Bref le magazine du court métrage - Hors Série

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le magazine du court mĂŠtrage

hors sĂŠrie

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le magazine du court métrage, décembre 2014, numéro hors série. Fondateur : François Ode. Bref est publié par l'Agence du court métrage (association subventionnée par le CNC), délégué général : Philippe Germain, directrice administrative et financière : Marie Cerciat, 77 rue des Cévennes, 75015 Paris. Tél. : 01 44 69 26 60 – Fax : 01 43 80 95 59. www.brefmagazine.com / info@brefmagazine.com Page Facebook : revue Bref. Directeur de la publication : Philippe Pilard. Rédacteur en chef : Jacques Kermabon. Ont participé à ce numéro : Christophe Chauville, Stéphanie Clouet, Sylvie Delpech, Solen Faugère et Donald James. Conception graphique : Anabelle Chapô. Impression : imprimerie Setig certifiée “Imprim’Vert”

S

i le cinéma est né d’une forme courte, avec Méliès,

Lumière, il a traversé toute l’histoire du cinéma

et emprunté tous les styles. Il est toujours aujour-

d’hui un espace où se découvrent et s’exercent les nouveaux talents et dans lequel se construisent la liberté et l’ambition des créateurs. Que le solstice d’hiver lui soit entièrement dédié, que les villes soient investies par les rêves éveillés des réalisateurs, l’idée aurait plu aux surréalistes. La 4e édition du Jour le plus Court, organisée par l’Agence du court métrage, en offrant

sur du papier 100% issu de forêts gérées durablement. Dépôt légal : à parution. ISSN 0759-6898.

des projections collectives et gratuites sur l’ensemble

Commission paritaire n° 05 07 G 86 535. Publié avec le concours du Centre national du livre et de la SACD.

du territoire et dans une très grande diversité de lieux,

Exemplaire gratuit – ne peut être vendu.

participe pleinement à la promotion du court métrage. Le CNC a toujours soutenu le court métrage parce qu’il est le lieu par excellence de la recherche dans le domaine de l’image et que sa vitalité constitue un gage d’avenir pour le secteur du cinéma et de l’audiovisuel. Ce dynamisme se mesure dans le volume de production, avec environ six cents courts métrages français par an qui obtiennent un visa d’exploitation, l’engagement des acteurs du secteur associatif et des chaînes de télévision pour la diffusion des œuvres. Il a rencontré également une reconnaissance internationale, avec trois Oscars, tous soutenus par le CNC : en 2008, Le Mozart des pickpockets, film de fiction de Philippe Pollet-Villard, en 2010, Logorama, film d’animation du Collectif H5 et, en 2014, Mr Hublot, film d’animation de Laurent Witz et Alexandre Espigares. À travers cette fête d’envergure nationale, c’est le formidable travail que font tout au long de l’année les équipes de l’Agence du court métrage qui est mis en lumière. Depuis trente ans, l’Agence développe, avec le soutien du CNC, une mission de promotion et de diffusion du court métrage en France, tisse des liens entre les cinéastes et les diffuseurs, pour que le court métrage soit considéré comme une expression cinématographique à part entière, accessible au plus grand nombre. Je souhaite à cette nouvelle édition

L’équipe du Jour le plus Court Directrice artistique : Catherine Bizern, administratrice : Laure Tarnaud, chargé du développement et des publics : Christian Borghino, chargée de communication : Nadège Vallette Viallard, community manager : Charlotte Forbras, stagiaire communication : Marion Contentin, régisseuse technique : Bérengère Prévost, technicien vidéo : Amaury Denonfoux, technicien DCP : Sylvain Collinpresse, attachée de presse : Karine Durance. Manifestation organisée par l'Agence du court métrage. www.lejourlepluscourt.com

du Jour le plus Court tout le succès qu’elle mérite, et au public de belles découvertes. rédérique Bredin, Présidente du CNC

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ACTUALITÉS événement

LE COURT MÉTRAGE DE PLUS EN PLUS PRISÉ PAR LES SPECTATEURS D’ampleur nationale et internationale, la fête du court métrage en est à sa quatrième édition. Rencontre avec ses organisateurs : Philippe Germain, délégué général de l’Agence du court métrage, et Catherine Bizern, directrice artistique du Jour le plus Court.

