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l’histoire

Le journal de l’Association pour l’histoire des chemins de fer · Actualité de l’histoire Les couchettes de 3e classe, une innovation des Chemins de fer de l’État en 1922 · Culture ferroviaire Le mythe du mécanicien vapeur a une histoire · Entreprises Les essieux interchangeables entre la France et l’Espagne, 1912-1951 · Espace des adhérents Comment les premiers chemins de fer ont illustré les assiettes · Patrimoine Le 50e anniversaire du Musée des transports de Pithiviers · Il y a 60 ans La fin de la 3e classe · Il y a 70 ans Le fret gagne en vitesse

· Archives Habiter une cité cheminote en 1930 · Actualités de Rails et histoire

Avril 2016

Les Rails de

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Illustration de couverture :

Le calendrier de Rails et histoire

« Jeune homme, un beau métier t’appelle »… Affiche de 1946 signée Jean Turin. Au sortir de la guerre, la figure du cheminot, notamment celle du mécanicien, est toujours autant magnifiée (voir l’article de JeanMarc Combe). Coll. Centre national des archives historique SNCF (l’auteur n’ayant pu être retrouvé, tous ses droits sont réservés).

1er semestre 2016 · Samedi 9 janvier 2016, 10 h - 17 h : accueil et ouverture de la bibliothèque / réunion du Cercle généalogique des cheminots · Jeudi 28 janvier 2016 : Réunion du conseil d’administration · Samedi 13 février 2016, 10 h - 17 h : accueil et ouverture de la bibliothèque / réunion du Cercle généalogique des cheminots

ISSN : 2116-0031 Éditeur : Association pour l’histoire des chemins de fer, 9 rue du Château-Landon, 75010 Paris Directeur de la publication : Jean-Louis Rohou Rédaction : Bruno Carrière Secrétariat d’édition : Marie-Noëlle Polino Ont contribué à ce numéro : Bruno Carrière Jean-Marc Combe Joseph-Jean Paques Maquette : Isabelle Alcolea Mise en page : Marion Cochat Impression : SNCF, Centre Éditions-La Chapelle, 75018 Paris Avril 2016 Les Rails de l’histoire est édité par l’Association pour l’histoire des chemins de fer, 9, rue du Château-Landon, 75010 Paris. Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation par tous procédés réservés pour tous pays, conformément à la législation française en vigueur. Il est interdit de reproduire, même partiellement, la présente publication sans l’autorisation écrite de l’éditeur. La rédaction n’est pas responsable des textes et illustrations qui lui ont été communiqués. Les opinions émises par les auteurs n’engagent qu’euxmêmes.

· Mercredi 16 mars 2016 : programme « Vingt années sous la Manche… et au-delà », Colloque 3, Cantorbéry, « Vingt années sous la Manche, et au-delà : Régions accessibles, régions en croissance ? » / ‘’Twenty years under the Channel, and beyond: Accessible Regions, Developing Regions?’’ · Lundi 21 mars 2016 : participation de Rails et histoire au colloque « Vichy et le quotidien: nouvelles perspectives sur la vie quotidienne sous l’occupation allemande, 1940-1944 », université de Warwick (Royaume-Uni) · Avril 2016 : Les Rails de l’histoire, Journal de Rails et histoire, n° 10 · Avril 2016 : parution de la Revue d’histoire des chemins de fer, 48-49, « Gares en guerre / Stations in wartime » · Jeudi 7 avril 2016 après-midi : Réunion du conseil d’administration, 16 h 30 Assemblée générale ordinaire annuelle des membres de Rails et histoire et 18 h Conférence « Vingt années sous la Manche, et audelà. Deux siècles de gestation, deux décennies d’exploitation : la liaison transmanche tient-elle ses promesses ? » · Samedi 9 avril 2016, 10 h - 17 h : accueil et ouverture de la bibliothèque / réunion du Cercle généalogique des cheminots · Vendredi 20 mai 2016 : réunion du comité scientifique · Samedi 11 juin 2016, 10 h - 17 h : accueil et ouverture de la bibliothèque / réunion du Cercle généalogique des cheminots

Édito

on, l’histoire n’est pas un éternel recommencement, et l’histoire ferroviaire pas davantage qu’une autre, malgré la permanence des réseaux. Mais ce qui nous intéresse ce printemps, c’est la répétition des questions que posent les services : quel intérêt pour l’exploitant, pour le client, de pouvoir passer la nuit dans le train ? Comment moduler l’offre par le confort quand la vitesse est la même ? Moduler l’offre par la vitesse, cela a-til un sens pour le transport de marchandises ? Quel bénéfice représente l’absence de rupture de charge ? L’interopérabilité technique est-elle rentable ? Autre continuité, celle des images, sinon des mythes : comment le type – masculin – du conducteur de machine vainqueur de de la matière devient-il, dans la sphère ferroviaire, le cliché indélébile du mécanicien héros vainqueur de l’espace et du temps ? La transmission des images – du livre à l’assiette, pour le même public, celui qui peut s’offrir dans les années 1840-1860 le voyage en train, nous fait toucher à l’histoire de l’art, mais aussi des media et du marketing. Enfin, autre permanence dont il faut se féliciter : celle du mouvement associatif qui nous assure de la transmission d’un patrimoine matériel et immatériel, dont l’enthousiasme des amateurs – ceux que les Anglais appellent Railway Enthusiasts – n’est pas la part la moins précieuse.

Sommaire · Actualité de l’histoire - p. 4 1922, l’État innove : les couchettes 3e classe de M. Le Trocquer · Culture ferroviaire - p. 12 Jeune homme, un beau métier t’appelle · Entreprises - p. 22 La genèse des liaisons sans transbordement à la frontière franco-espagnole, 1912-1951 · Espace des adhérents - p. 28 Les faïences fines comme illustrations des premiers chemins de fer en France · Patrimoine - p. 35 Le Musée des transports de Pithiviers souffle ses 50 bougies · Il y a 60 ans - p. 40 Il y a 60 ans, la fin de la 3e classe · Il y a 70 ans - p. 48 Il y a 70 ans, la fin de la PV et de la GV : le fret gagne en vitesse · Archives - p. 50 Droits et devoirs des locataires des cités PLM · Actualités de Rails et histoire - p. 53

· 24 juin 2016 : quatrième Journée des Jeunes chercheurs de Rails et histoire et Portes ouvertes

Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

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ESPACE DES ADHÉRENTS

Les faïences fines comme illustration des premiers chemins de fer en France. Première partie : les assiettes de la manufacture de faïence fine d’Hippolyte Boulenger à Choisy Auteur

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

1922, l’État innove : les couchettes 3e classe de M. Le Trocquer En 1922, en réponse à une instruction d’Yves Le Trocquer, ministre des Travaux publics, les Chemins de fer de l’État mettent en service une première voiture couchettes de 3e classe. Une timide mais vraie révolution dans un monde où les places couchées étaient jusqu’alors réservées à la clientèle aisée des 1re et des 2e classe1. Bruno Carrière

Dans son numéro du 2 juillet 1922, le quotidien national Le Journal reproduit la dépêche qu’Yves Le Trocquer, ministre des Travaux publics, a adressée aux grands réseaux deux mois plus tôt. En date du 6 mai, elle est ainsi rédigée : « J’ai l’honneur de vous signaler d’une façon toute particulière les conditions pénibles dans lesquelles les voyageurs de troisième classe sont obligés d’effectuer, la nuit, des longs trajets ; » « Ces voyageurs doivent, en effet, rester assis sur de dures banquettes de bois ou simplement rembourrées avec des noyaux de pêche : les déplacements importants deviennent ainsi de véritables épreuves d’endurance. » « Il me paraît nécessaire, à cette époque fertile en réformes sociales, d’améliorer le sort des malheureux transportés sur les réseaux français. » « Je vous prie donc de vouloir bien faire procéder le plus tôt possible à la transformation d’un certain nombre de compartiments de troisième classe en compartiments couchettes. »

Bien entendu, Le Journal s’empresse de se moquer de la « grande, noble et généreuse idée » du ministre. « N’est-ce pas que c’est magnifique ? Mais peut-être ne faut-il voir dans cette démarche philanthropique de M. Le Trocquer qu’une manifestation, d’ailleurs touchante, du tempérament idéaliste et rêveur de la race bretonne. M. Le Trocquer croit que, grâce à sa circulaire, les voyageurs de la dernière catégorie iront bientôt de Paris à Roscoff ou de Nice à Paris paresseusement étendus sur de moelleux coussins… Quelle illusion ! Et je vois d’ici le sourire ironique de M. l’ingénieur en chef. » Ce scepticisme répond à celui de L’Homme libre qui, dans son édition du 29 juin 1922, sous la plume de Jacques Barty, s’interrogeait déjà : « Les obtiendra-t-il ? Ça c’est une autre question. Car le vœu du ministre n’est pas si facile à réaliser qu’il le paraît au premier abord. Mais qu’importe : le ministre a écrit. C’est déjà quelque chose. Et le voyageur de troisième classe est bien content. » Bien content « parce

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C’est à la Compagnie de l’Ouest que l’on doit les premières « voitures à couchettes » de 1re classe. Mises en service le 16 juillet 1897 entre Paris d’une part, Brest et Cherbourg de l’autre, ces voitures à couloir disposaient de deux compartiments qui pouvaient être aménagés de façon à offrir chacun quatre couchettes.

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Affichette publicitaire parue dans La Chronique des transports de janvier 1936. À cette date, seuls les Chemins de fer de l’État offraient des couchettes toutes classes. Coll. Rails et histoire. Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

SATISFACTION

Le Petit Parisien, 8 octobre 1922

Les Batignolles, le 6 octobre 1922 : Yves Le Trocquer, ministre des Travaux publics, a tenu à visiter la première voiture État dotée de couchettes de 3e classe dont il est l’instigateur. Agence Rol. Gallica.

qu’il n’est pas habitué à tant de condescendance », lui « le paria de la locomotion ». Et, de fait, « il est bien vrai que rien au monde n’est plus lamentable, ne donne une image plus vraie de la misère humaine que l’arrivée au terminus, au petit jour, d’un wagon de troisième classe parti bondé la veille au soir de l’autre bout de la France ». Un homme, cependant, se réjouit : Maurice Prax du Petit Parisien. Le 21 décembre 1921, il a été le premier à prendre position pour la création de couchettes de 3e classe à l’exemple tout récent des chemins de fer allemands : « Oui, c’est une très bonne idée, de songer un peu aux voyageurs qui ne sont pas millionnaires, qui ne sont pas as de cinéma ni princesses de théâtre et qui, pourtant, peuvent être débiles, perclus, souffrants, âgés… Le voyageur qui paie le prix minimum n’a droit, dira-t-on, qu’à un minimum de confort… C’est entendu, si l’on veut… Mais il s’agirait de savoir à quel

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minimum de confort les voyageurs payants ont droit… Ce minimum ne doit pas être un maximum de brimades, de courbatures, de bousculades, de puanteurs et de misères… Ce minimum doit être, déjà, du confort, de l’aisance, du repos et de la propreté. » Aussi la démarche du ministre et, plus encore, l’annonce relayée par la presse au mois de juillet 1922 selon laquelle « le réseau de l’État qui, depuis quelque temps déjà, avait entrepris l’étude de cette intéressante question, en poursuit actuellement la réalisation et espère arriver à une solution qui donnera pleine satisfaction aux voyageurs de 3e classe », lui inspirent-elles une chronique revancharde parue le 8 octobre 1922 sous le titre « Satisfaction » (voir encadré). Sa chronique sort deux jours après la présentation au ministre, par les Chemins de fer de l’État, aux ateliers des Batignolles, de la pre-

« Je marque un point… « Il ya deux ans, ici même, je demandai si les voyageurs français effectuant de longs parcours dans les trains en seconde ou troisième classe devaient obligatoirement avoir les membres rompus. Je demandais s’il ne pouvait pas se trouver parmi eux des vieillards, des malades, des infirmes, des femmes ayant besoin de soins. Je demandais si la France victorieuse ne pouvait pas effectuer la réforme que venait de réaliser l’Allemagne vaincue, et je demandais finalement s’il n’y avait pas moyen de mettre des couchettes à la disposition des voyageurs de seconde ou de troisième classe… « Mon innocent petit article souleva dans certains milieux administratifs une vive émotion. Mon nom, dans certains bureaux, fut par trois fois maudit. Des messieurs grincheux et importants firent en haussant les épaules : - De quoi se mêle encore ce journaliste ?... Des couchettes en troisième ! Pff !... Pourquoi pas des sleepings et des baignoires !... Pff !... « D’autres messieurs, non moins grincheux, non moins importants, pestèrent : - Ce journaliste !... Il s’imagine sans doute qu’on fait des couchettes aussi facilement que des articles !... Il ne se doute pas que ce qu’il réclame est impraticable — impra-ti-ca-ble !... Il s’en fiche bien, lui ! Il écrit son petit papier et puis, ça y est !... Des couchettes en troisième !... Pff !... Ce journaliste est fou !... « D’autres messieurs conclurent : - Les troisièmes sont bien assez confortables comme elles sont. Les secondes sont parfaites…

Les voyageurs qui ne sont pas contents n’ont qu’à rester chez eux… On nous embête avec toutes ces histoires !... « Mon pauvre article était donc condamné à n’être plus qu’un pauvre article de plus. De plus ou de moins… « Seulement, il y avait M. Le Trocquer… « M Le Trocquer est un ministre de Travaux publics qui est presque aussi… embêtant qu’un journaliste… Lui aussi croit qu’on peut faire des réformes. Lui aussi croit que la routine n’est pas un dogme absolu. Lui aussi croit que le mieux n’est pas l’ennemi du bien et que le progrès doit être une machine qui va en avant et non en arrière… « M. Le Trocquer, aussi naïf, aussi indiscret qu’un journaliste, a voulu que les voyageurs français fussent aussi favorablement traités que les voyageurs allemands. Il a voulu qu’on disposât des couchettes dans les wagons de seconde et de troisièmes classes… « Eh bien ! Ce qu’il a voulu est aujourd’hui une chose faite !... Les bureaux ont dû céder. Les administrateurs ont dû s’agiter. Les messieurs grincheux et importants, après avoir dit du ministre ce qu’ils avaient dit du journaliste, ont dû pourtant exécuter les ordres du ministre… « Et l’on s’est aperçu que la réforme n’était pas du tout im-pra-ti-ca-ble. Et l’on a constaté que la réforme était même assez simple. Et d’intelligents ingénieurs et d’habiles ouvriers ont réalisé le «miracle» – très facilement… « Ma foi, je suis très content d’avoir écrit, il y a deux ans, le petit article qui a si vivement ému quelques messieurs grincheux et administratifs. » Maurice Prax

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

mière voiture dotée de couchettes de 2e et de 3e classe. Que les concepteurs de la voiture - M. Nasse, chef du Service du Matériel et de la Traction, et son adjoint, M. Pouchucq, ingénieur en chef des Études et des Travaux neufs - aient intégré au projet des couchettes de 2e classe répond à une évidence : il aurait été aussi absurde qu’injuste que cette catégorie de voyageurs ne bénéficie pas des mêmes éléments de confort que les 1re et 3e classe. Le wagon présenté, « flambant neuf sous sa fraîche couche de peinture verte » (Le Petit Parisien, 7 octobre 1922), est une voiture à bogies mixte de 2e et 3e modifiée pour l’occasion2. En fait, seuls les deux compartiments situés aux extrémités ont été transformés, l’un destiné aux voyageurs de 2e classe, l’autre à ceux de 3e classe. Chacun offre six couchettes contre quatre en 1re classe. Un choix qui répond à une logique tarifaire : « Les compartiments des voitures à couloir comportent, en 2e et 3e classe, huit places assises ; si l’ont avait adopté la disposition dite « des quatre couchettes », employée en 1re classe, on aurait réduit de moitié la capacité de transport du compartiment et, pour que l’exploitation ne soit pas trop onéreuse, on aurait dû taxer les couchettes d’un supplément élevé, sans doute prohibitif. En effet, les express de nuit circulent actuellement au complet, et les trains sont à la limite de puissance des machines. Pour installer des couchettes spacieuses et nombreuses, on aurait été dans l’alternative, soit de réduire le nombre des places ordinaires, et d’augmenter le nombre des voyageurs debout dans les couloirs, soit de dédoubler les trains, ce que la situation financière des réseaux ne permet pas. » (Le Génie civil, 21 octobre 1922.) Dans chaque compartiment nouvellement aménagé, les couchettes sont réparties des deux côtés, trois par trois. La couchette inférieure est formée par le siège même du com2

