-lieu de la Haute-Corse, à l’Angélus du matin, Quésaco n’avait pas été encore informé de la découverte, sur une plage, des empreintes de celui qui était la victime dans l’affaire d’homicide qu’il devait résoudre. A ce moment-là, il assistait à son enterrement dans l’éventualité d’un fait nouveau, scrutant les proches du défunt à l’affût d’un signe , d’une mimique sur un visage, d’une présence insolite… A force d’observation, la seule chose qu’il remarqua était que la concubine de Jean-Victor Moro 82
avait perdu un doigt à la main gauche : l’annulaire. C’était la seule chose qui clochait. La boîte à Pandora allait –elle livrer tous ses mystères ? Denticoni et Quesaco allaient-ils relier les indices comme on enfile des perles sur un fil ? Finalement, leur métier consistaitil simplement à enfiler des perles ?… Les fêtes de Pâques seront-elles celles de deux poulets qui mettraient leurs œufs dans le même panier ?… A qui allaient-ils sonner les cloches avant les vêpres siciliennes ?… La juge Babeth Millieri allait quitter son bureau, lorsque son téléphone résonna. Elle devait rendre visite à Camesson pour faire un point sur l’assassinat de Jean-Victor Moro. La chancellerie avait questionné le Procureur de Bastia, qui avait questionné le Substitut qui voulait questionner la juge d’instruction qui décida de répondre à cet appel téléphonique même si Camesson devrait patienter dans son bureau en pensant que le Procureur s’impatientait de peur de faire perdre patience à la Chancellerie sans doute questionnée par le Ministre de la Justice, mis à contribution par le Premier Ministre actionné par le Ministre de l’Intérieur, impatient de savoir si on avait affaire à un crime politique. 83
Au bout du fil, elle reconnut la voix de Quésaco. Il tombait à pic pour lui remettre l’affaire en mémoire avec un espoir : peut-être avait-il trouvé une orientation d’enquête. En fait, il ne pouvait lui raconter que sa présence à l’enterrement. Le défunt n’avait pas eu droit aux honneurs militaires et on pouvait penser qu’il n’était pas un activiste indépendantiste. Aucune tête connue de la pègre locale ne s’était montrée. Finalement, seul un annulaire manquant à la main gauche de la veuve l’avait intrigué. Pour ne rien laisser dans l’ombre, il avait mené sa petite enquête à l’Hôpital de Bastia. L’accident était récent. Le couple s’était présenté aux urgences. La femme n’avait pas desserré les dents et l’homme, identifié comme étant Jean-Victor Moro, avait prétexté un accident en mer, le doigt n’ayant pas pu être récupéré… Alors que Quésaco relatait ses investigations pour montrer qu’il faisait diligence, Babeth se saisit du dossier du doigt coupé et annonça : -Si c’est le doigt qui vous manque, j’en ai un… - Quésaco, Madame la Juge ? - J’ai un doigt sans cadavre dans un autre dossier récent… 84
- Et alors ? - L’adjudant Denticoni m’a transmis le rapport du Laboratoire. C’est un doigt de femme ! -Quel doigt ? -L’annulaire gauche… - C’est cela… C’était l’annulaire gauche qui manquait à la veuve… -Le couple avait des enfants ? -J’ai dit la veuve mais ils vivaient en concubinage et n’avaient pas d’enfant. - Lieutenant, il faudrait vous mettre en rapport avec l’Adjudant Denticoni. On ne sait jamais. Nous sommes peut-être à un doigt de la solution… - Madame le Juge ! Vous, alors !… -Quoi !