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Bref : Par rapport à l’activité de l’Agence du court métrage, est-ce que le Jour le plus Court fait partie de ses missions ou est-ce un événement ponctuel finalement assez éloigné de ses pratiques ? Philippe Germain : Le Jour le plus Court correspond et met en lumière les missions traditionnelles de l’Agence, lieu à la fois de la mémoire du court métrage – puisque depuis trente ans, nous conservons tout un patrimoine cinématographique – et de diffusion, car nous restituons ce patrimoine à des diffuseurs, que ce soient des cinémas, des festivals, des associations, des médiathèques, des médias audiovisuels ou internet. Catherine Bizern : À une époque où tout ne semble exister que dans l’événement, le Jour le plus Court permet un coup de projecteur sur le film court avec l’ambition d’intéresser de nouveaux publics tout en popularisant la diffusion du court métrage. Ce point d’orgue festif est une façon d’affirmer que le court métrage existe avec force et de mieux faire savoir qu’il réunit nombre de spectateurs tout au long de l’année. Notre rôle est ainsi de faire en sorte que ce soit un moment fort et que la presse relaie vers le plus grand nombre la qualité de ce travail de longue haleine. Le Jour le plus Court doit aussi permettre de rendre mieux visibles les personnes qui œuvrent pour la diffusion du court et que celles-ci puissent mettre en avant leur propre travail et voir comment elles sont connectées à d’autres. Le Jour le plus Court doit reposer sur ces deux jambes : proposer une opération particulière, à la fin de l’année, et donner à voir toutes les initiatives qui se font au long cours et de manière peutêtre moins spectaculaire, mais plus profonde. PG : Il est en effet important de battre en brèche un certain nombre de lieux communs. On entend souvent que le court métrage n’est pas diffusé. La diffusion du court n’obéit pas aux règles de la sortie hebdomadaire, très souvent suivie d’une disparition rapide quand les films n’ont pas assez de succès. Les courts peuvent continuer à être diffusés bien des années après leur année de production. Il suffit qu’un programmateur – un passeur – veuille montrer ces films au public. En 2013, il y a eu mille six cents titres différents diffusés au moins une fois dans une salle de cinéma ou dans un lieu d’exposition avec lesquels l’Agence du court métrage travaille. Quatorze films ont fait plus de dix mille entrées. En comparaison, la même année, quatrevingt-onze longs métrages français (sur deux cent trente-cinq) n’ont pas dépassé les dix mille entrées. Ce sont des chiffres publiés par le

Centre national du cinéma et de l’image animée qui, de surcroît, ne prend pas en compte la diffusion des festivals. Aujourd’hui, on recense près de trois cents festivals qui font le pari de programmer des courts métrages, comme par exemple Clermont-Ferrand et ses cent soixante mille entrées. Un autre lieu commun tient au regret que le court métrage ne soit plus présent en première partie de programme. Même si ce mode de diffusion n’en est qu’un parmi d’autres, nous avons constaté que, l’année dernière, notamment par le biais du dispositif RADI de l’Agence du court métrage, les films choisis par des directeurs de salles pour leurs premières parties de programme ont été vus par quatre millions de spectateurs. C’est une réalité qu’on a du mal à faire passer dans les médias et même auprès des institutions. Il ne faut pas oublier aussi que dans tous les dispositifs d’éducation à l’image, dans les lycées, collèges et écoles, on utilise de plus en plus de programmes de courts métrages. Bref : Comment expliquez-vous ce hiatus entre cette réalité que vous décrivez et l’image à laquelle est associé le court métrage ? PG : Paradoxalement, le court métrage est visible et invisible. Il est visible par les associations sur le terrain, les festivals, des salles de cinéma, mais il manque un relais médiatique, institutionnel pour conforter et valoriser ce travail. C’est l’un des enjeux du Jour le plus Court que de mettre en valeur cette diffusion du court métrage, mais sa création aussi. Il ne faudrait pas présenter le court comme une filière coupée de la réalité de la création cinématographique dans son ensemble. Aujourd’hui, le court métrage est un véritable laboratoire de développement et d’expérimentation de la filière cinématographique. Il permet le renouvellement des talents et de la filière professionnelle, car il constitue le terreau de recherches esthétiques qu’on n’a pas dans le long métrage, balisé par des enjeux commerciaux et économiques. C’est cette réalité riche et complexe que doit montrer le Jour le plus Court. Bref : Par rapport aux précédentes éditions, cette année, le Jour le plus Court a la volonté d’éditorialiser sa programmation. CB : Oui, c’est la première fois. En même temps, ce n’est qu’une partie du Jour le plus Court. Proposer une programmation forte autour d’une thématique et de cinéastes est une manière de rendre compte d’un pan du cinéma à partir d’un cheminement

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La diffusion du court a son agence L’Agence du court métrage est une association régie par la loi de 1901, créée en 1983 par un groupe de professionnels du cinéma (auteurs, réalisateurs, producteurs et distributeurs) dans le but de promouvoir et favoriser la diffusion du court métrage en France. Elle permet donc, depuis trente ans, de faire le lien entre ceux qui font les films courts et ceux qui les montrent. Parmi ses activités de diffusion vers les salles, l’Agence a créé le RADI. Ce dispositif rassemble trois cents salles de cinéma qui proposent à leur public des séances privilégiées associant aux projections de longs métrages des films courts en avant séance.

