Ibilka #3

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le magazine

numéro 3 - 2013 uda / Été

Urdaibai

Un petit coin de paradis au bord de l'Océan ; une ria préservée où la nature et les hommes cohabitent depuis le Magdalénien. Une nature à consommer sans réserve !

Pampelune

Dans l'antichambre des Sanferminak, Pampelune accueille une des plus importantes foires aux chevaux d'Europe. Maquignons et curieux y viennent d'un peu partout pour un spectacle au caractère immuable.

Roncevaux

Ce 15 août 778, n'en déplaise aux thuriféraires officiels, ce sont bien les Basques, et non les Maures, qui infligèrent à l'armée de Charlemagne, une des ses plus cinglantes défaites.

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La planche de surf, l’instrument pour atteindre l’absolu

Surf taula, absolutua lortzeko lanabesa Surf taula, hemendik aurrera, Euskal herriko objektu bat bihurtu da, gure memoria kolektiboak behin betiko eskuratu du. Surflariak itsaoaren zainak dira.

t e x t e Txomin Laxalt / photographie Cédric Pasquini

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Le surfeur sur sa planche, un objet désormais a jetée des Alcyons de Guéthary est passé dans la mémoire collective en Euskal herria, comme une avancée sur l’Océan voyage la vague, la traverse dans ce tunnel aqueux qui trousse ici la vague idéale, une autant que lumineux que le commun des mortels superbe et redoutable gauche levant n’empruntera jamais, c’est peut-être pour cela qu’il bien au large, que les surfeurs locaux peut, ainsi que l’affirme Hugo Verlomme, l’écrivain ont baptisée Avalanche et dont ils du surf, « entrevoir ce qui se passe après la mort. » affirment qu’elle prend son élan dans Surfeur branleur fut longtemps le qualificatif le Golfe du Mexique. J’apprécie le jargon à la fois peu amène destiné à ceux qui ont choisi la vague technique mais aussi poétique de ces authentiques comme exutoire. Le temps des combis Volskwagens de mer, capables de rester des heures durant, gen déglingués, arrimés à perpétuité au rivage visages fermés derrière l’opacité de leurs lunettes et l’image du surfeur, clochard céleste, cagot noires, à déchiffrer l’océan, à anticiper la vague, à en côtier d’une bonne deuxième moitié de XXe siècle, imaginer, je suppose l’existence depuis une naissance programmée de l’autre côté de l’Atlantique jusqu’à sont définitivement révolus. Le surfeur n’est pas leur mort provisoire – les vagues se réincarnent sans seulement un citoyen du monde qu’il parcourt fin – pour mieux les accompagner au gré des spots dont on se transdans leur agonie par des voies complimet les emplacements comme un Mots-clés/Hitz gakoak quées, connues d’eux seuls. Ces lieux alchimiste ses formules, mais un planche de surf : d’apocalypse, eux, les appellent spots, être responsable qui, généralement un mot anglais aux multiples signifis’engage pour la préservation du surf taula cations : place, marque, position, éclat milieu marin. Ces frères d’une côte surfeur : surflari lumineux… On imagine, quand il se dont ils sont les gardiens vétilleux, vague : uhin, uhain rapporte au surf, une explosion brutale, n’hésitent pas à planter le pavillon écume : apar un déferlement « qui ne concerne pas noir pour peu que des pirates d’un le surfeur » qui se tient toujours sur la autre genre s’avisent de la mettre à lèvre de la lame, à son point d’équilibre, toujours en sac. J’aime à penser qu’ils sont les héritiers spideçà de la désagrégation fatale. rituels de Kerouac ou de Ginsberg parce que les Pas moins de dix spots généreux – entendez encore de pères fondateurs de cette discipline de vie sont brefs et fluides intervalles d’espace-temps où la mer, aussi les contemporains de cette Beat génération avant d’expirer sur le rivage, aiguise la vague parfaite des années cinquante, en quête d’un absolu dont à surfer – ourlent sur notre Côte basque, à perpette, la vague en serait le symbole le plus éloquent. Big des kilomètres de littoral désormais plébiscités sur Sur Pacifique ou Plage des Cavaliers Atlantique, tous les continents. l’univers n’est-il pas qu’un vaste océan ?

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Éditorial

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L’été de toutes les découvertes

Société éditrice : BAMI Communication Rond-point de Maignon, Avenue du 8 mai 1945 BP 41 - 64183 Bayonne bami-communication@bami.fr Directeur de la publication : Jean-Paul Inchauspé Coordination : Jean-Paul Bobin Textes : Txomin Laxalt, Jean-Paul Bobin Direction artistique : Sandrine Lucas Fabrication : Patrick Delprat Iru Errege Le Forum 64100 Bayonne Photos : Cédric Pasquini ; p. 2, 4, 18, 20. Santiago Yaniz : p.10 à 17. Serge Bonnet : p. 6 à 9. DR : p. 19. Frida KALHO, Perro [Xolo] Itzcunli conmigo, 1938, Huile sur toile, 71 x 52 cm, Collection particulière, ©ADAGP Paris 2013 : p. 19. Couverture : Santiago Yaniz Remerciements : À Martin Rabier qui, en toute confiance, nous a prêté sa planche de surf, pour une séance photo. À la boutique iConcept (2, rue Port Neuf à Bayonne)pour le prêt des i Pad (p.20). Dépôt légal juillet 2013 - ISSN en cours

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« Que d’eau ! que d’eau ! » prononça Patrice de Mac-Mahon, Président de la République, lors de sa visite à Toulouse en 1875, en découvrant l’ampleur des inondations causées par la crue exceptionnelle de la Garonne. Force est de constater que notre récent printemps a été plus qu’arrosé et que nous sommes heureux de voir poindre les rayons du soleil estival. Dans ce troisième numéro de votre magazine IBILKA, nous vous proposons de rester dans l’eau. Tout d’abord, en rendant hommage à un objet légendaire appartenant au monde du surf et de la glisse, dont la contribution au développement économique de notre Côte Basque est indéniable. Toujours dans l’eau ou plutôt au bord de l’eau, nous vous emmènerons près de Guernica en Biscaye, visiter la célèbre réserve naturelle d’Urdaibai, unique en son genre, puisqu’elle fait partie des seules 300 réserves dites « de la Biosphère » au monde ! Et cela, à moins de deux heures de route de Bayonne. Dès que possible, rendez vous sur place en passant par la forêt « multicolore » dans laquelle a travaillé le sculpteur peintre Ibarrola, et poussez vos pas jusqu’à la presqu’île de Gaztelugatxe et son ermitage, perché au-dessus des vagues et de l’océan. Pour changer de décor et d’ambiance et vous éloigner du sable, des galets et de l’eau, nous vous proposerons une promenade

en Navarre, puisque le mois de juillet fait toujours penser aux fêtes de Pampelune. Saviez-vous cependant que, depuis plus de deux siècles, Andalous et Navarrais se retrouvent aux mêmes dates pour échanger chevaux et « duros », ou plutôt « euros » à présent, dans une foire aux chevaux peu connue, mais très fréquentée ? Et, puisque nous sommes dans la tradition et l’histoire extrêmement riche de cette province de Navarre (ancien royaume médiéval dont les armoiries primaires ont inspiré le logo actuel de la BAMI), nous vous conterons aussi l’histoire de Roland en évoquant la date du 15 aout 778, avec la célèbre bataille de Roncevaux. Si les soldats de Charlemagne ont franchi, à cette époque, le col d’Ibañeta, sans vouloir ou oser y revenir, n’oublions pas que les palombes, dans leur voyage annuel et perpétuel, le survolent, comme les cols voisins et la fameuse tour d’Urkulu. Depuis quelque temps, ces mêmes palombes n’hésitent pas à survoler l’océan. Auraientelles envie de témoigner ainsi de la symbiose intime et parfaite de l’océan et de la montagne dans notre cher Pays Basque ? Bonne lecture et bonne promenade.