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- A un doigt de la solution ! Vous aimez l’humour noir ! - Je ne mets aucun humour dans mon travail et surtout pas du noir. Ma formule n’était pas intentionnelle. A posteriori, elle ne me fait même pas rire… Quésaco se mordit la langue, juste châtiment infligé à ce petit muscle visqueux qui avait encore manqué l’occasion de rester dans sa boîte. Un instant, il avait oublié que Madame Babeth Millieri était allergique à toute familiarité, une façon de préserver l’indépendance de la Justice. Tout était dit et Quésaco n’ayant plus rien à dire, la conversation téléphonique fut close. La langue douloureuse, Quésaco appela l’adjudant Denticoni qui ne fit aucun difficulté pour relater l’affaire Ida Renerel dans le secret espoir de s’en débarrasser par un dessaisissement au profit de la police bastiaise. Bien sûr, il passa sous silence la piste d’une revenante mais insista lourdement sur la merde d’artiste, en soulignant qu’il n’avait suivi aucune formation en matière de trafic d’œuvre d’art… Il allait presque oublier 86
l’identification du nommé Jean-Victor Moro, élément pourtant essentiel de son enquête. -Ah ! Il y a cependant un autre élément important : le laboratoire a identifié un nommé Jean-Victor Moro mais cela sert à rien puisqu’il vient de se faire buter… -Tu en as parlé au juge ? - Pas encore ! - Tu ne pouvais pas commencer par là ! Si je t’appelle, c’est que je travaille sur cet homicide… - Donc ! Toi, tu as un cadavre alors que je n’ai qu’un doigt. Qu’est-ce que je fais de mon dossier? - Pour le moment tu poursuis ton enquête et on se tient au courant… - Je vais aviser Mme MILLIERI. - C’est la première chose à faire… C’est toi qui possèdes tous les éléments et il serait normal que tu revendiques toute l’affaire. Ce serait dommages car, en coopérant, on devrait arriver à quelque chose… 87
Quésaco était un malin. Denticoni l’avait compris et devait se résigner encore pour un temps à chercher la femme, alors qu’il était déjà marié. Il réprima rapidement une pensée pour Joséphine : si cette dernière n’avait pas eu d’annulaire gauche, il aurait fait l’économie d’une alliance qui était vite devenu le prix d’une corde au cou. Pour l’heure, bien que " mari marri ", l’adjudant devait s’estimer heureux que, avec doigtée, son collègue de la police nationale n’ait pas montré l’intention de lui fourguer l’assassinat de Jean-Victor Moro. Dans la soirée, la juge Millieri chassa ses soucis en se replongeant dans " Le peintre des batailles ". Le dernier roman d'Arturo PerezReverte était une terrible réflexion sur les guerres, la peinture, la photographie. Il enflammait aussi l'imagination de la magistrate: Babeth Millieri se serait bien vue , au pied d'une tour pisane, compagne silencieuse d'un Faulques, revenu de tout, retiré dans l'un de ses îlots magnifiques de l'archipel toscan. Amoureuse, maîtresse, amante, elle le rendrait à la vie, son photographe blessé à mort. Elle serait sa 88
renaissance. A minuit passé, la jeune femme relut plusieurs fois le passage où Olvido s'adresse à son amant (pages 175 et 176): "Alors, s'il te plaît, donne moi ce qui manque dans ce monde qui était le mien"... Puis encore plus loin: "C'est pour ça que je t'aime, en ce moment. Tu es ma façon de dire: finies les photos de mode, finie la collection de printemps à Milan, à la poubelle Giorgio Morandi qui a passé la moitié de sa vie à représenter des natures mortes avec des bouteilles, à la poubelle Warhol et ses boîtes de soupe, aux chiottes la merde d'artiste qui se vend en paquets-cadeaux dans les enchères pour millionnaires de Claymore. Bientôt je n'aurai plus besoin de toi, Faulques, mais je te resterai toujours reconnaissante pour tes guerres"... La juge Millieri s'endormit en rêvant: elle embarquait sur le voilier du séduisant Arturo Perez-Reverte. L'écrivain, tombé fou amoureux de la magistrate, l'emmenait, loin, entre le ciel et la mer. Pendant que Babeth Millieri, lectrice 89
