RePenser l'Exil n°3 (part 2)

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(RE)PENSER L’EXIL revue en ligne N°3

www.exil-ciph.com    genève, 11 septembre 2013

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EVALUACION PROVISORIA BILAN PROVISOIRE

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Jose Venturelli


solidaritéS 225 Cahiers émancipationS

DES-EXIL: un espace de résistance et de solidarité Marie-Claire Caloz-Tschopp est chercheuse, enseignante en philosophie et théorie politique au Collège International de Philosophie (CIPh) à Paris. Elle y dirige un Programme international de recherche sur la thématique exil/des-exil, intitulé Exil, création philosophique et politique dans la citoyenneté contemporaine. Le concept de des-exil (desexilio) se dégage du travail de formation et recherche pour construire un espace de résistance et de solidarité. Délocalisé en Suisse, au Chili, en Turquie, le travail a commencé en Suisse en 2010–2011, s’est poursuivi en Amérique latine en 2011–2012, à Genève et Lausanne en 2013. Il continuera à Istanbul puis en Suisse romande. Dans ce cadre, suite au colloque international qui s’est tenu à Concepcion (Chili) en novembre 2012, nous proposons à nos lecteurs et lectrices une rencontre avec M.-C. Caloz-Tschopp.

Qu’est-ce qui t’a amenée à choisir le Chili pour la recherche sur l’exil ? En Amérique latine, le Chili a été/est un « laboratoire » des méthodes ultra-libérales de l’Ecole de Chicago. Le 11 septembre 1973 – jour du coup d’Etat de Pinochet – marque la mémoire chilienne. La dictature a mis fin à l’expérience de l’Unité populaire d’Allende. Exportées, internationalisées dans d’autres lieux de la planète, les méthodes brutales de Pinochet n’ont pas « servi » qu’au Chili. Le système d’éducation et le mouvement des étudiants de Concepcion (ville du Chili de 217 322 habitants, structurée en 10 communes métropolitaines) et du Chili, mais aussi les autres acteurs de la société chilienne (petits pêcheurs, chauffeurs de bus, personnel de la santé, de l’enseignement, malades, retraités, etc.) qui manifestent dans l’espace public nous le rappellent au quotidien : l’ultra-libéralisme domine au Chili. A propos du « laboratoire » chilien, je suis repartie en me disant : ce n’est

pas un laboratoire d’essai, c’est un paradigme de l’ultra-libéralisme exporté à large échelle par l’Ecole de Chicago, que nous observons dans un moindre degré en Suisse aussi, même si nous avons beaucoup de peine à voir de manière concrète tout ce qu’il implique comme destruction, changement de civilisation. Ce modèle articule une transformation drastique de l’Etat, une destruction de l’espace public, des services, des droits sociaux (éducation, santé, retraite, service public, droit du travail, libertés publiques, etc.), de l’espace politique construits par les générations précédentes dans les luttes sociales, pour les remplacer par la violence institutionalisée et souterraine, des habitus de légitimation de la soumission, de consommation dans des hyper-marchés avec des prix inabordables, la généralisation du crédit et une distance abyssale entre les classes sociales. A Concepcion, j’ai vu une femme retraitée découvrant que sa retraite passait à 30 % de la prévision, des assistants sociaux mis à

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la retraite ou forcés à appliquer des mesures inapplicables, la prolifération des pharmacies, des trous dans les rues, des bus privatisés chaotiques, les coûts d’études qui sont des dettes non seulement pour les étudiants, mais pour leur famille, des logements sociaux pour les classes populaires parquées sans service public, avec le muselage de la presse contrôlée par des grands groupes, de l’édition indépendante erradiquée par de lourds impôts, la violence à l’encontre des femmes, des Mapuches, des étudiants, etc. Climat lourd. Vie quotidienne difficile. Sans horizon. Face à cet étrange cocktail entre violence, consommation, endettement, on reste ébahi. L’illusion de la richesse n’est pas un horizon qui donne sens à la vie. Pas étonnant que la société soit très polarisée, très critique visà-vis du gouvernement actuel. En attente d’élections l’an prochain, à la recherche d’une alternative qui est complexe.

Dans ta propre expérience, pourquoi as-tu choisi ce pays du bout du monde ? Mes liens avec le Chili sont très anciens. Pour des motifs professionnels, par envie de découverte, par intérêt, je suis allée à Santiago pour la première fois en janvier 1973, depuis la Colombie où je vivais et travaillais à l’époque. J’ai été enthousiasmée par l’expérience de l’Unité populaire, l’espoir, l’atmosphère, les débats dans les bistrots, les conflits, l’invention politique, les difficultés aussi. J’ai un souvenir très vif d’un grand meeting au stade de Santiago, et du climat de tension, de haine dans la rue, des manifestations des camionneurs, ce qui laissait présager le coup d’état qui a eu lieu en septembre 1973. Quelques mois plus tard El Estadio, lieu mythique, est devenu tristement célèbre : un lieu de détention et de torture parmi d’autres. En 1986, j’ai accompagné des exilés qui demandaient le droit au retour à la frontière argentine, puis

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j’ai passé à Santiago au CODEPU. Il me reste le souvenir du gaz lacrymogène lors d’une manifestation lourdement réprimée. Il faut dire qu’à la base de la plupart de mes engagements toutes ces années, il y a eu quelqu’un, une rencontre. Hannah Arendt, dirait un QUI, quelqu’un qu’on connaît, qu’on rencontre dans le partage, des débats, des discussions, des actions communes. Qui marque profondément l’existence. Je suis retournée au Chili en 2010 lors d’un voyage dans le cône sud d’Amérique latine où j’ai rencontré des femmes qui faisaient un travail extraordinaire sur le terrain dans l’ambiance ultralibérale, de violence sourde au quotidien. Les violences, le viol, l’interdiction de l’avortement, l’autoritarisme, le conservatisme sont une réalité quotidienne pour les femmes. Parmi ces femmes, j’ai retrouvé Teresa Veloso une ancienne réfugiée chilienne devenue une amie dès son arrivée à Lausanne en 1977. Après 14 ans de refuge en Suisse, elle est retournée à Concepcion, où son père était syndicaliste des chemins de fer, où elle travaille aujourd’hui comme sociologue. Teresa a fait partie des réfugiés chiliens qui ont bénéficié des réseaux de solidarité tissés en Suisse (citons l’Action Place Gratuite pour les Chilien·ne·s, le juge cantonal Rolland Bersier, d’autres personnalités suisses aussi). Comme beaucoup de Chilien·ne·s, elle a subi une répression terrible. L’idéologie de la Seguridad nacional, les caravanes de la mort, les escadrons de la mort, la répression systématique, ce n’était pas une plaisanterie au Chili, en Argentine, en Uruguay, au Brésil, au Guatemala, au Pérou, en Bolivie, etc. Comme des centaines de réfugiés chiliens que nous avons connus autour de nous, elle a vécu l’horreur, a pu sortir de prison pour partir en exil en Suisse grâce à une action de solidarité à Bienne. C’est une histoire exemplaire de milliers de réfugiés chiliens et aussi d’une Suisse souterraine, déjà mobilisée contre la guerre du Vietnam, qui s’est engagée dans la solidarité pour accueillir des réfugiés à l’encontre d’une politique du Conseil fédéral très frileuse.


Nuno Pereira, doctorant en histoire, a fait un exposé très intéressant sur le sujet. Son texte fait partie des Actes du colloque (annoncés sur le site exil-ciph.com). Pour mémoire, le 17.10.1973, alors que des milliers de chiliens sont en danger de mort, le Conseil fédéral fixe un contingent de 200 personnes, pour le nombre de réfugiés Chiliens acceptés en Suisse. Finalement, grâce à la solidarité, ils seront 1116 à bénéficier du droit d’asile entre 1973 et 1981. 30 000 chilien·ne·s ont dû quitter le pays immédiatement après le coup d’Etat de 1973.

Pourquoi ce type de colloque à Concepcion et pour qui ? Cette ville à 500 km de Santiago a été choisie pour plusieurs raisons. C’est une ville emblématique dans la lutte des mineurs, travailleurs, étudiants. Actuellement, c’est une ville universitaire (13 universités la plupart privatisées, environ 100 000 étudiants universitaires). Concepcion et l’Université de Concepcion ont un rôle fondamental dans la mémoire historique collective. Le travail de mémoire est très peu développé. Il n’y a pas de maison de la mémoire. Le colloque s’adressait à toute personnes et groupes s’intéressant au travail commun dans l’espace public de réflexion créative et critique sur la résistance, la mémoire, les droits de l’homme. Nous avons accordé beaucoup d’importance à intéresser les femmes, les étudiants, les Mapuches, l’ensemble de la populations de diverses générations de Concepcion et du Chili. La lecture du programme en donne une idée concrète (voir site exil-ciph.com). Un colloque a visé à faire réfléchir ensemble le milieu académique et diverses composantes de la « société civile » sur la violence. La politique doit s’éloigner des mondanités des grandes capitales – Paris, Genève, Santiago ou n’importe quelle métropole du monde – pour s’approcher de la réalité locale, quotidienne des

gens. « Les savoirs doivent être décentralisés pour rendre visibles les processus historiques qui se déroulent dans les lieux loin des grandes capitales. Il faut reconnaître les savoirs décentralisés pour l’histoire des mouvements sociaux et des femmes », écrivent deux féministes de Concepcion–1. Comme en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Tunisie, les femmes migrantes montrent l’autre face de la médaille. Comme dans de nombreux pays, les populations indigènes sont un révélateur de la qualité politique d’un pays. Comme au Canada et ailleurs, le mouvement étudiant exprime des revendications de base de l’existence. Ils obligent à repenser radicalement les projets de société. Nous avons voulu tisser des liens de solidarité dans un travail de réflexion et la construction d’un savoir commun entre le milieu académique et la « société civile », la diversité du mouvement social. Il est important de créer des réseaux de solidarité basés sur les conditions matérielles d’existence des femmes, des hommes, des enfants, des populations marginalisées, criminalisées dans divers endroits de la planète. C’est ainsi qu’on peut connaître concrètement ce que veut dire la « globalisation» actuelle. Des milliers de travailleuses et de travailleurs sont morts au Chili, à Concepcion. D’autres ont survécu avec des séquelles terribles. A Concepcion, la répression a aussi visé les opposants intellectuels. Par exemple, la Faculté de philosophie a passé de 16 à 4 professeurs, les recteurs étant désignés par la dictature pour réorganiser les universités. L’université de Concepcion, créée en 1919 par un groupe d’intellectuels de la région, reste, avec un statut spécial, un bastion de l’histoire de l’éducation publique au Chili, à la frontière du rio Bio-Bio qui séparait les colonisateurs et le peuple Mapuche. J’ai constaté parmi les participant·e·s au colloque, la précarisation 1    Inostroza Retamal Gina, Rivas Labbe Lily Ester, « Trois féministes matérialistes à Concepcion (Chile) : Ordre immuable ébranlé, brèches ouvertes », Revue en ligne Repenser l’exil, nº 3, exil-ciph.com (septembre 2012).

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des chercheurs jeunes et moins jeunes qui partageaient la dénonciation de la qualité de la formation par les mouvements étudiants. Il est très difficile de reconstruire un espace de pensée collective critique presque totalement détruit par la violence de la dictature et la violence structurelle de l’ultra-libéralisme. L’espace est vital pour imaginer, construire une alternative. La reconstruction prend des années. Sans recherche critique, pensée active et partagée, la résistance au jour le jour est un acte de courage énorme, épuisant, démesuré. En partant du Chili, je me suis engagée à trouver les moyens pour monter un projet d’appui et de solidarité au travail d’édition indépendante, de l’éditeur Escarapate, autour de laquelle se reconstruit à Concepcion un collectif précieux. Une semaine avant le colloque 2012, l’Université de Concepcion était occupée (tomada, prise) par les étudiants. Ce qui m’a fait plonger dans l’ambiance de tension, de colère et aussi le besoin d’évaluation de ce qui se passe. J’ai pu observer de près les revendications des étudiants dans plusieurs Universités du Chili. Prochainement, nous allons accueillir en Suisse Recaredo Galvez, président de la Fédération des étudiants de l’Université de Concepcion qui expliquera la situation. Dans l’esprit du CIPh et du travail de résistance pour la généralité de la politique et des droits, comme je dis souvent, à partir du terrain de la vie quotidienne de chacun·e, de la migration, du droit d’asile, et de la violence qui accompagne la globalisation dans l’ensemble du monde et ici en Suisse, je ne voulais en aucun cas organiser un colloque de spécialistes, d’experts parlant entre eux, mais articuler un travail académique et un travail de la « société civile », qui intègre des chercheurs, les acteurs des mouvements sociaux (femmes, Mapuches, mouvement étudiant, exilé·e·s en priorité). Le savoir dont nous avons besoin vient de là. Ce modèle de colloque avait déjà été mis à l’épreuve dans le travail de recherche 344

du CIPh dans les universités de Genève et Lausanne ces 30 dernières années. Sans l’apport direct de groupes de la « société civile », des réseaux, le colloque de Concepcion n’aurait tout simplement pas eu lieu.

Le des-exil, une lutte de liberté et de solidarité Quels thèmes ont été abordés, comment le public s’est-il impliqué dans les débats ? Le thème général du colloque – Exil/ Desexil, mémoire et Droits de l’homme – visait à décrire les transformations de la violence, de la guerre et de la politique, à articuler les expériences historiques du XXe siècle en Europe et en Amérique latine, en mettant l’accent sur l’apport de travaux concernant l’exil et le des-exil, les rapports sociaux de sexe, la place des Mapuches dans la société chilienne, l’intergénérationnel, les populations exploitées sans protection et sans droits dans la globalisation. Par exemple, nous nous sommes demandés quelle continuité/ discontinuité historique existe entre les théories racistes, sexistes, de la Seguridad national, les Chicago boys, les théories ultralibérales et les nouvelles modalités des politiques appelées « anti-terroristes », dans la reconfiguration des empires passés et de l’émergence de nouveaux empires. Nous nous sommes demandés comment résister aujourd’hui. Nous avons constaté combien la répression avait été dévastatrice et combien le travail de mémoire rencontre de multiples résistances. Nous avons constaté la violence autoritariste, la peur des gens face à des structures de répression de « l’Etat profond » pas démantelées, 40 ans après le coup d’Etat. Au Chili, un tel travail est moins développé qu’en Argentine par exemple. Le travail de mémoire est douloureux, difficile, conflictuel. Il est indispensable pour faire le bilan, pouvoir se projeter dans le futur. Le


colloque a été un espace public limité où le débat a pu avoir lieu. Les participant·e·s se sont fortement impliqué·e·s, créant un climat d’échanges dont on n’a pas l’habitude en Suisse. Une des impressions forte, vécue, a été de mesurer l’importance de la reconstruction d’espace public d’émotion et de débat. Il faut beaucoup de courage pour continuer pas à pas. Un tel travail implique une reconstruction de pôles de réflexion, de recherche, d’action qui puisse intégrer une évaluation de la période de la dictature, de ses suites. Durant le colloque, il a été très intéressant d’observer les échanges très intenses entre les Chiliens qui ont vécu un exil intérieur au jour le jour durant des années, dans une sorte de désert installé par la répression, et un exil à l’étranger lui aussi rempli de larmes et de douleurs. Dans les deux cas, le desexil a été la lutte pour s’en libérer et construire des expériences de solidarité. J’ai été frappée de l’importance du mot – desexil – pour les participant·e·s (beaucoup plus d’écho qu’en Suisse), qui a permis d’intégrer la souffrance, les multiples inventions de la résistance, de la solidarité, de la création, des découvertes. Regard critique sur l’histoire, sa propre histoire. Inventaire de la puissance de la résistance et aussi de l’impuissance, de la complexité du changement. Le retour au Chili pour certains est un pas difficile. Les échanges d’expériences sont fondamentaux. Pour les Suisses qui avons été solidaires, on a pu comprendre combien compte notre capacité à inscrire la solidarité d’aujourd’hui dans des réseaux à (re)construire au travers d’actions bien ciblées. Avec une édition collective de reconstruction, j’en propose une très concrète.

La dimension des rapports sociaux de sexe a fait partie du colloque. Quel éclairage a-t-il apporté ? A Concepcion, un groupe de femmes chiliennes auquel participe Teresa Veloso a décidé d’écrire un travail collectif de réflexion et de mémoire sur leur enfance, leur trajectoire, la répression

vécue, la violence dans leur pays de l’époque et aujourd’hui. Il est difficile d’imaginer la souffrance qui se revit dans un travail collectif, mais leur souci a été de transmettre leur expérience à la génération suivante qui n’a pas connu ce bout de l’histoire chilienne. En ce moment, elles préparent la suite de leur récit sur le retour et la solidarité. Grâce à l’appui du Service culturel de la Ville de Genève, le Programme du CIPh a d’ailleurs pu prendre en charge les frais des deux livres en espagnol et en français, et les frais d’édition, de traduction, d’édition de deux volumes sur un collectif de féministes matérialistes (Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu, Paola Tabet). Un livre en français sur ces féministes est sous presse. C’est un très gros travail où se sont engagées plusieurs personnes en Suisse, au Chili. Lors d’un débat, des femmes se sont exclamés: « enfin ! » Ces livres servent de matériau de formation et de recherche pour les étudiant·e·s et des groupes de la « société civile » au Chili, en Amérique latine, dans la diaspora, dont des groupes de femmes. L’axe rapports sociaux de sexe a été un des axes d’éclairage fondamental du travail. Pour le rendre possible, nous avons donc édité trois livres. Ce sont des matériaux indispensables au travail, à ses suites. Le livre du collectif des femmes chiliennes nous montre combien le travail de réflexion et d’écriture commun est un outil d’émancipation extraordinaire. Les travaux sur le collectif des trois féministes matérialistes permettent de montrer l’apport radical, précieux pour la théorie politique d’émancipation. Comme nous l’avons écrit dans les prologues des deux volumes avec Teresa Veloso, l’intérêt est de faire connaître « une révolution invisible en marche et d’intégrer les relations sociales de sexe pour (re)penser le pouvoir, la guerre et la généralité de la politique et des droits ». Les textes des trois féministes matérialistes ont le même statut que des textes d’Aristote, Spinoza, Marx, Bakounine, Gandhi, etc. Il nous faut intégrer dans la théorie politique les textes minoritaires, 345


trop souvent invisibilisés pour repenser avec d’autres outils la généralité de la politique et des droits. Le terrain des rapports sociaux de sexe rend visible ce que signifie l’appropriation, concept-clé des travaux de Colette Guillaumin dont il faut reprendre une lecture radicale quand nous nous heurtons à la prédation généralisée. Il rend visible la continuité de la violence à la guerre d’aujourd’hui dans ses multiples formes, ce qui est lisible à partir des travaux de Paola Tabet. Il rend visible que la plupart des théories sur l’obéissance dans la société présupposent le consentement à la base des rapports humains, ce qui est loin d’être le cas. C’est ce que nous montrent les travaux de Nicole-Claude Mathieu. Nous ne sommes pas « naturellement » consentant·e·s. Quand nous « cédons », c’est parce que nous sommes acculées dans les rapports de force à nous replier un instant, mais nous ne consentons pas à la violence. Ce n’est pas notre « nature ». Ce point est essentiel pour la résistance, une philosophie de l’action positive à la recherche d’alternatives. Un des points importants de ce colloque a été l’impact qu’a eu l’exposé de Marianne Ebel sur la campagne de la marche mondiale des femmes pour le droit à l’avortement dans un pays où le catholicisme conservateur et l’autoritarisme de l’armée ont un poids très important. Gisèle Toledo et Emile Ouedraogo, ont aussi montré que le viol, pourtant intégré aux crimes contre l’humanité, était encore banalisé et sousestimé dans le droit international, les lois et les outils d’application dans les droits nationaux–2.

Après trois ans de travail, quel bilan peuxtu tirer du choix de repenser l’exil dans la citoyenneté ? Les travaux s’inscrivent dans le lieu symbolique du CIPh. Il a été créé par Jacques Derrida, François Chatelet, Dominique Lecourt avec

2   Ces deux derniers textes sont en voie d’édition pour les Actes. Ils seront repris en français dans la revue en ligne nº 3.

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l’appui du président Mitterrand pour interroger le centralisme de l’Etat français, au moment de la décolonisation (Algérie). Il s’agissait de ramener la philosophie auprès des gens, d’internationaliser la philosophie prisonnière de l’Etat-nation français, d’inciter à la création philosophique. 50 directeurs de Programme, élus sur concours pour six ans, y participent. Dans le programme du CIPh, intitulé Exil, Création philosophique et politique. Philosophie et Citoyenneté contemporaine, que je dirige, j’ai choisi de partir d’un cadre à la fois millénaire, actuel, ample – l’exil – pour réfléchir à la globalisation, à l’élargissement d’une citoyenneté concernant chaque individu là où il vit, travaille, a ses enfants, meurt, etc. En ciblant les questions politiques, comme le fait avec habileté l’UDC, sur les étrangers présentés comme un « problème », une division s’installe de fait entre les Suisses (ici) et les étrangers. La logique de différence, dont parle Colette Guillaumin, renforce la xénophobie, installe une fragmentation des luttes, une concurrence entre les travailleurs. Il induit une perte de vision de l’exigence du « droit d’avoir des droits » (Hannah Arendt) pour chaque individu sur la planète et donc en Suisse. L’exil est un cadre conceptuel dynamique qui permet d’imaginer, d’analyser des situations dans leur globalité, de rendre visibles les liens, le commun. Aujourd’hui, l’exil est universel, nous sommes tous exilés, mais il faut voir comment. Le des-exil, c’est la résistance.

Quelles sont les prochaines étapes? Acceptez-vous, pour la suite, de nouveaux participant·e·s, ou faut-il avoir suivi les travaux depuis le début ? La prochaine étape est Istanbul. Puis en 2015 et 2016, il y aura un retour à Genève, en Suisse romande en tissant les liens construits à chaque étape pour les deux dernières années, avec une synthèse au printemps 2016, dont je dévoilerai le projet plus tard.


Une étape importante aura lieu à Istanbul en Turquie, les 8-9-10 mai 2014. Pour préparer l’étape d’Istanbul, un travail de lecture d’un livre d’Etienne Balibar, Violence et Civilité (Paris, Galilée, 2010), par toute personne intéressée est aussi prévu depuis la Suisse et d’autres pays, pour faire se rencontrer à Istanbul des membres de « sociétés civiles » de divers endroits du monde. Chaque personne intéressée peut s’associer au projet d’Istanbul–3, venir ou travailler à distance. Il suffit de prendre contact, de s’inscrire pour la préparation sur le site : exil-ciph.com. Il y a aussi la possibilité de venir à l’une ou à l’ensemble des séances du Séminaire 2013 – Exil/des-exil et vie quotidienne, co-organisé entre le CIPh et l’école syndicale de UNIAGenève les mardis 18 h 15 – 21 h 45, 19 mars, 16 avril, 14 mai, 28 mai, 25 juin et le samedi 27 avril à Unimail. Le programme se trouve sur le site. L’espace du Programme CIPh est ouvert à tout public. Nous construisons un espace d’échange, de solidarité à la fois local et international. Il est gratuit. Nous travaillons avec peu de moyens, en tentant de dégager un temps, un espace de plaisir, de réflexion libre qui accompagne les actions diverses. La globalisation n’a pas seulement attaqué le cadre politique, les droits, l’égaliberté (Balibar), mais aussi la pensée elle-même comme l’ont bien montré Spinoza, Marx, Hannah Arendt, Castoriadis, etc. Nous voulons nous réapproprier notre corps, pensée, conscience sociale en vue d’un commun qui nous appartienne. Il n’y a pas de résistance, de création politique possible sans imagination, sans rêve, sans une pensée active, collective.

Propos recueillis par Marianne Ebel

3    Le descriptif nº 1 du projet Istanbul et la proposition de lecture par des individus et groupes sont disponibles sur le site : exil-ciph.com

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TROISIèME PARTIE

HISTOIRIA, ACTUALIDAD, EXPERIENCIAS HISTOIRE, ACTUALITé, EXPéRIENCES 349


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SOLIDARIDAD SUISSE-CHILI : UN CASO EMBLEMATICO SOLIDARITE SUISSE-CHILI : UN CAS EMBLEMATIQUE 351


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RECUERDOS Y PRESENTE DEL JOVEN ALEXEI, UNO DE AQUELLOS HEROES CHILENOS OLVIDADOS EN LAS PÁGINAS DE LA HISTORIA OFICIAL Paulina Jaccard nacida Veloso, esposa de Alexei Jaccard, Santiago (Chile) Traduction française en cours, disponible prochainement sur www.exil-ciph.com

El 17 de mayo de 1977, hace ya 36 años, el joven estudiante chileno – suizo, Alexei Jaccard, fue detenido en Buenos Aires por la policía, en una operación conjunta de las policías argentina y chilena, permaneciendo desde entonces desaparecido. En el mismo momento y ciudad, se detenía a otros chilenos militantes, poniendo de esta forma un trágico punto final a un nuevo intento de articulación política de la resistencia comunista a la dictadura de Pinochet. Alexei, era así una nueva víctima de la coordinación de las policías del cono sur de América, a la que se le llamó Operación Cóndor.

de Allende, se organizaron en el exilio para ayudar a quienes en el país intentaban organizar la resistencia. Alexei era un joven idealista, muy fuertemente comprometido con las ideas de igualdad y libertad del ser humano; que amaba a Chile; que le gustaba la vida sencilla, cercana a la naturaleza; y se conmovía profundamente con la música y la poesía. Creía que el ser humano tenía el derecho de forjar su destino. Era alegre, conversador y le gustaba compartir los buenos momentos con sus amistades. No tenía precisamente un espíritu de suicida, sin embargo siempre fue una persona valiente y generosa, quizás incluso confiaba demasiado en sus propios recursos de sobrevivencia. Esta breve descripción, de una muy bella persona, en todo su extenso sentido, es la introducción necesaria que explica por qué Alexei, quien gozaba de la tranquila vida de estudiante en la hermosa Ginebra, estuvo dispuesto a participar en una operación peligrosa, en la lucha política clandestina en Chile, que finalmente lo llevaría a su desaparición.

Alexei tenía entonces 25 años, se había casado hacía un año, en febrero de 1976; y estudiaba en la Universidad de Ginebra. Vino a Suiza, en 1974, porque era el país de su abuelo; y en Chile, después de haber sido detenido inmediatamente después del golpe militar de Pinochet, y ser dejado en libertad dos meses más tarde, su familia pensó que el retorno a la patria de los ancestros, en esa etapa juvenil de la vida, le permitiría formarse y escapar de la fuerte represión del gobierno contra los partidarios del gobierno de Salvador Allende. Pero además se requiere entender los contornos de esa lucha política clandestina, y las formas De allí que estaba instalado en Ginebra. que había adoptado la represión política en Sin embargo, Alexei siguió ligado al Partido Chile para combatirla. En ese entonces, los Comunista, el que junto a los demás partidos militantes de los partidos políticos de izquierda políticos de izquierda que formaron el gobierno intentaban reorganizarse clandestinamente,

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mantener viva la organización, la estructura partidaria, siendo esa la primera tarea que asumen los partidos políticos en Chile, desde el mismo septiembre de 1973, en un intento por sobrevivir a la represión a efectos de algún día retomar la senda democrática. La actividad en unos inicios era muy limitada; se trataba sobre todo de mantener los contactos, transmitir las primeras opiniones y análisis políticos, en especial, compartir cierta mística, la idea de que a pesar de todo estábamos vivos. La actividad consistía en juntarse en grupos pequeños, analizar el momento político, compartir opiniones; tener nexos con los partidos aliados; mantener la estructura nacional; todo ello en una perspectiva de futura rebelión. En esa época, quienes participábamos en dichos actos, teníamos una idea de urgencia, de necesidad imperiosa; aunque existía cierta conciencia de nuestras propias limitaciones y claramente masticábamos el peligro. La historia aún no ha reconocido todo el valor y la importancia de aquella primera actividad de organización clandestina, que se lleva a cabo desde el año 1973. Ciertamente, sin esos actos de organización prematuros y gestos de oposición, de aquella primera etapa, no hubiere sido posible la acción posterior que llevó a una organización más numerosa de los pobladores, de las federaciones de estudiantes; de los sindicatos y organizaciones gremiales; y finalmente a la masificación de los actos de protestas, básicamente producidos en la década del 80; todo lo cual es el sustento material que posibilitó la derrota a la dictadura. Hablar de Alexei permite recordar la historia de la dictadura en Chile. Pero también, y sobre todo, valorar y rendir homenaje a aquellos hombres y mujeres que se arriesgaron y entregaron su vida, con una enorme convicción y coraje, en aquellos primeros tiempos post dictadura, cuando el silencio y el miedo nos acompañaban cotidianamente. El régimen de Pinochet, tenía muy claro que era muy importante eliminar ese trabajo

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clandestino prematuro a efectos de destruir la posibilidad de organización de aquellos partidos políticos. Por ello, desde temprano, la dictadura militar instaló un sistema de represión selectivo y sistemático, además de cruel. Su propósito declarado era exterminar todas aquellas organizaciones políticas que habían adscrito a la Unidad Popular, así como obviamente eliminar a sus partidarios. Para ello, además de decirlo en su discurso, a veces subliminalmente, otras derechamente hablando de perseguir y exterminar a los “humanoides”; y de esta forma otorgar el sustento ideológico justificativo de la represión, muy rápidamente instalado el gobierno, organizó una policía especial dirigida a esta represión. De manera que, después de las detenciones masivas del año 1973, que permitieron tener el control político de la situación, generar el miedo masivo y la sumisión consecuente en el conjunto de la población; la represión ya desde 1974 se dirigió básicamente a eliminar las personas y desarticular las organizaciones políticas claves que pudieren liderar la oposición y que en esa época intentaban rearmarse. En ese contexto, la persecución se dirigió en contra de los partidos políticos de izquierda; entre ellos, aquellos con fuertes raíces históricas, los partidos socialista y comunista. En esa persecución atroz, el Partido Comunista perdió casi íntegramente dos directivas nacionales completas. Entre los años 1976 a 1977, fueron detenidos uno a uno los dirigentes, en diversos lugares en que intentaban reunirse clandestinamente; o bien en ciertos casos, en las propias casas en que permanecían escondidos. Todos aquellos dirigentes fueron hechos desaparecer; es decir, después de haber sido detenidos, nunca más se supo de ellos; y ningún organismo estatal reconoció su detención. En pocos casos, aparecieron sus cuerpos. Ahora sabemos que hubo, además, un centro de detenidos de exterminio, destinado sólo a militantes comunistas que participan en esa tarea de organización; el cuartel ubicado en la calle Simón Bolívar, que


dirigía el mismo Manuel Contreras, Jefe de la policía secreta, Dina. Allí llegó Alexei, desde Buenos Aires, probablemente el mismo mes de mayo de 1977. Fue entonces, que en medio del caos interno por la pérdida de las cabezas políticas, desde el exilio, los dirigentes del Partido Comunista programaron la instalación de una nueva directiva que se formaría en Buenos Aires, desde donde se dirigiría el Partido Comunista en Chile. Sin embargo, la instalación de ese equipo fracasó, siendo detenidos y hechos desaparecer todos los que participarían. Alexei tenía misiones específicas y acotadas, traía dinero desde el exterior y debía establecer los nexos entre el exterior y el interior del partido; después debía regresar a Ginebra y, posteriormente, volver a Buenos Aires y así sucesivamente. Fue detenido en Buenos Aires al día siguiente de su llegada, esto es, el 17 de mayo de 1977. Increíblemente, y muestra de la debilidad de la organización, sólo lo supimos el 3 de junio.

una participación muy destacada quien era entonces Rector de la Universidad, don Justin Thorens, profesor de derecho quien no podía siquiera imaginar que en pleno siglo XX alguien pudiere ser detenido y su detención jamás ser reconocida por gobierno alguno; y por consiguiente no ser acusado ni juzgado como corresponde en derecho; simplemente volatilizarse. Muchos son los nombres que atesoro en mi memoria de quienes participaron en esos actos, de quienes estoy profundamente agradecida. En particular me emociona recordar a Roland Bersier, abogado de Lausanne quien incluso en uno de sus viajes a Chile fue expulsado desde el mismo aeropuerto. Al mismo tiempo, entablamos recursos de amparo en Buenos Aires y en Santiago, junto a una querella. Todo lo cual fue inútil. Fracasaban así las posibilidades que normalmente otorga el derecho.

