PREVIEW On Earth - Imaging, Technology and the Natural World

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On Earth Sur Terre

Imaging, Technology and the Natural World

Image, technologies et monde naturel




This edition was published on the occasion of the exhibition On Earth Imaging, Technology and the Natural World Exhibition curated by Foam Les Rencontres d'Arles, France 1 July - 22 September 2019 Foam, Amsterdam, the Netherlands 1 June - 2 September 2020 le lieu unique, Nantes, France 1 October 2020 - 10 January 2021


On Earth Sur Terre

Imaging, Technology and the Natural World by Hinde Haest Marcel Feil

Image, technologies et monde naturel par Hinde Haest Marcel Feil


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Preface We are living in exciting and in some senses crucial times. After centuries of Western hegemony and a social and economic system based on extreme individualism, continually advancing growth and increasing material prosperity, the limits of our system have been reached. To arrive at a more enduring and responsible relationship with our planet and the entire ecosystem of which we as human beings are part, a fundamental shift is needed – politically, economically, socially, morally and spiritually. Photography has a role to play in this. It is ubiquitous in our society and a principal ingredient in the formation of ideas, beliefs and opinions about the world in which we live. The exhibition On Earth – Imaging, Technology and the Natural World, compiled by our curator Hinde Haest, brings together innovative work of outstanding quality by 26 relatively young artists who give expression in diverse ways to our complex relationship with our natural surroundings, whether investigative, critical, poetic or confrontational. For Foam, photography museum Amsterdam, it is of great importance to keep a finger on the pulse of new developments within both photography and society, and to translate it relatively quickly into new and relevant projects. Foam is grateful to all the artists for their indispensable contributions and the trust they have placed in us. We are also grateful to all those who have lent works, to the galleries represented, and to all the funds and individuals who have supported the exhibition. Our thanks also go to Les Rencontres d’Arles, which enabled the exhibition to have its première during its 2019 festival. Finally, thanks to le lieu unique for an exemplary collaboration. Marcel Feil Artistic Director, Foam

For twenty years, le lieu unique has observed the world through the eyes of those who think about it, write about it, dream about it, reinvent it. The centre for contemporary culture in Nantes favours unique approaches, practices which ignore the boundaries between artistic disciplines and documentary expression. From Verena Paravel and Lucien Castaing-Taylor to Richard Mosse, via Mario Del Curto and Naoya Hatakeyama, video and photography often make le lieu unique a hall of mirrors reflecting new perspectives on our environment and ourselves. On Earth is no exception on this artistic path. Beyond simply reproducing landscapes, this exhibition illustrates that photography as a medium never interrogates itself so much as when confronted with the reconstruction of nature. It thus questions us about the tools we have in our mind’s eye to comprehend the world, and hence our perception of that world beyond the image. At stake is nothing less than our place in what can sometimes appear to be an ecosystem from which we are estranged. But Gaia has her own ways of reminding us that we are part of her. And even more than the “mediations” engendered by technique (even when these are disruptive or distanced, as here), it is the indignities to which we subject her that are discernible here. It was time to feel On Earth again, and to feel for her. Thank you to the artists, Marcel, Hinde and the Foam team, as well as all at le lieu unique, for making this exhibition possible. Patrick Gyger Director, le lieu unique


