La Terre en danger, le devoir de changer

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Bruno Leclerc du Sablon

la Terre en danger… le devoir de changer ! Expériences et réflexions sur l'énergie éolienne et les énergies renouvelables

Essai


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Avant-propos Je n'ai commencé à m'intéresser à l'énergie éolienne qu'en 1998, après la mise en route du programme EOLE 2005, lancé par le gouvernement en 1996 et fixant un objectif en termes de puissance installée. L'objectif, à atteindre en 2005, était de 500 mégawatts installés et en production. Mon entreprise – celle que j'avais créée en 1983 – venait de faire faillite et j'étais sans ressources, avec charge de famille. J'avais 55 ans et chacun sait qu'à cet âge on ne retrouve pas facilement du travail, même diplômé, même physicien ancien de la rue d'Ulm. Comme je le raconte dans « Carcasses », les mémoires que je publiais sur le site www.alexandrie.org en octobre 2006, après la période difficile des deux mois qui suivirent la fermeture de l'entreprise, je m’étais donc inscrit comme travailleur indépendant sous le titre de consultant. Des amis me confièrent des contrats d'étude dans le domaine de l’intelligence économique de l’entreprise – la veille concurrentielle, la veille technologique. Ces contrats ont assuré la subsistance de ma famille jusqu'à la fin de l'année 1999, cette fin d'année dont chacun se souvient davantage par la tempête qui a suivi la fête de Noël que par les dégâts liés au bug de l'an 2000. Mais dès l'automne 1998, un encart publicitaire dans le petit journal "Le Paysan du Languedoc" m'avait interpellé. Il proposait aux agriculteurs d'augmenter leur revenu par la location de parcelles de terrain en vue d'y installer des éoliennes électrogénératrices. Or, bien que résidant en banlieue parisienne, je restais propriétaire, après le partage de l'héritage de ma mère, d'une parcelle de garrigue située sur la partie nord de la commune de Poussan, dans l'Hérault. Ce morceau de garrigue, sur ce massif montagneux appelé les Collines de la Moure 1, était hors POS, donc inconstructible et de plus difficilement accessible. Et bien que situé dans la zone d'appellation contrôlée des vignobles du Languedoc, sa vente à un viticulteur ne pouvait se faire qu'au franc symbolique, compte tenu du coût de défonçage de cette terre au sous-sol exclusivement calcaire et rocheux. Depuis des années, je cherchais donc une idée et guettais toute opportunité qui me permettrait de valoriser ce petit bien foncier. Cet encart publicitaire, dans ce petit journal local, fut le facteur déclenchant. Moi qui avait fait partie, en 1974, du comité de soutien de René Dumont pour sa campagne présidentielle, je trouvais là une occasion merveilleuse de renfoncer, pour de bon, ma casquette d'écologiste, et pas seulement pour valoriser mes quelques hectares, mais bien pour toute la Montagne de la Moure, ce vaste causse presque désertique qui s'étend sur plusieurs milliers d'hectares et cinq communes. Aujourd’hui, en ce début d’année 2007 et à la veille des élections présidentielles, cet essai n’a plus de limite géographique.

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Une histoire de famille Au début de l'été 1999 furent organisées à Viviers, en Ardèche, les deuxièmes Journées Prosper. Il s'agit de Prosper Dellon, né en 1829, grandpère de ma grand-mère Leclerc. Y sont invités tous les descendants de Prosper et les valeurs ajoutées – on les appelle familièrement pièces rapportées. Près de deux cents d'entre eux étaient rassemblés et logés au Grand Séminaire de Viviers, cette immense maison qui, depuis le départ des séminaristes, sert de centre d'accueil pour des conférences et des congrès à caractère humanitaire. Elle est gérée par une association dont le président est un de mes cousins qui habite Viviers. Les premières Journées Prosper avaient eu lieu en 1986 à Vielle-Aure, village des Hautes Pyrénées situé au fond de la vallée d'Aure où nous avons aussi de nombreuses attaches familiales. Nous y étions plus de cent. En pareilles circonstances, les retrouvailles étant faites, les discussions tournent le plus souvent sur la généalogie. Lors de ces premières Journées Prosper, en 1986, mon père et une de ses sœurs avaient réalisé une petite exposition, composée surtout de documents d'archives. On pouvait y découvrir que Prosper Dellon, propriétaire viticole à Salle-d'Aude, à la limite entre l'Aude et l'Hérault, tenait cette propriété d'aïeux dont le plus ancien connu, officier dans l'armée de Charlemagne, reçut cette terre en récompense de hauts faits au retour d'une campagne en Espagne. Comme d'autres officiers sans doute ? Mais le plus intéressant, chez ce polytechnicien sorti dans le corps des Ponts et Chaussées, fut sa carrière auprès des services du département de l'Hérault, notamment comme ingénieur en chef du Service des Affaires Maritimes, ainsi que l'expliqua notre généalogiste familial Paul Deboisse. Outre la modernisation du port de Sète – la grande jetée a pour nom épi Dellon – il inventa et développa un nouveau type d'éoliennes afin d'assainir le littoral, arroser les cultures, submerger les vignes soumises au phylloxéra et dessaler les marais qui rendaient de nombreux villages insalubres. Les éoliennes Dellon, appelées dans son brevet daté du 23 février 1867, moteurs à vent autorégulateurs, furent construites selon un plan éminemment ingénieux et plus de deux mille furent installées, entre Aigues-Mortes et Carcassonne. Il est remarquable que l'utilisation de ces éoliennes, les premières de la série, permirent de réaliser des expériences d'assainissement et de mise en culture des marais voisins du littoral, ceux de la Grande Palus de Vic-laGardiole en premier lieu, qui laissaient aux habitants des communes voisines une espérance de vie de dix à quinze ans inférieure à celle des localités situées à l'intérieur du département. Il fut alors prouvé que l'insalubrité n'existait plus là où ces trois facteurs n'étaient pas réunis : l'eau, la température élevée et l'abondance de matières organiques.

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On peut lire dans les archives du département de l'Hérault : " Dans le cadre des expériences d'assainissement des marais du littoral méditerranéen, le moulin à vent fonctionnant avec le système Dellon autorégulateur qui avait été d'abord expérimenté près de Frontignan a été transporté en 1874 en bordure de la Grande Palus de Vic avec un rouet (pompe centrifuge à axe vertical) pour faire face aux besoins ordinaires pour l'épuisement des eaux et le dessalage de ces marais, chaque fois que la machine à vapeur de 15 CV n'était pas nécessaire." Les rapports de l'ingénieur en chef A. Simoneau précisent : "La voilure s'oriente et s'efface automatiquement, plus ou moins dans les grands vents. On peut abandonner la machine à elle-même sans conducteur et elle est toujours faite à profiter du vent. Le système qui fonctionne très bien a donné jusqu'à 400 litres par seconde. Mais nous n'étions pas parvenus à éviter les avaries dans le cas de vents violents, car la machine prenait des vitesses trop grandes et développait des forces centrifuges trop considérables…" Dans une correspondance relative à la mise en état du matériel d'épuisement 2 pour la remise à la commune de Vic des installations de ce marais, l'ingénieur des Ponts et Chaussées précise en juin 1892 que les deux moulins à vent (Système Dellon) avec rouet élévateur ont toujours suffit depuis 10 ans à ce dessèchement et que la machine à vapeur qui actionnait une roue à tympan est restée au repos. Etienne Rogier, dans un article du Cahier d'Eole n° 6 de décembre 2002 intitulé Les éoliennes multipales, progrès et tradition, résume les transformations qu'avait subi cette préolienne multipale de type aval et sans gouvernail, selon le système Dellon : "le rotor ou partie tournante qui se place en aval du bâti pyramidal, a toujours une forme conique ; la pointe du cône s'oriente spontanément vers la provenance du vent. Sur les huit bras de fer du rotor, la fragiles voiles ont été remplacées par des châssis en bois revêtus de toile, qui pivotent autour de chaque bras. Ils sont poussés en arrière par le vent, et de longs ressorts de rappel ramène les châssis normalement, lorsque le vent faiblit." Au cours des années 1880-1890, des éoliennes selon le système Dellon ont été construites par les maisons FORMIS 3 et RAY de Montpellier, puis par d'autres constructeurs du Bas-Languedoc comme ARRAOU de Narbonne. Les châssis recouverts de toile ont été ultérieurement remplacés par des pales métalliques. Ces éoliennes des étangs ont donc trouvé leurs applications bien au-delà des limites du département de l'Hérault puisqu'on en installa aussi en grand nombre dans les départements de l'Aude et du Gard. Elles servaient aussi à l'irrigation des cultures de foin et de luzerne – les carburants de la traction animale –, à l'inondation des vignes en hiver pour la lutte contre le phylloxéra. Enfin, utilisées à l'aide d'un vilebrequin et d'une bielle créant un mouvement alternatif vertical, elles pouvaient actionner une pompe à piston afin de réaliser des adductions d'eau pour amener l'eau potable dans les petits villages.

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Prosper Dellon était téméraire, assurément, et il fallait l'être dans les circonstances qui étaient les siennes. Dans son rapport du 25 août 1867 n'écrivait-il pas, quand les essais antérieurs de moulins à vent pour l'assèchement des marais n'avaient abouti qu'à des déceptions : "Le moteur à employer pour les machines d'épuisement doit être essentiellement économique, et le vent était naturellement indiqué dans une contrée, située au bord de la mer, où il règne presque toujours, où il est puissant et où il fait rarement défaut. Son emploi pour cet usage est comme on sait fort ancien en Hollande, et y rend encore de grands services. Pourquoi ne l'emploieraiton pas sur les bords de la Méditerranée ? Les observations que nous avons faites à Cette 4, au moyen de l'anémomètre de M. Mangon prouvent que le vent n'y est pas moins permanent qu'en Hollande, ni moins favorable. Il ne se présente pas moins bien par rapport aux pluies, car généralement la pluie est précédée de vents de mer assez forts, qui permettraient de vider les canaux de dessèchement, s'ils ne Vue partielle du rotor d'une éolienne l'avaient pas été depuis une pluie Dellon en ruine. précédente et de faire place à l'eau qui va tomber ; et la pluie est généralement suivie de vents assez frais qui permettraient d'épuiser l'eau reçue ; mais quelques essais de machine d'épuisement à vent, tentés dans le midi de la France et qui n'ont abouti qu'à des avaries, ont discrédité ce moyen d'épuisement. Très probablement, ces avaries ont tenu principalement à des vices de appareils eux-mêmes. Peutêtre le vent est-il sujet sur notre littoral à des rafales plus variables, à des sautes plus brusques qu'en Hollande. En ce cas il fallait conclure des essais faits, non pas que l'on devait renoncer à l'emploi du vent, mais qu'il fallait approprier les appareils en vue de nouvelles circonstances où l'on se trouvait." Et c'est bien ce qu'il fit ! Mon trisaïeul mourut en 1892 sans avoir connu l'extraordinaire expansion de son invention, en particulier celle qui conduisit à apporter l'électricité dans les fermes et hameaux de nos campagnes au début du XXème siècle.

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Les machines d'épuisement furent les ancêtres des aérogénérateurs, les éoliennes productrices d'électricité.

