Livret dialogue exposition SWING ‘ND ROLL & BUBBLES Morgane Tschiember, Sète, CRAC

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Dialogue

Sylvie FANCHON Morgane TSCHIEMBER

du 6 avril au 28 mai 2012


DIALOGUE SF Sylvie FANCHON SWING ‘ND ROLL & BUBBLES Morgane TSCHIEMBER

Du 6 avril au 28 mai 2012 CENTRE REGIONAL D’ART CONTEMPORAIN LANGUEDOC-ROUSSILLON


Sylvie FANCHON

Entretien entre Timothée Chaillou et Sylvie Fanchon Timothée Chaillou : Quelle est cette forme que nous apercevons à l’entrée de ton exposition ? Sylvie Fanchon : Cette forme est un canard que j’ai extrait d’un dessin-animé de Tex Avery. Il pointe avec fierté, de son index, le bord supérieur du tableau. J’aime utiliser des images populaires, ce sont des lieux communs. Je trouve une forme, la simplifie et l’installe dans le tableau. L’écart entre la source et la peinture m’intéresse. Ce tableau, de 2010, fait partie d’un ensemble intitulé Caractères, dans lequel je pointe certains travers du genre humain. Ce canard est la figure de l'autorité : il bombe le torse, montre le ciel et rassemble les foules. TC : Comme l’explique Alain Badiou, dans «Logique des mondes», pointer, c’est indexer pour indiquer un transcendant. Cette indexation transcendantale est une sorte de quantificateur d’existence d’un objet et permet d’apprécier son degré d’apparition dans un monde donné. Dans certaines représentations de la peinture classique, les personnages indexant le ciel sont dans une position d’humilité. Pourquoi ce renversement? 3


SF : Il est campé sur ses deux pieds, torse bombé et doigt levé, cela m’évoque la figure du sermonneur ou du dictateur. Cet ensemble est né d’une irritation envers l'autorité, le mensonge, les leaders ou la compétition. TC : Tu soulignes qu’il « pointe de son index le bord supérieur du tableau ». Ce qui est avant tout une vision formaliste : le tableau ne dépasse pas ses limites. SF : Un tableau est une convention, c’est la lecture que l’on en fait qui est sans limites, et les paramètres sont nombreux, notamment le temps historique dans lequel on le regarde. Pour ma part, un tableau ne peut exister qu’après « dégraissement » du travail et qu’il ne reste plus que ce qui ne peut être enlevé. Je me demande parfois si ce n’est pas une définition de la paresse : en faire le moins possible. TC : John Armleder dit qu’il aime « activer les forces positives de la paresse ». SF : Exactement. Maximaliser les possibilités du tableau avec le minimum de dépenses. TC : Nous voici devant des «Monochromes décoratifs» (2008-2009). L’art a toujours été un objet domestique, un objet décoratif. Les lieux d’exposition ont simplement créé un nouveau contexte de lecture. 5


Est-ce que la finalité de l'art, sa jouissance reste néanmoins la béatitude esthétique et ce malgré des positions dites radicales ou expérimentales? SF : Je n’oppose pas la radicalité et l’expérimentation à la jouissance esthétique : affronter le décoratif est radical. Le devenir du tableau est d’être montré dans un espace privé ou muséal, en étant regardé aussi suivant des critères esthétiques. Je prends cela en compte. TC : Qu’en est-il du monochrome ? SF : Le monochrome est soit conceptuel soit mystique. Olivier Mosset sait faire des monochromes qui ne sont ni ennuyeux ni transcendants, ce sont juste des peintures, avec parfois de l'humour. Monochrome ou pas cela finit toujours au-dessus du canapé, comme le dit John Armleder, et pourquoi pas encadré. Cette série fut l'occasion de m’intéresser au vide, à la contemplation, en y insufflant une goutte d'humour - ou de contestation. En traçant des cadres le long des bords du tableau j’introduis un contraste entre l’étendue et le décor. TC : Tu tentes cependant d’être expressive a minima. SF : Oui, le tableau est comme un échiquier.