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Préface Nous vivons des temps passionnants et, à certains égards, cruciaux. Après des siècles d’hégémonie occidentale, d’un système social et économique basé sur un individualisme forcené, d’une croissance continue ainsi que d’une prospérité matérielle toujours plus importante, les limites ont été atteintes. Pour parvenir à une relation plus durable et responsable avec notre planète et avec l'ensemble de l'écosystème dont nous autres êtres humains faisons partie, un changement radical est nécessaire – à la fois politique, économique, social, moral et spirituel. La photographie a un rôle à jouer à cet égard. Elle est omniprésente dans notre société et un ingrédient essentiel du processus de formation des idées, croyances et opinions quant-au monde dans lequel nous vivons. L’exposition Sur Terre Image, technologies et monde naturel, compilée par notre commissaire Hinde Haest, rassemble des travaux innovants et d'une qualité exceptionnelle, produits par des artistes relativement jeunes qui expriment, de diverses manières, la relation complexe que nous entretenons avec notre environnement naturel : qu'elle soit investigatrice, critique, poétique ou conflictuelle. Pour Foam, il est essentiel de prendre en permanence le pouls des nouveaux développements de la création photographique aussi bien que de l’évolution de la société, puis d’en rendre compte rapidement sous la forme de projets inhabituels et pertinents. Foam remercie tous les artistes pour leur contribution indispensable et la confiance qu’ils nous ont accordée. Nous sommes également reconnaissants à tous ceux qui ont prêté des œuvres, aux galeries représentées, ainsi que tous les organismes et particuliers qui ont soutenu l'exposition. Nos remerciements vont également aux LesRencontres d’Arles qui ont accueilli la première de cette exposition lors de leur festival 2019. Merci enfin au le lieu unique pour sa collaboration exemplaire. Marcel Feil Directeur artistique, Foam

Depuis vingt ans, le lieu unique observe le monde avec les yeux de ceux qui le pensent, l’écrivent, le rêvent, le réinventent. Le centre de culture contemporaine de Nantes privilégie les approches singulières, les pratiques qui font fi des frontières entre les disciplines artistiques et les expressions documentaires. De Verena Paravel et Lucien Castaing-­ Taylor à Richard Mosse en passant par Mario Del Curto ou Naoya Hatakeyama, vidéo et photographie font fréquemment du le lieu unique un palais des glaces renvoyant des perspectives inédites sur notre environnement et sur nous-mêmes. Sur Terre ne déroge pas à cette ligne artistique. Au-delà de la simple reproduction de paysages, l’exposition illustre que la photographie en tant que média ne se questionne jamais autant que lorsqu’elle est confrontée à la nature pour la restituer. Elle nous interroge ainsi sur les outils que nous imaginons pour appréhender le monde, et donc notre perception de celui-ci au-delà de l’image. Le propos n’est rien moins que notre place dans ce qui peut parfois nous apparaître comme un écosystème dont nous sommes séparés. Mais Gaïa a des manières bien à elle de nous rappeler que nous faisons partie d’elle, et plus encore que les « médiations » apportées par la technique (même quand elles sont disruptives ou distanciées comme ici), ce sont les affronts que nous lui faisons subir qui apparaissent ici en filigrane. Il était temps de se sentir à nouveau Sur Terre, et avec elle. Merci aux artistes, à Marcel, Hinde et à l’équipe de Foam, ainsi qu’à l’équipe du lieu unique de l’avoir rendu possible. Patrick Gyger Directeur, le lieu unique


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State of Nature

Nature/ Nurture

Douglas Mandry Fabio Barile Guillaume Simoneau Matthew Brandt Anouk Kruithof Mishka Henner Femke Herregraven Mehrali Razaghmanesh

p.15 p.19 p.25 p.29 p.33 p.37 p.41 p.47

Persijn Broersen & Margit Lukács Melanie Bonajo Drew Nikonowicz Wang Juyan

p.53 p.57 p.63 p.69

Mark Dorf p.75 Noémie Goudal p.79 Jeremy Ayer p.83 Thomas Albdorf p.87 Benoît Jeannet p.91 Troika p.97 Raphaël Dallaporta p.101 Mårten Lange p.105 Maya Watanabe p.113

Awoiska van der Molen Adam Jeppesen Guido van der Werve Jonathas de Andrade Lucas Foglia

p.119 p.123 p.127 p.131 p.135


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État de nature

P. 13 P. 51

Inné/ acquis

P. 73 P. 117


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Douglas Mandry Monuments, 2019