En verdad, la liberación no era posible, supimos recién ahora, por el curso de la investigación Desde esa fecha comenzamos una intensa judicial que se lleva en Chile, que Alexei había sido ejecutado, muy probablemente el mismo campaña para lograr su liberación. año 1977, en el cuartel de Simón Bolívar, en En ese entonces no sabíamos que Alexei Santiago. devendría en un desaparecido. Teníamos aquella ingenuidad que se produce enfrente Todos aquellos actos y gestos, en diversos de actos que por su extrema crueldad resultan contextos y oportunidades, de reclamo inimaginables. No conocíamos, como lo por los desaparecidos, de personas de muy sabemos hoy día, los alcances de la política distintas opiniones políticas, formuladas a represiva de la “desaparición”. Por muchos años tantos kilómetros de distancia de Chile, los hicimos gestiones políticas y acciones judiciales destacamos hoy, no sólo porque tenían el valor destinadas a obtener un reconocimiento de la de que podían eventualmente permitir salvar detención de Alexei, pensando que podía ser una vida entonces, sino que además porque liberado en algún momento. Desconocíamos eran y son la muestra más nítida de que el que la consigna del exterminio, en verdad, se ser humano normalmente se conmueve frente a la injusticia, a la arbitrariedad, la ausencia aplicaba sistemáticamente. de libertad y el dolor ajeno. Más aún, resulta En ese contexto, en Suiza, se organizó un destacable, cuando en Chile, los partidarios del grupo de estudiantes, amigos, y profesores de gobierno dictatorial mantenían un profundo la Universidad de Ginebra quienes protestaron silencio, en una especie de complicidad con e hicieron cientos de gestiones dirigidas a los la represión y las muertes. Entonces, esos gobiernos de Argentina y Chile para obtener actos me emocionaban profundamente y me la liberación de Alexei. En esos actos tuvo daban una esperanza en la vida y en los seres

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humanos; y por ello estoy profundamente en un expediente judicial, que Alexei había pedido calcetines me produjo una emoción agradecida. muy profunda. Primero porque ese hecho Recuperada la democracia en Chile, me llevada a reconocerlo totalmente, Alexei continuamos intentando, vía sistema judicial, siempre tenía frío en los pies; reconocí sus conocer la verdad de lo ocurrido en la detención palabras pidiendo calcetines. Sin embargo, de Alexei. Siempre creímos y afirmamos que él quizás lo más importante es que incluso en debía haber sido traído a Chile, no obstante aquellas circunstancias de extremo apremio, toda la maraña de versiones y antecedentes soledad, y trato cruel, Alexei creyó en la que llevaban a la confusión. Pero, es cierto, no posibilidad de un gesto humano, pedirle a uno teníamos certeza. de sus carceleros una pequeña ayuda que, además, según nos cuentan, llegó, aunque Como antes señalé, sólo ahora, por las actuales tarde. Alexei creía infinitamente en la bondad investigaciones judiciales, sabemos que Alexei y generosidad espontánea del ser humano. fue traído efectivamente a Chile y llevado al Por ello, en ese momento de crueldad e cuartel de Simón Bolívar. Por las declaraciones inhumanidad infinita, Alexei apeló a un simple de los agentes de la policía que trabajaron en gesto de solidaridad humana. El recuerdo de ese cuartel, ahora interrogados, hemos sabido los calcetines nos ha traído, otra vez, a Alexei que Alexei llegó herido y fue atendido por a nuestras vidas presentes. un médico, cuya identidad desconocemos. Llegó junto a otros dos detenidos, a quienes Llama la atención que a más de 30 años de los agentes se refieren como “los húngaros”; aquellos hechos, agentes de la policía secreta, la razón, tenían pasaporte húngaro. se acuerden, por ejemplo, de la nariz perfilada Probablemente, son los comunistas Ricardo de Alexei. Cómo habrá impactado en las Ramírez y Héctor Alvarez. Los agentes, todos vidas y en los recuerdos de aquellos agentes los cuales están procesados, evitan, por cierto, todos esos tenebrosos momentos, en que hablar de las torturas. Pero en sus relatos van ellos fueron los protagonistas activos del identificando a Alexei con una serie de datos exterminio, que los lleve a acordarse del detalle que lo hacen inconfundible. Afirman que de la nariz de uno de los tantos detenidos que Alexei, a quien identifican como “el noruego”, ellos torturaron. seguramente confundiendo Noruega con Suiza, traía dinero para el partido comunista, En fin, es cierto que estos agentes no declararon incluso refieren la cantidad de dólares precisa espontáneamente. Más bien, mientras no se que llevaba consigo. Se recuerdan que Alexei supo de la existencia de este cuartel secreto, tenía 25 años, que era alto, dicen, medía 1 pudieron aparentemente mantener una vida metro 83 centímetros, y tenía un año de normal, insertos en el Chile cotidiano. Sólo casado. Todo lo cual coincide exactamente porque uno de los agentes habló ante la con la realidad. Además, una agente recuerda policía reconociendo este centro de detención, que tenía una nariz muy perfilada. Pero quizás a comienzos del año 2007, instado por una una de las declaraciones más impresionantes paciente y permanente investigación judicial y para la familia es aquella de una agente que policial sobre todos estos hechos, los agentes recuerda que Alexei le pidió calcetines porque de ese centro de exterminio, fueron arrestados tenía frío en los pies. Declara que se ella los y obligados a declarar. Y fueron uno a uno llevó al día siguiente, sin embargo – agrega reconociendo los hechos que ahora hemos ido -, él ya no estaba en su celda. Según otro conociendo. Así se supo que en ese centro de detención se torturó y asesinó a los máximos agente relata, Alexei fue eliminado con gas. dirigentes del Partido Comunista; entre otros, Cuando leí, en las declaraciones que constan a su Secretario General. Esta parte de la vedad 356


que ahora aparece nos muestra la importancia de los procesos judiciales en Chile, aún en curso; y la necesidad que ellos se mantengan hasta que la verdad, cuan completa sea posible, se obtenga. Esperamos que aunque sea por un momento, algunos de esos agentes de la policía secreta de Pinochet, recuperen algo de la humanidad perdida para conocer más detalles de los últimos momentos de la vida de Alexei y las circunstancias precisas de su muerte. Además de la necesidad histórica para Chile de conocer lo ocurrido en ese centro de detención, necesitamos imperiosamente como familia, conocer el detalle de la verdad de lo ocurrido; así como encontrar los restos de Alexei. Esa es parte de la verdad a la que aspiramos, que es por lo demás, aún posible de obtener; y que permite sostener que el problema de los desaparecidos también es un problema del presente.

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PENSAR UNA PALABRA : REVOLUCION PENSER UN MOT : REVOLUTION

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Expérience et conceptualisation (Hannah Arendt)

Comment se pensent les révolutions ? Comment les penser ?* Anne Amiel, enseignante et chercheuse en philosophie, Marseille

En introduction «Il s’agit ici d’une relecture de certains textes arendtiens – selon la métaphore qui veut que la pensée soit comme une toile de Pénélope, toujours à reprendre et à défaire : une véritable provocation à la réflexion, à la perplexité, à l’étonnement. L’écriture même d’Arendt, si sinueuse parfois, contraint à ne pas s’enfermer dans des formules toutes faites, qui figeraient l’effort de compréhension (et l’on pourrait penser ici la dangereuse fortune de la trop fameuse « banalité du mal », que nous retrouverons). On peut donc user de la liberté de lecture dont Arendt nous a fournis un exemple» *** Il s’agit simplement ici de faire part d’un certain nombre de perplexités – arendtiennes - concernant la thématique « expérience et conceptualisation » dans Sur la révolution. Ces perplexités renvoient finalement – même si elles sont traitées via les événements qui ponctuent la révolution américaine – à deux questions essentielles : le rapport entre théorie et pratique et le statut du sens commun chez Arendt (les conditions de possibilité de

*   Article publié in Caloz-Tschopp M.C. (dir.), Penser pour résister. Colère, courage et création politique, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 47-63.

ce qui peut se constituer, se dire, et surtout s’éprouver comme expérience). Comment les acteurs des révolutions comprennent-ils, et jusqu’où, la signification de leurs propres actions ? Comment Arendt comprend-elle ce qu’ils font et leur rapport à la tradition, qui à la fois permet leurs actions et l’entrave ? Peut-on formuler une pensée politique adéquate à l’événement révolutionnaire, à sa grandeur ? Il s’agit ici d’une relecture de certains textes arendtiens – selon la métaphore qui veut que la pensée soit comme une toile de Pénélope, toujours à reprendre et à défaire : une véritable provocation à la réflexion, à la perplexité, à l’étonnement. L’écriture même d’Arendt, si sinueuse parfois, contraint à ne pas s’enfermer dans des formules toutes faites, qui figeraient l’effort de compréhension (et l’on pourrait penser ici la dangereuse fortune de la trop fameuse « banalité du mal », que nous retrouverons). On peut donc user de la liberté de lecture dont Arendt nous a fournis un exemple. Dans un manuscrit « philosophie et politique, le problème de l’action et de la pensée après la révolution française » (extrait du texte in les

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Cahiers du GRIF, no. 33) Arendt parle de la nécessité de se défaire de notre façon usuelle de comprendre les rapports de la pensée à l’action : « pour comprendre pourquoi les actions et les événements politiques (…) ont pu pendant tant de siècles être de si peu d’intérêt et de piètre signification pour le monde éduqué. » et plus encore : « pour comprendre le choc profond que les révolutions du 18° ont produit sur les hommes de pensée. Elles semblaient leur prouver que la pensée peut être réalisée par l’action politique et que les événements politiques peuvent être de la plus grande pertinence pour la pensée. Dans la fondation d’un nouveau corps politique en accord avec certains principes théoriques, l’action, tout à coup, était devenue d’une si écrasante signification que la signification de la pensée commençait à pâlir par comparaison. » (traduit par mes soins). On voudrait ici montrer la difficulté de cet effort. Un premier présupposé est que les ouvrages les plus intensément politiques d’Arendt sont les Origines du totalitarisme et Sur la révolution. Il ne s’agit bien entendu d’aucun jugement de valeurs, ni d’une absurde sous estimation des autres oeuvres. Simplement, dans Sur la révolution il ne s’agit pas seulement de l’action et de l’espace public, mais bien de l’action politique comme telle, de l’espace politique comme tel ; d’institutions, de fondation, etc. Nous sortons d’une étude des articulations internes de la vita activa–1, et des conditions de possibilités de la politique, pour étudier précisément cette dernière. L’importance cruciale de Sur la révolution tient aussi à ce qu’il s’agit de scruter un phénomène spécifiquement moderne et, avec l’émergence d’un des rares moments où l’on peut parler de politique, un phénomène qui peut être qualifié d’ouverture de la modernité politique (et sur 1   Ce qui est mené dans La condition de l’homme moderne, noté ici CHM, où Arendt distingue par exemple travail, œuvre et action, souligne la pluralité que nécessite l’action, étudie la constitution du public, expressement distingué du privé et du social, souligne l’importance de la promesse et du pardon comme remèdes internes aux dangers inhérents à l’action, etc.

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ce point le statut accordé tant qu’à Machiavel qu’à la guerre civile anglaise ou à la « glorieuse révolution » n’est pas sans signification). Sur la révolution est donc une explication avec la modernité politique, ses promesses et ses déboires, avec la sécularisation–2. Jaspers associait les Origines du totalitarisme et Sur la révolution. Les deux texte font partie des textes les plus dérangeants et les plus « idiosyncrasiques » d’Arendt – et sans doute la provocation arendtienne à l’égard du « texte sacré » de la révolution française et de sa compréhension hégélienne ou marxienne n’atelle certainement pas simplifié sa réception, ni, tout simplement une traduction décente, en France. Un second présupposé est que l’œuvre d’Arendt peut se comprendre comme une « explication bagarreuse » envers la possibilité même d’une philosophie politique. Arendt cherche querelle à ce qu’elle nomme LA tradition ou la « grande tradition » de philosophie politique, qui s’initie pour elle dans l’hostilité, avec la compréhension platonicienne du procès de Socrate. Cette tradition serait une imposition violente de catégories non politiques, hostiles à la pluralité, au domaine politique. La philosophie politique « bâtard mal aimé » pourrait-elle être autre chose que cette imposition de critères totalement extérieurs au champ politique ? La question est constante, irrésolue. Arendt l’endure, au nom de la pluralité et du monde. (Ce qui pourrait rendre en partie raison de la façon dont elle aborde Kant). Arendt prétend faire jouer, contre cette tradition unique et unitaire de philosophie politique, une autre tradition, de penseurs ou d’écrivains politiques, qui sont ou qui ont été rejetés assez plaisamment comme non philosophes par certaines de nos institutions (cette remarque étant éventuellement autre chose qu’une simple anecdote). On peut mentionner bien sûr les Thucydide et 2   J’avais essayé d’établir et questionner ces points dans La nonphilosophie de Hannah Arendt, révolution et jugement, Puf, 2001, en tentant aussi d’éclaircir le rapport à Marx.


les Cicéron, et plus en rapport avec notre texte, les Machiavel, Montesquieu, Harrington, Tocqueville, mais aussi les fédéralistes–3, John Adams, Jefferson. Arendt les distingue des « philosophes » par un certain nombre de critères, dont on retiendra ici que le plus souvent ils ont été des acteurs politiques, et se sont voulus tels. De ce point de vue Machiavel et Tocqueville sont tout à fait exemplaires. Enfin, la tradition de philosophie politique subirait une inflexion majeure avec sa transformation en philosophie de l’histoire – du fait même en un sens du phénomène révolutionnaire. L’emprise d’un Hegel, d’un Marx, la plausibilité de leurs philosophies, tiendraient aussi à ce qu’ils aient osé conceptualiser, penser, méditer l’événement majeur de leur temps – ce que n’ont sans doute pas fait les Américains. Il faudrait alors être attentif à une réponse d’Arendt à Mac Pherson concernants les notions de « bourgeois et de citoyens »�. « La tradition de Montesquieu, que vous mentionnez, remonte en fait à Machiavel et Montaigne, etc. etc. Ils ont fouillé dans les archives de l’Antiquité, précisément pour obtenir un différent type d’hommes. Et ce type d’hommes n’est pas le bourgeois, mais le citoyen. Cette distinction entre le bourgeois et le citoyen se maintient, bien sûr, pensant tout le 18 ème, parce qu’elle est devenue une façon centrale de penser et de parler de ces choses pen­dant la révolution française, et a duré jusqu’à 1848. (…) Je dirais qu’après que la monarchie absolue soit devenue si absolue qu’elle pouvait s’émanciper elle-même des autres pouvoir féodaux, en y incluant le pouvoir de l’Eglise, une très grande crise survint. Ce qui advint était la réémergence de la vraie politique, 3   On se fondera ici sur l’ouvrage Le Fédéraliste (économica, 1988, noté FP), constitué par un ensemble de 85 tracts rédigés par Hamilton, Madison et Jay, pour convaincre leurs concitoyens de l’Etat de New-York de ratifier la constitution fédérale des Etats-Unis en leur en expliquant le sens.

comme pendant l’Antiquité - ainsi vois-je les révolutions. Je ne suis revenue aux Grecs et aux Romains qu’à moitié parce que je les aime tant (…). J’y suis revenue, néanmoins, parce que je savais que je voulais tout simplement lire ces livres que ces hommes avaient lus. Et ils avaient lus tous ces livres (…) pour trouver un modèle pour un nouveau domaine politique qu’ils voulaient construire et qu’ils nommaient République. Le modèle de l’homme de cette République était, dans une certaine mesure, le citoyen de la polis athénienne. Après tous nos mots viennent de là, et ils font écho à travers les siècles. D’un autre côté, le modèle était la res publica, la chose publique, des Romains. L’influence des Romains était la plus forte, en son immédiateté, sur l’esprit de ces hommes. (…) Ils s’apprirent les uns aux autres une science nouvelle et la nommèrent une science nouvelle. Tocqueville fut le dernier qui parlât de tout cela. Il dit que pour l’âge moderne il fallait une science nouvelle. Il voulait dire une nouvelle science politique, non la nuova scienza du siècle précédent, de Vico. Et c’est ce que j’ai actuellement en tête. Je ne crois pas que quelque chose de très tangible sortira de quoi que ce soit que font les gens comme moi, mais je tente de penser ces choses pas seulement dans le domaine de l’anti­ quité, mais je ressens le même besoin de l’antiquité que les grands révolu­ tionnaires du 18 ème ressentaient. » Essayer de penser l’expérience révolutionnaires, les expériences révolutionnaires, c’est penser la modernité politique (avant la coupure totalitaire–4 ), c’est donc tenter de déchiffrer à même l’événement, de saisir ou ressaisir, à même l’événement, les catégories politiques 4   Arendt réserve le terme « totalitarisme » à certaines périodes du nazisme et du stalinisme. On aurait là des régimes parfaitement inédits, en rupture avec la tradition : une rupture fondamentale entre deux ères. Les totalitarismes seraient la réponse monstrueuse à des problèmes antérieurs qu’ils permettraient rétrospectivement de saisir comme des impensés de la tradition politique.

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majeures, puisque la politique n’existe pas toujours, pas partout–5. Les moments rares où réémerge la politique authentique, l’action concertée, doivent être scrutés minutieusement. Si théorisation du politique, conceptualisation politique il y a, on la trouvera donc dans Sur la révolution. Les événements, les expériences, doivent être nos seuls maîtres en politique, et nous devons les déchiffrer de la façon la plus immanente possible, loin de toute position de surplomb, point de vue d’Archimède et autre imposition de catégories préformées importées d’un autre domaine. Simplement, il faudra alors comprendre comment et pourquoi n’est pas alors apparue cette « nouvelle science du politique » que Tocqueville appelait de ses vœux. Il ne s’agit pas simplement de dire que Sur la révolution, nécessairement, se mesure, même indirectement à Tocqueville, à Hegel, à Marx, à Lénine, pour ne citer que les plus grands. Il s’agit de dire plus simplement encore que l’ouvrage se mesure aussi à Robespierre, à Jefferson, à Saint-Just, à Hamilton etc. Il s’agit aussi de comprendre comment les révolutions se sont comprises, ou plutôt mécomprises – comment elles se sont en grande partie mésinterprétées. Bref : pourquoi et dans quelle mesure, alors que la tâche est toujours de « penser ce que nous faisons », les acteurs n’ont pas compris ce que eux, ils faisaient. Et qu’ils faisaient parfois fort bien. C’est ce point crucial que je souhaite indiquer et explorer. C’est pourquoi d’ailleurs il s’agira ici de se focaliser sur la Révolution américaine. Ses réussites et son inventivité institutionnelle (selon Arendt incontestables) n’ont pas eu d’équivalent théorique, et n’ont pas assuré la « vie de l’esprit », de l’esprit révolutionnaire s’entend. 5    C’est un des thèmes fondamentaux de Qu’est-ce que la politique ?, Seuil, 1995.

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Or, que les acteurs ne comprennent pas vraiment ce qu’ils font si bien, cela paraît véritablement poser problème dans le cadre même de la pensée arendtienne. Arendt a toujours protesté contre toute prétention à comprendre une époque mieux qu’elle s’est elle-même comprise. Le prétendre, c’est violenter le statut d’être agissant et parlant des acteurs, substituer notre parole à la leur, dénier leur humanité, leur statut de copartageants du monde, etc. (Par exemple, Sur la révolution s’insurge contre tous ceux qui traitent les révolutionnaires comme des précurseurs). Mais alors sur quoi faire fond pour séparer le bon grain de l’ivraie, et, s’appuyant sur le témoignage, les actes, les paroles, les discours, des acteurs, indiquer leur réussite et leur échec ? Il y a au moins trois façons d’entendre « expérience et conceptualisation » : La théorisation philosophique malmenant en partie son objet. On doit souligner alors deux façons particulièrement notable de procéder. L’une consiste précisément à adopter le point de vue des spectateurs et non des acteurs, et des spectateurs de la révolution française : ce serait le cas de Hegel. L’autre consiste en une peur de la nouveauté comme telle, qui, une fois saisie ou plus exactement perçue peutêtre recouverte, ou déniée. Ce serait le cas même de Marx face à la commune ou même de Lénine face aux soviets–6. L’articulation ou la conceptualisation à « demi aveugle » des acteurs. Arendt pointe la façon très ambiguë de comprendre ses propres expériences en regard des théories antérieures, ou des traditions antérieures, mi stimulantes, mi égarantes. Le rapport des acteurs à la tradition à la fois autorise et stimule, égare et aveugle. 6    ce qui pose un problème en regard de la lecture kantienne de la révolution française, de l’enthousiasme du spectateur… La question des spectateurs (toujours au pluriel) scrutant les acteurs (toujours au pluriel) est une question difficile, pour peut qu e l’on prenne l’ensemble des textes arendtiens en charge.


La théorisation d’Arendt, contre la philosophie en un sens, s’adosse aux acteurs et à leurs actes, paroles monumentales. (Il n’est pas du tout indifférent par exemple de remarquer que la métaphore de l’accouchement pour désigner la révolution soit celle des « théoriciens » pour le dire vite, tandis que les acteurs préférent la métaphore théâtrale). La conceptualisation arendtienne commence par une lutte contre l’oubli – oubli de la révolution américaine comme telle, oubli de la formesoviet, oubli des projets jeffersonniens. Mais cette conceptualisation, qui s’effectue au nom des acteurs et de l’expérience, pointe aussi les erreurs et les errements, la « futilité conceptuelle » des pères fondateurs, et autres redécouvertes, dans le feu de l’action, « presque par inadvertance ». Arendt entend donc expliquer comment les acteurs se sont eux-mêmes trahis et pourquoi. La question pourrait être alors : comment procède Arendt ? Quel est le statut de ses textes ? De quoi s’autorise-t-elle pour affirmer ce qu’elle affirme ? Il y a certainement une rémanence de l’histoire monumentale « à la Nietzsche » ; il faut sauvegarder de l’oubli, il faut aussi saisir le souvenir comme un motif d’action. Car : « (…) sans l’exemple classique brillant à travers les siècles, aucun des hommes des révolutions, des deux côtés de l’Atlantique, n’aurait eu » le courage d’entreprendre une telle action. S’ébauche le projet d’exhumer une autre sorte de tradition – et il faudrait insister sur l’importance décisive du soulèvement hongrois de 56 pour Arendt. Toutefois, l’histoire monumentale est, on le sait, injuste, comme le souvenir est nécessaire et insuffisant. Arendt se livrerait alors sans doute à une sorte de « chasse aux perles », comme celle qu’elle attribue à Benjamin, dans la mesure même où la grande tradition ne serait plus coercitive. Comme Arendt est très avare d’explicitation sur sa « méthodologie » (le terme même étant refusé comme parfaitement inadéquat) il faut tenter de ressaisir, à chaque fois de façon singulière, sa façon de procéder. Et l’on ne peut pas ne pas se poser la question de

l’arbitraire, ou au moins de l’indémontrable, du coup de force… C’est ici qu’il faut tenter de répondre à la provocation des textes arendtiens et de leur mode d’écriture et user de la liberté dont elle même usait. Poser la question impose peut-être de garder à l’esprit, conjointement, deux passages : - «peut être que le prix de cette délivrance, le prix de l’isolement, du fait de couper avec ses propres racines et ses propres origines du vieux monde n’aurait pas été trop élevé si cette délivrance politique avait aussi amené une libération du cadre intellectuel et conceptuel de la tradition occidentale, une libération qui, bien sûr, ne doit pas être mécomprise et prise pour un oubli. De toute évidence ce ne fut pas le cas ; la nouveauté du développement politique du nouveau monde n’a nulle part été ressaisi et égalé par un développement adéquat d’une nouvelle pensée» (OR 288). - «(...) s’il est vrai que toute pensée commence avec le souvenir, il ne l’est pas moins que le souvenir n’est pas en sécurité tant qu’il n’est pas condensé et distillé dans une charpente de notions conceptuelles à l’intérieur duquel il peut continuer à s’exercer. Les expériences, et mêmes les récits qui naissent de ce que les hommes font et endurent, des faits et des événements, sombrent de nouveau dans la futilité inhérente aux paroles vivantes et aux actions vivantes, à moins que l’on en parle encore et encore. Ce qui sauve les af­ faires des mortels de leur futilité inhérente n’est rien d’autre qu’une discussion incessante à leur sujet, qui à son tour demeure futile à moins que n’en naissent certains concepts et poteaux indicateurs pour le souvenir futur, et même pour la simple référence»–7 (OR 324). Comment peut-on susciter ces nouveaux concepts et poteaux indicateurs ; et 7   Dans tout ce qui suit, on note OR, Sur la révolution, NRF, Gallimard, 1967, en indiquant la page- je suis responsable de ma propre traduction.

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comment comprendre que « la nouveauté du développement politique du nouveau monde n’ait nulle part été ressaisi et égalé par un développement adéquat d’une nouvelle pensée » ? S’agissant de révolution américaine (la seule pourrait-on dire, qui aurait pu réussir, ou qui a partiellement réussi) le succès tient précisément en la fondation d’une nouvelle Rome et non pas à la refondation de Rome (se pensant refondation de Troie) ; à la publication d’un texte qui rend quelques principes mondains : à la constitution. Le problème est alors double. D’une part, la constitution ne préserve en rien la population (qui de peuple tend à devenir masse) de l’apathie – puisqu’à l’inverse en un sens elle l’exclut de la participation aux affaires communes. Bref, l’esprit révolutionnaire n’a pas été sauvegardé, le trésor a été perdu. Cependant, d’autre part, la constitution donne droit, parole, articulation institutionnelle, sinon conceptuelle, à des expériences « coloniales et précoloniales » dont elle préserve partiellement la substance. En fait les deux monuments que sont la déclaration d’indépendance et la constitution laissent quelques espaces à la dignité de l’opinion en sa pluralité, au jugement, au fédéralisme (opposé à la volonté générale et contrebalançant une méfiance très traditionnelle dans le pouvoir d’une part, dans la nature humaine d’autre part). Mais en un sens tout est joué bien avant la « révolution », voire même « la guerre d’indépendance », pire, avant même la colonisation. Arendt reprend le jeune John Adams : la révolution portera au jour et donc en un sens préservera ce qui lui préexiste, et qu’elle ne fait que consacrer (si « que » a un sens). Il s’agit de préserver un déjà là. « Ce que la révolution américaine fit en fait, ce fut d’amener la nouvelle expérience américaine et le nouveau concept de pouvoir

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américain au grand jour. Comme la prospérité et l’égalité des conditions, ce nouveau concept de pouvoir était plus ancien que la révolution, mais à la différence du bonheur social et économique du nouveau monde, - qui aurait abouti à l’abondance et l’opulence sous le plupart des formes de gouvernement – ce concept aurait difficilement survécu sans la fondation d’un nouveau corps politique, conçu explicitement pour le préserver ; en d’autre termes, sans la révolution le nouveau principe de pouvoir serait demeuré caché, il aurait pu sombrer dans l’oubli ou n’être remémoré que comme une curiosité, objet d’intérêt pour les anthropologues ou les historiens locaux, mais non pas pour l’art de gouverner ou la pensée politique » (OR 166). Il y aurait donc un dessein, une conception, destinés à préserver et exhiber un principe neuf, une expérience et un concept, ou des expériences et des concepts, préexistants, coloniaux ou même précoloniaux. Que signifient alors « nouvelle expérience et nouveau concept » coloniaux ou précoloniaux ? Que signifient cette monumentalisation institutionnelle ? Implique-t-elle une théorisation adéquate ? Ou alors qu’est-ce qui explique ce dessein, cette fondation ? L’expérience, les expériences « enseignent que », « montrent que ». Quelle est la signification de ce « montrer » ? Qu’est-ce qui se montre et à qui ? Il y a certes, par exemple, une expérience du self-government dans les colonies britanniques, et par suite une sorte d’expérimentation de la distinction entre le pouvoir (des communes, du self-government) et l’autorité (de la métropole). Mais comment cette expérience est-elle réellement éprouvée ou pensée ? Il y a l’expérience du bonheur public de l’action concertée et donc puissante, et a contrario de l’impuissance confédérale. Mais comment sont-elles - ou non - éprouvées ou pensées ?


Car si elles permettent de comprendre la grandeur de Montesquieu, de fonder le fédéralisme, elles ne surmontent en rien la dépréciation du pouvoir, ni par suite une mécompréhension de l’espace politique et de la nature même du bonheur. Bref, comment l’expérience se constitue-t-elle ?

Un premier exemple peut susciter un certain embarras. Il s’agit de comparer deux moments de Sur la révolution consacrés à la déclaration d’indépendance. Le chapitre « la poursuite du bonheur » est emphatique. On a là un des quelques rares exemples où, pour les acteurs, « leur acte et leur pensée profondément révolutionnaires brisent la carapace de l’héritage qui a dégénéré en platitudes et où leurs mots rejoignent la grandeur et la nouveauté de leurs actions ». La grandeur ne consiste pas en une quelconque philosophie, mais en ce qu’il s’agit « de la parfaite façon pour une action d’apparaître sous forme de mots » ; « nous sommes confrontés à un des rares moments de l’histoire où le pouvoir de l’action est assez grand pour ériger son propre monument ». Ici praxis et lexis s’entr’appartiennent. Cette grandeur tient si l’on peut dire à quatre facteurs que tout lecteur d’Arendt notera : le respect de l’opinion de l’humanité, l’appel au tribunal du monde, l’opposition entre monarchie et république (cette dernière élevant contre la monopolisation du droit à agir, le droit pour un chacun d’être vu agissant) enfin les « promesses mutuelles ». Ce dernier point, absolument fondamental, renvoie au chapitre « fondation 1, constitutio libertatis » et au passage extraordinaire sur le pacte du Mayflower. On y serait confronté à une expérience plus qu’à une théorie. Cela inverserait la prétendue dette américaine à

l’égard des théories du contrat, ici relues à la lumière de l’expérience de l’émigration, du choix de quitter la métropole. Les futurs colons auraient péri s’ils n’avaient pas « tournés leur esprit vers le sujet assez longtemps et intensément pour découvrir, presque par inadvertance, la grammaire élémentaire de l’action politique et sa syntaxe bien plus compliquée (…) » Et là encore, Arendt loue la liberté à l’égard des formules conventionnelles, et l’authenticité et originalité du langage. Seulement, cette fois, c’est pour amener à une critique de la déclaration d’indépendance et de sa rédaction, qui précisément malmènent l’expérience en superposant au lexique des promesses mutuelles le vocabulaire conventionnel, déplacé, et finalement incompatible avec l’expérience précoloniale et coloniale, du consentement. « Cette absence de clarté et de précision conceptuelles en regard des expériences et des réalités existantes a été la malédiction de l’histoire occidentale depuis que, après le siècle de Périclès, les hommes d’action et les hommes de pensée se sont séparés et que la pensée a commencé à s’émanciper ellemême de la réalité, et tout particulièrement de l’expérience et de la facticité politiques. Le grand espoir de l’âge moderne et des révolutions de l’âge moderne a été, depuis le début, de pouvoir combler le fossé. » (OR 260). Ce que l’emprise de la tradition a finalement interdit. Là encore l’emphase est grande, mais, si l’on peut dire, à contresens. Il ne s’agit bien entendu pas de tenter de pointer quelques contradictions que ce soient, en dépit des apparences ; chez Arendt aussi existe un « ordre des raisons », même s’il est fort étrange. (C’est là que l’on voit à l’œuvre la « toile de Pénélope », et une écriture qui impose, avec sa mobilité et ses rebondissements une reprise méditative.) Mais où est la grandeur des mots ? Quelle est la nature de cette rumination des futurs colons qui redécouvrent dans l’ignorance et l’inculture quelques vérités

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politique de bases ? Qu’est-ce que pense ou conceptualise Jefferson ? En quoi préservet-il ou trahit-il l’expérience ? Et qu’est-ce franchement que la révolution, si elle repose in fine sur des découvertes ou redécouvertes faites avant même le débarquement des colons ? Et quel est le type de pensée, de conceptualisation ou d’aveuglement de la constitution – sans laquelle rien n’aurait été sauvé de ces expériences fondamentales ou fondatrices ? Pour le formuler autrement : peut-on à la fois tenir – et comment – d’une part qu’il faut se libérer de la gangue des platitudes traditionnelles pour se hisser à la hauteur – ou à l’écoute – de sa propre expérience, et d’autre part que cette expérience n’indique rien moins que la redécouverte de la sagesse des Anciens ou de celle de Montesquieu – sans lesquelles une véritable articulation du fédéralisme n’aurait jamais pu voir le jour ? Comment fustiger la « futilité conceptuelle » des pères fondateurs en reprenant à son compte, mot pour mot parfois, les raisonnements du Fédéraliste (à commencer par le plus fameux - le N° 10 sur l’éloge des factions) ?–8 L’on peut aborder la question sous un autre angle. Que font les acteurs de leurs propres pratiques ? Comment comprennent-ils, par exemple, le bonheur public qu’ils éprouvent, l’esprit révolutionnaire qui les anime ? Que font-ils de leurs propres théorisations – et par exemple, la fameuse théorie des wards de Jefferson ? Un relevé d’occurrences, qui, très certainement n’est pas exhaustif, peut indiquer l’embarras.

8   On peut l’indiquer de façon très métaphorique ou à l’aide d’une comparaison qui pourrait apparaître un peu gratuite : il en va ici un peu comme chez Pierre Clastres. Clastres entendait montrer que certaines sociétés dites primitives sont moins SANS politique que CONTRE l’Etat, que leur pratique entendait conjurer la malencontre, interdire la naissance d’une instance de pouvoir séparée, une division entre gouvernants et gouvernés. Or, comment s’organiser pour empêcher de naître ce que par définition l’on ne connaît pas – que l’on voudrait ne pas connaître si on le connaissait dans un après coup qui est toujours un déjà trop tard ? On peut renvoyer ici à La société contre l’Etat, minuit, 1974, et à, sous le direction de M. Abensour, l’Esprit des lois sauvages, Seuil, 1987.

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- S’agissant du droit à « la poursuite du bonheur », Arendt s’interroge sur la formule de Jefferson qui parle bien de « bonheur » et non pas de « bonheur public ». Là dessus, il y a quelques probabilités que « Jefferson luimême n’ait pas été très sûr de lui s’agissant » de ce bonheur. Non seulement l’issue de la révolution américaine, liberté ou prospérité, n’est pas claire, mais il ne faut pas sous estimer l’étendue du caractère ambiguë de la révolution chez tous les révolutionnaires (OR 137). - Le nouveau concept de pouvoir, et la distinction entre pouvoir et autorité reposent sur des expériences coloniales et même précoloniales, dont celle du Mayflower. Mais si les pèlerins donc ont dû penser et repenser à leur entreprise, au poids des promesses mutuelles, au pouvoir qui naît de l’association etc., ils ont découverts « presque par inadvertance, la grammaire élémentaire de l’action politique et sa syntaxe bien plus compliquée (…) ». Un effort intellectuel débouche sur une découverte par inadvertance, à la fois fondamentale et inarticulée – puisque c’est bien Arendt qui devra tenter de « traduire (…) l’essence de ces expériences coloniales ou même précoloniales dans le langage moins direct mais plus articulé de la pensée politique » - ce qui d’ailleurs donne lieu à un énoncé majeur sur lequel on reviendra. - La tradition pèse donc de tous son poids sur les hommes de la révolution. Le paradoxe tient précisément à ce que la tradition sauve, si l’on peut dire, de son propre gouffre. Car la question d’un absolu, la question de l’autorité, se pose de façon pressante pour les révolutionnaires. Formulé de façon classique, l’embarras est : comment exiger la loyauté quand, usant du « droit à l’insurrection », l’on vient de détruire la légalité antérieure ? D’où, entre autre, l’appel à un « législateur immortel » ou au « culte de l’Etre suprême » des deux côtés de l’Atlantique. Comment penser le gouffre, le hiatus temporel, entre


destruction et instauration ? Comment penser une sorte « d’état de nature », de vacance de la politique ? Or, finalement, ce qui sauve la révolution américaine d’une défaite totale, c’est l’acte de fondation luimême et la sorte de culte de la constitution, assortis d’une institution tout à fait nouvelle, conçue pour préserver l’autorité. Il s’agit bien sûr de la cour suprême. Mais cette innovation est permise parce que « Ici encore, c’est finalement le grand modèle romain qui s’imposât lui-même automatiquement et de façon presque aveugle à l’esprit de ceux qui » consciemment et délibérément allèrent fouiller les archives de l’antiquité pour se préparer à leur tâche. Ce « presque aveugle » qui recoupe pour la tradition le « presque par inadvertance » des pèlerins n’est pas un lapsus. On trouve encore l’idée que « que la fondation, l’augmentation et la conservation sont intimement interreliées pourrait bien être la plus importante des notions isolées que les hommes de la révolution adoptèrent, non pas réflexion consciente, mais par la vertu d’avoir été nourri par les classiques ». - S’agissant de l’esprit révolutionnaire comme tel, et non plus de la charpente qui pourrait l’abriter, on sait à quel point Arendt souligne les interrogations et les inquiétudes de Jefferson. C’est que « il savait, même obscurément que la révolution, bien qu’ayant donné la liberté au peuple, ne lui avait pas fourni un espace où cette liberté puisse être exercée » (0R 235). - On devrait alors prendre tout à fait au sérieux les projets jeffersonniens des wards, de circonscriptions. Le « diviser la république en circonscriptions » serait tout aussi vital que le « delenda carthago est » en son temps. Dans cette réflexion « d’après coup », tardive, celle d’un acteur devenu spectateur, réside une supposition fondamentale « que Jefferson l’ai su ou pas » : nul ne peut être dit heureux sans participation à la chose publique, nul ne peut être dit libre sans expérience de la liberté publique.