L'ancien moulin à vent électro-générateur de Villeveyrac selon le système Dellon, au pied des collines de la Moure où sont implantées aujourd'hui, à mon initiative, 11 éoliennes de grande dimension. (Commune d'Aumelas, Hérault.) Photo Midi Libre, juillet 2006

Mais l'énergie du vent ne cessa pas pour autant de servir à l'assainissement des étangs de l'Hérault. Elle constitue même aujourd'hui, grâce à la technique des hydroliennes – ces machines à vent importées du Canada – un formidable espoir pour gagner la guerre de l'oxygène dans les étangs languedociens asphyxiés par le phénomène d'eutrophisation. La photo ci-après, publiée par Le Figaro du 4 août 2006, montre quatre moulins à vents flottants, à axes verticaux et dont les pâles rectangulaires font tourner une hélice sous l'eau qui provoque la remontée en surface des eaux les plus profondes où l'oxygène est devenu rare et où l'accumulation de vase non aérée provoque une véritable nuisance due au dégagement d'odeurs nauséabondes. La cité balnéaire de Palavas attend donc beaucoup de cette nouvelle technique pour le confort de ses habitants et des estivants, et les conchyliculteurs de l'Etang de Thau voisin aussi, qui pourraient ainsi sauver de l'eutrophisation 5 leurs élevages de moules.

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Hydroliennes à Palavas (Hérault). (Photo Le Figaro.)

Lors des journées Prosper de 1999, mes cousins et moi-même considérâmes comme un hommage posthume à Prosper Dellon la mise en service, le premier jour de notre réunion, le 30 juin, dans la vallée du Rhône à une lieue de Viviers, des cinq premières grandes éoliennes électrogénératrices 6 installées en France ? C'était en tout cas l'occasion de faire encore vibrer la fibre écologique tournée vers les énergies renouvelables, celle qui fut transmise à mon grand-père Leclerc, pionnier de l'hydroélectricité, et dont on pourra vérifier plus loin qu'elle est encore vivante, sous la carcasse – la mienne. Ma grand-mère Leclerc, née Dellon, n'est venue au monde qu'en 1894 et n'a donc pas connu son grand-père Prosper ; mais elle a trouvé, en épousant Jean Leclerc du Salon, un ingénieur de mari qui a continué de porter très loin le flambeau des énergies renouvelables. Et très haut. C'est en effet dans les hautes montagnes pyrénéennes que mon grandpère alla repérer les sites rassemblant en assez grandes quantités les eaux des fontes des glaciers et névés pour y entreprendre la construction de barrages et d'usines hydroélectriques. C'était en 1929. Il s'agissait alors de développer l'électrification du réseau de chemins de fer de la Compagnie du Midi – par la suite dénommée PO-Midi – et cette compagnie fonda pour cela la Société hydro-électrique du Midi, la SHEM, en choisissant d'en confier la direction générale à mon grand-père, qui en fut ensuite le président quand il était devenu directeur de la SNCF (de mars 1941 à février 1948). Né en 1891, X de formation, ayant débuté sa carrière comme professeur d'hydraulique à l'Ecole Nationale Supérieure d'Ingénieurs de Grenoble – sauf les années de guerre qu'il passa, comme officier, sur le front ardennais –, grand marcheur et amoureux des Pyrénées, je l'ai connu assez longtemps – de ma naissance en 1943 jusqu'à son décès en 1964 – pour tenir pour certain qu'il ne s'était pas fait prier pour accepter cette haute responsabilité.

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L'imagination et l'audace s'ajoutaient à ses qualités d'ingénieur de très haute volée. Aussi, pour lui, il ne s'agissait pas de perdre le moindre mètre cube d'eau qui puisse être producteur d'électricité. Et ce fut donc avec beaucoup de créativité, apportant aux méthodes connues de réelles innovations technologiques, qu'il appliqua aux centrales et aux bassins de retenue la technique de réversibilité des groupes de pompage dont voici brièvement le principe : Lorsque le réseau dispose d'électricité en excès, celle-ci est utilisée pour faire tourner les groupes, qui pompent alors l'eau d'un bassin inférieur vers le bassin supérieur. L'eau ainsi stockée peut ensuite être turbinée pour redonner de l'électricité au réseau aux heures de pointe. Ainsi furent construits, avant guerre, les grands ouvrages hydroélectriques qui équipent, dans les Pyrénées, la haute vallée du Louron – en particulier le barrage de Caillaouas dans les Hautes Pyrénées – et la vallée de la Têt – barrage de la Bouillouse dans les Pyrénées Orientales. Dans l'opuscule édité en commémoration du cinquantième anniversaire de la SHEM, en 1979, il est indiqué que la production brute annuelle de ces ouvrages était, cette année là, de 126 millions de kilowattheures. Il est à noter que cette production avait atteint 132 millions de kilowattheures dix ans auparavant.

Barrage de Caillaouas, vue amont

Deux questions me viennent déjà à l'esprit, auxquelles il est assez facile de répondre. D'autres questions seront débattues plus loin. La première question est de savoir combien d'éoliennes il faudrait installer, aujourd'hui, pour une production équivalente de celle de ces installations hydroélectriques : en premier lieu, il s'agit de comparer des productions commerciales, et non des productions brutes, à la source, c'està-dire aux bornes des alternateurs.

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Pour l'hydroélectricité, il faut déduire du chiffre cité plus haut la consommation des unités de pompage et celle des auxiliaires, soit près de 10% du total brut. On aurait donc une production commerciale proche de 115 millions de kWh. En prenant pour référence des éoliennes affichant une puissance nominale de 3 000 kW et tournant avec un coefficient d'efficacité de 30 % – coefficient qui tient compte de la variabilité du régime des vents et dont la valeur est ici raisonnable, c'est-à-dire ni trop optimiste, ni trop pessimiste ! –, on calcule aisément que cela correspond à la production d'une ferme éolienne de 13 machines. Barrage de Caillaouas en réfection, 1961. Vue aval. Barrage poids à l'origine, il a subi une légère incurvation et ressemble maintenant à un barrage voûte.

Et la seconde question : pourquoi ne pas stocker l'énergie des éoliennes quand on n'en a pas besoin, comme mon grand-père le faisait en remontant l'eau d'un bassin inférieur vers le bassin supérieur, renouvelant ainsi la quantité d'énergie potentielle en période de moindre demande pour en disposer en période de plus forte demande ? Lapalisse saurait répondre, mais on peut sans doute être plus malin que lui. Lui dirait : "il suffit de verser l'eau d'un bassin dans un autre comme on verse du café dans une tasse…" Oui mais ! Mais on ne sait pas verser de l'air dans de l'air. Et ce Lapalisse a mal lu ce que j'écrivais plus haut. En effet, ce n'est pas par gravité qu'un bassin se déverse dans un autre, mais par pompage, en utilisant les groupes électriques réversibles qui agissent alors non plus comme des dynamos mais comme des moteurs électriques actionnant des pompes. Donc oublions le bassin secondaire. Aux éoliennes – de même qu'avec les barrages hydroélectriques –, il suffirait d'associer n'importe quelles formes de stockage d'énergie : des retenues d'eau, des batteries d'accumulateurs, des mélanges eutectiques… des masses soulevées très haut… Mais cette seconde question est prématurée : j'y reviendrai plus loin. Toutes les autres sources d'énergies électriques, à l'exception des capteurs solaires – mais ils comptent encore pour peu de choses dans la production du pays – sont à débits réglables, aussi bien les centrales hydroélectriques que les centrales thermiques et les centrales nucléaires.

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Pour le moment nous laissons donc les éoliennes nous fournir toute l'énergie qu'elles sont capables de produire à chaque instant, et nous réglons le débit des autres sources en fonction du besoin du réseau à ces instants là. A ce point de mes observations, je suis aussi frappé par la différence d'échelle entre les ampleurs des chantiers nécessités par ces deux types de réalisations dans le domaine des énergies renouvelables – l'hydoélectricité et l'éolien – bien que toutes deux aient, à mes yeux, les mêmes qualités en ce qui concerne la préservation de l'environnement et des richesses naturelles épuisables. Les shémas et photos présentés ci-après témoignent bien de ces différences, et les quelques chiffres qui suivent aussi, même s'il conviendrait, pour être parfaitement honnête, de resituer ces chantiers dans leur contexte historique, donc en les associant aux technologies disponibles à leurs époques respectives – les installations hydroélectriques d’alors ne pouvaient ni construites ni entretenues avec les moyens de manutention modernes, notament l'hélicoptère pour les sites de montagne.

Aménagement du site hydroélectrique du haut Louron Pour le barrage de Caillaouas

Ci-dessus, en 1929 : les chars à bœufs Ci-contre, en 1979 : l'hélicoptère

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Le site hydroélectrique de la haute vallée du Louron nécessita l'installation de cinq téléphériques, pour le transport des matériaux et des équipes. Le téléphérique N° 1, avec une portée de 12 tonnes sur deux câbles porteurs, a une portée de 624 mètres, ce qui, en 1930, constituait un record. Ci-contre : transport d'éléments de conduite forcée. Ci-dessous : transport d'une équipe de chantier.

Les chemins d'accès aux usines et aux barrages de même que les galeries souterraines étaient faits à la main (et à la dynamite).

A la page 9 de la plaquette du cinquantenaire de la SHEM, on lit pourtant : Avec le recul du temps, et un examen sérieux de la conception et de la réalisation des usines du haut Louron, on reste confondu devant la rapidité d'exécution. Cinquante ans après, on ne pourrait pas envisager d'aller aussi vite.

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En effet, la SHEM fut créée le 25 juillet 1929, le chantier du haut Louron débuta trois mois plus tard, les conduites forcées furent mises en eau en juillet 1931 et la première usine (Lassoula) fut mise en production en février 1932, soit moins de 30 mois après l'arrivée des premières équipes. "Aller aussi vite", est il écrit dans cette plaquette. Bien sûr, les congés payés n'existaient pas. Certes, on ne travaillait pas trente cinq heures par semaine. Evidemment les ouvriers, qui, pour la plupart, étaient espagnols, n'étaient pas syndiqués (et l'on ne gardait que les hommes vaillants !). Bref, le Front Populaire n'était pas encore passé. Toutefois les hommes, qui étaient là avec femmes et enfants, étaient payés comme le personnel des industries électriques ; on organisait le ramassage scolaire ; un service de transport amenait les femmes au marché d'Arreau – ou de Lannemezan – chaque semaine ; un service religieux était assuré sur place et les soins médicaux, rendus aussi sur place, étaient gratuits.

L'équipe de direction devant l'usine de Lassoula : au centre, mon grand-père, Jean Leclerc du Sablon ; à sa gauche, Monsieur Dumolard, un de ses beaux frères ingénieur des travaux publics; à sa droite, appuyé sur un bâton, Monsieur Thèvenet, ingénieur conseil et grand meneur d'hommes : il avait animé avec succès de précédents chantiers de la Compagnie du Midi dans la vallée d'Ossau.

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Les deux schémas ci-dessous montrent l'extension des sites hydroélectriques respectivement de la haute vallée du Louron et de la vallée de la Têt. Ils laissent deviner l'ampleur des travaux de génie civil et des moyens de manutention que ces constructions avaient nécessités.