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

partiment dont on a enlevé le coussin et, de ce fait, se trouve à un niveau plus bas que le niveau habituel de la banquette. La couchette intermédiaire est obtenue en relevant le dossier qui bascule autour de son arête supérieure. Le siège et le dossier sont rembourrés de manière à servir de matelas. La couchette supérieure est formée à partir du filet à bagages dont la largeur est augmentée par un volet articulé. Une fois déployé, le filet est garni du coussin enlevé à la banquette. Au pied de chaque couchette est suspendu un filet pouvant contenir une petite valise. L’accès aux couchettes supérieures se fait par échelle en fer très légère qui, le jour, est logée à une extrémité du couloir. Le ministre, qui « a éprouvé l’élasticité de ces couchettes et s’est déclaré satisfait de l’essai réalisé par l’État » (Le Journal des débats, 8 octobre 1922), profite de sa visite pour annoncer que la voiture entrera en service le lundi 11 octobre, attelée au train 501 de Paris à Brest partant de la gare Montparnasse à 20 h 27. Les suppléments demandés sont fixés en fonction de la distance parcourue : de 0 à 250 km (16,65 F en 2e et 11,65 F en 3e), de 251 à 500 km (24,95 F et 17,45 F) et au-delà de 500 km (29,10 F et 20,35 F). Par comparaison, pour un parcours limité à 250 km, notre voyageur déboursera au total (place et couchette) 51,45 F en 2e classe (contre 58,80 F en place assise de 1re classe) et 33,50 F en 3e classe (contre 34,80 F en place assise de 2e classe). L’engagement est tenu. Le 11 octobre 1922 au soir, la voiture couchettes est bien au rendezvous. Tout comme les curieux : « Longtemps avant le départ, lorsque j’arrive sur le quai de la gare Montparnasse, les voyageurs se pressent nombreux dans le couloir de la voiture, objet de leur impatiente curiosité ; chacun veut voir, que dis-je, toucher les banquettes suspendues, car ce sont en réalité de véritables banquettes recouvertes, celles des troisièmes du même

Sans doute l’une des 14 voitures à 4 compartiments de seconde et 5 de troisième construites en 1912-1914.

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ciré, celles de seconde du même drap gris que leurs aînées. » (L’Ouest-Éclair, 13 octobre 1922). Sur les douze places couchées disponibles, seules deux non pas trouvé preneur.

Mais d’autres sont moins optimistes : « L’initiative réclamée par M. Le Trocquer […] n’a encore était prise que par le réseau de l’État, et pour une seule voiture […] sur la seule ligne de Paris à Brest. C’est peu. Mais les autres compagnies ne paraissent pas très disposées à suivre un exemple si pernicieux. Elles attendent, avant que d’agir, les résultats de l’expérience. » (Les Potins de Paris, 27 octobre 1922).

Le 12 octobre au soir, la voiture couchettes reprend le chemin de Paris avec le rapide 502 de 19 h 35. Limitée encore à une seule unité, elle n’est disponible, tant à Paris qu’à Brest, qu’un jour sur deux. Mais les résultats sont-ils à la hauteur des espérances ? Oui, selon cer- De fait, les Chemins de fer de l’État mettent tains : « Avant le départ de Brest, la plupart en service trois nouvelles voitures couchettes des couchettes étaient déjà retenues, ce qui de 2e et 3e classe : une le 12 janvier 1923 entre prouve bien que la clientèle est assurée dès à Paris et Brest (ce qui, chaque soir, autorise un présent et que la compagnie des chemins de fer de l’État est allée au-devant des besoins du public […]. Il y a un progrès évident que nous devions signaler et qui vaudra certainement à M. Le Trocquer la reconnaissance du public voyageur. » (La Dépêche de Brest, 13 octobre 1922). Les Chemins de fer de l’État veulent y croire, à l’exemple de ce « distingué technicien de la compagnie » interrogé le 20 octobre sur le fait de savoir « si cette innovation avait la faveur du public » : « On n’en peut douter, nous a-t-il répondu, si l’on considère que pendant cette semaine, il n’y a pas eu de vide dans les compartiments de 3e classe. En seconde, tout n’a pas été régulièrement occupé, mais cela s’explique par le confort un peu plus grand qu’ont les voyageurs de cette classe : avec le supplément à payer pour la couchette, cela fait presque le prix de la 1re classe. Mais nous ne pouvons encore juger définitivement tout cela. Il faut attendre le temps nécessaire à ces expériences pour nous prononcer. » (L’Ouest-Éclair, 21 octobre 1922). Compartiment couchettes de 3e classe des Chemins de fer de l’État. Le Génie civil, 21 octobre 1922. Coll. Rails et histoire.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

penser que le matériel utilisé ici n’est autre que des voitures de 1re classe, déclassées. Le nombre de couchettes de 3e classe louées bondit de 16 449 à 35 269 entre 1930 et 1932, et à plus de 43 000 en 1934. Dans le même temps, celui des couchettes de 1re classe ne cesse de s’effriter et celui des couchettes de 2e classe de stagner (respectivement 12 012 et 24 159 en 1932).

Un accueil peu enthousiaste… L’Humanité, 9 octobre 1922. Gallica.

départ simultané de Paris et de Brest) ; deux autres le 20 mars suivant au départ de Paris (21 h 25) et de La Rochelle (20 h 57). Fin 1928, huit voitures couchettes mixtes de 2e et de 3e classe sont à l’effectif. Fin 1930, elles sont trente. Nous n’avons pas le détail de leur configuration. Nous savons seulement qu’une quinzaine d’entre elles, entrées en service le 1er juin 1930, offrent quatre compartiments de 2e classe et cinq compartiments de 3e classe, tous transformables en couchettes. Dans le même temps, le nombre des services offrant des places couchées de 2e et de 3e classe passe de trois à quatorze. Cette accélération est due à Raoul Dautry qui, depuis peu à la tête des Chemins de fer de l’État, a décidé alors de relancer l’expérience. C’est ce qui ressort du rapport d’activité annexé à l’Exercice 1929 du Réseau : « Nous

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avons fait un effort important dans le sens de l’augmentation du nombre des couchettes offertes aux voyageurs et, notamment, pour les deuxième et troisième classe où ce nombre était tout à fait insuffisant ; nous avons intérêt à développer les voyages longs pour une clientèle qui est très généralement moins riche que celle des autres réseaux et ne demandent point de wagons-lits ; le service des couchettes deuxième et troisième classe, qui était à l’essai sur les lignes de Brest et de La Rochelle, a été étendu au nouveau train Manche-Océan dans lequel les compartiments-couchettes (deuxième et troisième classe) ne comportent que 4 couchettes au lieu de 6. » Créé en 1929, le « Manche Océan » (Dieppe-Nantes-Bordeaux) a pour vocation de transporter plus rapidement vers le Sud-Ouest et l’Espagne les Anglais de situation modeste en évitant le passage par Paris, incommode et onéreux. On peut

Plus timorées, les autres compagnies traînent les pieds. Le PO attend 1936 pour transformer en voitures couchettes quelques-unes de ses voitures à bogies. La première mission de ces voitures étant le transport de certains malades se rendant à Lourdes, leur aménagement est pour le moins original. En effet, outre deux compartiments classiques de 3e classe à six couchettes, elles offrent onze demi-compartiments de 2e classe séparés par un couloir central. Chaque demi-compartiment abrite deux couchettes superposées disposées parallèlement à la voie et isolées du couloir par des rideaux de velours. Ce matériel entre dans la composition de certains trains d’hiver à destination des Pyrénées (Porté-Puymorens et Font-Romeu notamment). Il est également proposé aux sociétés sportives et autres pour leur déplacement en groupes. La Compagnie de l’Est réagit encore plus tardivement avec la mise à disposition, à partir du 6 novembre 1937, de couchettes de 3e classe dans les trains 37 et 38 de Paris à Strasbourg. Reste le PLM qui, à défaut de couchettes de 3e classe, offre depuis le 1re avril 1933 des « vagons-lits » de 3e classe (sic). De neuf compartiments à trois lits superposés, ces wagons ont été initialement incorporés aux trains 23 et 24 de Paris à Nice.

encore pourvues faute de voitures : Régions Sud-Est (y compris les Alpes de Paris à Grenoble-Briançon-Modane) et Sud-Ouest. À cet effet, la transformation de 90 voitures à livrer avant le 15 mai 1940 est autorisée, et un programme quinquennal portant sur la construction de 15 voitures A3c2B5c3 et 30 C10c5 (pour le Sud-Est), de 10 A3c2B5c3 et 20 C10c5 (pour le Sud-Ouest)3. La SNCF envisage également d’unifier, dès le service d’hiver 1939-1940, le montant des suppléments perçus sur les différentes Régions. Si l’ouverture des hostilités n’a pas permis de réaliser le programme envisagé, l’unification des suppléments a bien été réalisée le 19 octobre 1939. La guerre met un terme à l’expérimentation : sont seuls reconduits les compartiments couchettes de 1re et de 2e classe. Il faut attendre la réforme de 1956, qui met fin à la 3e classe, pour que tout le monde puisse enfin bénéficier de couchettes. 3

A, B et C pour 1re, 2e et 3e classe ; c pour compartiments couchettes ; les exposants pour le nombre de compartiments exemple : 30 C10 c5 pour 30 voitures de 3e classe à 10 compartiments dont 5 transformables en compartiments couchettes.

En 1939, la SNCF entreprend une étude tendant à offrir plus de places couchées de toutes classes dans les trains de nuit à long parcours. L’effort porte notamment sur les couchettes de 3e classe, dont elle entend étendre l’emploi aux destinations importantes non Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

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ESPACE DES ADHÉRENTS

CULTURE FERROVIAIRE

Jeune homme, un beau métier t’appelle Jean-Marc Combe

Les hommes façonnés par une telle vie sont d’une trempe rare. Il n’y a pas de paille dans l’acier de leur droite énergie. Robert Chenevier, L’Illustration, 17 juillet 1943 Ils sont les fantassins de cette armée qui lutte jour et nuit contre la chaleur, le vent, le froid, le brouillard, la pluie pour rassembler dans la joie les membres d’une même famille autour d’un berceau ou pour fusionner leur peine autour d’un cercueil, pour apporter le charbon à l’usine, la farine dans la cité, le ciment au barrage, l’engrais dans l’emblavure. Charles Agniel, Les Laboureurs de la nuit, 1950. Prix Chatrian et prix du Léman

Jean-Paul entendra longtemps les sifflets des locos qui ont dit adieu à son père. Paris-Match, 23 novembre 1957. À propos du sacrifice du mécanicien Jean Coquelin, 1957

« Une fausse note, et tout saute en l’air »

Les « sénateurs du rail », figures emblématiques du monde cheminot. Une notoriété à la hauteur des responsabilités à assumer : « Une fausse note, et tout saute en l’air ». L’Illustration, 17 décembre 1898. Coll. Rails et histoire

Dans une curieuse série d’articles, L’Illustration, la revue fétiche de la bourgeoisie française, évoque en février et décembre 1898 ce qu’elle appelle « le chemin de fer pittoresque ». Sorte de défense et illustration du rail, on y chante les beautés du monde ferroviaire en général et celles de la locomotive à vapeur en particulier. On ne craint pas le lyrisme à bon marché et Maurice Normand, le rédacteur, nous explique qu’« on n’a pas plus de peine à se rendre compte de la façon dont la locomotive avance qu’à comprendre en voyant un oiseau comment il vole ». Est-on aussi poète pour ceux qui la conduisent ? Et qu’en dit-on précisément ? À peu près rien ou pas grand-chose, sinon les habituelles exagérations dont le titre de ce chapitre donne un aperçu. En revanche, les illustrations pour la plupart dues à Georges Scott1 sont superbes et suppléent largement à l’indigence du discours en montrant des mécaniciens et des chauffeurs 1

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Georges Bertin Scott de Plagnolle (1873-1943).

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CULTURE FERROVIAIRE

saisis en pleine vitesse, le regard rivé sur la voie à bord de locomotives à l’abri plus que symbolique. L’héroïsation est en marche. La difficulté du métier sanctifiée par la beauté de la locomotive ? La question est posée. Pourtant le XIXe siècle s’est peu intéressé à la condition du mécanicien. Certes, il y a la brillante exception de Zola avec La Bête humaine et ses cahiers d’enquête complémentaires, mais il serait difficile de chercher chez le maître du naturalisme une volonté de faire du mécanicien un ouvrier exceptionnel, le Lantier de La Bête ne constituant qu’un des maillons, fort sans doute, de la longue chaîne des Rougon-Macquart. Pour en terminer avec Zola, précisons qu’en 1968, un joli film réalisé par François de Roubaix et intitulé 231D 735 a montré un des derniers exemples de mécanicien vapeur de rapides au travail sur sa Pacific ; le commentaire s’appuyant sur des extraits choisis du roman de Zola. Mais à côté de remarquables écrits bien référencés par Marc Baroli, combien de mièvreries, dont l’un des meilleurs exemples nous est, à coup sûr, fourni par le célèbre « coup de tampon » de François 2

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Coppée, dont les humoristes ne tardèrent pas à faire leurs choux gras2. Pour ne pas quitter la littérature, il convient de rappeler ici l’étrange épisode Grisel, épisode où la tentative d’héroïsation est réelle mais sans lendemain. Le 10 mai 1882, sous la présidence de Victor Hugo, à l’époque l’icône de la IIIe République, et en présence de nombreux politiciens, les mécaniciens et chauffeurs offraient, dans les salons de l’Élysée Montmartre, à Paris, un banquet en l’honneur de Grisel, lequel venait d’être décoré de la Légion d’honneur. Mais les faits qui lui valaient cet honneur remontaient au 22 novembre 1857. Sur la ligne de Clermont à Nîmes, en gare de Vic-le-Comte, Grisel avait énergiquement refusé l’ordre de départ donné par le chef de quai car il entendait gronder l’Allier en crue et était persuadé que le pont sur la rivière allait s’effondrer d’un instant à l’autre. Ce qui fut le cas, Grisel sauvant ainsi la vie à plus de 125 personnes3. Episode fugitif, bien oublié aujourd’hui. Pourtant, dans son discours de clôture, Hugo avait affirmé que la République glorifiait

Marc Baroli, Le Train dans la littérature française, Paris, Éditions N.M. (La Vie du rail), 1969, 3e édition. Pour Coppée et ses vers faciles, voir p. 172-173. 3 L’Illustration, 15 mai 1882. Grisel avait alors soixante-neuf ans. 4 Marc Baroli, op. cit., p. 172.

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le refus de Grisel et rendait hommage aux deux cent mille travailleurs des chemins de fer. Donc, plus que celle de mécanicien, c’était l’ensemble de la profession qui était porté au pinacle4. Célébrons les héros du travail

Le capital de sympathie pour les mécaniciens de locomotive commença à nettement s’affirmer à partir des années 1930 pour connaître un point d’orgue avec La Bête humaine, le film de Jean Renoir, d’après Zola, daté de 1938, au moment même de la constitution de la SNCF.

Jean Renoir (à droite) lors du tournage en 1938 de La Bête humaine à bord d’une Pacific État. Coll. Jean-Marc Combe.