1989, CH

Environmental preservation and sustainability are increasingly becoming the focus of today’s technological acceleration. In an attempt to minimize the devastating effect of global warming on the glaciers of the Swiss Alps, each summer they are covered with geotextile blankets that are designed to keep the ice cool. For his series Monuments, Douglas Mandry journeyed to his native country, intrigued by how modern technology is mobilised in a desperate attempt to prevent the receding glaciers from further melting. The artist brought back disused pieces of geotextile from the mountain, using the material as a carrier for found photographs of early twentieth-century alpinism in the region. Following in the footsteps of these early mountaineering landscapists, Mandry carried a homemade large-format wooden camera up the mountain. He inserted pieces of ice collected from the glacier into the camera, placing them directly onto sheets of photosensitised paper. The resulting photogram of the melting ice is as alarming as it is beautiful. Combining modern technology with nineteenth-century imaging techniques, the artist points out the paradoxical nature of technological development as both cause and cure for climate change.

La préservation de l’environnement et le développement durable sont de plus en plus au centre de l'accélération technologique actuelle. Afin de minimiser l'effet dévastateur du réchauffement climatique sur les glaciers des Alpes suisses, ceux-ci sont recouverts chaque été par des couvertures géotextiles conçues pour maintenir la glace au frais. Pour sa série Monuments, Douglas Mandry s'est rendu dans son pays natal, intrigué par la manière dont la technologie moderne est mise à contribution dans une tentative désespérée de stopper la fonte des glaciers. L'artiste a rapporté des morceaux de ce matériau et les a utilisés comme supports pour y fixer des photographies d’expéditions en montagne dans cette même région, datant du début du vingtième siècle. Suivant les traces de ces premiers alpinistes et photographes paysagistes, Douglas Mandry a fabriqué lui-même une chambre noire de grande taille en bois et l’a transportée en haut de la montagne. Il a inséré dans l’appareil des morceaux de glace prélevés sur le glacier, et les a placés directement sur du papier photosensible. Le photogramme résultant de la fonte de la glace est aussi alarmant qu’esthétique. Combinant la technologie moderne avec des techniques d'imagerie du XIXe siècle, l'artiste souligne la nature paradoxale de l'évolution technologique à la fois comme cause et remède du changement climatique.






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Mishka Henner Feedlots, 2012-2013 1976, BE

Henner’s images form an alarming testimony to destructive yield maximisation practices in the meat industry. The feedlots, officially referred to as Concentrated Animal Feeding Operations, comprise enormous stretches of enclosed land where cattle are raised and supersized for slaughter. The photographer first came across the phenomenon when searching for satellite images of oil fields on Google Earth. Hundreds of thousands of nearly imperceptible specks punctuating the landscape turned out to be cattle; the adjacent pools proved to be lagoons used to collect and break down animal urine and manure. Their bright colours are the result of chemical waste that seeps into the soil, posing serious health risks. Henner’s images are composites of hundreds of publicly available satellite images. While the artist had open access to his source material, the institutionalisation of so called ‘ag-gag’ laws in certain states criminalises the production of footage that reports gross environmental waste and animal abuse. To the artist, the images are not only a means to visualise and comprehend the vast impact of overconsumption; they embody a fundamentally distorted attitude toward our environment.

Les images de Henner constituent un témoignage alarmant sur des pratiques destructrices dues à la maximisation du rendement dans l’industrie de la viande. Les parcs d’engraissement, qui portent la dénomination officielle « d’opérations concentrées pour nourrir les animaux », constituent d’immenses bandes de terres encloses où on élève le bétail jusqu’à ce qu’il devienne énorme avant de l’abattre. Le photographe a découvert ces pratiques en recherchant des images satellite de champs pétrolifères sur Google Earth. Des centaines de milliers de taches presque imperceptibles qui ponctuaient le paysage se révélèrent être des têtes de bétail ; les bassins adjacents étaient des étangs utilisés pour la collecte et la décomposition des déjections animales. Leur vive couleur provient des déchets chimiques qui s’infiltrent dans le sol, entraînant de sérieux risques sanitaires. Les images de Henner sont des composites de centaines d’images satellite à la portée de tout un chacun. Tandis que l’artiste bénéficie d’un libre accès à son matériau source, dans certains États, l’institutionnalisation des lois dites « ag-gag » criminalise la production d’images montrant des rejets massifs de déchets dans l’environnement et la maltraitance animale. Pour l’artiste, les images ne sont pas seulement un moyen de visualiser et de saisir l’énorme impact de notre surconsommation ; elles dénoncent une attitude fondamentalement biaisée envers notre environnement.





