Journal du Mur saint Martin, n° 3

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ELLE

BARRICADE

LUI


BU LL ET I N DE S OU S CRI PT ION

MURSAINTMARTIN

nouvelle programmation

L ’ A N PRE M I E R DE LA LI B E RT É

DIALOGUE ENTRE L’ A F F I C H E ET L E P A S S A N T LE PASSANT Encore une Affiche ! Et que dit celle-ci ?

Son objet ?

L’ A F F I C H E Passant, je t’annonce un Affichage et un Journal périodiques. LE PASSANT Un Affichage périodique et un Journal ! Je n’en veux point. – Il y en a déjà trop. L’ A F F I C H E Tout doux ! Pourquoi te fâcher ? Si tu n’aimes pas les Journaux, n’es-tu pas libre de ne pas t’y abonner ? D’ailleurs celui dont je te parle n’est pas nouveau. Il paraît depuis vendémiaire 2015 ; & de toutes les parties de la République on lui a déjà donné des témoignages flatteurs d’estime.

Quel est son nom ?

LE PASSANT

L’ A F F I C H E Le JOURNAL du MURSAINTMARTIN. LE PASSANT Si comme tu l’assures, ce Journal a du succès, à quoi bon une Affiche ? Que fais-tu là ? L’ A F F I C H E Connaissais-tu le Journal en question ?

Non.

LE PASSANT

LE PASSANT

L’ A F F I C H E Instruire par distraction. Car il n’y a pas au fond, écrivait Maurice Blanchot en 1968, « de différence entre tract, affiche, bulletin, film, et cætera, et cætera. « Comme la parole sur les murs, [les tracts\ s'écrivent dans l'insécurité, sont reçus sous la menace, portent eux-mêmes le danger, puis passent avec le passant qui les transmet, les perd ou les oublie. » LE PASSANT Qui & qu’y trouve-t-on ? L’ A F F I C H E De la po¨sie plastique ou spatiale ; et leurs auteurs toujours d’ordinaire embastillés dans des revues ou des livres confidentiels ; poësie & poëtes jamais nulle part visibles dans les espaces publics – que sont de droit pourtant –, tant de nos établissements subventionnés ! Encore moins visibles le sont-ils dans nos rues paradoxalement privatisées et parasitées par la soi-disant… publicité ! LE PASSANT Bah ! Bah ! Voilà bien des promesses ! L’ A F F I C H E On les a déjà remplies ; avec entre maints autres, les citoyenspoëtes Richard Martel & Lucien Suel, les citoyens-critiques d’art Jacques Sauvageot & Alexandre Rolla. Et voici venu le tour de la citoyenne Édith Azam ! avec son « amor barricade amor ». LE PASSANT Et comment puis-je m’en convaincre ?

L’ A F F I C H E Je ne suis donc pas inutile. LE PASSANT Hé bien, voyons, parle ; quel est sa périodicité ? L’ A F F I C H E Tous les quatre Décadis environ. LE PASSANT Son format ? Sa situation ? L’ A F F I C H E Je mesure 3 x 3,15 m et m’étale en plein IIIe arrondissement de Paris, au n° 180 de la rue Saint Martin, à 2 pas de la Maison de la poésie & à 210 mètres de Beaubourg &/ou du Marais, non loin en outre des Arts & Métiers ou de la Gaieté lyrique.

L’ A F F I C H E En passant devant le mur et en te rendant au café le DJURDJURA, sis au 187, de la même rue Saint Martin. Tu t’y feras servir à boire et/ou à manger et montrer ce qui a déjà paru de ce Journal et du MURSAINTMARTIN ; et si tu es curieux de contribuer à nos parutions & de participer ainsi à un véritable mécénat populaire, il t’en coûtera : 196,8 ¤ pour les AFFICHES grandeur nature déjà parues ou à paraître ; 17,89 ¤ l’abonnement au JOURNAL (5 numéros/an) ; 18,48 ¤ les 3 anciens numéros du dit JOURNAL ; & enfin, 1,870 ¤ cet exemplaire-ci.

J’y passerai. Adieu.

LE PASSANT

Dialogue détourné (par jcaj) d’une affiche diffusée par l’Imprimerie des sciences & des arts (Paris, vers 1790)

Dialogue détourné d’après une affiche originale diffusée par l’Imprimerie des sciences & des arts (Paris, vers 1790) Abonnement 5 exemplaires (ou +) par an : 17,89 ¤. Chèque à l'ordre de : l'association slnd c/o Z. Sekai, 35, résidence de la Faussette, 77470 Le Trilport.