Ce qui est expérimenté, agit, dit et pensé avant les révolutions, avec l’expérience précoloniale du Mayflower, durant les révolutions par les acteurs, avec le bonheur public, durant les révolutions par les fondateurs, les constituants, avec la création par exemple de la cour suprême, ou après la révolution, dans la réflexion anxieuse sur la sauvegarde de l’esprit révolutionnaire - tout cela est conduit pas des hommes qui comme Jefferson ne savent pas très bien ce qu’ils ont à l’esprit, qui font des découvertes presque par inadvertance, auquel des modèles, qu’ils sont capables de renouveler, s’imposent de façon presque aveugle et non pas réflexion consciente, qui savent les dangers de leurs actes mais obscurément et dont les projets théoriques comportent des suppositions fondamentales, qui, comme les découvertes par inadvertance, sont faites qu’on « l’ai su ou pas ». Cette absence de lucidité, ou de clarté et de précisions conceptuelles concerne donc tous les moments de la révolution. Et elle concerne aussi bien ce que l’on découvre en se déprenant de la tradition (voire dans son ignorance scolaire) comme les pèlerins, qu’en lui faisant appel consciemment et délibérément (c’est le cas des John Adams ou des Fédéralistes, dont l’érudition n’est pas à souligner). Mais cela vaut encore quand on formule des projets. Il faut ici penser à Jefferson, dans la mesure où le projet des circonscriptions recoupe la pratique découverte dans le feu même de l’action par les clubs, communes, associations françaises – premier maillon de ce « trésor perdu » des révolutions. Il en va de la forme des conseils ou des soviets, de l’auto organisation politique du peuple ; cette forme serait aussi vieille que la forme parti, mais constamment oubliée et recouverte, précisément par l’appareil des partis et de leur bureaucratie. L’enjeu est la nature même du pouvoir politique et de l’accès du peuple à la liberté politique.

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Ce n’est pas tant l’ambiguïté de l’héritage de la tradition, parfois égarant, parfois au contraire permettant de sauver la révolution en dépit d’elle-même qui retiendra ici. Ce qui surprend, c’est l’allure de funambules que notre relevé sommaire suggère, qui veut souligner à gros traits, à traits grossiers, ce funambulisme, ce somnambulisme qu’Arendt prête parfois aux acteurs les plus grands. Car on est bien alors contraint de se demander sur un ton un peu différent, dans une « stimmung » différente : Qu’est-ce que les acteurs font de leurs propres pratiques ? Comment comprennent-ils ce qu’ils font ? Qu’est-ce que les acteurs font de leurs propres théories, desseins, plans, projets ? Comment qualifier la pensée, pourvue d’efficace et parfois de grandeur, parfois de justesse qui préside au pacte du Mayflower, à la déclaration d’indépendance, à la rédaction du Fédéraliste, à l’invention de la cour suprême dévolue au jugement et du sénat dévolu à l’opinion, à la pensée d’après-coup de Jefferson ? Car il s’agit bien toujours de méditer une expérience, de la déchiffrer et de la dire, mieux, de la publier, et ainsi de la préserver. Un autre embarras, ayant trait, là encore, à la notion d’expérience, et à la façon de la faire et de la penser concerne la réciproque et le corrélat de l’ambiguïté du droit à la poursuite du bonheur, dont on ne sait s’il est un bonheur public ou la bonheur d’être déchargé du fardeau et de l’ambition politique. Dans le chapitre consacrée à la question sociale – chapitre ô combien controversé et incompris – Arendt distingue deux sortes d’injustice. La première, évidente, en regard de laquelle l’autre semble un luxe, une dérision est la misère économique et sociale, celle qui renvoie chacun à l’épreuve solitaire de ses propres besoins vitaux : ici, il est clair que « les malheureux sont la puissance de la terre » (Saint-Just).

L’autre injustice est d’abord décrite en faisant fond sur le Discours sur Davila, de J. Adams, lequel reçoit alors, du fait d’Arendt, des renforts inattendus. Le discours souligne que : «La conscience de l’homme pauvre est claire, pourtant il a honte (...) Il se sent hors de la vue des autres, tâtonnant dans le noir. L’humanité ne le connaît pas (...) Au milieu de la foule, à l’Eglise, au marché... il est tout autant dans l’obscurité que s’il était dans une cave ou un grenier. Il n’est pas désapprouvé, ni censuré, on ne lui fait pas de reproche ; il n’est tout simplement pas vu (HA souligne). Passer totalement inaperçu et le savoir est intolé­rable ». Arendt ajoute qu’il est rare, chez les modernes de voir l’injustice dans l’obs­ curité plutôt que dans le besoin et enchaîne : «On peut suspecter que l’effort de Marx pour réécrire l’histoire en terme de lutte des classes était au moins partiel­lement inspiré par le désir de réhabiliter à titre posthume ceux envers qui l’histoire avait ajouté à une vie injuriée l’insulte de l’oubli». On re­trouve ailleurs la même idée : «fort peu parmi eux / les révolutionnaires/ compri­rent l’injure supplémentaire qu’infligeait aux vies meurtries des pauvres le fait que leurs souffrances demeuraient dans l’obscurité et n’étaient même pas rete­nues dans la mémoire de l’humanité». Brecht l’aurait saisi, d’où ses bal­lades : «la ballade a toujours été la veine de la poésie orale, la forme artistique, si c’en était une, où les personnes condamnées à l’obscurité et à l’oubli tentaient de conserver leurs propres histoires et de créer leur propre immortalité poétique»–9 Dans Sur la Révolution, Arendt souligne que « de toute évidence, c’est l’absence de misère qui autorisa J. Adams à découvrir la situation difficile politiquement des pauvres ; mais cette saisie des conséquences estropiantes de l’obscurité, en contraste avec la ruine bien plus évidente que le besoin apporte à la vie humaine, pouvait difficilement être partagée 9    Vies Politiques, Tel, Gallimard, pp. 226 et 229-230.

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par les pauvres eux-mêmes ; et puisque cela est resté une connaissance privilégiée [ou de privilégié], sans réelle influence sur l’histoire des révolutions ou la tradition révolutionnaire ». La suite décrit de façon sinistre le fardeau du loisir converti non pas en passion de la distinction et de l’excellence, mais en consommation privée (si l’on ose la redondance). Ce passage renvoie à un ensemble très dense de questions impliquant Marx d’une part, Jefferson de l’autre. Mais il faut prendre le risque de poser quelques questions plus naïves, plus plates – ou plus énormes – mais qui pourraient bien renvoyer in concreto au statut du sens commun et du jugement chez Arendt (jugement dont on sait qu’il est toujours saisi à l’ombre du jugement réfléchissant kantien, à l’ombre du jugement de goût – et le terme de goût, comme celui de tact, importe). - Qui fait l’expérience de cette obscurité ? Qui la dit ? Qui la pense ? (Il ne s’agit pas du reproche absurde, contre textuel « d’élitisme » qui serait tout aussi absurde que celui de « spontanéisme » qui s’adosserait au seul dernier chapitre). - Que se passerait-il si cette connaissance ne demeurait pas une connaissance privilégiée sur l’obscurité de la vie privée, sur son caractère privatif ? Arendt pose : « la fin du gouvernement demeura pour eux la préservation de soi, et la conviction de J. Adams, que la fin principale du gouvernement est de réguler la passion pour la distinction n’est même pas devenue une matière à controverse, elle a simplement été oubliée ». A quelles conditions une connaissance privilégiée sur l’injustice de ceux qui ne la connaissent pas comme injustice peut-elle se divulguer, et dans quelle mesure cette connaissance partagée, entendons, débattue, changerait-elle la pratique ? - Immédiatement à la suite de ce passage,

Arendt traite d’une obscurité très obscure, une injustice invisible, impartageable, innommable : l’esclavage des noirs. L’expérience, la connaissance, l’épreuve peuvent faire défaut. - La connaissance privilégiée ou de privilégié de J. Adams (avec ses très improbables alliés, Marx et Brecht) pourrait bien avoir trait à la « mentalité élargie », la « maxime du sens commun » telle que Arendt se la réapproprie après le procès Eichmann (la « banalité du mal » titre d’un problème, tient bien à ce que Eichmann, très compétent pour raisonner et calculer, comme on le sait, se révèle incapable de penser et d’éprouver, et de parler dans produire cliché et formules). Il s’agit bien, comme le précisent quelques textes, de se mettre à la place d’un autre, d’envisager le monde de son point de vue. Plus exactement du point de vue qui serait le nôtre si nous étions à sa place, et non pas bien entendu, du sien à sa place. Suivant un exemple arendtien frappant, il s’agit de savoir ce que moi, j’éprouverais par exemple du point de vue de l’habitant d’un taudis, mais non pas bien entendu de ce qu’éprouve, de fait, en acte, l’habitant du taudis. « Bien entendu », c’est évident. Mais alors qu’éprouve l’habitant du taudis ? Qu’est-ce que j’éprouverais de plus juste à sa place qu’il n’éprouve pas luimême ? Dans la mesure où il ne s’agit pas de compassion ou autre fadaise, ni d’une raison comprise comme calcul, sans aucune sorte d’émotion, comme si l’habitant du taudis et moi-même n’étions pas de la même espèce, n’étions pas dans le même monde, alors : qu’est-ce qu’éprouver, qu’est-ce que penser ou articuler ce que l’on éprouve ? On a là une ligne d’interrogation très pressante chez Arendt, de la Nature du totalitarisme jusqu’à La Vie de l’esprit, en transitant par la si importante réponse à la recension par Voegelin des Origines du totalitarisme et par Eichmann à Jérusalem. Il en va de l’intrication de la pensée et de l’affect – l’affection ouvre au monde, qui ne peut être que monde 371


commun. Il faut prendre dès lors l’expression « sens commun » tout à fait au sérieux. Penser et affect s’entreconditionnent – et sont corrélatifs de la possibilité de constituer l’expérience (et l’épreuve) et le sens du réel. Il serait alors possible de comparer et distinguer les approches d’Arendt et celle de Gadamer, dans Vérité et méthode. - Ce qui renverrait ici, en situation si l’on peut dire, aux questions que posent Arendt dans ses derniers textes. Les questions qui concernent le « transpolitique » selon ses termes, ou les « propositions morales de bases » suivant ses cours, ou encore « la vie de l’esprit » si l’on veut. Qu’est-ce qu’éprouver ? Qu’est-ce qu’être affecté ? Ce « sens commun » à la fois nous permet d’éprouver la réalité, et non pas de vivre « conformément aux règles d’un monde fictif » ou dans toutes les formes de mensonge et de simulacre – il nous permet de nous laisser affecter – et signale renvoie à l’exigence d’une communauté, d’un partage. Ce qui est en jeu alors dans le « sens commun » ou dans le jugement de goût est donc à la fois quelque chose qui m’affecte dans ma chair et à la fois ce qui répond à l’exigence de la « mentalité élargie » (au sens de Kant, dans le fameux § 40 de la Critique de la faculté de juger). Mais dans l’action et la pensée révolutionnaires, il en va aussi de la transformation du monde qui rend possible pour les autres et pour moi (on ne peut pas dire : « comme pour moi ») d’être affectés et de penser en se mettant à la place de tout autre. Si bien qu’il faut se demander de façon tout à fait singulière, comment une connaissance de privilégiés (acquise d’une façon ou d’une autre) peut se divulguer, se partager, s’exposer. La question a préoccupé Arendt à la fin de sa vie. C’est ce qu’elle répond, là encore, à Mac Pherson : « Je crois vraiment que penser a une influence sur l’action. Sur l’homme agissant. Car c’est le même ego qui pense et qui agit. Mais pas la théo­rie. La théorie peut seulement influencer

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l’action dans la réforme de la conscience. Avez vous jamais pensé au nombre de gens dont vous auriez à réfor­mer la conscience ? Et si vous n’y pensez pas en terme concret, alors vous pensez à l’humanité, c’est-à-dire à un nom qui n’existe pas, qui est un concept. Et ce nom (…) est constam­ment construit à l’image d’un seul homme. Si nous croyons vraiment - et je pense que nous partageons cette croyance- que le pluralité est la loi de la terre, alors je pense que l’on a à mo­difier cette notion de l’unité de la théorie et de la pratique à tel point qu’elle sera méconnaissable pour tous ceux qui s’y sont essayés auparavant. »� L’on souhaiterait conclure par un autre point. Nulle par aussi clairement, directement, que dans Sur la Révolution Arendt n’a énoncé que « l’espoir pour l’homme en sa singularité réside dans le fait que ce n’est pas un homme mais des hommes qui habitent la terre et forment un monde entre eux. C’est la mondanité humaine qui peut sauver les hommes des abîmes de la nature humaine ». Ce que l’expérience américaine effective, celle du pacte du Mayflower, du sort des colons, du cours de la révolution montrerait, c’est précisément le hiatus entre la singularité d’un humain et de la nature humaine (réelle ou supposée) et la pluralité des humains. Le salut réside dans la politique serait-on tenté de dire. Car après tout, peu importe, au bout du compte, que l’on déduise la bonté naturelle de l’homme de la corruption de la société – comme l’auraient fait les Français, ou que l’on pose une nature humaine déchue - comme l’auraient fait pélerins et colons. L’expérience tient à ce que « la communauté, même composée de pécheurs, ne reflétera pas nécessairement la face pécheresse de la nature humaine. » On peut au contraire « contreba­ lancer la nature hu­ maine en sa singularité en vertu des liens communs et des promesses mu­tuelles » (et il faudrait renvoyer aux passages très éloquents du Fédéraliste n° 70, n° 76) et à l’analyse de la promesse dans CHM.


Ces passages consonnent avec toutes les lectures critiques de la déclaration des droits de l’homme dans l’Impérialisme, la distinction entre les déclarations de type français et les amendements américains, enfin toutes les réflexions sur ce que signifient « homo » et « persona »�. L’égalité n’est jamais pour Arendt naturelle, elle est délibérée, construite, mondaine précisément. Cette conception ne s’autorise pas seulement de l’antiquité grecque et romaine, mais tout aussi bien du pacte du Mayflower ou des expériences coloniales américaines : l’égalité n’est pas donnée par l’origine (ethnique, linguistique, religieuse, etc.) mais bien produite par la promesse. La pluralité sauve des abîmes de la nature humaine (si tant est que nous puissions la connaître). On a sans doute là non seulement le saut des révolutionnaires, le saut de l’ancien au nouveau monde – quelle que soit la façon dont on entend « monde » ; mais surtout celui de l’anthropologie, de la théologie à la pensée politique. Est manifeste le refus d’une anthropologie politique, ou d’une fondation anthropologique de la politique. C’est un point décisif, corrélatif de la compréhension de la pluralité, qui n’est souvent pas remarqué du fait de la surestimation de la Condition de l’homme moderne en regard de la sousestimation patente de Sur la révolution. Il y aurait par avance un débat avec Rawls et la reprise d’un état de nature, rationalisé, avec des acteurs eux-mêmes rationnels etc. On pourrait, en menant la confrontation, mesurer l’importance de la distinction entre promesse et contrat, entre promesse et consentement.

adossée à des expériences spécifiques, qu’il y a solution de continuité entre l’anthropologie (sous sa figure classique) et la pensée ou la conceptualisation politique. Il faut décidément fouiller les ressources internes, spécifiques, irréductibles, indéductibles, de la pluralité. Ce qui confirmerait ce que l’on pressentait et que le Journal de pensée semble valider. Un des plus grands interlocuteurs et adversaires de Arendt est Hobbes – Hobbes plus que Rousseau. Hobbes comme « le meilleur ennemi ». Le Fédéraliste 21 le prétendait : « il est aussi juste que fin de dire ‘dans l’arithmétique politique, deux et deux ne font pas toujours quatre’ » : on ne peut guère trouver d’énoncé plus anti-hobbesien et auquel (sans doute) Arendt aurait plus volontiers souscrit.

Référence Amiel Anne, La non philosophie de Hannah Arendt. Révolution et Jugement, Paris, PUF, 2001.

Il y a ce me semble un débat très profond, et que je crois très réel avec Carl Schmitt. Après tout celui ci – penseur éminent de la souveraineté, et, pour faire trop court, de la décision, prétend bien que toute pensée politique véritable doit s’enraciner dans une anthropologie, si possible pessimiste, d’où les louanges adressées à Machiavel et à Hobbes. Or, pour Arendt, il s’agit et de prétendre,

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Nous disons REVOLUTION Billet de Beatriz Preciado, Libération 21 mars 2013.

Il paraît que les gourous de la vieille Europe coloniale s’obstinent dernièrement à vouloir expliquer aux activistes des mouvements Occupy, Indignados, handi-trans-pédégoineintersex et postporn que nous ne pourrons pas faire la révolution parce que nous n’avons pas d’idéologie. Ils disent « une idéologie » comme ma mère disait « un mari ». Et bien, nous n’avons pas besoin ni d’idéologie, ni de mari. Les nouvelles féministes, nous n’avons besoin de mari parce que nous ne sommes pas des femmes. Comme nous n’avons pas besoin d’idéologie parce que nous ne sommes pas un peuple. Ni communisme, ni libéralisme. Ni la rengaine catholico-musulmano-juive. Nous parlons un autre langage. Ils disent représentation. Nous disons expérimentation. Ils disent identité. Nous disons multitude. Ils disent maîtriser la banlieue. Nous disons métisser la ville. Ils disent dette. Nous disons coopération sexuelle et interdépendance somatique. Ils disent capital humain. Nous disons alliance multi-espèce. Ils disent viande de cheval dans nos assiettes. Nous disons montons sur les chevaux pour échapper ensemble à l’abattoir global. Ils disent pouvoir. Nous disons puissance. Ils disent intégration. Nous disons code ouvert. Ils disent hommefemme, Blanc-Noir, humain-animal, homosexuel-hétérosexuel, Israël-Palestine. Nous disons tu sais bien que ton appareil de production de vérité ne marche plus. Combien de Galilée nous faudra-t-il cette fois pour réapprendre à nommer les choses nousmêmes ? Ils nous font la guerre économique à coup de machette digitale néolibérale. Mais nous n’allons pas pleurer pour la fin de l’Etat-providence, parce que l’Etat-providence était aussi l’hôpital psychiatrique, le centre

d’insertion des handicapés, la prison, l’école patriarcale-coloniale-hétérocentrée. Il est temps de mettre Foucault à la diète handiqueer et d’écrire la Mort de la clinique. Il est temps d’inviter Marx dans un atelier éco-sexuel. Nous n’allons pas jouer l’Etat disciplinaire contre le marché néolibéral. Ces deux-là ont déjà passé un accord : dans la nouvelle Europe, le marché est la seule raison gouvernementale. L’Etat devient un bras punitif dont la seule fonction sera de recréer la fiction de l’identité nationale par l’effroi sécuritaire. Nous ne voulons nous définir ni comme des travailleurs cognitifs ni comme consommateurs pharmacopornographiques. Nous ne sommes pas Facebook, ni Shell, ni Nestlé, ni Pizer-Wyeth. Nous ne voulons pas produire français, pas plus que produire européen. Nous ne voulons pas produire. Nous sommes le réseau vivant décentralisé. Nous refusons une citoyenneté définie par notre force de production ou notre force de reproduction. Nous voulons une citoyenneté totale définie par le partage des techniques, des fluides, des semences, de l’eau, des savoirs… Ils disent la nouvelle guerre propre se fera avec des drones. Notre insurrection est la paix, l’affect total. Ils disent crise. Nous disons révolution.

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PISTAS DE REFLEXION, HISTORIA, ACTUALIDAD PISTES DE REFLEXION, HISTOIRE, ACTUALITE, 377


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VIOLENCE D’ÉTAT ET PSYCHANALYSE AUJOURD’HUI Janine Puget – Julia Braun, psychanalystes Buenos Aires (Argentine)

Résumé

Est-ce qu’un livre a une histoire ?

Raconter une expérience qui est née de la diversité à laquelle nous avons été exposés à partir de la dictature Argentine 1976-1983 fut un des buts du livre «Violence d’Etat et Psychanalyse» (1989). Il fallait dire et dénoncer, faire savoir. Et pour cela nous avons compté en partie sur la solidarité de R Kaës, psychanalyste de Lyon (France) qui nous a donné la possibilité d’avoir pu faire connaitre les souffrances vécues. Nous avons essayé de découvrir les effets directs et indirects de la violence d’Etat, de repérer les signifiants de chaque époque, de proposer quelques nouvelles hypothèses qui nous permettent de travailler dans la clinique sans confondre ce qui correspond au monde intérieur et ce qu’impose l’altérité et l’aliéné dans chaque contexte. Discerner la violence d’Etat d’autres violences fut une des nouvelles voies ouvertes.

Notre livre, Violence d’État et Psychanalyse (1989) est un des symboles d’une époque et, pour ses auteurs, psychanalystes, ce fut une expérience courageuse, une belle aventure, un effort ce qui nous a permis de ne pas nous attarder dans une position mélancolique de souffrance. Il fallait dire, publier et pour cela une heureuse rencontre avec René Kaës fut décisive. Il offrait de publier en France. Tout d’abord il s’agissait d’une publication entre Janine Puget et René Kaës qui rapidement s’est transformée en un travail collectif qui rendrait mieux compte de la diversité de situations auxquelles nous avions été exposés pendant la dictature. L’histoire que nous en racontons aujourd’hui n’est plus la même qu’à l’époque. Elle tient compte du travail déjà réalisé et des conditions actuelles.

Nous avions besoin d’écrire, d’essayer de faire savoir ce qui s’était passé en Argentine (dictature 1976-1983, 30.000 disparus) de dénoncer, de parler de la souffrance sociale Annexes et ce que comportait la terreur imposée par Deux prologues en espagnol de la deuxième la dictature. Elle nous avait posé de nouveaux édition de Violence d’Etat et psychanalyse–1, problèmes. Et, bien sûr, c’était aussi une écrits respectivement par Janine Puget, Buenos manière de rendre hommage aux disparus et aux familles de ceux-ci. Aires et Marcelo Vignar, Montevideo.

1   Puget Janine (dir.), R. Kaës, M. Vignar, L. Ricon, J. Braun de Dunavevich, M.-L. Pelento, S. Amati, M. Ulriksen Vignar, V. Galli, 1989. Violence d’Etat et psychanalyse, Paris, Dunod. Le livre a été traduit en espagnol et en italien.

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Le trajet sinueux pour la publication de Violence d’Etat et Psychanalyse Nous étions en pleine époque de post-dictature, le besoin de parler était un impératif, il fallait dénoncer, dire, faire savoir «au monde». Ce que chacun de nous avait vécu et parfois écrit bien que non publiable pendant la dictature, pouvait maintenant voir le jour. –2 La rencontre avec René Kaës s’est produite lors d’un Congrès International de Psychothérapie de Groupe à Buenos Aires, dans la période de post-dictature. De nombreux psychanalystes étrangers sont venus probablement stimulés par un sentiment de solidarité et une naturelle curiosité concernant le phénomène argentin de post-dictature. R. Kaës et J. Puget ont découvert au cours de plusieurs rencontres amicales que, bien qu’habitant dans des continents différents, nous avions des inquiétudes semblables, de nombreuses coïncidences intellectuelles concernant ce que nous appelions «le social» et les pratiques que cet espace engendre ainsi que les interrogations que tout ceci nous posaient. Par ailleurs nous avions besoin de parler et les étrangers avaient besoin de nous écouter. Ceci en principe conforme une heureuse possibilité de dialogue. Mais voilà qu’il s’est avéré important que ce projet engendré entre nous deux puisse s’ouvrir et y faire participer d’autres collègues. Nous avons convoqué des psychanalystes qui avaient souffert eux aussi et chacun à leur manière les conséquences de la Violence d’Etat en Argentine, en Uruguay, en Suisse, en France. Le projet devenait chaque fois plus complexe soulevant des questions fascinantes. 2    J.P. publie en Angleterre un premier article sous la responsabilité de Robert Young en 1988 et en 2003. R.Y. un militant de gauche fort engagé politiquement en tout ce qui concernait le Droits de l´homme dirigeait une revue Free Association. Bien avant cela M.L Pelento et J. Braun publiaient un article au sujet des deuils spéciaux et plus tard avec J. Puget, E. et M. Bianchedi concernant la question de la restitution des enfants appropriés. S. Amati Sas, publiait un article au sujet de la torture. (1987).

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Pourtant, bien que le matériel qui fut la source des textes du livre provienne d’auteurs hispano-parlants, notre projet ne trouvait pas sa place en espagnol. Ce fut donc grâce aux démarches de René Kaës que le livre fut publié en français sous sa direction et celle de Janine Puget. Les textes du livre avaient été écrits pour la plupart en espagnol et l’un d’eux en français. Donc l’édition française a demandé un effort supplémentaire. Pour la plupart des auteurs ceci demanda un effort supplémentaire. Il fallait traduire et envoyer en France. Nous étions à l’époque de la poste, de la machine à écrire, des stencils. Enfin quelques années plus tard nous avons obtenu d’un éditeur argentin, Boris Spivacov, très engagé politiquement, la publication de notre livre en espagnol mais à nos frais. Ce qui n’a pas été facile. Une fois cette édition épuisée il a fallu trouver de nouveaux éditeurs pour la seconde édition en espagnol. Tandis que le livre circulait en photocopie et était inclus dans la bibliographie universitaire. Pour la seconde édition il a fallu faire de nouvelles démarches. Notre livre, nous disaient les éditeurs n’étaient plus «à la mode». Chose curieuse, le livre avait pris une place dans le discours psychanalytique, était cité, mais il avait du mal à trouver sa place chez les éditeurs. En France le même phénomène se produisait à tel point que le livre édité par Dunod, allait passer au pilon et R. Kaës l’en a sauvé. Pourrions-nous penser que ce «pilon» soit une métaphore de la répression ? Et aussi de l’ambivalence que ce genre de problèmes suscite. Ce parcours ne fut pas stérile et nous avons beaucoup appris. Pourquoi raconter ce côté de l’histoire  ? Probablement parce que bien que nous étions en pleine démocratie, la censure et ses effets continuaient à se ressentir et ce pendant longtemps. Ce que nous avons appris : les instruments théorico-cliniques Comment donner une place dans le corpus psychanalytique à la subjectivité sociale, à ce


que comporte le devenir sujet, à la force de de présence» tandis que ce qui correspond certaines marques ? Un éventail de possibilités au monde individuel, dépend d’effets de s’ouvre. représentation et de la mise en activité des effets d‘inconscient–4. Les traumatismes Nous nous sommes rendus compte, une fois actuels, les tortures, les conséquences pour de plus, que nous étions à cours d’instruments les familles des disparus devaient être pensées théorico-cliniques pour faire face aux enjeux suivant la logique des effets d’un présent (la devant lesquels nous nous trouvions quand il violence d’Etat de la dictature) qui n’avait pas s’agissait de discriminer ce qui concerne à la d’histoire mais était en train d’en créer une: il subjectivité sociale en général, de celle exercée s’était produit un évènement. Il s’agissait d’une par l’Etat, de distinguer les traumatismes nouvelle histoire pour la société argentine et sociaux et d’autres violences. Il fallait inventer peut être pour le monde. Et ses effets devraient comment travailler avec des patients engagés se percevoir quant à la manière de concevoir politiquement, parfois en danger ou nous dans la théorie de la psychanalyse comment mettant en danger. Nous avons tous été partie penser un présent qui n’est pas répétition ou prenante des évènements qui se succédaient, transformation d’un passé. chacun à notre manière pour des raisons diverses. Arriver à formuler ce genre d’hypothèses n’a pas été sans conséquence. Il fallait déplacer Aujourd’hui ce que nous en disons est de l’ordre du centre du corpus théorique le complexe de l’histoire des idées qui se sont révélées en d’Œdipe, le transfert et le contretransfert, les écrivant, en vivant la post-dictature. C’est principes binaires régulateurs de la formation une seconde lecture de Violence d’État de l’appareil psychique et les multiples effets et Psychanalyse. Et c’est peut-être aussi le de l’inconscient. Et il fallait faire avec ce qui se moment de nous rendre compte de ce qu’a passait dans le présent et n’avait pas eu lieu dans pu représenter ce livre franco-argentin qui fut le passé de chacun et du monde qu’il habite. d’abord publié en France et, seulement bien Étant donné qu’il est impossible de prévoir ce après en Argentine et en Italie. qui se passe lors d’une rencontre, quel que soit celle-ci, J. Puget (2002) propose que le Par ailleurs, écrire crée une distance entre les Principe d’Incertitude soit le Principe régulateur souffrances vécues et un nouveau présent. d’un lien. En introduisant une différence entre Ceci nous a ouvert des portes quant à notre chaque espace de constitution subjective il manière de concevoir notre travail et notre fallait nous occuper des pratiques engendrées position en tant que sujet social. Le devenir à partir de l’irréductible entre deux, celles des sujet social–3 et pour autant psychanalyste liens, celles de la vie communautaire. travaillant dans des conditions parfois difficiles nous posait un défi. Il fallait envisager que Les souffrances sociales et leur manifestation l’espace communautaire a ses propre règles, au cours des séances ne pouvaient pas être différentes de celles qui ont trait à l’espace des réduites à la traditionnelle manière de les penser liens de famille et de couple ainsi que différentes suivant la logique du déterminisme psychique. de celles qui correspondent à la constitution Le présent ne provenait pas du passé, il se faisait du dit «monde intérieur». Pour certains une nouvelle place et dépassait les possibilités auteurs de ce livre, il devenait évident que la de prévision. Il était urgent de trouver de subjectivité issue de la relation entre deux ou plusieurs autres présents provient des «effets

3  J. Puget dans son chapitre s’est occupée spécialement de la différence entre divers espaces de subjectivité et des effets de présence

4    Effets d’inconscient bien connu sont les rêves, les symptômes, les actes manqués etc. tel que Freud a commencé à le dire. Effets de présence tient à discerner le travail que deux ou plusieurs sujets ont à faire pour rendre compte de la différence radicale qui les sépare et simultanément leur donne leur qualité de sujet d’un lien.

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nouveaux instruments théorico-cliniques afin d’aborder les nombreuses questions soulevées lors de la dictature et de la post-dictature. Il fallait «savoir que faire» et acquérir de nouvelles manières de penser et d’agir. Le sujet politique (le citoyen) apparaissait en premier plan. C’est un sujet dépouillé de deux signifiants fondamentaux: le sens de la mort et la validité de la Loi. Les premières formulations de Freud n’étaient plus suffisantes. La dictature avait soulevé un éventail de questions concernant la place qu’occupaient les traumatismes sociaux, la terreur. Il fallait découvrir comment s’en occuper en dépassant le cadre des données psychanalytiques Néanmoins, pour d’autres auteurs de ce livre, restants fidèles aux écrits sociaux de Freud, le sujet social apparait en tant que dérivation ou évolution des premières relations d’objet. Rappelons-nous ce que Freud en disait, par exemple, dans ses Ecrits sociaux et particulièrement dans Malaise et Civilisation (1930). Là il soutient que nous sommes menacés par diverses souffrances, celles du corps, qui est condamné à pourrir et qui ne peut se passer de la douleur comme signal d›alarme, celles du monde extérieur et celles d›autrui qui probablement est la menace la plus douloureusement ressentie. Ces hypothèses se soutenaient sur l’idée que nous étions aux prises avec un antagonisme entre les exigences pulsionnelles et les restrictions imposées par la culture. Ce qui revient à dire que nous vivons dans un état violent de conflits ce qui fréquemment est à la source de terribles explosions. Le livre contient autant ce qui a pu être pensé à partir de Freud et ce qui peut être considéré une rupture avec ces données.

Un après Freud De toute façon les uns et les autres savons est que les questions soulevées à l’époque n’ont fait qu’ouvrir un grand chapitre. Dans ce que nous appelons l’ «après Freud» nous avons discuté avec plusieurs auteurs. L’un d’eux fut Piera Aulagnier quand elle se posa dans son chapitre sur le Contrat Narcissique (1975), la question du statut du sujet social sachant qu’il y avait là un problème à résoudre. Cet auteur était venu à Buenos Aires pendant la dictature et nous avons pu échanger des idées avec elle concernant le besoin de donner une nouvelle place aux deuils spéciaux, aux violences subies. Puis nous avons eu recours à des auteurs pas nécessairement psychanalystes qui s’étaient occupés des effets divers des dictatures de par le monde. Et peut-être que ceux-ci nous ont aidé à penser et écrire nos propres textes. Conditions sociales et politiques

Sans aucun doute ce qui a pris naissance en Argentine en tant que «pensée sociale» dans la psychanalyse et dans d’autres domaines a eu quelque chose de spécifique. Elle serait de l’ordre d’une perméabilité spéciale concernant la psychanalyse et une préoccupation pour les questions soulevées concernant l’être et le devenir membre d’une communauté. Ce livre est un bon exemple de la capacité des argentins à se mettre rapidement à penser ce qu’ils étaient en train de vivre pendant la dictature. Il faut tenir compte qu’en Europe de nombreuses années se sont écoulées avant qu’apparaissent les premiers textes concernant les souffrances dues à l’Holocauste, à la Shoa. Et donc nous pouvons attribuer aux conditions Est-ce que nous avons réellement appris ? Nous socio-culturelles argentines le fait d’avoir pu pensons que oui sans pour autant oublier qu’un rapidement mettre en évidence de nouvelles savoir qui n’engendre pas de nouvelles questions, idées. devient un savoir stérile. Il faut pouvoir s’étonner tous les jours. Il s’agit aussi de proposer de L’Université des Catacombes nouvelles manières de penser l’appartenance à un ensemble, à un lien, à son propre monde Bien que la dictature argentine n’échappait intérieur. Chacun de ces espaces a sa propre pas à certaines règles du jeu telles que, entre origine. autre, produire de la terreur et exercer une 382


censure féroce. Nous avons constaté qu’il y avait moyen de s’en échapper en prenant les précautions nécessaires. Nous travaillions dans ce que nous avons appelé l’Université des Catacombes dans l’espoir de pouvoir dans un futur indéfini sortir des coulisses. Il était possible de partager avec beaucoup «d’autres» ce qui équivalait à sortir de la clandestinité et du silence imposé. Quelques chapitres du livre furent écrits dans ces conditions.