Le contexte général des années 1930, puis des années 1940, fit que la représentation de la profession de mécanicien n’échappa pas à une évidente politisation. La littérature, la presse et le cinéma s’emparèrent donc de cette tendance nouvelle. Il y eut d’abord, en 1933, la pénible affaire Violette Nozière (1915-1966) dont le retentissement fut considérable. Égérie, « ange noir » des surréalistes et menant une vie plutôt libre, Violette fut accusée d’avoir empoisonné ses parents. Son père seul ne survécut pas à l’absorption de doses importantes de somnifères. Or, ce dernier n’était pas n’importe qui. C’était un mécanicien PLM du dépôt du

Charolais, parmi les meilleurs et qui, du reste, avait eu l’honneur de conduire le train du Président de la République. Il fut aussi accusé par sa fille de lui avoir imposé des relations sexuelles. En 1978, Claude Chabrol a tiré un film de cet épisode avec Jean Carmet dans le rôle du mécanicien Baptiste Nozière et Isabelle Huppert dans celui de Violette, un sujet idéal pour les connaisseurs de la filmographie de ce célèbre réalisateur. Quoi qu’il en soit, il est clair que les tenants de la morale bourgeoise traditionnelle, les « braves gens », tous étaient du côté du père, ce héros du travail qui, tous les jours et par tous les temps, conduisait des centaines de voyageurs à bon port. Ce fait divers politisé eut pour seul avantage d’insister sur les vertus professionnelles du mécanicien auprès du grand public. Il y eut aussi, en 1933 toujours – et la coïncidence est troublante – la publication du roman de Paul Nizan intitulé Antoine Bloyé. Tout d’abord notons que les similitudes avec le roman de Zola sont frappantes. Même si l’école naturaliste appartenait au passé, les traces en sont ici parfaitement visibles : même volonté de serrer la réalité au plus près et pour ce faire de s’appuyer sur une documentation de première main. Par ailleurs, Nizan était un proche du PCF et sa thèse est transparente. Bloyé, d’origine modeste, qui grimpe quatre à quatre les échelons de l’échelle sociale dans le service du Matériel et de la Traction du réseau d’Orléans, devient malgré lui un traître à sa classe et perd le sens de sa vie. Il mourra donc dans l’amertume. À l’image de La Bête humaine (le roman), l’œuvre de Nizan peut aussi se lire comme un extraordinaire reportage sur le monde des dépôts, des locomotives, des mécaniciens et des chauffeurs avant 1914 : celui des machines « jaunes » de Victor Forquenot, puis des Atlantic et enfin des superbes Pacific 3500 et 4500. Le choix du monde ouvrier et de ses éléments les plus emblématiques offrant une face sympathique au grand public était dans l’air avec le gouvernement de Front populaire et ce qui Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

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se passait dans le même temps en URSS avec le mouvement stakhanoviste, par exemple. Évidemment, le cas de Nizan est représentatif de l’histoire culturelle de l’entre-deux guerres5. Toutefois, il est loin de constituer un cas isolé et de nombreux romans de cette même période abordent une semblable thématique. On se reportera à l’ouvrage classique de Marc Baroli sur le chemin de fer dans la littérature française, pour en avoir un aperçu à peu près exhaustif. Ce que nous disions plus haut du roman de Zola s’applique également au film qu’en a tiré, en 1938, Jean Renoir, le fils du peintre. En dehors de l’aspect idéologique très connoté « Front populaire », il paraît clair que si les Chemins de fer de l’État, ou la SNCF, avaient souhaité réaliser un bon documentaire sur la vie d’un mécanicien ils n’auraient su mieux faire que Renoir tant le souci de l’exactitude dans les gestes du métier est partout visible. Le résultat est superbe et ce n’est pas en vain que Gabin fit avant le tournage un stage de mécanicien au dépôt des Batignolles. Il y reviendra d’ailleurs en 1951, mais dans un autre registre, avec un film réalisé par Georges Lacombe, La Nuit est mon royaume, histoire d’un mécanicien devenu aveugle. Le tournage eut lieu, cette fois, sur la région Nord6. Un peu de philatélie

Chacun le sait, le timbreposte est un bon indicateur historique en même temps qu’un révélateur parfait des idéologies dominantes. Trois timbres vont nous permettre de mieux comprendre ce qui se cache derrière le mot « mécanicien », pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale.

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Le célèbre timbre commémoratif de 1944. Le mécanicien et son modèle : photo parue dans Rails de France, n° spécial, mars 1938. Coll. Rails et histoire.

En 1944, l’un des derniers timbres émis par l’Administration postale encore contrôlée par Vichy et au profit du Secours national commémore le centenaire des lignes de Paris à Rouen et Paris à Orléans ouvertes simultanément en 18437. Une diagonale sépare ce timbre, aux dominantes grisâtres, en deux parties sans rapport entre elles. Celle du bas montre un train supposé caractéristique de la période héroïque des chemins de fer, tandis que celle du haut illustre un mécanicien de locomotive à vapeur dans une attitude qui se veut esthétiquement dramatique bien que

banalement professionnelle : le visage fermé, les yeux occultés par des lunettes « amande », penché hors de l’abri, dans une attitude que n’aurait pas reniée le tandem Gabin-Carette de « La bête humaine ». L’artiste a cherché à restituer toute la tension du métier qui voit un homme guettant les signaux en pleine vitesse, conscient de la responsabilité qui est la sienne puisque seul responsable de centaines de vies humaines. L’effet est parfaitement réussi et notre mécanicien, sorte de chevalier des temps modernes, inspire respect, confiance et admiration. Nous n’hésiterions pas un seul instant à lui confier notre vie. Pourtant, le travail de création artistique n’est ici, au mieux, qu’une interprétation, puisqu’il s’agit de la reprise d’une photographie, faite à l’arrêt, d’un mécanicien de Pacific État (ou Chapelon), photographie publiée dans l’un des numéros spéciaux de la revue de « propagande » Rails de France édité à l’occasion de l’Exposition internationale de 1937 et intitulé «  Une industrie clé  ». Détail insignifiant mais révélateur, sur la photographie le mécanicien porte des moustaches mais pas sur le timbre. L’époque de l’avant-guerre est bien terminée et voici venu le temps des visages glabres. Il est important de noter ici que le thème du mécanicien « héros du travail » – sûr de ses compétences, sobre, honnête, conscient de ses devoirs, passionné par son métier et

prêt au sacrifice de sa vie pour le devoir – très connoté « Front Populaire » va être intégralement repris par Vichy non seulement avec le timbre que nous venons d’évoquer mais aussi avec les célèbres affiches de l’équipe « Alain Fournier »8, installée à Lyon, pendant la guerre.

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Paul Nizan, Antoine Bloyé, Paris, Grasset, 1933. Voir Écritures du chemin de fer, sous la direction de François Moureau et Marie-Noëlle Polino, Paris, Éditions Klincksieck, collection « Littérature des voyages », 1997, 128 p. 6 Enfin, clin d’oeil dans L’Âge ingrat, comédie qui réunit Fernandel et Gabin en 1964 : ce dernier est ingénieur chef de dépôt, ce qui nous vaut au début du film de belles vues de la rotonde de Villeneuve-Saint-Georges reconstruite en pleine activité (merci à Gilles Degenève pour cette identification). 7 Ce timbre a été mis en vente le 14 août 1944, en même temps qu’un autre à l’effigie de Claude Chappe. À la même époque, un film aux arrières-plans philosophiques sinon politiques identiques a été commercialisé : le documentaire Pilote du rail, tourné à bord d’une 231 E (ex 3100 Midi) de la Région Sud-Ouest. 8 Le choix du nom de l’auteur du Grand Meaulnes est assez troublant puisque certes évocateur de la campagne, un des thèmes chers à Vichy, mais aussi de l’innocence d’un monde rêvé et féérique.

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Nous pensons ici à l’affiche « Il connaît sa responsabilité… et vous ! » qui montre un mécanicien typique avec sa casquette, son foulard et sa burette graissant les têtes de bielles d’une locomotive équipée de roues motrices américaines Boxpok, ceci évidemment avant l’arrivée des 141 R de la Libération. La documentation ne connaît pas de frontières et pas davantage d’ennemis ! Citons encore, dans le même esprit, une affiche contre le vol réalisée en milieu cheminot par Georges Forgeron. Elle montre aussi un mécanicien avec ses lunettes de protection sur le front tenant son casier judiciaire sur lequel figure la mention «  néant  ». L’accroche très imaginative et frappante est « Une devise à adopter. Mains noires… mais propres »9.

superbement illustré des gouaches d’Albert Brenet (1903-2005), pour la plupart versées aujourd’hui dans la collection de La Cité du Train de Mulhouse. Les similitudes mais aussi les différences avec la série d’articles publiés par la même revue en 1898 sont frappantes.

L’esthétique réaliste, issue pour partie des régimes totalitaires des années 1930, ne disparut pas par enchantement en 1945. Ce, d’autant plus que l’esthétique et les idées qui prévalaient avant guerre furent reprises quasi intégralement par le monde de la collaboration. Un numéro de L’Illustration, revue qui ne faisait pas alors mystère de ses tendances pro-allemandes, nous en fournit un bon exemple. En juillet 1943, Robert Chenevier consacre un article aux «  Chevaliers du rail  » Œuvre de Georges Forgeron (1912-1977), lauréat en 1943 du concours d’affiches sur la « prévention des vols » organisé par la SNCF auprès de ses agents. Coll. Rails et histoire.

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Sur l’œuvre du cheminot Georges Forgeron, voir Les Rails de l’histoire, n° 7, novembre 2014, p. 38.

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Affiche de 1946 en faveur de l’apprentissage signée Jean Turin. Coll. Centre national des archives historiques SNCF.

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On en retrouve à la fois l’esprit et la lettre avec la célèbre affiche de 1946-1947 intitulée « Jeune homme un beau métier t’appelle » bien faite pour que tout adolescent rêve de devenir mécanicien10. Toujours pendant le conflit, la Belgique, non encore libérée, a émis une série de quatre timbres consacrés aux métiers du rail. Proposée en 1942, la série a été poursuivie avec variantes de couleurs jusqu’en 1946. L’un d’entre eux est consacré aux mécaniciens. Ici le traitement graphique est à l’exact opposé du timbre français. La locomotive est à l’évidence l’une des célèbres Atlantic carénées du type 12 étudiées par l’ingénieur belge Raoul Notesse vue de trois quarts arrière : de dos, le mécanicien (ou le chauffeur) anonyme est tout à l’observation des signaux. En Belgique on insiste donc sur le métier et moins sur l’homme. Notre troisième et dernier timbre est légèrement plus tardif puisque daté de 1952. Il montre un mécanicien de derrière le « rideau de fer ». Notre homme est ici vu de face, le torse hors de l’abri, revêtu d’un uniforme quasi militaire et effectuant un salut qui ne l’est pas moins. Tout est ici caractéristique du bonheur communiste si largement diffusé par le timbre et si notre homme n’agite pas un bouquet de fleurs comme tant d’autres c’est que la sécurité serait mise en cause. Ce n’est évidemment plus une illustration du métier mais bien une scène d’opérette qui se joue ici et dont le thème serait le paradis des prolétaires. Notons encore que tout ceci se passait du vivant de Staline. De façon à nuancer notre propos et pour équilibrer les choses, signalons qu’un timbre des États-Unis, daté de 1950, est lui aussi consacré aux engineers. Il présente à la fois une locomotive à vapeur et un train automoteur Diesel avec, en médaillon, un portrait de Casey Jones (1864-1900), mort à son poste pour avoir jusqu’au bout tenté de freiner son train pour

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éviter la collision avec un convoi de marchandises non entièrement garé. Un Grisel ou un Jean Coquelin (voir plus loin) qui serait devenu un héros populaire. Ce fut à l’occasion du « drame Coquelin » que la presse parla pour la dernière fois du mécanicien avec des accents qui rappellent fortement l’avant-guerre. Jean Coquelin, dont la place de la gare de Noisy-le-Sec porte aujourd’hui le nom, était un mécanicien affecté au dépôt de Rennes qui, le 31 octobre 1957, alors qu’il assurait avec sa 231 D le train 1653 RennesSaint-Malo (mis en route en remplacement d’un autorail), fut la victime d’un retour de flammes à proximité du passage à niveau n° 45. Brûlé à 65 %, il parvint néanmoins à arrêter son train, mais succomba à ses blessures à l’hôpital de Nantes. Son chauffeur eut la vie sauve mais Coquelin laissait une veuve et un fils de 13 ans. Les obsèques furent particulièrement émouvantes avec les mécaniciens en tenue de travail, mais en gants blancs, tandis que sifflaient continuellement les machines du dépôt. Paris-Match, qui à bien des égards pouvait alors être considéré comme L’Illustration des années d’après guerre, consacra six grandes pages à l’événement dans son numéro du 23 novembre 1957, insistant tout particulièrement « sur le courage que les gens du rail savent pousser jusqu’au sacrifice ». La légion d’honneur ornait le cercueil de Jean Coquelin. Nostalgie, nostalgie !

Après 1945, la disparition programmée de la locomotive à vapeur devait entraîner de facto celle de la profession de mécanicien et de chauffeur. Au tournant des années 19501960, ceux qui n’avaient pas encore fait valoir leur droit à la retraite s’acheminèrent vers la conversion à la traction électrique ou diesel. Il n’y a rien là qui soit fait pour étonner, mais cette situation nouvelle à la fois technique et humaine déclencha en retour un énorme mouvement de nostalgie visant à associer la

locomotive à vapeur avec une sorte de « bon temps » à jamais disparu et les mécaniciens à des hommes comme on n’en fera plus. Ici, encore une fois, c’est la littérature qui en tira parti. Des récits professionnels d’Etienne Cattin aux contes de Roger Ferlet, en passant par les fresques poétiques de Maurice Maillet, c’est à nouveau une tentative d’héroïsation d’une profession disparue qui est à l’oeuvre. Qu’il s’agisse du célèbre « Rat Blanc » du premier, des mécaniciens facétieux du deuxième ou encore des êtres d’exception du troisième, tous vont à leur façon contribuer à cet élan d’amour vers la locomotive à vapeur, alors qu’elle est déjà virtuellement morte. Le cas de Maillet, sorte d’Alain-Fournier de la vapeur et de ses serviteurs, est exemplaire. Il semble évident que cette littérature va puissamment contribuer au renouveau d’amour envers la locomotive à vapeur, surtout de la part de la génération née après 1945, autrement dit celle amenée à la connaître dans son enfance puis la voir disparaître avec regret à l’âge adulte.

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Voir en couverture. Vapeur … hommes et machines, Éditions N.M. (La Vie du rail), Paris, 1974, p. 70. Sur les autobiographies professionnelles, en particulier des mécaniciens, voir « Parler de soi, écrire sa vie au travail : la pratique autobiographique des cheminots », Revue d’histoire des chemins de fer, 44 (2011/1), en ligne sur la plateforme OpenEdition : https://rhcf.revues.org/1583. 11

En guise de conclusion

Ce catalogue de faits nous a permis de comprendre combien les mécaniciens de locomotive ne constituaient pas des ouvriers d’exception parmi ceux exerçant des travaux de force, mais appartenaient plutôt à une sorte de chevalerie ouvrière avec ses us et coutumes, ses rites d’initiation, ses codes sociaux et sa forte culture d’entreprise caractéristique des métiers difficiles. C’est ce qui faisait dire à Maurice Maillet, dans Sénateurs et Reines de Tours, à propos de ses amis mécaniciens des Pacific Chapelon de Tours, sans doute avec un peu d’exagération : « Ces hommes ne sont pas des êtres qui se livrent, ils ne s’épanchent qu’entre eux et auprès de ceux qu’ils considèrent comme les leurs11. » En dépit d’un évident steam revival, ce monde à totalement disparu et appartient désormais à l’histoire.

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La genèse des liaisons sans transbordement à la frontière francoespagnole, 1912-1951 Bruno Carrière

Si la connexion des LGV françaises et espagnoles permet depuis 2013 la circulation des trains de part et d’autre de la frontière sans intervention mécanique sur les matériels, la différence d’écartement des rails entre les deux pays resta longtemps un obstacle aux échanges. Le changement des essieux au passage de chantiers spécialisés a été la première solution adoptée. Jusque dans l’immédiat après-guerre, tout le trafic ferroviaire de voyageurs et de marchandises entre la péninsule ibérique et la France et au-delà faisait l’objet d’un transbordement à la frontière franco-espagnole en raison de la différence d’écartement des rails1. Ce transbordement s’effectuait dans les gares d’Hendaye, La Tour de Carol et Cerbère dans le sens Espagne-France, et dans les gares d’Irun, Puigcerdá et Portbou dans le sens France-Espagne, ou encore dans la gare internationale de Canfranc établie en territoire espagnol.

tion (agrumes, fruits, légumes, vin, etc.) ; produits fabriqués et biens d’équipement à l’importation (machines, matériel électrique et de transport, produits chimiques et engrais, etc.). Ces deux chantiers étaient la concrétisation d’une volonté née à la fin du XIXe siècle mais qui, en butte à des oppositions administratives et des problèmes techniques, n’avait jamais pu réellement s’imposer. Quelques rares essais ont pourtant été menés. Ils n’ont laissé malheureusement que peu de traces.