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lemursaintmartin@laposte.net http://www.lemursaintmartin.com


n° 3 Avril 2015

entretien

France 1,870 ¤ Etranger 1,968 ¤

DIALOGUE ENTRE ÉDITH AZAM ET L E P A S S A N T LE PASSANT Quelle place occupe la poésie spatiale dans ta pratique plus connue ou courue, de l'écriture, de la lecture ou de la performance voire du happening ? ÉDITH AZAM Dire qu’il s’agit pour moi d’une pratique courante ne serait pas honnête. Et pourtant, mon premier mouvement sur la feuille est à chaque fois un dessin, ou tout au moins une mosaïque de cercles, de traits, de signes qui s’enchevêtrent, se superposent et construisent… Quoi ? Je ne sais pas, et sans doute est-ce cela qui m’enivre. Le dessin a pour lui de nous offrir du sens tout en échappant à l’analyse. C’est une grande liberté. Je n’aime pas me saisir, et dessiner m’aide à me perdre. J’emploie le mot «dessiner », au fond, je ne sais pas ce que c’est vraiment. J’écris. Á l’envers. Très souvent à l’envers. De plus en plus souvent. Comme pour achever mon regard. Lui inverser sa tournure, ses réflexes de lecteur, ses ’’voyures’’. Écrire en inversé, transforme le rapport à la mémoire. Le sens se dilue peu à peu, seules restent les lignes de tensions, et la musique. Je trouve ça étonnant qu’un tracé puisse faire de la musique, et une aussi étrange partition. Me relire demande un effort, une temporalité qui se vrille. Je suis obligée de me recopier dans le bon sens, et cela prend du temps parce que je ne parviens à me relire que lentement. Comme un enfant qui apprend à lire. C’est grisant. C’est grisant de se dire qu’à chaque fois tout est neuf, que l’autre que je suis ne s’offre pas si vite. C’est un peu, le dessin, mes poèmes à l’envers, un peu comme à chaque fois, une découverte. Mais je ne pense pas faire de la poésie spatiale en ce sens que ce ne sont que mes brouillons qui vont en sens inverse. Pour ce qui est des dessins qui parfois jalonnent mes poèmes, je les accueille puisqu’ils viennent ! Mais ce n’est pas dans le choix d’une pratique plus que d’une autre ! Sans doute tout simplement, signent-ils un endroit ou la langue me paraîtrait trop fausse, ou trop faible. LE PASSANT Quelle est la différence entre ta "barricade" et celles qui, révolutionnaires ou insurrectionnelles, appartiennent soi-disant désormais à l'histoire ? ÉDITH AZAM Disons qu’elle est le paysage, la ligne (de fuite ?) autour de quoi tout se construit, se tord. Elle est un personnage, tout comme Julien, le CRS, ou la fille. Un jeu aussi, à force, je ne sais plus si la barricade est présente parce qu’elle est nommée ou parce qu’elle est symbolisée par le tracé. Il y a une confusion qui a généré en moi, une sorte de flottement… sur les intentions. Je n’étais plus certaine de vouloir la faire plier. Mais c’était amusant, dirais-je d’un