élaboré. La honte en tant que sentiment qui affleure au cours des séances de personnes qui ont souffert la torture dans des camps de concentration fut travaillée par Silvia Amati. La mémoire, le besoin de se souvenir et d’oublier sont des questions que se posent R. Kaës et M. Vignar. René Kaës envisage aussi ce que comportent les ruptures catastrophiques. M. Ulriksen-Vignar s’occupe de la question de la transmission d’un certain climat émotionnel et de l’horreur. Quelle forme prend le travail clinique pendant le terrorisme d’Etat et quel Repérer des signifiants de la sera le futur de la psychanalyse est double un violence d’Etat au cours des problème que se pose V. Galli. Il ne pouvait années 1976-1982 manquer une réflexion sur l’autoritarisme ce que fait L. Ricón. J. Puget s’occupa de l´’étrange En Amérique du Sud depuis les années 1970 les structurant et l’étrangeté aliénante et de dictatures militaires ont conçu des méthodes caractériser différents espaces de constitution spécifiques à chacune d’elles pour exercer leur subjective. pouvoir soutenu par l’exercice de la terreur. Chaque époque crée ses propres signifiants. Il s’agissait de dénoncer les atrocités commises au cours des années 1976-1983. Penser Nous en énumèrerons quelques-uns. Les et parler de traumatismes sociaux récents lecteurs en découvriront bien d’autres. éveillait des craintes et ouvrait des blessures. Il mettait donc en danger l’appareil psychique L’un d’eux fut la figure «des disparus» qui a de chacun. donné lieu à la création des «Mères de la Place de Mai», connues aujourd’hui universellement. Pour les auteurs un des résultats fut que, bien Auquel il faut ajouter l «appropriation des qu’à l’époque nous nous sommes centrés enfants des disparus» et ultérieurement la sur la violence d’Etat, au cours des années «restitution» de ceux-ci soutenue par les suivantes nous avons acquis une oreille plus «Grand-Mères de la Place de Mai». (Bianchedi fine pour repérer et «faire avec» les effets, E., Bianchedi M., Braun J., Pelento M.L., Puget). non seulement de la violence d’Etat, mais aussi «Les disparus» sont devenus le signifiant par de ce que comportent les différentes formes excellence du raffinement de la cruauté de de violences sociales. Suivant Balibar (2010) la dictature Argentine, à tel point qu’il est penser en termes de violences convertible et parfois difficile aujourd’hui d’employer ce mot de violence inconvertible. dans le quotidien sans évoquer la dictature. Le langage s’imprègne de marques sociales qui Jugement des tortionnaires définissent une époque ou des évènements spécifiques. Les effets causés par la situation Une figure sociale de grande importance qui de disparition sont infinis. Ils ont permis à a permis et permet à de nombreuses victimes deux auteurs de ce livre de repenser la théorie directes ou indirectes de la dictature d’éprouver du deuil. Il s’agissait d’un deuil spécial (Braun une détente a été le processus de jugement et Pelento) qui ne correspondait pas à ce que public des tortionnaires. Cinq jours après la nous avions tendance à penser en suivant les fin de la dictature et sous un gouvernement théories classiques du deuil et les étapes que démocratique, le président a émis un décret pour celui-ci devait parcourir pour pouvoir être que se réalise le jugement de la Junte Militaire. 383


Ce fut un procès public de neuf membres des trois Juntes qui avaient gouverné pendant la dictature. Mais, un deuxième gouvernement démocratique, cinq ans plus tard décréta la commutation de la peine. Quelques procès eurent lieu mais ils étaient rapidement annulés ce qui a créé une grande incertitude et malaise. La reconnaissance publique, sociale de la souffrance est nécessaire. La possibilité de dénoncer pour que d’autres sachent s’inscrit dans le domaine des responsabilités d’organismes officiels. Et cet acte, le jugement, le libère partiellement. Que les responsables des tortures, de la violence d’Etat soient jugés publiquement est devenu le devoir de l’Etat. Il fallait que l’Etat juge ce qui avait eu lieu depuis quelques années sous un autre gouvernement. Il fallait juger les tortionnaires ce qui permet aux victimes directes et indirectes, aux familles et à une partie de la population de récupérer une certaine confiance en faisant l’expérience que la Loi existe. Une fois de plus nous constatons que ce genre de violence exercée par l’Etat exige une reconnaissance publique et qu’il n’est pas suffisant pour chacun d’avoir été écouté par ses proches. Chaque espace de constitution subjective a ses propres règles. Les jugements des tortionnaires s’inscrit dans la logique de l’Evènement, et celui-ci a eu lieu en Argentine en dépassant petit à petit nos frontières. En Uruguay, bien que tardivement, le gouvernement est en train de considérer cette possibilité. Et, bien que, à certains moments, en Europe il a été possible de créer des Tribunaux de ce genre, ceux-ci furent beaucoup plus circonscrits. Nous parlons par exemple du Tribunal International de la Haye, du tribunal de Nuremberg, du Tribunal Russell, du Procès de Eichmann, quelques procès en Allemagne etc. Néanmoins la rigueur avec laquelle se font en Argentine les jugements des tortionnaires mérite d’être reconnue comme unique. Pour beaucoup d’entre nous, cela a permis de tourner la page et de passer à un nouveau chapitre : la construction de l’histoire de l’horreur dans des conditions de justice. 384

La vie communautaire Ce qui fut au début l’origine d’un mouvement solidaire et communautaire pour beaucoup, créé à partir d’un ennemi avéré, a laissé apparaitre des différences et des difficultés inhérentes à leur gestion. Je parle maintenant des mouvements de Droits de l’Homme créés pendant la dictature, par exemple, les «Mères de la Place de Mai». Et comme nous commençons à le savoir car le phénomène est classique, les groupes solidaires au début se divisent quand les différences qui devraient être fondamentales pour tout groupe, deviennent insupportables. Aujourd’hui nous assistons à la création et l’évolution de nombreux groupes qui ont en commun la défense des Droits de l’Homme mais qui ont du mal à dialoguer. Ce qui les réunit n’est plus seulement le besoin de dénoncer, d’occuper la place de victimes, de rechercher les disparus, mais plutôt de diversifier leurs tâches, leur mission, leur position en tant que sujet sociaux. Quelquesuns sont restés plus près des consignes initiales, celles de revendiquer le droit à la vérité, de répondre au besoin de trouver les disparus, de mener une lutte acharnée au nom des souffrances vécues. D’autres se sont ouverts à la revendication des Droits de l’Homme qui s’étend aux diverses injustices sociales auxquelles sont exposées une grande partie de la société et qui prend une forme différente dans chaque latitude. En revenant au déjà dit dans les Préfaces –5 Chaque édition du livre a demandé de nouveaux prologues (voir annexes). Pourquoi ? D’abord parce qu’un livre n’est jamais fini mais aussi, parce que les lecteurs dans chaque pays et à chaque époque pourraient avoir besoin de quelque chose de plus, par exemple situer un peu plus clairement l’histoire du contexte social et culturel actuel.

5   Voir annexes.


La préface de la seconde édition espagnole fait remarquer que ce livre fut à un certain moment le symbole d’une époque honteuse, et que nous voulions qu’il serve de mémoire, de témoignage, et devait avoir une présence concrète. Les idées ont passé par une période de latence mais les histoires honteuses ont besoin de nouveaux lecteurs. Il fallait prendre des distances afin de pouvoir penser dans l’espoir que l’histoire ne se répète pas. La mémoire a besoin de pouvoir être convoquée et c’est ainsi que, par exemple, les monuments nous permettent de remémorer sans que la terreur et les souvenirs qui s’imposent dans le présent nous envahissent. Un livre permet aussi d’évoquer des périodes qui nous ont marqués. Nous disions aussi qu’il faut reconnaitre la différence entre la violence exercée par des dictatures économiques qui commettent d’énormes injustices ou par des dictatures qui commettent des violations des Droits de l’Homme. Ce n’est pas pareil de souffrir des tortures qui forment partie des stratégies d’une politique de l’Etat que des tortures officieuses telles que celles qui se commettent, par exemple dans les postes de police. Le degré d’impunité dont dispose une dictature n’est pas la même que celle qui s’exerce dans certains groupes ou gouvernement. Et tout cela nous a permis de reconnaitre les effets a posteriori dans les familles, les couples, les individus de cette période néfaste de histoire argentine et uruguayenne. C’est aussi pourquoi une des préfaces de cette seconde édition espagnole fut écrite par un uruguayen Marcelo Vignar étant donné que son pays a lui aussi souffert les effets d’une dictature féroce. Et cet auteur, dans sa préface fait remarquer que se souvenir, le travail de la mémoire n’a pas comme but de fixer le passé mais peut nous permettre de trouver des principes organisateurs qui mettent de l’ordre dans notre présent. L’avons-nous appris ? Nous l’espérons.

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1991»Violencia de Estado y Psicoanálisis». Centro Editor, Buenos Aires.

Eléments bibliographiques

Amati Sas S., 1987 “Some thoughts on 1994 «Violenza di stato e psicoanalisi». Ed. torture”, Free Associations, 11, 94-114 Gnocchi, Italia. Aulagnier P. 1975 “Le contrat narcissique” et “L’état de rencontre et le concept de 2006 «Violencia de Estado y Psicoanálisis». violence” en»La Violence de l’Interprétation. 2da. Edición. Editorial Lumen. Buenos Aires. Du pictogramme à l’énoncé». Paris, PUF. Balibar E. 2010 «Violence et civilité». Ed. Galilée. 2010, France. Bianchedi E., Bianchedi M., Braun J., Pelento M.L., Puget J. 1991 «Enfants kidnappés en Argentine. Méthodologie de la restitution à leur famille d’origine. Quelques réflexions sur leur identité”. Journal de la psychanalyse de l’enfant Nº 9 6. 1991. Braun J. Puget J. 2003 “Perplexity: an effect of social trauma”. En Psychotherapy and Politics Internacional. Vol. I, Nº 1, 2003. pág. 27- 31. Freud S. 1930 “Malaise dans civilisation”, Paris, P.U.F.(1971).

la

Puget J. 1988 «Social Violence and psychoanalysis in Argentina: the unthinkable and the unthougth». Free Ass. Nº 13, Pág. 84140. 1988. 2002 «Qué difícil es pensar. Incertidumbre y perplejidad». Revista Psicoanálisis APdeBA, Dolor Social, (1/2) 2002. pp. 129-146. (How hard it is to think: uncertainty and perplexity). 2003 “How to cope with Social Disasters”. Free Associations (2003) Volume 10 Part 4 (N°56): 454-471. Puget Janine (dir.), R. Kaës, M. Vignar, L. Ricon, J. Braun de Dunayevich, M.-L. Pelento, S. Amati, M. Ulriksen Vignar, V. Galli. 1989 “Violence d’Etat et psychanalyse”, Paris, Dunod. 386


ANNEXES

Prólogo de la 2º edición

en aquellos periodos nefastos. Escribir la historia tiene muchas funciones y entre ellas la de ubicarse en testigos de la misma, tomar alguna distancia y crear nuevos lugares en momentos especialmente caóticos.

Janine Puget

Escribir la historia tiene también la función de ¿Por qué hoy una nueva impresión de este ir sembrando mojones que ayuden al trabajo de memoria. libro? ¿Y por qué dos prólogos? La nueva impresión responde a una demanda: quedó en la memoria de muchos, lo piden pero a veces la memoria no alcanza, tiene que quedar pruebas escritas y no hay más ejemplares, incluso se dice que la edición se ha agotado. Es un término fuerte, de uso habitual cuando algo que estuvo ya no está, pero los recuerdos no están agotados.

Escribir la historia puede evitar repeticiones o por lo menos alertar a quienes tendrían la tentación de repetir modelos de horror. Y ahora puedo comentar porque dos prólogos: uno argentino y otro uruguayo. Precisamente porque lo que contamos en este libro pertenece también a la historia uruguaya, porque quienes han escrito en él son no solo argentinos sino también uruguayos y porque estos dos países tienen desgraciadamente una historia semejante en lo que concierne a los estragos del Terrorismo de Estado. Nos pareció entonces importante que, desde estas dos orillas del Río de la Plata prologuemos esta nueva edición.

Para muchos, es un clásico, es un libro de texto, que habla de una época, que intenta dar una forma a lo que fue el Terror ejercido por el Estado. Y es un libro que merece estar presente, habla de algo del orden de lo inasible, capaz de ser pensado y vuelto a pensar desde diferentes ángulos dependiendo del momento que se vive. Desde esta óptica el tema es inagotable. Vuelvo a preguntarme porqué volver a imprimir este texto. Estas ideas sufrieron un período de latencia como muchas veces sucede con estos temas. Es posible pensar que, así como en aquel entonces Se trata de aquel tiempo social necesario para la instauración de un gobierno democrático que escritos que dan cuenta de una vergonzosa tuvo que ver con aquella publicación, ahora historia pueda tener nuevos lectores. Sabemos se han producido actos importantes en la que las situaciones traumáticas siguen un Argentina: la abolición de leyes que otorgaron decurso particular hasta poder encontrar la impunidad a quienes ejercieron el Terrorismo nuevas bifurcaciones, nuevas miradas. Son de Estado tales como la Ley de Punto final, la inagotables las ideas que brotan a partir de Ley de obediencia debida, la recuperación de períodos de flagrantes atropellos a los Derechos algunos cuerpos de personas desaparecidas. La Humanos y si bien el Terrorismo de Estado posibilidad de los familiares de desaparecidos merece ser tratado con toda su especificidad y de los propios torturados de iniciar y ganar cabe dejar claro que los atropellos a dichos Juicios contra torturadores de la dictadura. El lugar que ocupan los Derechos Humanos en Derechos siguen siendo actuales. el gobierno actual que promueve activamente Es un libro que da cuenta del esfuerzo de el restablecimiento de alguna legalidad violada personas que pudieron seguir pensando y de en aquel entonces. alguna manera trataron de mantener viva la memoria. Y ello nos ayudó a seguir pensando

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Sabemos que falta mucho por hacer pero lo de nuestro trabajo dado que incumbe a la hecho queda como marca que instaura algunos subjetividad social. valores perdidos que deben conformar la Ética Habrá nuevamente que indagar, conocer, de los pueblos. describir contextos de producción de violenciaEste libro puede ser leído hoy por otros lectores terror, de derrumbe de la legalidad, de que no solo quieran saber qué pasó sino fraccionamientos destructivos, de pérdida de también quienes quieran entender con alguna la ética fundamental para el mantenimiento metodología los atropellos a los Derechos de relaciones sociales. Humanos que bajo otros ropajes se siguen Buenos Aires, agosto, 2005. realizando. Los contextos han cambiado y ello merece ser remarcado. No es lo mismo que un gobierno ejerza el Terror de Estado que cuando los que ejercen el Terror no tienen el respaldo del Estado. No es lo mismo ejercer la tortura amparado por la Legalidad, como fue el Terror de Estado que la tortura ejercida clandestinamente si bien muchas veces ejercida con el amparo estatal. Hoy se denuncian con frecuencia torturas en comisarías y cárceles. No es lo mismo atropellos a los Derechos Humanos debidos a Dictaduras económicas que atropellos a los Derechos Humanos por ideología. Por todos estos motivos sabemos que tendremos que ocuparnos de otras estrategias que vehiculizan terror como lo son aquellas que derivan de la impunidad con la cual se practican robos de niños, mercados de personas a las que se prostituyen, explotación de niños y pedofilia. Hoy la Impunidad emparentada con la corrupción acarrea estragos, sigue muy fuertemente instalada y requiere urgentes estudios e intervenciones. Es probablemente uno de nuestros desafíos actuales. Cada uno de estos atropellos necesita ser pensado con metodologías propias tanto de parte de los psicoanalistas como de otros trabajadores sociales. Su repercusión en la mente y en los grupos debiera ocupar parte

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Prólogo de la 2º edición Marcelo N. Viñar

Al lector: Los autores fuimos –quizás somosactores y cronistas de una época y lugar: la América Latina de los 70’: convulsionada y en búsqueda de su emancipación, de su identidad y su destino. Camino inconcluso y empinado, cuesta arriba.

como objetivo de la operación Cóndor, concebida por el Comando Sur y ejecutado pro los tiranos locales. La mente de Nixon y Kissinger funcionó con el mismo criterio y proceder, que cuando cualquiera de nosotros combatimos las hormigas de nuestro jardín. Los jardineros del imperio fueron nuestros generales, cuya inteligencia militar solo los habilita a la obediencia debida, confundiendo a sus compatriotas con enemigos internos.

Con este itinerario de vida, seguir en comunicación con los jóvenes a través de la reimpresión de este libro, tiene la grata resonancia de la canción de Violeta Parra: “Volver a los 17! …” Con o sin arrepentimientos, amarguras y nostalgias, con anhelos averiados, pero resonando en los mismos valores de antaño y de ahora. Reanudar el vínculo de generaciones en un tiempo que Hobsbawn considera abjurando de la tradición y la memoria. Tal vez con el mensaje de optimismo histórico que Nazim Hikmet invocaba en su poema: “El más bello de los mares es aquel que aún no hemos visto, … la más bella criatura todavía no ha nacido”

En este mundo de inequidades crecientes donde la corrupción es la norma (estadística no axiológica) surgirán nuevas utopías. Nuestra mirada al pasado no quiere ser una memoria monumentalista y escatológica. Tiene la pretensión de narrar una experiencia vivida para que los robocops y exterminatores no sean los eficientes y siniestros triunfadores y la gente de carne y hueso, con alma, no lleven la utopía al martirio y el sacrificio. Un retorno imprescindible a un humanismo que pueda evitar la imbecilidad del bien, una credulidad en la bondad humana que en definitiva favorece a la lógica del enemigo.

Vale la pena reiterarlo: No hay futuro sin pasado. Quien no recuerda, repite, dice la muletilla freudiana. Reeditar o reimprimir este libro, para no reeditar la experiencia. No puede ser que los nobles estén siempre de lado de la derrota, del sacrificio y la muerte. Tenemos que exorcizar la imbecilidad del bien y lograr que los ideales humanistas no sean por siempre la carne de cañón del imperio.

Es necesario mirar la historia desde el fuego del presente, decía Nicole Loraux. La finalidad de la memoria no es fijar el pasado fotografiándolo. Podemos agregar con Imre Kertesz, que la sola visita al pasado puede constituir apenas un archivo descriptivo e inerte, cuando la tarea es más seria, descubrir un principio organizador y ordenador de lo actual. De no lograr esa meta la visita al pasado será inútil y estéril. Es con este anhelo que les entregamos nuestro trabajo.

A confesión de parte, relevo de prueba, dice el refrán popular. Treinta años después, la desclasificación de los documentos de los servicios secretos norteamericanos, declaran con impúdica nitidez, como la teoría conspirativa no era un delirio izquierdista, sino que muestran como fue orquestado desde el imperio, con cinismo frío y calculado, el desenlace de las gestas de emancipación. Heroísmo y sacrificio de una generación de jóvenes. Tortura, agonía y muerte nadificada

Montevideo, agosto, 2005.

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Une guerre de fondation en Europe? * Rada IVEKOVIC, prof. de philosophie Paris, Ex-Yougoslavie.

Note préliminaire Dans un ensemble de réflexions qui tentent d’éclairer la crise et les perspectives de sauvegarde, de transformation du droit d’asile en Europe, en les rattachant à l’analyse d’une condition de la violence généralisée, il convenait que des voix se fassent entendre en provenance de ce qui fut la Yougoslavie. Sinistre miroir des impuissances et des incompréhensions de notre continent désormais «réunifié», la situation yougoslave est la négation en acte de toutes les institutions de droit et des liens sociaux qui garantissent, à un pôle, la sécurité des individus et des groupes, et à l’autre pôle, l’asile et l’hospitalité, en maintenant l’impératif de la reconnaissance mutuelle. Le texte suivant nous a été communiqué par Rada Ivekovic, ancien professeur à l’Université de Zagreb, spécialiste des cultures indiennes. Elle tente de s’élever à une réflexion philosophique sur le tournant de l’histoire que révèle une telle guerre, qui ne peut être qualifiée ni de «civile» ni d’»extérieure». Analysant les «fondamentalismes» ethno-religieux surgis en Europe de l’Est sur les ruines du communisme, R. Ivekovic n’hésite pas à nommer «créatrice» (on pourrait dire aussi démiurgique) leur capacité de mobilisation des masses, qui est en même temps une auto-destruction. Cette contradiction lui paraît ancrée dans un certain modèle volontariste de la politique, que l’Occident a imposé au monde entier, et qui se retourne aujourd’hui contre lui. Elle nous appelle du même coup à

réfléchir sur la corrélation fatale qui s’établit entre la démonisation de l’Autre extra-européen (à l’Est, au Sud), et la multiplication des exclusions internes. Etienne Balibar, 1986

Aujourd’hui publier ce texte qui fait état de la guerre d’ex-Yougoslavie, quelques années après cette terrible guerre aux frontières de l’Europe en réfléchissant au Chili, à la planète dans l’étape de globalisation actuelle apparaît singulièrement intéressant pour enrichir la réflexion sur les transformations de la politique, de la violence et de la guerre. Marie-Claire Caloz-Tschopp, 2013

*   In, CALOZ-TSCHOPP, M. C., A. CLEVENOT Eds. 1994. Asile, Violence, Exclusion en Europe. Histoire, analyse, prospective. Genève, Co-éd. Cahiers de la Section des Sciences de l’Education, Université de Genève et Groupe de Genève, «Violence et droit d’asile En Europe», 500 pages, p. 5-11.

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Pourrait-on dire que l’échec de la raison occidentale repose dans la réussite de sa globalisation ? Le «fondamentalisme nationaliste», fondateur par la guerre dont je parlerai ici, n’est pas toujours du fondamentalisme textuel (on n’insiste pas toujours sur un Livre). Mais il semble toujours être narratif, mythifiant, et dans ce sens créateur. Il est souvent plus apparenté au populisme et, dans le cas de la Serbie, aux traditions russe et serbe du narodnjastvo–1. Il peut pourtant y avoir du «fondamentalisme» textuel. Celui-ci peut sans doute être complètement inoffensif. Il resterait pourtant à revoir, à cette lumière, tous les possibles fondamentalismes textuels théoriques, comme ceux qui sont apparus au tournant linguistique de la philosophie. Derrida, pour prendre un exemple, est-il un échec ou une prémonition ? La question est sans doute fausse, posée de manière aussi tranchée (et Derrida ne se prête pas particulièrement aux dichotomies). Mais en voulant échapper à une ontologie fondamentale, n’est-on pas parfois tombé dans un fondamentalisme textuel potentiel qui montre l’impasse, la limite de la raison moderne et post-moderne, et n’arrive pas à se donner un cadre conceptuel dans lequel seulement comprendre ce qui se passe aujourd’hui ? Le fondamentalisme n’est pas nécessairement une qualification religieuse. Il y a du fondamentalisme politique, historique, national. Dans les nationalismes post-communistes, les

1    Voir à ce propos Nebojsa Popov, Srpski populizam ad marginalne do dominentene , pajavec (Le populisme serbe. D’un phénomène marginal à un phénomène dominant), suppl. spec de « Vreme » no. 135, 24.5.1993, Belgrade, ainsi que Latinka Pevori, Drustvena sustina rata (L’essence sociale de la guerre), dans «Republica » no. 73-74, I-31.8 1993, Belgrade, p. 3-4.

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fanatiques se donnent une nouvelle fondation historique qui reconstitue de manière «magique» le passé. Fondamentalisme ne veut pas dire automatiquement «tradition». La critique du fondamentalisme ne peut pas se passer d’une analyse et d’une critique de la modernité, en l’occurrence de la modernité occidentale (car il n’y en a pas d’autre) comme celle-ci a été globalisée et comme elle fonctionne dans les pays tiers. Dans ce type de «fondamentalisme fondateur» ou refondateur, on fait appel à la tradition populaire, tout en lui donnant une fonction de modernisation, et en réclamant une accélération formidable du progrès qui serait facilitée par le retour à l’»essence» et la «vraie nature» de la nation (ou du groupe défini autrement). Il s’agit d’un essentialisme. Ainsi le srpstvo (la «serbité») ou le hrvatstvo (la «croatitude»), comme ailleurs la hindutvâ (l’»hindouité»), proposent bien un «programme» pour l’avenir (et représentent par-là le dernier avatar de l’historicisme, en même temps que l’avorton de l’Aufklaerung. Mais ce programme consiste en une histoire refondatrice. La refondation historique procède par mythes, discours, narration, passe en premier lieu par les médias (et surtout la télévision dont l’impact immense reste encore incalculé), et cela suffit pour mobiliser et homogénéiser les masses en quelques semaines. Ce qui importe dans les mythes de refondation (et il faudrait ici revoir tout ce que nous avons, ces dernières années, pensé de la narration, des récits etc...), c’est de donner à son groupe une origine primordiale et indépendante de tout autre groupe, en quelque manière une origine autiste. Ce rêve de pureté et d’indépendance absolues est, on le comprendra, un rêve suicidaire. Il est luimême ambigu envers le modernisme dont il se réclame et qu’il critique en même temps. Car, le modernisme est ce qui nous vient des autres (de l’Occident), alors que nous avons suffisamment d’amour-propre pour ne pas avoir besoin d’apports historiques des autres, fussent-ils admirés de nous; mais en même temps, le modernisme est la voie du progrès auquel on veut toujours croire et dont nous


avons été frustrés (par l’autre, justement). L’on revendiquera donc une forme spécifique de modernisation qui soit la nôtre, originale aussi bien qu’originelle. Le modernisme en question, en fait, est un faux programme : le groupe en question a les yeux braqués sur le passé et non sur l’avenir, et marche à reculons. J’arrive maintenant à mon propos. Il est impossible de réfléchir à ces problèmes sans, tôt ou tard, mettre en cause notre propre identité, ainsi que celle de l’Europe. L’Europe se constitue en ce moment-même par ses frontières vers l’Orient. L’Europe semblerait en cette fin de siècle en même temps en construction (Maastricht n’étant que l’une des tentatives les moins convaincantes) et dans l’impossibilité de se constituer. Le mode le plus important selon lequel l’Europe se profile en sa propre contradiction (car l’Europe est une contradiction incarnée), c’est en ce moment celui des nationalismes, des conflits, de la guerre et des décisions à prendre par rapport à ceux-ci. Le paradoxe européen (et occidental) réside dans le fait que l’Europe donne ellemême le cadre de ces débats dans lesquels elle voudrait faire intervenir les autres, surprise de les voir continuer à y garder le silence. L’Europe (l’Occident) dans la globalisation de son modèle par le pire, veut représenter à la fois soi-même et l’autre, en même temps le pôle universel et le pôle particulier. Elle apparaît ainsi par deux fois là où toutes les autres différences se manifestent une seule fois en tant que particularités. La guerre yougoslave est aussi une guerre européenne, tandis que l’Europe cherche à l’expulser et à la maintenir sur son bord extérieur. L»Europe veut prétendre à la fois à l’unité et à la multiplicité. Mais l’Europe reste difficile sinon impossible à définir, car elle voudrait se définir d’elle-même et à partir d’elle-même, et parce qu’elle a globalisé son type de rationalité et refusé aux autres types de rationalité le même statut. Le fait que l’Europe soit (pour elle-même) un

problème relationnel nous fait perdre de vue que cette relationnalité n’implique point de symétrie avec les autres, au contraire. Dans la modernité occidentale (car celleci n’est qu’occidentale), le sujet se constitue d’emblée comme scission et séparation. Les différents historicismes (dont le nationalisme est une forme contradictoire) tentent de reconstituer la totalité du monde et pratiquent en même temps l’appropriation du monde par le sujet dominant. Le volontarisme des projets à dynamique historisante a échoué. Les nouveaux nationalismes, restent, eux, sans véritable projet–2 ou sans idéologie–3 quoiqu’ils aient une prétention pseudo-historisante : ils sont tournés vers le passé et non vers l’avenir. Il est peu probable que l’on puisse attendre d’eux plus que ce que promettaient les défunts volontarismes révolutionnaires, puisque tout projet a été désormais condamné avec la défaite des utopies. La scission du monde ne sera toujours pas comblée. Le sujet individuel, mais également historique, résiste à la rationalisation extrême mais est en même temps en partie plié (assujetti). La modernisation véhicule une «occidentalisation» qui, elle, fait se replier sur elle-même la culture locale en un geste autistique et en des revendications fondamentalistes revanchardes. L’Occident/ le Nord a réussi à globaliser son modèle par le biais du discours de la modernité. En ce moment particulier de l’histoire, la profondeur historique a été perdue. Le fait que les mêmes phénomènes dans pratiquement les mêmes termes se vérifient aujourd’hui, par exemple, en Inde et en Occident (et peut-être ailleurs) pourrait vouloir dire simplement que la dimension historique a été perdue. Mais une lecture plus exigeante révèle que, le modèle occidental ayant été globalisé, c’est audedans de celui-ci que la dimension historique 2    Touraine A, 1992. Critique de la modernité, Paris, Fayard. 3   Balibar E., Wallerstein I, 1990. Race, National, Classe. Les identités ambiguës, Paris, éd. de la Découverte.

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est aplatie en cette fin de siècle, en ce que la modernisation donne les mêmes résultats de fragmentation, toutes proportions gardées. Nous ne pouvons plus être fiers de ce que le modèle européen, occidental, a gagné. Il y a fort à parier qu’il rétablira un nouveau clivage binaire, et que le terme considéré négatif portera le nom d’Islam (d’Orient). Je pense que le nationalisme et la guerre sont des cas-limites de constitution du sujet occidental, ainsi que le stade suprême de la crise , et que cette limite impliquée est plus ou moins atteinte. Le sujet se constitue (au niveau des groupes) comme une identité d’appartenance et d’opposition en construction. L’identité n’est jamais accomplie mais représente un processus mis en marche par l’ homogénéisation des masses, et elle est toujours menacée. Cette homogénéisation se fait par induction de la peur de l’autre groupe dans le groupe propre, par un excès d’autogratification et d’auto-louanges qui sont en proportion avec les humiliations subies par ce groupe. L’Autre, de simple stéréotype culturel, est transformé en archétype du mal–4. La critique des nationalismes contemporains implique une critique de la modernité occidentale, quand il s’agit du postcommunisme comme quand il s’agit du post-colonialisme. Et si les deux situations sont très différentes historiquement, elles se rejoignent rapidement dans la paupérisation et l’effondrement général, et de ce que fut l’Europe de l’Est, et de ce que fut (pour une grande partie) le Tiers-monde. Les pays de l’ancien bloc socialiste ne sont pas en train de rejoindre l’Occident/le Nord, ils sont en train de rapidement s’homologuer au Tiers-monde. La refondation historique est, donc, non pas un retour au Moyen âge ou à la seconde guerre mondiale comme on a pu le penser. C’est un retour à l’origine, à la préhistoire, 4   Voir à ce sujet tout particulièrement Sudhir Kakar, 1993. «La rage narcissique du groupe en danger ou La perversion des Lumières», in Les Temps modernes, no. 564, juillet, p. 103 et suiv.