Jean-Paul Inchauspé, Directeur de la publication

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PORTRAIT

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Hamazazpi urtetan, Maddi Sarasua bertsolarismoaren figura berri bat bihurtu da. Euskararen pasioak eta hitzekin jokatzeko gogoak gidatzen dute.

iseleuse de mots

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PORTRAIT

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22 novembre 1995

16 juin 2012

10 novembre 2012,

naissance à Bayonne

elle remporte la finale du championnat des écoles de bertsolaris

elle obtient la 4e place du championnat des bertsolaris d’Iparralde

dates clés

Maddi Sarasua,

hitzen zizelkaria t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Cédric Pasquini

B

ien sûr que vous la connaissez. Je m’adresse à ceux qui ne manqueraient pour rien au monde le rendez-vous du dernier mercredi de juillet, je veux parler des… bestazale, abandonnons le terme festayre une fois pour toutes à nos voisins du nord d’Aturri (Adour). Vous avez donc aperçu Maddi Sarasua au moins une fois, au balcon de la mairie de Bayonne, dans l’effervescence précédant ce fameux lâcher de clé qui s’apparente à l’ouverture d’une bonde. Elle s’en souvient encore, habituée pourtant au public, elle avoue avoir connu un trac de tous les diables. Bertsolaria, donc en vétilleuse ambassadrice de l’euskara, Maddi n’hésita à rappeler du haut de ses 17 ans, avec finesse, de quel pays Bayonne était capitale. « Nahiz eta jende gehienak euskara ez ulertu » (bien que la plupart des gens ne comprissent pas l’euskara), rappelle-t-elle sans illusions. N’empêche, au-dessus du brouhaha soulevé par une foule impatiente, les vers se sont envolés : En ce mercredi soir en rouge et blanc Il nous faut, en dépit de toutes les attaques, Rajouter le vert, Et que notre langue Aille au-delà de l’écume du folklore >>

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Le Japon cultive l’art du haiku, le Persan celui du rubbayat, autant de façons de décliner l’éphémère, d’improviser en troussant le vers. Euskal herria bêche aussi les arpents de cet art et l’appelle simplement bertsolaritza (bertsolarisme) un mot que l’on pourrait traduire par, la manière de faire le vers. L’euskara utilise une expression plus subtile pour nommer cette mise en suspens du monde : bat-batekoa, la soudaineté. Pour en parler avec Maddi, il n’y avait de lieu plus adéquat que Larraldea, une magnifique ferme labourdine de Senpere (Saint-Pée), qu’Andoni Iturrioz, mécène éclairé et surtout passionné d’euskara et de bertsolarisme a mis à la disposition de Bertsozale elkartea, les gardiens du temple. Dans l’intimité du coin d’un feu ronflant de toute sa bûche, Maddi avait d’abord exprimé sa passion de l’euskara qu’elle vit au quotidien, en famille et qu’elle a entretenu durant un cursus scolaire effectué comme il se doit en ikastola. Le bertso ? Elle a de qui tenir ; Aitor, l’aita et Jon, l’osaba, deux figures du bertsolarisme qui ont aussi démontré qu’il n’est de langue qui ne saurait rendre la réa-

lité du monde. « Betidanik etxean bertsoa gauza normala da ; nire ahizparekin, Ainhoa, lagun artean, hitzekin jokatzea gustatzen zait » (Depuis toujours en famille improviser est chose normale, avec ma sœur Ainhoa, avec mes amis, j’aime jouer avec les mots). Le passage par Bertso eskola (elle y a débuté à l’âge de onze ans) s’imposait, cette école où l’on apprend les techniques de base non pas de l’improvisation mais de versification ou comment maîtriser le Zortziko handia (strophe de huit vers alternés de dix et huit syllabes), le Zortziko txikia (strophe de huit vers alternés de dix et huit syllabes) ou l’Hammareko handia (strophe de dix vers alternés de sept et six syllabes), autant de passages obligés lors des txapelketa (championnats) où se retrouve la fine fleur de la métrique pour denteler au point de rime les grands sujets du monde. Et puis tous les mardis soirs, à Larraldea, il y a l’immanquable rendez-vous où, sous la houlette du professeur Odei Barroso, on s’affronte en vers pour préparer le championnat d’Iparralde Xilaba où Maddi se distingue en 2012. Après les rudes phases éliminatoires aux quatre coins des trois provinces, elle se retrouve en finale. « Pour la finale, je me suis retrouvé avec les meilleurs, Odei, mon professeur, mais aussi avec Amets Arzalluz, Sustrai Colina, Eneritz Zabaleta, Xumai Murua. Ils me soutenaient tous ». Maddi, la plus jeune, obtient la quatrième place sur les six finalistes. 2013 est aussi l’année du bac. Maddi souhaite suivre des études de philologie basque à Gasteiz, cette discipline qui permet d’embrasser tous les champs du possible d’une langue pour mieux entretenir cet exceptionnel art de l’instant qui faisait dire au grand Xalbador : « Ez dut egundaino ukan bertsotan buruan pasatugabeko gairik » (à ce jour, aucun sujet ne m’est passé par la tête qui ne fût en vers). Segi hola Maddi !

Xuri gorriz jantzia zaigu Asteazken ilunabarra Eraso denen gainetik dugu Berdea gehitu beharra Gure hizkuntzak gaindi dezala Folklorearen aparra

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Mots-clés/Hitz gakoak :

bertsolarisme : bertsolaritza improvisé : bat-batekoa scène : taula, agertoki improviser des vers : bertsoak bota

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Iruñeko ferietan,

Iruñeko ferietan, zaldien merkatua

à la foire aux chevaux de Pampelune Tope-là Ici, très peu de tenues rouges et blanches, pas de txupinazo ni de Pobre de mi ; la foire aux chevaux est comme une parenthèse au milieu des fêtes de Pampelune ; une enclave qui répond à ses propre lois.

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Oso famatua, baina gutxi ezagutua, Iruñeko zaldien merkatua Sanferminetakoetan egun garrantzitsu bat da. Herrialde guzietatik etortzen dira zaldi-tratulariak. Europako merkaturik handienetako bat.