En 1951, l’ouverture, à quelques mois d’intervalle, en gare d’Hendaye (24 janvier) et en gare de Cerbère (15 mai), de deux chantiers permettant un échange simple et rapide des essieux des wagons autorisa de façon durable le transit sans transbordement de certaines marchandises : produits agricoles à l’exporta1

Écartements de 1,435 m en France, de 1,674 m en Espagne et de 1,664 m au Portugal (progressivement unifié à 1,668 m pour ces deux derniers dans les années 1980).

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La maison J. Leinkauf inaugura en 1912 les premiers échanges sans transbordement entre la France et le Portugal.

Vues du chantier Leinkauf dédié au changement des essieux de ses wagons à Irun.

À notre connaissance, la première démarche en ce sens est à mettre à l’actif de la Compagnie internationale des wagons-lits (CIWL). Georges Nagelmackers, son fondateur, en fait l’annonce à son assemblée générale du 11 mars 1884 : « … Nous avons à l’étude un autre grand train international qui, partant de Saint-Pétersbourg, traversera Berlin, Paris et Madrid pour correspondre à Lisbonne avec les paquebots de l’Amérique du Sud. Des appareils spéciaux permettront de changer en quelques minutes les bogies, afin que notre matériel puisse passer des voies françaises ou allemandes sur les voies plus larges de la Russie et de l’Espagne ; une section du train sera détachée à Liège pour traverser Bruxelles et correspondre à Calais avec les bateaux de Londres. Ce train portera le nom de «NordSud-Express», reliant entre elles sept capitales, réduisant de vingt heures le trajet de Paris à Saint-Pétersbourg, permettant aux voyageurs, sans changer de voiture, d’aller s’embarquer à Lisbonne en quittant Berlin trois jours plus tard que les voyageurs qui auraient à s’embarquer au Havre. » La petite histoire veut que Georges Nagelmackers ait personnellement étudié les dispositifs spéciaux liés au changement des essieux. Le « Nord-Sud-Express » ne vit malheureusement jamais le jour. Et si l’échec fut compensé ultérieurement par la création du « SudExpress » Paris-Madrid-Lisbonne en 1887 et par celle du « Nord-Express » Paris-BerlinSaint-Pétersbourg en 1896, de changement

d’essieux aux frontières il ne fut plus question. De quoi frustrer leur clientèle, à l’exemple de H. A. qui, signataire dans le Journal des débats du 28 octobre 1887 d’un récit de voyage (« Promenades en Espagne. I-De Paris à Lisbonne »), ne cache pas son désappointement : « À Irun, notre première station d’Espagne, il faut changer de train : les rails, en effet, n’ont pas le même écartement qu’en France. Mais nous trouvons, sur la nouvelle voie, un autre Sud-Express exactement semblable au premier. Nos places sont marquées et le personnel des sleeping-cars opère le transbordement des bagages qui sont visités par la douane. Comme le Sud-Express fait paraître cet usage barbare ! Quoi, nous n’avons quitté Paris que depuis douze heures, nous faisons une petite promenade d’agrément, et il faut se voir entraver par de telles formalités ! Quel argument en faveur du libre-échange ! » Il faut attendre 1969 et le train de nuit « Puerta del Sol » pour éviter aux voyageurs couchés un transbordement à la frontière par un changement de bogies à Hendaye. Cette même année, à l’autre bout de la chaîne des Pyrénées, le TEE « Catalan Talgo » Barcelone-Genève inaugure à Port-Bou une nouvelle technique qui repose sur un changement automatique d’écartement des essieux. Ce dernier dispositif est étendu en 1974 au train de nuit « Barcelona Talgo » Paris-Barcelone puis en 1981 au train de nuit « Paris-Madrid Talgo »2. Tous ces 2

Rebaptisés Trenhotel Joan Miró et Francisco de Goya en 1991.

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trains disparaissent avec l’inauguration, le 15 décembre 2013, des liaisons à grande vitesse Paris-Barcelone-Madrid assurées par des TGV et des AVE (LGV à écartement standard de part et d’autre de la frontière). Mais revenons au trafic des marchandises à qui l’on doit les premières expériences visant à se jouer des écartements par un changement des essieux. Le premier chantier est ouvert à cet effet en 1912, en gare d’Irun. Techniquement, il s’inspire du système Breidsprecher en usage depuis quelques années à la frontière entre la Russie d’une part, l’Allemagne et l’Autriche d’autre part. Lors du IIIe Congrès international du froid, tenu à Washington et Chicago en septembre 1913, A. Charron, sous-chef de l’Exploitation des Chemins de fer du Midi, disserte sur les « Moyens pratiques de faire passer des wagons réfrigérants sur des voies à écartement différents ». Son propos porte essentiellement sur les dispositions adoptées depuis peu à Irun : « Dans cette gare, une voie espagnole s’engage, par une pente légère, dans une fosse où elle se termine en cul-de-sac ; sur l’autre pente de la fosse est établie, dans les mêmes conditions, une voie française dont l’axe est dans le prolongement de celui de la voie espagnole. La méthode consiste à changer les essieux dans cette fosse. »

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L’opération « est des plus simples et ne dure que 5 minutes »3. Précisons que le changement des essieux n’est pas la seule solution. En Espagne, on opère déjà le décalage manuel des roues et un officier de marine brésilien revendique même la paternité d’un système d’écartement automatique des dites roues4. L’objet du chantier d’Irun est la création d’un passage sans transbordement des denrées en transit entre la France et le Portugal afin de réduire autant que possible les formalités douanières au passage des frontières espagnole et portugaise. Jusqu’en 1912, les marchandises subissaient entre Paris et Lisbonne pas moins de cinq visites successives de douane et, par suite, cinq manutentions, à Hendaye, Irun, Fuentos-d’Onoro, Villarformosa et Lisbonne. Désormais, l’ensemble des formalités se fait en gare d’Ivry. En 1914, une publicité des Chemins de fer portugais publiée en France par voie de presse précise que le les expéditions sont « rendues en 7 jours, en petite vitesse de Paris à Lisbonne sans manutentions ni visites des douanes intermédiaires ». L’importante maison de transports Leinkauf, qui représente en Espagne et au Portugal les Compagnies du Midi et d’Orléans, sert d’intermédiaire ; elle est propriétaire du chantier et des wagons.

Dans une étude publiée en 1921, Richard Bloch, ingénieur en chef de l’Exploitation du Paris-Orléans, aborde la question des « Réseaux à voies de largeurs différentes », ce qui l’amène à évoquer les wagons à essieux interchangeables et, notamment, l’expérience menée à Irun depuis 1912 et brutalement interrompue deux ans plus tard par la guerre5. Il insiste en particulier sur l’impossibilité d’établir avec l’Espagne un système analogue à celui mis en place avec le Portugal par suite de l’inexistence de services de douane dans les principales villes espagnoles (une exception en Europe) ; une lacune qui imposait un arrêt prolongé en gare d’Irun où se concentraient les opérations de contrôle des marchandises à destination des dites villes. Un autre problème, et non des moindres, avait été d’obtenir des autorités franco-espagnoles l’autorisation d’utiliser les wagons des transports Leinkauf réexpédiés à vide depuis le Portugal. En effet, la convention de 1864, qui réglait l’usage des voies ferrées dans les deux gares frontière d’Hendaye et d’Irun, imposait aux wagons chargés en provenance de la péninsule ibérique de poursuivre leur route par la voie large jusqu’à Hendaye, sans possibilité donc d’utiliser le chantier d’Irun6. D’où l’ambition, vite abandonnée, d’établir un second chantier à Hendaye. Enfin, au terme d’âpres négociations, un accord avait été trouvé autorisant les wagons chargés en provenance du Portugal à changer leurs essieux à Irun ; accord cependant limité à une période d’essais devant prendre fin le 1er décembre 1914. En définitive, appliquée au printemps de cette même année, cette dérogation temporaire aux règles prit prématurément fin avec la déclaration de guerre.

Wagon à essieux interchangeables de la Semat, alliée de Transfesa depuis 1947.

La paix revenue, le fonds de commerce des transports Leinkauf est repris en 1921 par la société V. Duboc. Domiciliée à Paris, elle est représentée au Portugal par deux agences implantées à Lisbonne et à Porto. La crise met fin à ses activités de transit en 1928. Deux ans plus tard, une nouvelle venue, la Société francoespagnole de commerce et de transport, loue six wagons à la maison Duboc, les aménage avec double plancher pour le transport des oranges, mais renonce vite faute de résultats satisfaisants. Signalons ici que, en 1931, la solution des essieux interchangeables est officiellement retenue comme la seule possible, conformément à la fiche n° 76 de l’Union internationale des chemins de fer (UIC) qui réglemente le « passage des wagons à marchandises d’un pays à un autre, ayant un écartement de voie différent, au moyen d’un simple changement d’essieux au point de transit ». Cette prescription condamne les procédés visant à décaler longitudinalement les roues sur chaque essieu pour régler automatiquement leur écartement aux distances voulues, à l’exemple du dispositif de la Société industrielle suisse de Neuhausen décrit par Le Génie civil du 6 décembre 1909.

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Résumé de la communication d’A. Charron paru dans Le Génie civil du 14 février 1914. A. Charron précise que le chantier est en service depuis le mois d’avril 1912. Quelques rares entrefilets dans la presse optent pour le mois de septembre. 4 Auguste Pawlowski, « Le Transport des denrées périssables », Le Journal des transports, 17 décembre 1910.

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Richard Bloch, Questions de chemin de fer : études commerciales, avec un appendice sur la situation générale des chemins de fer, Paris, Eyrolles, 1921, p. 84. 6 Dans le sens France-Espagne, voie normale française jusqu’à Irun où transbordement. Dans le sens Espagne-France, voie large jusqu’à Hendaye où transbordement. Seuls les wagons vides en retour (sens Espagne-France) sont autorisés à emprunter la voie normale entre Irun et Hendaye.

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Dans sa thèse consacrée à Cerbère et Port-Bou, Jean-Louis Deyris révèle que, de cet autre côté des Pyrénées, des expériences similaires avaient été aussi amorcées7. Une fosse avait été ainsi aménagée à Cerbère à la demande de la société P. Berneau. Créée en 1897, cette entreprise, devenue par la suite la Compagnie internationale des wagons citernes, était spécialisée, comme son nom l’indique, dans le transport des liquides. Freinée dans son développement par des conflits larvés avec les grands réseaux qui immobilisent une partie de sa flotte, elle disparait en 1914. Le relais est pris par l’entreprise Les Transports spéciaux industriels et ses wagons « transmissibles ». Celle-ci obtient en 1936 l’autorisation et une subvention des autorités espagnoles pour l’aménagement d’une structure adéquate, et annonce en 1940 la construction de trente wagons pour le transport de vins entre l’Espagne, la France et la Suisse. Mais, si en novembre 1941 une correspondance fait encore état de la création « sous peu » de l’installation prévue, en mars 1942 l’ingénieur en chef de l’Exploitation de la MZA dit tout ignorer du projet.

1943, de la société Transfesa, 140 wagons à bogies sont commandés à l’Allemagne, livrés de mai à décembre de cette même année. Acheminés à travers la France, leur passage à la voie large s’effectue à Irun, l’ancien chantier dédié au changement des essieux étant réactivé pour l’occasion. Employés au transport du bétail sur pied, mais aussi aux divers autres produits alimentaires de première nécessité (viande, blé, farine, sucre, huile, etc.), ces wagons entrent dans la formation de trains rapides dont la particularité est d’être traités en priorité, leur circulation primant même sur celle des convois de voyageurs.

C’est à cette même époque que se développe la société Transfesa (Transportes Ferroviarios Especiales S.A.) à l’initiative de José Fernandez Lopez. En charge, entre autres, des abattoirs de Lérida, celui-ci réfléchit dès 1935 à l’emploi de wagons de grande capacité pour le transport du bétail. Il s’agissait alors de répondre aux revendications des éleveurs qui, exaspérés par les lenteurs des chemins de fer espagnols, menaçaient de s’en remettre à la route. Si la guerre civile met un frein à ses ambitions, la désorganisation durable des transports qui s’en est suivie, aggravée par les pénuries nées du conflit mondial, l’incite à rouvrir le dossier. Avant même la fondation officielle, le 2 juin

En 1937, J. F. Lopez avait également envisagé la possibilité d’étendre les activités de sa future société à l’exportation de fruits et légumes à travers toute l’Europe grâce à un matériel spécifique doté d’essieux interchangeables. La fin de la guerre en permet la résurgence. La mise au point des wagons est confiée à la Semat (Sociedad de Estudios y Explotación de Material Auxiliar de Transportes, S.A / Société d’études et d’exploitation de matériel auxiliaire de transport) - société créée à Madrid le 12 décembre 1942 par l’ingénieur civil Federico Reparaz avec pour but l’étude et l’exploitation de containers et de wagons à essieux interchangeables, pour les transports interna-

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tionaux. Transfesa conclut avec elle en 1947 un accord aux termes duquel elle se charge de l’exploitation de l’ensemble du parc de wagons à essieux interchangeables. En 1948, année de la réouverture de la frontière franco-espagnole, le parc compte 40 wagons couverts proches du type F utilisé par la SNCF pour transporter les primeurs : 30 sont la propriété de la Semat (construits par la CAF/Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles) et 10 de Tranfesa8. Un premier essai de train chargé d’agrumes est effectué en 1949 en recourant une nouvelle fois aux anciennes installations d’Irun. L’opération, trop longue, tourne au fiasco et la marchandise doit être jetée. La nécessité de construire un nouveau chantier plus moderne s’impose. En définitive, ce n’est pas un, mais deux chantiers qui sont ouverts en 1951 à Hendaye et Cerbère comme indiqué plus haut9. Les deux installations sont identiques. Ici, plus de fosse, mais une plateforme le long de laquelle sont disposés deux groupes de quatre vérins électriques qui permettent le travail simultané sur deux wagons. Une fois les caisses soulevées, les essieux, garés de part et d’autre de la plateforme d’échange, sont amenés à pied d’œuvre par deux palans électriques à monorail (un par type d’essieux) et glissés sous les caisses. Que les wagons soient traités individuellement ou par deux, la manœuvre demande dix minutes entre le moment de leur entrée et de leur sortie. Le 24 janvier 1951, 12 wagons chargés de 15 tonnes d’oranges franchissent la frontière sans transbordement. Expédiés de la région de Va-

Vues du chantier d’Hendaye en 1951.

lencia dans la soirée du 22 janvier 1951, ils arrivent à Paris-Tolbiac le 25 janvier ayant effectué le parcours Valencia-Paris, soit 1 500 km environ, en un peu plus de soixante heures 10. Le succès de ce premier voyage est confirmé par les envois ultérieurs sur Paris mais également vers Bruxelles et divers centres français tels que Lille, Bordeaux, Toulouse, etc. Et bientôt apparaissent de nouveaux matériels compatibles : wagons réfrigérants et wagons à gabarit anglais (moins généreux que le gabarit européen). Il n’est pas besoin d’insister sur le succès, non démenti depuis, de ce chantier et de celui, voisin, de Cerbère, pour le développement desquels d’importants investissements ont été consentis ces dernières années. Il est regrettable que leur histoire se limite trop souvent aux premiers pas de Transfesa. Les premières initiatives visant au changement des essieux à la frontière franco-espagnole reste encore trop méconnues, elles mériteraient qu’on s’y intéresse de plus près11.

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Jean-Louis Deyris, « Deux sociétés villageoises constituées autour de deux discontinuités entre la France et l’Espagne : Cerbère et Portbou ou le paradigme de la rupture de charge », Université Aix-Marseille II, 1991, p. 388 et suivantes. 8 Résolument tournée vers le transport de marchandises, la Semat est aujourd’hui une filiale de Transfesa. 9 La Renfe restant sourde au projet de Transfesa, c’est la SNCF qui permit sa concrétisation par la cession des terrains nécessaires aux chantiers et une participation de 50 % à leur construction. 10 Voir la Revue générale des chemins de fer d’août 1951, Notre Métier n° 288 du 26 février 1951, Chemins de fer n° 196 de janvier-février 1956. 11 Cet article m’a été inspiré par une démarche faite auprès de Rails et histoire par un correspondant portugais, Alberico Joao Duarte, qui s’est donné pour mission d’explorer la question plus à fond. Sa quête a donné lieu à plusieurs échanges sur les forums “Les Trains de l’Histoire” (http://histoire.trains-en-vadrouille.com/) et “LR Presse Forum” (http://forum.e-train.fr).

