Seismic Award 2018 (version française)

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Seismic Award 2018

Le Seismic Award 2018 revient au Bâtiment 1 de Roche. Le point sur le lauréat, deux bâtiments récompensés d’une mention honorable et la sécurité parasismique en Suisse.

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À la fois chêne et roseau La tour Roche, peut-être le bâtiment le plus résistant aux tremblements de terre jamais construit en Suisse, remporte le Seismic Award 2018. Texte: Patrick Marcolli Traduction: Mario Giacchetta

Il arrive qu’un bâtiment domine une ville autant qu’un événement historique. Fortuit en apparence, ce lien s’avère plus étroit qu’il n’y paraît. À Bâle, c’est probablement le grand tremblement de terre de 1356, d’une magnitude d’environ 6,6 sur l’échelle de Richter, qui a le plus durablement marqué l’histoire de la ville. Si de récentes recherches ont estimé le nombre de victimes à quelques dizaines seulement et démontré que les plus gros dommages ont résulté de l’incendie qui a suivi, la date et le séisme restent profondément ancrés dans l’esprit des Bâlois. Ce fait, conjugué à l’importance accrue accordée dernièrement au génie parasismique par les maîtres d’ouvrage, se manifeste aussi dans le plus haut bâtiment de la ville: la tour Roche, qui culmine à 178 mètres. Un jury de cinq membres a décerné cette année le Seismic Award à cet immeuble de bureaux inauguré en 2015. Roche, en tant que maître de l’ouvrage, les architectes Herzog & de Meuron et WH-P Ingenieure ont basé leurs calculs sur une sollicitation sismique comparable à la catastrophe de 1356, ce qui va bien au-delà des exigences imposées par les normes SIA. Celles-ci prévoient en effet qu’un bâtiment reste en grande partie intact et fonctionnel en cas de tremblement de terre d’une magnitude de 5,5 à 6. Or, un très fort séisme comme celui de 1356 créerait une situation autrement plus grave. Rappelons à quiconque s’étonnerait que le tremblement de terre de 1356 ne dépasse que d’un petit degré le scénario standard que sur l’échelle logarithmique de Richter, un degré supplémentaire correspond à une libération d’énergie environ trente fois supérieure.

fortes secousses, les usagers sont hors de danger, tout comme la façade qui pourrait certes perdre son étanchéité ou se fissurer, sans pour autant s’écrouler, de même que les installations techniques. Les matériaux de construction jouent eux aussi un grand rôle: le béton utilisé pour le noyau central est ainsi nettement plus fin et plus dense que le béton standard. Selon Lars Keim, la collaboration entre architectes et ingénieurs est décisive pour la réussite du projet: « Plus le dialogue est précoce et intensif, meilleures sont les chances d’aboutir à une bonne solution. » Et manifestement, cet échange a été fructueux, puisque Herzog & de Meuron et WH-P forment à nouveau la paire dans deux projets en cours – le Bâtiment 2, d’une hauteur de 205 mètres, et le centre de recherche P-Red, composé de quatre bâtiments dont le plus haut dépasse les 100 mètres.