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Serge Bonnet

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élèbre pour ses frasques – ses funérailles religieuses faillirent bien lui passer sous le béret – le bertsolari de Bidarrai, Joanes Oxalde (1814-1897), chantait déjà les aventures tragicomiques d’un paysan bas-navarrais aux prises avec des maquignons andalous chafouins, à la traditionnelle foire aux chevaux des Sanferminak. Près de 200 ans après, il n’est de longue table ou de comptoir festif qui ne résonne de la populaire « Iruñeko ferietan iragan San Ferminetan, ehun zaldi arribaturik Andaluziatik tropan… » (À la foire de Pampelune aux dernières Sanferminak, était arrivée une centaine de chevaux d’Andalousie…), comme débute une bonne histoire. Près de 200 ans après, la foire aux chevaux existe toujours, les Andalous sont toujours présents, seuls les lieux et les dates ont changé. De la muraille de la vieille ville où des mozos enluminés, colliers d’aulx en

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écharpe, venaient, le 7 au matin, terminer leur première nuit sanferminera dans les vapeurs d’anis et de crottin, au Polygone industriel des Augustins, en passant par Gariton de Ripalda, un lieu sonnant comme un galop de cheval, cet authentique théâtre à ciel ouvert a dû, maintes fois, déplacer ses tréteaux.

Une des plus importantes foire aux chevaux Quand le soleil matutinal accroche la montagne Ezkaba et renvoie ses fameuses lames de lumière vers la ville, sept heures viennent de dégoutter au clocher de San Cernin et il y a quatre jours que Pampelune ne s’est pas couchée. Les parkings de l’hypermarché Eroski et celui d’un célèbre discompteur allemand, pour la première fois, ont troqué leurs caddies contre des vans. Miguel Indurain, dont

une publicité géante indique qu’il savoure le triomphe gourmet de la Navarre, veille sur la métamorphose, car il suffit de peu de chose, de la paille, des ballots d’avoine et la houle lustrée des plus belles cavales, pour transformer une méchante concentration de béton en foirail, un estran stérile entre deux rocades, en corrals. Tout ce qui piaffe, hennit, caracole entre Danube et Guadalquivir, s’est donné rendezvous ce 10 juillet à Pampelune. De poste, de main, de trait, de monte, poulinières, étalons, hongres, poneys, poulains, sont réunis pour ce que l’on considère comme l’une des plus importantes foires aux chevaux d’Europe. Pour l’heure, peu de foulards rouges et de

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Tout ce qui hennit entre Danube et Guadalquivir, s'est donné rendez-vous à Pampelune

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Tous possèdent en commun des bras noueux et la passion du bourrin

Maquignons Venus d'un peu partout en Espagne, mais aussi de France et d'ailleurs, les maquignons observent, tâtent, évaluent les chevaux, pour le plus grand plaisir des nombreux curieux.

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tenues immaculées, si ce ne sont ceux de quelques agriculteurs en goguette arrachés au chaudron sanferminesque pour, dans un moment de lucidité, quand même aller voir. Ici, prévalent seulement l’universelle blouse noire de l’éleveur et, de houx, de noisetier, de jonc, le long bâton. Le couvre-chef, comme l’accent, >> pour définir les origines et dix doigts pour compter les sous ou toper-là. Longues chevelures d’ébène sur des visages tannés comme des vieilles selles, un castillan qui aurait définitivement fait un sort à la moitié de l’alphabet, sachant cependant parler à l’oreille des chevaux en raccourcissant brutalement la longe, les Andalous volubiles. Casquettes du campo abaissées sur des faces anguleuses et mal rasées, les éleveurs de Salamanque, réservés. Petits chapeaux de feutre sur des bacchantes cervantesques, les maquignons burgalais ou valenciens, matois. Et, retranchés derrière l’euskara et l’auréole de leurs bérets, circonspects et fureteurs, les Basques du Baztan, de l’Aezkoa ou de Biscaye. Tous finauds, Navarrais ou Picards, Alsaciens ou Manchegos, Galiciens ou Léonnais, possèdent en commun des bras noueux et

la passion du bourrin. Une passion égoïste et jamais satisfaite. Tel achète une année qui revend la suivante. Pareils à des conspirateurs, en groupes compacts d’initiés, ils tournent et retournent autour des corrals, s’arrêtant à un chanfrein, appréciant une croupe, considérant un boulet. Ils retardent le moment de l’inévitable échéance, sachant que plus le soleil montera dans le ciel, plus le prix baissera.

De quoi voulez-vous qu'on parle, sinon de chevaux ? Aucune rumeur de la fête ne parvient jusqu’à ce pré carré, seuls des concerts de hennissements, des ébrouements frénétiques et le martèlement des sabots dans des vans clos scandent le rythme des transactions. Célébration aussi sauvage que celle qui embrase la capitale navarraise. Au-dessus des effluves entêtants de crottin, des exhalaisons méphitiques d’urine, de sueur équine et la vapeur âcre de cigares, le soleil donne. Des ordres gutturaux fusent, la menace gronde et le bâton se lève, la sanction est ordonnée et le bâton s’abat. Peu de caresses, à peine

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une flatterie d’encolure. Nul n’est à l’abri de la bousculade, de la fuite désordonnée, de la ruade soudaine, du cabrage intempestif qui défonce un plancher, abat un corral, satonne un rival. Quand la géhenne de midi s’abat sur les nuques, que le picotin colle aux chemises poisseuses, la foire ouvre la bonde pour des casse-croûte géants à même la paille, des calderetes fumants entre les naseaux frémissants et les rampes de camions souillées. Couteaux déployés, on sauce, on tranche, on boit à la régalade, qui à la bouteille, qui au xahakoa, qui au jarrón et on parle encore chevaux… Serge, le Mosellois, a acheté 60 bêtes pour la rondelette somme de 60 000 € . Avec son compère Denis, venu de Vesoul, il fête le tratu (contrat à la parole donnée) à la buvette, non sans avoir convié Mikel, un éleveur de Auritz/Burguete (Navarre) qui leur sert chaque année d’interprète. Mikel, comme 190 autres éleveurs navarrais de l’Aezkoa, de

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l’Arce et du Roncal, défend la race Burguete, des chevaux célèbres pour leur rusticité, leur robustesse et leur « double cul ». Le soleil est haut dans le ciel. Avec les foulards rouges et les chemises blanches, arrivent les nouvelles de la ville, de l’encierro du matin. La cafétéria aseptisée de l’Eroski a adopté des allures de cantina mexicaine. Les cafés croissants habituels de la ménagère ont laissé place aux chupitos de gnôle et aux cachis de bière. Sans même un semblant de rappel à l’ordre, sous les dérisoires panneaux d’interdiction de fumer, les serveurs s’affairent à satisfaire les clients bâtis comme des percherons, agglutinés au comptoir, auréolés de la fumée de leurs cigares, n’ayant même pas pris la peine de se départir de leurs bâtons. De toute façon, de quoi voulez-vous qu’on parle, sinon de chevaux ? Voulez-vous savoir ce qu’il advint du Bas-Navarrais de la chanson d’Oxalde à son retour de Pampelune ? « Nunbaitik argi

aldera, arribatzen niz etxera. Nere andrea ethorri zaut argiarekin athera ; Jarri behorrari beha, ez baitzen kontent sobera… Bi sosetan sal nintzazke zaldia eta senharra ». (Arrivé à la maison, ma femme s’est avancée vers moi avec une lanterne ; à la vue de la jument que je ramenais, elle ne fut pas trop contente et dit que pour deux sous, elle pourrait vendre le cheval et le mari).

Mots-clés/Hitz gakoak : cheval : zaldi jument : behor étalon : garaño leveur : abelzain

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Couteaux déployés, on sauce, tranche, on boit à la régalade !

