Tairraz, les alpes de pere en fils

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Joseph, Georges I, Georges II et Pierre

TAIRRAZ LES ALPES DE PÈRE EN FILS


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La Jonction, sur la voie du Mont-Blanc, vers 1885. Joseph Tairraz Page de gauche : Le glacier des Bossons, sur la voie du Mont-Blanc, vers 1885. Joseph Tairraz 29


Le guide Joseph Ravanel, Studio Tairraz. Georges Tairraz I

Un guide de la compagnie de Chamonix, Studio Tairraz, vers 1905. Georges Tairraz I

Page de droite : Une famille en tenue de montagne et habits du dimanche, Studio Tairraz, vers 1900-1910. Georges Tairraz I 40



L’ancien refuge du Couvercle, vers 1930-1933. Georges Tairraz II

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La chaĂŽne du Mont-Blanc vue du lac du BrĂŠvent, avec ancien refuge, 1950. Georges Tairraz II

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PIERRE TAIRRAZ (1933-2000)

E Massif du Mont-Blanc, sur le glacier d’Argentière, Georges II et son fils Pierre à l’âge de 12 ans, 1945.

Pierre Tairraz et Roger Frison-Roche partant pour l’Arctique, Montréal, 1966.

n 1952, Pierre Tairraz a 19 ans. Il est étudiant à Paris et ne chôme pas : diplômé de l’école de photo de Vaugirard en 1954, il enchaîne avec l’Idhec, l’Institut des hautes études cinématographiques (aujourd’hui la Femis) d’où il sort diplômé un an plus tard. Comme son grand-père Georges I, il se forme à la photographie dans la capitale. Comme son père Georges II, il veut aussi savoir manier la caméra. C’est ainsi. Pierre reprend le laboratoire de la Maison Tairraz, qui trône toujours au centre de Chamonix. Quand arrive l’été, pas de vacances. Pierre rejoint son père qui filme Étoiles et Tempêtes : les pitreries d’un amoureux de la montagne (Maurice Baquet), conduit par un grand guide (Gaston Rébuffat) dans son jardin secret, le Mont-Blanc. Cette première collaboration du père et du fils porte la griffe Tairraz. Au dernier plan du film, le guide et le client redescendent du sommet du Mont-Blanc dans la lumière saturée d’un soir de vent du nord. L’image est composée comme une photographie ; dans la moitié inférieure, le triangle blanc de l’arête s’inscrit dans les diagonales. Le contraste entre la neige qui flambe au couchant et les brumes bleues de la vallée est un peu plus violent que sur les photos, mais il est adouci par le panache de poudreuse qui s’envole sous les pas des alpinistes. Comme sur les photos, on sent une profonde allégresse à être là-haut, et le regret d’avoir à redescendre. Depuis un siècle, les trois premières générations de photographes Tairraz n’ont rien fait d’autre que ce que les Chamoniards ont fait avec leur vallée et leur massif : inviter en haute montagne un large public de Béotiens. Ouvrir grand les portes de leur royaume, y guider les voyageurs, donner envie d’y aller à son tour. Dans Étoiles et Tempêtes, il n’y a qu’une