Les résistances de l’industrie chimique À Bâle, la sécurité parasismique n’a pas toujours été au centre des préoccupations. Ici comme ailleurs en Suisse, ce n’est que depuis la fin des années 1990 et surtout avec le changement de millénaire qu’elle focalise l’attention. L’une des raisons en est que les constructions en béton érigées en vitesse dans les années 1960 et 1970 s’avèrent souvent de piètre qualité sur le plan dynamique. Hugo Bachmann, professeur émérite de l’EPFZ et doyen de la recherche suisse en matière de sécurité parasismique, attribue aussi cette prise de conscience aux séismes dévastateurs qui ont ébranlé la Turquie, le Japon et l’Italie dans les années 1990. L’étude qu’il a lancée voir page 3 énumère 23 mesures et a trouvé une oreille attentive auprès des milieux politiques à partir de 1998. Y compris à Bâle, où Hugo Bachmann se heurtait encore à l’opposition de l’industrie chimique quelques années auparavant. C’est ainsi qu’en 1999, les autorités se sont mises d’accord avec Rigidité contre flexibilité Novartis, Roche, Ciba Spécialités chimiques et Valorec Martin Stumpf et Lars Keim de WH-P comparent l’ef- pour conforter les bâtiments industriels existants. fet d’un séisme sur un immeuble-tour à un roseau ondulant sous le vent: plus le bâtiment est flexible, mieux la L’évolution des normes parasismiques L’émergence de normes SIA abordant les effets des structure porteuse résistera aux mouvements du sol. À cet effet, le noyau central de la tour, et pas nécessairement tremblements de terre et des vibrations est un reflet de sa forme extérieure, devrait être aussi élancé que pos- cette évolution générale: la première norme de 1970 ne sible. Or cela va à l’encontre du but visé par les ingénieurs comportait qu’une brève disposition sur les effets des pour faire face aux assauts du vent, situation bien plus tremblements de terre. Les versions ultérieures ont intéfréquente dans nos contrées, à savoir une rigidité maxi- gré les facteurs liés au comportement dynamique du bâmale pour éviter que les usagers ne ressentent les oscilla- timent, adopté des règles applicables aux bâtiments existions produites par les rafales. « Un bon bâtiment absorbe tants et défini des zones de danger sismique en Suisse. l’énergie sismique de manière ciblée et contrôlée, précise À noter qu’il n’y a pas chez nous de zones à haut risque Lars Keim. À cette fin, les ingénieurs aménagent dans la comme en Turquie ou au Japon; même les ‹ zones rouges ›, structure porteuse des éléments comparables aux zones les régions les plus vulnérables du Valais et des environs de déformation dans un véhicule. Cela facilite le relevé et de Bâle, sont exposées à un risque nettement moindre. la réparation des dégâts après un séisme majeur. » L’actuelle norme SIA 261 opère une distinction entre Dans le cas de la tour Roche, les ingénieurs et les ar- différentes classes d’ouvrages. Les grands bâtiments tels chitectes ont, pour simplifier, relié deux noyaux centraux que la tour Roche appartiennent à la classe d’ouvrage II et relativement élancés par des poutres de liaison forte- prennent comme référence un mouvement du sol qui se ment armées qui absorbent l’énergie telles des ‹ zones de produit statistiquement tous les 700 à 800 ans. Dans une déformation ›. Ainsi, d’un point de vue statique, les deux telle éventualité, la structure porteuse pourra certes subir noyaux centraux élancés produisent le même effet qu’un des ­atteintes, mais elle ne s’effondrera pas, de sorte que la gros, mais leur comportement est plus flexible. Lors de vie des personnes n’est pas mise en danger. La façade →

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Bâtiment 1 de Roche, 2015 Grenzacherstrasse 124, Bâle Maître de l’ouvrage:  F. Hoffmann-La Roche, Bâle Architecture:  Herzog & de Meuron, Bâle Statique du bâtiment:  WH-P Ingenieure, Bâle

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Plans 1 Hall d’accueil 2 Centre des visiteurs 3 Auditorium 4 Foyer 5 Salles de réunion 6 Terrasse 7 Restaurant, cafétéria 8 Zones de communication avec terrasses

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Des poutres de liaison fortement armées relient les noyaux centraux de la tour Roche.

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Seismic Award 2018 Ce prix distingue tous les trois ans des ­bâtiments de conception architecturale exemplaire répondant aux principes de la construction parasismique. Une plaque est apposée sur les bâtiments primés. Les maîtres d’ouvrage se voient décerner un diplôme d’honneur, les architectes et les i­ ngénieurs un prix d’un montant de 15 000 francs par ouvrage. Le prix vise à favoriser et à mettre en valeur la collabo­ ration précoce entre architectes et in­ génieurs. En 2018, sur huit projets soumis, un objet a été primé et deux autres ont ­obtenu une mention honorable. Le jury était composé de Kerstin Lang, Zurich ( ingénieure civile, présidence ), Roger Brac­cini, Bâle ( architecte ), Pablo Horváth, Coire ( architecte ), Yves Mondet, Affoltern am Albis ( ingénieur ci­vil ) et Renato Salvi, Sion ( architecte ). Fondation pour la dynamique des struc­tures et le génie parasismique La fondation été fondée en 2004 par Hugo Bachmann, ancien professeur à l’EPFZ, dans le but de favoriser les compétences pratiques et les activités scientifiques en dynamique des structures et en génie para­sismique. En plus du ‹Seismic Award›, prix d’architecture d’ingénierie parasismi­que, elle décerne tous les deux ans le ‹Baudyn Award›, prix d’innovation en dynami­que des structures. Elle octroie également des bourses de formation continue. Étude ‹ Handlungsbedarf von Behörden, Hochschulen, Industrie und Privaten zur Erd­bebensicherung der Bauwerke in der Schweiz ›, étude réalisée en 1998 par le Comité élargi de la Société suisse du génie parasismique et de la dyna­mique des structures ( SGEB ).