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particulier. À terme, on pourra essayer d’associer ce geste programmatoire, qui donnera une direction à chaque édition du Jour le plus Court et invitera systématiquement à la découverte d’auteurs, avec un soutien à une diffusion d’œuvres d’autres structures et à une valorisation d’initiatives territoriales. Ainsi, la manifestation serait conçue dans un aller-retour entre ce qui émanerait de la base et ce qui relèverait d’un regard singulier sur la production du court métrage. À l’avenir, il faudra dynamiser toutes les initiatives locales ne serait-ce que parce que si nous voulons une diffusion plus importante pendant deux ou trois jours de fête, nous savons que les capacités techniques de l’Agence et du Jour le plus Court ne sont pas infinies. Nous pouvons traiter trois mille séances au maximum, alors qu’on en souhaiterait cinq mille ! Il faut donc que ces autres séances viennent d’ailleurs, du côté de toutes ces structures qui diffusent, qui ont leur propre catalogue (les producteurs, les régions, etc.) et qui pourraient faire des propositions de programmations pour des publics de proximité. Bref : À ce moment-là, le Jour le plus Court apportera à cette base plus de visibilité… CB : Être visibles et être connectés les uns avec les autres… Mais aussi ouvrir des lieux qui d’habitude ne le sont pas. C’est cela l’avenir du Jour le plus Court. Bref : Paradoxalement, le Jour le plus Court a lieu sur trois jours… CB : Le jour le plus court, le 21 décembre, tombe cette année un dimanche. On a voulu étendre la manifestation sur la semaine (le vendredi 19 décembre) pour permettre aux scolaires d’y participer ; l’année dernière, sur deux mille deux cents séances, il y en a eu plus de mille proposées dans les écoles. Les cinémas, eux, programment des séances jeune public habituellement le dimanche. Quant aux médiathèques, elles reçoivent les usagers surtout le samedi. Ces trois jours coulaient de source. PG : Il est important de dire combien les acteurs de cette manifestation (les salles, les associations, etc.) participent de l’aménagement culturel du territoire. C’est aussi cette réalité qu’il faut montrer pendant le Jour le plus Court, car l’action culturelle est un système fragile qu’il faut conforter. C’est tout l’enjeu de la journée professionnelle qui aura lieu le 19 décembre.

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LES FI LMS au programme

C’EST QUAND LA PAIX ? La guerre est partout. Les conflits larvés, déclarés ou pourrissants n’ont jamais été aussi nombreux que cette année. Pour mémoire, 2014 aura également été celle des célébrations de la Première Guerre mondiale… Alors, s’interroge le Jour le plus Court, c’est quand la paix ?

FAQ

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Qu’est-ce qu’un court métrage ? Depuis 1964 sont considérés comme courts métrages les films qui, pour un format de 35 mm, ont une longueur inférieure à mille six cents mètres, soit moins d’une heure. À quand une nouvelle définition énoncée à l’heure du numérique ?

Pour sa quatrième édition, la manifestation lancée par le Centre national du cinéma et de l’image animée propose vingt-cinq programmes autour de cette question dont quatre d’entre eux sont destinés aux scolaires et au jeune public, et cinq composés par les structures prestigieuses que sont la Fémis, le Grec (le Groupement de recherche et d’essais cinématographiques), Light Cone (l’association de promotion du cinéma expérimental) et Lobster Films (fameux pour sa collection de films rares et anciens). des films pour tous Une centaine de courts métrages au total, tous, pour l’essentiel, glanés dans la production francophone récente et, parmi eux, un quart de films d’animation. Il y en a pour tous, pour tous les goûts : de l’expérimental hardcore (Paths of G de Dietmar Offenhuber, 2006) au film débutant (Dalila de Julian Vogel, 2012),

de l’animation poétique (Les escargots de René Laloux, 1965) au documentaire politique (Black Clay de Fabrice Chiambretto, 2012), du génial portrait de famille tourné avec un téléphone (This is the Way de Giacomo Abbruzzese, 2013) à la série B bien ficelée (Yuri Lennon's Landing On Alpha 46 d’Anthony Vouardoux, 2010), de la fiction gorgée de bons sentiments (Ya basta! de Gustave Kervern et Sébastien Rost, 2010) au film d’animation insolent et cynique (Il était une fois l'huile de Vincent Parronaud, alias Winshluss, 2010), du bijou historique (The Airship Destroyer de Walter R. Booth, 1909) à la comédie du remariage (Le refrain de Benjamin Serero, une véritable perle de 2012). Bref, la palette est large d’autant qu’autour de cette question clé – C’est quand la paix? – s’articulent d’autres interrogations ou thématiques (La paix est précaire, Stop war !, Trêve, L’intranquillité de l’être, La paix, c’est de la sciencefiction, etc.), qui elles-mêmes ouvrent la voie à

une exploration plus étendue, verticale et horizontale, où paix et guerres métaphorisent, selon les cas, un trauma, un climat ou un état. On sait que les avantages des programmes thématiques constituent en même temps leurs principaux points faibles. Tout en facilitant une approche, elle en délimite la portée. Heureusement, au cinéma, les films marchent souvent de travers, à rebours ; ils transcendent leur propre sphère. Ainsi L’amour existe de Maurice Pialat – un des rares films du patrimoine au programme – ouvre la séance intitulée “La paix est précaire”. La paix est-elle précaire dans L’amour existe ? Pas vraiment. Pialat enregistre le calme plat, le train-train de veaux pressés de se rendre à leur auge. Le hors-champ (une bagarre, les pauvres, les immigrés), il est bien le seul à le voir (et encore il ne voit pas tout) ; seul contre tous. Ce film, cri amer et manifeste poétique et politique, au titre ironique (y'a d'la haine, plutôt) est signé par un


“C’est tellement dommage qu’on ne voie plus les courts métrages au cinéma !” Ils sont beaucoup vus pourtant ! Ils ne sortent pas le mercredi, c’est tout. Le plus souvent, ils sont diffusés lors de séances ponctuelles, mais elles sont nombreuses. Bien sûr, cette diffusion concerne surtout les salles art et essai ou recherche, pas les grands circuits, ça ne les intéresse pas, ou très exceptionnellement. Mais sachez que bien souvent les courts métrages circulant via l’Agence du court métrage sont beaucoup plus vus que bien des longs métrages aux sorties plus ou moins confidentielles.