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Santiago Yaniz

Hegazti nomadentzat Urdaibaiko Biosfera Erreserba paradisua da. Bizkaiko bihotzean kokatuta, bisita luze bat merezi du. Ez ahantz prismatikoak !

À

la terminologie Réserve de la biosphère laquelle, pour être par trop environnementale, évoque des instances administratives décidant de ce qui est bon pour nous, nous préférerons la désignation plus couramment utilisée de Réserve d’Urdaibai. Le nom déjà : Urdaibai – traduisez : la ria des sangliers – sonne comme une invite à aller voir pour peu que l’on aimât la nature quand, signant un pacte avec l’océan, elle s’avise de jouer de la palette, de bousculer des principes météorologiques établis, de réconcilier la mer et la montagne, de raconter une partie de l’histoire de l’homme d’Euskal herria ; enfin, d’inviter les plus beaux oiseaux nomades du ciel à venir y faire escale pour faire de ce sanctuaire un premier matin du monde. Chaussez-vous décontractés et n’oubliez pas vos jumelles ! Situé au cœur de la Biscaye, au débouché de la rivière Oka, dans la zone du Busturialdea, ce territoire de 23 000 hectares (10 % de la superficie de la province, 3 % de la Communauté Autonome d’Euskadi !), n’a pas de limites précises. Il fluctue avec nonchalance au gré des marées, écoulements, rétentions, crues graduelles et stagnations, enfin tout ce qui rythme généralement la vie d’une ría, une

heureuse exception hydrographique que les Bretons appellent aber. Géographiquement, Urdaibai s’alanguit depuis la commune de Gernika/Lumo jusqu’au port de Mundaka et concerne une population de quelque 40 000 personnes pour 22 communes s’échelonnant au long d’un triangle isocèle inversé dont la pointe serait Gernika/Lumo et les deux points de sa base, Bermeo sur la rive gauche de la ría et le port d’Elantxobe sur sa rive droite. Le terme estuaire s’applique au lieu où, élargissant ses hanches, le fleuve déboule dans la mer, les deux mêlant leurs eaux en de subtiles et violentes noces. Celui de ría désigne un espace où, une rivière de faible débit, en fin de baguenaude, flâne, s’attarde sur ses berges, peu pressée d’en découdre avec le grand océan qui, de son côté, comme pris de consomption, tempère sa puissance, ne rencontrant pas d’adversaire à sa taille pour occuper le domaine. Une place hybride qui ne serait ni encore mer ni plus tout à fait terre, propice au développement d’un exceptionnel biotope. Pour bien se pénétrer de cette ambiance marine, il faut aborder Urdaibai par la côte, après avoir égrené ces ports où il fait si bon jeter l’ancre : Mutriku, Ondarroa, Lekeitio et bien sûr Elantxobe, littéralement incrusté au pied des falaises d’Ogoño, avant que la ria de Mundaka n’ourle ses lèvres.

Gaztelugatxe Au sommet de l'îlot se trouve, l'ermitage San Juan, que l'on atteint par l'escalier, semblable à un chemin de croix.

Marée haute, basse

UrdaibaI une exception atlantique

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itsasgora, itsasbehera

Urdaibai, salbuespen atlantiko bat

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Le sommet d’Atxarre, un modeste sommet (313 m) noyé dans le chêne vert et que l’on atteint aisément en 40 minutes depuis la plage de Laida, la dernière sur la rive droite de la ría, se révèle observatoire idéal pour une vue d’ensemble d’Urdaibai comme le ferait un plan de situation. On y reconnaîtra le déroulé parfait de la célèbre gauche de Mundaka, la meilleure d’Europe vous diront les spécialistes, une vague parfaitement troussée qui remonte l’Oka sur deux cents mètres aux meilleurs jours et que les surfeurs du monde rêvent de chevaucher. Aux heures de basse mer on aura tout loisir de déchiffrer le chenal qui, au gré du flux, en dessinant arabesques, boucles et autres huits, bâtit des péninsules, met en eau de petites mers provisoires dans lesquelles s’enchâssent d’éphémères îles de sable. Quant à l’horizon, il se barre du cap Matxitxako, un Horn cantabrique qui garde le souvenir de naufrages formidables et d’un combat

naval célèbre mais c’est encore une autre histoire que nous ne manquerons pas de vous conter… À Urdaibai tout est lenteur, d’ailleurs la marée remonte les dix kilomètres de la vallée toutes les douze heures et ce mouvement perpétuel renouvelle limon et sable où prolifère en toute discrétion, une précieuse vie marine, un trésor vivant que seul ce type d’estuaire est à même de développer. Cet environnement fluctuant se distingue naturellement par ses plages particulièrement agréables et surtout abritées. Celles de Laida et Laga sur la commune de Ibarrangelu retiendront cependant toute notre attention pour leurs inestimables cordons dunaires entretenant sur leurs crêtes d’irremplaçables herbiers côtiers. Elles sont les ultimes témoignages de ce

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La gauche de mundaka est une vague réputée et espérée par les surfeurs

Un monde à la Turner En découvrant Urdaibai, on jurerait que c'est Turner, l'aquarelliste anglais, qui a dessiné les paysages, tant les lumières rappellent ses toiles. À moins que ce ne soit l'inverse.

que pouvait être le rivage atlantique des origines, à des millénaires de nos soidisant plages, rongées par les promenoirs, corsetées par les constructions, arasées et mornes à force d’être ratissées et comblées par du gravier.

Le statut envié de Réserve de la Biosphère C’est qu’elle revient de loin la Réserve d’Urdaibai ! Au milieu du XXe siècle, le régime franquiste avait élaboré un de ces projets pharaoniques dont seules les dictatures ont le secret. Il consistait à assécher la ría afin de faciliter la réalisation d’un vaste programme d’urbanisation. L’ignorance des contraintes imposées par le mécanisme complexe de l’estuaire, se doublant

d’une indifférence totale aux enjeux environnementaux, aurait pu conduire à la catastrophe. Mais c’était sans compter sur l’opposition obstinée de la population et… la fin du franquisme. Le mouvement ZDB, Zain Dezagun Busturialdea ! (Sauvons Busturialdea !), regroupant les habitants de la zone, majoritairement opposés au projet, favorisa sa mise aux oubliettes. Cependant, la ría était déjà bien malade, dès 1950 une industrialisation sauvage ayant engendré de graves problèmes de pollution dus aux rejets chimiques. Il faudra attendre 1984 pour qu’Urdaibai obtienne par reconnaissance de l’Unesco et une loi de protection stricte édictée par le Gouvernement autonome d’Euskadi, lui accordant un régime juridique spécial, le statut envié de Réserve de la Biosphère, ce qui n’est pas rien, il n’en

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existe que 300 au monde réparties sur 75 pays ! Urdaibai porte le numéro 243. S’il n’en avait été ainsi, vous ne pourriez pas, lorsque la lumière éclose d’un jour nouveau irise la ría, assister aux vols matutinaux et distingués des princesses d’Urdaibai, traçant de leur vol puissant, cous tendus, à fleur de lagune, lignes et chevrons. Mokozabala, la spatule blanche qui, à partir de septembre et durant plusieurs mois, après ses migrations nuptiales fait de la ría sa terre d’élection, est devenue le symbole d’Urdaibai. Quand à l’heure de sa bascule, le soleil passemente la zone humide d’une lumière fruitée, c’est merveille d’observer le déplacement hiératique du précieux échassier immaculé et haut perché, alors qu’il balaie latéralement de son bec damasquiné, couleur d’ébène, aussi plat que démesuré, les eaux peu profondes où il