Schéma du site du haut Louron. Distance entre les points extrêmes : environ 8 km

Schéma du site de la vallée de la Têt : distance entre points extrêmes : environ 25 km

Les explications et illustrations précédentes donnent un bon aperçu des chantiers hydroélectriques de l'entre-deux guerres. De nombreux barrages et usines furent construits avant la guerre de 39-40 et des ouvrages beaucoup plus importants furent réalisés après guerre, jusqu'au début des années 60. Parmi les plus importants figurent le barrage de Donzère-Mondragon (19481952, 354 MW) sur le Rhône et celui de Serre-Ponçon (1955-1961, 380 MW) sur la Durance.

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On compte aujourd'hui près de 450 barrages hydro-électriques en France, qui produisent presque 15% de l'énergie électrique du pays. Il convient d'ajouter que nombre de ces retenues servent aussi à la régulation des crues des rivières (exemple de la Durance) et à l'irrigation des terres agricoles. Ajoutons aussi l'importance qu'ont prise les retombées économiques induites par ces aménagements, en premier lieu sur le plan de la fréquentation touristique, l'aménagement et la fréquentation de bases de loisirs, et même les installations pour l'accueil de compétitions sportives de hauts niveaux : l'Isère, en aval de Bourg-Saint-Maurice en Savoie, n'est-elle pas choisie régulièrement pour l'organisation des championnats du monde de canoë-kayak, grâce aux lâchages des eaux de la retenue du barrage de Tignes, quelques kilomètres en amont ?

Vue partielle du stade nautique de Bourg-Saint-Maurice, aménagé sur le cours de l'Isère en aval du barrage de Tignes pour les compétitions de canoë-kayak. Savoie.

 1. En patois occitan, faire la moure, c'est faire la gueule. 2. Les éoliennes selon le système Dellon et les systèmes alors utilisés pour le pompage de l'eau en vue de l'assèchement des marais, étaient qualifiées de machines d'épuisement. 3. Dans ses réclames datées de 1885 à 1887, la maison FORMIS-BENOÎT, constructeur, rue Rondelet à Montpellier, propose, pour la destruction du phylloxéra par la submersion et l'irrigation, des norias à chapelet roulantes à manège, à traction animale, des moteurs à vent système Dellon, des pompes diverses et des machines à vapeur fixes et locomobiles. 4. L'orthographe "Sète" du nom de ce port a été officiellement adoptée en 1928. 5. Eutrophisation n. f. BIOL, ECOL Accroissement anarchique de la quantité de sels nutritifs d’un milieu, en particulier d’une eau stagnante polluée par les résidus d’engrais ou par les rejets d’eau chaude et qui permet la pullulation maximale d’êtres vivants. (Au-delà de certaines limites, l’équilibre entre les espèces, végétales ou animales, peut être rompu au profit de certaines d’entre elles.) (réf : dictionnaire Hachette) 6. Eoliennes tripales de 600 kilowatts en puissance nominale, de fabrication danoise.

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On voit bien se dessiner, à ce stade de l'exposé, les enjeux qui accompagnent tout projet de production d'électricité à partir des énergies renouvelables. Les chantiers hydroélectriques d'après guerre nécessitaient des moyens pharaoniques et conduisaient à modifier très sensiblement la géographie locale. Les délais de réalisation de ces chantiers auraient pu être beaucoup plus courts si, en même temps, la conduite des enquêtes d'utilité publique, les règlements concernant le temps et les conditions de travail, les démarches nécessaires à l'obtention des autorisations administratives… n'avaient pas introduits de nouveaux freins aux élans des investisseurs. Mais faut-il s'en plaindre ? En regardant d'un peu plus près, il est facile de remarquer que, selon les chantiers, les rapports entre les nuisances et les avantages ne sont pas du même ordre. Je prendrai comme exemples les deux ouvrages que je viens de citer : le barrage de Serre-Ponçon et le barrage de Donzère-Mondragon. Si ces deux réalisations ont effectivement permis d'atteindre leur objectif premier – la production d'électricité en grande quantité –, leur impact sur l'environnement ainsi que leurs retombées sur les économies locales sont très différents.

Serre-Ponçon Barrage de Serre-Ponçon, Hautes-Alpes, un chantier qui dura six ans ! 1,2 milliards de m3 d'eau, 14 millions de m3 de terre, soit 6 fois le volume de la grande pyramide d'Egypte !

Pour la construction de ce barrage, les engins de manutention n'étaient pas ceux dont disposait mon grand-père en 1929 : des norias d'énormes camionsbennes tournaient 20 heures par jour pour transporter la terre.

La construction de ce barrage a provoqué un changement important sur le paysage et les infrastructures locales : il a fallu rétablir 14 km de voies ferrées, construire 3 viaducs SNCF, 50 km de route, plus de 2,5 km de ponts, dont le viaduc de Savines long de 924 m. La mise en eau de la retenue a noyé les villages de Savines et d’Ubaye. Le village de Savines a été entièrement reconstruit sur les hauteurs du vieux village.

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La ressource en eau permet d’irriguer les 100 000 hectares cultivés de la vallée de la Durance et d'alimenter en eau potable l'équivalent des villes de Marseille et Sisteron réunies. L’ensemble de la chaîne hydroélectrique Durance - Verdon rassemble 32 centrales et garantit le fonctionnement d’un gisement de 2 000 MW de puissance, soit l’équivalent de deux réacteurs nucléaires. L’ensemble produit chaque année environ 6 milliards de kWh, une énergie propre, renouvelable, naturelle et compétitive. Le bassin de Serre-Ponçon représente 40 % de la fréquentation estivale du département des Hautes-Alpes et les activités de loisirs qui se sont développées au fil des années autour du lac sont nombreuses. Les paysages, les sites à visiter, les possibilités de randonnée ont fini d’asseoir sa réputation de site touristique majeur. L’usine de Serre-Ponçon est également l’un des hauts lieux du tourisme industriel de la région. Chaque année, ce sont entre 20 et 30 000 visiteurs qui découvrent le barrage, à l’occasion des journées portes ouvertes et des visites guidées.

Destruction du village de Savines. La Chapelle St Michel, non loin de Savines, échappa à la destruction car elle est située sur un promontoire, à une hauteur supérieure à la côte maximale de la retenue.

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Donzère-Mondragon

Barrage-écluse de DonzèreMondragon, Drôme. Cet immense chantier, qui dura quatre années, permit la construction d'une usine hydro-électrique qui fut, à cette époque, la plus puissante d'europe. Il entraîna le détournement d'une grande partie des eaux du Rhône sur un parcours de 25 km. Une passe à poissons a été aménagée pour leur permettre de remonter à leurs lieux de frai.

L'ensemble des installations hydroélectriques de la vallée du Rhône est géré par la Compagnie Nationale du Rhône. Toutes les installations hydroélectriques du Rhône sont à fleur d'eau, captant l'énergie du fleuve par des turbines entraînées par le courant. Seule une installation donne lieu à une véritable retenue, le barrage de Génissiat avec une hauteur de chute d'une vingtaine de mètres (cicontre).

Donzère-Mondragon, ainsi que les autres installations sur le Rhône, sont peu accessibles et n'induisent que très peu d'activités économiques ou touristiques au profit des communes du voisinage.

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Et que dire des fermes éoliennes ? Je prends naturellement comme premier exemple les éoliennes des collines de la Moure, à Aumelas dans l'Hérault. Ce sont 11 grandes éoliennes de 2 000 kW. Elles constituent une ferme de 22 MW, la plus puissante à ce jour en Languedoc-Roussillon. Mise en production fin 2005, cette ferme a été inaugurée en grande pompe le 7 juillet 2006.

Inauguration du parc éolien d'Aumelas. De gauche à droite : Monsieur Villaret, viceprésident du Conseil Général de l'Hérault et président de la communauté de communes, Monsieur Poncé, maire d'Aumelas, Monsieur Gadonneix, président d'EDF et Monsieur Mouratoglou, PDG d'EDF Energies Nouvelles, maître d'ouvrage. (photo Midi Libre, 8 juillet 2006) Parc d'Aumelas (surligné jaune), sur la Montagne de la Moure.Cette vaste zone de garrigue au centre du triangle formé par les villes de Montpellier, Pézenas et Clermontl'Hérault, est un château d'eau (potable) pour la ville de Montpellier. On y élève environ 1500 brebis, on y cultive des vignes et on y chasse.

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Parc éolien des collines de la Moure Jusqu'à l'âge de 20 ans, je passais chaque année une grande partie des vacances chez mes grands parents qui habitaient Poussan. En septembre, c'étaient les vendanges, et le reste du temps était occupé par des promenades, à pied ou en vélo, le plus souvent dans les garrigues, ou par les baignades à l'étang de Thau ou bien à la mer, à Frontignan ou à Sète. J'avais donc assez souvent crapahuté dans ces garrigues et tenais pour certain que le vent y était bien suffisant pour faire tourner des éoliennes. La Montagne de la Moure 1, bien que ne culminant qu'à trois cent cinq mètres, est bien une montagne et non un simple relief ou une vulgaire colline plantée dans la plaine. Dernier obstacle à la Tramontane qui a eu le temps de reprendre de la vitesse en traversant la vallée de l'Hérault après avoir rafraîchi le Causse du Larzac et au Mistral qui vient tout juste de caresser le Pic Saint-Loup, elle est la première, avec la Montagne de Sète, pour s'opposer au Marin. Et quand le vent n'est ni du nord ni du sud, elle est avantageusement située, au milieu de la plaine du Languedoc, pour attraper le Grec, fort comme un cheval sauvage après sa course en Camargue, le Vent d'Autan et sa chaleur quasi-tropicale, un peu asséché par les maquis rocailleux de Corse ou de Sardaigne ou encore le Cers, ragaillardi par les vignobles des coteaux du Carcassès et du Minervois. Et si aucun de la famille d'Eole ne bande son arc, Georges Brassens ne réveillant plus Aquilon depuis que le chanteur s'est installé à l'ombre d’un pin, à Sète, c'est le Vent de Soleil qui, en une journée, décline la Rose des Vents d'est en ouest, asséchant les baigneurs allongés un peu plus au sud, en commençant par ceux de La Grande Motte, puis ceux de Carnon, de Palavas, des Aresquiers à Frontignan, de la Corniche à Sète, jusqu’à ceux du Cap d'Agde – ceux d'entre eux qui portent un maillot de bain. Toutefois, après avoir pris quelques renseignements auprès de l'EDF et de l'ADEME, je me rendis compte que je ne possédais ni les moyens financiers ni le savoir-faire pour bâtir ce projet moi-même et je découvris qu'il il y avait quatre bureaux d'études français spécialisés dans l'étude de projets éoliens et installés à Bègles, Carcassonne, Béziers et Montpellier. Je me proposai de vendre le projet à l'un d'entre eux et, pour bien le vendre, je voulus connaître de façon précise le régime des vents, tant en vitesse qu'en direction. J'achètai donc un anémomètre avec enregistreur numérique, capable de stocker pendant trois mois les mesures de vitesse et de direction du vent prélevées toutes les cinq secondes. Cet appareil me fut vendu par une firme italienne avec un logiciel permettant de transférer les données stockées vers mon PC portable et d'effectuer leurs traitements. Je fis alors fabriquer, par un artisan de Clamart, un mât de dix mètres, à partir de trois tubes d'aluminium emboîtables l'un dans l'autre, ainsi qu'un socle pour fixer le pied du mât sur le sol et poser le boîtier de l'enregistreur et sa batterie d'alimentation, une simple batterie de voiture.