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Les faïences fines comme illustration des premiers chemins de fer en France Première partie : les assiettes de la manufacture de faïence fine d’Hippolyte Boulenger à Choisy Joseph-Jean Paques, Montréal, Québec

(figure 6)

(figure 7)

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L’industrialisation de la production de produits de céramique1 a contribué à abaisser le coût de leur production et, donc, à augmenter leur diffusion et leur usage, surtout dans les milieux favorisés qui ont profité de ces développements. De nombreuses manufactures de faïence se sont créées en France dès le début du XIXe siècle, avec pour corollaire une production en série qui a su profiter de la technique du transfert d’images à partir de la gravure sur cuivre (voir encadré en fin d’article). Au-delà des images traditionnelles empruntées à l’art ou à l’histoire, certaines illustrations reflétaient l’actualité politique, artistique ou industrielle de leur temps. C’est ainsi qu’a commencé la production de faïences illustrant les chemins de fer. Nous allons examiner ici la plupart des productions de faïences mises sur le marché entre 1844 et 1852, donc contemporaines des premiers chemins de fer en France.

À notre connaissance, rares sont les céramiques arborant une image à caractère ferroviaire obtenue par un procédé manuel, peinture ou pochoir. La Cité du Train conserve ainsi une assiette peinte (figure 1), et le musée de la ville de Mulhouse une pièce dont le dessin a été probablement exécuté au pochoir (figure 2).

(figure 1)

(figure 2)

1

Le terme de céramique regroupe les différents produits obtenus à partir de terres cuites tels que faïence, faïence fine, porcelaine, terre de fer et autres terres cuites qui ont été obtenues soit manuellement soit par un procédé industriel plus ou moins mécanisé. Nous utiliserons ce terme de façon générale sauf s’il s’agit d’un type particulier et bien identifié. On trouvera une description détaillée des différentes céramiques dans : Dorothée Guillemé-Brulon, « Les diverses céramiques, définitions, origines, compositions, techniques », Les Dossiers de la faïence fine, n° 2, juillet 1995, 6 p.

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On remarquera que les deux représentations sont très proches. Qui a copié qui ? On aurait aimé pouvoir affirmer qu’elles ont été inspirées par la première ligne alsacienne de Mulhouse et Thann ouverte le 12 septembre 18392. Cependant, force est d’admettre que les similitudes – notamment la position de la soupape de sécurité – avec les nombreuses illustrations publiées en Allemagne à l’occasion de l’inauguration du chemin de fer de Nuremberg à Fürth le 7 décembre 1835 (figure 3) laissent planer un doute quant à l’origine de ces deux assiettes, qui pourraient aussi bien avoir été produites outre-Rhin entre 1835 et 1840. À la suite de l’ouverture des lignes de chemins de fer de Paris à Orléans et de Paris à Rouen en 1843, les grandes manufactures de faïence fine, comme celles d’Hippolyte Boulenger à Choisy ou de Guyon de Boulen & Cie à Gien, ont commencé à exécuter en série des assiettes à thème ferroviaire en suivant la pratique des assiettes dites alors « parlantes ». Elles obéissaient aux critères de production de l’époque, à savoir des pièces de dimension moyenne (20 à 22 cm de diamètre), déclinées en lots de douze unités illustrées chacune de façon différente autour d’un même thème.

D’autres accessoires de table à thème ferroviaire ont aussi été proposés, comme cette tasse à thé ou à café (figure 4) produite par la manufacture Guyon de Boulen & Cie dont on peut parfaitement imaginer qu’elle faisait partie d’un service complet avec tasses, soucoupes, théière ou cafetière, pot à lait et sucrier, autant de pièces décorées sur le même thème. Ce qui n’aurait rien d’étonnant si l’on se réfère au service produit en Angleterre pour les Pays-Bas, à l’occasion peut-être de l’ouverture, le 28 septembre 1839, du « Haarlemmerspoorweg », le premier chemin de fer hollandais entre Amsterdam et Haarlem3. On notera ici que si la représentation du débarcadère d’Orléans avec ses quatre travées et son œil de boeuf correspond à la réalité, il n’en est pas de même de celles du train et du décor qui sont sans lien avec ce que les gravures d’époque nous rapportent. Produite vers 1844 (ou postérieurement), la série d’assiettes à thème ferroviaire de la manufacture de faïence fine d’Hippolyte Boulenger à Choisy est, à l’inverse des productions artisanales qui sont ses contemporaines, formellement identifiable grâce à la marque de fabrique « B&H, Manufacture de porcelaine de Choisy », utilisée de 1836 à 1863 par cette manufacture (figure 5).

La source des illustrations des assiettes a été très facile à identifier. Pour les six premières, il s’agit de l’opuscule de quatre pages Programme itinéraire. Chemin de fer de Paris à Rouen publié à l’occasion de l’ouverture, le 3 mai 1843, de la ligne de Paris à Rouen et dont certaines illustrations ont été reproduites presque à l’identique sur les assiettes4. La juxtaposition d’une de ces gravures et de l’assiette correspondante qui en est le reflet le prouve (figures 6 et 7, page 28). Ces assiettes sont assez connues et pour certaines visibles dans des musées, comme à la Cité du Train à Mulhouse ou au Musée national de la voiture et du tourisme à Compiègne. S’il est parfois difficile, aujourd’hui, de retrouver sur le terrain les lieux qui ont inspiré la plupart de ces assiettes, le site de l’entrée du tunnel de Rolleboise, lui, n’a subi que peu de modifications, même si, comme bien souvent, le développement de la végétation cache maintenant la vision directe sur la route qui longe la Seine et sur la Seine elle-même (figures 8 et 9).

(figure 3) (figure 5)

(figure 4) (figure 9)

(figure 8)

L’assiette n° 5, Un pont sur la Seine (figure 10), est un exemple de la difficulté que nous rencontrons parfois pour localiser précisément les sites représentés. Le dessin de cette assiette est inspiré de façon assez libre de la gravure qui illustre l’en-tête du Programme-itinéraire. Chemin de fer de Paris à Rouen (figure 11), et que n’accompagne aucune précision sur son origine géographique. On aurait pu penser au pont de Suresnes, sauf que la tour du sémaphore Chappe que l’on aperçoit en arrièreplan à gauche pose un problème. En effet, la seule installation de ce type située à proximité est celle du Mont Valérien et ne peut donc apparaître sous cette perspective.

2

Voir Joseph-Jean Paques, « Les premiers chemins de fer en France à travers des illustrations d’époque. Deuxième épisode : L’Alsace s’organise aussi en 1839 (2/2) », Les Rails de l’histoire, n° 7, novembre 2014, p. 26-33. 3 M.A. Asselberghs, Versied verslag van de lotgevallen van de Stoomlocomotie, De Bezige, Pays-Bas, 1959, 226 p. 4 Jules Janin, Programme-itinéraire. Chemin de fer de Paris à Rouen, Paris, E. Bourdin, mai 1843, 4 p.

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Sujet

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Illustration imprimée

Embarcadère de Paris

image 4, page 1

Poissy

image 1, page 2

Vernon

image 8, page 2

Tunnel de Rolleboise

image 5, page 2

Un pont sur la Seine

en-tête, page 1

Rouen

image 6, page 3

(figure 10)

est à rapprocher de la lithographie correspondante (figures 12 et 13). Signalons cependant que, dans le cas de ces six assiettes, il ne s’agit plus d’une simple copie de dessin. En effet, à partir d’une lithographie, il faut préparer une gravure sur une plaque de cuivre dont le dessin doit s’accommoder dans un cercle. On peut par ailleurs constater que l’artiste a effectué des compressions et des coupures par rapport aux lithographies. Cela est particulièrement visible sur l’assiette n° 12, Ateliers et débarcadère à Orléans, qui gomme la cathédrale (partie gauche de la lithographie correspondante) pour ne conserver que les installations ferroviaires proprement dites (figures 14 et 15). L’image originelle reste toutefois parfaitement reconnaissable.

Tableau 1 : Correspondance entre les assiettes de Choisy du chemin de fer de Paris à Rouen (n° 1 à 6) avec les illustrations du Programme-itinéraire. Chemin de fer de Paris à Rouen. Assiettes Sujet

Illustration imprimée

Tableau 2 : Correspondance entre les assiettes de Choisy du chemin de fer de Paris à Orléans (n° 7 à 12) avec les illustrations de l’album de Champin sur ce chemin de fer.

Illustration imprimée

Assiettes Sujet

n° 1 Embarcadère de Paris

image 4, page 1

n° 7 Viaduc à Choisy-le-Roy

chapitre 4

n° 2 Poissy

image 1, page 2

n° 3 Vernon

image 8, page 2

d’Evry et parc n° 8 Village du Petit Bourg

chapitre 9

n° 4 Tunnel de Rolleboise

image 5, page 2

à Juvisy sous la route n° 9 Passage royale de Paris à Fontainebleau

chapitre 2

n° 5 Un pont sur la Seine

en-tête, page 1

n° 6 Rouen

image 6, page 3

n° 10 Étampes

chapitre 11

n° 11 Viaduc de la rivière d’Yvette

chapitre 10

n° 12 Atelier et débarcadère à Orléans

chapitre 3

(figure 11)

Les illustrations des six autres assiettes produites à Choisy se rapportent à la ligne de Paris à Orléans dont l’inauguration, le 2 mai 1843, a précédé d’une journée celle de la ligne de Paris à Rouen. Elles ont pour source d’inspiration les lithographies commandées à Jean-Jacques Champin par la compagnie exploitante et publiées sous la forme d’un magnifique album en 18455. À titre d’exemple, l’assiette n°  7, Viaduc à Choisy-le-Roy,

(figure 14)

(figure 15) 5

(figure 12)

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(figure 13)

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Jean-Jacques Champin (lithographies) et Salvador Tuffet (texte), Paris-Orléans ou parcours pittoresque du chemin de fer de Paris à Orléans. Publié sous les auspices de M. F. Bartholony président du conseil d’administration du chemin de fer de Paris à Orléans. Paysages, sites, monuments, aspects de localités choisies parmi ce qu’il y a de plus remarquables sur tout le trajet, Paris, 1845, 124 p. [60 vignettes, 50 planches lithographiées].

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La technique de décoration des céramiques par transfert imprimé Inventée en Angleterre au milieu du XVIIIe siècle, la technique de l’impression dans les manufactures de céramique semble avoir été introduite en France vers les années 17806. Cette technique consiste à imprimer, à l’aide d’une plaque de cuivre gravée, un motif sur une feuille de papier mince et à plaquer cette feuille encore imbibée d’encre humide sur un « biscuit » de faïence. Le biscuit est le résultat d’une première cuisson de la pièce qui a été préparée auparavant à partir d’une pâte argileuse et formée dans un moule. Le motif s’incruste alors à la surface de ce « biscuit » et la feuille est retirée délicatement après trempage. Une deuxième cuisson, après avoir appliqué une couche mince d’émail sur la pièce, permettra de fixer le dessin à la surface de l’assiette et d’assurer son étanchéité. Comme la feuille imprimée est obtenue à partir d’une plaque de cuivre gravée, on peut donc imprimer beaucoup de copies du même dessin et produire des assiettes identiques en série. On estime que 200 à 250 assiettes peuvent être décorées journellement par une ouvrière en 1820-1830. Les pièces de céramiques ainsi décorées peuvent prendre des formes très diverses. Ce sont principalement des assiettes dites « parlantes », souvent produites en séries de douze, des services de table, des services à café ou à thé, des pichets, des encriers, des sucriers ou tout autre accessoire de la vie courante fabriqué en céramique. Les thèmes des illustrations sont multiples : portraits de personnages, paysages antiques et modernes d’Italie ou de France, vues de monuments, illustrations inspirées d’oeuvres littéraires, scènes militaires, etc. Les sujets d’actualité, dont font partie les chemins de fer, occupent aussi une place non négligeable. À noter que, si les scènes ferroviaires des assiettes parlantes ont trait principalement à des paysages entre 1844 et 1851, c’est l’aspect satirique qui sera retenu plus tard. 6

Christian Maire, « L’impression sur faïence fine, Histoire-Technique-Iconographie », Les Dossiers de la faïence fine, n° 11, juin 2001, révision février 2007, 7 p.

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Le Musée des transports de Pithiviers souffle ses 50 bougies Né en 1966 à l’initiative de deux associations d’amateurs – la FACS et l’AMTUIR – sensibilisées à la disparition rapide des lignes de chemin de fer secondaires et de tramways, le « musée vivant » de Pithiviers est le premier exemple en France du sauvetage et de l’exploitation touristique d’une ancienne ligne d’intérêt local. Retour sur les prémices de sa création et les résultats de sa première année d’exploitation. Fin novembre 1964, tandis que l’AMTUIR (Association pour le musée des transports urbains, interurbains et ruraux fondée en 1957) est confrontée aux incertitudes qui pèsent sur le déménagement de ses collections réunies pour l’heure dans le dépôt RATP de Malakoff1, la nouvelle tombe de la fermeture brutale, fixée au 31 décembre, du Tramway de Pithiviers à Toury (TPT), dernière ligne à voie de 0,60 m encore en activité en France. Toujours exploité en traction vapeur pour le trafic des betteraves, le réseau est la victime de la décision des sociétés sucrières de Pithiviers-leBel et de Toury (qui lui apportaient 95 % de ses recettes) de recourir désormais à la route, victime aussi de la vétusté de ses infrastructures et de ses matériels roulants. L’émoi est tout aussi grand à la FACS (Fédération des amis des chemins de fer secondaires, également créée en 1957) qui, inspirée par son président, René Hulot, se préoccupe de sauver 1

La menace est momentanément écartée en 1966. Le déménagement à Saint-Mandé n’intervient qu’en 1973 pour une réouverture au public le 9 mai 1976.

quelques-uns des matériels les plus représentatifs du réseau. Mais se pose d’emblée la question de leur point de chute, la FACS ne disposant pas de structures propres pouvant les abriter. Contact est donc pris avec l’AMTUIR qui, par le passé, avait déjà accepté d’accueillir plusieurs de ces pièces à Malakoff. La démarche était d’autant plus aisée que Hulot figurait aussi au nombre des administrateurs de l’AMTUIR. La position de l’AMTUIR, alors présidée par Jean Robert, est délicate. Déjà à l’étroit à Malakoff, et sous la menace d’une mesure d’expulsion, elle doute de pouvoir donner satisfaction à la FACS. Hulot émet alors l’idée, aussitôt partagée par Robert, d’occuper l’ancien dépôt TPT de Pithiviers et d’y organiser un « musée vivant » qui exploiterait dans un but touristique une petite partie de l’ancien réseau. La FACS y trouverait la solution à son problème, et l’AMTUIR la possibilité de délocaliser une partie de ses collections en dépit de l’éloignement de Paris (80 km) et d’une desserte insuffisante par la SNCF.

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PATRIMOINE

Hulot approche sans plus attendre les autorités du département du Loiret sous le couvert de l’AMTUIR, ainsi qu’il s’en explique le 20 février 1965 à l’occasion de l’assemblée générale de la FACS : « Quelques demandes de cession de matériel sont faite au nom de l’AMTUIR, la raison est qu’il est plus logique de demander des Administrations et des Départements la cession d’un matériel historique, au nom d’un musée, qu’au nom d’une association d’amateurs. La FACS participe, bien entendu, soit financièrement, soit matériellement, à ces travaux de sauvetage. » Le choix initial de la FACS portait sur neuf matériels : - la 030T n° 3-5, acquise en 1924, construite en 1902 par les Ateliers du Nord de la France à Blanc-Misseron pour le compte du tramway de Paramé à Rhoténeuf (ex-n° 4 Le Minihic) ; - la 040T n° 4-12 construite par la Société Franco-Belge à Raismes en 1944 ; - une 020 + 020T acquise en 1917, construite par Köppel en 1905 (en dépôt à Belfort) ; - l’automotrice pétroléo-électrique AT 1 construite par la maison Crochat en 1922 ; - deux wagons à essieux Decauville ; - trois wagons à bogies type Pershing. Lors de sa séance d’avril 1965, le conseil général du Loiret donne son accord à la cession à l’AMTUIR, moyennant le paiement du franc symbolique, des deux locomotives 030T et 040T, de l’automotrice Crochat et de deux fourgons (un à essieux et un à bogies). À ces premiers locataires du musée, il faut adjoindre la 030T Decauville de 1928 qui, rachetée par M. Baroudel sur ses propres deniers à la sucrerie de Toury, y a également trouvé refuge.