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TC : Quel est ton adversaire ? SF : Le tableau, car c'est le lieu où se déroule la bataille. TC : Que tu mènes seule. SF : C’est moi qui instaure les règles et quelque fois je perds. TC : Penses-tu faire une peinture de la solitude ? SF : Je ne le pense pas, mais peut-être y a-t-il une part de vérité lorsque l’on regarde ces formes isolées sur des fonds. TC : Un motif sur une toile comme perdu sur une large plage de couleur. SF : Oui, le vide. Encore une fois, je veux « dégraisser », en enlevant tout ce qui serait de l'ordre du superflu. Je suis d’accord avec Remy Zaugg lorsqu’il dit que « plus on met de choses sur un tableau moins ces choses sont importantes. » En peignant un rond, ou une tâche, sur un immense tableau, il prend une grande importance en étant totalement lisible. TC : Ton travail est-il désincarné ? SF : Je ne dirais pas du tout que ma peinture est désincarnée, elle est peinte. La structure, la forme, l'organisation sont mentales, mais il faut exécuter le tableau donc le peindre et le choix des couleurs se fait à ce moment-là. 9


TC : Pour Olivier Mosset « toute couleur est utilisable et d’une égale valeur. » SF : Pour moi, les couleurs ne sont pas équivalentes, elles ne sont pas interchangeables ni n’ont les mêmes valeurs. Je dois trouver un rapport spécifique entre deux couleurs pour ressentir une sensation. Nous voici maintenant devant SF a SETE (2011) : SF pour mes initiales et la science-fiction. TC : Pour une fois tu signes par devant une toile. SF : Je signe toujours sur l’envers du tableau car tout ce que j’y inscris en fait partie. SF a SETE est une forme, un jeu de mots et une tautologie. TC : Nous voici maintenant devant une peinture à l’effigie d’un personnage. SF : Un jour on m'a envoyé une carte postale de Londres à l’effigie d’un Snoopy qui crie : « I miss you! ». Il me rappelait Le Cri de Munch. J'en ai fait un dessin que j’ai mis de côté. Il est ensuite devenu le premier tableau de la série Caractères (2009-2010).

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TC : C’est entre le cri et le bâillement, une bouche simplement ouverte, ne produisant aucun son. SF : Tout à fait, c'est au regardeur de décider si c'est un bailleur ou un crieur. L’autre tableau, à ses côtés, est une géométrisation de ce Snoopy. Il devient grotesque comme une sorte de lampadaire surréaliste. Le tableau est marron et beige, ce sont des couleurs sourdes. TC : On arrive dans la salle des «Accrochages» (2011-2012), des toiles qui représentent ce que l’on nomme un « accrochage XIXe » : sur un mur sont accrochés des tableaux de différents formats, de différentes formes, avec un principe de fausse symétrie. Pour toi ce sont des « tableaux faisant référence à une image absente, à quelque chose qui a eu lieu évoquant dans un même regard des constructions abstraites ». SF : Les Accrochages sont un mélange de plusieurs choses : du dessin que forme une organisation de tableaux sur un mur telle un ensemble de formes rectangulaires, rondes ou ovales, comme une installation de peinture abstraite ; d’une réminiscence de collections d’étiquettes issues d’un livre ; de ces rectangles ou carrés gris qui sont visibles avant que les images réelles n’arrivent lorsque l’on fait une recherche dans Google Image ; et des « cadres pêle-mêle », ces cadres prédécoupés, destinés à encadrer des photos. 13


En face de ces Accrochages il y a un Fibbo-billard (2011), un Monochrome décoratif noir et blanc (2009) et Etang (2011). A première vue ce dernier est un tableau abstrait puisque qu’il figure des ovales, mais en fait ce sont des trajectoires de ricochets sur un plan d’eau. TC : On arrive ensuite devant deux « tondos » marrons et oranges qui font face à deux petits tableaux oranges et noirs représentants, possiblement, des végétaux. SF : Mon intention était de représenter du végétal, des arbres. Je revenais d'un voyage au Japon où j'avais pu y voir de nombreuses estampes de représentations d’arbres et de nuages. Ce sont en quelque sorte des arbres génériques. J'ai cette conviction que le « voir » est fondé sur la culture, sur l'histoire des civilisations, que notre perception du monde est construite en fonction de ces paramètres et bien d'autres encore, et que cette perception est loin d'être objective. TC : Pour le dire d'une autre façon, lorsque nous regardons quelque chose, nous voyons autre chose puisque chacun apporte dans sa lecture d’une image tous les signifiés qui lui sont personnels SF : Exactement, c’est cela qui m'intéresse. Rien n’est dans la peinture, tout est dans la perception. Un tableau est un mille-feuille. 15


TC : Ce qui nous amène aux «Aspects» (2011). SF : Ce sont des tableaux ambigus dans lesquels une forme se lit alternativement d’une façon ou d’une autre et dans lesquels il est impossible de trancher en faveur de l’une ou de l’autre de ces perceptions visuelles. Plusieurs lectures sont possibles et toutes sont justes. TC : Dans le couloir il y a un «Aspect (Faucheuse)» (2012) et un ensemble de petits formats (2009, 2010, 2011 et 2012). SF : La Faucheuse fait partie des tableaux ambigus. Les petits formats, surtout des « tondos » sont des tableaux caustiques et presque maniérés, des tableaux « bêtes » au sens strict (silhouettes d’animaux). Un peu de légèreté et de provocation ne nuit pas à l’affaire.