imaginative, rêvait d’amour et voguait avec le photographe des batailles, devenu romancier qui ne dormait plus à cause des images qui le hantaient… que faisait la police ? Informé par l’Adjudant Denticoni, Quésaco avait rapidement acquis la conviction qu’il lui fallait cuisiner Léa Renerdi, la compagne de feu Jean-Victor Moro, sur l’amputation de son annulaire gauche. Il l’avait convoqué pour le lendemain, sans attendre son identification à partir des analyses biologique du doigt retrouvé sur une plage. Dans son appartement bastiais, Quesaco n’avait pu trouver le sommeil qu’en ingurgitant un somnifère. Il était insomniaque car il pensait trop. Dans ses monologues nocturnes, il lui arrivait même de s’interroger sur la raison pour laquelle l’homme aime torturer et tuer… " Son intelligence, supposait-il. Voilà qui est intéressant. La cruauté objective, élémentaire, ne serait pas cruauté. La véritable implique un calcul. Une intelligence… Voyez les orques. Pourquoi les orques ?… Comment ces prédateurs marins au cerveau évolué, qui opéraient au sein d’un milieu social complexe en communiquant entre eux par des sons sophistiqués, s’approchaient des plages pour capturer de 90
jeunes phoques, qu’ils se renvoyaient ensuite à coup de queue de l’un à l’autre, en jouant avec eux comme si c’étaient des ballons, les laissant s’échapper jusqu’au bord de la plage pour les rattraper ensuite, et comment ils continuaient ainsi par pur plaisir jusqu’au moment où, fatigués du jeu, ils abandonnaient leur malheureuse proie, disloquée, ou la dévoraient s’ils avaient faim. " Au matin, son réveil tardif avait obligé Quésaco à négliger sa toilette et surtout empêché de retrouver ses lunettes de vue dans son capharnaüm de célibataire divorcé. Mal rasé, le cheveux rebelle, les nippes fripées, il fit une halte à la pharmacie Ricci-Lucciani, place Saint Nicolas pour acheter une paire de loupe en dépannage. Acharnement du sort, la seule qui correspondait à sa vue était une monture rose pour presbyte féminine. Dans le ridicule, qui peut le plus peut le moins. Il pouvait le plus et les acheta donc, préférant y voir même si on le regarderait de travers. Il longea ensuite les quais, en commençant par celui du Fango où Jean-Victor Moro avait été abattu. Au niveau du quai du port, alors qu’un voilier emportait un couple vers une île lointaine, il bifurqua à gauche pour 91
s’engouffrer dans le pâté de maisons et ressortir dans la rue Luce de Casabianca où se trouve le commissariat de police. Malgré toutes les vicissitudes de cette matinée pourtant radieuse, il était à l’heure et arriva, sous les regards moqueurs de ses collègues, en même temps que sa convoquée qui le toisa avec mépris. Il la conduisit lui-même directement dans son bureau où il enfila ses lunettes roses mettant en valeur ses pupilles noires, tout en expliquant à sa vis-à-vis les raisons d’une monture rose inadaptée au cheval pur-sang de la police nationale qu’il était. Léa Renerdi était avertie : elle avait affaire à un policier viril qui ne lui promettait pas un avenir immédiat tout en rose. Il le lui signifia en lui notifiant sa mise en garde à vue dans l’information judiciaire suivie contre X… du chef d’assassinat. Elle ne réclama ni avocat, ni médecin et l’interrogatoire pouvait rapidement débuter…
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Saison 6 César Montalier éprouve les nerfs de Léa Renerdi. L'avocat de cette dernière ne dépasse pas le mètre cinquante. Le gendarme Denticoni se fait peur en rêvant d'une tempête tandis que la juge Millieri relit Shakespeare et se la joue Miranda. C'est dire que cette saison 6 n'a pas grand chose à voir avec les derniers épisodes de Desperate Housewiwes. Quésaco, installé derrière son ordinateur, prit le temps d’un long silence pesant dans l’atmosphère tendue qui régnait dans son bureau : une mise en condition qu’il pensait éprouvante pour les nerfs de Léa Rénerdi, assise sur le rebord de sa chaise comme prête à bondir. Cette attente n’eut pas l’effet escompté car elle prit le parti de s’installer à ghjacara techja, comme une chienne repue. Toutefois, la lenteur que le flic mettait à débuter l’interrogatoire établissait la première règle du jeu : il était le maître du temps. La deuxième était de faire croire qu’il avait des atouts dans le dossier. Un peu comme au poker, il ne dévoilait pas son jeu et appliquait 93