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seule exception, l’Eiger, vite survolé… « un pavé dans un champ de fleurs », regrette Maurice Baquet. Les Tairraz, comme Rébuffat, sont faits pour la féerie du Mont-Blanc, pas pour les ombres et les fantômes des grandes faces nord. Il fait souvent beau sur la montagne des Tairraz et, quand il y a des nuages, ce n’est pas pour faire peur mais parce que c’est encore plus beau comme ça. Les Tairraz ont de la douceur dans le regard. Pierre reprend ce témoin. Le passage d’une génération à l’autre se fait une fois de plus sans accroc. Une dernière hésitation quand même : à la fin de ses études à l’Idhec, Pierre touche à la télévision, où tout s’invente dans une atmosphère de bricolage et de bonne humeur. Son père raconte ça avec un gros soupir de soulagement : « Il a été sérieusement tenté par les opportunités qu’offrait la télévision mais, heureusement, il était passionnément attaché à la montagne. L’assurance d’une bonne situation à la maison à Chamonix, associée à la perspective d’une vie au grand air dans les hautes montagnes eurent raison de ses hésitations. Pour moi, ce fut une grande joie. » Pierre Tairraz reviendra de temps à autre vers la télévision, pour filmer une ascension de la tour Eiffel, ou, au sein d’une grosse équipe, pour un premier direct dans la face sud de l’aiguille du Midi. Il a choisi Chamonix et, pour qu’il revienne sur ce choix, il faudra des circonstances douloureuses. Il rencontre les amis auxquels il restera fidèle toute sa vie : Fernand Audibert et François Gros. Une fidélité réciproque : sur les photos de Pierre, il y a souvent de petites silhouettes parfaitement placées dans l’image. Parfaitement placé, en montagne, ça veut dire des heures d’attente, de longs détours, des départs à pas d’heure et des retours à la nuit, des galères sans fin pour capter la bonne lumière, au bon moment, au bon endroit. Fernand Audibert et François Gros sont ses guides, et ces compagnons-là.

Voyages En 1957, Pierre Tairraz rentre s’installer « à la maison », à Chamonix. Il y rencontre sa femme Dany et sera bientôt père de deux filles, Valérie et Caroline. Il retrouve Gaston Rébuffat et un autre grand aîné que son père lui a présenté quelques années plus tôt : Roger Frison-Roche. À la mort de son fils Jean, pilote de chasse, Frison-Roche a tourné le dos à l’Algérie et est revenu s’installer à Chamonix. À un an près, Jean Frison-Roche avait le même âge que Pierre Tairraz. Pierre aime voler lui aussi : avant son service militaire (dans l’armée de l’air), il a piloté des planeurs et obtenu sa licence d’avion à moteur à 17 ans. Pour

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D’une génération à l’autre, Pierre Tairraz devant le 50 x 60 de son grand-père, vers 1948.



Le sommet du Mont-Blanc, 1996. Pierre Tairraz

Page de gauche : Les Grandes Jorasses, au premier plan, la vierge au sommet des Drus, 1998. Pierre Tairraz 133


Entre 1857 et 2000, quatre photographes vont, de père en fils, inventer et se transmettre l’art de la photographie de montagne. Ils s’appellent Tairraz. Joseph Tairraz, Georges Tairraz I, Georges Tairraz II, et Pierre Tairraz. L’histoire commence à Chamonix en 1857. Joseph Tairraz, fils du syndic (maire), achète à Genève un appareil à daguerréotype. Quatre ans plus tard, il réalise, avant Auguste-Rosalie Bisson, photographe officiel de l’empereur, la première photographie au sommet du Mont-Blanc. Très vite, le jeune homme ouvre un studio, au centre de Chamonix. Il passera le relais à son fils Georges. La dynastie est lancée. Tairraz, les Alpes de père en fils retrace l’histoire de cette famille et donne à voir dans une belle fluidité chronologique leurs images qui évoluent en accompagnant les transformations de Chamonix et de l’alpinisme. Pendant un siècle et demi, les Tairraz seront les incomparables photographes du Mont-Blanc et, au fil des générations, goûteront au cinéma et se lieront d’amitié avec d’autres grands passeurs des Alpes, tels Roger Frison-Roche et Gaston Rébuffat. La dynastie est entrée en sommeil à la mort de Pierre, en 2000. Elle nous laisse une certaine façon de regarder la montagne, d’en magnifier les formes pour exprimer les émotions de ceux qui s’y risquent. Le « regard Tairraz ».

32 €

ISBN : 9782-84230-532-1

La face nord des Écrins, 1970. Pierre Tairraz

www.hoebeke.fr


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