TC : Pour finir notre parcours j’aimerais que tu évoques les « contraintes » que tu t’es imposées pour peindre : la bichromie ; pas de profondeur optique ; une peinture déposée sans expression et avec précision. SF : Je dis très exactement que ces contraintes sont des marques de l’esprit avant d’être des marques de fabrique et qu’elles sont la condition sine qua non pour que le tableau ait lieu. Ensuite dans le système de bichromie – on en revient à la perception – il y a en réalité toutes les couleurs dedans. Qu'est-ce qui est nécessaire pour avoir toute la gamme des couleurs ? Le rouge magenta primaire, le jaune primaire, le bleu cyan primaire, le blanc. A partir de ces 4 couleurs – le blanc est une couleur pour moi – on peut fabriquer la gamme de toutes les couleurs qui existent. C'est une addition soustractive : j'additionne les couleurs mais je les soustrais au regard puisque tous les tableaux contiennent potentiellement en eux toutes les couleurs, mais n’en présente que deux. C’est une économie, une façon de se concentrer, une forme de condensation. Ensuite, je ne souhaite pas de profondeur optique parce quelle est illusoire. Au final tout cela peut être résumé par cette phrase de Paul Valéry : « L'art vit de contraintes et meurt de liberté. » Ces contraintes sont ce que j’appelle le style. 17


Morgane TSCHIEMBER

Conversation au bord d’un canal de Sète entre Morgane Tschiember, Jean Charles Agboton-Jumeau, Fabrice Michel et Noëlle Tissier (mars 2012) Morgane Tschiember. : Qu’évoque pour toi Swing’nd Roll & Bubbles ? Jean Charles Agboton-Jumeau : Ce titre comporte un certain rythme d’abord et il est donc a fortiori en anglais et fait à bon escient une entorse à un certain nationalisme : celui de la francophonie d’Etat ! Lequel refuse toujours d’admettre que l’anglais est la langue du Rock par exemple ! Rappelons-lui en tout cas, que même quelqu’un de l’envergure de Marguerite Yourcenar, aura sagement renoncé à traduire le mot « blues » dans ses traductions de negro-spirituals… Noëlle Tissier : Pour ma part, le titre entre aussi en résonnance avec l’aspect sonore que comportent virtuellement les salles d’exposition ; celles-ci font office de partition de telle sorte que les pièces de Morgane donnent à l’espace un équivalent sonore… 19


JCAJ : En effet. Notons aussi que, malgré les apparences, ces trois mots conservent une dimension descriptive ; ils désignent trois installations distinctes, trois salles et au moins trois disciplines artistiques : l’architecture, la peinture et la sculpture. M.T. : Comment les pièces de l’exposition s’inscrivent-elles d’après toi dans le sillage de mon travail antérieur ? JCAJ : Précisément par ces trois dernières dimensions : pour une fois, elles cohabitent en un seul et même lieu, de sorte que le spectateur dispose d’une assez large gamme du polymorphisme technique, spatial et esthétique de ton travail. Fabrice Michel : Que penses-tu de l’accrochage par rapport aux expositions précédentes ? Il me semble que la question de l’in situ ou du site-specific n’a jamais été aussi présente, ainsi que l’ampleur « américaine » qu’on a souvent noté à propos du travail de Morgane. JCAJ : Cela tient aux caractéristiques du lieu d’abord : échelle, hauteur de plafond, circulation. Ensuite je crois que Noëlle veille au grain : un artiste ne peut travailler au CRAC 21


sans prendre en considération le fait qu’il a été conçu à dessein par sa directrice… N. T. : En effet, je rappelle que le centre est installé à la place d’un entrepôt de poisson que j’avais découvert à l’occasion d’une exposition. J’ai tenu à ce que l’architecte conserve la dynamique déambulatoire qui caractérise le lieu, de telle sorte que les artistes comme le public, consciemment ou non, soient d’emblée invités à déambuler dans cet espace. En ce sens, la proposition de Morgane intitulée Swing par exemple, avec son espèce de déambulatoire, relève de cette dynamique ; en outre, je ne peux m’empêcher d’y voir une nef de bateau qui se fait aussi l’écho du genius loci (Esprit du lieu)… M. T. : Il y a aussi un mouvement corrélatif à la déambulation : celui du regard qui va decrescendo en partant de Swing en hauteur vers la troisième salle, celle des Bubbles disposées au sol, en passant par celle des Rolls, ou inversement quand on part de la salle que je partage avec Sylvie Fanchon en regardant vers la nef de Swing. F. M. (à JCAJ) : Tu as vu toutes ces pièces au stade de projets ou de maquettes ; leur réalisation grandeur nature est un 23