Nature/ Nurture Inne/ acquis 75


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The inherent interconnectedness between imaging technologies and our experience of the natural world becomes apparent in the work of artists such as Mark Dorf and Noémie Goudal, who prove that what we regard as nature is in fact the result of human engineering. Firmly rooted in photographic history, they show us the complicity of photography and other human inventions in “framing” the landscape as a cultural construct. Artists such as Thomas Albdorf, Jeremy Ayer, and Benoît Jeannet investigate how our perception of a place is primarily formed by the visual media we consume – and point towards the danger of relying on an increasingly selfreferential visual culture. Our cultured experience of the landscape is further explored by artist collective Troika, whose installations embody a timeless yet idle desire to fathom and control nature. A new generation of artists opposes the persisting nature/culture binary and moves away from the idea of photography as a passive means to record, analyse, and control our environment. Instead, artists such as Maya Watanabe, Raphaël Dallaporta, and Mårten Lange employ strategies of visual storytelling, fiction, and mythology to demonstrate that the landscape is not only culturally constructed; it in turn inspires language, memory, and a collective cultural identity.

L’interconnexion intrinsèque entre les technologies d’imagerie et notre expérience de la nature est rendue manifeste dans le travail d’artistes tels que Mark Dorf et Noémie Goudal, qui montrent que ce que nous considérons comme la nature est en fait le résultat d’une intervention humaine. Profondément enracinées dans l’histoire de la photographie, leurs oeuvres nous révèlent la complicité de la photographie et d’autres inventions humaines dans l’« élaboration » du paysage en tant que construction culturelle. Des artistes tels que Thomas Albdorf, Jeremy Ayer et Benoît Jeannet étudient comment notre perception d’un lieu est avant tout modelée par le média visuel que nous consommons, et attirent l’attention sur le danger de se reposer sur une culture visuelle de plus en plus autoréférentielle. Notre expérience culturelle du paysage est explorée plus avant par le collectif artistique Troika, dont les installations représentent un désir aussi vain qu’immémorial de comprendre et de contrôler la nature. Une nouvelle génération d’artistes rejette l’éternelle opposition nature/culture et s’écarte de l’idée que la photographie est un moyen passif pour enregistrer, analyser et contrôler notre environnement. Au contraire, des artistes comme Maya Watanabe, Raphaël Dallaporta et Mårten Lange utilisent des stratégies de narration, de fiction et de mythologie visuelles pour démontrer que le paysage n’est pas seulement culturellement construit, mais qu’il inspire aussi à son tour le langage, la mémoire et une identité culturelle collective.


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Mark Dorf Transposition, 2017 1988, US

Mark Dorf explores how digital technology, visual language and science determine our relationship with nature. The images that form the basis of his sculptures and installations were made in the Botanical Gardens in The Bronx and Brooklyn. They are characterised by deliberately visible gradients, basic Photoshop tools like clone stamp and unpretentious prefab materials such as plastic and plywood. Revealing the rendered and artificial make-up of his still lifes, Dorf confirms the premise of the (botanical) garden that increasingly underlies our relationship with nature generally: it is a man-made structure, imitating an idea of what we believe nature to be. According to Dorf the untouched landscape, unaffected by human beings, no longer exists. He sees nature, the built environment and the digital world not as separate and opposing entities, but as an encompassing whole.