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à une reformulation des termes mêmes de l’histoire, par une action magique. Ce qui nous étonne tous, c’est la puissance de cette «magie», c’est-à- dire sa capacité maintenant incontestable de nier des décennies (et plus encore) de vie commune et mixte, de culture métissée. Tout se passe comme si ce pouvoir fonctionnait à rebours et agissait réellement sur l’histoire. Il y a des choses faciles à comprendre : ainsi, chaque nouveau régime fait commencer l’histoire par lui-même : l’histoire dans les livres scolaires, l’histoire officielle, sera rapidement remaniée, réécrite. Mais comment comprendre la perte collective d’une mémoire commune? Comment la comprendre, sinon par le fait que les souffrances subies par un groupe ne sont gardées en général que dans la mémoire de ce groupe-là ? La souffrance des autres peut passer par des livres d’histoire si elle est «inscrite», mais elle semble être d’une qualité bien inférieure à la mémoire collective des souffrances du groupe propre. Mémoire qui donne et maintient l’identité de ce groupe en le différenciant des autres. Il ne faut pas se leurrer et croire que l’Europe, l’Occident (ou le Nord) sont à l’abri de la refondation historique qu’ils acceptent tacitement en en tolérant le principe dans la complicité au partage de la BosnieHerzégovine et à la guerre dans les Balkans. Le «fondamentalisme fondateur», la refondation historique appuyée par de nouveaux mythes, s’étaye parfois sur une preuve «irréfutable». C’est la «preuve» que j’appellerai «transcendentale», car elle vient de l’extérieur du système, extérieur que ce système, d’ailleurs, ne reconnaît pas d’autre part. Il fait exception pour l’extérieur transcendant ou divin, qui est la preuve venue de l’intellectuel ou du personnage étranger, ou même d’un pays étranger, qui a (peu importent ses raisons) embrassé «notre» cause. Dans le cas de la Serbie, par exemple, cette preuve transcendantale avait été apportée par l’écrivain russe Limonov, ainsi que par le soutien politique grec et russe. Dans le cas


de la Croatie, la preuve transcendantale a été donnée (pour être retirée ultérieurement) par l’Allemagne, et ensuite par le philosophe français Alain Finkielkraut et l’écrivain Annie Le Brun et d’autres. Cette «preuve» par le positif a un parallèle négatif dans la démonisation de l’autre groupe, démonisation induite et ensuite prise comme preuve par une sorte de pétition de principe fatale. C’est ainsi - par la peur induite, le mythe de refondation historique, la «preuve transcendantale», la narration, - que le groupe est intégré, homogénéisé dans une identité collective que des politiciens populistes lui inculquent. Le chef politique (le Père de la Nation) a un rôle de premier ordre dans cette histoire. Il masculinise complètement le fonctionnement de la société et de l’Etat. Il confirme que son peuple a une mission (puisqu’il est lui-même l’envoyé de dieu et le sauveur), qui est celle de sauver l’humanité en lui dévoilant la vérité sur «notre» peuple. Le peuple en proie à cette psychopathologie de masse prétend universaliser ses valeurs, les transmettre au monde, que celui-ci le veuille ou non. (D’ailleurs, le refus de la part du monde extérieur d’accepter le modèle autistique est toujours interprété de manière paranoïaque : nous sommes haïs, menacés, poursuivis, trahis, alors que nous sommes innocents, puisque les vilains sont les autres.) La peur des processus émancipatoires est d’autant plus grande que ceux-ci avaient fait peu de progrès. Le national-populisme peut faire plus de dégâts dans les pays sans tradition démocratique, dit Nebojsa Popov (à propos du populisme): «Là où le processus avait pris de l’élan, et avait créé des normes, des institutions et des procédures grâce auxquelles l’énergie irrationnelle destructrice est contrôlée, la violence est une occurrence historique dramatique mais occasionnelle. Là où un tel processus n’avait encore été qu’esquissé, la violence prend des proportions incomparablement plus dramatiques» (Popov, 1993, 5)

Il y a dans le nationalisme post-communiste, et en particulier dans les nationalismes refondateurs yougoslaves, une effrayante capacité «créatrice», en même temps qu’elle est destructrice. Comme la schizophrénie, elle crée des réalités parallèles. Cela ne veut pas dire que les nationalismes soient à l’origine du grand bouleversement mondial dont nous sommes les témoins. Plutôt, ils sont l’expression de ce bouleversement, la forme qu’il prend, et qui est l’une des formes de la globalisation du modèle occidental dont je parlais. Quant aux causes de ces événements, elles sont multiples, nombreuses, et le passage rapide à un libéralisme de marché et à un type d’économie globalisée n’en est pas le dernier. Le grand bouleversement qui ne fait que commencer, et qui touchera l’Occident de plein fouet prochainement, pourrait être d’autant plus terrible que l’Europe refuse de voir dans cet événement son propre visage. Alors que des guerres ont lieu sur un sol qu’elle n’hésite pas à revendiquer depuis que le mur de Berlin est tombé, l’Europe lésine pourtant à le reconnaître comme sien justement à cause de ces conflits qu’elle devrait alors assumer. Brièvement, l’Est était tombé dans les bras de l’Occident au moment de la disparition du mur, et puis l’Europe s’est reprise. S’il n’y avait pas la pauvreté et les guerres, l’Europe n’hésiterait pas à se répandre jusqu’à Vladivostok. Elle n’arrive pas à se prononcer sur la guerre en son sein, parce que celle-ci la concerne de trop près. Si elle pouvait se prononcer, paradoxalement, la guerre n’aurait pas eu lieu, parce que l’Europe aurait été unie. La guerre est l’expression du fait que l’Europe n’est pas une, qu’elle n’est pas une identité déjà définie, qu’elle n’est pas sujet, qu’elle n’a donc pas de volonté. Il est inutile de le lui reprocher, car l’Europe se construit et se fait seulement par cette guerre. Si elle ne préexistait pas, elle sera là après la catastrophe, après les génocides, comme leur résultat. C’est une autre question de savoir si cela aurait pu être évité. Je pense que cela aurait 395


pu l’être, mais que cela ne l’a pas été parce que l’Europe n’a pas reconnu son propre geste en cette guerre, et qu’en même temps (pour se refaire une identité, la précédente ayant été perdue avec l’effondrement du socialisme) elle se donnait un nouvel ennemi pour constituer sa propre identité. Ce nouvel ennemi sera de toute évidence, sauf erreur, l’islam (l’Orient, le Tiers-monde, etc). L’Europe continuera de fonctionner en dichotomies. Les nationalismes, non plus, ne sont pas la cause, mais l’expression de ces mécanismes. Mais tant qu’elle fonctionnera en dichotomies justement, il est difficile d’imaginer qu’elle puisse sortir de la logique de la guerre. Oui, la guerre est un engrenage des nationalismes et des populismes autoritaires survenus dans des pays sans beaucoup de tradition démocratique. En même temps, c’est la globalisation instantanée du modèle libéral occidental (et non la longue conservation précédente sous le socialisme) qui a tout déclenché et a ouvert la boîte de Pandore. Quand le système d’équilibre a sauté, il a sauté des deux côtés (Occident et Est), et pas seulement de l’un d’eux. C'est à l›intérieur de l’Europe que la fragmentation se fait, y compris à l’intérieur de son idée de citoyenneté. Pour empêcher la guerre (il est plus difficile, sinon impossible, de l’arrêter, qu’il n’aurait été de la prévenir), il faudrait sortir du mécanisme dichotomique.

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A consulter, du même auteur : La Croatie depuis l’effondrement de la Yougoslavie, l’Harmattan, Paris Voir Internet pour l’ensemble de ses travaux.


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Conflits métastases Jean-Pierre GONTARD, expert en Action humanitaire, Genève

Conférence donnée le 24 avril 2010 lors du colloque international de théorie politique: La pensée et l'action dans le pouvoir. colère: dynamiques, soumissions-insoumissions et création politique à l'Unil (université de Lausanne).

Lien: http:www.exil-ciph.com/pages/ressources/genre/video/film_02.html

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ACTUALIDAD ACTUALITE

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Chile

Declaración publica relativa al proceso penal de Recaredo Gálvez, estudiante de la Universidad de Concepcion (Chile) 30 de noviembre 2012

Los asistentes al Coloquio Internacional Memoria Histórica, Democracia y Derechos Humanos, convocado por el Grupo interdisciplinario en Derechos humanos y Democracia (GHDHD) de la Universidad de Concepcion (Chile) y el Colegio International de Filosofia (CIPh) de Paris (Francia) celebrado en la Universidad de Concepción los 28, 29 y 30 de noviembre de 2012 declaran lo siguiente. En el Panel 2 del coloquio, Democratizar la democracia y ciudadanizar la ciudadanía, fue expositor Recaredo Gálvez, presidente de la Federación de Estudiantes de la Universidad de Concepción. El titulo de su ponencia fue: Desafíos de una ciudadanía que despierta: politizar lo social. En este contexto el público del coloquio tomó conocimiento del proceso penal que le afecta y que inició el 29 de noviembre de 2012, con una duracion anunciada de cinco dias. Tomando conocimiento del contexto de la acusacion, los participantes han expresado su preocupacion en cuanto al respeto de la democracia, de la dignidad, de la justicia, de la libertad, de la libertad academica, valores estrechamente ligados a los temas del coloquio.

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DEMOCRACIA Cuando se habla de democracia, se consideran la justicia, la libertad y la dignidad humana. El estado de derecho se debe prevalecer en defensa de esos derechos fundamentales que ademas son protegidos por el derecho internacional. Chile ha firmado los tratados internacionales relacionados a esos derechos. DIGNIDAD Cualquier individuo tiene derecho a un tratamiento digno de parte de los agentes del Estado. El tratamiento sufrido por el estudiante Recaredo Galvez, por parte de la policia (heridas constatadas por parte de un neurologo del hospital) es un ataque, no solo a su salud sinon tambien a su dignidad. JUSTICIA Recaredo Galvez frente al tribunal penal, tiene que gozar de todas las garanties de un proceso judicial democratico, respetando la absoluta presuncion de inocencia. El cargo de la prueba le corresponde a la fiscalía que plantea el acto de acusacion sobre hechos que rechaza el acusado por falta total de consistencia.


En cualquier proceso penal, la pruebas deben ser sólidas, contundentes, pertinentes. No se tiene que buscar supuestos hechos ajenos a las circunstancias para cargar al acusado que no son relevantes en cuanto a las acusaciones.

consciencia y respeto del derecho nacional e internacional en el marco de las movilizaciones estudiantiles del 2011. Resumen del acto de

LIBERTAD DE EXPRESION,

accusacion

AUTONOMIA UNIVERSITARIA

Recaredo Gálvez a participado, como Secretario general de la Federacion de Estudiantes de la Universidad de Concepcion a una manifestation de estudiantes el 21 de julio 2011. El fue acusado de haber arrojado un artefacto incendiario a carabineros. El esta negando todos los cargos que se le imputan subrayando, entre otros argumentos, que ningun rasgo (capucha, rasgo quimico, etc.) se pudieron encontrar y que no estaba en el lugar de los hechos.

La libertad de expresión es un derecho humano fundamental. El no respeto de la libertad de expresion del movimiento estudiantil, en particular a travès de la negacion de este derecho al presidente de la Federacion de estudiantes, legítimamente organizada y participante del debate político actual en el país, pone en peligro la libertad de expresion. Ademas cuando la fuerza policial pone en peligro la libertad de expresion de actores universitarios, es la autonomía universitaria que esta en peligro. Tales actuaciones peligrosas para la justicia, la libertad, la dignidad aparecen como una política de Estado de criminalización de los movimientos sociales en Chile. Deseamos que la calidad de la democracia en Chile se vea potenciada y esto se logrará, entre otros factores, por el total respeto de la libertad de expresion, la dignidad de cualquier individuo, la justicia. Cualquier juicio tiene que ser justo e imparcial y tiene que respetar el derecho internacional. En caso de no respeto, tales procesos judiciales son viciados y pierden toda legitimidad. Los participantes chilenos y de la comunidad academica internacional del coloquio continuaran atentos al desarrollo del proceso judicial con esperenza del absoluto respeto de la justicia, de la libertad, de la dignidad. Siguiendo estos valores que fundan una democracia efectiva, aportan su apoyo y solidaridad con el estudiante represaliado, por su compromiso social que tomo con plena

Proceso penal y decision oficial. Una delegacion internacional del coloquio de Concepcion compuesta por Gisèle Toledo, Emile Ouedraogo, Christophe Tafelmacher y Marie-Claire CalozTschopp de Ginebra (Suiza) a asistido al proceso. El 7 de diciembre 2012, hemos sido informados que el estudiante Recaredo Galvez a sido absuelto de toda acusacion por unanimidad de la Corte de Justicia. La primera etapa a sido un éxito en cuanto a la prueba de la inocencia de Recaredo Galvez. Sin embargo existe una posibilidad de recurso en contra esta decision. Seguimos este asunto de cerca e informando ampliamente, aportando nuestra solidaridad international al responsable del movimiento estudiantil de la Universidad de Concepcion, Recaredo Gálvez. Anexo: programa del coloquio internacional, U. de Concepcion, noviembre 2012. Traduccion del francès: Fanny Jedlicky, Paris.

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Chili

Déclaration publique relative au procès penal intenté à Recaredo Gálvez, étudiant de l’Université de Concepcion (Chile) 30 novembre 2012 Les participant-e-s du colloque international «Mémoire Historique, démocratie et droits de l’homme», organisé par le Groupe interdisciplinaire en Droits de l’Homme et Démocratie (GHDHD) de l’université de Concepcion (Chili) et du Collège International de Philosophie (CIPh) de Paris (France), qui s’est tenu à l’université de Concepción les 28, 29 et 30 novembre 2012 font la déclaration publique suivante : Recaredo Gálvez, président de la Fédération d’Etudiants de l’Université de Concepción, a été l’un des intervenants du second Atelier du colloque, intitulé «démocratiser la démocratie et rendre effective les nouvelles formes de citoyenneté». Voici le titre de son intervention : «les défis du réveil de la citoyenneté : politiser le social». C’est dans ce contexte que le public du colloque a pris connaissance du procès pénal intenté contre lui, qui a commencé le 29 novembre 2012, dont la durée annoncée au début du procès a été de cinq jours. En prenant connaissance du contexte de l’accusation, les participant-e-s du colloque ont exprimé leur vive préoccupation quant au respect de la démocratie, de la dignitié, de la justice, de la liberté, de l’autonomie académique universitaire, valeurs étroitement liées aux thèmes abordés dans le colloque.

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DEMOCRATIE Quand on évoque la démocratie, on se réfère également à la justice, à la liberté et à la dignité humaine. L’Etat de droit doit prévaloir dans la défense de ces droits fondamentaux, qui sont par ailleurs protégés par le droit international. Le Chili a signé les traités internationaux relatifs à ces droits. DIGNITE N’importe quel individu a droit à un traitement digne de la part des agents de l’Etat. Le traitement policier subi par Recardo Galvez (blessures constatées par un neurologue à l’hopital) est une attaque non seulement à sa santé mais aussi à sa dignité. JUSTICE Face au tribunal pénal, Recaredo Galvez doit pouvoir jouir de toutes les garanties d’un procès judiciaire démocratique, respectant strictement sa présomption d’innocence. La charge de la preuve relève du procureur, qui a émis un acte d’accusation sur des faits, rejettés par l’accusé en raison de leur manque total de consistance.


Dans n’importe quel procès pénal, les preuves doivent être solides, indiscutables, pertinentes. Il est discutable d’aller chercher des faits supposés, éloignés des circonstances, et qui ne sont pas pertinents dans le cadre de l’accusation formulée.

leur appui et leur entière solidarité à l’étudiant reprimé, en raison de son engagement social pris de façon pleinement consciente, tout en ayant respecté le droit national et international durant les mobilisations étudiantes de 2011.

LIBERTE, AUTONOMIE UNIVERSITAIRE

Résumé de l’acte d’accusation

La liberté d’expression est un Droit de l’homme fondamental. Le non respect du droit à l’expression du mouvement étudiant, notamment à travers le refus de ce droit au président de la Fédération d’étudiants, organisme légitime et acteur du débat politique actuel dans le pays, met en danger la liberté d’expression. De plus, quand les forces policières mettent en danger la liberté d’expression d’acteurs universitaires, c’est l’autonomie universitaire qui est en danger.

Recaredo Gálvez a participé en tant que secrétaire général de la Fédération d’Etudiants de l’Université de Concecpion, à une manifestation étudiante le 21 juillet 2011. Il a été accusé d’avoir lancé un objet incendiaire sur des policiers. Recaredo Gálvez rejette toutes les charges qu’on lui impute, soulignant, parmi d’autres arguments, qu’aucune trace (une capuche, des traces chimiques, etc) n’ont pu être trouvés et qu’il ne se trouvait pas sur le lieu précis des faits pour lesquels il a été accusé.

De telles actions, dangereuses pour la justice, la liberté et la dignité, sont les conséquences d’une politique d’Etat visant à la criminalisation des mouvements sociaux chiliens. Nous souhaitons que la qualité de la démocratie au Chili augmente, et pour atteindre cet objectif, entre autre facteurs, un respect total de la liberté d’expression, de la dignité de chaque inidvidu, de la justice sont nécessaires. N’importe quel procès doit être juste et impartial et doit respecter le droit international. Dans le cas où ces points ne sont pas respectés, les procès judiciaires sont viciés et perdent toute légitimité. Les participants chiliens et de la communauté académique internationale du colloque se montreront très attentifs au développement du procès judiciaire intenté à Recardo Galvez, attendant de son déroulement un respect absolu de la justice, de la liberté et de la dignité.

Procès pénal et décision. Une délégation internationale du colloque de Concepcion composée par Gisèle Toledo, Emile Ouedraogo, Chritophe Tafelmacher et Marie-Claire Caloz-Tschopp a assisté au procès. Le 7 décembre 2012, nous avons été informés que l’étudiant Recaredo Galvez a été innocenté de toute accusation à l’unanimité par la Cour de Justice. La première étape a donc été une réussite quant à l’établissement de l’innocence de l’incriminé. Il existe cependant une possibilité d’appel à l’encontre de la décision. Nous suivons l’affaire de près et informerons d’une suite éventuelle en apportant toute notre solidarité internationale au responsable étudiant de l’Université de Concepcion, Ricaredo Gálvez. Traduction du texte espagnol par Fanny Jedlicki, Paris.

C’est en suivant ces valeurs, au fondement d’une démocratie effective, qu’ils apportent

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Chili

Red de Mujeres por la Memoria, a 40 años del golpe Somos memoria y sangre de mujeres combatientes

El día 12 de septiembre, desde las 9:30 de la mañana se realizará un “Conversatorio de Mujeres en la memoria, a 40 años del golpe” en el Auditorio de Derecho de la Universidad de Concepción. En la oportunidad presentaremos experiencias de mujeres militantes que vivieron la tortura, la prisión, el exilio, la detención y desaparición de familiares en el período de la Dictadura de Pinochet.

propias consignas contra el patriarcado, el capitalismo y la dictadura.

La red de mujeres por la memoria está conformada por más de 60 mujeres que van desde los 10 a los 75 años. Es una red transgeneracional de mujeres, feministas, lesbianas, estudiantes, artistas y trabajadoras, que creen que es posible luchar, resistir y combatir cualquier régimen autoritario y Los temas versan desde los silencios invisibles patriarcal. como la maternidad oculta en la cárcel, el aborto, las retornadas y la violencia sexual Por eso, este jueves nos daremos un espacio como método de tortura. También se para debatir y reflexiones sobre los principales conocerán experiencias de resistencia a través aprendizajes que hemos tenido las mujeres que del arte, las diversas organizaciones de mujeres vivieron directa o indirectamente la dictadura que resistieron en el período y testimonios desde la resistencia y la lucha armada. sobre terrorismo de estado además de la Red de Mujeres por la Memoria, a 40 años del visibilización de espacios de memoria. golpe. Cabe destacar dentro de las experiencias a muchas mujeres que fueron asesinadas por el Teléfono de contacto: 89022369 terrorismo de estado. Algunas de estas han sido recordadas en un fotomontaje que visitó los lugares de memoria de María Vásquez en Curanilahue, Marcia Miranda en Lota y María Galindo en Coronel. Además, el día miércoles, las mujeres convocamos a marchar juntas en la gran manifestación que se realizará desde la plaza Perú a las 18 hrs. No sólo caminaremos, sino que también tendremos una performance, iremos vestidas de negro y gritaremos nuestras

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CONVERSATORIO MUJERES EN LA MEMORIA A 40 AÑOS DEL GOLPE 12 DE SEPTIEMBRE 2013 UNIVERSIDAD DE CONCEPCION AUDITORIO FACULTAD DE DERECHO PROGRAMA Hora

Actividad

Responsable

9.00 hrs:

Inscripción y recepción

Mildra Cáceres Salazar

9.30 hrs:

MARCO INTRODUCTORIO: LA SITUACIÓN DE LAS MUJERES EN DICTADURA.

Lily Rivas Labbé

PANEL 1 : LOS SILENCIOS INVISIBLES DE LAS MUJERES MODERA: Esperanza Díaz Cabrera Hora

Actividad

Responsable

9.45 hrs.

Vientres en resistencia

Edelmira Carrillo Paz

10.00 hrs:

"Desde la clandestinidad siempre: el aborto como un problema social no hablado y el derecho sobre nuestras cuerpas".

Viviana Ramírez Martínez

10.15 hrs

Memoria de la Violencia Sexual en mujeres combatientes.

María Fernanda Barrera Mansilla

10.30 hrs

Lectura Poética, Libro Profundamente Humanas

Lidia Mansilla Valenzuela

10.45 hrs

CONVERSATORIO

11.15 hrs.

PAUSA CAFÉ

PANEL 2 : MUJERES Y TERRORISMO DE ESTADO: ESPACIOS Y SITIOS DE MEMORIA MODERA PANEL: Nicole Saéz Cárcamo. MAPA EN EXPOSICIÓN EN HALL DEL AUDITORIUM

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Hora 11.30 hrs 11.40 hrs 11.50 hrs 12.00 hrs 12.10 hrs 12.20 hrs

Actividad

Invitadas/Responsable

Agrupación Familiares Detenidos/as Desaparecidos/as Presa Política Presa Política Exiliada Cristina Chacaltana Pizarro Presa Política ( testimonio escrito) A la ruta de la Memoria de las Mujeres

12.30 hrs

Ester Araneda María Eugenia Aguayo Oviedo Ethel Cea Norma Hidalgo Gónzalez Cristina Valenzuela Pérez Paulina de Pablo Pérez

Espacios y Sitios de Memoria: documental Estrella en Hualpén CONVERSATORIO

12.45 hrs

Video

13.30 ALMUERZO

PANEL 3: VOCES Y ACCIONES TRANSGRESORAS MODERA : LISETTE DIAZ SOTO Hora

Actividad

Invitadas/Responsables

15.00 hrs

Video en honor a Irene Romero

15.10 hrs

Agrupación Javiera Carrera

Dolores Sáez

15.25 hrs

Codem

Mariluz Toro

15.35 hrs

Movimiento de Mujeres Independientes

María Cristina Yáñez

15.45 hrs

Agech

Olimpia Riveros R.

15.55 hrs

Salud

Graciela Cruz

16.05 hrs

Emergencia feminista

Gina Inostroza

16. 15 hrs

Emergencia feminista lésbicas

Zicri Orellana R.

16.30 hrs

Canciones

Bernardita Ceballos G.

16.45 hrs

CONVERSATORIO

17.15 hrs : PAUSA CAFÉ

PANEL 4: RESISTENCIA CULTURAL MODERA : Francis Toledo Fuentes Hora

Actividad

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Invitadas/responsables

17.30 hrs

Video

17.40 hrs

Testimonio 1 - Pedro de Valdivia

17.50 hrs

Testimonio 2 - ADA

Patricia Chavarría Z.

18.00 hrs

Relato

Margarita Albarrán T.

18.10 hrs

Lectura Poética

Poesía de Presas Políticas

18. 20 hrs

Puesta en escena

Mujeres de Hualpén

18.35 hrs

CONVERSATORIO

CLAUSURA

DEL CONVERSATORIO

Hora

Actividad

19.05 hrs

video

19.15 hrs 19.20 hrs 19.40 hrs

Palabras de la Universidad Palabras de Cierre Canciones

20.00

FIN DEL CONVERSATORIO

Invitadas/responsables Grupo de alumnas de Ciencias Políticas UDEC Jeanne Simmon Ester Hernández Cid Ema Millar Gutiérrez

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grèce – Pétition de soutien

Non au retour de la dictature en Grèce Etienne Balibar, Philosophe, Paris, juin 2013

Au moment où le FMI reconnaît à demimots que les privatisations et restructurations imposées par la Troïka en échange des prêts supposés réduire la dette souveraine grecque conduisaient en fait le pays à la ruine, la même Troïka – dont font également partie la Commission Européenne et la BCE – est venue à Athènes renouveler ses exigences. Elle l’a fait en des termes tels que le gouvernement grec a décidé de précipiter l’asservissement de la Grèce à la dictature néo-libérale de l’intérieur et de l’extérieur. La fermeture brutale de la Télévision publique grecque (ERT), par des méthodes qui relèvent du coup de force, constitue à la fois une atteinte gravissime à la liberté d’expression et d’information, contraire aux traités fondateurs de l’Union Européenne, et un nouvel exemple de la façon dont celle-

ci est en train d’évoluer vers l’autoritarisme au mépris de l’intérêt de ses peuples. Nous, citoyens européens, ne pouvons et ne devons pas l’accepter. Nous appelons tous nos concitoyens à clamer leur indignation et à soutenir la grève générale des travailleurs et des journalistes grecs. Nous exigeons de nos représentants à Strasbourg et à Bruxelles qu’ils imposent immédiatement la réouverture de l’ERT et la reprise de ses émissions. Le moment est venu de mettre un coup d’arrêt à la destruction de la nation grecque, ainsi qu’à la dénaturation de l’Europe par ses propres gouvernements soumis au diktat de l’oligarchie financière.

Voir le site: http://www.wesign.it/petition/preview/fr/185

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turquie

Relents de gaz, d’acide et de haine… Ali Terzioglu, traducteur

C’est un jour de grande tristesse, le lendemain du décès de ma mère, que je croisai la face sombre de l’intégrisme religieux sous les traits du menuisier de notre quartier. Le matin où, le regard enlaidi par une jubilation mesquine, il refusa à mon père la fabrication du cercueil–1 sous prétexte que notre famille n’était assez pieuse, et qu’il ne pouvait se compromettre ainsi auprès de Dieu, en répondant favorablement à notre demande. De mœurs bizarres, inconnues de ma famille, cet homme venait de s’installer comme artisan dans l’atelier construit sur la parcelle que mon grand-père venait de lui vendre. Sa femme, belle et jeune, nous disait-on, ne sortait que rarement de chez elle, et lorsque cela se produisait, était vêtue d’un long manteau marron foncé, aux manches longues, les mains gantées, la tête et le visage soigneusement cachés par un voile de même couleur. Leur petite fille, engoncée dans les mêmes vêtements miniaturisés, l’accompagnait sous la chaleur accablante de l’été d’Izmir. En Turquie, on parlait déjà de certaines «confréries» musulmanes prônant un Islam strict, radical, exclusif. Peu importe celle dont se revendiquait notre menuisier, ni les sentiments qui le poussaient à avoir des relations de méfiance avec autrui. C’était il y a plus de trente-cinq ans. Cet homme étrange

doit être déjà mort. Attentif aux soubresauts de la Turquie, il m’arrivait souvent de parler de politique avec mon père, et surtout de l’approche qu’avait de la «laïcité» la majorité de la population turque de l’époque. Etre laïc rimait, comme actuellement partout où règne l’Islam radical, sinon avec athéisme, du moins avec hérésie. Imposée d’en haut dès les débuts de la République, souvent par des méthodes expéditives ou violentes, la laïcité demeurait pour beaucoup de gens une idée occidentale dangereuse pour la foi musulmane, voire incompatible avec elle. Qu’est-ce qui a vraiment changé depuis ? «On ne peut pas être, et laïc et musulman…» disait très récemment le grand mufti turc, en charge des affaires religieuses, et très proche du gouvernement actuel. Cela donne une idée assez claire de ce que les partisans de l’Islam politique pensent de la gouvernance d’un pays. Et pour savoir ce que les Islamistes turcs pensent actuellement de «tous les autres», il suffit de pianoter «Türkiye’de tarikatlar»–2, sur Youtube, pour accéder à des vidéos impressionnantes sur les activités de ces viviers de bigoterie rétrogrades. Outre les sempiternelles discussions sur l’infinitésimale chance ou pas des «non-Musulmans» d’accéder au paradis, la réflexion «spirituelle» tourne obsessionnellement autour de l’entrejambe, des interdits (haram) et de ce qui est

1   Après l’enterrement, ce cercueil est légué à la mosquée du quartier où vivait le défunt, pour l’enterrement d’autres personnes indigentes.

2   «Les confréries en Turquie».

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permis (halal). Qu’y a-t-il donc aujourd’hui de très étonnant à entendre les responsables de l’AKP affirmer que les contestataires du parc Gezi «forniquaient» impunément sous les tentes ? Il est vrai que, dissoutes par une loi de 1925, ces confréries manquaient terriblement à la pensée philosophique islamo-turque ! Comment ne pas s’émouvoir d’ailleurs de ce foisonnement intellectuel que nous devons à d’éminents «penseurs» autoproclamés «cheik», «derviche», «hodja», pour ne citer que ces titres, dans les villages les plus reculés de la Turquie ! Mais trêve de plaisanterie ! Car la réalité est tout autre, et l’heure, grave… Adolescents, jeunes, hommes, femmes, homosexuels, intellectuels, ouvriers, artistes, universitaires, féministes, transsexuels de tous âges et de toutes origines, bref tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la vision islamiste du monde, ne se sentent plus en sécurité dans leur vie privée, professionnelle et sociale. La «pression de quartier» s’insinue dans tous les domaines de la vie publique ou privée, les lois liberticides se multiplient, tandis que s’intensifie la volonté étatique de contrôler la tête et le corps des individus. Est aussi de plus en plus virulente, arrogante et menaçante la volonté de l’État d’uniformiser la société selon des valeurs religieuses. Les preuves les plus tangibles en sont ses incitations permanentes au retour à la piété, les inculpations pour blasphème dans un pays qui se dit laïc, ou encore l’acheminement vers une étroite surveillance des personnes. Leur projet de gouverner et de dominer longtemps, voire très longtemps, doit être pris au sérieux. On ne peut considérer cet insidieux noyautage de l’État comme une réaction à la période où les tenants du laïcisme régnaient sans conteste. Les fondements et l’application de la juridiction glissent vers des sources religieuses, les institutions s’islamisent lentement mais sûrement, et l’État veille à l’endoctrinement de ses bras armés pour en obtenir l’allégeance inconditionnelle. D’où la sauvagerie obscène des forces de police lors des manifestations qui débutèrent au Parc Gezi. Ces policiers

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semblaient «lâchés» sur les contestataires. Le gouvernement ne se soucie aucunement de la gravité de leurs dérives, ni des bavures, et la répression aveugle a entaché, une fois de plus, la boiteuse démocratie turque. «Ma police a eu environ six cents blessés !» déplorait M. Recep Tayyip Erdoğan devant ses partisans, lors de son discours du dimanche 16 juin 2013. Ne s’agit-il donc pas de la police de la République, mais d’une milice personnelle, totalement embrigadée par les idéologues de l’AKP ? Les techniques de tabassage de la police, leur acharnement sur les citoyens mécontents nous montrent que les vrais dangers pour les démocrates turcs ne sont pas uniquement la supériorité numérique des policiers, ni leurs équipements infernaux, mais la volonté du gouvernement de M. Erdoğan de les atteindre aussi bien dans leur intégrité morale que physique. Les coups portés sur le visage des manifestants, les tirs tendus en sont les preuves tristement récurrentes. «La police de M. Erdoğan» n’était pas chargée de rétablir l’ordre, mais de «faire baisser les yeux» à cette autre Turquie suffisamment enhardie pour défier la pensée enturbanée, et désireuse d’une réelle démocratie affranchie de toute forme d’idéologie exclusive. Nous sommes en droit de penser que la pensée politique actuellement au pouvoir en Turquie enfonce ses racines dans le fondamentalisme religieux. Et comme partout où ce dernier domine, en Turquie non plus, les bigots n’aiment pas les visages multiples de la libre expression, de la pensée mouvante, de l’imprévisible, de la poésie, de l’art, du doute, de la mise en question des certitudes, récusant avec entêtement l’individu au profit de la communauté comprise dans son acception exclusivement religieuse. Dès lors, peut-on ne pas s’inquiéter des arrestations et des inculpations arbitraires qui ont lieu quotidiennement? De l’expulsion ridiculement justifiée des étudiants étrangers en séjour en Turquie dans le cadre d’accords de coopération européens ? Partout en Turquie et dans le monde, il ne faudrait pas cesser de mettre


le gouvernement turc actuel devant ses contradictions et ses dérives. Ses velléités de despotisme pourront être endiguées chaque fois que les démocrates turcs le combattront sur un terrain et dans un langage qu’il ne connait pas bien. Ceux de la résistance permanente non violente, de la parole libérée face aux simplismes de la pensée dogmatique, du questionnement humaniste et joyeux de la vie face à l’obéissance triste et aveugle à des valeurs supposées immuables. La route sera certainement longue, parfois dangereuse, mais le layon est bel et bien défriché...

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Solidarité avec Pinar Selek, Turquie

Solidarity with Pınar Selek Grows Despite Persecution Attempts, August 28, 2013

The recent action against sociologist and author Pınar Selek was taken as a request of ‘red notice’ broadcasted in the news lately. After 15 years of prosecution, Selek was sentenced to life imprisonment on 24 January 2013 in a scandalous decision, having previously been acquitted of all charges on three separate occasions. Selek has suffered the costs of personality assassination and legal torment at the hands of law as the price for her scientific studies dedicated to peace. She is now, once again, being criminalized. As far as we understand from the news, despite the dissent of the Chief Judge of the Court (who also dissented to penalty), Istanbul Heavy Penal Court No. 12 requested the grant of red notice against Selek with regard to the case file that it is no longer in possession of, and that has been filed to the Supreme Court. The dissemination of the news concerning this red notice request, which has no validity or enforcement without the administration of Interpol, indicates another attempt by Turkish authorities to harass Pinar. However, this is not possible. Pinar Selek, who has been conducting her Ph.D. in Strasbourg University, has said: “I am continuing to be myself, I am producing, I am resisting.” We are also resisting. Now it is time for an appeal hearing to be held in the Supreme Court, Criminal Chamber No. 9. This struggle is not solely about one person’s search for the

justice; it is also a test for Turkey to come to terms with its dark past. Justice and her beloved country owe Pinar Selek a lot. We are following the case of our lifelong friend by finding strength in each other’s existence in a county that she produces and lives freely. For the hearing in Ankara, with the increasing support of local and international solidarity, we will continue to resist with our full strength. http://www.pinarselek.com/public/page_ item.aspx?id=2095 http://www.pinarselek.com/public/page_ item.aspx?id=2096

Annexe Akın Atalay, Attorney at Law, August 28, 2013

The İstanbul 12th High Criminal Court sentenced Pınar Selek to life in prison on January 24, 2013. Selek's lawyers have appealed the verdict. They started to wait for the reasoned decision, which was written at the end of March and sent to the lawyers in April. In response to the reasoned decision, the lawyers appealed and filed to the Supreme Court in June of 2013.

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On August 27, 2013, news appeared throughout the media and spread quickly: “A Red Notice was Granted for Pınar Selek.” We immediately examined the official site of Interpol to check the accuracy of the news as the site publishes the Red Notice List and the authority to grant a red notice rests only with the Interpol General Secretariat. Thus, a country’s juridical or administrative entities do not have any authority to grant red notice. We realized the fact that the Court requested to grant a Red Notice by the initiation of Ministry of Justice. This morning, we examined correspondent documents in the case file to understand how and when all these happened. It was surprising to see the pace of our bureaucracy and the persistence of our security forces to solve an issue from the beginning till the end until they manage to reach their objective. Here is how the extradition and request for red notice process was initiated: On January 24, 2013 when the Court sentenced Selek to life in prison, it also issued an arrest ruling. The following day, on January 25, 2013, the Ministry of Interior (Headquarters of Turkish National Police) sent a letter to the Ministry of Justice and asked: “Pınar Selek is in Strasbourg, France. What should we do?” It is, of course, impossible not to be surprised by how quickly some case files are handled relative to others in the country. Four days later, on January 29, the Ministry of Justice wrote a petition to the Court through the Istanbul Public Prosecutor stating that: "Because the party’s address abroad has been identified, a request for extradition can be made from the related country (France). Additionally, in the first phase, a red notice can be granted as a warrant for her arrest as it takes less time relative to the extradition procedures. In this regard, in addition to the extradition document, the requirement to submit a red notice request form is also evaluated by our Ministry.”

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This is how the process started. The Court evaluated the extradition forms, documents and the request form for the Red Notice in March. With the intention of not drowning you in details or not confusing you, we will not attempt to elaborate on all the details of how the arrest decision and the order has been transformed into a detention warrant or how the summary bill of indictment in the red notice form includes subject matters that do not really exist. This case file itself is totally absurd and every aspect of it is problematic. It is fair to say that it is a legal disaster. Later, the Ministry of Justice sent another notice to the Court indicating that Red Notice Form has not been filled out completely and contained some mistakes; the form should be edited. The Court sent back the new form again in May. The rest is the responsibility of the Ministry’s General Directorate for International Law and Foreign Relations: Was the Red Notice Request form submitted to the Interpol General Secretariat? Was the extradition application made to the French legal authorities? We do not know these facts. Might the media call the Ministry to learn about its current status? Not only the Ministry, but even the Court failed to provide us any notice despite its legal obligation to inform the parties to the case of any decisions and related proceedings. This seems to be surreptitious. We allegedly hold the right to object to the court’s proceedings and decisions in accordance with our democratic laws. The matter of objection aside, we were not even informed of the decisions that have been made or proceedings that have been conducted. It is difficult to believe the right to defend oneself is sacred and cannot be limited. It is impossible to foresee what Interpol or French legal authorities would do in response to the request for the red notice. However, to demonstrate our country’s success in this subject, it would be helpful to mention certain information that we have gained from official figures.