saut dans le réel ; il y aurait pu y avoir un écart ou certaine distorsion ? Je trouve que c'est intéressant le passage au réel avec les matériaux définitifs et ce que cela implique comme effort. JCAJ : Certes mais je pense que tout le travail de Morgane implique ce hiatus parce qu’elle est toujours soucieuse de la qualité spécifique des matériaux qu’elle utilise ; c’est même dans cet écart que réside son art. Sauf qu’ici, à Sète, elle n’aura pu tester que sur place certains matériaux à une échelle monumentale et, donc, avec une marge d’incertitude plus importante que d’habitude. Mais comme chez elle, c’est de l’exécution que procède toujours la conception – et non l’inverse comme c’est trop souvent le cas dans un certain art contemporain médiocre – il n’y a en somme entre la conception et la réalisation de son projet pour Sète, qu’une différence de degré et non de nature. N. T. : Je ne parlerais pas d’exécution mais plutôt de passage à l’acte qui lui ouvre des possibles dont elle se saisit pour préciser et avancer dans la conception de son travail… M. T. : Toi qui accompagne mon travail depuis 10 ans vois-tu une relation entre les trois projets réalisés au crac et mes oeuvres antérieures ? 27


JCAJ : Le rapport entre Swing et la série des Iron Maiden ou même celui qu’on peut faire entre les Running Bond et les Block/Block me paraissent aller de soi mais peut-être qu’il faut s’en méfier justement. Ce qui me paraît te caractériser, c’est l’hétérogénéité qui fait qu’aucun matériau ni qu’aucune technique n’est privilégié dans ton travail. C’est ce que j’appelle la polymorphie ou la plasticité de ton art, c’est que l’art du coup se trouve moins dans qu’entre tel ou tel objet, installation ou photo. C’est pourquoi tu as pu faire des photos qui ressemblaient à des peintures (et non qui imitaient ou détournaient des peintures), des objets qui oscillent entre la peinture et la sculpture ou la sculpture et l’architecture ; les Bubbles par exemple, sont remarquables par la façon dont ils conjuguent opacité et transparence, gravité et légèreté, encoignures et extravasations, aplomb et déséquilibre, etc., en les faisant jouer, comme on dit qu’il y a du jeu entre des lattes d’un parquet par exemple. Dans les Roll, ce qui se passe entre les rouleaux est plus important que les éléments qui les composent. En sorte que le spectateur ne peut en conclure – sensiblement s’entend –, des pièces individuelles comme de l’ensemble de l’exposition, que l’art ressemble décidément à ce « couteau sans lame auquel ne manque que le manche » de GeorgChristoph Lichtenberg. 29


Sylvie Fanchon interview by Timothée Chaillou

Timothée Chaillou: What is the shape at the entrance to the exhibition? Sylvie Fanchon: It is a duck that I took from a Tex Avery cartoon. He is pointing proudly at the upper edge of the picture with his index finger. I like using popular images as they are clichés. I find a shape, simplify it and place it in the picture. The discrepancy between the source and the painting interests me. This picture from 2010 is part of a set called Caractères (Characters), in which I point out some of mankind’s flaws. This duck is the face of authority: he is puffing out his chest, pointing at the sky and gathering crowds. TC: As explained by Alain Badiou in Logique des mondes, to point, is to index to indicate a transcendent. This transcendental indexation quantifies the existence of an object and lets the extent of its appearance in a given world to be appreciated. In certain classical paintings, characters pointing to the sky are in a position of humility. Why is there a reversal? SF: Portrayed on both feet with his chest puffed out and a finger raised conjures up the figure of a preacher or dictator. This ensemble results from irritation with regard to authority, lying, leaders or competition.

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TC: You emphasize that he ‘is pointing to the upper edge of the picture with his finger.’ This is above all a formalist vision: the picture does not exceed its limits. SF: A picture is a convention, but the interpretation of it has no limits and there are numerous parameters, notably the historical time in which you are looking at it. In my opinion, a picture can only exist after the work has been ‘streamlined’ so that anything superfluous is removed. I sometimes ask myself if this defines laziness: doing as little as possible. TC: John Armleder said that he loves «to activate the positive forces of laziness.» SF: Exactly. Maximise the potential of the painting with minimal effort. TC: So now we are looking at Monochromes décoratifs or Decorative Monochromes (2008-2009). Art has always been a domestic object, a decorative object. Exhibition venues have simply created a new context for interpretation. Is the aim of art or its enjoyment nonetheless still its aesthetic beatitude, in spite of as stances known as radical or experimental? SF: I am not against the radical nature of art or experimenting with aesthetical pleasure: addressing the decorative is radical. The picture’s fate is to be displayed in a private venue or museum, while being regarded also following aesthetical criteria. I take that into account. 33


TC : What is monochrome?