Mark Dorf explore la façon dont la technologie numérique, le langage visuel et la science déterminent notre relation à la nature. Les images qui constituent la base de ses sculptures et installations ont été prises dans les jardins botaniques du Bronx et de Brooklyn. Elles sont caractérisées par des dégradés laissés volontairement visibles, des outils Photoshop de base comme le tampon de duplication et des matériaux humbles comme le plastique et le contreplaqué. En révélant la composition artificielle de ses natures mortes, Dorf confirme le principe du jardin (botanique) qui sous-tend de plus en plus notre relation à la nature en général : une structure fabriquée par l’homme, imitant une idée de ce que nous pensons être la nature. Selon Dorf, il n’existe plus de paysage que l’être humain n’ait pas touché ou modifié. Il voit la nature, l’environnement artificiel et le monde numérique non pas comme des entités séparées et opposées, mais comme un tout englobant.





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Thomas Albdorf I Know I Will See What I Have Seen Before, 2015 1982, AT

Albdorf posed himself the question: can one know a place without ever having set foot there? To test his theory, he ‘travelled’ to remote, yet extensively photographed places – the Alps, Yosemite National Park – from behind his computer screen. For his 2015 series I Know I Will See What I Have Seen Before, the artist sourced images commonly used to define, market or propagate his native Austria. The title is an adaptation of the theme-lyrics from the famous film The Sound of Music (1966) which is set in the ‘stereotypical’ Austrian countryside. To identify how the majestic mountain landscapes and luscious meadows constitute the visual DNA of a place, he sourced images typically found in tourist brochures and heimat-films and recreated cliché elements in his studio and in Photoshop. Though highly seductive, Albdorf’s images simultaneously display an acute awareness of the danger of experiencing the world via our screens. Feeding his constructs into image recognition software, the artist discovered it could be tricked into thinking it is looking at a waterfall, while the human eye clearly sees a handful of dust being thrown onto a dark cloth. As images reach us – or fail to reach us – via search engines and algorithms that are trained by existing images, we tend to only see what we have already witnessed a thousand times over.

Peut-on connaître un lieu sans y avoir jamais mis les pieds ? Telle est la question que s’est posée Albdorf. Pour éprouver cette théorie, il a « voyagé » dans des endroits reculés mais abondamment photographiés – les Alpes, le parc national du Yosemite – depuis l’écran de son ordinateur. Pour sa série Je sais que je verrai ce que j’ai déjà vu, l’artiste a repris des images couramment utilisées pour la description ou la promotion de son Autriche natale. Le titre est une adaptation des paroles de la chanson principale du célèbre film La Mélodie du bonheur (1966), qui se situe dans une campagne autrichienne stéréotypée. Afin de comprendre comment le paysage majestueux de montagnes et de grasses prairies en vient à constituer l’ADN d’un lieu, Albdorf a emprunté des photos à des brochures touristiques et à des films régionalistes dont il a travaillé les éléments les plus représentatifs dans son studio et sur Photoshop. Bien que très séduisantes, les images d’Albdorf suscitent en même temps une prise de conscience aiguë du danger qu’il y a à faire l’expérience du monde par écran interposé. Alimentant le logiciel de reconnaissance d’image avec ces constructions, l’artiste a découvert que celui-ci pouvait être amené à identifier une chute d’eau là où l’œil humain ne distinguait clairement que quelques grains de poussière sur un chiffon sombre. Lorsque les images nous atteignent – ou échouent à nous atteindre – via des moteurs de recherche et des algorithmes formatés à partir d’images existantes, nous avons tendance à ne voir que ce que nous avons déjà vu un millier de fois.





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A consequence of our visual experience of the world from the confines of our computer screens is a desire to physically return to a pure and untouched state of nature. This sentiment inspired the solemn and remote landscapes of Awoiska van der Molen, the majestic glaciers of Adam Jeppesen, and the eerie stretches of ice trodden by Guido van der Werve. Their work is the result of slow and strenuous journeys as well as lengthy physical processes establishing a spiritual connection with the landscape. These are modern pilgrims whose work formulates a more contemporary interpretation of the “sublime”: a term employed by the Romantic landscapists to describe the at once beautiful and terrifying magnificence of nature. Artists such as Jonathas de Andrade and Lucas Foglia investigate communities who propose alternative ways of living together with nature. Their work registers a collective longing for wilderness and the desire to live in unison with the environment; a state of being that is typically sought in remote parts of the world, but can be found even in the most densely populated cities. Treading the boundary between documentary photography and visual storytelling, the artists employ a variety of visual strategies to imagine alternative futures.