réalisateur qui, en 1960, est en guerre. En guerre contre le système, contre les cons, contre ses amis et contre… lui-même. Car on a beau dire “la guerre, c’est dur”,“c’est moche”, “plus jamais ça !”, etc., la guerre est là dans un présent glacé, partout et indéfini, elle se voile ou se dévoile, elle se découvre ou se drape de mille visages. Celui de la comédie humaine : des cris accompagnent la naissance des hommes, la colère les fait grandir (Sientje de Christa Moesker, 1997) ; celui de la tragédie : les larmes nourrissent les futurs escadrons de la mort (Les escargots de René Laloux) ou du burlesque: la guerre, pour quelques monceaux de pierres (Us d’Ulrich Totier, 2013). C’est que, éclatante avec ses cimetières et ses champs de ruines ou latente car muette et intérieure, la guerre n’a pas d’uniforme. Cent films pour situer dans le temps ou dans l’espace cette notion du champ de bataille au champ politique, du

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champ national au champ social ou conjugal, c’est finalement assez peu. nommer l’ennemi Que faut-il pour une bonne guerre ? Un adversaire. En 1956, Howard Hawks expliquait aux Cahiers du cinéma que “la plus haute forme du drame est l’homme en danger”. L’ennemi (au cinéma) conditionne le drame. Sa présence (qu’elle soit réelle ou allégorique) instille un sentiment de danger qui alimente à proportion, ou mieux de manière disproportionnée, tout suspense. Dans In the Border States (film de 1910) de DW Griffith, un père de famille est appelé au front sous l'uniforme nordiste. Pendant son absence, l’une de ses filles sauve un homme de l’armée des confédérés en le cachant dans un puits. Le montage parallèle (toujours aussi magnifiquement exploité par Griffith) converge vers un dénouement on ne

peut plus explosif, mais finalement assez comique et immoral, surtout quand on sait de quel bord penchait le réalisateur (du côté des Sudistes). Car, au cinéma comme à la guerre, rien n’est neutre. La traversée, l’entrée ou la sortie d’un plan suffit à créer une tension. Hong Kong, 1998 : Gerard Holthuis filme la colonie britannique avec une pellicule 35 mm, noir et blanc. Le grain de ses images est saisissant. Holthuis se laisse happer par l’ombre d’un monde qui se pixellise : immeubles tracés au cordeau, agitation effrénée, perspectives de néons noirs et au-dessus de lui, à quelques mètres à peine, très bas dans le ciel, des avions rasent les toits. L’aéroport de Kai Tak, situé en plein centre de Hong Kong ne fermera ses portes qu’à la fin de l’année. Holthuis chante son requiem. Comme Étienne-Jules Marey, armé de son fusil photographique, il capte le mouvement de ces

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LES FI LMS au programme

Le RADI ou l’avant-programme Par le passé, au cinéma, on voyait avant les longs métrages des films courts. C’était systématique car c’était obligatoire… Le caractère obligatoire de la diffusion des courts métrages en avant-programme n’existe plus depuis 1953. En revanche, l’Agence du court métrage propose depuis plus de vingt ans un service qui permet aux salles volontaires d’avoir accès à un court métrage différent chaque semaine dans un catalogue de deux cent cinquante films de moins de quinze minutes. C’est près de trois cents salles qui sont abonnées à ce service en France et qui, chaque semaine, donc, passent un court métrage avant le long de leur choix. Ce service s’appelle le RADI. www.agencecm.com/pages/radi.php

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drôles d’oiseaux ; il détaille les dernières envolées de ce qui, des années durant, aura constitué une menace tant pour les habitants de la ville que pour les passagers de ces vols longs courriers. Son film intitulé Hong Kong (1999) tire magistralement profit de ses cadres fixes, lesquels, entre terre et ciel, se trouvent systématiquement troublés et troués par l’ombre, les tremblements ou la présence gigantesque de ces mastodontes volants. film de guerre Avec la guerre, le septième art n’a eu de cesse de tisser un réseau impressionnant de relations de nature à susciter des mouvements cinématographiques (l’expressionnisme allemand, le néoréalisme…) ou à dessiner un genre à part entière : le film de guerre. Sur l’ensemble des courts métrages proposés se trouvent peu, très peu de films dits de guerre à proprement parler. Deux films d’animation : Le jour de gloire de Bruno Collet (2007) et Lettres de femmes d’Augusto Zanovello (2013). Ce dernier mérite le détour tant pour son traitement – une animation en papier mâché en parfaite adéquation avec son sujet (les lettres que reçoivent les soldats) – que pour sa forme qui emprunte la scénographie duelle (entre tranchées et champs de barbelés, entre promiscuité et espace de l’affrontement) des grands classiques consacrés à la Première Guerre mondiale, tels que Charlot soldat (1918) ou encore Sergent York d’Howard Hawks (1941).