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→ et les aménagements intérieurs, eux, seront vraisemblablement endommagés. Autrement dit, la sécurité structurale est assurée, mais pas la fonctionnalité. En cas de secousses plus importantes, cependant, même la sécurité structurale des bâtiments conformes aux normes est compromise, et des effondrements partiels ou complets ne sont pas à exclure. La tour Roche, elle, satisfait aux exigences de la SIA même en cas de mouvement du sol comparable à celui de 1356. Statistiquement, un tel événement se produit tous les 2500 ans. Aller au-delà des exigences imposées par les normes SIA était judicieux à plus d’un titre: tout d’abord, une tour accueillant quelque 2000 employés hautement qualifiés représente une forte concentration du risque, et deux précautions valent mieux qu’une. Ensuite, une tour est par nature moins rigide qu’un bâtiment ordinaire, si bien qu’il est possible de satisfaire à des exigences plus élevées moyennant un supplément d’effort relativement modeste. Des interventions minimales au service de la sécurité La sécurité des immeubles cantonaux est également un thème récurrent à Bâle-Ville, qui exige depuis 2001 que tout nouveau bâtiment réponde aux principes de la construction parasismique. Depuis 2009, un examen de la stabilité est requis lors de toute intervention sur la structure porteuse. Le Grand Conseil a par ailleurs voté un crédit destiné à financer l’analyse des risques des quelque 700 immeubles du patrimoine administratif cantonal. Le canton met un accent particulier sur la formation et le perfectionnement des ingénieurs, notamment dans le domaine du confortement du bâti existant. Katrin Beyer, de l’EPFL, et Thomas Wenk, ancien président de la Société suisse du génie parasismique et de la dynamique des structures, mènent un projet de recherche en ce sens et organisent les cours de formation continue bâlois. Ils se focalisent sur le confortement des bâtiments historiques en pierre naturelle et souhaitent élaborer des règles qui, selon Thomas Wenk, « amènent le plus grand nombre d’ouvrages possible à un niveau de sécurité acceptable au prix d’un minimum d’interventions ». « On peut faire beaucoup moyennant de petites interventions, souvent invisibles, telles que des renforcements entre les plafonds à poutres apparentes et les murs », poursuit le spécialiste. Les tests ont aussi montré que la maçonnerie historique en pierre naturelle se comportait souvent mieux qu’on ne le pense, ce qui explique pourquoi tant de bâtiments bâlois ont survécu au tremblement de terre de 1356. Reste à savoir si cela serait encore le cas aujourd’hui: nombre de transformations menées à la fin du XXe siècle ont affaibli la substance historique. Les murs de refend du rez-de-chaussée ont souvent fait place à de vastes surfaces commerciales ou à des vitrines.

Coupe 1 Hall d’accueil 2 Centre des visiteurs 3 Auditorium 4 Foyer 5 Salles de réunion 6 Terrasse 7 Restaurant, cafétéria 8 Zones de communication avec terrasses 9 Installations techniques, logistique 0

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La ville vulnérable La recherche et les travaux sur la sécurité parasismique en Suisse se poursuivent. Les bâtiments en béton armé des années 1950 et 1960, en particulier les églises et les écoles, focalisent l’attention. Bâle-Ville lance un projet de modèle cantonal du risque sismique, qui associe des modèles de vulnérabilité du parc immobilier à des modèles de mouvements du sol en cas de séisme comparable à celui de 1356. Les résultats permettront une prévention ciblée des catastrophes dans un esprit de formation et de planification des ressources et des urgences. Au final, la population bâloise sera mieux informée sur le niveau de vulnérabilité ou de résistance de la ville en cas de tremblement de terre, et pourra agir en conséquence.