Notre expérience visuelle du monde circonscrite par nos écrans d’ordinateur a pour corollaire un désir de retourner physiquement à un état de nature pur et inviolé. Ce sentiment a inspiré les paysages solennels et lointains d’Awoiska van der Molen, les glaciers majestueux d’Adam Jeppesen et les angoissantes étendues de glace foulées par Guido van der Werve. Leur travail est le résultat de longues et éprouvantes errances conjuguées à des modes de fabrication complexes des images pour établir une connexion spirituelle avec le paysage. Ce sont des pèlerins modernes dont le travail exprime une interprétation plus contemporaine du « sublime » : un terme employé par les paysagistes romantiques pour décrire la splendeur grandiose et terrifiante de la nature. Des artistes tels que Jonathas de Andrade et Lucas Foglia enquêtent sur des communautés qui proposent des modes de vie alternatifs en lien avec la nature. Leur travail enregistre une nostalgie collective pour le monde sauvage et le désir de vivre à l’unisson avec l’environnement ; une manière d’être que l’on va typiquement rechercher dans des parties reculées du monde mais que l’on peut trouver même dans les villes les plus densément peuplées. Franchissant la limite entre photographie documentaire et narration visuelle, les artistes déploient toutes sortes de stratégies visuelles pour imaginer d’autres lendemains.


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Awoiska van der Molen #412-9, 2015 / # 274-5, 2011 / #346-18, 2013 1972, NL

Traversing remote landscapes for extended periods of time and in complete isolation, Awoiska van der Molen allows herself to be enveloped by her natural surroundings. Each image marks the crucial moment when the artist experienced a sense of being ‘absorbed, devoured, but also protected’ by the landscape. The precise location or time of day in which the landscape was photographed remain unspecified and become obsolete. What remains is a universal ‘spiritual’ landscape outside of time and space. Van der Molen’s search for the conflation of man and nature is reminiscent of the Romantic quest for a ‘sublime’ untouched landscape. A magnificent and awe-inspiring wilderness that is all-encompassing, both physically and emotionally. And yet her aesthetic is far removed from the hazy blur and Pictorial soft-focus that characterised early landscape photography. The artist achieves subtle grey tones, solely using the natural light of the sun. Her meticulous and slow working process continues in the darkroom, where Van der Molen develops her Baryta prints by hand. The materiality and scale of the prints invite the viewer to approach the images with a sensitivity similar to the one experienced by the artist when photographing.

Parcourant des terres lointaines durant de longues périodes et dans un complet isolement, Awoiska van der Molen se laisse envelopper par ce cadre naturel. Chaque image marque le moment crucial où l’artiste vit la sensation d’être « absorbée, dévorée, mais aussi protégée » par le paysage. Le lieu ou l’heure exacts de la prise de vue ne sont pas précisés, comme abandonnés au passé. Ce qui reste est un paysage « spirituel » universel, en dehors du temps et de l’espace. Cette recherche d’une fusion entre l’être humain et la nature rappelle la quête romantique du paysage « sublime » et vierge. Un monde sauvage, grandiose et impressionnant qui englobe tout, à la fois physiquement et émotionnellement. Et pourtant, l’esthétique d’Awoiska van der Molen est très loin du flou vaporeux et des gros grains qui caractérisaient les paysages photographiés par les pictorialistes. L’artiste obtient des tons d’un gris subtil au moyen de la seule lumière du soleil. Son travail lent et méticuleux se poursuit dans la chambre noire, où Van der Molen développe elle-même ses tirages sur papier Baryta. La matérialité et la dimension des tirages invitent le spectateur à aborder ces vues avec une émotion proche de celle qu’éprouvait l’artiste au moment de photographier.