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En février 1999 cette station transportable était prête et je partis la poser sur une parcelle de garrigue appartenant à l'un de mes cousins, une parcelle voisine de la mienne, celle-ci étant inaccessible en voiture.

Photo montrant ma station de mesure anémométrique transportable en voiture : trois tubes d'aluminium emboîtables, le capteur avec anémomètre à godets et girouette, le socle avec le boîtier d'enregistrement, la batterie et un morceau de câble, enfin un caisson grillagé avec cadenas destiné à protéger le boîtier, la batterie et le câble d'éventuels prédateurs (rôdeurs, rongeurs…). Le socle est percé de quatre trous pour permettre son ancrage au sol par quatre pieux d'acier de 1 mètre de long.

L'enregistrement commença en février 1999 sur le Puech Madame. Mon 4X4 Land Cruiser et mon mât de mesure installé dans la garrigue proche de Poussan. Les vents étant plus forts que prévu, l'ancrage au sol s'est révélé insuffisant et je l'ai complété par trois haubans d'acier fixés au bas du tube d'aluminium sommital. Cette installation est restée en place de février à mai 1999. De cet endroit, on a une vue magnifique sur la mer, l'étang de Thau et la montagne de Sète. Par beau temps, la vue s'étend jusqu'au Mont Ventoux à l'est et au Mont Canigou à l'ouest.

Trois mois plus tard, fort de données plus que convaincantes, je proposai des rendez-vous aux responsables de toutes ces sociétés. Trois des quatre responsables vinrent sur place – celui de Montpellier disant que le site ne l'intéressait pas. Je trouvai finalement en la société Energies du Midi, de Béziers, un bureau d'études susceptible de s'intéresser au projet dans des conditions satisfaisantes pour moi, mais il lui fallait des mesures à 50 mètres de hauteur et non à 10 mètres. J'obtins alors du maire de Poussan l'autorisation de fixer mon appareil sur l'antenne radio de 100 mètres de haut

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située au sommet de la Montagne de la Moure, antenne appartenant à Radio Télévision Sétoise. Je bricolai un système de fixation et grimpai dans cette antenne, avec mousquetons et autres ustensiles d'alpiniste, jusqu'à la hauteur de 50 mètres. Mais en octobre mon appareil, jugé non fiable par le bureau d'études car indiquant une vitesse moyenne estimée trop élevée (!), fut remplacé par un nouveau mât de mesure de 50 mètres de haut et posé à 200 mètres de l'antenne radio. Je rapportai donc mon anémomètre à la maison.

Morceau d'enregistrement de vitesse du vent pendant 48 heures avec prélèvements toutes les 5 secondes et calculs toutes les 10 minutes. En rouge, courbe en km/h et, en bleu, en m/s. La moyenne calculée sur toute la période de mesure est voisine de 9,8 m/s.

Dès lors cet anémomètre n'était plus qu'un jouet que j'installai dans notre jardin pour la décoration, pour amuser les passants et, accessoirement, enregistrer la vitesse du vent à Clamart. La mémoire de l'appareil, arrivée à saturation, arrêta de stocker les mesures le 20 décembre 1999. Les valeurs enregistrées entre le 1er et le 20 décembre montraient une augmentation régulière de la vitesse du vent, chaque jour – surtout la nuit –, jusqu'à 95 kilomètres à l'heure en rafales les derniers jours…Mais je n'ai pas les enregistrements des 26, 27 et 28 décembre. Dommage ! Par temps gris avec un très fort vent, je fixe mon anémomètre dans l'antenne de RTS, au sommet de la Montagne de la Moure. J'ai peint l'enregistreur en rouge pour laisser croire à un matériel de surveillance incendie pour les pompiers. Simple précaution…

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En janvier 2000, je signai un contrat avec Energies du Midi à Béziers et complétai mon dossier par la recherche d'autres parcelles que la mienne et celles de ma famille qui soient propices à l'implantation d'éoliennes ainsi que par les accords des élus locaux. Je préparai pour eux un montage audiovisuel sous PowerPoint, présentable avec l'aide d'un vidéoprojecteur, et obtins ainsi les accords de trois des cinq communes qui se partagent l'ensemble du massif : Poussan, Montbazin et Aumelas. Dans les deux autres communes, Villeveyrac et Saint-Pargoire, les maires, peu sûrs de leur réélection aux prochaines élections municipales de 2001, préféraient ne pas prendre d'engagement. Je reçus aussi des promesses de baux de plusieurs propriétaires, en nombre suffisant pour envisager la construction d'un parc d'au moins 40 éoliennes, soit une puissance de 100 à 120 MW. La commune d'Aumelas est maintenant équipée avec 11 éoliennes de 2 mégawatts chacune. Elles apportent au réseau électrique un complément d'énergie qui correspond aux besoins domestiques d'une ville d'environ 40000 habitants, l'équivalent de la consommation de la ville de Sète par exemple. Il est d'ailleurs naturel qu'Aumelas fut la première commune équipée, ceci pour deux raisons : Aumelas restait la seule commune du canton à ne pas avoir de plan d'occupation des sols (POS). Aucun POS n'étant opposable à un permis de construire, les démarches administratives s'en trouvaient simplifiées. Aumelas était aussi la seule commune à avoir constitué, parmi sa population (environ 350 habitants), une commission « environnement ». Le conseil municipal – 11 personnes – se donnait pour règle de consulter cette commission – 21 personnes élues par la population ─ avant de prendre toute décision qui touche à l'environnement. Cette commission eut d'ailleurs une influence importante sur la délibération finale en donnant sur le projet un avis positif mais nuancé : d'accord pour les éoliennes, mais pas plus de douze et sous réserve de la présentation, par moi-même, de photomontages montrant des vues du parc éolien tel qu'il pouvait se présenter de tel et tel endroit de la commune – six endroits me furent indiqués. Il a fallu six ans pour voir aboutir cette première tranche du projet. J'ose à peine en raconter les péripéties. Une seule cependant : je lis un matin dans le Midi Libre que le conseil municipal de Montbazin avait donné un avis favorable, à l'unanimité moins une abstention, à un projet d'implantation d'éoliennes sur la Montagne de la Moure, projet présenté par le seul bureau d'études à avoir décliné mon invitation initiale. Or j'avais déjà obtenu un accord exclusif avec la famille Rouvière, propriétaire de la totalité des parcelles de Montbazin situées sur la Montagne de la Moure, soit environ 1000 hectares de garrigue. J’allai donc voir le maire de Montbazin à sa permanence, le samedi matin. Quelle ne fut pas ma surprise quand il me montra le projet approuvé par son Conseil ? Un alignement d'éoliennes posées non seulement sur les terrains des Rouvière, mais aussi sur mon propre terrain et sur ceux de ma famille, à Poussan. Le maire de Montbazin corrigea vite le projet de délibération : d'accord pour les éoliennes, quant au promoteur, on efface tout !

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Certains dansent avec les loups. Moi, j’apprenais à danser avec les hyènes : elles aiment les carcasses, le gibier déjà abattu, mais celui-ci, je ne laissais pas aux rapaces. Besace ! Donc, pour le site d'Aumelas, le permis de construire fut signé par le préfet assez rapidement et il n'y eut finalement qu'un seul recours – qui fut assez facilement surmonté – déposé par la patron d'un restaurant qui craignait un problème de visibilité à partir de la terrasse de son établissement. Rencontrée lors de l'inauguration, cette personne me disait sa satisfaction de voir maintenant ces éoliennes fonctionner. Une autre exigence, mais qui avait été discutée dès le départ, était celle d'une habitante d'un des mas ayant vue sur le parc éolien : cette personne, décoratrice son métier, n'acceptait les éolienne qu'à condition qu'on leur donne la couleur de la garrigue ! Le directeur de SIIF Energie, maître d'ouvrage, et moi-même nous rendîmes au bureau parisien de la décoratrice et lui assurâmes que le maximum serait fait pour lui donner satisfaction. Les éoliennes sont donc porteuses de décorations à la fois modernes et originales et tous s'en réjouissent. Les six années d'attente avant la mise en service se décomposent ainsi : o Mesure du vent : 15 mois o Etude d'impact : bruit, faune, flore, visibilité, navigation aérienne, ondes radioélectriques, monuments historiques et sites classés… : 12 mois o Permis de construire et recours des tiers : 15 mois o Evacuation de l'électricité : Aumelas fait partie d'un secteur desservi par une régie autonome de production d'électricité et non par EDF. Cet organisme voulait que la production des éoliennes soit acheminée vers une de ses stations, beaucoup plus éloignée du site que celle d'EDF, d'où un retard de 12 mois. o Passation des marchés et construction : 6 mois. o Retards dans le raccordement au poste de transformation haute tension d'EDF : 9 mois. Pourtant, dans ce cas, le chantier proprement dit n'a duré qu'un peu plus d'un mois, en février et mars 2005. Et sa durée aurait été encore plus brève si le vent n'avait pas joué l'empêcheur de travailler en rond !...mais on savait bien qu'il fallait compter avec lui ! On voit bien, sur cet exemple, que l'allègement des contraintes techniques ne raccourcit pas le délai de réalisation des chantiers. Mais les proportions sont inversées : Pour le barrage de Caillaouas, il y a soixante quinze ans, un dixième du temps était passé sur les dossiers administratifs, les neufs dixièmes restants étant occupés à construire. A Aumelas, la construction des éoliennes n'a occupé qu'à peine 2 % du temps !

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Par contre, s'il fallait démolir, il faudrait encore au moins trois ans à Caillaouas. Et que dire de Serre-Ponçon ou de Donzère-Mondragon ? A Aumelas, le terrain serait rendu à la nature en une ou deux semaines. Il est frappant en effet de constater que l'énergie éolienne puisse être exploitée sans qu'il soit besoin de construire aucun ouvrage particulier : ni route, ni ouvrage d'art, ni même la moindre ligne aérienne puisque tous les conduits électriques sont enterrés.

Construction du parc d'Aumelas : un jeu d'enfants ?

On a préparé les socles en béton armé sur lesquels on fixe l'embase du mât. On utilise un ciment de composition très spéciale, préparé par Lafarge. Pour l'acheminement des pièces, on a aménagé les pistes, portant leur largeur de 4 à 6 mètres. Un an après la fin du chantier, la nature aura repris ses droits. Les Pièces sont apportées par convois exceptionnels des quatre coins de l'Europe (Danemark, Allemagne, Espagne, Hongrie, France…) et entreposées dans la garrigue.

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La manutention exige aussi des moyens très lourds, dont un camion grue capable de soulever 1000 tonnes à plus de 100 mètres au dessus du sol, avec une flèche de 70 mètres. Une équipe de champions travaille avec une précision extrême dans des conditions souvent rendues difficiles à cause du vent. Ci-dessous à droite, on aperçoit l'homme qui, en haut du premier tronçon de mât, ajuste la pose du second tronçon.