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En réponse à des demandes de la FACS, la direction du TPT accepte de programmer, pour le samedi 22 mai, la circulation d’un train d’adieu sur le parcours Pithiviers-Bazoches. Le jour dit, 130 personnes, pour la plupart affiliées à la FACS et à l’AMTUIR, prennent place à bord du convoi tiré par la locomotive 040 n° 4-12 et composé de trois fourgons et de l’automotrice Crochat. Un après-midi de fête ponctué par un discours de Hulot qui en profite pour évoquer la mémoire de PierreArmand Thiébaut, membre de la FACS et conseiller général du Loiret, décédé subitement

trois jours auparavant, qui avait souscrit immédiatement au projet et appuyé énergiquement les démarches de l’AMTUIR. Les négociations pour une installation à Pithiviers se poursuivent. Elles sont d’autant plus délicates qu’elles impliquent trois interlocuteurs : la SNCF, propriétaire des terrains ; le département, propriétaire des bâtiments et du matériel ; le service local des Ponts et Chaussées, responsable de la voie. Les statuts de l’AMTUIR ne lui permettant pas d’exploiter une ligne de chemin de fer, une nouvelle association est créée le 1er janvier 1966, l’AMTP (Association des amis du Musée des transports de Pithiviers)2. Sa présidence échoit temporairement à Hulot, secondé par Maurice Geiger en qualité de trésorier. La finalité de la nouvelle association est de venir épauler l’AMTUIR pratiquement

(bénévoles) et financièrement (cotisations, recettes). L’AMTUIR reste propriétaire du matériel, qu’elle confie à l’AMTP, à charge pour celle-ci d’en assurer l’entretien et de l’utiliser, soit comme élément d’exposition, soit comme matériel d’exploitation. La négociation touche à son terme au printemps 1966. Le service des Ponts et Chaussées accepte la cession de 3,2 km de voie (en accotement de la D 22 de Pithiviers à Ormes), la SNCF consent en avril la location d’une partie des terrains sur lesquels s’élèvent le dépôt et ses annexes destinés à abriter le musée et le matériel réservé à l’exploitation future. L’essentiel de l’autre partie (quai des voyageurs, halle et quai marchandises) est attribué à un industriel local pour la construction d’un silo avec embranchement sur les voies SNCF, le surplus étant laissé à la disposition du service des Ponts et Chaussées. L’AMTUIR hérite donc principalement des bâtiments occupés jusqu’alors par l’entretien des wagons d’une part, le dépôt et les ateliers de l’autre. Construits dans le prolongement l’un de l’autre, les deux bâtiments sont séparés par un troisième local utilisé comme remise et magasins. L’ancien entretien des wagons comporte trois voies dont une de 20 m et deux de 30 m. Il est appelé à recevoir le matériel d’exposition. Le second bâtiment, plus grand, se compose de trois travées contigües d’une quinzaine de mètres de long abritant sept voies parallèles (trois dans chacune des deux travées latérales, une dans la travée centrale) ; certaines de ces voies sont posées sur fosse. Il est logiquement affecté au matériel de l’exploitation future ; il sera interdit au public. L’aménagement des lieux précède de plusieurs semaines la signature des documents d’attri2

Au printemps 1967, « Association pour le musée des transports de Pithiviers » et, à l’été 1967, « Association du musée des transports de Pithiviers », qui conserve le sigle AMTP.

bution officiels. Dès le mois de février, une équipe de volontaires s’attèle à la tâche durant les week-ends, puis, à partir du mois d’avril, presque chaque jour en vue de la journée inaugurale, fixée de longue date au samedi 23 avril, fête patronale de Pithiviers et retenue comme ouverture de la saison. La priorité est donnée à l’agencement dans le hall d’entrée de l’entretien des wagons de panneaux de photos retraçant l’évolution des transports parisiens et des principaux réseaux de chemins de fer secondaires, et à la pose de voies nouvelles en remplacement de celles tombées dans l’escarcelle de l’entreprise voisine. L’entretien des 3 km de voie en bordure de route, en particulier le désherbage de la plateforme, est aussi à l’ordre du jour. Le gros des efforts porte sur le matériel qui a trouvé refuge au dépôt. Deux machines sont en première ligne : la 030T Blanc-Misseron (allumée le 27 février) et la 030T Decauville (allumée le 12 mars). Révisées et entièrement repeintes, elles sont réceptionnées par les Mines en avril. Arrivant à chute de timbre, la 040T Franco-Belge est garée pour l’année. Démarrée le 12 février, l’automotrice Crochat est remise à neuf avec peinture et vernissage extérieur et intérieur. Deux wagons à bogies sont transformés en baladeuses ouvertes type Royan, livrées le 9 avril. L’inauguration du musée a lieu comme prévu le samedi 23 avril 1966 après-midi. Les personnalités locales sont accueillies par Hulot (AMTP) et Robert (AMTUIR). Après la visite de l’exposition photographique, les participants prennent place à bord du « train historique » formé de la 030T Blanc-Misseron, des deux baladeuses (80 places) et d’un fourgon. L’autorail Crochat (29 places dont 12 assises) suit le train officiel à distance. La 030T Decauville maintenue sous pression à Pithiviers est prête à intervenir en cas de nécessité. Sur tout le parcours, le train est convoyé par l’autobus Citroën C6G1 de Lourdes et l’autobus Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

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à impériale de Londres venus tout exprès le matin de Malakoff. Plusieurs automobiles anciennes conduites par des sympathisants du musée achèvent de créer sur la route une vive animation. Un vin d’honneur est servi à Ormes, le terminus.

PATRIMOINE

Des circulations (de 4 ou 5 allers et retours) sont assurées chaque dimanche après-midi jusqu’au 2 octobre. La rame est tractée par l’une ou l’autre des deux locomotives disponibles. Les départs se succèdent toutes les 40 minutes, le temps nécessaire pour effectuer l’aller et retour et la manoeuvre à chaque terminus. Pour améliorer la fréquence, l’autorail Crochat est régulièrement mis en marche, expédié au départ de Pithiviers dix minutes après le train. Au retour, ne comportant qu’un seul poste de conduite, il est attelé à la queue du même train comme simple remorque.

courant qui finit par l’emporter et la décision est prise d’affecter aux transports urbains la majeure partie du bâtiment d’exposition. Le premier locataire est l’autobus Citroën C6G1 de Lourdes, venu pour l’inauguration. Il est suivi le 14 juillet de la motrice 551 à voie normale des tramways urbains de Lille3 et le 3 décembre de la voiture salon du POC (Corrèze) à voie métrique rachetée par la FACS et remise à neuf par la SNCF. Sont attendus un trolleybus Vetra CS 35 de Poitiers, réformé en 1965 et sur lequel l’AMTUIR a pris une option ; la motrice 185 à voie métrique de 1931 des tramways de Strasbourg et l’automotrice De Dion Bouton type JM de 1932 en provenance des Côtes du Nord, toutes deux stationnées pour l’heure à Malakoff ; une remorque parisienne d’Hagondange offerte à l’AMTUIR en 1965 mais non encore enlevée. Côté traction, le parc est renforcé par la réception, le 2 juillet, d’une 130T construite par les ateliers belges de la Meuse (Liège) en 1938 et, le 24 septembre, d’une 030 T construite par la Société métallurgique du Hainaut en 1910 ; le 1er octobre, d’un locotracteur Diesel construit par la firme Gmeinder en 1944. Après essais, ce dernier est le seul reconnu apte à un service immédiat (manœuvres).

Parallèlement, les bénévoles poursuivent les travaux de l’aménagement de l’ancien entretien des wagons destiné aux véhicules historiques. Premier constat, la surface utile et la hauteur sous plafond de 3,80 m ne permettent d’accueillir qu’une quinzaine de véhicules à petit gabarit. Deuxième constat, l’unanimité sur les matériels à exposer n’est toujours pas acquise. La logique voudrait que la priorité soit donnée aux chemins de fer secondaires. Mais certains pensent qu’il serait regrettable de séparer complètement les transports urbains et suburbains, de laisser les premiers à Malakoff et d’installer les seconds à Pithiviers. C’est ce

Le 5 novembre 1966 se tient la première assemblée générale de l’AMTP. L’occasion de dresser le bilan de cette première année d’exploitation. L’association compte 182 membres, dont 27 bienfaiteurs. Les cotisations s’élèvent à 6 905 F et les recettes du musée à 9 880,10 F. Le site a accueilli 4 718 visiteurs (davantage que Malakoff avec ses 3 026 entrées), ce qui donne une moyenne de 148 visiteurs par jour d’ouverture. Le coefficient d’exploitation des trains est de 38 %, ce qui n’incite pas de mettre en route deux trains. La 030T Blanc-Misseron a parcouru 636 km, la 030T Decauville 368 km, l’automotrice Cro-

L’exploitation commence aussitôt après le retour des invités à Pithiviers et se poursuit jusqu’au soir. Elle reprend le lendemain, marquant ainsi le lancement officiel de la saison. L’autobus de Londres regagne Malakoff, à l’inverse de celui de Lourdes qui demeure sur place comme pièce historique.

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Construite en 1905, conservée comme motrice de travaux, elle est offerte à l’AMTUIR par la Compagnie générale industrielle de transports (CGIT) après la fermeture de sa dernière ligne le 29 janvier 1966.

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Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

chat 514 km en traction autonome et 412 km en remorque. Suit l’élection des candidats au conseil d’administration, sachant que les présidents de l’AMTUIR (Robert) et de l’AMTP (Hulot) sont membres de droit. Sont plébiscités Maurice Geiger, René Tetart, Edmond Duclos et Jacques Claveau. Les administrateurs désignent à leur tour Tetart comme président et Hulot comme vice-président. Nous arrêtons ici notre incursion dans le passé, non sans signaler toutefois l’inauguration, le 18 mai 1969, du prolongement de la ligne depuis Ormes (arrêt en bordure de

route) jusqu’au nouveau terminus de Bellébat (km 3,820), dans un terrain militaire. Notons enfin, qu’en mai 2013, dans le cadre de la rationalisation de ses collections, l’AMTUIR a cédé à l’AMTP, sans contrepartie financière, dix de ses matériels présents à Pithiviers : les locomotives Blanc-Misseron de 1922 et Franco-Belge de 1944, l’automotrice pétroléo-électrique Crochat de 1922, les deux motrices des tramways de Lille à voie normale et de Strasbourg à voie métrique de 1905 et 1931, deux fourgons et trois wagons. Les liens entre la FACS, l’AMTUIR et l’AMTP n’en demeurent pas moins très étroits.

« 1966 - 2016 : 50e anniversaire du Chemin de Fer Touristique de Pithiviers » Forte de l’expérience d’événements passés, telle la célébration du centenaire des tramways du Loiret en 1992, l’association AMTP organisera une grande fête les 10, 11 et 12 juin 2016. Un pré-programme a été établi, qui comprend : • la circulation sur la ligne de quatre locomotives à vapeur du réseau auxquelles viendront s’ajouter une locomotive du Frankfurter Museum et une du Chemin de fer de Rillé (37) et un autorail à voie de 0,60 m ; • des animations de réseaux à vapeur vive ; • des expositions de modélisme ferroviaire ; • la présentation d’une exposition photo et d’un film rétrospectif ; • l’association à un marché du terroir ; • l’émission d’un timbre commémoratif ; • la mise en circulation d’un train costumé le vendredi 10 juin au soir ; • la mise en circulation d’un train de nuit le samedi 11 juin au soir ; • le tirage d’un feu d’artifice le samedi 11 juin au soir. Deux événements connexes devraient permettre de donner un rayonnement particulier à la fête : • la venue de trains spéciaux à vapeur depuis Orléans (la voir unique Les Aubrais-Pithiviers a été récemment rénovée pour le fret) notamment avec le Chemin de Fer Touristique Limousin-Périgord (locomotive 140 C 38), le Train Thur Doller Alsace (Mallet) et le Pacific Vapeur Club (141 TB 24), avec peut-être l’organisation de navettes vapeur ; • l’organisation du 4e Salon du Tourisme ferroviaire de l’UNECTO qui se déroulera sur le site du Terminus de Bellébat. Les projets de l’AMTP pour les années à venir : • aménagement de l’accès aux trains pour les personnes à mobilité réduite (déjà réalisé au Musée) ; • modernisation des conditions de visite du musée ; • rénovation de la voie par le Conseil départemental, son propriétaire ;

• remise en service des locomotives 4-12 Franco-Belge (en 2016), Schneider n° 2 (en 2017) et 3-5 Blanc-Misseron (en 2018) ; • projet de remise en service de la 131 Cook-Alco 3-22 ; • projet de mise en place d’un circuit de vapeur vive au Terminus de Bellebat ; • projet d’installation d’une plaque tournante dans la gare de Pithiviers-Musée. Par ailleurs, l’autorail Crochat AT1 participera cette année à la Fête de la Vapeur en Baie de Somme (15-16-17 avril 2016) et au centenaire de la ligne et 45e anniversaire du P’tit train de la Haute Somme (5-8 mai 2016). Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

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ESPACE DES ADHÉRENTS

IL Y A 60 ANS

Il y a 60 ans, la fin de la 3e classe Le 3 juin 1956, à l’initiative de l’Union internationale des chemins de fer (UIC), les exploitants ferroviaires européens décidaient de réduire de trois à deux le nombre des classes. Si sur le papier la 3e classe disparaissait, dans les faits c’est la 2e classe qui faisait les frais de l’opération. Au début des années 1950, le maintien de trois classes à bord de nombreux trains est remis en question. Il n’échappe à personne que, en raison de l’évolution sociale et du développement de l’automobile, les recettes du trafic des 1re et 2e classe se sont progressivement amenuisées. En France, la vente des billets de 1re classe, qui assurait encore 14,8 % des recettes du trafic voyageurs en 1921, n’en apportait plus que 5,8 % en 1953. Par ailleurs, l’existence de trois classes de voitures est en soi une source de dépenses supplémentaires, en ce sens qu’elle impose la présence dans le parc d’un nombre élevé de types divers de voitures, notamment de voitures mixtes, sans qu’il soit toujours possible d’adapter exactement la composition des trains aux besoins du trafic. Nos voisins européens sont confrontés au même problème à des degrés divers. Aux compagnies déjà converties à la limitation des classes à deux, excepté pour leurs trains internationaux, s’opposent celles qui, tout en conservant les trois classes, ont jugé bon d’améliorer le confort des 2e classe en y introduisant des compartiments à six places proches du confort des 1re classe. En résumé, l’instauration d’un régime à deux classes était inéluctable pour l’avenir.

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C’est dans ce contexte que l’Union internationale des chemins de fer (UIC) se saisit du dossier en 1952. Lors de sa session de mai 1953, elle reconnaît qu’il est temps de substituer au régime en place un régime à deux classes, dans lequel la classe supérieure offrirait six places par compartiment et la classe inférieure huit places, et propose de réaliser cette réforme à l’échelle européenne pour le service d’été de 1956. Le comité de gérance de l’UIC, réuni en décembre de la même année, retient définitivement ces conclusions et, sous réserve des autorisations gouvernementales nécessaires, arrête : - l’adoption de deux classes de voitures dénommées 1re et 2e classe ; - la mise en application de cette décision à partir du service d’été 1956, sauf à prévoir, le cas échéant, une dérogation temporaire en faveur de l’Italie. Les chemins de fer de la péninsule ibérique sont, en raison de leur situation particulière, exemptés de la mesure générale. À la suite de cette prise de position, le conseil d’administration de la SNCF, au cours de sa séance du 27 décembre 1953, décide la mise en application de la réforme en mai 1956 sur l’ensemble de ses lignes, tant en trafic intérieur qu’en trafic international.