In the last 10 years (as of 2012), Turkey has requested extradition from the EU-member states on 298 occasions concerning terrorrelated crimes. Only 9 of these requests have been accepted. 173 of these requests were rejected, and 97 of them were under investigation; we cancelled 19 of them. In regards to the figures with specific to France, there were 28 requests, of which none have been accepted. Turkey cancelled three, France rejected 11, and 14 are still pending. Now, the turn for Pınar Selek’s extradition application has come. Do you think the first extradition request that would be accepted in the last 10 years will be Pınar’s case? Will France, which has not accepted any expedition requests from Turkey in the last decade concerning terror crimes, accept an extradition request in a case that has been followed closely and is known throughout different platforms for the inequity and the unjust nature of the circumstances and verdict? It is unlikely to happen. It is a surreal situation. In addition, the EU Parliament and EU institutions have publicly declared their concerns regarding this case.

à écouter : Emission sur la RTS: Pinar Selek ou la Turquie qui change 15 septembre 2013 http://www.rts.ch/audio/la-1ere/programmes/ haute-definition/5192679-place-pinar-selekou-la-turquie-qui-change-15-09-2013.html

We also would like to present one more fact: EU-member states accepted only 9 cases out of our 298 extradition demands (and they support terrorism in the country according to official government policy and discourse). Then, what is our country’s success rate in meeting their extradition demands: In the last 10 years, EU-member states made 7 extradition applications for terror crimes. While 5 of them were accepted, only one of them was rejected. According to these numbers, our country’s susceptibility to collaboration for terrorism is amazing; one wishes the EU-member states could be more like us (!)

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Droit d’asile – suisse

La machine à renvoyer est bien rodée… qu’elle tourne à plein régime ! Jean-Michel DOLIVO, avocat, Lausanne, le 20 juin 2013

«C’est le canton abritant le centre de la Confédération qui est compétent pour exécuter le renvoi au terme d’une procédure accélérée ou d’une procédure Dublin, à moins que les cantons ne conviennent entre eux d’autres règles de compétence (…). Vu le nombre élevé de renvois, les manières de procéder des autorités compétentes en matière de migration et des services de police sont bien rôdées. En outre les longs trajets sont rares. L’exécution des renvois gagne ainsi en efficacité(…) Avant de réserver le vol, l’ODM (Office des migrations) ordonne la mise en détention en vus de l’exécution du renvoi ou de l’expulsion afin de garantir le départ, pour autant que les conditions prévus par la loi soient remplies » (Rapport explicatif du Projet de modification de la loi sur l’asile du Département fédéral de justice et police (DFJP), p. 18 point 2.3.4, publié le 14 juin 2013: ci-après le Rapport de juin 2013). Quelques jours après l’acceptation massive en votation populaire des nouvelles mesures de durcissement de la loi sur l’asile (LAsi), Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale socialiste en charge du DFJP, va de l’avant dans la poursuite du démantèlement de ce qui reste du droit d’asile, suite à six révisions successives qui ont toutes apporté leur lot de péjorations. Sous prétexte d’accélérer les procédures d’asile, 60 % des demandes d’asile seront soumises à des

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procédures dont l’issue - attendue et voulue par l’autorité - est déterminée à l’avance, le renvoi. Ce sont la procédure dite Dublin et la procédure accélérée.

Les centres fédéraux, antichambres des renvois Dans son introduction au Rapport de juin 2013 le DFJP ne prend même plus la précaution de masquer ses intentions. Pour justifier le prétendue accélération des procédures, il indique, en le regrettant, que «dans de nombreux cas, ces personnes finissent par s’intégrer en Suisse, ce qui complique considérablement l’exécution du renvoi dans leur Etat de provenance lorsque leur demande est rejetée» (p.5 point 1.1. du Rapport). Un des autres objectifs poursuivis est aussi celui de réduire les coûts : «la restructuration permet de réaliser des économies substantielles», (p. 59 point 4.1.6 du Rapport). De nouveaux centres de la Confédération doivent être construits dans lesquels les requérants d’asile seront hébergés. 5’000 places seraient nécessaires pour répondre à l’objectif recherché, celui de préparer l’exécution du renvoi. Gérés par l’ODM, ces centres seront utilisés comme


centre de procédure, d’attentes et de départ. C’est dans ces centres que devra œuvrer le conseil et la représentation juridique, auquel aura droit chaque requérant. Ce droit à l’assistance est présenté par la socialiste Simonetta Sommaruga, comme une garantie nouvelle dans la procédure d’asile. Un contrat de prestation liera le prestataire, responsable de l’organisation du conseil et de la représentation juridique (en principe une œuvre d’entraide), et l’ODM. Le projet prévoit même une forme de «contrôle qualité» de l’ODM sur ledit prestataire (art.102i al.4 nouveau LAsi)! Une forme de dépendance supplémentaire, qui entache très sérieusement l’indépendance de l’œuvre d’entraide concernée face aux autorités… Ces œuvres d’entraide toucheront en outre une indemnité forfaitaire unique par requérant d’asile. Dans le cas où le coût de leur activité dépasse ce forfait, cesseront-elles d’agir pour la défense du requérant concerné? De plus, on peut déjà être sûr que la majorité des Chambres va raboter financièrement les subventions dans ce domaine. Enfin, et il faut souligner que, dans le cadre de la procédure accélérée et la procédure Dublin, des délais de recours extrêmement brefs seront imposés (respectivement de 9 jours civils et de 7 jours civils). Nous sommes dans un droit d’exception qui ne permet pas aux demandeurs d’asile de faire valoir véritablement leurs motifs et de tenter de les établir. La défense juridique risque fort de devenir un exercice alibi.

à merci. De ce point de vue, l’analogie avec le régime d’apartheid sud-africain se justifie totalement. Il est dès lors prioritaire que les migrants s’organisent pour la défense de leurs droits, au travail ainsi que dans tous les domaines de la vie sociale. Favoriser cette organisation collective est une priorité. Elle seule permettra de faire émerger des mouvements de résistance à la hauteur de la négation des droits qui leur est imposée. Briser cette contrainte implique des formes nouvelles d’organisation et d’action. Reproduire ad nauseam des batailles référendaires, dans le cadre d’une démocratie qui prive du droit de vote les principaux concernés, est une voie sans issue. Les résistances à construire doivent l’être prioritairement dans les luttes collectives, à partir des réalités concrètes, vécues. Les organisations de défenses des droits des migrants, requérants d’asile, sans papiers, « étrangers » vivant et travaillant dans ce pays comme toutes celles et tous ceux qui contestent le désordre établi ont la responsabilité de relever ce défi.

Dans un régime d’apartheid, quelles résistances ? En Suisse comme en Europe, la politique vis-à-vis des migrants, comme les règles qui leur sont imposées, organise une société où une partie de la population est privée de ses droits fondamentaux. Les personnes qualifiées d’«étrangères» sont non seulement discriminées, mais constituent aussi le réservoir d’une main d’œuvre corvéable et malléable

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EXILIO, PROYECTOS, INVESTIGACIONES EXIL, PROJETS, RECHERCHES 423


Sortie prochaine du film documentaire :

La barque n’est pas pleine Iara Heredia Lozar, hispaniste, co-réalisatrice

« La barque n’est pas pleine », c ’est avec ces mots que le Conseiller Fédéral suisse Kurt Furgler annonce lors de la conférence de presse qu’il donne à Berne le 5 novembre 1973, la Sonderaktion. La veille, un DC-8 de Swissair, a atterri à l’aéroport de Genève avec, à son bord, 108 exilé.e.s chilien.ne.s et latino-américain.e.s fuyant le coup d’Etat au Chili du 11 septembre 1973. En modifiant la tristement célèbre métaphore de son prédécesseur Eduard Von Steiger «La barque est pleine–1», Kurt Furgler tente habilement d’expliquer cette «action spéciale». En effet, sous la pression du HCR, le Conseil Fédéral a accepté d’accueillir un contingent limité de réfugié.e.s du Chili. Ce geste des autorités ne suffit pourtant pas à calmer l’indignation suscitée en Suisse par le coup d’Etat ainsi que les critiques envers les autorités helvétiques–2. Au contraire, la déclaration annonçant la volonté de n’admettre que 200 réfugiés chiliens suscite de vives réactions. Après l’accueil réussi de milliers de Hongrois et Tchécoslovaques fuyant les régimes communistes de l’Est–3, le nombre de 200 semble dérisoire et met en 1   Cette phrase fut prononcée pour justifier la fermeture des frontières suisses en août 1942. Cette décision eut pour conséquence le dramatique refoulement des réfugié.e.s persécuté.e.s « en raison de leur « race » et tout particulièrement les juifs. (Häsler Alfred A., 1992. La barque est pleine, La Suisse, terre d’asile ?, Zurich, Editions M) 2   L’ambassadeur de Suisse au Chili confia au journaliste Jacques Pilet que le soir du coup d’Etat « on avait sablé le champagne à l’ambassade » ce qui suscita d’importantes réactions en Suisse auxquelles s’ajoutèrent celles suscitées par les informations selon lesquelles les portes de l’ambassade seraient restées longtemps hermétiques aux personnes cherchant l’asile. (Rossi Maurizio, 2008. Solidarité d’en bas et raison d’Etat, le Conseil Fédéral et les réfugiés du Chili (1973-1976), Neuchâtel, Alphil). 3   La Suisse a accueilli et octroyé le droit d’asile en 1956 14’000 réfugiés hongrois et 12’000 Tchécoslovaques en 1968.

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évidence les sympathies politiques du Conseil Fédéral qui n’a d’ailleurs pas mis le drapeau en berne–4 lors du décès de Salvador Allende. S’inspirant de l’action « places libres », impulsée en 1942 par le pasteur Paul Vogt qui proposait d’accueillir des réfugiés internés chez des familles suisses, l’abbé libertaire Cornelius Koch–5 et le groupe «Les Amis de la République du Chili–6» lancent alors un appel proposant une nouvelle action « places libres » pour les Chilien.ne.s. A leur grande surprise, les réponses se comptent par milliers. Trois mille places sont mises à disposition chez des particuliers, et s’accompagnent d’un appui des syndicats, des mouvements de gauche, des Eglises, mais aussi de nombreuses communes à travers tout le pays. En parallèle, se constituent de nombreux groupes qui dénoncent la dictature et qui soutiennent la résistance chilienne, les comités Allende et les comités Chili. Malgré ces diverses manifestations de solidarité envers le peuple chilien, le Conseil Fédéral refuse d’entrer en matière sur un accueil plus généreux. Le mouvement Action places libres cherche alors à venir en aide aux Chilien.ne.s persécuté.e.s par ses propres 4   Il est d’usage lorsqu’un chef d’Etat en fonction décède, comme marque de déférence, de mettre le drapeau en berne sur le Palais Fédéral. 5   Braun Claude, Rössler Michael, 2013. Un chrétien subversif. Cornélius Koch, l’abbé des réfugiés, Lausanne, éd. d’En bas. 6   Groupe crée en début 1973 par des jeunes de la communauté Longo Maï à Bâle.


moyens. Le 23 février 1974, un premier groupe de cinq Chiliens arrive de Santiago à Genève. Ils sont accueillis par de nombreux sympathisants et par la presse qui s’étaient réunis pour éviter leur refoulement. Après un interrogatoire de six heures, ils peuvent enfin trouver refuge en Suisse. La réaction du Conseil Fédéral ne se fait pas attendre. Mis devant le «fait accompli», il décide d’introduire un visa pour les ressortissant.e.s chilien.ne.s le lendemain même de l’arrivée des premiers persécutés. Cet évènement marque le début de la confrontation qui durera plusieurs années entre les autorités fédérales et l’Action places libres. Le pasteur Rivoir–7, succédant à l’abbé Koch à la tête du mouvement, parvient à faire entrer clandestinement des réfugiés chiliens en mettant en place une filière extrêmement complexe et efficace. La demande de visa étant impossible pour les personnes en danger au Chili des moyens sont trouvés pour contourner cette obligation, notamment en faisant passer les réfugié.e.s par Buenos Aires, par Milan puis en les faisant entrer clandestinement au Tessin.

Le film documentaire La barque n’est pas pleine revient sur ses faits historiques à travers le témoignage des principaux protagonistes, les exilé.e.s chilien.ne.s et les personnes qui se sont montrées solidaires. Ces récits seront étayés par de nombreuses images d’archives de l’époque. Ils nous a paru important de faire connaître à travers ce travail une page importante, à la fois sombre et lumineuse, de l’histoire Suisse. Des évènements qui nous montrent surtout comment les membres d’un mouvement internationaliste et solidaire n’ont pas hésité à déroger aux lois dans un acte courageux de désobéissance civile. Ce film documentaire est produit par Climage et est destiné à être diffusé en 2014 par la Radio Télévision Suisse (RTS) dans l’émission « Histoire Vivante ». On collaboré à ce projet : Daniel Wyss comme réalisateur, Iara Heredia Lozar comme co-réalisatrice, Stéphane Goël comme producteur, Bastien Genoux comme chef opérateur et Marc Gigase comme collaborateur historique.

L’épisode des réfugiés chiliens marque un tournant fondamental dans la politique d’asile suisse. Le qualificatif de «faux réfugiés» est invoqué par les autorités pour tenter de restreindre la politique d’asile. Ce qui pousse par ailleurs la Suisse à se doter d’une première loi sur l’asile en 1981. Cette même loi qui aujourd’hui, à force de nombreuses révisions, à perdu tout ce qu’elle avait de généreux pour devenir totalement injuste et discriminatoire–8.

7   Rivoir, Guido, Le memorie di un valdese, éds.Baratti, Candolfi, Bellinzone-Torino, Fondazione Pellegrini-Canevascini, Claudiana, 2012 8   La dernière révision de la loi sur l’asile marque «la fin de la possibilité de déposer une demande dans une ambassade, la création de camps spéciaux pour requérants perturbateurs, l’autorisation donnée au Conseil Fédéral de procéder à des «tests», notamment de procédure accélérée, en dehors du cadre de la loi. D’un droit d’exception, on passe au déni de l’Etat de droit. » (Calame Claude, «L’asile, entre amalgames et loi d’exception», 24 Heures, 3.06.2013).

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L’Etagère Une bibliothèque marxiste à Genève Cecila TOLEDO, chilienne et militante associative

A l’heure où les œuvres de Karl Marx et d’Ernesto Che Guevera sont reconnues par l’Unesco comme patrimoine de l’humanité, la place de la littérature marxiste en Suisse est restreinte et le mouvement révolutionnaire atomisé. La diffusion de la culture marxiste dépend de facteurs multiples, à l’exemple des conditions psycho-sociales des travailleurs et le niveau de développement des organisations politiques et syndicales défendant le socialisme comme horizon. La Suisse se caractérise par son haut niveau d’éducation, cependant le monde universitaire reste réservé à une élite qui maîtrise les instruments scientifiques avec lesquels elle nourrit son savoir et assure sa reproduction. Le marxisme y est étudié de manière académique et ne propose pas de solution collective. Toutefois, le passage de la théorie à l’action politique est une des revendications historiques qui a permis à la classe ouvrière de s’organiser et de défendre ses intérêts. De surcroît l’éducation populaire a inspiré plusieurs générations d’internationalistes et établi la valeur du fameux slogan Savoir c’est pouvoir. Dans l’actualité, l’enrichissement des pratiques du socialisme se situe en Amérique latine. Ce processus créateur de nouvelles politiques démontre ainsi que le marxisme est toujours un instrument viable utile à une meilleure compréhension de la relation dialectique entre l’être humain et son environnement. Les livres sont une des précieuses sources

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de connaissance et d’information pour commencer cet enrichissant apprentissage. Dans ce contexte, le projet de bibliothèque est un espace associatif ouvert à un large public avec une offre de plus de 300 livres en majorité édités en français et quelques 50 exemplaires en espagnol. En effet, Genève comme ville internationale accueille une partie importante de salariés hispano parlant, l’espagnol étant la deuxième langue la plus parlée dans le monde après le chinois. Sur les rayons, les auteurs classiques côtoient les contemporains. Les penseurs des siècles passés nous révèlent les paradigmes sur lesquels se fonde le marxisme alors que les héritiers développent leurs thèses, en continuité ou en rupture avec les pères fondateurs. Les uns comme les autres décortiquent les logiques du système capitaliste et suggèrent des réponses adaptées à leurs époques. Quant aux biographies, elles nous plongent avec talent au cœur du destin des grandes figures des résistances planétaires. Cette littérature politique est essentielle pour comprendre les chemins pris par l’humanité pour révolutionner les idées, bousculer l’ordre établi et changer la réalité qui l’entoure pour des meilleurs lendemains. L’Etagère est une manière optimiste d’apporter une petite pierre à cette odyssée qu’est la jeune expérience vers le socialisme. C’est avec plaisir que nous avons rassemblé ces ouvrages en écumant les libraires, les brocantes et les marchés aux puces. Nous avons reçu plusieurs


donations de sympathisants passionnés par la politique. Les stratagèmes pour partager nos acquisitions gratuitement ne peuvent se passer de l’utilisation des réseaux sociaux et des services web. La page Facebook (https:// www.facebook.com/letagere.geneve) est un parfait support pour alimenter la communauté autour de la bibliothèque. Ainsi nous pouvons présenter nos documents de façon fluide et en relation avec l’actualité. Pour les lecteurs assidus, nous disposons d’un catalogue en ligne (http://www.chemarx.org/etagere/ opac_css/). Par la suite, nous aimerions étoffer notre catalogue, numériser des textes, disposer de matériels multimédias, organiser des stands et participer à des actions de promotion du livre. Nous défendons une société basée sur le partage, l’accès libre à la culture en opposition à la marchandisation grandissante de toutes les activités humaines. L’Etagère est un projet en gestation, autogéré, autofinancé et à but non lucratif visant à redonner au marxisme une visibilité dans l’espace public suisse.

Responsable : Cecilia Toledo, Genève Courriel : info@chemarx.org Local : Maison des Associations, Rue des Savoises 15, 2e étage (côté Vieux-Billard), 1205 Genève, Suisse

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EL EXILIO COMO CONDICIÓN DE LA ESCRITURA EN MAURICE BLANCHOT Por Idoia Quintana Domínguez*, Universidad Complutense de Madrid y Universidad católica de Lovaina

Qui écrit est en exil de l’écriture : là est sa patrie où il n’est pas prophète. Maurice Blanchot

Resumen Partiendo del espacio literario propuesto por Maurice Blanchot, en este texto proponemos un acercamiento a la noción exilio como condición que impone la escritura. Al destituir al sujeto que escribe, desposeyéndole de toda certeza e impidiéndole apoderarse y fijar lo que en este espacio sucede, la literatura ofrece para este autor un cuestionamiento radical de las formas, ligadas entre sí, de pertenencia y de permanencia.

*   Licenciada en filosofía por la Universidad del País Vasco, Idoia Quintana realiza actualmente una tesis doctoral sobre la obra de Maurice Blanchot en la Universidad Complutense de Madrid y la Universidad católica de Lovaina. Esta tesis tendrá por título La exigencia de un habla plural. Literatura, pensamiento y comunidad en la obra de Maurice Blanchot. A partir de este autor y del pensamiento de la deconstrucción, su campo de estudio se enmarca en la reflexión sobre las relaciones entre filosofía y literatura en la filosofía contemporánea.

Palabras clave: Blanchot, literatura, experiencia, exilio, nomadismo. La literatura o la experiencia del afuera Michel Foucault, en un artículo temprano sobre Maurice Blanchot titulado «El pensamiento del afuera»�, sitúa la disolución del sujeto en la «experiencia desnuda del lenguaje» de la que se hace eco la ficción moderna. Se señala así a un lenguaje que, a diferencia de aquél del que se sirven los saberes positivos bajo sus diferentes formas de interiorización, se despliega como pura exterioridad abriendo, o más bien, exponiendo a lo que denominará «el pensamiento del afuera» o «la experiencia del afuera». También en un artículo consagrado a Blanchot, Philippe Lacoue-Labarthe indica que en el término mismo de experiencia se encuentra la afirmación de la travesía de un peligro–1 en la que podríamos escuchar un arriesgado salir al afuera. 1   Cf. Lacoue-Labarthe, Ph., en «La contestation de la mort», Agonie terminée, agonie interminable, Galilée, 2011, p. 101.

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En estas afirmaciones podemos encontrar uno de los aspectos más relevantes que caracterizará para Blanchot la experiencia literaria y el espacio en el que ésta se despliega, a saber, la escritura como experiencia de la exterioridad irreductible a la transformación y construcción de un mundo por medio del trabajo negativo. Una experiencia que no puede definirse como un poder del que se dispone, sino como la destitución de todo poder a través del cual se afirma, sin responder a la estructura dialéctica, un «poder sin poder»–2. Siguiendo las palabras de Emmanuel Lévinas, Blanchot, a través de la literatura, determina «la escritura como una estructura casi loca dentro de la economía general del ser, por la cual el ser no es ya una economía, pues ya no comporta, hablando a través de la escritura, ninguna morada ni interioridad ninguna. El ser es espacio literario, es decir, exterioridad absoluta, exterioridad del exilio absoluto.»–3 La escritura rompe con el principio de economía, con los diversos modos de subjetivación, interiorización o apropiación. Es así como espacio literario no se presenta como una expresión insólita de este mundo o como una entrada a un nuevo mundo imaginario. La experiencia que implica no conlleva un modo de evasión sino experiencia del exilio, de un exilio sin espacio de acogida ni refugio. En esa exterioridad que no permite ser conquistada, lo literario habita en el espacio desértico donde toda certeza («incluso la certeza de sí mismo como sujeto de escribir»�), toda pertenencia o filiación no encuentra forma de arraigarse.

2   Esta estructura del «x sin x» es frecuente en los escritos de Blanchot. Mostrando el carácter aporético que en ella se pone en juego, Derrida subraya esta estructura como neutra y no dialéctica. (Cf. Derrida, J., Demeure. Maurice Blanchot, Galilée, 1998, p. 120). 3   Lévinas, E., Sobre Maurice Blanchot, trad. de José M. Cuesta Abad, Trotta, Madrid, 2000, p. 37.

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Lenguaje y tiempo literario La literatura no es, para Blanchot, un modo de representar este mundo ni un medio para hacerlo más comprensible, habitable o bello. Lo que en la literatura se expresa por medio de una necesidad que le es propia, no se confunde con la verdad de los hechos. Su modo de afirmación, su espacio y su tiempo es otro. No existe aquí una ley que garantice una conformidad. Nada de lo que en este espacio se afirma puede ser confirmado. Atendiendo a esto, podemos comprender el rechazo que Blanchot expresa ante aquellas formas (naturalismo, psicologismo, moralismo) que hacen depender la necesidad de la obra de un objeto exterior a la obra misma, como si la obra estuviera llamada a reproducir un orden aparentemente natural, o como si ésta se construyera a partir de la voluntad de un autor encargado de expresar un pensamiento propio y original. Si en la literatura hay una suerte de necesidad que se impone a modo de condición, ésta no es atribuible ni a un objeto exterior, según un principio de representación, ni tampoco a la subjetividad propia de la sensibilidad del artista. Como afirmábamos, la literatura no es un poder del que se pueda disponer sino que es lo que priva o destituye de todo poder, abriendo, no obstante, a un modo diferente de relación. Dos elementos dan cuenta de esta necesidad a través de la cual Blanchot señala la relación entre la literatura y el escritor: la relación con el lenguaje, y la relación con el tiempo y el tener lugar de lo literario. Por una parte, Blanchot afirma que la literatura no puede más que comenzar por una suerte catástrofe: «El escritor […] no puede ni soñar comenzar de otro modo que por cierta incapacidad de hablar y de escribir, por una pérdida de palabras, por la ausencia misma de los medios de los cuales disfruta sobreabundantemente. De este modo le es indispensable sentir ante todo que no


tiene nada que decir»–4. El escritor, privado del lenguaje como medio de expresión o de comunicación, se encuentra separado de la autoridad de su habla. Sólo a partir de una relación «neutra» e impersonal llega a tener relación con el lenguaje. Si en el hecho de nombrar y de decir «yo» se abre un vacío – el vacío que deja la cosa cuando es nombrada -, en este nombrar tiene lugar la afirmación de un poder, del poder de disponer de las cosas gracias al vacío generado entre ellas y el hombre. Sin embargo, la relación neutra que Blanchot identifica con la experiencia literaria es otra. Se busca, como decía Mallarmé, el movimiento mismo de la desaparición. No la idea ni el sentido como el ser de la cosa que el lenguaje acogería, sino el movimiento mismo de la desaparición, el intervalo, el espacio del intervalo o el movimiento de retirada. Lo que la obra dice no es el ser de las cosas que se nombran, sino que, lo que en ella se dice, muestra el espacio de no-coincidencia de aquello que es nombrado por ella. Un pasaje de Kafka sobre el que Blanchot vuelve en diversas ocasiones expresa de otro modo esta relación con el lenguaje como necesidad de una relación impersonal. El paso del «yo» al «él» es descrito por Kafka como necesario para la ficción. Cuando escribe en sus Diarios una frase como la que sigue: «Soy desgraciado», Kafka se ve sorprendido por su efecto. La desgracia que quería expresar se transforma hasta volverse la afirmación de una posibilidad, cuando la experiencia a la que la desgracia le empuja es la imposibilidad de afirmar, de comprender, de hacerse un hueco en el mundo. La desgracia así descrita es plenitud y seguridad en el lenguaje común. ¿Dónde encontrar entonces la desgracia si, en el gesto de su nominación, se vuelve el signo de una concordancia? ¿Cómo hacer para que el lenguaje se vuelva él mismo desgraciado y 4   Blanchot, M., La parte del fuego, trad. de Isidro Herrera, Arena Libros, Madrid, 2007, p. 68.

no la expresión del sentido de la desgracia? A partir, desarrolla Blanchot siguiendo a Kafka, de una extraña y arriesgada destitución: a través del paso del «yo» al «él». Bajo la forma: «Él es desgraciado», la desgracia pasa a ocupar todo el espacio de la ficción. Esta desgracia no concierne a nadie y, por ello, la desgracia personal, aquella de Kafka, queda sin consuelo en virtud de una relación que no permite ni apropiación ni asimilación. A diferencia de la distancia estética marcada por el desinterés como categoría del gusto kantiano, esta relación neutra con el lenguaje no permite recrearse en el placer de la contemplación. Ésta no es una distancia que permita contemplar el objeto, sino que es el objeto mismo el que se vuelve distancia poniendo en relación con aquello que vuelve infinita la relación misma. Así, el objeto como distancia se vuelve inalcanzable, la promesa del encuentro se torna movimiento infinito o, como veremos, la condición de errancia como modo de apertura al cumplimiento que la obra mantendrá en un suspenso indefinido. Por otra parte, además de esta relación neutra con el lenguaje, el espacio literario obedece a una temporalidad propia y a un cuestionamiento del lugar que atiende a la imposibilidad de que, aquello que ahí tiene lugar, llegue a tener un lugar fijo o definitivo. La «ausencia de tiempo» dibuja el tiempo literario al señalar la imposibilidad de ubicarse en un tiempo presente y de convertir este presente en un modo de presencia. Aquello que es dicho en este espacio que pertenece a lo imaginario, aquello que en él se afirma, queda pendiente, mora bajo el modo del demorarse, manteniéndose en una suerte de suspenso que, sin ser el preludio de un futuro cumplimiento, señala ya un modo otro de cumplimiento. La expresión «pas encore» [aún no o no todavía], de resonancia hölderliana, es empleada por Blanchot en relación al tiempo de la escritura. En El libro por venir, en un artículo dedicado a Musil, podemos leer lo siguiente:

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«En una obra literaria, considera Musil, se pueden expresar pensamientos tan complejos y de un modo tan abstracto como en una obra filosófica, pero con la condición de que aún no sean pensamientos. Este «aún no» es la literatura misma, un «aún no» que, como tal, es cumplimiento y perfección. El escritor tiene todos los derechos y puede atribuirse todos los modos de ser y de decir, salvo la tan frecuente palabra que aspira al sentido y a la verdad: lo que se dice en lo que dice aún no tiene sentido, aún no es verdad, aún no y nunca tanto […] de ahí su inocencia (porque no tiene que ser redimido por la significación) pero también, si está excluido de la tierra prometida de la verdad, su infinita inquietud.»� Si bajo el «todavía no» de la literatura, nada puede, según este modo de suspenso, comenzar ni acabar, esta indecisión es lo que, así todo, confiere a la literatura un modo propio de «cumplimiento y de perfección».

La repetición, la errancia, el error Para describir el espacio de exterioridad de lo literario y la condición del escritor que, tendiendo hacia el centro de la escritura, hacia su origen, encuentra el afuera, aparece en múltiples ocasiones la noción de exilio: «El poema es el exilio, y el poeta que le pertenece, pertenece a la insatisfacción del exilio, está siempre fuera de sí mismo, fuera de su lugar natal, pertenece al extranjero, a lo que es el afuera sin intimidad y sin límite»–5. El arte, afirma de otro modo Blanchot, «describe la situación de quien se perdió a sí mismo, de quien ya no puede decir «yo», de quien en el mismo movimiento perdió el mundo, a la verdad del mundo, de quien pertenece al exilio, a este tiempo del desamparo donde, como dice Hölderlin, los dioses ya no están y 5   Blanchot, M., El espacio literario, trad. de Vicky Palant y Jorge Jinkis, Paidós, Barcelona, 1992, p. 226.

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todavía no son»�. Además de la imposibilidad de afirmar un ahora en esta «ausencia de tiempo» sin que éste quede dividido y rota su puntualidad y justeza, este tiempo del desamparo dicta la necesidad de la repetición. Toda afirmación, afectada por esa inquietud de lo que no puede fijarse ni permanecer, retorna; ante lo que no puede ser fijado, ante lo que no permite entablar una relación de dominio, el escritor ve cómo lo que debía darse a su conocimiento adopta una figura fantasmal que vuelve, que no aparece, que no adviene, sino que reaparece en un movimiento de «ressasement» eterno. Es así como el escritor es puesto en relación con algo que se mantiene irrecuperable, con algo que, al no poder ser tomado, da lugar a una incesante repetición. De este modo, todo comienzo se torna recomienzo pues, en este espacio del afuera, reina lo que siempre ya ha comenzado, lo que no conduce a ninguna parte, lo que desconoce la determinación del fin y del origen y que, por ello, obliga a lo que Blanchot, por proximidad al movimiento de la errancia, denomina el error: «Error significa el hecho de errar, de no poder permanecer, porque allí donde uno está faltan las condiciones de un aquí decisivo; allí, […] lo que ocurre, no ocurre, pero no es que no pase, nunca es superado, llega y regresa sin cesar […] El errante no tiene su patria en la verdad sino en el exilio»�. La noción nietzscheana del eterno retorno es, asimismo, reinscrita en este movimiento de errancia infinita: «El «re» del retorno inscribe algo como el «ex», apertura a toda exterioridad: como si el retorno, lejos de acabar con él, marcase el exilio, el comienzo en su vuelta a empezar del éxodo. Retornar sería tornar de nuevo a excentrarse, a vagar. Sólo permanece la afirmación nómada.»�


El exilio y el nomadismo Si leemos atentamente la última frase de estas dos últimas citas: «El errante no tiene su patria en la verdad sino en el exilio» y «Sólo permanece la afirmación nómada», observaremos una suerte de contradicción donde el primer término parece ser el opuesto del segundo: patria y exilio; permanece y nómada. Con la cursiva que Blanchot impone a la última, la antonimia es además resaltada. Si hasta ahora la noción de pertenencia, a través del exilio, y de permanencia, al través del nomadismo, parecían ser excluidas del espacio literario, en realidad vemos cómo aquí son sometidas a una nueva exigencia en relación con la verdad. Es preciso indicar que, en esta referencia a la verdad, Blanchot sostiene, de manera implícita, un diálogo con Heidegger. En un primer momento, en «La mirada del poeta», Lévinas da cuenta de la proximidad entre ambos pensadores. Heidegger describe el camino hacia la verdad como un camino de errancia donde el error puede ser contemporáneo de la verdad, el desvelamiento del ser contemporáneo de su disimulación. Sin embargo, un punto de inflexión se muestra a partir de esa verdad del ser que se presenta como un desvelamiento primordial. Esta verdad, este desvelamiento primero, es el punto a partir del cual se produce toda errancia o los modos del olvido. Lo que de esta premisa se derivaría, según Lévinas, es que «todo lo humano puede decirse al fin y al cabo en términos de verdad, describirse como «desvelamiento del ser»–6. Por el contrario, la reflexión de Blanchot elaborada principalmente a través de lo literario conduce, no al desvelamiento de la verdad, sino al de una oscuridad, «oscuridad, dice Lévinas, absolutamente exterior respecto de la que ninguna toma de medida es posible»–7. Si para Heidegger el arte

6   Lévinas, E., Sobre Maurice Blanchot, op. cit., p. 42. 7   Ibid.

funda el lugar, para Blanchot el arte muestra ese origen como recomienzo que conduce inexorablemente a la repetición, a la errancia en el espacio del exilio. La conclusión a la que llega Lévinas, siguiendo este razonamiento, se presenta como crucial: frente a la verdad heideggeriana como condición de errancia, Blanchot afirmaría la errancia como condición de verdad, lo cual supondría desarraigar el universo heideggeriano para así llegar a la constatación de que «la literatura recuerda la esencia humana del nomadismo»�. Blanchot afirmará, en varias ocasiones, que «la verdad es nómada»�. Esto se articula con estas palabras que posteriormente enunciará: «Si hay que ponerse en camino y errar, ¿será porque, en cuanto excluidos de la verdad, estaríamos condenados a la exclusión que prohíbe toda morada? ¿No sucede más bien que esta errancia significa una relación nueva con lo «verdadero»? Y, también, ¿no se afirmaría este movimiento nómada (donde se inscribe la idea de partición y separación) no como la eterna privación de una morada, sino como una manera auténtica de residir, como una residencia que no nos liga a la determinación de un lugar, ni al asentamiento junto a una realidad de ahora en adelante fundada, segura, permanente? ¡Como si el estado sedentario fuese necesariamente la mira de toda conducta! ¡Como si la verdad fuese necesariamente sedentaria!»� Como aplicando un corte en la raíz del ser, Blanchot, como indica Etienne Balibar en referencia a la literatura, pone de manifiesto «la disolución de nuestra pertenencia, y con ello de nuestra comunidad en tanto que ella se funda en una pertenencia «dada» o recibida de la historia como una «necesidad». Ella [la literatura] «insoumet»–8 radicalmente el mundo y la comunidad»�.