Pose de la nacelle

Pose du rotor, avec les pâles préassemblées au sol

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Une pâle est grutée près du rotor. Une grue secondaire (bleue) soulève le bout de la pâle pour éviter qu'elle racle le sol. Un homme assis sur la pâle commande le grutier pour rapprocher la pâle du rotor. Une pâle est déjà fixée au rotor, une seconde est approchée. L'homme en jaune commande au grutier par radio. Restera-t-il enfermé dans le rotor ? Chaque boulon doit trouver sa place, sans frottement. Deux jours de montage, et voici deux éoliennes prêtes à être raccordées au réseau d'électricité.

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Equiper, et aussi embellir. La promesse d'autoriser la décoration des éoliennes (dont il est dit un mot page 25) fut tenue. Madame Sanié, propriétaire d'un mas ayant vue sur les éoliennes, a effectué ces décorations sur toutes les éoliennes. Ci-contre, une éolienne le jour de l'inauguration, le 7 juillet 2006.

On élimina la toile d'araignée de fils électriques qui traversait en tout sens la petite place devant la belle église Saint Pierre Saint Paul, dans le hameau de Cabrials. On installa un éclairage nocturne du château d'Aumelas (Xème siècle), qui domine la vallée de l'Hérault.

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Et grand est le plaisir que j'ai à penser aux deux propriétaires des parcelles de garrigue, à Aumelas, sur lesquelles les onze éoliennes ont été érigées. L'un est un berger à la retraite. Quelle est la retraite d'un berger ? Mais comme elle est admirable sa carcasse, appuyée pendant des heures sur son vieux bâton de berger devant le mas de Barral – son mas –, regardant, à l'horizon de sa garrigue, ces machines qui lui permettent d'améliorer son quotidien, d'entretenir sa voiture, d'aider aussi son berger de neveu et les voyant tourner, ces moulins…. comptant tranquillement le temps ! L'autre, aussi en retraite, est un ancien de la marine marchande. Il vit avec son épouse dans un mas isolé en Aveyron, un oasis de verdure au flanc d'un frais vallon proche du Lot, un éden où il écrit…des poèmes qui racontent tant d'épisodes de la vie du routier de la mer qu'il a été et les sentiments qui habitent maintenant ce citoyen de la planète Terre. Dans un de ses recueils, on retrouve bien l'universalité du coeur du marin et sa fusion avec la variété des paysages de la mer… et des vents. L'expérience montre donc que l'introduction des fermes éoliennes ne suscite que peu de mécontentements si les projets sont présentés et menés en étroite concertation avec l'ensemble des personnes concernées. Ce fut le cas à Aumelas et sur l'ensemble du site de la Montagne de la Moure.

La question du bruit Quand on parle de bruit, on fait en général référence à ce que l'oreille humaine entend. Dans le cas des éoliennes, on doit aussi se préoccuper des bruits inaudibles mais nuisibles à la santé, les infrasons, dont la fréquence est en dessous du spectre des sons audibles. Il est donc recommandé de ne pas installer d'éoliennes au voisinage des habitations. Toutefois, pour les éoliennes de grande puissance, la distance à respecter reste celle qui évite d'entendre les sons audibles, ces grandes éoliennes n'émettant pratiquement pas d'infrasons : leur rotor tournant à la vitesse de quatre à cinq tours par minute, la fréquence de passage des pâles est inférieure à 0,25 Hertz, soit moins d'un bruit toutes les quatre secondes. La décomposition en série de Fourrier de ce bruit très bref – une fraction de seconde – ne peut laisser apparaître qu'une quantité infime d'oscillations à très basses fréquences. Pour les éoliennes dont la puissance est supérieure à 2,5 mégawatts, on ne peut donc même plus parler d'infrasons et il convient de continuer de respecter la distance à partir de laquelle les sons audibles ne sont plus perceptibles, soit 400 à 500 mètres. A 200 mètres d'une éolienne, et sauf configuration particulière du terrain, le bruit d'une éolienne est inférieur à 50 dB, soit l'équivalent du bruit dans un bureau, et à 500 mètres il se confond avec le bruit de fond naturel.

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Cependant on peut se demander si les chocs sonores provoqués par les passages des pâles près du sol peuvent ou non engendrer des ondes sismiques, des ondes de surface ou ondes S. Si c'était le cas, se propageant à grande vitesse – 3 000 à 6 000 mètres par seconde selon la nature du sous-sol –, ces ondes pourraient avoir des effets sur la faune souterraine : faire fuir les taupes ? Mais pas seulement les taupes…

Mon dernier métier : chercheur de vent. La maîtrise foncière des parcelles utiles sur la Montagne de la Moure étant en voie d'achèvement, de même que les discussions avec les maires et les collectivités territoriales, Energies du Midi me proposa un contrat par lequel je fus chargé de rechercher et d'acquérir la maîtrise foncière d’autres sites, dans d’autres régions. J'évoquais la fibre écologique ? La voilà donc réveillée : chez moi, elle commença de s'exprimer en 1974, à l'occasion de la candidature de René Dumont aux présidentielles. Il obtient 337 800 voix, soit 1,32 % des suffrages. Mais elle était déjà vivante avant cette date : au début des années 70, je participai à un comité de défense contre le projet de Radiale Vercingétorix, qui devait couper en deux le 14ème arrondissement de Paris. …entre la rue Didot et la rue de Vanves... entre la rue de Vanves et la rue Didot.

Puis à un autre comité contre le projet de promotion immobilière impliquant de raser la Cité des Fleurs, boulevard Arago. Les quartiers ont beau ne ressembler qu'à des carcasses de pierre et de béton, ils ont une vie. Détruire ces carcasses, c'est les tuer. Pour animer la campagne de René Dumont, nous avions investi une péniche amarrée près du Pont de l'Alma. Je me liai alors d'amitié avec René, que je rencontrerai par la suite dans plusieurs forums, et un peu avec Brice Lalonde qui se présentera aux élections sept ans plus tard et triplera le score des écologistes. Malgré cela, on ne lui trouva, pour installer son Ministère de l'Environnement, qu'un petit hôtel particulier avenue Georges Mandel assorti d'un budget cacahuètique ! C'est vrai que depuis la campagne de 1974, on pouvait se méfier de nous, qui voulions limiter la consommation de pétrole en proposant le litre d'essence à 5 francs. C'était le Club de Rome, Ivan Illich, Halte à la croissance !… Et pour René, c'était l'Utopie ou la Mort, ainsi qu'il avait titré son livre édité trois mois avant le suffrage. Nous militions pour le développement des énergies renouvelables et l'on nous répliquait : "voulezvous le retour à la bougie ?"

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J'avais moi-même écrit un article, "La taxe à la valeur soustraite", dont aucun quotidien ne voulut. En voici un résumé : la TVA est un impôt si facile à lever que presque tous les pays l'ont adopté. Mais taxer la valeur ajoutée, c'est taxer le travail, donc freiner l'emploi. Taxer davantage les matières premières, ce serait préserver mieux les ressources naturelles et favoriser les métiers qui, avec peu de matières, donnent plus de valeur aux objets fabriqués. Supprimer la TVA et instituer la TVS, ce serait à la fois préserver l'environnement et développer l'emploi. N'était-ce pas ce qu'on appelle maintenant le développement durable ? Mais la TVA est si pratique…. Donc ce nouveau contrat de travail me donnait l'occasion de redécouvrir des sites parcourus des années auparavant, en priorité les Monts du Cézallier dans le Cantal et le Puy-de-Dôme, mais aussi les Monts de la Margeride, la Planèze de Saint-Flour, l'Aubrac, les régions du Lévezou et des Monts de Lacaune dans l'Aveyron, les monts de Corrèze et le plateau de Millevaches, la côte atlantique, la Beauce et bien d'autres endroits. Et l'enjeu était immense : à la fin de l'année 2000, la France accusait un très grand retard sur les autres pays européens et sur d'autres régions du monde : à peine 70 MW installés en France pour 12 000 MW dans l'Union Européenne – dont 10 000 en Allemagne, Danemark et Espagne, 2 500 aux Etats-Unis et environ 17 000 MW au total dans le monde.

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Des écologistes ? Les désenchantements des écologistes d'hier n'ont pas arrêté le vent de souffler, mais dans mon nouveau métier je m'étais vite aperçu que, paradoxalement, c'étaient maintenant de prétendus écologistes qui étaient devenus les principaux opposants à son utilisation comme nouvelle source d'énergie. Il est bon de savoir que le quart de l'énergie solaire reçue par la planète Terre est transformé en vent, principalement grâce à – ou à cause de – la différence d'absorption thermique, donc de température, entre les surfaces terrestres et les surfaces océaniques. Ces différences de température se traduisent en différences de pression et celles-ci, en combinaison avec la rotation de la Terre – cf. force de Coriolis – se transforment en zones cycloniques ou zones de basses pressions et en zones anticycloniques ou zones de hautes pressions et le vent se met à souffler des zones de haute pression vers les zones de basse pression. La France, par sa grande dimension, sa position géographique à proximité des milieux marins et ses nombreux reliefs naturels, constitue un gisement considérable d'énergie éolienne, le second gisement le plus important en Europe. Sauf à donner la priorité à la conservation du "désert français", il serait stupide de continuer de se priver de cette source d'énergie. Cette prise de conscience, le gouvernement l'avait donc faite en 1996, fixant un objectif par le plan EOLE 2005 : 500 mégawatts éoliens devront être en production en 2005. En tenant compte de la Corse et des DOM-TOM, nous avions atteint cet objectif, puisque nous avions un peu plus de 400 MW à fin 2004 et que plus de 170 MW ont été installés en 2005. Mais il a fallu, entre temps, que le gouvernement décide, en juin 2001, de presque doubler le prix de rachat par EDF de l'électricité éolienne, passant de 0,0480 euro à 0,0838 euro par kWh. Fallait-il pour autant crier victoire ? Certainement pas, pour trois raisons : 1. Une directive européenne fixe à chaque pays de l'Union, pour 2010, l'objectif suivant : au moins 22,1 % de l'énergie consommée doit être produite à partir de sources d'énergie renouvelable. Il faudrait, pour être sur une pente permettant d'atteindre cet objectif, que nous ayons déjà 2 000 mégawatts éoliens en production et 4 000 en cours d'installation, prêts pour être opérationnels en 2007. Même si le nombre de projets croît exponentiellement depuis 2002, à fin 2006 nous n'aurons qu'un peu plus de 1 000 MW installés, même si, avec ce nouveau tarif, le nombre de sites exploitables et financièrement rentables, devenus beaucoup moins exigeants quant au régime des vents, s'est considérablement accru. 2. Les obstacles introduits par les recours administratifs de tous ordres à l'encontre des permis de construire ne font que ralentir les projets. Dans l'immense majorité des cas, ils sont introduits par des personnes ou des associations de personnes dont le seul but est de défendre leur paysage. Pourtant, la plupart des paysans – on les appelle aussi, et à juste titre, les