la stratégie des échecs en avançant ses pions prudemment. - Bon ! Avant que je ne vous pose des questions embarrassantes, je vous laisse la possibilité de faire preuve de bonne foi en m’expliquant comment vous avez perdu l’annulaire gauche. - Accidentellement lors d’une partie de pêche en mer avec… - Stop ! Vous allez me resservir la version de votre défunt compagnon. C’est vrai que vous avez perdu votre doigt lors d’une partie de pèche mais ce n’était ni en mer ni accidentellement. Si vous ne dites pas la vérité, je vais être obligé de vous représenter cette extrémité manquante de votre main… - Que ce soit en mer ou pas, c’était accidentel et je ne comprends pas d’être traitée en coupable alors que je suis une victime… - Je déteste les victimes quand elles respectent les bourreaux. C’est Jean-Paul Sartre qui l’a écrit. 94
- Mon bourreau, aujourd’hui, c’est vous avec tout le respect que je vous dois ! - Belle répartie ! Un peu masochiste en la terminant par un homophone de " doigt ". Je constate que, n’étant pas votre bourreau d’hier, je suis encore en vie. Comment pouvez-vous croire qu’aucun rapprochement ne serait fait entre l’amputation de votre doigt et l’assassinat de Jean-Victor Moro ? - Vous pouvez faire les rapprochements que vous voulez. Mon doigt est un accident et je pense que l’assassinat de Jean-Victor est politique… - Vous diriez cela à un cheval de bois, il vous rirait au nez. Jean-Victor est un petit malfrat, un tout petit. Il n’a jamais été intéressé par la politique et il n’était même pas inscrit sur les listes électorales… - C’était un clandestin. Il a même été arrêté par les gendarmes qui l’ont interrogé dans une affaire de plastiquage… - En ce qui me concerne, il y a longtemps que j’ai quitté la gendarmerie de Tafoni. Je vais 95
même vous faire une confidence, je n’ai jamais été gendarme ni à Tafoni qui n'existe pas ni ailleurs. Je ne vois pas des autonomistes partout… Jean-Victor a été entendu parce qu’il a un casier judiciaire. Ensuite il est devenu un indic des gendarmes. - Il a peut-être été tué pour ça ! - Jamais de la vie ! Aux gendarmes, il n’a donné que des tuyaux percés et, de toute façon, tout le monde se méfiait de lui. Même sa famille ne lui confiait aucun secret. - Après tout, c’est à vous de faire l’enquête. Moi, pour ce que j’en dis… - Mais l’enquête, c’est ce que je suis en train de faire, Madame. Et croyez-moi, elle a avancé l’enquête. Vous y êtes en plein dedans et vous avez choisi de prendre un chemin qui vous mène tout droit à un cul de basse fosse. - Vous m’avez bien dit que je pouvais demander un avocat ? - Je vous l’ai dit. 96
- Alors, maintenant j’en veux un… - Cusi si! Cum’ella vi pare è piace ! Parfaitement ! Comme bon vous semble ! Vous avez un nom ou vous voulez un commis d’office ? - Je veux Maître Coppiu ! - Si vous pensez choisir un grand avocat, je vous préviens que " metru coppiu " (double mètre) ne mesure qu’un mètre cinquante…. En attendant grandeur et décadence, vous allez rejoindre les geôles et nous reprendrons notre conversation plus tard. Je vais appeler le pidochju rifattu, ce parvenu du Barreau de Bastia. Après avoir appelé Maître Coppiu, Quésaco ne lâcha pas le bigophone, se permettant un petit appel personnel. Il gardait un secret dans sa vie : depuis plusieurs mois, il entretenait une liaison amoureuse avec une bergère à qui il consacrait une partie de son temps libre. Dès qu’il le pouvait, il la rejoignait comme un bandit prend le maquis, avec des ruses de Sioux. La belle (homophonie involontaire 97
avec le verbe bêler) chevrière était l’explication de sa connaissance de la langue corse. Au début, il était venu dans l’île pour prendre son galon de capitaine de police et terminer sa carrière à Marseille. Dans la vie, il avait compris que l’on ne peut pas tout planifier. Lui qui croyait ne plus s’amouracher vivait une passion pour une femme corse qui le dévorait au point de changer son identité. Progressivement César Montalier devenait corse et il l’avait compris le jour où, remplissant un procès verbal, il avait fait une inversion involontaire sur le clavier de son ordinateur : Montalier était devenu Montaleri ! Au lieu de corriger l’erreur rapidement, il s’arrêta sur la faute et une pensée lui traversa l’esprit, en même temps qu’un sourire illuminait son faciès de sanglier : finalement " Quésaco Montaleri " sonnait bien en Corse et, à la retraite, lorsqu’il écrirait des romans policiers, il prendrait ce pseudo. Avec sa bergère, il avait tout appris sur l’élevage des chèvres et des brebis mais aussi un florilège d’expressions corses qui lui 98