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IL Y A 60 ANS

IL Y A 60 ANS

Compartiment de 2e classe ancienne à 8 places avant transformation en 1re classe à 6 places.

Compartiment de 2e classe ancienne après transformation en 1re classe à 6 places.

La mesure est autorisée par le ministre des Travaux publics par une dépêche du 5 août 1954.

Après la réforme, en estimant un glissement de près de 90 % des voyageurs de 2e classe vers la classe supérieure, les besoins sont évalués à :

Sur le plan tarifaire (la nouvelle tarification est entérinée en octobre 1955), il est décidé de fixer à 6,25 F le prix du kilomètre en classe inférieure, soit l’équivalent de celui de la 3e classe, et à 8,75 F le prix du kilomètre en classe supérieure, soit à un niveau intermédiaire entre le tarif de la 1re classe (10,60 F) et de la 2e classe (7,80 F). La réforme se traduit donc : pour les voyageurs de 1re classe, par un abaissement de prix de 17 % ; pour les voyageurs de 2e classe, par un léger relèvement de prix (12 %), compensé par un accroissement de confort (compartiment à six places au lieu de huit). L’aspect technique de la réforme, moins visible pour le voyageur, est tout aussi important. Avant la réforme, les besoins étaient estimés comme suit : voitures de la classe supérieure

1 153

voitures de la classe inférieure

3 775

voitures mixtes

443

voitures-couchettes

3341 5 705

1

voitures de 1re classe (six places)

190

voitures de 2e classe (huit places)

671

voitures mixtes

739

voitures de 3e classe (huit places) voitures-couchettes

Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

330 5 612

Il apparaît clairement que, partant du principe du maintien en l’état des voitures de 1re et de 3e classe, seules les voitures de 2e classe (ou les compartiments de 2e classe pour les voitures mixtes 1re/2e classe) sont sujettes à transformation. On estime ainsi à 4 196 le nombre de compartiments de 2e classe à refondre pour assurer les besoins normaux des trains en service d’été. Par ailleurs, pour répondre aux besoins de pointe, il est décidé d’en réaménager 1 440 autre, désignés comme « hybrides », offrant la possibilité, par un déplacement d’accoudoirs, de les utiliser à volonté soit en compartiment à six places, soit en compartiments à huit places. Ces prévisions tiennent compte, bien entendu, des matériels neufs récemment commandés.

Ce chiffre ne tient pas compte des besoins supplémentaires en couchettes de 2e classe qui seront à satisfaire par des mesures spéciales, notamment la construction de voitures neuves. 2 « La réforme des classes de voitures », L’Année ferroviaire 1957, Paris, Plon, 1957, p. 131.

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3 682

Seuls les compartiments de 2e classe ayant une distance entre parois comparable à celle des compartiments de 1re classe (2,10 m au moins) ou voisine (jusqu’à 1,90 m), sont susceptibles d’être transformés en compartiments de classe supérieure à six places. Commencée en 1954 et poursuivie en 1955 dans les ateliers de la SNCF ou de l’industrie privée, l’opération a porté sur 933 voitures de 2e classe ou mixtes 1re/2e. On notera que les compartiments de 2e classe entrant dans la composition des voitures de la classe inférieure ne subissent dans l’immédiat aucune transformation, d’où la cohabitation passagère de compartiments à sièges garnis, soit de drap (ancienne 2e classe), soit d’une molesquine ou d’un tissu « texoïd » (ancienne 3e classe). Les lettres de séries et les numéros d’identification des voitures de 2e classe, ou mixtes, ayant subi des transformations sont changées au fur et à mesure des modifications pour correspondre au type de leur utilisation dans le nouveau régime. Cependant, dans l’attente du 3 juin 1956, ces voitures continuent d’être utilisées selon leur affectation d’origine, rappelée par une marque provisoire (inscription en rouge dans un carré). Exemple ci-dessous : une voiture mixte 2e-3e classe B4C5 transformée en voiture mixte 1re-2e classe A4B5 arbore sa nou-

Exemple de marquage éphémère retenu jusqu’au basculement officiel du 3 juin 1956. Dans le rectangle, l’ancienne configuration avant transformation de la voiture.

velle numérotation (A4B5) mais continuera à circuler jusqu’au 3 juin 1956 comme voiture mixte 2e-3e classe (B4C5, inscription en rouge à l’usage de l’Exploitation). Afin de permettre aux voyageurs de pouvoir repérer leur voiture, l’ancienne classification est maintenue : chiffre « 1 » pour les voitures de 1re classe, « 2 » pour les voitures de 2e classe (une affichette en papier provisoire masque l’utilisation future de la voiture enclasse supérieure ou inférieure), « 3 » pour les voitures de 3e classe. Pour ces dernières, il est décidé d’effacer toute indication de classe après la pointe de Pentecôte 1956 et avant le 2 juin 1956 ; après cette date, le chiffre « 2 » sera apposé aussitôt que possible et dans un délai maximum de trois mois. L’une des conséquences importantes de la modification du régime des classes est d’ouvrir l’accès des voitures à six couchettes par compartiment de 2e classe aux voyageurs de 3e classe qui, depuis la guerre, ne bénéficiaient plus de ce service (encore que très limité en places). Les premières retombées chiffrées de la réforme s’établissent comme suit : · en 1955, 2,6 millions de voyageurs en 1re classe, 28,5 en 2e classe, 478 en 3e classe ; · en 1956, jusqu’au 2 juin, 1,1 millions de voyageurs en 1re classe, 13 en 2e classe, 207 en 3e classe ; à partir du 3 juin, 17,2 en 1re classe, 288 en 2e classe. « Les résultats de la réforme des classes de voitures sont encourageants, bien qu’ils ne puissent être considérés comme définitifs car ils se réfèrent à une période d’application trop courte. Le report des voyageurs de l’ancienne 2e classe sur la 1re s’est effectué dans la proportion de 60 %. On note, en outre, une forte augmentation, de l’ordre de 64 % de l’utilisation des couchettes de 1re classe, tandis que l’augmentation est moins sensible (8 %) pour les couchettes de 2e classe2. » Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

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IL Y A 60 ANS

En 1931, déjà En France, les pouvoirs publics imposèrent très tôt aux compagnies ferroviaires l’obligation d’offrir aux voyageurs au moins trois classes de voitures, à l’exemple du Chemin de fer de Paris à Saint-Germain dès 1837. Il en a été de même partout en Europe, à l’exception notable de l’Allemagne, de l’AutricheHongrie et de la Russie où il existait une quatrième classe. Ce qui explique que, en 1906, la Direction générale impériale des chemins de fer d’AlsaceLorraine (en allemand Kaiserliche Generaldirektion der Eisenbahnen in Elsaß-Lothringen / EL), introduit la quatrième classe dans la composition de certains trains omnibus d’Alsace et de Lorraine. À cet effet, 290 voitures de 3e classe existantes sont transformées et 75 nouvelles construites. Ces voitures offrent un confort des plus spartiates : bancs en bois accrochés au pourtour des compartiments de surface plus grande que ceux de 3e classe, ce qui permet de disposer de plus de place au centre pour y entasser les voyageurs debout (ils utilisent pour se maintenir des courroies pendant du plafond) et les bagages à main. Conservées après le retour à la France de l’Alsace-Lorraine en 1918, les places de 4e classe sont supprimées subrepticement le 10 janvier 1930. La mesure se traduit aussitôt par une augmentation de 6,1 % des recettes par rapport à l’année précédente. Pour la petite histoire, précisons que les voitures incriminées ne sont pas immédiatement réaménagées, l’Administration des chemins de fer d’Alsace et de Lorraine, héritière de l’EL, se contentant dans un premier temps de masquer l’inscription de la classe par une pancarte portant la mention « voyageurs avec colis encombrants ». Mais, quitte à acquitter le même prix, les voyageurs optent de préférence pour le confort des voitures de 3e classe.

Coll. Rails et histoire

1930 est aussi l’année où s’engagent les discussions remettant en cause le régime général des trois classes. Dès l’année suivante, le PLM obtient de l’Administration de supprimer la 2e classe dans les trains de certaines de ses lignes à faible trafic, la moindre fréquentation des 1re et 2e classes permettant de grouper sans inconvénient ces deux catégories de voyageurs en une classe unique. Aussi, à compter du 15 mai1931, vingt-six lignes ne comportent-elles plus que des voitures de 1re et de 3e classes. Concrètement, il n’est plus délivré de billets de 1re classe, l’accès aux compartiments de cette catégorie étant désormais assujetti, sans paiement d’un quelconque supplément, à la possession d’un simple billet de 1

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2e classe. Le PLM justifie cette mesure dans un but d’économie. Ce mode d’exploitation à deux classes permet, en effet, de réduire le tonnage remorqué, de récupérer un certain nombre de voitures et de diminuer les frais d’entretien du matériel voyageurs. La faveur accordée au PLM faisant tache d’huile, une sanction par la loi s’impose. Ce qui est fait par l’article 2 du décret du 19 janvier 19341 qui précise : « Par dérogation aux dispositions de l’article 32 des cahiers des charges, le ministre des Travaux publics peut autoriser les réseaux à réduire le nombre de classes à prévoir dans les types de voitures à voyageurs. » Le Rapport sur l’évolution des grands réseaux de chemins de fer en1934, établi par le ministère des Travaux publics, fait état des répercussions de cette mesure dans le chapitre consacré à l’augmentation des vitesses commerciales des trains omnibus obtenue, entre autres, par la diminution du nombre des véhicules entrant dans leur composition. « À ce résultat [allègement des rames], peut-on y lire, a concouru la suppression, maintenant assez largement répandue depuis 1932 et 1933, d’une classe sur trois dans les trains (compartiments numérotés I ou II ou bien I/II et III) : à titre d’exemple – car tous les Réseaux sont largement entrés dans cette voie – il n’y a plus au Réseau de l’État que les grandes artères et les plus importantes transversales (14 lignes au total) sur lesquelles il circule des compartiments des 3 classes. Il est bien certain que la différentiation du public en 3 classes, que l’automobile n’a jamais faite, et qui n’existe ni en Angleterre [sauf sur les trains en correspondance avec le continent], ni aux ÉtatsUnis, impose aux Chemins de fer des dépenses dont on doit lui faciliter la réduction. » En note, il est dit qu’au début de 1934 la suppression de la 2e classe était effective sur l’Est pour 73 % des trains omnibus et sur le Nord pour 343 trains journaliers. Un nouveau palier est franchi avec la suppression, le 1er décembre 1939, de la 1re classe dans la totalité des trains omnibus et des trains de banlieue qui en comportaient encore. Son maintien dans les trains express et rapides n’est pas systématique mais conditionné à son utilisation suffisante par les voyageurs, soit dans 186 trains sur 260. Au début des années 1930, la justification de la suppression de la 2e classe reposait sur l’augmentation de la vitesse par un allègement des rames. En 1939, celle de la 1re classe est liée à la réduction des parcours commerciaux due à l’état de guerre par une augmentation de la capacité des trains (le passage de 6 places par compartiment en 1re classe à 8 places en 2e classe en est une des composantes) au détriment de la vitesse.

Décret sur les « Conditions dans lesquelles, en matière d’exploitation technique et commerciale, il pourra être dérogé par les grands réseaux de chemins de fer d’intérêt général aux prescriptions des lois, cahiers des charges et conventions ». Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016


IL Y A 60 ANS

« Cette modification ne doit pas être présentée, ainsi que certains articles de journaux l’ont laissé entendre de façon schématique, comme une suppression pure et simple de la 3e classe. Sans doute cette interprétation n’est-elle pas tout à fait fausse, en ce sens que les deux nouvelles classes devant s’appeler respectivement 1re et 2e classe, le chiffre « 3 » disparaîtra de tout le matériel en service, et qu’il n’en sera plus question dans le vocabulaire ferroviaire de la plupart des pays d’Europe ; mais il n’y aura pas identité complète entre la 2e classe nouvelle et la 2e classe ancienne, et aucun « raccourci », tendant à résumer en une courte phrase l’essentiel de la réforme, n’en traduirait fidèlement le sens s’il laissait s’accréditer, fût-ce par prétérition [omission volontaire], cette notion peu exacte. Si l’on tenait absolument à tout résumer en une formule simple (mais il faut se méfier des formules sans nuances) il serait plus proche de la vérité d’écrire que c’est la 2e classe actuelle qui disparaît, ou bien que la 2e et la 3e classe fusionnent en une seule. Étant donné, en effet, les progrès accomplis depuis quelques années dans l’aspect et le confort des voitures neuves de 3e classe : compartiments à larges baies, rembourrage des sièges, des dossiers et appuie-tête, amélioration de la suspension, de l’insonorisation, de l’éclairage, etc., la supériorité de la 2e classe sur la 3e, comme elle à huit places par compartiment, était devenue bien mince sous le rapport du confort : quelques centimètres de plus d’écartement entre les bords des sièges, des garnitures en drap bleu au lieu de la moleskine brune ou verte, des housses en filet blanc sur le drap des appuie-tête... La différence de classe et de prix, très justifiée au temps où la 3e classe des trains express comportait encore un assez grand nombre de voitures à portières latérales, aux fenêtres exiguës et à banquettes de bois sans rembourrage, avait perdu la majeure partie de sa raison d’être depuis que ce matériel ancien était presque complètement éliminé des trains express sur les longs trajets ; les caractéristiques d’aménagement des deux classes sont devenues tellement voisines que le confort des voitures de 3e classe les plus récentes peut même paraître préférable à celui des voitures de 2e classe des types les plus anciens. Dès lors, il était logique d’unifier les deux types d’aménagement à 8 places par compartiment, et de ne laisser subsister qu’une seule classe offrant un tel aménagement, sans augmentation du tarif actuel de la moins chère de ces deux classes 1. Il était non moins logique d’admettre que les voya-

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geurs restés fidèles à la 2e classe, en dépit de la différence peu sensible de confort qui la sépare de la 3e classe, se laisseraient volontiers tenter par celui que leur offre la 1re classe, à 6 places par compartiment, si cette classe leur était proposée moyennant un très faible relèvement du prix qu’ils sont habitués à acquitter dans la 2e classe actuelle. L’utilisation, trop souvent insuffisante, des voitures de 1re classe s’en trouverait du même coup augmentée dans de larges proportions. Le report escompté de la clientèle de 2e classe vers la 1re classe rendait précisément possible, sans diminution des recettes totales, une diminution importante du tarif de cette classe – diminution qui conditionnait le succès de l’opération en incitant les voyageurs de 2e classe à faire ce choix, au lieu de se contenter du confort de la nouvelle 2e classe. Cette sorte de « promotion » à laquelle se trouve conviée la clientèle habituelle des voyageurs de 2e classe vers la 1re classe à 6 places, pour un supplément de prix minime, est un des aspects les plus marquants de la réforme ; celle-ci ne s’accompagnera d’aucune diminution du confort auquel sont habitués les voyageurs de 1re classe puisque les voitures de 2e classe qui seront nouvellement affectées à la 1re reçoivent toutes les modifications d’aménagement qui caractérisent cette classe. La partie non transformée du parc de 2e classe, et la totalité du parc de 3e classe, formeront le parc de la nouvelle 2e classe, dans lequel ces deux types de voitures voisineront sous leur aspect actuel ; tous deux étant déjà à 8 places par compartiment, les différences secondaires qui les distinguent maintenant s’estomperont lorsqu’ils se trouveront réunis sous le même macaron « 2 » qui les marquera uniformément. Il faut ajouter que cette réforme va permettre des simplifications et des économies très appréciables aussi bien en ce qui concerne l’impression des billets que pour la comptabilisation des recettes du trafic voyageurs. Enfin, et surtout, se trouvera exaucé ce voeu formulé depuis longtemps par la clientèle du chemin de fer, et à vrai dire, fort légitime : voyager couché dans les trains de nuit, puisque des couchettes seront mises à la disposition des utilisateurs des deux classes : compartiments à 4 couchettes dans la classe supérieure, compartiments à 6 couchettes dans la classe inférieure. » Bertrand Sigoulès, « En chemin de fer plus que deux classes », Transmondia, n° 18 (mars 1956), p. 41. 1 Rappelons que le tarif de la 2e classe était avant la réforme de 25 % supérieur à celui de la 3e classe (N.d.l.R.).