TC: A pattern on a canvas as if lost on wide stretch of colour.

SF: Monochrome is either conceptual or mystical. Olivier Mosset

SF: Yes, emptiness. Once again, I want to ‘streamline,’ by removing

has a gift for monochromes which are neither annoying or

anything superfluous. I agree with Remy Zaugg when he says that

transcendent, they are simply paintings, with the odd bit of

‘the more things we put in a painting the less important the things

humour added. Monochrome or not it always ends up above the

are.’ By painting a circle, or a spot on a huge picture, it assumes

sofa, as John Armleder said, and why not frame it? This series was

significant importance by being totally legible.

an opportunity to take an interest in emptiness and contemplation by injecting some humour or protest. By drawing a frame around

TC : Is your work disembodied?

the painting I introduce a contrast between scope and decor.

SF: I would not say that my painting is disembodied at all, it is painted. The structure, shape and organisation are mental, but the

TC : Your attempt at being expressive is somewhat conservative.

picture must be executed therefore painted and the choice of

SF : Yes, painting is like a chessboard.

colours is made then.

TC : What is your opponent?

TC: For Olivier Mosset ‘any colour can be used and has equal value.’

SF : The painting as it is where the battle takes place.

SF: Colours are not equal in my opinion, they are not interchangeable and do not share the same values. I have to find

TC : That you are pursuing alone.

a specific relationship between two colours to feel a sensation.

SF: I impose the rules and sometimes I lose.

Here is SF à Sète or SF in Sète (2011): SF for my initials and science fiction.

TC : Are you considering doing a painting of solitude? SF: I don’t think so, but perhaps you have touched on the truth

TC: For once you have signed a canvas on the front.

looking at these isolated shapes against backgrounds.

SF: I always sign the back of the picture as everything I write is part of it. SF in Sète is a form, a play upon words and a tautology. 35


TC : We are now in front of a painting which is the head of a character.

‘frames placed pell-mell,’ pre-cut frames, designed for framing

SF: One day I received a postcard from London with the head of

photos.

Snoopy shouting: ‘I miss you!’ It reminded me of The Scream by

Facing these Accrochages (Hangings) there is Fibbo-billard (2011), a

Munch. I made a drawing of it which I put aside. It then became

black and white Monochrome décoratif (Decorative Monochrome)

the first painting of the Caractères (Characters) series (2009-2010).

(2009) and Etang (Pond) (2011). At first glance the latter is an abstract painting since it features oval shapes, but in fact these are

TC : It is somewhere between a cry and a yawn, a mouth which is quite simply

ricochet trajectories on a body of water.

open, making no noise. SF: Exactly, it is up to the viewer to decide if it is a yawn or a cry.

TC : We then reach two brown and orange ‘tondos’ which are facing orange

The other painting, next to it, is a geometric vision of this Snoopy.

and black paintings possibly representing vegetables.

It is grotesque like a sort of surrealist lamppost. The painting is

SF: My intention was to depict plants or trees. I had returned from

brown and beige, these are muted colours.

a trip to Japan where I had seen many prints depicting trees and clouds. They are generic trees as it were. I hold this view that

TC : We are now in the Accrochages or Hangings (2011-2012) room with

‘seeing’ is founded on culture, on the history of civilisations, that

canvases representing what is known as a ‘19th century collection:’ there are

our perception of the world is formed in terms of these

pictures in different formats and shapes on a wall with a principle of false

parameters and many others, and that this perception is far from

symmetry. For you these are ‘pictures referring to an absent image, to something

objective.

which took place, simultaneously referring to abstract constructions.’ SF: The Accrochages (Hangings) are a blend of several things: the

TC : To put it another way, when we look at something, we see something

design formed by the organisation of the pictures on a wall like a

else since we each interpret pictures in our own way.

set of rectangular, round or oval shapes, like an installation of

SF: Exactly, that’s what interests me. Nothing is in the painting; it

abstract painting; a reminiscence of collections of stickers from a

is all in the perception. A layer cake picture.

book; the grey rectangles or squares which are visible before the real images appear when you do a search on Google Image; and 37


TC : This takes us to Aspects (2011).

TC : To bring our visit to a close could you talk about the ‘constraints’ that

SF : These are ambiguous pictures in which a shape is seen

you set yourself for painting: duotone; no optical depth; paint applied without

alternately one way or another. These visual perceptions are

any expression and with precision.

impossible to choose between. Several interpretations are possible

SF : Let me make it very clear that these constraints are

and they are all legitimate.

characteristic of the spirit before being trademarks and they are the sine qua non condition for the picture to come to fruition.