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«La sécurité parasismique n’est coûteuse qu’en matière grise» Le noyau de la tour Roche a demandé plus d’un an de réflexion. L’architecte Michael Fischer et l’ingénieur Martin Stumpf expliquent les atouts d’une bonne collaboration. Une tour exige de nombreux ascenseurs et des colonnes techniques de grande dimension. La question de la rigidité ne se résout-elle pas d’elle-même ? Martin Stumpf:  En gros, cela est vrai pour des bâtiments en béton armé allant jusqu’à environ 200 mètres. Si l’on dispose le centre de gravité des noyaux de manière bien centrée, l’objectif de rigidité est déjà presque atteint. De toute façon, construire à une telle hauteur ne relève plus de l’exploit. Le but n’est donc pas de briller par des innovations de génie, mais de trouver la structure porteuse parfaite pour tel bâtiment, à tel endroit, pour tel client. Le fait que la tour Roche compte quatre noyaux centraux paraît une évidence. Comment est née cette idée ? Michael Fischer:  Nous avons examiné les approches les plus variées dans le cadre d’une sorte de concours interne avant de nous concentrer sur cinq, puis trois propositions. Ensuite, des matrices de décision nous ont permis d’arrêter notre choix final. Dans chaque cas, il s’agissait d’avant-projets, avec des idées sur l’organisation et la forme, la structure porteuse et les installations techniques. Tous nos ingénieurs spécialisés étaient impliqués dès le début. À un moment donné, nous avons découpé le noyau longitudinalement et transversalement. Martin Stumpf: Cette décision répondait à des enjeux spatiaux et visait à favoriser une circulation ouverte, en évitant les couloirs sans fin. Mais elle s’est aussi révélée correcte du point de vue statique, car on a ainsi assoupli le noyau central très rigide. Un instant eurêka ? Michael Fischer: Au contraire ! En tant qu’architectes, nous n’avons pas conçu en vase clos quelque chose qui, par hasard, se serait aussi avéré logique du point de vue statique. De même, le fait que les grands conduits de ventilation ressortent du côté frontal n’a rien de fortuit. Organiser les installations techniques de cette façon permet de percer le moins possible les murs du noyau. Tout cela est le fruit d’une démarche commune, d’une collaboration. Nous avons planché plus d’une année sur le noyau central qui, après tout, est l’alpha et l’oméga dans une tour. Martin Stumpf:  On peut également parler de jeu collectif. Avec l’équipe d’architectes, nous avons formulé des règles: jusqu’à quel point peut-on percer l’enveloppe du noyau ? Combien de murs intérieurs doivent se faire face ? Quelle doit être leur épaisseur ? Ils nous ont assaillis de questions pour bien saisir toutes les implications techniques. C’était super, car c’est le seul moyen d’aller aux limites du possible. Diviser le noyau central en quatre le rend plus flexible. En quoi cela est-il judicieux ? Martin Stumpf: Au fond, on veut une construction à la fois souple pour résister aux forces sismiques et rigide pour faire face au vent. Il faut trouver un équilibre entre ces deux contraires. Dans la tour Roche, nous avions par principe un noyau central très rigide. De par sa géométrie, il est encore assez rigide longitudinalement pour supporter sans dommage un tremblement de terre comme celui qui a dévasté Bâle en 1356, tandis que transversalement, les poutres de liaison à la fois ductiles et fortement armées assurent une rigidité suffisante pour résister au vent et aux petits séismes. Ce n’est qu’en cas de fortes secousses que le noyau se déforme et absorbe l’énergie. Et cela même