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conservateurs de l'environnement – sont favorables aux éoliennes. Dans certains endroits, ce sont même eux les premiers demandeurs ! On croyait que l'absence d'enquête publique obligatoire faciliterait l'aboutissement des projets mais on doit bien constater qu'au contraire ces enquêtes leur permettraient, en leur donnant force de loi, d'aboutir plus vite. Leur paysage ? En voici une manière de s'approprier ce dont on jouit parfois deux ou trois semaines par an, méprisant la volonté de ceux grâce au travail de qui ce séjour, aussi court soit-il, est quand même possible ! Injure, profanation même ! Va-t-on seulement aider celui ou celle qui peine à charger sa charrette de foin, occupant la chaussée et bloquant la circulation ? Non, on klaxonne, mais de son fromage, on s'en régale ! – Poussez votre tracteur ! lui crie-t-on.. – Non, poussons nos carcasses, goinfrons-nous, un jour, peut-être, nous ouvrirons les yeux ! 3. J'affirme en plus que cet objectif de 22,1 % est beaucoup trop modeste en ce qui concerne la France : Pour avoir fait partie de la poignée de prospecteurs professionnels de sites éoliens – quatre ou cinq personnes –, je connais beaucoup de régions où des fermes éoliennes pourraient être utilement installées. Qu'on se rende compte que, contrairement aux autoroutes, ces fermes ne sont jamais construites aux abords des villages et des villes et ne détruisent ni ne détournent aucun chemin ni aucune route, qu'elles ne nécessitent aucun ouvrage d'art : ni pont, ni viaduc…– ni tunnel !–, qu'en dehors des éoliennes proprement dites, elles n'entraînent la construction d'aucun nouveau pylône et n'ajoutent aucun réseau filaire aérien, qu'enfin, non seulement elles laissent à la faune sauvage toute sa liberté, mais encore elles conservent les pâturages, les prairies et les cultures, en n'imposant aucune expropriation ! Ces fermes éoliennes, si on les construisait, permettraient de fournir à peu près un tiers du besoin national d'énergie électrique, c'est-à-dire 100 % en terme de puissance installée de façon à tenir compte du coefficient d'efficacité, le vent ne soufflant pas en permanence et simultanément dans toutes les régions, sur toutes les éoliennes. Les experts estiment qu'en 2020, 12% de l'énergie consommée mondialement seront d'origine éolienne. Je n'ai trouvé aucune prévision à plus long terme, mais je pense qu'en 2050, ce pourcentage pourrait être au moins triplé ! Pour les prévisions à long terme, les experts ont tendance à être pessimistes, ignorant les ruptures, les innovations qui viennent là où ils ne les attendent pas, plus tôt que prévu, le rôle croissant des transferts technologiques horizontaux, ceux qui échappent aux prévisions normatives. S'agissant d'une priorité nationale, j'imagine qu'à l'instar des autoroutes, le financement puisse être assuré par prélèvement sur le budget de l'Etat et l'exploitation confiée à des sociétés concessionnaires. Pendant la période d'amortissement, par exemple dix ans, les prix de l'électricité à la

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consommation pourraient rester au même niveau que les prix actuels si les sociétés concessionnaires voyaient leurs dotations abondées par un prélèvement que l'Etat ferait sur le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Il faut toutefois remarquer que le prix de revient du kilowattheure éolien est déjà sensiblement le même que celui qui est fourni par combustion de charbon, de gaz ou de pétrole. "Nuisances !" crient aussi ces drôles d'écologistes. Ceux qui ont visité "mes éoliennes", le parc de la Montagne de la Moure sur la commune d'Aumelas – ou d'autres sites construits avec le même respect de l'environnement, la même concertation avec la population, des études d'impact aussi approfondies – savent bien que c'est un mensonge. Ils savent bien qu'ils ne défendent que leur intérêt personnel. Et même, croient-ils vraiment que le prix de leur lopin de terre va baisser du fait des éoliennes ? Aucun exemple ne leur donne raison. Et quoi ? S'il fallait un jour, dans vingt ans, dans cinquante ans, détruire cette installation et réhabiliter le site, il suffirait d'une petite semaine. Et l'un des pires dangers que l'on puisse craindre, c'est qu'un ouragan fasse tomber une machine et tue…quoi, un lapin ? Peut-être une brebis ? (Pardon B.B.) Pour le moment, et sans doute pour des dizaines d'années, comme les grands barrages hydro-électriques, Cap-de-Long, Serre-Ponçon, Roseland par exemple, les fermes éoliennes sont sources de richesses par le tourisme qu'elles induisent. Elles sont aussi une manne pour les collectivités locales qui perçoivent la taxe professionnelle et, par contrecoup, un bénéfice partagé entre leurs habitants, pour leur qualité de vie, les équipements collectifs, la culture, les sports, les loisirs…Et pour eux, ces écologistes trop fraîchement peints en vert, c'est cadeau ! Le méritent-ils ? Mais le plus important, n'est-ce pas ce que nous laissons aux générations suivantes ? En diminuant les pollutions destructrices des conditions de vie sur terre – et d'abord l'effet de serre – par la suppression quasi-totale des émissions de dioxyde de carbone, donc le réchauffement de la planète et les conséquences qu'on sait ; en supprimant progressivement le difficile problème de l'élimination des déchets radioactifs ; en préservant mieux les ressources en énergies fossiles. Je cite le maire d'Aumelas, Monsieur Jean-Claude Poncé : « Les trois réunions que nous avons organisées ont d’ailleurs remporté beaucoup de succès : à chaque fois, il y avait au moins deux cent cinquante personnes, y compris des anti-éoliens. Ceux-ci ont changé d’attitude après que nous leur ayons expliqué le projet en détail. Aujourd’hui, on peut dire que le consensus en faveur de nos éoliennes est général ».

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A propos des risques Une tempête ? Un cyclone ? Ce sont en effet les pires ennemis des éoliennes. Et ce qu'il faut craindre ? Le bris de machine. Une machine ? Plusieurs ? Bon, elles sont assurées et très vite remplacées. Mais il n'y a aucun danger pour l'homme. Peut-être un risque pour une ou deux bêtes qui se trouveraient à proximité ? Les exploitants sont assurés. Mais comparons les risques des éoliennes à ceux de nos autres amis de l'énergie renouvelable, les centrales hydrauliques et les barrages : qui voudrait revivre la catastrophe du barrage de Malpasset, un barrage voûte sur la vallée du Reyran, un torrent en hiver mais sec l'été qui céda le 2 décembre 1959 après des pluies diluviennes, laissant déferler une vague de 40 mètres jusqu'à la ville de Fréjus et la mer et faisant 423 victimes ? Barrage de Malpasset, après la rupture.

Son constructeur, l'ingénieur Ancré Coyne, l'avait même dit : "De tous les ouvrages construits de main d'homme, les barrages sont les plus meurtriers". Profondément affecté par cet accident, il décéda six mois après. C'était un ami de mon grand-père. Plus récente et encore plus meurtrière fut la rupture du barrage de Morvi en Inde, faisant près de 30 000 victimes le 11 août 1979. Je ne dresserai pas ici la liste du Top 50 des catastrophes liées aux ouvrages construits par l'homme, surtout quand il s'agit de ne fournir que des chiffres vérifiables : Tchernobyl, avec le nombre officiel de 42 morts, n'y figurerait même pas ! Toutefois il est certain qu'aucun parc éolien n'y figurera jamais. D'ailleurs, une telle liste aurait elle-même un sens ? Les morts dus aux choix énergétiques doivent ils se compter seulement à partir des bilans des catastrophes ? Je préfèrerais un bilan plus exhaustif, qui prenne en compte les victimes de tous les risques liés aux choix énergétiques, même s'il faut les compter une par une : ceux qui ont déjà fait des millions de victimes et qui peuvent en ajouter encore des millions si rien n'est fait pour changer – ou trop peu. De l'exploitation des mines de charbon – les chinois publient-ils des statistiques fiables ? – aux incidents et accidents des centrales nucléaires, des fumées cancérigènes des moteurs diesel aux dégagements accidentels et mortels de monoxyde de carbone, des explosions de réservoirs de gaz et d'essence aux pollutions liées aux fumées et dégagements de gaz

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d'échappements, rendant irrespirable l'atmosphère de dizaines de mégalopoles à des centaines de millions de gens…Et je ne parle pas des catastrophes écologiques, celles des marées noires et celles des dérèglements du climat liés au réchauffement de la planète, du milliard de personnes qui vivent près des côtes des océans et qui, dans moins de 100 ans, n'y seront plus... Le Groenland ne laisse-t-il pas s'échapper, à son pourtour, plus de 100 milliards de tonnes de glace en 2006 ? Ce chiffre n'a-til pas doublé en l'espace de deux ans ? Est-on seulement capable d'appréhender les conséquences de ce phénomène à l'échelle de la planète ?

Les choix énergétiques sont des choix politiques En 1960, plus de 50 % de l'électricité consommée en France était d'origine hydroélectrique. Ce rapport est aujourd'hui de 15 %. Il serait encore plus faible si, depuis, on n'avait pas construit Serre-Ponçon et quelques milliers de microcentrales hydroélectriques, presque toutes étant constituées de turbines au fil de l'eau installées par des particuliers pour leurs besoins propres – le surplus étant revendu à EDF – et dont la puissance est comprise entre quelques dizaines de kW et 2 ou 3 MW. Le reste de la production est principalement d'origine nucléaire. Si l'électricité a été de 1946 à 2003 un quasi-monopole public en France, l'électrification des campagnes à la fin du XIXème siècle a d'abord été le fait d'entrepreneurs privés, avant que les communes puis l'État ne l'appuient, dans une logique d'extension du service, cette même logique qui, par un double souci de rationalisation et, quelque temps après, d'autonomie énergétique, a conduit au tout nucléaire. En France, les communes rurales prirent elles-mêmes l'initiative de "s'électrifier" sans attendre que le travail soit fait par d’autres. Elles l'avaient entrepris sans demander l’intervention de l'État, mais avaient toutefois bénéficié de l'appui technique des fonctionnaires de l’Etat, ceux d’entre eux qui faisaient partie des services décentralisés. En contrepartie de leur implication précoce et déterminante dans le processus d'électrification, les collectivités rurales ont obtenu, et conservé depuis, "l'autorité concédante" dans ce secteur. C'est donc bien l'existence d'un réel pouvoir communal qui détermina, en France, le schéma initial d'électrification rurale. La Troisième République avait offert à la France une grande stabilité politique. Malgré deux grandes guerres et une crise économique majeure, cette république apporta, grâce aussi à la stabilité relative du franc, un appui considérable aux investisseurs et aux divers acteurs du développement économique. À cette stabilité faisait miroir, en plus, un consensus politique sans faille ni discontinuité en faveur de l'électrification rurale. Il agissait en faveur de la justice sociale et du développement équitable.