La guerre pose sans cesse la question de l’ennemi et de l’ami, de l’adhésion ou de l’aversion, de la subjectivité ou de l’objectivité, du pluriel et du singulier. Au programme du Jour le plus Court, on trouve aussi l’explosif Totems de Sarah Arnold (2014), qui évoque également mais autrement la Grande Guerre. Adèle, jeune thésarde spécialiste de la question du Soldat inconnu, s’en retourne chez elle, dans le Nord de la France, pour s’occuper de son grand-père suspecté par l’État d’abriter le corps d’un soldat dans son jardin. Or qu’il s’agisse des ossements d’un aïeul ou de celui d’un étranger, tous les corps morts pour la France appartiennent à la République. Aussi bougonne que son grand-père, la jeune femme, qui hésite à se mettre en conformité avec la loi, rencontre un artiste. Ce dernier sculpte à la tronçonneuse

des silhouettes dans des troncs d’arbres dont le bois porte encore les incises du passé et qui, une fois calcinés, sont dressés à la verticale pour composer une série de silhouettes (les œuvres sont signés Christian Lapie), toutes semblables, à la fois immenses et vulnérables. Tout se passe comme si, en écrivant son histoire unique et indivisible, la République confisquait aux victimes du conflit leur deuil, si bien qu’alors, il leur fallait en passer par là, par ce détournement, par ce subterfuge et cette nouvelle mise à mort (symbolique, totémique) et ce, non pas pour dire la perte, mais afin que les anonymes retrouvent leur place, leur nom. la paix au singulier Ainsi les addenda ne cessent de s’additionner au chapitre de l’histoire. Fabrice Chiambretto

Le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand dépasse toutes les statistiques ! Cette manifestation qui a lieu au creux de l’hiver est considérée comme le plus grand festival de court métrage au monde. Il reçoit plus de huit mille deux cents films à visionner pour la sélection officielle, et n’en retient que 2 % soit, cent soixante films provenant de plus de cent trente pays. Chaque année, les chiffres explosent et pas seulement pour les films proposés ; en 2014, cent soixante mille entrées ont été comptabilisées… Aix-en-Provence, Alès, Angers, Annecy, Aubagne, Belfort, Brest, Brive, Cannes, Créteil, Douarnenez, Gardanne, Grenoble, Lille, Marseille, Meudon, Montpellier, Nice, Pantin, Paris, Vendôme, Villeurbanne…, il y a environ trois cents festivals de cinéma en France qui proposent des courts métrages. Voir l’agenda des festivals sur www.brefmagazine.com

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Les courts à la télé Il a longtemps fallu être insomniaque pour voir les courts à la télé, car les émissions dédiées à ce format passent à des heures indues sur le petit écran. Heureusement, le Replay change la donne. Quatre chaînes en France aident la production des courts métrages en pré-achetant et/ou en coproduisant les films en vue de les diffuser : France 2, France 3, Arte et Canal +. Elles leur consacrent aussi des émissions plus complètes avec interviews, sujets thématiques et reportages : Histoires courtes, Libre court, Court-circuit ou Mickrociné, pour les plus anciennes. On en déniche aussi sur la TNT…

dans son très classique (et néanmoins réussi) documentaire Black Clay retrace l’épopée sans vague de Barbara Johns ; avant Martin Luther King, le 23 avril 1951, cette jeune femme noire de seize ans appelait ses camarades de lycée à faire la grève. Une manière de rappeler que le mouvement antiségrégationniste a d’abord été porté par des inconnus. Quelques années plus tard, au même endroit,“pays des téléphones audibles et des chanteurs engagés qui ont du talent”, dans La sixième face du Pentagone, Chris Marker filme la grande manifestation du 21 octobre 1967. “En une nuit, ils sont passés de l’attitude au geste politique” commente le cinéaste à propos des manifestants. C’est que, en 1967, la guerre engage encore tous les individus, elle monopolise entièrement la cité. Aujourd’hui les guerres coloniales sont

oubliées. Mais le cinéma contemporain accueille leurs traumatismes (Octobre noir ou Malek, Saïd, Karim et les autres…, de Florence Corre et d’Aurel, 2011), rend compte de l’impossible négociation avec le passé (Son Indochine de Bruno Collet, 2012) et évoque le retour du refoulé (Le silence et l’oubli de Christophe Delsaux, 2011). guerres plurielles Aujourd’hui les conflits sont dilués dans le flux continu des informations: partout ou nulle part. Ce sont des événements entièrement détachés de l’expérience qui, néanmoins, ordonnent de nouvelles réalités, recomposent les nations. Alors que la question conflictuelle de l’immigration occupe toutes les grandes messes électorales, le réalisateur Basile Doganis aborde audacieusement le sujet sans prendre les gants

des bons sentiments dans Journée d’appel (2014). Appelés à faire leur journée de la citoyenneté, des jeunes de banlieue vont faire ce qu’ils savent faire, ce qu’on attend d’eux : jouer aux lascars, mettre dans la même case ceux qui – flics, militaires et Blancs – les mettent dans une seule case. Parallèlement, le réalisateur met en scène le récit d’un de ces jeunes qui, ayant raté son train, conduit sur place par un garçon qu’il maudit, arrive à Versailles devant des portes closes et va devoir, malgré lui, passer une journée avec un blanc-bec. En mettant en scène la République en échec, ce film fait l’étrange et beau constat que la recomposition, la réconciliation ne sont possibles qu’en faisant un pas de côté : l’école buissonnière, la désertion ou la rébellion. Plutôt que la paix, c’est peut-être là une solution.