8   «Insumiza», juego de palabras por el que Balibar convierte en verbo el sustantivo «insumiso», carácter esencial que atribuye a Blanchot partiendo de la reflexión que rodea la «Declaración sobre el derecho a la insumisión en la guerra de Argelia», firmado en 1960, más conocido como el «Manifiesto de los 121», cuyo principal redactor fue Blanchot.

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Sin incurrir en una contradicción, Blanchot señala una nueva relación al afirmar conjuntamente patria y exilio, permanencia y nomadismo. Esas características que veíamos en referencia al espacio literario y a la experiencia de la exterioridad, conciernen de manera esencial al nomadismo y al exilio como única afirmación que puede permanecer y como única forma de pertenencia, ofreciendo de este modo un cuestionamiento de los principios sobre los que estos se fundan y asientan.

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Bibliografía Obras citadas de Maurice Blanchot

Otras obras citadas o consultadas

La parte del fuego, trad. de Isidro Herrera, BALIBAR, Etienne., «Blanchot l’insoumis» en Arena, Madrid, 2007 [La Part du feu, Gallimard, Blanchot dans son siècle, actas del coloquio de Cerisy bajo la dirección de Christophe Bident, París, 1949]. Parangon, 2009. El espacio literario, trad. de Vicky Palant y Jorge Jinkis, Paidós, Barcelona, 1992 [L’Espace BIDENT, Christophe., Maurice Blanchot. Partenaire invisible, Seyssel, Champ Vallon, littéraire, Gallimard, París, 1955]. 1998. El libro por venir, trad. de Cristina de Peretti y Emilio Velasco, Trotta, Madrid, 2005 [Le Livre COLLIN, Françoise, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, París, Gallimard, 1986. à venir, Gallimard, París, 1959]. La conversación infinita, trad. de Isidro Herrera, DERRIDA, Jacques, Demeure. Maurice Arena, Madrid, 2008 [L’Entretien infini, Blanchot, París, Galilée, 1998. Gallimard, París, 1969]. FOUCAULT, Michel, El pensamiento del afuera, El paso (no) más allá, trad. de Cristina de trad. de Manuel Arranz, Valencia, Pre-textos, Peretti, Paidós, Barcelona, 1994 [Le Pas au- 1988. delà, Gallimard, París, 1973]. LACOUE-LABARTHE, Philippe, Agonie La escritura del desastre, trad. de Pierre de terminée, agonie interminable, París, Galilée, Place, Monte Ávila, Caracas, 1990 [L’Écriture 2011. du désastre, Gallimard, París, 1980]. LÉVINAS, Emmanuel, Sobre Maurice Blanchot, Écrits politiques 1953-1993, textos escogidos y trad. de José M. Cuesta Abad, Madrid, Trotta, establecidos por Éric Hoppenot, Cahiers de la 2000. NRF, Gallimard, París, 2008. «Heidegger, Gagarin y nosotros» en Difícil (Para una bibliografía exhaustiva de todos los libertad: ensayos sobre el judaísmo, trad. de libros publicados por Blanchot, de los artículos Juan Haidar, Caparrós, Madrid, 2004. en periódicos y revistas, de los fragmentos narrativos, contribuciones a obras o manifiestos colectivos, prefacios, postfacios, correspondencia y entrevistas, con sus respectivas reediciones, remitimos a «Espace Maurice Blanchot (www. blanchot.fr)»).

HEIDEGGER, Martin, «Construir, habitar, pensar», en Conferencias y artículos, trad. de Eustaquio Barjau, Serbal, Barcelona, 1994. Aclaraciones a la poesía de Hölderlin, trad. de Helena Cortés y Arturo Leyte, Alianza, Madrid, 2005. «El origen de la obra de arte» en Caminos de bosque, trad. de Helena Cortés y Arturo Leyte, Alianza, Madrid, 2010. ZARADER, Marlène, L’Être et le neutre. À partir de Maurice Blanchot, Verdier, Lagrasse, 2001. 435


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Sitios del destierro El sitio del traductor Edmundo Gómez Mango, psicoanalista, Paris, 14/08/11

La palabra «sitio» tiene en castellano resonancias que el término site desconoce en francés ; por ejemplo su significación de asedio o cerco militar de una ciudad. «Estado de sitio» se traduce como État de siège, título del conocido film de Costa-Gavras cuya acción transcurre en Montevideo (aunque haya sido filmada en Santiago de Chile). No es un azar si al comenzar a escribir sobre estos dos topoi o motivos que atraviesan la literatura de todos los tiempos por ser inherentes a la experiencia humana, el sitio y el destierro, haya evocado el problema de la traducción, lo que de una lengua a otra pasa y lo que no puede pasar. Acontece algo similar entre el vocablo castellano «duelo» y el francés deuil : el segundo no ha conservado la significación de combate o pelea entre dos rivales. Del mismo modo, la palabra «destierro» no puede traducirse por el término etimológicamente más cercano en francés : déterré, que significa «desenterrado». El desterrado es a veces un desarraigado de su lengua ; cuando habita un territorio donde se habla un idioma que no es el suyo, el exiliado se transforma necesariamente en un traductor. Pensar, para él, es casi sinónimo de traducir. Parafraseando al Fausto de Gœthe puede decir «Dos lenguas habitan en mi pecho». El ir de una a la otra se transforma en su cotidiano quehacer mental. Incluso a veces no sabe en cuál de ellas se han dicho o escuchado las palabras de un sueño. Habita en dos, ici en deux («aquí en dos») decía el poeta francés André du Bouchet. en la relación, en la frontera, en la actividad

traductora que va de una a la otra. Ya no puede vivir ingenuamente en su lengua materna, constantemente sitiada, asediada por la extranjera. Es una de las angustias o de los fantasmas del desterrado : perder, no sólo la patria, sino también la lengua. La lectura en el exilio de «La tarea del traductor», de Walter Benjamin–1, y el descubrimiento del libro de Antoine Berman L’épreuve de l’étranger, La prueba del extranjero, fueron para mí verdaderos acontecimientos. El primero es uno de los textos fundadores de las nuevas teorías de la traducción. Antoine Berman, traductor francés del alemán y del español, que enseñó durante varios años en el Colegio internacional de Filosofía de París, consagró uno de sus seminarios, el que tuvo lugar en el invierno de 1984-85, al comentario del ensayo de Benjamin–2. La problemática de la traducción en la década de los años ochenta se incentivó notablemente en torno a la publicación de nuevas versiones en francés de dos obras fundamentales del pensamiento del siglo XX, la de Freud y la de Heidegger ; los debates que ambas concitaron entre los representantes de diversas ciencias humanas revelaron las connotaciones éticas, estéticas y aun políticas del traducir. Mi interés por la literatura y por el psicoanálisis se cruzaban entonces por lo que comenzó a llamarse la «traductología». El seminario de Berman 1   Walter Benjamin, «La tâche du traducteur» [1923], Œuvres I, traducción de Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz, y Pierre Rusch, Paris, Gallimard, 2000. 2   A. Berman, L’épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans l’Allemagne romantique, Gallimard, 1984.

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sobre la problemática de la traducción atraía a historiadores, lingüistas, críticos literarios y también a los psicoanalistas. La metáfora de la traducción ocupa un lugar central en el pensamiento de Freud–3. La obra de Berman contribuyó a que la traducción adquiriera en el horizonte intelectual francés renovadas significaciones. Su comentario del ensayo mencionado de Benjamin, resaltó el contenido a la vez fascinante y enigmático de ese breve texto escrito en 1923, y que se publicó como prefacio de su traducción al alemán de los Tableaux parisiens (Cuadros parisinos) de Baudelaire. Pertenece a la primera etapa de la producción fecunda y barroca de Benjamin, fuertemente impregnada por la tradición romántica, metafísica y teológica, de la que comenzará a desprenderse a mediados de los años veinte, orientándose hacia un pensamiento histórico, de inspiración marxista y dialéctica, que culminará con su gran ensayo «La obra de arte en la época de su reproductibilidad técnica» (1936) –4. No pretendo sintetizar el ensayo de Benjamín, que fue comentado no sólo por Berman, sino también por Giorgio Agamben, Paul Ricœur, Jacques Derrida entre otros muchos, pero sí evocar las ideas fundamentales que me marcaron. Según Benjamin, la tarea del escritor, como la del traductor, no debe confundirse con la comunicación. Escribir es algo más que comunicar : es esencialmente nombrar, revelar. La obra literaria no está destinada a un público, ni siquiera a un receptor ideal. Incluso quien conoce la lengua de un poema, no comprende necesariamente lo esencial del mismo que no puede reducirse a la enunciación ni a la comunicación. La tarea del traductor se confronta con lo más difícil : 3   A.Berman, en colaboración con Isabelle Berman, su esposa, tradujo al francés Los siete locos y El juguete rabioso de Roberto Artl y Respiración artificial de Ricado Piglia. Su seminario sobre el ensayo mencionado de Benjamin, fue editado póstumamente por I. Berman, con el título L’âge de la traduction, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 2008. 4   W. Benjamin, Œuvres, T.III, op. cit..

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hacer pasar lo «misterioso», «lo inasible», lo más propiamente «poético» del original. En ese núcleo casi mudo, a la vez música y silencio, reside el deseo de la obra de ser traducida. Pero allí también se encuentra la resistencia más obstinada a la traducción. El traductor escucha ese «tradúceme» que viene de la obra y despierta en él y en su lengua el deseo de ir hacia lo extranjero y de acogerlo en su intimidad. La relación que la actividad traductora establece entre las lenguas implica a la vez proximidad y distancia. Cuanto más íntimamente se acerca el autor al original, más presente se hace lo extraño de la otra lengua y de la suya. Benjamin invita a considerar la obra y su traducción no a partir de sus efectos sobre el receptor, sino a pensarla radicalmente a partir de aquello que surge de ellas mismas. Esta compleja operación transcurre necesariamente en y por el lenguaje, y así se relaciona ineludiblemente con la verdad. El traductor es creador de una forma que sólo si es poética puede reproducir algo del poema original. Intenta, en su tarea, «disolver» o «resolver» en lo más propio e íntimo de su lengua aquello que en la del otro se le presenta como extranjero, como extraño. El traductor intuye en la lengua del original su traducibilidad inherente, su capacidad propia a ser traducida. E intenta establecer con esa cualidad una estrecha correlación. El dominio de la vida de la obra y de la traducción es fundamentalmente histórico. La obra perdura en la «gloria», en la supervivencia de la posteridad. Su traducción es perenne, cada época vuelve a traducir las obras maestras del pasado : el destino, incluso de la mejor de las traducciones, es desaparecer en el crecimiento evolutivo e histórico de su propia lengua. Pero es necesario notar que también en la obra maestra como en la lengua del original, existe un proceso incesante de renovación que exige una suerte de auto-traducción del original en su propio idioma en diferentes épocas o momentos históricos. Piénsese en el poema


originario de la literatura castellana, El cantar del Mío Cid y en la re-transcripción traducción de Ramón Menéndez Pidal. La imperfección particular de cada lengua parece reconocer la existencia de un lenguaje ideal, que resultaría de una complementariedad o solidaridad de todas las lenguas entre ellas. La nobleza de la traducción reside en la esperanza de acercarse, a través de la traducibilidad general del lenguaje, a la intencionalidad presente en todas las lenguas, de «querer decir», nombrar y revelar la totalidad de lo real. La traducción retoma la misión de aproximarse, sin llegar a alcanzarla, a una pura lengua, nupcias de todas las lenguas particulares, celebración mesiánica de un idioma humano del porvenir que reencontraría el habla originaria de la humanidad. El traductor pretende conquistar en su propia lengua ese lenguaje ya exilado en la obra del otro, esa nostalgia de una lengua perdida de los orígenes ; como si las dos lenguas fueran fragmentos, dice Benjamin, de un gran vaso quebrado  : el traductor pretende restablecer una concordancia para siempre olvidada entre ambas, acercando un fragmento de la suya que encaje lo más perfectamente posible con el de la extranjera. Al reunirse en la traducción las dos rememoran una comunidad, una patria deseada y para siempre abandonada. Traducir sería entonce repatriarse en una tierra de nadie, sin fronteras. La noción de pura lengua despertó inicialmente en mí una actitud de rechazo, por todo lo que la «pureza» entraña de idealización peligrosa y mortífera. La noción de «raza pura» condensa una de las ideologías más funestas del siglo XX. Las diferentes formas de lo autóctono apelan a lo impoluto de inventados orígenes que deben ser cuidadosamente preservados de la contaminación que aporta el «otro», el diferente, el enfermo, el desechable, el extranjero. La pura lengua de Benjamín, hacia la que tiende la poesía y la traducción, se puede entender sin embargo como de naturaleza radicalmente mestiza : no surge sino de un incesante maridaje entre lo propio y lo extranjero de las lenguas que se atraen y

se rechazan recíprocamente. La traducción es una actividad de mestizaje, porque la mezcla de las lenguas no comienza con ella, sino que ya está presente en la actividad poética del original. No hay origen sin mezcla, todo origen es producto de lo heterogéneo. En esta línea de pensamiento la pura lengua se acerca de la actividad poética tal como la entendía Novalis–5, y creo que todo gran poeta : ella se ocupa esencialmente de sí misma, porque cuidando y protegiendo y activando lo más propio de la lengua, puede hacer resurgir todo lo impuro, todo lo mezclado, todo lo conflictivo que ella arrastra en su seno, aluvión del que se nutre y al que da forma el poema. Escribe Novalis : «Es algo verdaderamente muy loco hablar y escribir […]Precisamente, la particularidad de la lengua, a saber que ella no se ocupa más que de sí misma, todos la ignoran. Es por eso que la lengua es un misterio tan maravilloso y tan fecundo – y cuando alguien habla simplemente por hablar, expresa en ese instante las verdades más trascendentes y más originales.» Freud, ayudado por las «histéricas» a quienes fue el primero en escuchar verdaderamente, confirmó la intuición del poeta cuando incluyó la asociación libre, la invitación a decir todo aquello que viene a la mente (lo que es muy difícil sino imposible), como uno de los pilares del «sitio» o situación analítica. Roman Jacobson, cuando identifica la función poética del lenguaje como aquella que se preocupa esencialmente del mensaje lingüístico ( y no del referente o del emisor), argumentó conceptualmente lo que el poeta, ese «adelantado» como lo calificara Freud, de todas las ciencias humanas, había pensado y expresado de manera poética. Estas breves consideraciones sobre el ensayo 5   Novalis, «El monólogo», Fragmento, in Ch. Le Blanc, L. Margantin, O. Schefer, La Forme poétique du monde. Anthologie du romantisme allemand. (La Forma poética del mundo. Antología del romanticismo alemán.), José Corti, Paris, 2003

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de Benjamin y el comentario de Berman, ponen, creo, de manifiesto cómo la «tarea del traductor» se acerca a un núcleo esencial de la vida de la cultura : el lugar que los «autóctonos» o «indígenas» otorgan o niegan al «otro», al «bárbaro», al extranjero. La hospitalidad aparece como una dimensión fundamental de la morada de lo humano. La poesía, entendida en su sentido más general de poïesis o actividad creativa de la lengua cualquiera sea la forma en que se manifieste, y la traducción, cuidan, preservan, valoran ese albergue insustituible de lo humano. Apuestan, no a la guerra de las civilizaciones, sino a su posible diálogo, reconocimiento e intercambio. Si es cierto que el hombre habita en la lengua, también lo es que al nacer está excluido de ella. El infans, el pequeño humano no sabe hablar, está aún fuera del lenguaje, aunque se bañe en él desde el nacimiento. Pero no sólo se trata de una etapa cronológica y biológica cuyos límites podrían demarcarse con nitidez. Es un tiempo primordial de la infancia en el que predomina lo sensual, lo sensitivo, el desborde de los sentidos, la emoción y sus formas de expresión más primitivas que dejan huellas o trazas indelebles en la memoria constituyente de cada sujeto. El infans acompaña al hablante como una nostalgia de ese mundo o patria inevitablemente perdido en el que habitó mudo, sin palabras. No sólo es un « verde paraíso de los amores infantiles» (Baudelaire) sino también la amenaza de «los infiernos tan temidos» del desamparo, del abandono, de la angustia de aniquilación. Penetrar en el universo del lenguaje significa un progreso, la adquisición de un sistema de signos y formas que favorecen la comunicación y el desarrollo del intelecto, el acceso al tesoro de tradición e historia, memoria colectiva, que preserva y se transmite en cada lengua. Pero también puede entenderse como una irremediable pérdida : entrar al lenguaje es un viaje sin retorno, una ida sin vuelta, una vez en él es imposible abandonarlo, volver atrás. Todos los hablantes somos apátridas del reino del 440

infans. ¿Cómo recuperar algo de aquel país natal a través del lenguaje, si es el lenguaje el que nos lo ha hecho perder para siempre? Sin embargo el poema aspira y a la vez se nutre de esa primera patria abandonada, muda, silenciosa, pletórica de vida, de gozos y de angustias imborrables, «música callada». Hacia ella tiende la nostalgia, el ardiente deseo, de la poesía–6. Son, ésta y la música, las actividades del alma que más se parecen al retorno de esa vida anterior y primigenia. El infans no renuncia a abandonar el lugar nativo, aviva el sentimiento de nostalgia, de nostos, retorno, y de algia, dolor, el que inspiró la célebre canción del trovador Jauffré Rudel, que el desterrado parece hacer suya, la Canso del amor lejano que dice : Amors da terra lonhdana per vos totz lo cors mi dol–7.

El destierro como experiencia Es casi imposible no encontrar en la experiencia del destierro el núcleo vivo y mortífero de la melancolía que nos habita. Toda separación, todo duelo, y también el destierro, reavivan y actualizan los duelos, las separaciones que nos han íntimamente constituidos. Quise discriminar en sucesivos trabajos, aunque los matices son difícilmente diferenciables, el duelo por los seres queridos que todos conocemos del proceso de aflicción que acompaña al exilio (Gómez Mango 1982, 2003). En el segundo caso, el objeto muerto sigue vivo : se ausenta para el desterrado pero continúa, modificado, para los que no han partido. Nos hace señas : de él nos llegan noticias, las buscamos. Se parece a un muerto vivo que está y no está, que viene y va, y es ese carácter de lo perdido que sigue en vida que da su impronta al temple, a la tonalidad

6    Sobre el infans, la actividad poética y el psicoanálisis, cf. E. Gómez Mango, Un muet dans la langue, (Un mudo en la lengua), Gallimard, Paris, 2009, p. 542. 7   J. Rudel, « Amour lointain», in Florilège des Troubadours, Librairie Firmin-Didot, 1930, p. 63.


afectiva del exiliado : ni acá ni allá, en la musaraña de la ensoñación despierta que a veces confunde los lugares y las lenguas. Un viajero europeo recorre la campaña uruguaya a comienzos del pasado siglo. Se detiene ante un viejo gaucho de aspecto patriarcal, apoyado en el portón de una estancia. Súbitamente experimenta una sensación extraña : cree por un instante que ese aquí que le sorprende y emociona lo transporta al allá de su comarca natal, una pequeña aldea de Austria. Esa figura desconocida, para él exótica, era vivida como algo suyo, de su mundo interior y originario. No sabía entonces dónde realmente estaba, si aquí, en el extranjero, o allá en la comarca de la infancia. Ya de retorno a su país natal, el viajero imaginado por Hoffmannsthal recuerda ese tipo de experiencias, breves pero intensas. Cree entonces retrospectivamente descubrirles un sentido : en aquellos instantes no estaba ciertamente en el país en el que ahora se ha nuevamente instalado y que muchas veces le cuesta reconocer como suyo. Estaba en su comarca, pero reconstruida por el espejo melancólico del recuerdo, era como un soplo que provenía de las profundidades de su alma, de una traza incrustada en su ser, una emanación de los orígenes–8. Los trastornos de la identidad se confunden muchas veces en la experiencia del exilado con vivencias de pérdida, con sentimientos de abandono y de profunda tristeza. La aflicción del exilio no proviene solamente de la distancia geográfica entre los lugares, aquel en dónde nació y creció y éste donde se encuentra ahora. Lo perdido y añorado es el «sitio» en el que se constituyó, una red de vínculos y de relaciones en las que se formó. Podría caracterizarse como un «objeto nostálgico» que no está muerto pero sí ausente, con el que el exiliado sueña y al que espera retornar. El sujeto mismo que extraña y añora forma 8   H. v. Hofmannsthal, «Lettres du voyageur à son retour», in Lettres de Lord Chandos et autres textes, Gallimard, 1992.

parte de ese «objeto», en el que se reflejan los tiempos amados e idealizados de la adolescencia y la juventud. Por eso a veces, como el melancólico, parece confundirse con lo abandonado, con lo irremisiblemente pasado, y es incapaz entonces de vivir en el aquí y ahora de su presente, muchas veces hostil, cuyo sistema de códigos relacionales le cuesta aprender.

Desterraderos de identidades Nacemos, por así decir provisoriamente, en algún lugar. Poco a poco construimos en nosotros el lugar de nuestro origen, para allí nacer otra vez y cada día más definitivamente. Rainer Maria Rilke.

No olvidaré fácilmente la emoción que me embargó cuando por primera vez después de la caída de la dictadura, pude dirigirme a un público uruguayo comentando la experiencia del exilio. Sentí que el vocabulario que empleaba para tratar de traducirlas y comprenderlas, se enriquecía de pronto de manera no prevista. Desterrar, desterradero, desamparo, fuero, desaforado, otro y otredad, forastero, extraño : fueron palabras que me ayudaron a aproximarme más y comprender mejor mi propia experiencia. Desterradero : lugar de difícil acceso donde suelen arrojarse desechos. El desarraigo forzoso, que se inicia violentamente, en el miedo, la pena y la cólera, marca como sufrimiento inicial la experiencia del «saltarse afuera» del exilio. Salir del pago, del lugar nativo, pero también arrancarse a lo propio, caer en lo otro, en la otredad no sólo del lugar donde se llega sino también de lo otro y la otredad que llevamos dentro, y que se asoma, a veces como una amenaza. El desterrado ya no puede reconocerse en la mirada del otro, donde él mismo se refleja como un desconocido, como un extraño, como un recién llegado sin historia. Estas vivencias dolorosas se acompañan de un desafío,

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de una estimulante necesidad de aceptar el cambio y de disponerse a habitar en lo provisorio. Caer en lo otro permite resurgir en lo abierto, aceptar la incitación que proviene de la imaginación y la creatividad–9. Nuestro Montevideo originario fue también a su manera un desterradero de identidades y de lenguas. Isidoro Ducasse nace en 1846, en el Montevideo sitiado durante la Guerra grande. Allí vivió algo más de la mitad de su corta vida ; morirá en París, otra ciudad sitiada por entonces, en 1870. Tiene 13 años cuando a penas adolescente en plena metamorfosis de la pubertad es enviado a Francia, para completar sus estudios. Transformará por una misteriosa alquimia interior la metamorfosis de su pubertad y adolescencia en una inmensa metamorfosis de la poesía europea. Compuso su obra extraordinaria en los tres últimos años de su vida. Hubiera podido ser un niño poeta muerto de la literatura: cuando fallece a lo 24 años, los Cantos de Maldoror no habían aparecido en librería. Resucita casi literalmente, cuando es leído por un grupo de jóvenes belgas, y definitivamente, cuando Louis Aragon y André Breton lo redescubren con la sensación de ser atravesados por un insólito y soberbio terremoto literario que modificaba todos los parámetros de la poesía moderna. Hacia 1845 la población de Montevideo estaba compuesta aproximadamente de la siguiente manera : sobre 30.000 habitantes, 20.000 eran europeos (5.200 franceses, 4.200 italianos, 3.400 españoles, ingleses y alemanes eran menos numerosos) y 11.000 orientales. El sitio de Montevideo duró casi nueve años (febrero de 1843 a octubre de 1851).–10 Podemos imaginar que

9   E. Gómez Mango, «El desamparo del exilio», en La desolación. De la barbarie en la civilización contemporánea. Montevideo, Ediciones Banda Oriental, 2006. 10   Jacques-André Duprey, L’Uruguay dans le cœur des Français, Vol. I, Documents historiques, Ediciones del bichito, Montevideo, 1997 ; Benjamin Nahun, Manual de historia del Uruguay, T. I, Ediciones de la Banda Oriental, Montevideo, 2003.

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la infancia y adolescencia de Isidoro fueron profundamente impregnadas por la particular atmósfera de aquella ciudad cosmopolita y políglota ; debió escuchar además del francés, el castellano, el vasco, el catalán, el italiano…. Su sensibilidad infantil ha sido marcada por las preocupaciones de la guerra, por los relatos de la crueldad de los combates, por el horror de las escenas de suplicio. Lo que en su brillante ensayo José Pedro Barrán denomina con acierto la «sensibilidad bárbara» que predominó en el Uruguay hasta los años 1860, ha sin duda marcado con trazas indelebles la memoria de Isidoro, en particular el aspecto macabro que surgía de la exposición de la muerte y de lo muertos, de los cadáveres y de las osamentas–11. El mismo Lautréamont reconocerá la impronta imperecedera dejada por el lugar natal en su poema ; advierte, al final del «Canto primero», que cuando los «pueblos» escuchen gemir el viento deben decirse : « Ce n’est pas l’esprit de Dieu qui passe : ce n’est que le soupir aigu de la prostitution, uni avec les gémissements graves du Montévidéen ».–12 («No es el espíritu de Dios que pasa : no es más que el suspiro agudo de la prostitución, unido a los graves gemidos del montevideano»). Siempre me ha parecido escuchar, en la octava estrofa del mismo canto, en su impresionante alarido, sin duda el más bello de la poesía francesa, los aullidos de las jaurías de perros cimarrones que merodeaban en las afueras de Montevideo–13. Lautréamont : el otro está en Montevideo. Iviraromí, pueblo mítico y fundador de la literatura rioplatense y latinoamericana, germen poético de Santa María y Macondo, es el lugar donde surgen Los desterrados de Horacio Quiroga, él mismo un exiliado de su 11   José P. Barrán, Historia de la sensibilidad en el Uruguay, tomo I : La cultura « bárbara »(1800-1860), T. II :El disciplinamiento, Ediciones de la Banda Oriental, Montevideo, 1990 (5e réimpression).

12   Lautréamont, Les Chants de Maldoror, en Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1973, p. 26. 13    Cf., E. Gómez Mango, «Lautréamontévideo», en Un muet dans la langue, Paris, Gallimard, 2009.


Salto natal. A ese desterradero llegan hombres de muchos países, «aquellos que a semejanza de las bolas de billar, han nacido con efecto. Tocan normalmente banda, y emprenden los rumbos más inesperados». Así Juan Brown, que llegó por algunas horas y se quedó 25 años, así el doctor Else que se consagró a la destilación de naranjas, o el químico Rivet, Van Houten y muchísimos otros. Los brasileros se juntan con uruguayos, alemanes, ingleses, franceses, caciques indios, belgas, y representantes de múltiples nacionalidades. El escritor se confunde con ellos : con el fuego y el machete de su prosa hace claros en la tradición literaria, para crear su obra. Es una de las «misiones» de su escritura : acoger en ella, dar lugar en su seno a los desarraigados, los forasteros, los prófugos, los marginados. Inaugura una de las primera representaciones literarias que se abren al cosmopolitismo y plurilingüismo de los parias y de los sin lugar, de los desterrados. Es quizás uno de los primeros ejemplos del plurilinguïsmo literario latinoamericano, en el que se entremezclan el guaraní, el castellano, el portugués. A veces «una sed de patria» se apodera de sus personajes. Joao Pedro y Tirafogo, octogenarios, proscriptos brasileros, reúnen sus últimas fuerzas para regresar al país. Extenuados por la fiebre y la consunción, después de largas marchas, avizoran los pinares nativos. «-Eu vi terra….murmuraba [Tirafogo]. –Eu cheguei –respondió todavía el moribundo [Joao] -. Vocé viu a terra…E eu estó lá.» –14 Por la misma época, en el hemisferio norte, un escritor de origen polaco, que adquirió en su infancia como segunda lengua el francés, y que aprende el inglés trabajando durante varios años en la marina del imperio británico, crea una inmensa obra novelística en la que acoge múltiples personajes extraños, extranjeros, exóticos, vagabundos y aventureros del mundo entero. Joseph Conrad es el mayor ejemplo de un políglota en la vida y de un monolingüe de 14   H. Quiroga, Los desterrados, en Todos los cuentos, Edicoón crítica, ALLCA XX, EDUSP, 1996, p.634

la literatura : toda su obra está escrita en su inglés. Introduce en la literatura anglosajona, el trastorno existencial particular del exiliado, la extrañeza de su relación con el lenguaje y con la vida misma. Parece él también luchar sin cesar con algo central de la experiencia y que escapa incesante a su expresión por el lenguaje. Uno de los tantos narradores que cuentan en sus novelas, el inolvidable Marlow se pregunta: «¿Someteremos a la cosa muda o seremos sometidos por ella?»–15. La «cosa muda», wilderness, salvaje, inasible, «corazón de las tinieblas», que el narrador pretende, quizás, hacer hablar.

El destierro, el lugar y la memoria Es casi necesario que el exiliado mire hacia atrás para subsistir y poder avanzar. Realiza a veces esfuerzos inauditos para proteger la memoria de donde proviene, de su historia personal, de su formación. Todo lo invita a olvidar, a borrar y a empezar de nuevo : no se le reconocen sus títulos, sus diplomas, sus oficios, muchas veces devaluados o simplemente declarados nulos por las autoridades celosas del país de llegada. Debe conciliar en permanencia lo más apreciado de las marcas de su comarca originaria, aquellas que construyeron su mundo interior, y admitir lo nuevo, lo desconocido del entorno en el que debe trabajar y sobrevivir. Debe someterse así a la escuela de la dialéctica del exilio de la que hablara Brecht. Componer compromisos entre sus seguridades identitarias, que muchos habían creído inamovibles e imperecederas, con las solicitaciones al cambio, a la novedad, a los usos y costumbres diferentes. Vive en lo fronterizo del allá y del aquí, del pasado y del presente. Al mismo tiempo que se habitúa a construir en lo provisorio, su sensibilidad por lo que es universal, por los valores que parecen 15   J. Conrad, El corazón de las tinieblas, cito según la versión Folio bilingue, Gallimard, 1985, p. 123.

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transcender la circunstancia se agudiza y desarrolla. Recrea así, para defenderse de lo efímero y de lo huidizo, un mundo de valores generales, un humanismo del exilio, que le permite aferrarse a verdades en las que creyó allá y por la defensa de las cuales está ahora acá. Esas verdades admiten cambios, pero también permanencias. Para muchos exiliados de las dictadura militares latinoamericans, esas verdades pueden llamarse los derechos del hombre. El exiliado es testigo de esa frontera invisible que atraviesa las grandes urbes metropolitanas : de un lado los identificados, la gente con papeles y lugar reconocido en el funcionamiento social. Del otro, los parias, los sin papeles, esa muchedumbre de no identificados, sin ningún reconocimiento, cuya única dignidad parece radicar en su pertenencia a la especie humana. Sobre ellos pesa la inmensa amenaza de lo que Hanna Arendt definió como la desolación, a la vez hecho individual, derrumbe de las estructuras psíquicas que mantenían en vida, aunque precariamente, una personalidad, y fenómeno de masas extremadamente extendido en la sociedad contemporánea. El exiliado no puede renunciar a lo que sabe que tuvo lugar. Su exilio es un acaecimiento no elegido, que comenzó siendo arrancado de su sitio, y que se perpetúa lejos del lugar nativo. El «no ser de aquí» le acompañará siempre en su «acento» que recuerda en la lengua aprendida la originaria. No tolera la puesta en cuestión de lo acontecido, lo doloroso de la historia aún tan reciente de su país, las luchas animadas por su pueblo para mantener viva la memoria de sus muertos. Se opone a la voluntad política de olvidar, de borrar, de perdonar a los criminales de lesa humanidad sin confrontarlos con la justicia. Siente la impunidad como un triunfo del terrorismo de Estado sobre sus víctimas, como una nueva desaparición de los desaparecidos. La pura lengua de Juan Gelman es una de

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las voces poéticas mayores de la poesía contemporánea. Está compuesta, estructural y musicalmente, por todos los dialectos, idiolectos, hablas vernáculas de la gran ciudad de Buenos Aires. Resuenan en ella los acentos del tango, de los inmigrantes italianos, españoles, las lenguas que el poeta escuchó en su infancia, la rusa de Pushkin, el yiddish. Se oye, más que se escucha, en el rumor de sus versos, al «niño fundamental» que él mismo cantara, el niño infans de sus fundamentos poéticos. Su «pura lengua» fue a nutrirse en los arcanos del lenguaje castellano, viajó para reunirse con el sefardí de la diáspora judía, con la más alta poesía de la mística española (Juan de la Cruz, Teresa de Ávila). Imaginé a Juan de Buenos Aires trabajando sus poemas en un cuartito de inmigrante de las lenguas : allí forja, rompe y recrea palabras, ata y desata lenguajes construye su dialecto más propio y más universal, gelmaneano y de todos. Allí se transforma en un gran oidor del rumor de las lenguas, extrañas, deformadas, sufrientes, que vienen de muy lejos y de muy cerca. La migración incesante es el destino de su poema, define su experiencia del lenguaje. En sus «moradas» se refugia el desaparecido, esa figura histórica, imprescriptible del doloroso pasado reciente. En su poema tiene lugar, acaece una vez más la desaparición como una resurrección poética. En su cuartito de migrante escribidor le visitan los ausentes, los desterrados no enterrados, los hijos, los compañeros. En su canto han encontrado un albergue imperecedero : el de la memoria de la gran poesía–16.

16    Desarrollé algunos de los motivos aquí a penas esbozados en «Memoria y poesía. Oyendo a Juan Gelman», revista Zurgai, Leyendo a Juan Gelman, Bilbao, diciembre, 2008, pp. 84-89.


Bibliografía BARRÁN, José Pedro, Historia de la sensibilidad en el Uruguay, T. I : La cultura « bárbara »(18001860), T. II :El disciplinamiento, Ediciones de la Banda Oriental, Montevideo, 1990. BENJAMIN, Walter, Œuvres, París, Gallimard, 2000, traducción de Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz, y Pierre Rusch. BERMAN, Antoine, L’épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans l’Allemagne romantique, Gallimard, 1984. L’âge de la traduction, Paris, universitaires de Vincennes, 2008.