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Dans de nombreux pays en développement, notamment en Afrique, les politiques d'électrification – comme celles de la distribution d'eau – sont encore en cours d'élaboration et de nombreuses questions s’y posent : Quels opérateurs choisir ? Quel rôle laisser à l'État et aux collectivités locales ? Quels standards faut-il appliquer ? Quel sera le tarif à la consommation ?… Certains pays souhaitent une gestion exclusivement privée. D'autres sont pour une gestion publique et un fort investissement de l'état. Ces débats ont donné lieu, en septembre 2000, à la déclaration du Millénaire, qui identifie et fixe huit objectifs prioritaires pour le développement, visant à réduire de moitié, avant 2015, la proportion de personnes vivant avec moins de un dollar par jour. Ce sont les OMD ou "Objectifs du Millénaire pour le Développement". L'un d'entre eux concerne l'électricité. Mais atteindre ces objectifs, les OMD, c'est bien sûr compter avec une aide massive des nations développées, de l'Europe et de la Banque Mondiale. C'est aussi créer une voie royale pour les entreprises multinationales du secteur de l'énergie quand on entend les représentants européens s'opposer à toute privatisation locale du secteur de l'électricité, arguant que les systèmes de privatisation initiés en Europe ne devraient pas être exportés en Afrique où ils ne réussissent pas généralement. Ces débats ressemblent à ce que nous, en France, ainsi que d'autres, aux Etats-Unis par exemple, avons vécu depuis la fin du XIXème siècle, l'histoire de l'électrification rurale là où elle s'est généralisée, puis celle de tout le territoire. Si l'on compare ces deux histoires différentes, celle de la France et celle des Etats-Unis, on constate que même aux États-Unis, pays de l'initiative privée, l'électrification rurale a fait l'objet d'un large consensus politique et bénéficié d’importantes subventions publiques. Lorsqu'en 1923 la France choisit de financer l'électrification de l'ensemble du territoire, on découvrit un foisonnement désordonné et l'usage d'une multitude de standards pour la distribution. Paris par exemple n’avait pas moins de cinq types de distribution à la fin de la seconde guerre mondiale, qui allaient du réseau à courant continu cinq fils au réseau alternatif diphasé en passant par un réseau à courant continu trois fils et un réseau à courant alternatif monophasé. L'élimination du courant continu dans la capitale se prolongea jusqu’au milieu des années quatre vingt. Les choix techniques, multiples, faits à la fin du XIXème siècle on perduré près d'un siècle !

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La vraie question L'énergie, comme l'eau, est une ressource vitale pour l'humanité entière. Et chacun est maintenant convaincu de la nécessité de se tourner résolument vers les énergies renouvelables. Alors ne refaisons pas l'histoire et n'exportons pas notre histoire en Afrique, mais sachons la relire. Elle nous a démontré que des milliers d'opérateurs agissant avec les ressources locales et sous le contrôle des collectivités territoriales avaient su accompagner le développement du pays pendant près d'un siècle, et ce siècle était bien celui d'une demande énergétique en croissance très rapide, aussi rapide que les développements de l'industrie et des chemins de fer, des communications et du confort. Il n'y a aucune raison qui s'oppose à ce que ce principe – qu'on appelle, dans les textes qui régissent les traités européens, principe de subsidiarité – ne soit remis au goût du jour, avec les technologies actuelles, celles dont nous disposons déjà et que nous pouvons apporter aux pays en développement. Le principe de subsidiarité n'est pas ennemi des grands projets, mais il permet aux petits de trouver aussi leur place. Il existe plus de mille sociétés d'électricité aux Etats-Unis – les facilities – chacune ayant ses propres sources de production, chacune utilisant les ressources les plus économiques pour elle. Toutes les formes de production d'électricité coexistent et tous les réseaux sont interconnectés. Plus : depuis que les facilities appliquent la politique du real time pricing (RTP, ou "tarification en temps réel"), tous les consommateurs peuvent choisir, jour après jour, le fournisseur de leur choix en fonction du tarif annoncé. Il est vrai que c'est aux Etats-Unis que l'on a observé, ces dernières années, les plus grandes pannes de courant, notamment en Californie. Il est vrai aussi que l'on y a connu une catastrophe nucléaire, avec l'accident du 28 mars 1979 à l'usine de Three Mile Island. Three Mile Island, ce fut près de 100 cancers parmi la population, 245 morts parmi les enfants nés en Pennsylvanie et 430 dans l'est des Etats-Unis. Après l'accident de Three Mile Island, des associations de citoyens ont intenté un procès à la compagnie exploitante. D'une certaine façon tout le monde savait qu'un accident arriverait un jour, très exactement le jour où un grand nombre de réacteurs nucléaires serait en service. Three Mile Island a sans doute été le coup de grâce pour l'énergie nucléaire américaine, frappant une industrie déjà mal en point dont le déclin était déjà amorcé depuis 1974. Il est vrai aussi qu'en plus de l'énergie nucléaire – certes en déclin outre atlantique – c'est aux Etats-Unis qu'on consomme le plus de ressources du sous-sol, les énergies fossiles – le charbon, le pétrole et le gaz naturel – pour produire de l'électricité. Mais c'est aussi les américains qui sont les premiers utilisateurs de pompes à chaleur, de systèmes photovoltaïques, de chauffeeau solaires, de biocarburants, et de très grands inventeurs et constructeurs d'usines hydroélectriques et de parcs éoliens. Le Soleil est la source de presque toutes les formes d'énergie trouvées sur la Terre, aussi bien les fossiles que les renouvelables – toutes, se serait

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100 %. L'eau des torrents, des rivières et des fleuves – les retenues par barrages et les centrales au fil de l’eau –, le vent – 25 % de l'énergie que le Soleil nous envoie –, la houle et les vagues – un watt par mètre carré –, la chaleur de l'air, du sol et de la mer, le bois et toute la végétation – la biomasse – 2 litres d'ester de colza peuvent remplacer 1 litre de carburant fossile –, nos déchets même – 1 % de notre consommation –, et évidemment le charbon et la tourbe, le pétrole et le gaz naturel, tout cela est – ou a été – apporté par le Soleil. Un peu d'énergie nous est aussi apporté par la lune : les marées – pour les grandes marées, le Soleil aide aussi –, un peu aussi par la géothermie qui provient de la radioactivité de la Terre – et cette source d’énergie pourrait produire beaucoup plus. Alors la vraie question est évidente : pourquoi n'utiliser en abondance que la partie fossile de cette immense quantité d'énergie, celle dont on sait qu'elle n'existe qu'en quantité limitée, alors que la partie renouvelable, elle, durera ce que durera le Soleil ? Nous disposons des technologies pour les exploiter toutes, et ces technologies sont transposables partout, dans les pays en développement comme ailleurs. Bien sûr, chaque région de la planète est diversement dotée, selon sa latitude, sa topographie, son climat, sa proximité des côtes. Mais toutes les régions sont dotées, et même abondamment : la Terre, sur les seuls continents, reçoit gratuitement du Soleil une énergie égale à 2 500 fois celle qui est consommée mondialement, le quart de cette énergie étant délivré sous forme de vent. Autant dire qu'à lui seul le vent pourrait nous fournir au moins 600 fois plus d'énergie que ce dont nous avons besoin. Le prélèvement, ne serait-ce que d'un millième, de cette énergie, fournirait déjà la moitié du besoin mondial. Mais comment ? Où ? Et à quel prix ? C'est l'enjeu d'un débat politique nécessaire et urgent, international. On a su préserver le continent Antarctique pour la science. Serait-ce plus difficile pour le vent ? Je ne crois pas. Mais les politiques sont-ils créatifs ?

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De l'audace et de la créativité ! La France dispose d'une puissance de production d'électricité voisine de 100 000 MW. Même avec des éoliennes modernes de 3 MW, il faudrait installer 33 000 éoliennes pour disposer d'une puissance équivalente, et même trois fois plus si l'on tenait compte d'un coefficient d'efficacité de 33% – optimiste. Plus de 1 000 éoliennes par département, en moyenne ! C'est évidemment utopique, irréaliste. Et dans presque tous les pays, on atteindrait un chiffre irréaliste. Mais pas dans tous. Les régions situées à des latitudes élevées, aussi bien dans l'hémisphère nord que dans l'hémisphère sud, sont soumises à des vents réguliers, forts et permanents, de nuit comme de jour – avec ou sans le soleil !. J'ai pu moi-même m'en rendre compte lors d'un séjour dans les îles Aléoutiennes (ci-contre), et un de mes fils, qui a effectué, en vélo, un grand tour de l'Amérique Latine, a observé la même chose lors de son passage en Terre de Feu (cidessous), ce vaste territoire partagé entre l'Argentine et le Chili. Les vents sont également très puissants et réguliers au nord de l'Alaska, au Canada dans les Territoires du Nord Ouest, l'île Victoria, la Terre de Baffin et autour de la Baie d'Hudson, au Groenland, au Spitzberg – où je suis allé aussi –, en Nouvelle Zambie, à l'est de la Sibérie autour de la mer d'Okhotsk et dans la presqu'île du Kamtchatka, dans les îles Kouriles et autour de la mer de Béring. Au sud, où les continents sont moins nombreux, il n'y a guère, à part la Terre de Feu, que l'archipel des Malouines – mais ce n'est pas très vaste – et la Terre de Graham, rattachée au continent antarctique. Dans ces zones très peu En haut, les Aléoutiennes et la mer de Béring. En bas, la Terre de Feu, les Malouines et la Terre de habitées ou désertiques, des Graham. éoliennes à hauts rendements peuvent être érigées par dizaines de milliers et fournir une électricité à bas prix.

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La question est alors : que faire de cette électricité ? Mais s'est-on posé des questions pour construire des pétroliers géants et transporter des centaines de milliers de tonnes de pétrole par voyage, sur 10 000 ou 15 000 kilomètres ? L'électricité est peu facilement transportable ? Alors chargeons des batteries d'accumulateurs qui viendront équiper les moteurs hybrides de nos prochaines voitures ? Ou bien installons sur place les usines de transformation les plus gourmandes en électricité ? L'aluminium ? Les industries des Terres Rares ? De l'hydrogène liquide, pour les voitures encore ? Ou alors construisons là bas les accélérateurs de particules géants dont la communauté scientifique internationale a tant besoin ? Et, pourquoi ne pas installer des sortes de pipe-lines pour liquide supraconducteur et y transporter le courant sous haute tension et sans déperdition vers les zones de forte consommation, à des milliers de kilomètres de là ? Ça ne coûterait qu'en surcroît d'énergie éolienne, un coût somme toute marginal. Mais faisons plutôt appel à nos créatifs ! Rappelons-nous que c'est toujours par manque de créativité que les combats sont perdus. Et c'est bien d'un combat dont il est question. "L'aventure rend tout possible : nous pouvons compléter la nature, multiplier la diversité de l'homme, raisons d'être et d'agir, et semi-gâteux, sous-hommes, sont ceux qui ne se posent pas les questions à partir desquelles on évolue, on progresse…" soulignait Arnold Kaufman dans son Inventique. Et "si quelqu'un n'est pas concerné, qu'il se pince jusqu'au sang pour savoir s'il est encore vivant" disait Michel Fustier. Suivons aussi Bernard Zimmern qui, bien que polytechnicien à l'esprit très méthodique, dit et répète, contre ceux "qui pensent enserrer l'avenir dans une planification très comptable" qu'"il n'y a pas de bon développement sans désordre". Teilhard de Chardin, dans "l'Avenir de l'Homme", n'y ajoutait que le fait religieux, "la Grande Option de l'homme au 20ème siècle" qui fait que "l'avenir tout entier de la Terre et de la religion semble dépendre de l'éveil de notre foi dans l'avenir". Les gouvernements sont-ils encore capables de tenir le rôle de décideurs de l'avenir ? Depuis bientôt un siècle, c'est-à-dire depuis les prémices de la première guerre mondiale, des centaines de milliards de dollars ont été dépensés pour la créativité guerrière, pour la prévision stratégique militaire, pour les armements innovants, pour la productivité du soldat au combat, pour sa subsistance et pour sa survie. Et c'est souvent à partir des découvertes militaires et des besoins exprimés pendant les guerres que sont apparues les grandes innovations qui inondent aujourd'hui les marchés de consommation, ceux auxquels on donne souvent le qualificatif de hi-tech comme les sondeurs de nos bateaux de plaisance, les écrans plats de nos home-cinémas, les textiles hyper-résistants comme le kevlar ou le goretex pour nos randonnées en montagne, mais ceux aussi auxquels personne ne donne ce qualificatif : Liebig n'a-t-il pas fait ses potages et cafés lyophilisés pour soutenir les carcasses des poilus de 14-18 ? Un parmi des milliers ! Alors, nos gouvernants choisiront-ils de gagner la guerre de l'énergie ? Oui, faisons-la cette guerre !