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RENCONTRES focus

TROIS CINÉASTES

ENTRE COURTS ET LONGS MÉTRAGES Cette année, le Jour le plus Court met trois cinéastes1 à l’honneur : Axelle Ropert, avec une carte blanche en deux programmes, Benoit Forgeard et Jean-Charles Hue, dont on pourra découvrir l’essentiel du travail. Hasard des agendas, nous avons d’abord rencontré les deux premiers et, quelques jours après, Jean-Charles Hue, qui est revenu sur son long parcours créatif. Discussion croisée.

Axelle Ropert et Benoit Forgeard

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Bref : Vos parcours respectifs dans le court métrage sont contrastés : une dizaine de films pour vous, Benoit, et un seul pour vous, Axelle, qui plus est un moyen métrage… Axelle Ropert : Contrairement à l’idée reçue, je trouve qu’il est plus difficile de réussir un court métrage qu’un long. Pour moi, un récit de cinéma ne peut se développer que sur la durée. Comment faire exister une histoire sur dix minutes sans que cela soit une blague ou un simple effet ? Benoit Forgeard : Moi, je viens de la vidéo d’art; je ne connaissais pas spécialement le court métrage, mais il me semblait qu’il s’agissait d’une forme de cinéma que je pouvais entreprendre assez rapidement, sans trop de moyens, et avec la possibilité d’enchaîner les films. Et pour moi, au contraire d’Axelle, il m’est assez aisé d’écrire vingt pages, mais pas cent ! J’ai ressenti ça sur mon premier long métrage, Gaz de France, où le moment où il faut faire progresser la narration, faire évoluer les sentiments, m’a semblé un peu délicat…

Bref : Cette différence vient peut-être de celle de votre formation initiale : les Lettres et la critique de cinéma d’une part, les arts contemporains de l’autre ? AR : Ce qui m’a formée, c’est avant tout la vision des films, et plus particulièrement des classiques américains des années 1940 et 1950. Ma première envie, en commençant à écrire, a donc été de me diriger vers le long. BF : J’ai commencé tardivement à regarder des films, à m’intéresser à l’histoire du cinéma et ce n’est pas une pose de ma part ! En entrant aux Beaux-Arts, je ne connaissais rien, ou presque, du cinéma, sinon le cinéma populaire vu à la télévision. En fait, ce ne sont pas des films, mais des poètes ou des artistes comme Marcel Duchamp qui m’ont donné envie de faire du cinéma… ■ 1. Retrouvez les portraits filmés de ces cinéastes, entre autres, sur le site de la manifestation : www.lejourlepluscourt.com


AR : Dans les années 1990, quand j’avais vingt ans, il y a avait surtout cette école naturaliste, “l’école Pialat”, dans laquelle je ne me reconnaissais pas du tout. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les choses sont plus dispersées et il semble plus difficile de dresser des filiations.

Bref : Vous vous êtes frotté assez vite, tout comme Axelle, au format du moyen métrage… BF: Oui, c’est vrai, avec Belle Île en mer, mais je suis très vite revenu à davantage de concision. J’aime que les choses soient lancées rapidement et c’est ce qui fait que le “court court” me plaît. AR: Le moyen métrage, c’est une durée que je trouve très intéressante, un peu l’équivalent de la nouvelle en littérature. Pour Étoile violette, une quarantaine de minutes me permettait de faire exister un récit qui n’aurait ni le côté étriqué de certains courts métrages, ni le côté artificiellement “étiré” d’un petit long métrage. Je suis persuadée que le numérique libéré des contraintes de coût a encore aggravé la difficulté de bien des courts métrages à travailler leur durée. J’ai été obligée de tourner en numérique mon long métrage, Tirez la langue mademoiselle (2013), pour des raisons budgétaires, mais je compte bien revenir au 35 mm. Ce n’est pas du tout un perfectionnement technique facilitant l’accès à la réalisation, mais un diktat de l’industrie auquel nous, cinéastes, avons beaucoup de mal à nous opposer. Le niveau esthétique moyen du cinéma a baissé, la plupart des films ressemblent maintenant, sur le plan de l’image, à des “aquariums hyper réalistes” (ce côté à la fois glacé et trop réel du numérique), et il y a une beauté propre à l’argentique qu’on a totalement perdue. BF : En même temps, lorsque je débutais, j’aurais trouvé fantastique d’avoir ce moyen de faire des films plus facilement, car le 35 mm pouvait encore paraître compliqué. Il me semble un peu bizarre de regretter que la technologie ait finalement cet effet pervers. Le problème est peut-être que trop de gens s’emparent des caméras sans savoir quoi filmer ! Mais ce n’est pas pire qu’en littérature, où les éditeurs croulent sous les manuscrits… Bref : Ce serait alors plus des problèmes de scénarios ? AR : S’il y a un problème de scénario dans le cinéma français, c’est plutôt dans le cinéma “grand public”, où l’écriture est souvent bâclée. Les “premiers films” sont parfois maladroits ou bancals, mais pas particulièrement mal écrits, je trouve. Ce qui me chagrine plus, c’est que beaucoup de jeunes cinéastes sont obsédés par le naturalisme, le réel, et que trop peu s’intéressent vraiment à la fiction. Ou alors à l’extrême, les scénarios étant cadenassés par des gens qui se promeuvent comme “super-scénaristes”, et qui oublient qu’il faut aussi trouver les respirations d’un scénario… BF: Mais est-il toujours aussi dominant que cela, ce naturalisme? Bon, il est vrai qu’il y a un cinéma assez pénible pour moi, qui m’ennuie toujours un peu, qui force toujours trop le trait…