éditions clandestines

SLND

claquement de désir, de la voir elle aussi : craquer ! La barricade est une notion qui m’intéresse. Une sorte de frontière qui se dresse, éphémère et brutale. Un amas d’objets hétéroclites ou s’allient et s’opposent des forces vives. Un point d’intersection bouillonnant. Bien sûr la mienne n’est qu’un tracé plus ou moins raide sur le papier qui stigmatise d’autres formes de violences. LE PASSANT Que t’inspire alors la liberté que décrit Marguerite Porète dans son Mirouer des âmes simples et anéanties (1295) ? Te semble-t-il que c’est pour cette déclaration qu’elle aura été condamnée et brûlée vive par l’Inquisition, en place de Grève à Paris, le 1er juin 1310, alors même que son âme s'était déjà d'elle-même...« anéantie » ? Et pourquoi donc le pouvoir d’alors, s’est-il permis cette tautologie : annihiler quelqu’un... d'anienti, pour reprendre son propre mot ? Quoi qu’il en soit, voici : « Mais si je voulais pécher, pourquoi [Dieu\ ne le supporterait-il pas ? S'il ne le supportait pas, son pouvoir m'enlèverait ma liberté ; mais sa bonté ne pourrait supporter que son pouvoir m'ôte ma liberté en rien ; autrement dit, elle ne pourrait supporter qu'aucun pouvoir ne m’ôte mon vouloir sans que ma volonté y consente. Sa bonté m'a donc donné, par pure bonté, une volonté libre : en tout ce qu'il a fait pour moi, il ne m'a rien donné de meilleur ; le reste, il me l’a prêté par courtoisie, et s'il me le reprend, il ne me fait aucun tort ; mais ma volonté, il me l'a librement donnée, et c'est pourquoi il ne peut la retrouver s’il ne plaît à mon vouloir. » ÉDITH AZAM Je dirais que… Oui, il me semble fort probable qu’on ait brûlé cette femme à cause de cette déclaration. Ou un peu pour les déclarations, un peu aussi parce qu’en plus, elle était femme ! Je veux bien croire en tous cas que l’institution religieuse a su avancer un tas de bonnes raisons pour justifier cette exécution. Il n’en reste pas moins que c’est abject. C’est ça le problème avec les institutions religieuses : elles sont raides, raides à faire devenir bête, méchant, féroce, impitoyable… Du 1 er juin 1310 au 7 janvier 2015, au fond, c’est un peu la même histoire, des fanatiques fous furieux s’autorisent les pires exactions, légitimant leur acte par la défense des Écritures. Et dire qu’ils font ainsi preuve de leur incapacité à être lecteur, et même tout simplement : à ÊTRE. Quelle que soit l’époque, pour que vivre ait un sens, nous avons peut-être le droit d’être libres mais c’est d’abord et surtout, de soi à soi, un devoir qui consiste à faire le pas, l’effort que l’ouverture (d’esprit) sur le monde demande.

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(19 avril 2015)

maquette : groupe au bleu


Comité de rédaction : Painterman (http://www.laurentmarissal.net/) jcaj (http://criticavitjkj.blogspot.fr/)

Le pri nte m p s fi le – p a r m i l ’a r m o i s e , des os s e m ent s hu m a i ns.

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S ei fu-n i (1 73 2- 181 4)

EDITH AZAM

« édith azam, rien à signaler. se fout de sa biographie. rêve actuellement de voir pousser une fleur. a mangé du poulet aujourd'hui à 13 h 47, et cru, histoire d'avoir quelque chose à raconter à la fin de la journée. cette après midi se rendra à la poste, fera approximativement 3279 pas et traversera 12 feux rouge en marchant sur des clous. et voilà. » (E. A.) Publications récentes (sélection) – Amor barricade amor, Paris, éditions Atelier de l’agneau, 2008 – Rupture, Limoges, éditions Dernier télégramme, 2009

– Le mot il est sorti, Marseille, éditions Al Dante, 2010

– Du pop corn dans la tête, Paris, éditions Atelier de l’agneau, 2010 – Soleil Œil Crépu, Limoges, éditions Dernier télégramme, 2010

– Mercure, Marseille, éditions Al Dante, 2012

– Q ui journal fait voyage, Paris, éditions Atelier de l’agneau, 2012

– Salle de spectacle du silo d’Arenc (avec Roland Carta), Marseille, éditions Al Dante, 2013 – Décembre m'a ciguë, Paris, éditions P.O.L, 2013

– Vous l’appellerez : Rivière, Rochefort-sur-Loire, Centre poétique/La Dragonne, Nantes, éditions La Dragonne 2013.

– Bel échec (avec Jean-Christophe Belleveaux, couverture d’Elice Meng), Limoges, éditions Dernier télégramme, 2014

– On sait l’autre, Paris, éditions P.O.L, 2014

– Camera (à paraître aux éditions P.O.L, juin 2015) Blog de la poëtesse : http://phasme.grosquick.net/

Erratum au n° 2 du présent journal :

◦ Il fallait y lire en p. 2, dans l’introduction du texte intitulé Cela ne s’apprend pas, cela se prend : « Puisqu’à un peu moins d’un siècle de distance, le Maître ignorant et le Poëte orphique sont tombés d’accord… » ◦ Dans le § 4 du même texte, il faut remplacer « R » par « Z » à la fin de 2 mots. ◦ Contrairement à ce qui avait été annoncé en p. 4, ce n’est pas le poëme-express # 00533 mais bien le poëme-express # 00363 de Lucien Suel qui a été finalement affiché et publié.–

Centre d'art mobile (Besançon)

UN[ée\COLED'ART

association S.L.N.D


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