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Adam Jeppesen Folded, 2014-2017 Ghosts, 2013-2014

1978, DK

Adam Jeppesen travelled overland from the North Pole to Antarctica in 487 days. The resulting works of this solitary quest bear witness to a strenuous journey and are suffuse with a sense of serenity and contemplation. The artist left visible the scratches, spots and dust particles on the surface of the negatives as tangible traces of the expedition. Mobility and transience of a travelling existence materialise in his majestic glaciers, which are printed on rice paper and folded several times over, as with a map. The delicate texture of the paper contrasts with the indestructible appearance of ancient rock formations. For his Ghosts, the artist experimented with photogravure: a nineteenth-century printing process in which an etched copper plate is inked and pressed to paper, allowing for nuanced greys and exceptional detail. Jeppesen used the same plate multiple times in succession, without re-inking it between prints, producing a fading image and eventually leaving but a shadow – or memory – of a disappearing landscape.

Adam Jeppesen a fait la traversée du pôle Nord à l’Antarctique par voie de terre en 487 jours. Les images qui sont le fruit de cette quête solitaire, tout en témoignant du caractère éprouvant d’un tel voyage, sont empreintes de sérénité et de recueillement contemplatif. L’artiste a laissé visibles les éraflures, les taches et les grains de poussière à la surface des négatifs comme des traces tangibles de l’expédition. La mobilité et la fugacité d’une existence itinérante se matérialise dans les glaciers majestueux imprimés sur du papier de riz et repliés plusieurs fois, comme une carte. La texture délicate du papier contraste avec l’aspect indestructible des anciennes formations rocheuses. Pour ses Fantômes, l’artiste a fait des expériences avec la photogravure : reprenant un procédé d’impression du XIXe siècle, il encre une plaque de cuivre gravée qu’il presse sur le papier, obtenant ainsi des gris nuancés et un détail exceptionnel. Jeppesen a utilisé la même plaque plusieurs fois de suite, sans réencrer entre les impressions, produisant une image qui s’estompe jusqu’à ne laisser que l’ombre – ou le souvenir – d’un paysage qui disparaît.





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Lucas Foglia Human Nature, 2006-2017 1983, US

Lucas Foglia travelled around the world in search of people who imagine alternative ways of living with nature. At a time when the average American spends 93% of their life indoors, ‘wilderness’ has increasingly become an abstraction, while an ecological and spiritual need for such places persists. Foglia recorded government programmes that connect people to nature; neuroscientists measuring how spending time in the wild benefits us; and climate scientists measuring how human activity is affecting the environment. Human Nature is a series of interconnected stories about our reliance on the environment and the science that fosters our relationship to it. Each story is set in a different part of the world and in a variety of different ecosystems: cities, forests, farms, deserts, ice fields, oceans and lava flows. From a newly built rainforest in urban Singapore to a Hawaiian research station measuring the cleanest air on Earth, the photographs examine our need for ‘wild’ places – even when those places are human constructions.

Lucas Foglia a parcouru le monde à la recherche de personnes qui imaginent des voies alternatives pour vivre avec la nature. À une époque où l’Américain moyen passe 93 % de son existence dans un lieu clos, la « nature sauvage » est devenue une réalité de plus en plus abstraite alors que le besoin écologique et spirituel qu’on a d’elle se fait toujours sentir. Foglia a enregistré des programmes gouvernementaux qui reconnectent les gens à la nature, des neuroscientifiques qui évaluent les bienfaits du temps passé dans des lieux sauvages et des climatologues qui mesurent les effets de l’activité humaine sur l’environnement. Nature humaine est une série d’histoires interconnectées sur notre dépendance à l’environnement et sur la science qui encourage notre relation avec celui-ci. Chaque histoire se situe dans une partie du monde et dans un écosystème différent : ville, forêt, champ cultivé, désert, banquise, océan ou encore coulée de lave. De la forêt équatoriale artificielle dans le Singapour urbain à un centre de recherche à Hawaï qui mesure l’air le plus pur sur terre, les photos examinent notre besoin de lieux « sauvages » – même lorsque ces lieux sont des constructions humain.






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