TC : Aspect (Faucheuse) or Reaper (2012) is in the corridor with a set of

With duotone, back to perception again, in reality all colours are

small format pictures (2009, 2010, 2011 and 2012).

present. What is necessary to have the whole range of colours?

SF : The Faucheuse (Reaper) is one of the ambiguous pictures. The

Primary red (magenta), primary yellow, primary blue (cyan) and

small formats, especially the ‘tondos’ are caustic and almost

white. From these 4 colours (to me white is a colour), the whole

mannered visions, ‘animal’ pictures in the strict sense of the word

range of colours that exists can be made. It is a subtractive

(animal silhouettes). A little light heartedness and provocation does

addition: I add the colours but I subtract them as necessary since

no harm.

all the pictures potentially contain all the colours, but only two are presented. It is economic or a way of concentrating or condensing. Then, I do not want any optical depth because it is illusory. In the end it is all summed up in this phrase by Paul Valéry: ‘Art lives upon constraints and dies from freedom.’ These constraints are what I call style.

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Conversation between Morgane Tschiember, Jean Charles

JCAJ : Through these three last dimensions precisely: for once,

Agboton-Jumeau, Fabrice Michel and Noëlle Tissier beside

they cohabit in one and the same place, so that the viewer has quite

Sète canal (March 2012)

a wide range of the technical, spatial and aesthetic polymorphism of your work.

Morgane Tschiember : What does Swing’nd Roll & Bubbles mean to you? Fabrice Michel : What do you think of the layout in relation to Jean Charles Agboton-Jumeau : First of all this title has a certain

previous exhibitions? It seems to me that the question of in situ

rhythm and then it is a fortiori in English and appropriately

or site-specific has never been so present, as well as the ‘American’

deviates from a certain nationalism: the French speaking State!

magnitude that has often been noted in relation to Morgane’s

This still refuses to admit that English is the music of Rock for

work.

example! Remind them in any case, that even someone with Marguerite Yourcenar’s stature, wisely refrained from translating

JCAJ : That is due primarily to the characteristics of the venue:

the word ‘blues’ in her translations of Negro Spirituals…

scale; ceiling height; circulation. Then I think that Noëlle is watchful: an artist cannot work at the CRAC without taking into

Noëlle Tissier : In my view, the title is also in tune with the

consideration the fact that it was purposely designed by its

sonorous aspect that the exhibition rooms potentially consist of;

director…

these serve as a partition in such a way that Morgane’s pieces give the space an equivalent sound…

NT : Indeed, I remember that the centre is in a former fish warehouse which I discovered during an exhibition. I wanted the

JCAJ : Indeed. Also of note, in spite of appearances, these three

architect to keep the ambulatory dynamic which characterises the

words keep a descriptive dimension; they designate three distinct

place, so that consciously or not the artists and the public alike are

installations, three rooms and at least three artistic disciplines:

invited to wander around this space. In view of all this, Morgane’s

architecture, painting and sculpture.

proposal entitled Swing for example, with its sort of walkway,

MT:Howdoyouthinktheexhibitionpiecesfollowinthewakeof mypreviouswork?

results from this dynamic; besides, I cannot stop myself from seeing a boat which also echoes genius loci… 41


MT : There is also movement correlated to wandering around: that

MT : You have followed my work for 10 years. Do you see a

of the gaze which will decrescendo going from the Swing up

relationship between the three projects produced at the CRAC and

towards the third room, the one with Bubbles placed on the ground,

my previous works?

going through the one with Rolls, or conversely upon leaving the room that I share with Sylvie Fanchon looking towards the nave

JCAJ : The relationship between Swing and the Iron Maiden series

of the Swing.

or even the one that can be made between Running Bond and Block/Block seem to go without saying but perhaps we need to be

FM (to JCAJ) : You saw all these pieces in project or model stage;

especially aware of it. Heterogeneity seems to characterise you.

their full-scale implementation is a leap into reality; is there not

No material or technique in particular is favoured in your work.

inevitably a gap or certain distortion from one to the other?

This is what I call polymorphism or the plasticity of your art, art therefore is found less in than between this or that object,

JCAJ : Of course but I think that all of Morgane’s work implicates

installation or photo. It is why you were able to take photos which

this hiatus because she is always concerned about the specific

resembled paintings (and not which imitated or misappropriated

quality of the materials that she uses; her art even resides in this

paintings), objects which oscillate between painting and sculpture

gap. Except that here, on site in Sète, she could only test certain

or sculpture and architecture; the Bubbles for example, are

materials on a monumental scale and therefore there was a larger

remarkable by the way in which they combine opacity and

margin of incertitude than usual. However, like at home, it is the

transparency, seriousness and lightness, corners and extravasations,

execution which always precedes the conception, and not the

determination and imbalance, etc., by making them move, like we

reverse as is too often the case with certain mediocre

say that there is movement between parquet boards for example.