en cas de séisme encore plus puissant que celui de 1356. C’est précisément l’avantage d’une construction ductile sur une construction rigide. Le bâtiment demeure alors plus longtemps intact en cas de secousses extrêmes dans le sens longitudinal, et reste debout tout en subissant des dégâts irréparables dans le sens transversal ? Martin Stumpf: Exact. Cela se justifie, car l’épicentre du séisme de 1356 se trouvait sans doute dans le fossé de Reinach, situé à peu près dans l’axe longitudinal. De toute façon, un tremblement de terre de cette magnitude ne se produit statistiquement que tous les 2500 ans. Nous sommes dans une situation très différente de celle de la Chine ou de la Californie, par exemple. Dans le Bâtiment 1, on aurait aussi pu réaliser les poutres de liaison sous forme de poutrelles métalliques démontables, mais au prix d’un surcoût disproportionné vu la probabilité infinitésimale d’un tel événement. À propos de surcoût, dans quelle mesure se baser sur un séisme aussi puissant que celui de 1356, plutôt que sur le scénario de la norme SIA, a-t-il renchéri la construction ? Martin Stumpf: Pour la structure porteuse, au fond, cela revient au même. Si l’on calcule et construit intelligemment, la sécurité parasismique ne coûte pratiquement rien. Du moins pas en termes de béton et d’acier. Accroître la sécurité ne coûte que de la matière grise, il faut réfléchir plus longuement, mieux coordonner les efforts et collaborer en toute confiance. À l’inverse, un projet mal planifié entraînera des rafistolages ultérieurs. Cela a un prix. Michael Fischer: Il y a quand même une réserve: si le gros œuvre reste debout mais que des éléments tombent sur la tête des gens, on n’aura pas gagné grand-chose. C’est pourquoi dans la tour Roche, toutes les fixations, qu’il s’agisse de plafonds suspendus, de conduites, d’équipements scéniques et, bien sûr, d’éléments de façade, sont conçues pour supporter des forces plus importantes. Cela a coûté plus cher, tout en restant de l’ordre d’à peine quelques pourcents. Le Bâtiment 2 de Roche sera achevé en 2021 et atteindra plus de 200 mètres de haut. En quoi est-il différent ? Michael Fischer:  Comme il ne mesure pas 90 mètres de long, mais 60, son noyau est plus compact et uniquement divisé longitudinalement. Nous avons pu reprendre les principes établis précédemment: la division, les poutres de liaison, les sorties d’air par l’avant. D’où des économies – d’argent et de matière grise.  Entretien: Palle Petersen

Michael Fischer, 49 ans, est partenaire du bureau d’architecture Herzog & de Meuron à Bâle. Il a été chef de projet pour l’Actelion Business Center, la Maison des herbes Ricola, la station de téléphérique du Chäserrugg et le Bâtiment 1 de Roche. Il est actuellement responsable de la poursuite du développement du site de Roche.

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Martin Stumpf, 45 ans, est directeur général de WH-P Ingenieure à Bâle. Il a été chef de projet pour le Bâtiment 1 de Roche et supervise à présent la poursuite du développement sur le site. Il est par ailleurs responsable de l’Elbtower à Hambourg, actuellement le plus haut projet de cons­ truction d’Allemagne avec ses 233 mètres.

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Fusion parfaite

L’expressivité de la brique dans le quartier de la broderie à Saint-Gall: piliers et allèges se rétrécissent vers le haut.

La structure plissée des dalles de béton rythme les espaces.

Le nouvel immeuble de bureaux est sis dans le quartier historique de la broderie à SaintGall. Les bâtiments représentatifs avoisinants témoignent de l’importance mondiale de l’industrie textile dans la ville et la région, en particulier au début du XXe siècle. Le volume du nouveau bâtiment a été largement défini par la protection des sites construits du quartier. Sa façade autoportante en brique jaune évoque les bâtiments historiques du quartier, eux-mêmes souvent inspirés de modèles américains. Mais la particularité de l’immeuble n’apparaît qu’à l’intérieur: il s’agit de la structure plissée en béton des plafonds, qui rythme les espaces. « Le nouveau bâtiment en béton armé con­ vainc par une fusion parfaite entre architecture et génie civil », note le jury du Seismic Award. Cela se manifeste dans le concept clair et bien pensé de la structure porteuse et témoigne d’une « collaboration étroite entre l’architecte et l’ingénieur dès la phase de conception ». La structure porteuse se compose de murs, d’éléments de cadre et de dalles précontraintes à structure plissée: « Plus qu’une simple intention formelle, il s’agit là d’une solution architecturale et de génie civil intelligente pour enjamber sans poteaux toute la portée dans la largeur. » Les cadres des façades longitudinales et les murs de refend transversaux dans les zones de circulation disposées frontalement assurent un comportement optimal en cas de séisme malgré l’absence d’éléments statiques à l’intérieur.  Patrick Marcolli, photos: Roger Frei Immeuble de bureaux Unterstrasse, 2017 Unterstrasse 12, Saint-Gall Maître de l’ouvrage:  Caisse de pension Asga, Saint-Gall Architecture:  Arge Corinna Menn ( pilotage ), Zurich, et Mark Ammann, Zurich Statique du bâtiment:  Arge Pedrazzini Guidotti, Lugano, et Borgogno Eggenberger + Partner, Saint-Gall

Répartition des forces en cas de charges horizontales dans les murs de refend et dans la façade.