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Coll. Rails et histoire

C’est la 2e classe qui disparaît et non la 3e classe


IL Y A 70 ANS

IL Y A 70 ANS

Il y a 70 ans, la fin de la PV et de la GV : le fret gagne en vitesse En 1946, la SNCF soumet à l’homologation du ministère des Transports un certain nombre de propositions concernant les tarifs et le trafic marchandises. La plus importante est, sans conteste, la modification du régime d’acheminement des transports de marchandises déjà mise en application le 1er janvier 1946.

« Jusqu’au 1er janvier 1946, les transports par chemins de fer se faisaient, exception faite des petits colis et des animaux vivants, au choix de l’expéditeur, sous deux régimes extrêmement différents, tant en ce qui concerne le mode d’acheminement qu’en ce qui concerne les prix : • la grande vitesse [GV], qui comportait un acheminement rapide, mais – abstraction faite du cas des denrées périssables – des prix de transport généralement élevés ; ce régime de transport concernait toutes les marchandises dont la nature exigeait un acheminement rapide ou dont la valeur pouvait supporter des prix de transport élevés ; • la petite vitesse [PV], qui offrait, au contraire, des prix moindres, mais un acheminement plus lent ; sous ce régime étaient transportées toutes les autres marchandises, aussi bien les produits ordinaires de faible valeur pour lesquels la rapidité d’acheminement était un facteur secondaire, que les marchandises (telles que les produits alimentaires, l’épicerie, le mobilier, les produits fabriqués) supportant difficilement les prix de la GV, mais pour lesquelles la vitesse d’acheminement pouvait être, au contraire, un élément essentiel.

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« Partant du principe que la vitesse d’acheminement devait être fonction de la nature de la marchandise et non pas, comme par le passé, laissée au libre choix de l’expéditeur, le chemin de fer a été amené à réviser ses conceptions en matière d’acheminement. De là est née l’idée de la généralisation de la « Vitesse Unique » qui existait déjà pour les petits colis et les animaux vivants : cette réforme entraîne donc la disparition des notions de « Grande Vitesse » et de « Petite Vitesse » qui remontaient à l’origine des chemins de fer. Maintenant, sans que l’expéditeur ait le choix de l’acheminement, les marchandises sont acceptées au transport à l’un des deux régimes ci-après : « régime accéléré » [RA] ou « régime ordinaire » [RO]. « Bénéficient, d’office, du régime accéléré : • tous les trafics de détail : petits colis, colis familiaux, ainsi que les expéditions de détail rangées dans les deux premières séries par la Classification générale des Marchandises, à l’exception, toutefois, des emballages vides taxés aux prix des tarifs spéciaux 25 et 26 ; • les denrées transportées aux prix et conditions du tarif 103 et les animaux vivants ; • les finances, valeurs, objets d’art et de valeur ;

• les wagons complets du Tarif général chargés de marchandises des première et deuxième séries, parmi lesquelles se trouvent notamment les produits fabriqués ; • les groupages de marchandises, les envois en camions et en remorques rail-route, les envois en cadres ressortissant aux deux premières séries, les véhicules routiers et le matériel assimilé ; • les envois de certaines marchandises (sur toutes ou sur certaines relations) qui, par leur nature, exigent un régime de transport rapide : le mobilier, la bière, par exemple. « Le régime ordinaire s’applique à toutes les autres marchandises qui restent soumises aux délais de la petite vitesse ; c’est notamment le cas des pondéreux, des matières premières, des produits agricoles et industriels lourds qui bénéficient d’une tarification très basse et pour lesquels un acheminement rapide a moins ou peu d’intérêt.

« L’expéditeur a, néanmoins, pour un transport déterminé relevant normalement de l’acheminement ordinaire, la possibilité d’obtenir le bénéfice de l’acheminement accéléré. Mais, dans ce cas, il est dans l’obligation d’acquitter un supplément de prix, qui est d’ailleurs notablement plus réduit que celui qui était autrefois exigé pour passer du tarif PV à celui de la GV1. » Le RO et le RA sont abandonnés à leur tour le 1er novembre 1989 lors de l’entrée en vigueur du projet ETNA (évolution technologique pour un nouvel acheminement) qui a pour vocation de proposer aux chargeurs, dans le cadre d’un plan de transport unique, un traitement individualisé des wagons en fonction du délai d’acheminement souhaité (de deux à six jours à compter du jour de remise). 1

SNCF. Rapport du directeur général au conseil d’administration sur le fonctionnement des services au cours de l’Exercice 1946, p. 28.

« Du point de vue de l’exploitation technique, la réforme se caractérise par la création, pour le transport des marchandises, de deux plans d’acheminement totalement distincts. Le plan correspondant au régime ordinaire de transport est établi sensiblement sur les bases de l’organisation des transports de petite vitesse d’avant guerre, avec une politique de grands triages el de trains lourds pour obtenir les meilleures conditions possibles d’utilisation des moyens de traction. Le plan correspondant au régime accéléré de transport procède de l’organisation des transports de grande vitesse d’avant guerre, mais il en diffère sur un point essentiel par le fait qu’en principe il ne doit plus être fait d’emprunt des trains de voyageurs. Des trains de messageries à grand parcours relient régulièrement entre eux les centres importants de trafic (gares-centre) où sont concentrés les chantiers de triage spéciaux au régime accéléré et les halles de transbordement, généralement confondues avec les halles locales de la gare-centre ou tout au moins contiguës à ces dernières. De la sorte, on réduit au minimum les escales intermédiaires pour tout le trafic des gares-centre qui représente la grosse majorité du trafic total, et c’est par cette suppression des escales, beaucoup plus que par l’accélération des trains, qu’on gagne du temps dans les acheminements. Le reste du trafic est acheminé par des trains locaux de messageries circulant en étoile autour de chaque garecentre. » Notre trafic, n° 12, janvier 1946 Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

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ARCHIVES

Dès l’origine, le PLM est conduit à loger certains de ses agents, notamment dans les gares et dans les maisons de gardiennage à niveau. La question du logement se pose véritablement pour la première fois en 1879, avec la décision de créer le dépôt de Laroche en un point dépourvu de toute ressource de logement. Le problème est résolu par la construction de 23 maisons offrant 112 logements. En 1914, le PLM possède, au titre « cités et maisons ouvrières », 97 maisons formant un ensemble de 477 logements. Après la guerre, la question du logement prend une ampleur nouvelle. Il faut créer de nouveaux dépôts et des chantiers de triage en des points dénués de ressources. De plus, la loi de huit heures et le développement du trafic viennent augmenter les effectifs dans des proportions considérables. Enfin, la crise du logement se manifestant presque partout avec acuité, les agents éprouvent les plus grandes difficultés à se loger. Pour aboutir rapidement à un premier résultat, le PLM se procure tout d’abord des chalets en bois, installés à proximité notamment des dépôts d’Ambérieu, des Laumes, de Miramas, de Portes-lès-Valence. Il édifie en même temps des maisons et même des cités telles que celles de Chalon-sur-Saône, Corbeil, La Seyne-Tamaris-sur-Mer, Le Teil, Montchanin, Saint-

Jean-de-Maurienne, Saincaize et Gimouille. À la fin de 1924, il dispose de près de 350 maisons de plus et de 265 chalets répartis dans plus de 100 localités. Il apparait pourtant nécessaire d’intensifier cet effort. En 1924, le PLM recourt à un nouveau moyen de financement, basé sur d’autres ressources que celles des travaux d’établissement. La Caisse des retraites affecte une partie de ses ressources disponibles à l’achat de terrains sur lesquels elle construit à ses frais des immeubles destinés au logement du personnel. En compensation, la compagnie lui reverse notamment une partie des loyers perçus et pourvoit à l’entretien et aux charges d’impôts. Ce système permet une extension considérable de la construction des logements. Fin 1928, le réseau dispose de 14 461 logements (47 415 habitants), y compris les bâtiments des gares et ceux des passages à niveau gardés, dont 2 919 répartis en 39 cités « en dur » (9 935 habitants)1. C’est aux habitants de ces cités que s’adresse l’« avis » ci-contre. Établi vers 1931-1932, il s’apparente tout à la foi à un code de bonne conduite et à un règlement interne qui n’est pas sans rappeler ceux de nos co-propriétés. Nous reproduisons ici l’exemplaire donné par M. Paul Génelot à Rail et histoire.

1

Texte établi à partir de renseignements tirés d’un article : « La question du logement du personnel sur le PLM », signé de « l’Inspecteur des Cités Revirieux » et publié par Le Bulletin du PLM (n° 3 mai 1929).

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Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

Les Rails de l’histoire, n°10 - avril 2016

Coll. Rails et histoire, dont P. Génelot

Droits et devoirs des locataires des cités PLM

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ESPACE DES ADHÉRENTS

ACTUALITÉS DE RAILS ET HISTOIRE

L’équipe

Texte

Isabelle Alcolea avait rejoint ce qui était alors l’AHICF en 1995, pour y assurer, avec l’enthousiasme et le sens de l’humour que demande une telle situation et qui la caractérisent, l’ensemble des tâches qui s’empilaient sur le bureau d’une association en pleine expansion, du secrétariat à la comptabilité, de l’organisation des événements à la communication. Ce sont plus particulièrement ses dons artistiques et sa créativité qu’elle a choisi de mettre par la suite au service de l’Association, en prenant la responsabilité de toutes les apparitions de Rails et histoire sur le papier et sur l’Internet : c’est à elle que nous devons le développement des éditions, la maquette et la mise en page de nos publications, les programmes et affiches des colloques, enfin la charte graphique et les deux logos de 2007 et 2014. Elle fut également l’administratrice rigoureuse de notre site www.ahicf. com, tous apports qui ont été essentiels à l’action de Rails et histoire et à la qualité de ses productions qui ont fait beaucoup non seulement pour la notoriété de l’Association mais pour sa réputation. Isabelle a fait valoir ses droits à la retraite le 29 février 2016 et se consacre désormais pleinement à ses activités… associatives et artistiques. Evelyne Seïler est entrée à l’Association en 2002 et a assuré, jusqu’au 30 janvier 2016, la gestion des ventes, des cotisations, des opérations comptables de l’association. C’est elle qui a accueilli les membres de Rails et histoire lors des événements et des assemblées générales et tous, ses collègues les premiers, ont bénéficié chaque semaine de son énergie et de son humour également inépuisables. Evelyne a offert à Rails et histoire en la quittant un échantillon remarquable autant que ferroviaire de sa nouvelle passion, la peinture murale en trompe-l’œil.

Un échantillon emblématique de la nouvelle passion d’Evelyne

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Evelyne (à g.) et Isabelle (à dr.) retouchent ensemble… leur portrait (novembre 2011).

Les samedis de Rails et histoire / notre appel au bénévolat Le Cercle généalogique des cheminots, voisin de Rails et histoire et colocataire de sa bibliothèque, ouvre ses portes à ses membres et au public intéressé plusieurs samedis par an, une excellente habitude que Rails et histoire a prise à son exemple. Nous vous invitons donc à nous rejoindre les samedis 9 janvier, 13 février, 9 avril et 11 juin 2016. Il est utile de s’annoncer à l’avance à contact@ahicf.com. Les premières rencontres ont permis d’envisager diverses coopérations avec des associations alliées et amies, comme la section lyonnaise de l’AFAC, la possibilité de faire circuler les expositions dont Rails et histoire est l’auteur ou le dépositaire – en particulier l’exposition de panneaux « Les Cheminots dans la Résistance », qui a été en dernier lieu visible l’au printemps 2015 sur les grilles de la gare de l’Est –, la collaboration des uns et des autres à la mise à disposition du public des fonds patrimoniaux qui ont été généreusement donnés à Rails et histoire : il faut cataloguer les livres, analyser les entretiens enregistrés, numériser, organiser… un appel qui est permanent et auquel tous peuvent répondre. Surtout, chacun peut découvrir à ces occasions les ressources documentaires de l’association, rencontrer le Cercle généalogique, d’autres membres, partager ses passions et ses intérêts ferroviaires. N’hésitez pas à faire de ces rendez-vous une tradition !

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ACTUALITÉS DE RAILS ET HISTOIRE

La bibliothèque Des remerciements Un appel à collaboration En 2015, madame François Caron a bien voulu faire don à Rails et histoire du fonds « chemins de fer  » de la bibliothèque du professeur François Caron, décédé le 14 décembre 2014. Les associations et comités d’histoire que le professeur a créés et animés ont reçu chacun un don correspondant à leur domaine de spécialité. Ainsi, L’institut des Sciences de la communication (CNRS) a reçu le fonds relatif à l’histoire des techniques et à l’innovation, inauguré, avec la bibliothèque, le 11 février 2016. Monsieur Goulven Guilcher a complété les dons importants faits en 2015 par de nouveaux ouvrages ; celles de ses collections – romans, affiches, journaux anciens – qui se rapportent aux arts inspirés par le chemin de fer et à la culture professionnelle des cheminots ont été réunis au Fonds Cheminot du Comité central du Groupe public ferroviaire où ils sont ouverts aux chercheurs (140, rue de Bercy, 75012 Paris, http://www.fonds-ccecheminots.com/ )

En regard de ces dons d’ouvrages et de la générosité de nos membres, nous devons exprimer un regret  : celui d’avoir constaté des lacunes dans nos fonds historiques qui, semble-t-il, dans des circonstances encore inexpliquées, ont tenté un ou plusieurs amateurs. Les mesures de sûreté habituelles ont été prises, et il nous reste à espérer encore davantage de dons et de générosité pour combler les manques et mettre à nouveau à la disposition de tous des collections complètes. Nous recherchons ainsi une collection de la revue Correspondances, un certain nombre de numéros de Chemins de fer (dont le regretté professeur Poisson, décédé en juillet, nous avait donné la collection complète sous reliure), des ouvrages de référence – Le Réseau breton, de Bernard Rozé ; la série des grandes compagnies parue à La Régordane dans les années 1990, etc. Il va de soi également que les retours d’ouvrages empruntés par inadvertance seront les bienvenus. En effet, si notre fonds documentaire n’est pas une bibliothèque de prêt, c’est bien pour conserver ces trésors au profit du plus grand nombre afin que toute personne intéressée puisse gratuitement compléter son information sur l’univers ferroviaire et son histoire.

Madame Claudine Lévy, membre de Rails et histoire depuis 1996 et documentaliste à la retraite, a proposé de contribuer à l’analyse du fonds documentaire pour faciliter sa mise à disposition du public : elle procède, deux jours chaque semaine, à l’analyse des périodiques et au catalogage et nous lui en sommes très reconnaissants. Rappelons que le catalogue de nos fonds peut être consulté à partir du site www.ahicf.com Les Archives nationales ont procédé à un inventaire des délibérations et avis du Conseil général des Ponts et Chaussées, riches de milliers d’informations, notamment sur la constitution et l’évolution du réseau ferroviaire français. La saisie informatique des cinquante registres (qui sont la table des matières de ces délibérations et avis) couvrant la période des années 1843 à 1872 est envisagée dans un premier temps, à partir de leur numérisation. Les Archives nationales souhaitent ouvrir la saisie à un groupe de collaborateurs bénévoles. Les personnes souhaitant rejoindre le groupe sont invitées à s’adresser à : Stéphane Rodriguez-Spolti stephane.rodriguez-spolti@culture.gouv.fr

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Un guide de 1902 issu de la dernière donation faite par M. Goulven Guilcher à Rails et histoire.

Rails et histoire vous invite à rencontrer et à soutenir les jeunes chercheurs Le 24 juin 2016 de 9 h 30 à 18 h

Quatrième Journée des Jeunes chercheurs de Rails et histoire et Portes ouvertes de l’Association 9, rue du Château-Landon, 75010 Paris Pour la quatrième année consécutive, les boursiers, anciens boursiers de l’association et tous les étudiants en sciences humaines et sociales intéressés par le domaine ferroviaire sont invités à présenter leurs travaux, à se rencontrer et à vous rencontrer. Programme sur le site www.ahicf.com Entrée libre dans la mesure des places disponibles Inscriptions : contact@ahicf.com


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