contemporary art, in brief between the conception and the

In Roll, what happens between the rolls is more important than

implementation of her project for Sète, there is only a difference

the elements which form them. So the viewer cannot conclude,

of degree and not nature.

perceptibly, individual pieces like the whole exhibition, that art

NT : I would not call this implementation but rather a pathway

obviously resembles this «knife without a blade with a missing

which opens possibilities that she grasps to specify and advance in the conception of her work…

handle» by Georg-Christoph Lichtenberg. 43


Sylvie FANCHON

Morgane TSCHIEMBER

Née en 1953 à Nairobi au Kenya. Vit et travaille à Paris. Galerie Bernard Jordan, Paris : www.galeriebernardjordan.com

Née en 1976 à Brest, vit et travaille à Paris Galerie Loevenbruck, Paris, France ; Super Window Project & Gallery, Kyoto, Japan ; Audio Visual Arts, New York, USA .

Expositions Personnelles (sélection récente) 2012

2011 2009

2007 2006

Dialogue Sylvie Fanchon Morgane Tschiember Centre Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon, Sète SF à Dole, Musée des Beaux-Arts, Dole Galerie Bernard Jordan, Paris Galerie Bernard Jordan Zurich Donation Prassinos, Saint-Rémy de Provence Eric Linard Editions, La Garde Adhémar Galerie Bernard Jordan Ronds-points, Musée de Picardie, Amiens Galerie de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts, Tours

Expositions collectives (sélection récente) 2011

2010

2009 2008 2007

2006

Ecce Homo Ludens, Musée Suisse du Jeu (commissaire Hélène Audiffren et Cyril Jarton) Choses incorporelles, Chapelle du Carmel, Libourne (commissaire Alain Coulange) Never More, MacVal, Vitry-sur-Seine Ecce Homo Ludens, Musée de Sérignan (commissaire Cyril Jarton) Le Carillon de Big Ben, Crédac, Ivry/Seine Sommerausstellung, Galerie Bernard Jordan, Zurich NeoGeo, Frac Limousin, Limoges Elles@CentrePompidou, M.N.AM, Paris Musée de Picardie, Amiens Déformalisme, Galerie Praz-Delavallade, Paris. (Commissaire Vincent Pécoil) + de réalité. Pratiques contemporaines de l’abstraction, Hangar à Bananes, Nantes. Fait en France, Collection du Frac Paca, Musée des Beaux-Arts de Lettonie Rooms Conversation, FRAC Ile de France, Le Plateau, Paris Art protects, Galerie Yvon Lambert, Paris Les diablotins FRAC Basse-Normandie Midnight Walkers, Kunsthaus, Baselland Peintures/Malerei, Martin Gropius Bau, Berlin Carte blanche à Bernard Jordan, Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis

Expositions Personnelles (sélection récente) 2012

2011 2010

2009 2007

2005

Galerie Loevenbruck, Paris Fondation d’Entreprise Ricard, Paris Dialogue Sylvie Fanchon Morgane Tschiember Centre Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon, Sète Morgane Tschiember, Centre d’Art le Pavé dans la Mare, Besançon Solid Geometry, Super Windows Project, Tokyo Art Fair, Tokyo, Japon Folding Space, Super Windows Project, Kyoto, Japon The Shortest Way to Sleepness, Audio Visual Arts, New York, USA Morgane Tschiember, Galerie Lange & Pult, Zurich, Suisse The Sound of Paradise, Galerie Sollertis, Toulouse Iron Maiden, Galerie Loevenbruck, Paris Running Bond, French Made Gallery, Munich, Allemagne Dohromady, Project Room, Monika Burian Gallery, Prague, République Tchèque Project Room, Galerie Catherine Bastide, Bruxelles, Belgique Melanie Korn Gallery, Munich, Allemagne One Man Show, Art Dealers Marseille, Galerie Vanessa Quang, SEAD Galerie, Anvers, Belgique

Expositions collectives (sélection récente) 2011

2010

Vent des Forêts, Fresnes-au-Mont Collective show, Zoo Galerie, Nantes Armory Show, Galerie Loevenbruck, New York, USA ArtCologne 2011, Super Window Project & Gallery, Cologne, Allemagne Duo avec les Frères Quistrebert, Galerie Sollertis, Toulouse Rainbow, Vernon Projekt, Vicenza, Italie Le Monochrome Sous Tension, Galerie Tornabuoni Art, Paris, avec Lucio Fontana / Enrico Castellani / Piero Manzoni / Gianni Colombo / Piero Dorazio / Dadamaino / François Morellet / Luis Tomasello / Agostino Buonalumi / Maurizio Cattelan / Steven Parrino / Laurent Grasso / Anish Kapoor Through the Grid, Man&Eve Project Space, Londres, Angleterre Getrennte Zimmer, Duo with Christian-Robert Tissot, Konsortium, Düsseldorf, Allemagne Artissima, Super Window Project and Gallery, Torino, Italie Fiac, Galerie des Multiples, Paris Fiac, Galerie Loevenbruck, Paris Collective show, Galerie Loevenbruck, Paris Collective Show with Olivier Mosset, Galerie des Multiples, Paris 777 (4), Château de Kerpaul, Loctudy