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Ancienne et nouvelle structure porteuse 1 Maçonnerie (contreventement surélévation) 2 Construction métallique (structure verticale surélévation) 3 Toiture en bois 4 Construction métallique (structure verticale jardins d’hiver) 5 Renforcement façades existantes à l’aide de cadres en bois (contreventement existant)

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Ouvert sur toute la largeur: logement au 7 e étage.

Hybride exemplaire À Genève, cet immeuble de logements datant de 1958 est passé de cinq à huit niveaux à l’occasion d’une rénovation totale. Depuis quelque temps déjà, la loi cantonale sur les constructions simplifie les surélévations afin de pallier la pénurie de logements. Le nouveau volume accueille quatre logements imbriqués les uns dans les autres: un appartement en L, un studio, un duplex et un vaste appartement accessible par le bas. Les architectes ne se sont pas contentés de poser les nouveaux étages sur la structure existante, mais ont créé une maison entièrement nouvelle où la transition entre l’ancien et le nouveau ne se manifeste qu’au deuxième coup d’œil. Une grille scintillante de couleur cuivre, œuvre de l’artiste Karim Noureldin, réunit les deux parties tout en esquissant la coupure entre l’existant et le nouveau. Aux yeux du jury du Seismic Award, « le bâtiment montre des possibilités intéressantes d’utilisation différenciée de matériaux et de types de construction variés pour créer une construction hybride ». Il se réfère ici à l’ossature légère en acier choisie pour créer de nouveaux jardins d’hiver côté sud et à la structure porteuse de la surélévation, composée d’une construction métallique légère, de murs en maçonnerie et de murs en béton armé. Ces derniers assurent la stabilité de la surélévation. Le jury salue tout particulièrement le recours à un « système peu courant de cadres en bois pour le contreventement horizontal d’une construction en maçonnerie avec planchers en béton armé ». Ces cadres servent en même temps d’isolation thermique. Sont également salués les aspects liés à la densification urbaine, l’amélioration de la qualité de vie et la mise en œuvre réussie d’une surélévation dans un contexte urbain exigu.  Patrick Marcolli, photos: Joël Tettamanti Surélévation immeuble d’habitation, 2014 Avenue de Sécheron 9, Genève Maître de l’ouvrage:  privé, c / o Régie du Rhône, Petit-Lancy Architecture:  Burrus Nussbaumer Architectes, Genève Statique du bâtiment:  Ingeni, Carouge

Surélévation: la trame aux reflets cuivrés unit le nouveau et l’existant. Tiré à part de Hochparterre 10 / 18 —  Seismic Award 2018 — Hybride exemplaire

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Seismic Award 2018

Tous les trois ans, le Seismic Award distingue des bâtiments de conception architecturale ex­emplaire répondant aux principes de la cons­truction parasismique. En 2018, c’est le ­Bâtiment 1 de Roche à Bâle, conçu par Herzog & de Meuron et WH-P Ingenieure, qui a convaincu le jury. Des poutres de liaison ­ relient habilement quatre noyaux centraux de béton de sorte que la structure porteuse reste rigide sous l’action du vent et se déforme en cas de fort séisme. Ce tiré à part explique le projet et donne la parole aux planificateurs. Il présente deux projets récompensés d’une mention honorable – une sur­élévation à Genève et un nouvel immeu­ble de bureaux à Saint-Gall –, et fait le point sur l’évolution de la construction parasismique et sur l’état de la recherche en Suisse. www.baudyn.ch

Cette brochure a été imprimée et distribuée sur mandat de l’office fédéral de l’environnement ( OFEV ). Les publications de l’OFEV sur le thème des séismes se trouvent sous www.bafu.admin.ch / seismes → documents

Invitation

La Fondation pour la dynamique des structures et le génie parasismique invite les concepteurs et les maîtres d’ouvrages à présenter, après l’achèvement d’un projet approprié, un dossier pour le Seismic Award 2021. Seront pris en considération les bâtiments neufs, confortés et rehaussés qui auront été achevés et occupés dans les années 2016 à 2020. Le délai de soumission des dossiers est le 31 janvier 2021. www.baudyn.ch

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