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pioche sa pitance. L’espèce, considérée en danger d’extinction sur la planète, réunit ici quelque 2 000 spécimens répartis en plusieurs colonies. Tout ce qui, haut sur pattes et à long bec, fouille la vase est ici, royalement représenté : pourpré ou cendré, le héron, la rarissime cigogne noire, l’aigrette garzette, le bécasseau variable. Ils assurent le spectacle comme ils occupent le terrain ; il suffit de se poster en bordure de route et de laisser courir le regard. Pour qui se découvre l’âme ornithologique, je ne saurais trop recommander une longue halte au Bird Center, l’un des plus beaux centres d’observation en Europe, un observatoire qui, au cœur de la biosphère, sur la commune de Gautegiz (Areaga, à cinq kilomètres de Gernika/Lumo) se fond littéralement dans la zone humide. Lieu fascinant, géré par la prestigieuse Société des Sciences Aranzadi, le Bird Center se révèle être une université de la nature à ciel ouvert… mais ouvert à tous, au scientifique comme au curieux de passage. Le confortable mirador permet de suivre les orbes du percnoptère, les chasses

Les hommes aussi Une réserve de la Biosphère, définit par l'Unesco, permet de conserver la biodiversité d'une zone, tout en maintenant l'activité humaine, dans le cadre d'un développement durable.

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de l’aigle pêcheur ou du balbuzard mais aussi de percer les secrets qu’enferment les jets de roseaux, les bayous vaseux, les replis de ces îlots moussus entre lesquels naviguent des flottilles de canards, où se tapit le vison d’Europe. Un curieux sentiment de communion avec la nature étreint celui qui parvient à saisir dans le rond de sa jumelle, les errances du courlis cendré ou l’éclair bleu électrique du martin-pêcheur quand une fois sa proie repérée, il se laisse tomber en un impressionnant piqué pour violemment faire exploser les eaux endormies.

L’empreinte humaine

Urdaibai a une très longue histoire géologique ; l’homme n’y apparaît, que depuis 35 000 années, ainsi que l’ont démontré les infatigables ethnologues Telesforo Aranzadi et José Maria de Barandiaran en exhumant, entre 1918 et 1926, outils et ossements, à l’entrée de la grotte de Santimamiñe, un autre sanctuaire, toujours situé rive droite de la ría (Kortezubi). Les traces qu’elle recèle, en témoignant de l’esprit du lieu, participent encore de notre mémoire collective. À l’aube de l’humanité, la grotte

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de Santimamiñe se trouvait en bord de mer et je conserve le souvenir bouleversant de ces amoncellements de coquilles d’huîtres, stratifiées par les millénaires et du commentaire du guide précisant que le mollusque familier de nos tables de fête faisait le quotidien de nos ancêtres troglodytes. Je les imaginai aussitôt, lançant les reliquats nacrés par-dessus leurs épaules, après avoir gobé comme nous aujourd’hui, d’une franche lippée, l’animal laiteux sans plus de souci du calibre. J’ai eu la chance de voir l’ours, le cerf, les bisons et les chevaux peints sur les parois de Santimamiñe, fabuleux et poignants témoignages du Magdalénien et je vous invite à les découvrir à votre tour mais ces coquilles d’huîtres, ah, ces coquilles d’huîtres quand même ! Elles m’apparurent pareilles aux restes d’un repas consommé la veille, reliquats abandonnés par négligence et je n’étais pas loin de me dire non sans un agréable frisson que les participants aux agapes ne devaient pas être loin. Plus sauvage, la rive droite de la ría, permet au hasard de petites routes de se perdre dans le labyrinthe intérieur d’Urdaibai. Ainsi,

Martin-pêcheur… La Réserve de la Biosphère d'Urdaibai sert de refuge, temporaire ou à l'année, à des très nombreuses espèces d'oiseaux observables, notamment depuis le Bird Center.

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le paysan d'aujourd'hui perpétue l'ouvrage de l'homme du néolithique La forêt d'Oma La forêt d'Oma, visitée par le sculpteur Agustin Ibarrola, ressemble à ces forêts enchantées, sorties d'un conte de fées.

depuis la vallée tranquille d’Oma, l’écho du vagissement perpétuel de la mer se fait oublier. Le moutonnement obsédant du pin de Monterey, importé de Californie à des fins papetières dans les années cinquante – il occupe 60 % de la Réserve – occulte le charme des hameaux dont les chroniques racontent qu’autrefois ils étaient ceints de chêneraies et de châtaigneraies. Les forges, la gloutonne industrie navale, les guerres et, au tout début du XX e, des maladies organiques ont eu raison des plus nobles aïeux végétaux que comptait la Biscaye. Le controversé sculpteur peintre Agustin Ibarrola aura au moins réussi à briser l’angoissante monotonie de la forêt d’Oma en peignant les troncs des pins, utilisant la perspective pour créer des figures dans une approche totémique du meilleur effet. Imposant, trapu, aux toits à deux ou quatre pans, le baserri biscayen, merveille architecturale triomphe sur les basses terres. Il a gagné sur les eaux, les rivières et les marées. Une

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mosaïque de prés, de vergers, de chemins creux, tisse un remarquable maillage à travers l’Urdaibai rural. Le paysan d’aujourd’hui n’a fait que perpétuer l’ouvrage de l’homme du néolithique en profitant au mieux du terrain plat de fond de vallée et en utilisant judicieusement une irrigation naturelle. La rive gauche que l’on rejoint en passant par Gernika/Lumo ne possède pas les attraits sauvages de son vis-à-vis. La route file vers Bermeo, via Mundaka, longeant une ría plus urbanisée où des barques sur le flanc, s’abandonnent à la longe vaseuse d’amarres inutiles.

de long sur 150 m de large), possession bermeotarra, fut gagnée de haute lutte à la force de la rame sur la voisine Mundaka qui la revendiquait. La régate de traînières fut arbitrée, dit la chronique, par la voisine Elantxobe. Chaque année cette conquête est célébrée le 22 juillet, quand en présence des municipalités des deux autres communes, le maire de Bermeo jette une tuile à la mer en prononçant la formule traditionnelle et sans appel : « Honaino heltzen dira Bermeoko itoginak » (Les gouttières de Bermeo arrivent jusqu’ici), avant de hisser l’ikurriña. Voilà bien la seule visite admise car depuis le raid du pirate anglais Francis Drake qui, au XVIeᵉ, mit à sac le couvent de Franciscains, ce ne sont plus que les scientifiques qui ont le droit d’y poser le pied. On le sait, comme les étoiles, les îles sont souvent inaccessibles ! Mais depuis Ogoño, on aura tout

loisir d’assister à la féerie ornithologique qu’offre le ballet infatigable des oiseaux de mer au-dessus du caillou. Et si vous y tenez à votre île, vous gravirez les 231 marches qui relient la terre au sommet de l’îlot de San Juan de Gaztelugatxe que couronne un ermitage. Pas moins de 200 couples de mouettes y nichent mais aussi l’océanite, capable d’affronter, posé sur la vague, les plus terribles tempêtes du Golfe. À souffrir au ciel la moitié de leur existence, les oiseaux nomades du monde méritaient bien leur paradis sur terre ; il se trouve à Urdaibai.