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Respecter le principe de subsidiarité Cette guerre, qu'il faut déclarer, ne doit pas faire oublier le principe de subsidiarité, qu'il faut respecter. Dans chaque communauté, chaque commune, chaque région, chaque pays, il faut que les initiatives les plus modestes puissent s'exprimer et, sous réserve de l'accord des personnes les plus directement concernées, se développer avec les mêmes chances de succès que les projets les plus ambitieux. Concernant l’accord des personnes les plus directement concernées, il n’y a pas de souci à se faire : assez de personnels, de structures, de services publics, de tribunaux, d’associations…sont là qui savent faire valoir et défendre les intérêts de chacun. Les vrais enjeux sont autres, et ils sont nombreux : Me revient en mémoire l’énorme panne du 6 novembre 2006, qui eut pour origine un simple geste, anodin, d’un agent allemand, près du Rhin. Le remède fut vite annoncé : investir. Augmenter largement le réseau de transport. On avait bien commencé l’Europe avec la CECA, la Communauté Européenne pour le Charbon et l’Acier : succès. On a continué de la faire avec la PAC, la politique agricole commune : succès (pour la France), puis avec la monnaie unique, l’Euro (non, ce ne fut pas l’Ecu, mais succès quand même), puis on a tenté la Constitution : échec ! Qu’avait-on oublié ? La Communauté fiscale ? Vite, Johnny, il est encore temps de se tirer ! La communauté des droits sociaux ? Laissons le temps aux grands de se délocaliser. La Communauté de la communication, de l’audiovisuel, du téléphone ? Petit à petit. Celle des transports ? Touchez pas à mon TGV ! Déjà notre Eurotunnel se noie, notre Airbus a du plomb dans l’aile, la traversée sous le Mont-Blanc n’est pas oubliée, alors, du calme ! Mais la Communauté de l’électricité ? En voilà une idée qu’elle est bonne ! Non, elle n’est pas bonne, mais elle pourrait l’être si… Si c’était une communauté d’échanges de technologies pour que partout la ressource en énergie renouvelable la plus facile à exploiter puisse être effectivement exploitée, même au niveau le plus bas, celui de la maison, de l’immeuble, du village, du quartier, de l’ensemble de bureaux, de l’usine… et si cette ressource n’est pas directement productrice d’électricité comme le solaire photovoltaïque ou l’éolien, alors que l’on fasse de la cogénération… Un exemple : on commence à voir apparaître, même dans Paris, des petites éoliennes sur le toit de certains immeubles, comme les hydroliennes dont je parlais au début de l’exposé. Ces machines à axe vertical et qui ne dépassent pas deux mètres de hauteur, ne créent pas plus de nuisance que les relais de téléphonie mobile posés aussi sur les immeubles, un peu partout, et l’électricité produite est telle que le coût de l’électricité pour les habitants peut se trouver sensiblement diminué. Si c’était une communauté d’investisseurs privés, comme le sont aujourd’hui nombre de citoyens allemands qui se regroupent pour construire

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la ferme éolienne qui alimentera leur village…On imagine facilement des groupements d’agriculteurs se constituer pour exploiter des cultures peu consommatrices d’eau et capables de fournir l’énergie pour l’ensemble d’une communauté urbaine... Si c’était une entente interrégionale, qui décide des réseaux de solidarité entre les régions voisines de façon qu’aucune d’entre elles ne vienne à être subitement privée de tout ou partie de son alimentation électrique, par un de ces caprices que la nature, quand elle est sévère, sait réserver aux hommes…Et le nombre des réseaux – et des pylônes – de transport de l’électricité sous très haute tension, au lieu d’augmenter, pourrait sans doute être réduit. Si c’était une Communauté citoyenne, où les consommateurs font attention au tri et à l’élimination de leurs déchets… Si…si… si… Mais l’argent fait les rois et les rois ont besoin de châteaux, pas de cabanes.

Exemples Un des sites que j'avais prospecté et qui fut récemment équipé se trouve sur le plateau d'Ally, au nord des Monts de la Margeride en Haute-Loire. 26 éoliennes de grande puissance (1,5 MW) y ont été posées, qui viennent prendre la succession des 12 moulins à vents d'autrefois, le dernier d'entre eux ayant cessé de tourner au début des années 50. Dans ce cas précis, c'est bien à l'opiniâtreté de Madame Olagnol, maire d'Ally, qu'on doit cette réalisation. On comprend bien les motivations de cette femme en visitant le site Internet www.ally43.fr. Mon évaluation du terrain m'avait conduit à donner un avis positif au bureau d'études mais il n'a pas cru devoir me suivre. Il est heureux qu'un concurrent ait fait la même approche que moi. Ci-contre, un des moulins à vent d'Ally, restauré et transformé en musée. Pour moudre leur grain, les 10 propriétaires d'autrefois avaient chacun un moulin sur un des ruisseaux descendant du plateau. Mais lorsque les ruisseaux étaient à sec, ce qui arrivait parfois en été, ils utilisaient leur moulin à vent.

Par contre je ne suis pas systématiquement heureux quand je m'aperçois que de plus en plus de sites que je proposais à cet employeur sont

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maintenant construits par les concurrents. J'en ai fait l'expérience dans la plaine de la Beauce, en Eure-et-Loir et dans le Loiret, où de nombreuses éoliennes viennent d'être posées. Et il en va de même dans pas mal d'autre régions : le Limousin, la Charente-Maritime, l'Aveyron, la Lozère, le Gard…Au total, c'est pour un total de près de 4 000 MW que j'ai parcouru, en quatre ans, près de 300 000 kilomètres. Je garde cependant bon espoir de voir se construire une ou plusieurs fermes éoliennes dans le Cantal, précisément sur le plateau du Cézallier. Le Cézallier est un vaste plateau volcanique dont l'altitude moyenne est de 1100 mètres, le Signal du Luguet culminant à 1 551 mètres. Le Parc Régional des Volcans d'Auvergne englobe une grande partie de ce plateau partagé entre les départements du Puy-de-Dôme à l'est et du Cantal à l'ouest. Bien que la charte du Parc comporte un volet développement économique, nombreux sont ceux qui s'obstinent à n'y lire qu'une seule préoccupation, le maintien du statu quo relatif à la nature, aux paysages surtout. Et l'avis du président du Parc, qui n'est autre que notre ancien et respecté Président de la République VGE, ne compte pas pour peu. La partie cantalienne du plateau a une superficie de 400 000 ha et une population inférieure à 6 000 habitants, concentrés pour plus de la moitié à Allanche au sud, Condat au nord et Marcenat, à mi-chemin entre ces deux villes. Le reste de la population se partage entre les bourgs et leurs villages, presque tous situés à la périphérie du plateau. Moins de 400 personnes vivent au cœur du plateau. La densité de population y est donc voisine de un habitant pour 10 km2 carrés. Sur une telle superficie, c'est la plus faible densité en France. Dix neuf communes de ces deux cantons se sont regroupées en Communauté de Communes, unissant leurs efforts pour développer ou au moins sauvegarder des activités capables de maintenir la population, et surtout les jeunes. Ma proposition d'équiper quelques zones en fermes éoliennes a donc fait l'unanimité des assemblées territoriales. Le Parc Naturel n'existait pas du temps de la SHEM, qui construisit les barrages sur la Rhue, près de Condat, ces barrages qui alimentent l'usine hydroélectrique de Coindre, sur la commune de Saint-Amandin. Et Montboudif, le village natal du Président Pompidou auquel VGE avait succédé, se trouve au nord du Cézallier et fait partie de cette Communauté de Communes. J'aurais aimé qu'une Une vue du plateau du Cézallier. On devient toujours amoureux de cette confrontation sur ce projet eût lieu entre ces deux hommes, quand l'un était le nature ! premier ministre de l'autre. Mais le sujet n'était pas encore à l'ordre du jour…

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Et après ?

(tiré du site www.criseclimatique.fr)

"Ce film lève les derniers doutes : les changements climatiques globaux mettent l'humanité au pied du mur." (Nicolas Hulot, à propos du film d'Al Gore : "Une vérité qui dérange") "Notre planète est menacée de mort, le compte à rebours a commencé. La communauté scientifique internationale s'accorde pour dire qu'il nous reste à peine dix ans pour éviter une catastrophe générale – un bouleversement majeur du système climatique entraînant des perturbations météorologiques extrêmes, des inondations, de longues périodes de sécheresse, des crues, des épidémies, des vagues de chaleur meurtrières d'une ampleur sans précédent. Est-ce une raison pour désespérer ? Plutôt que de sonner le tocsin de l'apocalypse ou céder à la tentation du fatalisme, UNE VÉRITÉ QUI DÉRANGE nous invite à suivre, partager et relayer le combat passionné d'un homme pour stopper le réchauffement climatique et dénoncer les mythes et illusions qui l'entourent. Cet homme est l'ancien Vice-président des États-Unis, Al Gore, qui, à la suite de sa défaite à l'élection de 2000, opéra un changement de cap décisif en décidant de contribuer de toutes ses forces à la survie de la Terre…. Al Gore ne prend pas de gants pour souligner l'urgence et la gravité de la situation. Le film présente avec éloquence des donnés scientifiques et des prévisions argumentées. …Au fil des scènes, on découvre en effet l'itinéraire singulier de ce jeune étudiant idéaliste qui comprit très tôt l'ampleur et les enjeux de la crise environnementale ; de ce jeune Sénateur qui dut affronter un terrible drame familial et en tirer les enseignements ; de cet homme qui faillit devenir Président des États-Unis, mais préféra se consacrer à la cause qui lui tient le plus à cœur. Avec esprit, une pointe d'humour et une bonne dose d'espoir, UNE VÉRITÉ QUI DÉRANGE fait passer le message le plus important, le plus convaincant d'Al Gore : Nous ne devons plus considérer le réchauffement climatique comme un "problème politique", mais comme le plus grand challenge moral de notre civilisation."

Post Scriptum 1. Il a été décidé qu'il n'y aurait pas d'éolienne sur ma parcelle de garrigue, à Poussan, ni sur aucune de celles de ma famille. Dommage ! J'aurais bien apprécié de recevoir chaque année – pour moi-même ou pour ma femme et mes enfants – quelque 2 000 € par éolienne, pendant 25 ans. 2. A tous ceux qui auront trouvé quelque intérêt à cet opuscule : rejoignez une des Associations Locales de Promotion de l'Eolien, réunies en fédération nationale – www.planete-eolienne.fr –, et signez le pacte écologique de Nicolas Hulot : www.pacte-ecologique-2007.org

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