avaient fait découvrir que la galéjade n’était pas que marseillaise. Depuis lors, il ne ratait pas une occasion d’en placer une, avec une sorte de délectation intérieure toujours renouvelée. Il en était au point de se convaincre que, Marseille étant la ville la plus peuplée de Corses, il avait peut-être hérité d’un " i " insulaire et que l’erreur de clavier avait été commise sous l’influence occulte de quelque ancêtre corse fantomatique qui l’avait reconnu. Il s’était juré de faire des recherches généalogiques pour identifier le fantôme corse dans sa famille. Il savait qu’il ne le ferait jamais car les légendes, pour rester belles, n’ont pas besoin d’être vérifiées à la lumière de la réalité. Lea Renerdi avait passé deux heures dans les geôles du commissariat. Son entrevue avec Maître Coppiu avait duré une demi-heure conformément à la loi. Si court soit-il, ce temps de honte avait entamé sa résistance déjà mise à l’épreuve par les événements dramatiques qui s’étaient succédés et imposés à elle. Bien sûr, le silence 99
était de rigueur et elle n’avait rien à espérer en déballant son histoire, mais avait-elle un autre choix ? Même si ce flic la bluffait, tôt ou tard il aurait suffisamment d’éléments pour la forcer à dire la vérité. De victime, elle se retrouverait complice, voire coupable. Reconduite devant Quésaco, elle prit le parti de raconter les raisons pour lesquelles JeanVictor avait sectionné son annulaire gauche… - Depuis plusieurs mois, notre couple était devenu un enfer. J’avais fait savoir à Vicky que je voulais le quitter et il l’a très mal pris. Lorsque je lui ai annoncé que j’avais une autre liaison amoureuse, il est devenu comme fou et il ne me lâchait plus d’une semelle. Il m’obligeait à le suivre dans ses parties de pèche et je ne le supportais plus. C’est sur la plage qu’il m’a frappée et a coupé l’annulaire de ma main gauche pour que personne ne me passe l’alliance. - C’est vous qui avez appelé la gendarmerie? - Non ! - Il y avait quelqu’un d’autre sur la plage? 100
- Je n’ai vu personne… - Pourquoi n’avez-vous pas déposé une plainte? - Cela ne se fait pas chez nous… - Votre entourage a préféré régler le problème autrement, n’est-ce pas ? - Je vous ai tout dit et je n’ai rien à ajouter. - Moi, j’ai d’autres questions à vous poser sur l’assassinat de votre "vicky ". J’y viendrai comme César en Gaule où il a prononcé ses paroles historiques : Veni, Vidi, Vici. C’est l’heure de déjeuner. Je vais vous faire raccompagner dans les geôles où vous recevrez un plateau-repas… Quesaco était assez fier de cette référence historique à César qui était aussi son prénom faisant de lui un conquérant dans des batailles de mots selon les règles de la guerre procédurale. Dans un premier temps, il disposait de vingt-quatre heures pour vaincre les résistances de sa gardée à vue qui cependant n’était pas gauloise. 101
"All the world's a stage, And all the men and women merely players: They have their exits and their entrances…" Le monde entier est un théâtre, et les hommes et les femmes ne sont que des acteurs; ils ont leurs entrées et leurs sorties … Léa Renerdi, actrice tragique, avait expliqué son doigt coupé mais, plutôt que d’en dire plus, elle aurait elle-même coupé sa langue. Il faut rendre à Cesar ce qui appartient à Cesar Montalier : ce dernier avait tout fait pour la faire parler. Notre fin limier subodorait que sa suspecte connaissait les tenants et les aboutissants du meurtre de son compagnon mais il comprit qu’elle ne répondrait plus à ses questions. Elle avait même refusé de dire le nom de son nouvel amant… Et c’était certainement là qu’il fallait s’orienter. La garde à vue n’avait servi qu’à l’identification de la propriétaire du doigt coupé puis à celle du coupeur jaloux et sadique. Celui-ci était mort et l’action publique s’arrêtait là. Le tribunal des hommes 102