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Bref : Vous situeriez-vous dans les fameux “films du milieu” dont on parle si souvent ? BF : J’ai toujours travaillé sur la base de petits budgets et ces films du milieu, pour moi, ont déjà pas mal d’argent ! Le budget de Gaz de France n’est que la moitié de celui de certains courts ! AR: Je ne suis pas assez calée en production pour répondre. Mais je pense que la grandeur du cinéma français réside aussi dans son étrangeté: Tati, Bresson, Demy, Rohmer, Rivette, et même Truffaut faisaient des films magnifiques, mais fondamentalement étranges. Le savoir-faire d’un producteur consiste à produire comme “normaux” (et donc rassurants) des films qui seront étranges au final (et donc inquiétants pour les financiers, mais pas forcément pour le public). J’ai choisi au sein de la carte blanche pour le Jour le plus Court de montrer un film de Paul Vecchiali. C’est une personnalité exemplaire, de cinéaste et de producteur. Ses films des années 1970, comme ceux de Jean-Claude Biette ou de Jean-Claude Guiguet, étaient produits avec très peu de moyens par sa société de production Diagonale. Et quels films c’étaient ! Ils étaient certes à la marge, mais comme le dit Godard, c’est la marge qui fait tenir les pages ! Sans Duras, pas de Belmondo ; sans Brisseau, pas de Jean Dujardin. Bref : Considérez-vous faire partie aujourd’hui d’une telle famille de résistance ? AR : Non, pas du tout. Ces cinéastes autour de Diagonale étaient des francs-tireurs et il y avait chez eux une forme de colère et de courage sans faille que je n’ai pas du tout pour ma part. Il faut avoir une sacrée force de caractère pour être un cinéaste de la marge ! Mais les années 1970 le permettaient, il y avait beaucoup de projets incroyables – Eustache, Duras, Arrietta, certains films de Garrel – qui ne pourraient plus se faire aujourd’hui ; il y avait un respect a priori plus fort pour le “cinéaste-artiste”.

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RENCONTRES focus

BF : Autour d’Ecce Films (qui a produit Les coquillettes, La bataille de Solférino ou La fille du 14 juillet, NDLR), il y a une famille, qui n’est pas un mouvement et qui n’est pas tout à fait une famille de style, mais vraiment celle d’un esprit partagé.

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Bref : La relation de fidélité à son producteur semble pour tous deux fondamentale dans votre cinéma… BF : Pour mon premier “vrai” court métrage, La course nue, il n’y avait pas d’argent du tout et Emmanuel Chaumet, qui venait de fonder Ecce Films ne voulait pas attendre de trouver les moyens financiers auprès des guichets traditionnels pour le faire. Nous nous sommes donc lancés comme ça, avec un peu de son argent personnel… AR : J’ai réalisé Étoile violette avec Elena Films, la structure de courts métrages des Films Pelléas. David Thion et Philippe Martin continuent de m’accompagner pour mes longs. Faire un film, c’est un tel champ de bataille que je trouve important d’avoir des alliés solidaires : en l’occurrence, des producteurs. Bref : Le passage au long métrage est-il, selon vous, facilité par le travail dans le court, qui plus est lorsqu’il s’effectue en compagnie d’un même producteur ? BF: Avec Emmanuel Chaumet, nous travaillons ensemble depuis dix ans, je n’ai connu que lui comme producteur, et il me semblait important de faire mon premier long métrage avec lui. On connaît

bien nos manières mutuelles de travailler et ce dont on est capables. Nos défauts aussi ! AR : On reprend tout à zéro en faisant un long. Le tournage d’Étoile violette avait été pour moi très léger, il n’y avait pas d’enjeu ni de pression liée à l’argent ; c’était vraiment facile. J’ai mis vraiment les pieds dans le cinéma lorsque j’ai commencé mon premier long métrage, La famille Wolberg (2009). La tension d’un long, c’est incommensurable avec celle d’un court! L’un des bénéfices du court est ce plaisir de vivre un tournage heureux et détendu… Il donne l’idée que tourner n’est pas forcément épouvantable ! J’ai retrouvé cette sensation en réalisant récemment le court Truffaut au présent pour la Cinémathèque française, sur cinq jours et avec une quinzaine de comédiens, après avoir fait deux longs métrages les années précédentes. Il est peut-être bien de revenir de temps en temps au court pour se “recharger en bons souvenirs”. On y retrouve les choses essentielles, les raisons mêmes pour lesquelles on fait du cinéma : les acteurs, la simplicité, le rapport direct aux choses. J’ai d’ailleurs envie de faire un court métrage tous les deux ou trois longs, pour revenir aux fondamentaux, retrouver le plaisir et la légèreté, sans arrière-pensée. Je vais appeler ça “ma pause ophulsienne” ! Bref : Quels sont, d’ailleurs, vos projets immédiats ? AR : Je suis en train de préparer mes deux prochains films, qui seront d’abord une comédie romantique, puis le biopic d’une princesse du XVIIIe siècle, un film d’époque. Il nous faudra être malins et trouver la bonne équation entre une vraie splendeur à l’écran et un budget raisonnable. Ce qui pose des défis très intéressants. C’est d’ailleurs une des leçons du court métrage: savoir dépenser l’argent à bon escient et ruser avec le manque. BF : Je finis actuellement Gaz de France, qui a été tourné en décembre 2013 et qui sera fini début 2015, soit plus d’un an de travail. La phase de postproduction est très longue, car le film a été intégralement tourné sur fond vert, ce qui m’amène à expérimenter une forme nouvelle de montage, très chronophage, mais aussi très amusante…