Féérie ornithologique

Mundaka, la cosmopolite, entretient à la fois des allures anglaises derrière ses bowwindows, et sacrément bretonnes dans sa coquette cale nichée dans la verdure. Urdaibai s’ouvre définitivement à l’Atlantique. Dernier bastion continental – il mouille à trois kilomètres de la côte – l’île Izaro (675 m

Mots-clés/Hitz gakoak : mouette : antxeta héron : koartza eau de mer (en Biscaye) : kresala

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histoire

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Santiago Yaniz

oncevaux, I

un certain son du cor

Orreaga, tronparen soinua delakoa

Orreagan, legenda historiarekin nahasten da. Hala ere, garaiko testu eta ikerketa batzuei esker, badakite non bataila gertatu zen. Gaur ere, ingurumen horiek oso hunkigarriak dira.

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l y a des endroits qui exhalent des ambiances, des lieux qui, quelle que soit l’époque de l’année, ne parviennent pas à se dégager de leur gangue d’atmosphère. Le temps semble y marquer le pas parce que, malgré la ouate du silence parvient, mais seulement à l’oreille attentive, la clameur des siècles. Orreaga fait partie de ces parages envoûtants, parages car Orreaga c’est un environnement plus qu’une place, circonscrit par Urkulu, quelques plantations de cromlechs, des constellations de redoutes, la collégiale de Roncevaux, un âpre et redouté chemin montagnard qui fut, avant celui de Saint-Jacques, une voie naturelle de migrations puis voie romaine. Un haut lieu de circulation se frayant un passage, via le col de Lepoeder, entre les millénaires et les montagnes. Ainsi, l’Astobizkar qui porte bien son nom pour désigner une montagne massive épluchée à force de brûlis et de pâtures. Enfin, éviscérant ces essarts, des défilés et de sombres ravins, propices au coup fourré. J’y maraude volontiers remontant, depuis le hameau oublié de Gañekoleta, l’arête de Besaare, belle de silence, souvent barattée par le vent, pour couper le chemin piétiné depuis plus de mille ans par les pèlerins de Saint-Jacques. Au brusque débouché du chemin pastoral, se déploie la fresque et je me dis que c’est un même spectacle qui se révèle aujourd’hui aux marcheurs comme hier aux premiers bergers, centurions, colporteurs, guérilleros et pèlerins cassés par la rude montée depuis Eiheralarre (Saint-Michel). Depuis le haut d’Urkulu coiffée de sa tour, énigmatique

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z

r

Roncevaux fut, pour l'armée impériale, une défaite dont, mille ans plus tard, on parle encore

factionnaire des siècles ou depuis le haut de l’Astobizkar, je considère le mascaret sylvestre du ravin de Bentarte, immuable, et chaque fois, comme avalé par un couloir spatio-temporel, me voilà projeté plus de 1 200 années en arrière. Quel temps faisait-il ce 15 août 778 ? Les chroniques météorologiques font défaut, mais je suppose une de ces journées caniculaires comme seule la Navarre sait en offrir. Le soleil donnait-il fort ce matin-là ? Ou alors une brume pégueuse – il arrive même qu’elle s’élève au plus fort de l’été – tapissait-elle le fond du val ? J’imagine encore les preux chevaliers du plus puissant ost du monde connu ; on dit qu’ils étaient entre 10 000 et 15 000 hommes venant dates de Pampelune qu’ils avaient mise à sac avec à Avril 778 Charlemagne est sa leur tête le grand Charlemagne (il avait mené très puissante armée part comcampagne à travers le territoire ibère) et en battre l'émir de Cordoue. Ses arrière-garde son neveu Roland dont la légende troupes échouent devant Saren a fait un préfet des marches de Bretagne, ragosse, malgré un siège de vraisemblablement un soudard de la pire espèce deux mois. En se repliant, Charqui s’était enrichi sur le dos du Navarrais. Je lemagne met à sac Pämpelune les imagine, commentant la rapine, essuyant « pour qu'elle ne puisse se les conséquences de leurs libations, engoncés rebeller ». dans leurs pesantes armures, y suant sang et 15 août Sur le chemin du retour, rouille, les charrois en dangereux équilibre l'arrière-garde de l'armée sur un chemin malaisé, en dévers et la troupe impériale, commandée par tirant, poussant, ahanant. Roland, est attaquée par les Basques et détruite au col de Souviens-toi de Pampelune Roncevaux. Cet épisode donDe là-haut, on devine la plaine de Pampelune nera naissance à la plus célèbre et les fumées noires accusatrices trahissent le des chansons de geste. rezzou franc. De messager en messager, d’un feu de montagne l’autre, la nouvelle a couru. Ils ont écouté les anciens, affûté haches et javelots, passé à la flamme la pointe de leurs épieux dont on dit que les Vascons étaient passés maîtres dans le maniement. Les escouades légères ont pris position sur le haut de l’Astobizkar, supposent les historiens, le col d’Ibañeta que l’on connaît aujourd’hui ne sera aménagé qu’à la fin du XIXe siècle. Depuis les crêtes, ils se sont arc-boutés sur leurs pieux, des pieds, des genoux et des poings afin de faire basculer les rochers qui, dans

un maelström et un bruit de tonnerre ont balayé l’armée franque. Puis ce fut le sifflement des flèches comme un essaim obscurcissant le ciel, le souffle grave des javelots et leur choc sourd quand ils crèvent les poitrines, enfin la curée finale à la hache et au coutelas, avec, on le devine, les mots crachés à l’oreille à l’instant de l’égorgement : « Iruñeaz oroit ! » (souviens-toi de Pampelune !) Il n’y eut pratiquement aucun survivant. Ainsi l’évoque Eginhard, le biographe de l’empereur Charlemagne dans son Vita Caroli Magni entre 829 et 836. « Les Vascons embusqués tout en haut des montagnes se lancèrent sur le matériel d’équipement et sur ceux qui couvraient l’arrière-garde et ils les jetèrent au fond de la vallée. Ils tuèrent tous les soldats jusqu’au dernier et, après avoir pillé tout le matériel, ils se dispersèrent à grande vitesse, à l’abri de la nuit qui déjà approchait. » La date du 15 août 778, ne fait pas de doute puisque l’épitaphe d’Égihard, sénéchal de l’empereur, tué dans la curée, la rappelle. Inimaginable autant que traumatisante, cette déroute, l’une des plus énormes de l’histoire militaire, fut telle qu’elle changea la donne politique en Europe et donna naissance à une chanson de geste demeurée célèbre même si, propagande et héroïsme obligent, elle préféra désigner le Sarrasin en surnombre comme adversaire plutôt que le rustaud berger vascon. Quoi qu’il en soit, plus de mille ans après, on en parle encore…

Mots-clés/Hitz gakoak : Roncevaux : Orreaga ravin : erreka flèche : gezi bataille : gudu, bataila

La mémoire des lieux Les pèlerins de SaintJacques, dans la tradition du grand pèlerinage, ont l'habitude de planter des croix, appelées Montjoies.