ne juge pas les morts, car aucune peine terrestre ne leur est applicable. Il reste, pour les croyants, le jugement de Dieu et , in fine, la peur du jugement dernier qui fera le bilan de l’humanité. Jean-Victor Moro était, à cet égard, une vie aggravant le passif collectif mais, si sa barbarie restait inexcusable, d’autres pourraient être, à grande échelle, responsables de la banqueroute humaine… à moins que nous nous activions à plus de générosité et de solidarité. En pensant à la justice divine, Quésaco se consolait de la justice des hommes. Il croyait aussi à la justice immanente. Lorsqu’il désespérait de la nature humaine, notre Cesar relativisait inconsciemment des actes qui finalement étaient individuels. Il venait de résoudre un petit mystère et, pour un doigt coupé, Jean-Victor Moro avait reçu la mort. Cela dépassait la loi du talion mais ne le choquait pas. Depuis plusieurs mois, la presse relatait qu’un nouveau génocide se perpétrait en Afrique. Au Darfour, un peuple était exterminé par les 103
armes et la faim, alors qu’une partie des grandes puissances s’en tenait à des déclarations de principes tandis que l’autre se rendait complice des génocidaires pour des raisons stratégiques et économiques. De quoi décourager un flic et relativiser le fait divers qu’était la mort d’un petit voyou… Après la remise en liberté de Léa Renerdi, sur les instructions de la juge d’instruction informée des résultats des auditions, Quésaco appela Dentriconi. Ce dernier fut heureux d’apprendre que la partie de l’enquête à sa charge avait trouvé sa solution judiciaire; il pourrait ainsi retourner à ce qu’il considérait comme une noble tâche : la présence sur la voie publique. Il s’organisa un circuit de patrouille solitaire passant par différentes fontaines à vin blanc. Aviné, il se retrouva, sans savoir comment, sur la plage où avait débuté l’affaire. Il s’allongea sur le sable, près de la cabine téléphonique. Alors que son esprit sombrait dans un profond sommeil, un flash le réveilla, puis un autre…et un autre ! Ebloui, il lui sembla distinguer la silhouette d’une femme en robe longue qui s’enfonçait dans la mer. Une tempête s’était levée. 104
Denticoni prit ses jambes à son cou pour aller chercher du secours… Sur la plage, il n’avait pas vu un homme en train de photographier une tornade qui se formait entre l'île d'Elbe et le Cap Corse a une distance d'environ 25 km du Cap Corse et 15 Km de l'île d'Elbe. C’était le 4 mai dernier et nous savons qu’il s’agit du photographe Thierry Venturini. Il serait également l’auteur des deux photographies mises sous scellés au début de l’enquête. Nous ne pouvons que lui conseiller de contacter l’Adjudant chef Denticoni qui, par sa faute, a déclenché une opération de grande envergure pour sauver de la noyade une tornade… à moins que cette tornade ait quelque chose à voir avec Ida Renerel ! Combien la Corse compte-t-elle de tornades?… O, merveille ! Combien de belles créatures vois-je ici réunies! Que l'humanité est admirable ! O splendide Nouveau Monde 105
Qui compte de pareils habitants ! Dans son bureau, Babeth Millieri relisait Shakespeare. Elle n’était pas le juge au ventre arrondi, garni d'un bon chapon, l'œil sévère, la barbe taillée d'une forme grave. Elle n’abondait pas en vieilles sentences, en maximes vulgaires. Ce n’était pas son rôle. Elle jouera Miranda. L’auteur de La Tempête c’était bien sûr Prospéro, il avait seul autorité, c’est-à-dire que lui seul dispose du droit d’agir…
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Epilogue Sur une plage qui avait perdu la mémoire, on retrouva à partir du 5 juin 2007 le post suivant : Le Professeur KaZeozA a rapidement acquis la conviction qu’une sardinade conviviale délierait de son attachement à Arturo Pérez-Reverte, l’imagination trop bien pendue de Babeth Millieri. Ce texte contient toujours un lien hypermédia renvoyant à cette adresse http://www.kazeoza.com/41559.html Le post s’achevait par ces mots : La preuve par Marcel Duchamp que le déjantement est la chose du monde la mieux partagée. Merci Professeur !
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Š 2007- 2008, www.corsicapolar.eu Š Thierry Venturini pour les photographies
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