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Mange tes courts !

Distingué du Prix Jean-Vigo 2014 et présenté à la Quinzaine des réalisateurs, Mange tes morts a mis en lumière le nom de JeanCharles Hue, que les cinéphiles connaissaient déjà grâce à La BM du seigneur, succès d’estime en 2011. Mais on sait beaucoup moins que le réalisateur a auparavant signé de nombreux courts métrages plutôt passés inaperçus. Une bizarrerie que l’intéressé explique par son parcours de plasticien : “Comme je faisais beaucoup de dessin et de peinture, je suis entré à l’école d’arts de Cergy-Pontoise, mais avec l’idée de faire de l’expérimental et les noms de Kenneth Anger ou Jonas Mekas en tête. Donc j’ai rapidement fait des courts métrages, documentaire comme fiction, jamais dans une optique professionnelle, sans demander d’argent au CNC ou aux régions. Ces œuvres ont été beaucoup montrées dans le monde de l’art contemporain, des expositions, des galeries.” Sa démarche artistique, il l’a très tôt orientée vers le désir de filmer les communautés gitanes. “Je connaissais déjà les Dorkel (la famille de gens du voyages présente dans plusieurs de ses films, NDLR), se souvient-il, mais c’est à partir de mon séjour à Barcelone, en troisième année d’études, que j’ai commencé à faire des prises de vues, en 16 mm et avec des moyens

Le style Hue s’affine et s’affirme encore, à la lisière parfois poreuse entre fiction et documentaire, y trouvant sa force et sa singularité. très modestes, autour de Gitans espagnols rencontrés alors.” Ces différents segments composent une sorte de journal intime “à la Mekas”, se délecte de préciser Hue, qui ne montre toutefois que rarement ces premiers essais. Gadjo Mexico La partie de son œuvre qui est présentée dans le cadre du Jour le plus Court consiste surtout en ses docu-fictions réalisées lors de séjours à Tijuana, juste de l’autre côté de la frontière californienne. Parti sans argent, sinon des fonds propres, il y a tourné une série de portraits. De retour d’un premier séjour, ce matériau avait séduit la productrice Élisabeth Pawlowski qui parvint à décrocher une aide financière, amenant Jean-Charles Hue à repartir au Mexique : “J’avais 45000 euros, pour la première fois de ma vie, car jusqu’alors j’avais emprunté à la banque pour tourner ! Il se lance alors dans l’aventure de Carne viva (2009), devenu finalement un long métrage, intégrant ses premiers portraits et qui a été montré dans plusieurs festivals importants, notamment à Marseille et à Turin.

Entre temps, via Élisabeth Pawlowski, un lien s’est noué avec Capricci Films, une enseigne toujours exigeante dans son rôle de “tête chercheuse” et qui permet au cinéaste d’achever La BM du seigneur, avant de le distribuer en salles. De cette matière conséquente rassemblée alors au contact de la vie de la famille Dorkel naîtra aussi le moyen métrage documentaire Un ange, autour du fameux et massif Fred, que l’on retrouve dans La BM… et Mange tes morts. Le style Hue s’affine et s’affirme encore, à la lisière parfois poreuse entre fiction et documentaire, y trouvant sa force et sa singularité. Ce qui n’empêche pas le cinéaste de s’aventurer dans une forme de fiction plus franchement posée, pour un film qu’il écrit actuellement et où jouera Jean-François Stévenin aux côtés, bien sûr, de Fred Dorkel. Avant de nouveaux films à Tijuana, un “polar métaphysique” et un court métrage dont des images ont déjà été mises en boîte avec la Bolex de ses débuts ! La recherche et l’expérimentation continuent, succès ou pas, et c’est une excellente nouvelle…

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de Bertrand Bonello, Shellac, 2014 “Le film, un court métrage d’un quart d’heure d’une beauté bouleversante, est à la fois une fiction théorique sur le cinéma et la représentation, et un portrait documentaire d’Asia Argento.” Isabelle Regnier, Le Monde

■ Le 6 juin à l’aube, de Jean Grémillon, Éditions de l’Œil, 2014 “Une élégie funèbre et poétique, dont le cinéaste a écrit le commentaire et composé la musique, à la beauté lyrique. C’est toutes les guerres que vise le cinéaste, dit Jean-Marie Straub dans un supplément. En effet, les ruines de SaintLo ne sont-elles pas celles d’Alep ou de Gaza ?” Christophe Kantcheff, Politis



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