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À découvrir

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e Céderic Pasquini

Guggenheim

Carmen jatetxea

un coin de Navarre en Gipuzkoa

n’est pas un inconnu entre Donostia et Errenteria, il fut le chef du restaurant Izkina de Pasaia San Pedro jouxtant le port qui vit embarquer des générations de pêcheurs pour les grands bancs de Ternua (Terre-Neuve). Pour être complet dans son cheminement, Kike Lacarra composa ses premières symphonies pour légumes frais au restaurant de Tudela, pour ceux qui l’ignoreraient, une Lezoko Carmen jatetxea leku aparte bat da Gipuzkoan. 33, référence ! Un potager dans la ville,! Kike Lacarrak, nafartarra, bere sukalderat Nafarroako Kike est un chef navarrais incontestablement barazki guziak ekarri dituzte. mâtiné de Gipuzkoa, puisque son épouse Onintza, native d’Oiartzun, le seconde. Et le résultat est à la mesure des noces de la Mejana tudelana avec le Golfe. Il n’est que de s’attarder, prenez votre e le sais. On ne va jamais à Lezo (Gipuzkoa) temps parce qu’il en faut, sur la carte qui ne propose pas à moins, me rétorquerez-vous, d’aimer la moins de 31 suggestions ! xatarra (la ferraille) entassée attendant d’être « Je décline ce que j’aime appeler une confusion de légumes, embarquée dans le ventre de cargo gloutons, la je ne saurai faire mentir mes origines, et donc provenant proximité de grues ptérodactyles la régurgitant, directement de Navarre, ils accompagnent la plupart des les alignements parfaits de bagnoles prêtes à l’exportation et plats. En fait ma cuisine reste traditionnelle avec quelques encore et encore… Je vous arrête aussitôt. Lezo, c’est aussi touches de modernité. » un dédale de petites rues qui n’ont rien perdu de leur cachet moyenâgeux – la ville fut un don de la cité d’Hondarribia au seigneur de Lezon en 1203, c’est dire ! – avec leurs maisons Le contact avec les clients trapues épaulées de lourds moellons et qui se déhanchent Essayez donc en entrée la couronne d’artichauts avec du au gré de ruelles au fond desquelles se tapissent d’aimables foie frais ou simplement des œufs de la ferme au sel de tavernes et un florilège d’elkarte gastronomiques, réservées jambon accompagnés d’une crêpe aux petits légumes et aux seuls initiés. Si votre baguenaude vous conduit sur les champignons et qui l’eut cru, de quelques gambas ? La hauts de Lezo, vous croiserez fatalement le restaurant Carblette accommodée par Kike, entendez sa feuille farcie à la men. En guise de mise en bouche, je vous invite volontiers crème de cèpes et jambon, réconciliera le plus réfractaire à à laisser courir votre regard d’un côté, vers l’Oarsoaldea et ce légume mal-aimé du potager. l’imposante nef du Jaizkibel piquetée de baserris et qu’ici Les inconditionnels de la menestra, la très hispanique l’on frôle, tandis qu’en contrebas, dans un panorama unique, consécration du légume mitonné, ne seront pas frustrés : les trois Pasaia (Pasajes) s’égaillent dans des déferlantes de « les légumes sont cuits séparément, dans les règles de l’art et toits que viennent couper les bassins ruches du port. José servis avec une crème de petits pois. » Enrique Lacarra est le maître des lieux depuis 2008. Kike Quant aux poissons, « sélectionnés à leur arrivée sur le port », ils sont idéalement escortés, à l’instar de la louvine sauvage du Jaizkibel, par une cour de petits légumes >> sautés. Ceux qui se la jouent classique opteront sans nul doute pour les petits chipirons, les kokotxak de morue au pil-pil, les cogote de merlu façon Orio ou, compromis on ne peut plus conventionnel mais qui a ses adeptes, le merlu a la plancha. Nous avons choisi de tâter du menu du jour que l’on peut accommoder à partir de la fameuse carte et, après mûre réflexion, nous nous sommes déterminés pour une salade de poulpe en entrée, un merlu farci au crabe en plat principal, une tarte au fromage comme dessert, vin (crianza Rioja) et café : 12 ©€ (les fins de semaine, 19,50 €). Il y a de ces jours ouvrables qui sonnent comme des jours de fête !

Gipuzkoan Nafarroako leku bat

J

Une symphonie pour légumes frais héritée de Tudela. Un potager dans la ville…

Carmen jatetxea - Herriondo Bailara,1 - Altamira auzoa - Lezo Tel : 0034 943 526 690 - Il est préférable de réserver.

Mots-clés/Hitz gakoak : Légume : barazki Blette : zerba Merlu : legatz Ouïes de merlu ou de morue : kokotxak

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culture

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Donostia Jazzaldia

le baroque débridé Jusqu’au 6 octobre, cette exposition, proposée par le musée Guggenheim de Bilbao, interroge le concept de baroque en peinture, à travers la confrontation d’œuvres du XVIIe siècle et de créations contemporaines. On y trouve, côte à côte, des artistes « classiques », tels que Zurbaran, Poussin ou Jan Steen, et des créateurs contemporains comme Cattelan, Robert Crumb, ou Cindy Sherman. Ci-contre, une huile sur bois du XVIe siècle, signée Pieter Aertsen.

À lire Le Pays basque dans votre poche

La vulgarisation et la synthèse ne sont pas toujours des exercices faciles, et ce Petit Dictionnaire insolite du basque et des Basques, est, en la matière, une

très agréable réussite. Il se cantonne à ses promesses, à savoir mettre à disposition de ses lecteurs un viatique suffisant pour comprendre Eukal herria, son histoire et ses habitants. Toute une partie est même réservée à l’euskara. L’auteur, José-Manuel Lamarque, y propose une initiation, plutôt un éclairage, ludique et sérieux à la fois. Un petit guide sans prétention, mais qui en vaut bien d’autres. Petit dictionnaire insolite du basque et des Basques. JoséManuel Lamarque. Larousse. 5 €

P

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48e édition du festival de jazz. Du 24 au 28 juillet http://www.heinekenjazzaldia.com

61e Festival du Film

Du 20 au 28 septembre http://www.sebastianfestival.com/es/

On ne présente plus, le plus important événement festif d’Iparralde. Du 24 au 28 juillet http://www.fetes-de-bayonne.net/fetesde-bayonne-2013

Vitoria Gasteiz Virgen Blanca

Fêtes en l’honneur de la Vierge blanche. Du 4 au 9 août

80 ans au service de l’Océan

Qui parmi nous, n’est jamais allé, enfant, assister aux repas des phoques, au Musée de la Mer, à Biarritz ? L’institution du plateau de l’Atalaye fête cette année son 80e anniversaire. C’est en effet le 10 août 1933 que le musée ouvrit ses portes. Depuis, l’établissement a connu bien des transformations jusqu’à devenir aujourd’hui une véritable référence en matière de recherche océanographique. À la suite des travaux des deux dernières années, le Musée de la Mer a rouvert avec une scénographie modifiée, une surface doublée (de 3 500 à 7 000 m2), des aquariums supplémentaires abritant une trentaine de requins et des raies, et un lagon caraïbe de 11 m de long. En juillet et août, le musée est ouvert de 9h30 à minuit.

de José Miguel Barandiaran, peuplé par les personnages de la mythologie navaraise, belagiles, tartalo, la figure de Mari, que la jeune inspectrice revisite ses propres fantômes à la recherche de ce Gardien invisible, métaphore de nos blessures les plus secrètes enchevêtré entre passé et présent. Le Gardien invisible est le premier opus de la trilogie du Baztan que Dolores Redondo, romancière originaire de Donostia, nous promet. Le Gardien Invisible, Dolores Redondo. Stock - La Cosmopolite Noire. 22,50 €.