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Légendes Sylvie FANCHON

Morgane TSCHIEMBER

Couverture : Boursouflure au carré 1995 ; Les Caractères 2010 90x116 cm

p. 18 : Swing 2012 Acier Peinture laquée Production CRAC LR

p. 2 : SF 2012 130x200 cm ; a 2012 130x200 cm ; SETE 2012 130x200 cm

p. 20 et 22 : Rolls 2012 Tubes en Inox Peinture acrylique/huile Production CRAC LR

p. 4 : Les Caractères 2010 114x162 cm Les Caractères 2009 46x55 cm

p. 24-25 : Swing 2012 Acier Peinture laquée Production CRAC LR Rolls 2012 Tubes en Inox Peinture acrylique/huile Production CRAC LR

p. 6 : Accrochages 2012 130x200 cm

p. 26 et 28 : Bubbles 2012 Béton Verre Métal Production CRAC LR

p. 8 : Etang 2011 courtesy Fédération Mondiale de Ricochet 130x162 cm p. 10 : Aspects 2011-12 130x200 cm p. 12 : Aspects 2011-12 130x200 cm p. 14 : Gaspard 2009 38x55 cm Ovale 2012 50x60 cm Tondos 2010 60x60 cm Ovale 2012 50x60 cm Les Caractères 2010 30x40 cm Boxeur 2009 30x61 cm p. 30 : Sylvie Fanchon Architecture 1996 50x75 cm Morgane Tschiember Block 2009 Bitume crunch p. 32 : Sylvie Fanchon Echaffaudage 1996 50x150 cm Morgane Tschiember Block 2009 Bitume crunch 47


Du 6 avril au 28 mai 2012 DIALOGUE

SF Sylvie FANCHON SWING ‘ND ROLL & BUBBLES Morgane TSCHIEMBER Ouvert tous les jours 12h30 19h00 - fermé le mardi Le week-end 14h00 19h00 Entrée libre CENTRE REGIONAL D’ART CONTEMPORAIN LANGUEDOC-ROUSSILLON 26 quai Aspirant Herber France-34200 Sète Tel. +33 (0)4 67 74 94 37 Fax 33 (0)4 67 74 23 23 http://crac.languedocroussillon.fr - crac@cr-languedocroussillon.fr Direction et commissariat des expositions Noëlle Tissier Administration Manuelle Comito Chargée des relations publiques Frédérique Siess Régie Cédric Noël Assisté de Jean-Adrien Arzilier, Amandine Contat Manon, Richard Gloria, Mathias Mignot, Frédéric Périmon, Frank Simmoneau et Glen Loarer, assistant de Morgane Tschiember Secrétariat gestion Martine Carpentier Web Patrice Bonjour Accueil & documentation Karine Redon Service des publics Vanessa Rossignol, responsable - Christine Dolbeau & Lyne Géraud, enseignantes téléphone - 04 67 74 89 69 Groupes sur rendez-vous - Visites tout public les week-end à 16h email - rossignol.vanessa@cr-languedocroussillon.fr Accueil Florian Bon, Agnès Fornells, Sara Mouret, Bérénice Serra, Marlène Vedel Stagiaires Claudie Séauve, Cyrielle Vignacourt Crédits photographiques Marc Domage Vidéos de l’exposition Aloïs Aurelle Traductrice en anglais Louise Jablonowska Réalisation du livret Service des publics - Conception maquette JF

Partenariat avec le Musée de Dôle pour la publication du catalogue de Sylvie FANCHON. L’exposition de Morgane TSCHIEMBER s’inscrit dans un partenariat avec la Fondation d’Entreprise Ricard, le Cerfav, Centre européen de recherche et de formation aux arts verriers, et Arcelor Mittal construction site France Haironville .

Région Languedoc-Roussillon Ministère de la Culture et de la Communication avec le concours de la Préfecture de la Région Languedoc-Roussillon / Direction Régionale des Affaires Culturelles Le CRAC LR est géré par le Conseil Régional Languedoc-Roussillon Le CRAC LR est membre de DCA/Association française de développement des Centres d’Art Centre Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon - Dépôt légal avril 2012 - ISBN 2-913094-67-8


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