Rens. : museedelamer.com

Dessi Tillac Après il par Espag popul l’expre un liv à Cam à don Musé consa et la v des o recon aura époqu conte Pablo

Bayonne Fêtes

Anniversaire

Le polar de l’été lusieurs jeunes filles sont victimes d’un tueur en série qui terrorise la vallée du Baztan. Amaia Salazar, originaire de la vallée, inspectrice à Pampelune, formée aux techniques du FBI est chargée de l’enquête à Elizondo. Une fois sur place, Amaia, la rationnelle, est peu à peu confrontée aux croyances populaires, celles qu’elle croyait avoir enfouies à jamais. Et si l’assassin était le basajaun ? Impossible lui diront ceux qui l’ont rencontré… C’est dans cet univers

agenda >>>

Guggenheim

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Anth

Biarritz Peinture mexicaine

La grande exposition estivale de la ville de Biarritz est consacrée à la création mexicaine de 1920 à 1960 : photo, peinture (ci-dessus, Frida Kalho), cinéma, littérature… Jusqu’au 6 octobre, au Bellevue.

Mintzalasai

Des journées pour « Vivre en basque ». Du 15 au 22 septembre eukara-biarritz.eu

sarako bestak Certes le petit village labourdin n’est ni Pampelune, ni Bayonne, mais ses fêtes, du 7 au 11 septembre, gagnent en authenticité et en intimité ce qu’elles abandonnent à la notoriété. Parmi les moments forts, le célèbre ahate jokoa.

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diaspora

t e x t e Txomin Laxalt

L

'écrivain Bernardo Atxaga, un jour qu’on lui demandait qu’estce que le Pays basque, répondit avec sa malice coutumière que le Pays basque est l’endroit où le monde prend ce nom-là. Et bien on pourrait définir www.8probintziak. com comme un territoire virtuel où tous ces endroits du monde seraient rassemblés sans plus de souci de frontières ni d’océans à traverser. Klikatu (cliquer) suffit pour connaître les résultats d’un tournoi de pala ancha au fronton, enfin contre le mur lézardé d’une maison entre pilotazale du Pilotari club de Seva Wonougba, Togo, où l’on n’entend pourtant plus parler euskara depuis longtemps ; ou tiens, histoire de rêver, de connaître le plat du jour au Pottola ostatua de Taiwan, la dernière fantaisie de Fernando Zabalza, le truculent responsable technique du club Marseillen pilota, les échos de la dernière fête de la déjantée Euskal etxea de Barcelone. Ou, plus sérieusement, vous pourrez encore vous pencher sur la stratégie de management de Emprebask ou connaître les dernières nouvelles de Boise (Idaho) où, au fronton de la mairie, l’ikurriña voisine avec la bannière étoilée et dont le maire, Dave Bieter, parle parfaitement l’euskara. Sans compter les petites histoires de l’Histoire basque, une photothèque passionnante dont on retiendra cet émouvant cliché (1931) de Charlie Chaplin chistera lié au poignet. Mais surtout, en temps réel, le quotidien de la diaspora basque dont on peut dire que sur elle, le soleil ne se couche jamais. 8probintziak ? Depuis 2004, une mine dont chaque Euskal etxe, chaque correspondant seraient la pépite d’un trésor éparpillé aux quatre coins du monde. Benoît Etcheverry est l’un des ambassadeurs de ce Pays basque sur la toile car ils ne sont pas moins de 11 administrateurs venus de différents horizons de la diaspora, USA, Uruguay, Argentine, Québec, tous bénévoles, l’association fonctionnant sans aucune subvention pour piloter ce vaisseau intemporel. « Nous le faisons parce que nous estimons qu’il fallait le faire et que nous refusons la moindre récupération. La mission que nous nous sommes donnée c’est de retendre des liens entre la diaspora et Eus-

Une mine dont chaque Eukal etxe serait la pépite d'un trésor éparpillé

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8 probintziak beharrezko behatoki bat

8 probintziak,

une vision très... net

Duela hamar urte, 8 probintziak web gunea diasporaren eta Euskal herriaren arteko lokarriak ehuntzeko, funtsezko tresna bihurtu da. Oroitzapenaren egiazko beharra.

kal herria, grâce à des jumelages, un travail généalogique, la recherche de Basques isolés dans le monde, l’information des différentes communautés et le développement d’échanges entre les entreprises d’Euskal herria et celles disséminées à travers la diaspora. » Tous les outils qu’offre Internet sont mis à contribution, depuis les réseaux sociaux jusqu’à l’émission de radio de Gure Irratia relayée par le net laquelle, tous les premiers dimanches du mois de 20 heures à 21 h 30, en direct et en quatre langues, met en relation la diaspora avec le Pays basque. Aujourd’hui le nombre de Basques de >> la diaspora représente 10 % de la population des sept provinces (trois millions d’habitants) mais il faut savoir aussi que de par le monde, on estime à trois millions le nombre de personnes à avoir des origines basques ; ainsi au Chili et en Uruguay, ce sont

33 % de la population, pour seulement 20 000 personnes qui fréquentent les Euskal etxea ! Si l’on s’attache aux données chiffrées, pour se rendre compte du travail qu’il reste à mener, sur les 10 000 noms de famille basque répertoriés par l’Euskaltzaindia (Académie de la langue basque), 8probintziak n’a travaillé à ce jour que sur 687 patronymes concernant 4 800 personnes, en impactant 120 000 autres, toutes vivant hors d’Euskal herria. Benoît Etcheverry tient à souligner qu’il ne faut pas mésestimer ces manifestations de basquitude venues d’outre-Atlantique et qui nous semblent teintées de folklorisme quand longtemps, les nouveaux arrivants n’ont vécu que de souvenirs. « Une part de notre histoire est partie avec eux. Nous avons émigré en amenant le meilleur mais aussi le pire. Et le meilleur s’est mélangé. Il faut garder dans l’esprit qu’avant la fin du XIXe siècle, il n’y avait pas d’ikastola, pas d’ikurriña, pas d’abertzalisme dans le sens d'une prise de conscience identitaire, quant à la langue que je parle aujourd’hui, elle n’est pas celle d’il y a 100 ans », et de rappeler comment les nouvelles générations se sont réappropriées, entre autres, l’euskara, sans pour cela revenir sur la terre mère. Ce voyage en diaspora, auquel nous convie 8probintziak, s’avère quelque part bouleversant. Il révèle en effet comment, consciente que le capital accumulé par les premières générations a été naturellement épuisé, la troisième génération en œuvrant dans le bon sens, s’est appliquée à une forme de revendication sociale qui n’a eu d’autre but, inconsciemment peut-être, que la conquête d’une revalorisation. Et le plus extraordinaire, c’est que le message a été entendu.

Mots-clés/Hitz gakoak : mémoire : oroitzapen relation : harreman génération : belanaudi site Internet : web gunea

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