Presses

CONRAD, Joseph, El corazón de las tinieblas, Folio bilingüe, París, Gallimard, 1985. DUCASSE, Isidoro, conde de LAUTRÉAMONT, Les Chants de Maldoror, en Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1973 GÓMEZ MANGO, Edmundo. «Le migrant et ses signes», Cultures et psychothérapie. Annales de Psychothérapie. Paris, ESF, 1982. La mort enfant, Paris, Gallimard, 2003. La desolación. De la barbarie en la civilización contemporánea. Montevideo, Ediciones Banda Oriental, 2006. Un muet dans la langue, Gallimard, Paris, 2009. QUIROGA, Horacio, Los desterrados, en Todos los cuentos, ALLCA XX, EDUSP, 1996.

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Crossing Places of Exile: Sewing the Fragments Back Together Martine Hovanessian, martine.hovanessian@wanadoo.fr, Directrice de recherche CNRS, HDR « Traversée de lieux exilés : recoudre les fragments »

Résumé

Presentation of the Research

Le travail ci-dessous, re souhaiterait contribuer au déploiement d’un paysage d’une intériorité tourmentée sous bien des aspects et que l’on ne peut imaginer si l’on s’applique au strict exercice monographique. Il s’agit d’une aventure apparentée à « une anthropologie des coins et des recoins » où je me propose de cerner l’enjeu structurel du fragment dans l’ordre des identités discontinues nées d’un déni, dont le support concerne le génocide des Arméniens perpétré en 1915 mais que j’élargis dans la comparaison avec la Shoah. Nous sommes en quête d’instruments conceptuels qui nous permettent d’élaborer une anthropologie de la violence moderne qui croise en même temps une anthropologie de la nation et une anthropologie de l’exil.

This dissertation, as I explain in the Introduction, was written in the desire to contribute to the opening out of an inner landscape, a landscape tormented in many ways, and which cannot be imagined if one is attempting to produce a straightforward monographic study.

« Recoudre les fragments » invite à exposer des quêtes identitaires où des débris, des restes sont déposés dans les mémoires et qui révèlent sur fond de tragédie, un langage détruit. Ce langage invite à travailler sur la dé-sappartenance, concept en manque de théorisation dans la perte du rapport à l’autre, de la scission, de l’enfermement, altérant la possibilité de penser l’altérité et de se projeter dans un futur étant donné une condition exilée consécutive à un processus de désymbolisation.

The lamentation over Deir ez Zor, as well as the testimonies collected during a period of many years, gave direction to my project: to develop the features of an extreme exile in which the themes of separation and enforced migration are insufficient notions to convey the condition of the ‘throwaway person’ elaborated by Fethi Benslama, a ‘throwaway’person who in the case of a collective destruction, of a still not officially recognised State violence, continues to ‘act’, in an almost ‘clandestine’ manner, at one and the same time in the development of a generational continuum

What is it about? An adventure similar to «an anthropology of nooks and crannies», in which I propose to discern the key structural issues of a fragment in the order of the discontinuous identities that came into being through a denial whose structural support is related to the Armenian genocide perpetrated in 1915, but which I enlarge upon in a comparison with the Shoah.

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(transmission) starting from a radical break and suspended over a gaping hole, but also in a victorious apprehension of a principle of restoration of the ideal of generation, and chiefly carried by the recognised social structures of memory. Without counting, except to explore those experiences of a collapse that haunts the imagination, often with no possibility of translation, I passed through other places than those of oral expression, places of territorialisation aiming to represent the places of ‘the community’ around a will to re-establish an ‘idea of the territory’, an organising principle, a material culture, an adding up of symbols, places of a tormented national imagination in Armenia where irredentist, ethnicised struggles take their form from a failed national question still waiting for a resolution, places criss-crossed with the writings of exile, where the choice of language implies more than supposed, half-hearted claims (or-not) of integration, it also speaks of ‘onboard’ experiences, of reconnection to a symbolic body. I insist on the connections, which justifies my use of the idea of the ‘fragment’as a ‘spare part’ that is the consequence of the breaking down of ancient references ‘into little bits’— to use Michel de Certeau’s expression—relics of a lost social entity, detached from the whole of which they had been a part, planted in another social ‘body’, in the manner of the ‘little shards of truth’ that Freud claimed to have discovered in the ‘displacements’ of a tradition, and which no longer have a language to symbolise or reunite them. « Sewing the Fragments Back Together» is a specific invitation to give an account of, and to expose, these identity-seeking quests for a language in which débris, ‘leftovers’, are deposited in people’s memories, but which instead of bearing witness to a displacement of tradition with the possible accommodations that could be expected in a land of exile, and which have the connotation of inventions of continuity, reveal on the contrary—against a 448

background of tragedy—a language that has been destroyed. The experience of post-catastrophic exile, as shown in post-catastrophic Armenian literature—writings about survival and restoration, my commentaries on Nicolas Sarafian’s text translated from the Armenian, Le Bois de Vincennes—invites us to work on the question of ‘un-belonging’, a concept in need of a theory, and which I understand not in the simplistic perspective of ‘the loss of a culture’, an expression that stirs no resonance in me, but in the sense of a loss of the relationship with the ‘other’, a splitting off, a state of being enclosed, an incapacity to conceive of ‘otherness’, to project oneself into a future, given a condition of exile following on a process of de-symbolisation. For me, genocide and its denial involve a whole, ongoing work around the disappearance of the disappearance, the eradication of traces, the rubbing out of the Names of the Father, the erasure of meaning, the disaffiliation, the feeling of ruin, subjectivity charged with meaning coming up against objective criteria of the deterioration of a patrimony—a patrimony that is nonetheless celebrated as the carrier of recognition of the violence that had taken place—criteria that resort to political language to express the scale of the destruction: a language with religious accents, «with stone boots,» as the poet Mandelstam says, submerged villages, represented as places of purity, and as moral destinations, ancient monuments split open, monuments to the martyrs of 1915, a decapitated political patrimony that was founded on the emancipation of the nation and, for certain political parties, on Marxist foundations, a ruling elite and intellectuals systematically eliminated in Constantinople on April 24, 1915. It would seem that the mood of this celebration of the patrimony takes on the role of representation that is inscribed in the very


limitations of a powerless political language, set at a disadvantage, incapable of developing a period of mourning, a mourning that indeed became a mourning of long duration. So many features of a silent and murderous deterritorialisation inhabiting the imagination, to which are added a migratory memory of dispossession, the escapee-refugees parked in camps, the world of the orphans of the 1920s, statelessness, migratory wandering, the submission of this population stripped of its nationality to recruiters of immigrant labourers for heavy industry in France going to orphanages to distribute work contracts. I had treated this migratory memory of dispossession in Le Lien Communautaire, in which I explained that the very nature of the rupture with national origins had given rise to singular social behaviours, notably in efforts at re-founding a ‘collective self’ on a small scale, based on identifications tied to a place, carried by social practices of enrolment records, where the illusion of a ‘new beginning’, or continuity, the establishment of inner and outer boundaries, will be treated later through my interrogations about the notion of diaspora [spiurk], which I designate as a space of living fiction, sketched against the backdrop of an awareness of the dispersion in the exile, considering again the question of a violence of exclusion that had most definitely occurred. From this point of view, the work of Alain Medam on Jewishness in exile was very helpful, and we participated with several researchers on the uses and semantic field of the notion of diaspora since the 1990s, in a comparative perspective. We believe that exile in its eschatological dimension and the concept of diaspora are two mutually clarifying notions, inasmuch as both revert to a collapse, to expulsions, to collective exclusions, to repeated persecutions in which notions of group, of minority, of community, ethnic or religious, or of an ethnic-religious ‘community’ of a diaspora, tend to converge towards the notion of a people, a more universal representation of a political conscience, an abstract ideal serving to update certain

questions, national causes that have been struck off the map, unresolved, unfinished, ‘poorly buried’, victims of imperialist powers. This is the reason why we continue our search for conceptual instruments that will enable us to develop an anthropology of modern violence that overlaps simultaneously with an anthropology of the nation and an anthropology of exile. The stakes seem to lie less in the workability of forms of alliance than in the preservation of the symbolic effectiveness of a link in which it is possible to bring up to date, under diverse and varied forms of the languages and accounts of the rupture, the myths of return, the relationship between capacities of organisation and collective representations undergirded by the will to open up a territory of the singular and of the multiple, combining the traditional modes of the sedentary and those on the move, circumventing the principles of the political institutionalisation of borders, while at the same time creating ties with a ‘political centre’. Belonging to a diaspora also reflects a culture that has become marginal, a culture of prudence and negotiation between distance and nearness, by virtue of weaving one’s way through the games of power, and of having endured oppression and persecutions, by virtue of an apprenticeship in being ‘without rights’. The experience of a new configuration born of ‘misfortune’ draws its strength at the same time from a mode of dispersion of the most prestigious elites (the merchant colonies of the 17th century, the intellectual elites of the 19th century), making it possible to confer a positive value, a historicity, to the present experience of dispersion. The diaspora is also a place of authorized nomadism, a synonym not of a wandering equated with a loss of meaning and of points of reference, but of a wandering linked to the space-time of a collective history,

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simultaneously defining a place of freedom, an escape route, the ideal place where one can best live as foreigners, by being given the right to combine identities. Thus for Chantal Bordes-Benayoun, the question of the relation to the Other is at the heart of the diasporas: «The diaspora requires an effort of sublimation of ‘otherness’ through a collection of answers that reconcile multiple demands of loyalty’. This particular work of mine does not belong in the category of ‘the duty of memory’ so often instilled through a doubtful political discourse that produces dependence on a stereotypical, standardised form of writing (including writings stuck on the phenomenon of diasporas), but rather in the category of nuances, of hesitant steps, doubts reinstated by certain poetic or literary texts exhorting us to evoke a condition of survival linking a particular report to space-time, vacillating in the present, and whose written output perpetuates the very condition in question. We stress the idea of a ‘repertory of practices’ that form the body of the ‘assets’ of belonging, that is, a structure of action. At the same time, this repertory delineates an economy of language that avoids the tone of institutional doctrines, unconventional, subversive forms that resist all efforts at ideological or normative translation. The study of writings on violence is distributed over a broad spectrum; the texts are often characterised by their subordinate status in comparison to writings based on academic learning: reactive texts developed by organic intellectuals, between scholarly and political texts, oral testimonies, personal diaries, literary essays, family memoirs, psychoanalytical studies, aesthetic creations, poetic writings, epistolary exchanges, texts translated from one language to another . The writings of Charlotte Delbo, of Georges Pérec, through selected extracts, are not motivated by a cathartic literary intention, but by an impossibility, the impossibility

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of adhering to «this institution of bearing witness», and summon up voices, prolonging the existence of the «body» of the people, plunge into the ever-present indescribable and un-representable, approach the edges of the void and of the strangeness contained in a vaporisation of the subject that can no longer connect to the «other», where nothing now «holds the subject» anymore, and connecting at many points with my own journey as a subject placed at the crossroads of catastrophes that have occurred, unable to localise the place of a vague and intrusive anxiety. A place of extreme exile, a place where one is «beside oneself», a place of the crushing of the possibility of symbolising life and death. Distraction, loss of boundaries, wanderings in exile where points of departure and points of arrival cancel each other out. «Sewing the Fragments Back Together» is a project of reconfiguration of what cannot be expressed, and this has necessitated other methodological supports than the translation of denial by certain historians of the Armenian genocide whose colossal work around the search for proof and the historic meaning through archives has contributed to bringing to light a mechanism of negation, a historiographic perversion that makes use of the processes of rationalisation, of relativising and of trivialising, to refute the factor of intentionality at the heart of the genocidal principle, and produce, according to Richard Hovanissian, a hodgepodge of half-truths, of infinite circumlocutions that are infinitely more devastating than total negation. As an anthropologist, and returning by choice to my early literary training, making use of the particular sensibility that is developed after a long experience of psychoanalysis as an analyst, I have favoured the nomadic and perceptible (‘felt’) forms of exile, without in any way wishing to prove something, and I threw myself into the work of subjectivation, that of the process that calls for the maturation of the subject.


I think it is necessary to free oneself from the injunction to ‘prove’ something, the order of the torturer, some would say, in the search for ultimate proof, a sort of tyranny set in motion by the actors of political power, the language of domination in which the status of the victim is transformed into a teary plaint, depoliticised to «make room» for polysemous subjectivisms, narrations, evocations. To leave the discourse of historic proof of the annihilation and of self-justification, and allow myself to move to a form of writing in which denial has struck me in my own autobiographical trajectory, my family novel, my researcher’s journey, and whose seams I am attempting to sew. «Letting oneself go» means catching a glimpse of the freedom of the subject, allowing the subject to catch up with himself as he takes off his chains and frees himself from alienation in and through this crossing over. Leaving the context of proof as an element in a process of establishing a scientific reality that would provide support for a procedure of authentification and an imperative of veracity. Allowing oneself to be carried by the threads of the disconnection (narrative anthropology, poetic metaphor). In this way, the terrain in this case concerns not only the presence in a geographical place or in a social unit for the present-day analysis of social relations, but involves a much more complex configuration. The terrain is also the breadth of the links and associations with other temporalities that the signifieds collected in an empirical space will help to achieve with other temporalities, calling for other supports, other crossing places, in order to form a mixed semiotic. Gérard Althabe, who was my thesis supervisor (1993), in his theory of the position of the researcher ‘on the ground’, already favored a heuristic approach, which advances by trial and error and in stages, inviting us to carry out the ‘to-ing and fro-ing’ and the links between levels which add up cumulatively or are superimposed in the interpretation of an act or an event, at several levels of resonances, on several scales .

Not a blending, but a mixed semiotic in which exile as a total social reality calls for a superimposition of planes, of levels of interpretation, giving rise to the use of multiple supports, as we have said, in order to create a text, a body of literature, a web peopled with voices and phantoms, from which would surge dissociations, cleavages, dismantlings, splinters, cries and quests, as well as heroic struggles, and which at the same time would offer a way—perhaps an aesthetic and utopian way—of seeing foreclosure as a reality in the past. Obviously the issue of the relationship of the researcher to his object is raised in the haunting question of distance and nearness, of «too much attachment» to the object, which could distort the way of seeing, or else contribute to an «ethnicisation», a reification, that would confuse the understanding of one’s purpose. This would be to misunderstand the direction of my approach: not to formulate truths of the order of the propaganda discourse of a group, but to address a philosophical question: «How and why write about ‘a devastation’ » of a collective magnitude that has affected far more than the subjectivity of the researcher, obliging him/her to carry out the restoration of something unimagineable. There must be great constraint in this exercise, in my case not the constraint of the literature associated with the pleasure of the un-linking, but that of an existential pressure to glue the fragments back together, to sew them together, to fill in, not to repair or bring about recognition, but to reconnect with a dimension of the «normally alive». And at this point, psychoanalysis introduces a considerable theoretical contribution that works on dissociations, impossible means of access to the ordinary extended memory, in the sense of a diversionary release mechanism. I think of the work of the psychoanalyst Anne Lise Stern, a student of Lacan’s, in her book Le Savoir Déporté after Auschwitz, in which the writing constructs the conditions of her release. On the contrary, I wish to say, that 451


sort of proximity with the object, instead of being a place of enclosure, opens up the horizon, a sort of «unconscious of the text», distinct from that of both author and reader which, as Julia Kristeva, psychoanalyst and semiotician, specifies, opens towards «scenes of representations, of modalities, of psychic inscriptions, traces, marks, distinctiveness», breaches as well, which in my view are opposed to the smooth writing of the dissertation that slides over the signifier. What can we say of this ‘engaged’— committed—writing that has been emphasised, and of my position as a ‘committed’ researcher? If we speak of ‘engaged’ literature in work about subjectivisms that reconsider the weight of a historiographical perversion, questioning again a dynamic of impunity, asking again the why of the genocide «without reason», then at this point I affirm that my writing is ‘committed’. But if instead of that, one ‘ethnicises’a cause, I would agree that it is a question of a return of perversion, in which ‘commitment’ becomes militancy, in the sense that the researcher becomes the mouthpiece of a community. Ethnocentrism in researchers has often been denounced, whether they be historians or others, who attempt to show the mechanism of perversion at work in the Armenian genocide of 1915 and its denial. Just as the leaders of the CUP (Ittihad or Committee of Union and Progress) used the shameful nationalist argumentation with respect to the Armenians and in the context of the First World War to justify the mass massacres that international law has difficulty qualifying as genocide, as is shown by the elimination of Paragraph 30 in 1979 in the report on the question of the prevention and suppression of the crime of genocide in the sub-commission on Human Rights at the U.N., when this same commission, in 1974, had recognized the genocide of the Armenians as the first genocide of the Twentieth Century. The stakes in the definition remain highly topical, and certain politicians prefer to evoke the expression ‘incomparable atrocities’ rather 452

than use the term ‘genocide’. I hope that this work in a meandering style that I claim as my own, conscious of complexity and the spiral, will contribute to restoring, under my pen, the substance of an unspeakable reconfiguring, in which denial has produced this type of knowledge, a body of writing, a notion that I and Maryse Tripier, as she accompanied me in this arduous labour, have attempted to theorise. Paris, 29 avril 2009


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Mai-Juillet 1915 : Extermination Arméniens des vilayet orientaux.

des

10 juin 1915 : Promulgation de la loi des « biens abandonnés » autorisant la confiscation et la vente des biens des déportés sous le prétexte de conserver les capitaux en « lieu sûr » afin de les restituer après la guerre. Automne 1915-1916 : Deuxième phase du génocide en Syrie-Mésopotamie. Massacres dans les régions de Ras ul-Aïn et de Deir Zor 1918-1920 : République Arménienne indépendante 1919-1922 : Foyer National de Cilicie Printemps 1920 : Formation du mouvement nationaliste turc sous la direction de Mustafa Kemal visant à la préservation de l’intégrité territoriale de la Turquie.

1923 : Traité de Lausanne annulant les dispositions du Traité de Sèvres. Les Puissances occidentales enterrent la «  Question arménienne » 1923 : Un peuple en exil. La Société des Nations crée un Haut Commissariat pour régler le statut juridique des réfugiés apatrides dont les passeports portent la mention « sans retour possible ». 1924 : Mis en place du « passeport Nansen » à la demande de la Délégation nationale arménienne. 1947 : Le nerkaght. Séduits par une argumentation patriotique et sociale, près de 100.000 Arméniens (7000 de France), exilés de la première génération en diaspora

Mai 1920 : Le Sénat américain refuse le mandat sur l’Arménie Août 1920 : Signature du traité de Sèvres stipulant (Art.88) « La Turquie déclare reconnaître, comme l’ont déjà fait les puissances alliées, l’Arménie comme un Etat libre et indépendant. » Septembre 1920 : Invasion de la République arménienne par l’armée turque. Novembre 1920 : La Société des Nations rejette la demande d’admission de la République arménienne A partir de 1920/1922 : Période de l’Arménie Soviétique et de la « Grande Diaspora » du XXe siècle 1920 : soviétisation de l’Arménie devenue République Socialiste Soviétique d’Arménie du 2 décembre 1920 au 21 septembre 1991

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COLOMBIA 2013 : UN PROCESO DE MEMORIA Y RESISTENCIA EN MARCHA Andrés Pérez Berrio, Ginebra. Artísta e Investigador Social-Urabá-Global-Suiza Colombia

1. BASTA YA! Un informe importante del Grupo Memoria Histórica, Bogotá (Colombia) El informe General del Grupo Memoria Histórica de Colombia (GMH, 2013) publicado en julio 2013 subraya la existencia en la historia colombiana de cinco décadas, lo que en Colombia se conoce en su historia como la «Violencia» (Oquist, 1978, Gaitán, 1995). Nos confirma que solo entre 1958 y 2012 el conflicto armado ha ocasionado la muerte de por lo menos 220.000 personas. A pesar de su escalofriante magnitud, estos datos son aproximaciones. La «violencia» ha sido una guerra sin límites en la que, más que las acciones entre combatientes, ha prevalecido la violencia desplegada contra la población civil, asesinatos selectivos, masacres, sevicias y torturas, desapariciones forzadas, secuestros, desplazamientos forzados, despojos, extorsiones, violencia sexual, reclutamiento ilícito, acciones bélicas, minas antipersonales, ataques a bienes civiles, atentados terroristas entre otros. El informe precisa : «Actualmente, Colombia es considerado el tercer país más desigual de America latina y con altos niveles de corrupción, donde las cifras de impunidad son realmente alarmantes». Entre los casos considerados, el informe describe el caso único y emblemático de los sobrevivientes del Movimiento Político Unión Patriótica (UP) de Colombia víctimas de la ola de terror y guerra sucia, asociada al extermino iniciado en

1986. Fue especialmente intenso en regiones como Urabá entre otras (GMH, 2013, p. 51,142,157,168,305). El informe del GMH muestra con exactitud las dimensiones de la violencia letal. Analiza el hecho que el conflicto armado colombiano es uno de los más sangrientos de la historia contemporánea de America Latina. Es una referencia importante para un debate reflexivo colectivo en Colombia y a nivel internacional.

2. INVESTIGACION COMO RESISTENCIA Y MEMORIA Como actores de la «sociedad civil» a nivel global, es un deber memorial de impulsar la paz articulada con la justicia social, para la reconstrucción de una nueva Colombia. Abrir una reflexión global y solidaria de cooperación en materia investigativa, académico-social y política de un pensamiento libre, pluralista, amplio, sobre el tema de la violencia, la guerra y de la paz es verdaderamente trascendental. En relación a los trabajos del GMH, nos parece importante impulsar de nuestro lado, a partir de casos específicos, un trabajo de investigación complementario como una forma de resistencia a la violencia y de construcción de la paz.

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En particular, es de vital importancia hacer un trabajo investigativo sobre la memoria, historia y resistencias del exilio y des-exilio Colombiano a partir de los casos de la Unión Patriótica (UP), por haber sido víctimas de, violaciones graves, persistentes y sistemáticas de los DDHH (Corte Suprema de Justicia, 2011; Tribunal Superior de Bogota, 2012). Hay varios casos, entre otros (Pérez Berrio 2008, caso:11.227/CIDH). En futuros relatos de los Dialogos de la memoria se tendrá que revelar la existencia de los refugiados políticos y defensores de los Derechos humanos (DDHH) en el exilio que son aún invisivilizados en gran parte, por la «sociedad civil» colombiana organizada en ONGs. También, a este nivel del trabajo, son invisibilizados los refugiados políticos por los informes oficiales del Estado. Para ellos, existe una falta de reconocimiento memorial, jurídico y administrativo como víctimas del destierro o exiliados forzados, ciudadanos expulsados por la violencia, sin reconocimiento del derecho a tener derecho. Por eso el informe del GMH, nos insta en sus recomendaciones a romper la «anuencia del silencio y la indiferencia que deben ser motivo de reflexión colectiva». En futuros informes se tendrá también el desafio histórico de poner a la luz la existencia memorial de la diaspora migratoria colombiana los que han tenido que salir fuera del país, por la inequidad económica, como migrantes indocumentados, para ganar sus vidas y la de sus familias sometidos a los trabajos más duros y precarios. Tenemos muchas referencias para nuestra investigación. Por ejemplo, en su libro el filósofo Etienne Balibar (2010), cuestiona entre otros, la noción de violencia con relación al Estado, a la «sociedad civil», a la política. En Colombia, en los casos que estudiamos, el problema esta presente bajo formas diversas que hay que describir. Para todo el mundo el concepto de «civilización» tiene que ser interrogado como base de interrogación

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sobre la guerra, la violencia y la política. Cada sociedad busca una respuesta a la violencia. Cada acción política contiene una interrogación sobre la violencia, sobre el que hacer de la violencia. Como a partir des las formas de violencia que experimentamos en algunos casos específicos, podemos analizar las transformaciones de la política, de la violencia, y de la guerra? Como vivir juntos? Que significa la palabra «civilización» hoy? Estos interrogantes generales pueden ser también unos interrogantes de la «sociedad civil» colombiana, para finalizar la guerra y construir la paz. En este sentido, los trabajos previstos en el marco de un Programa del Collège International de Philosophie de Paris(CIPH) en el Coloquio de Istanbul en el 2014 nos interesan también (ver exil-ciph. com).

3. ALGUNAS INFORMACIONES SOBRE COLOMBIA Colombia: Situada al noroeste de América del sur, está bañada por dos océanos: el Atlantico por el norte y el Pacifico por el sur. Comparte fronteras con Brasil, Ecuador, Peru y Venezuela. Territorio: Es un país con distintas condiciones geograficas, étnicas y culturales.Tiene una superficie de 1.141.748 Km² y está dividido en entidades territoriales: departamentos, distritos, municipios y territorios indígenas. El municipio es la entidad fundamental de la división política administrativa del Estado. En en la actualidad existen 32 departamentos y 1.102 municipios. Poblacion: Los resultados del más reciente censo general (DANE, Estadistica Nacional), 2005) en el país viven de manera permanente cerca de 44,5 millones de personas. Es el tercer país más poblado de Latino America después de Brasil y México, y el vigésimo octavo en el mundo. Del total de la población, 51,2% son


mujeres y 48.8% hombres, y el 75% se ubica en las zonas urbanas, mientras el 25% habita en las rurales. Desplazados internos: Colombia figura entre los países con mayor número de desplazados internos en el mundo, con una número de 4’361.355 de desplazados internos, según CODHES (www.codhes.org). Es una ONG especializada en el tema del desplazamiento interno de población. El gobierno reconoce de manera oficial la cifra de 2’577.402 desplazados internos. Hay 3’337.479 personas que viven fuera del país. Cultura y religión: En Colombia predomina la población mestiza. 10.5% se auto reconoce como, Raizal, palenquero, negro, mulato, afrocolombiano o afrodescendiente; el 3,4% como indígenas y el 0,1% como población Rom. El español es reconocido como lengua nacional. Además el país dispone de una gran riqueza linguistica en sus comunidades indígenas 64 lenguas de 22 familias indígenas que constituyen idiomas oficiales dentro de los territorios en los cuales son aplicados. Los raizalez afroangloantillanos hablan el inglés. En la constitución política esta consagrada la libertad de cultos. En la actualidad existen en Colombia cerca de mil organizaciones de esa naturaleza. El culto predominante es el cristianismo y la confesión mayoritaria, es el catolicismo. Contexto histórico: Colombia vivío varias confrontaciones armadas durante el siglo XIX en su proceso de formación como Estado. Desde poco antes de la segunda midad del siglo XX se presentó una confrontación conocida como «La violencia», que culminó con un pacto entre los dos partidos políticos tradicionales liberal y conservador, que la protagonizarón (Consejo DDHH, 2008). Durante estos siglos los partidos políticos tradicionales recurrieron a la violencia para dirimir la disputas por el poder y, en particular, para lograr el dominio del aparato estatal este accionar es considerado como una costante

histórica de varias décadas. La pugnacidad política y las acciones violentas entre estos dos partidos alcanzaron su nivel más crítico en el periodo conocido como «La violencia» de 1946 a 1958. A la época el aparato burocrático estatal, el sistema de justicia y de las fuerzas armadas estuviera afiliados a uno de los dos partidos tradicionales, aunque la Constitución ordenaba que los uniformados debían ser apolíticos. Esto generó altos niveles de violencia. A ello se sumó la intervención de la iglesia católica a favor del partido conservador, hecho que le dió una justificación moral y religiosa al discurso antiliberal y anticomunista (Abel, 1987; Pécaut, 2003; CMH). La violencia se expresó en una ola represiva contra los movimientos agrarios, obreros y populares urbanos aglutinados en torno al Gaitanismo, que alcanzó su máximo nivel de radicalización política tras el asesinato del líder liberal Jorge Eliécer Gaitán, el 9 de abril de 1948. Dentro de los partidos políticos se constituyerón organizaciones armadas con diferentes niveles de organización. De un lado, la policía chulavita y los pajaros (asesinos a sueldo), al servicio del Gobierno conservador; del otro lado las guerrillas liberales y las autodefensas comunistas. La confrontación política bipartidista se radicalizó y degradó. Se cometierón masacres, actos violentos con sevicias, crímenes sexuales, despojos de bienes y rituales macabros (Uribe, 2006). La violencia, la confrontación en algunas zonas del país se entrelazaba con la «revancha terrateniente» una suerte de venganza de las luchas campesinas de las décadas de 1920 y 1930 (Medina, 1996) la arremetida latifundista tuvó, un despojo de tierras que el analista Paul Oquist calculó en 2’millones de hectáreas, equivalentes al 11% de la frontera agraria de la época (PNUD, 2011).

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ALGUNAS REFERENCIAS BIBLIOGRAFICAS Abel Cristopher, 1987. Política iglesia y Pécaut Daniel, 2003. Violencia y política en partidos en Colombia, Ed., FAES / Universidad Colombia elementos de reflexión, Ed. Hombre nuevo / Universidad del valle, Medellin. Nacional de Colombia, Bogotá. Balibar Etienne, 2010. Violencia et Civilité, éd. Pérez Berrio Andrés, Ex-alcalde de Chigorodó por la U.P de Urabá, 2008. Testimonio, CIDH/ Galilée, Paris. Audiencia pública, 133/caso:11227, Unión ONGs:Reiniciar, Consejo de los DDHH de las Naciones Unidas Patriótica/peticionarios y Ministerio de relaciones exteriores de (www.reiniciar.org) y Comisión Colombiana Colombia Vice-presidencia de la República, de Juristas (www.coljuristas.org) Octubre, Programa presidencial de Derechos Humanos 2008, Washington/E.U. (DDHH), Bogotá, Noviembre del 2008. Derecho Humanos en Colombia Examen Pérez Berrio, Andrés, (2002) 2005. Une periódico – Universal. Impreso en Colombia, expérience vécue de la violence extrême à Urabá - Colombie : à propos de ce qui met (p.17,18, 19). en cause l’humain / [Andrés Pérez Berrio] Corte Suprema de Justicia de Bogotá, 2011. [Genève] : [Programme plurifacultaire en Véase igualmente,»violencia sistemática». Action humanitaire], [2002]. - 2 vol. : ill. ; Casos Segovia y Cesar Pérez García. Proceso, 30 cm, Biblioteca de la Facultad de Ciencias número:33118;del 14 de marzo 2011, p. 254 Economicas y Sociales, Université de Genève. Voir aussi. www.cerahgeneve.ch y 255/rad:1432 de Hever Veloza García. Gaitán Fernando, 1995. «Una indagación sobre las causas de la violencia en Colombia», in Malcolm Deas y Fernando Gaitán, Bogotá, Ed. FONADE, Departamento Nacional de Planeación,1995, p. 89-415. Informe General Grupo de Memoria Histórica (GMH), 2013. Basta ya ! - Colombia : Memorias de Guerra y Dignidad. Informe general, Bogotá, Colombia, julio. www. centrodememoriahistorica.gov.co Medina Médofilo, 1996. «La resistencia campesina en el sur de Tolima», in Gonzalo Sánchez y Ricardo Peñaranda, Pasado y presente de la violencia en Colombia, 1996, Bogotá, p. 233-227. Oquist Paul, 1978. Violencia conflicto y política en Colombia, Instituto de estudios Colombianos, Bogotá.

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PNUD Colombia, 2011. Colombia-rural. Razones para la esperanza, en informe Nacional de desarrollo humano – INBA GMH/Informe Basta Ya!, 2013. p. 120, Bogotá. Tribunal superior de Bogotá, 2012. Sala de justicia y paz/control de legalidad, radicado interno:1432/ EVER VELOZA GARCIA/31 de Octubre/2012, Bogotá-Colombia. p. 59,67,115 y capitulo,VIII, p. 314, 315.


Tribunal superior de Bogotá, Resolución décimo sexto: siguentes citaciones: «la persecución y ataques sufridos por los miembros o simpatizantes de la Unión Patriótica, de acuerdo con el análisis contextual y los antecedentes fácticos presentados por la fiscalia 17 de justicia y paz, corresponden al crímen de genocidio de tipo político».www. ramajudicial.gov.co. Resolución, décimo séptimo: «Los hechos cometidos en contra de los miembros de sindicatos de la zona de Urabá, deben ser considerados como crímenes de lesa humanidad». Uribe Maria Victoria, 2004. Antropología de la inhumanidad. Un ensayo interpretativo sobre el terror en Colombia, Bogotá Norma. (GMH/Informe Basta Ya!/pág/112/Bogotá / julio/2013.

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HOMENAJE HOMMAGE

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Ni Perdón ni olvido : Homenaje a las Mujeres Presas Desaparecidas Teresa Veloso Bermedo, Socióloga, Concepción Chile Colectiva de Mujeres por la Memoria, presas ayer, hoy historia

Despedida Las tinieblas no han podido Y la amnesia tampoco, Sellar aunque sea un poco La puerta del vil olvido. Las rosas, su colorido Aroman la Villa entera, Y el perfume a su manera Gritará a todos los seres, Que aquí hubo mujeres Que sembraban primaveras

© El Museo de la memoria y los derechos humanos de Santiago

Beto – lugar_beto@yahoo.es Poema de Blogia « Las Mujeres de Villa Grimaldi »

En Chile el mes de septiembre trae los recuerdos de lo que fue vivir en dictadura, los días vividos en cautiverio, la memoria colectiva da cuenta de los centros de torturas, campos de concentración, cárceles correccionales llamadas Buen Pastor, donde convivían tres comunidades las presas políticas o por delito común, las gendarmes y la iglesia católica a través de las monjas de la congregación Buen Pastor. A 40 años del golpe militar, también queda en la memoria colectiva la violencia vividas por las mujeres que fue mayor y extrema en la torturas físicas o psíquicas, los insultos lo sentimos desde el momento mismo de la detención, el costo de salirnos de los patrones culturales tradicionales lo resintieron nuestros cuerpos, lo que más nos repitieron fue que nuestros roles como mujeres estaban asignados

a ser madre y reproductora de la vida, nuestra participación política y ser mujeres militantes nunca fue aceptado por la dictadura militar, al contrario fuimos duramente torturadas por nuestros opresores, mas cuando ellos obedecían todas las instrucciones de la Junta Militar, para eso habían sido formados y entrenados para reprimir y matar, por pensar diferente fuimos doblemente castigadas por no obedecer una serie de bandos militares que fueron difundidos inmediatamente después del golpe militar, los bando dirigidos a las mujeres chilenas tenían una clara connotación autoritaria, desafiante para aquellas que osáramos transgredir las normas establecidas en la sociedad chilena, cuando eran ellos que veían a vigilar que las mujeres asumiéramos nuestros roles asignados tradicionalmente, las mujeres teníamos que volver asumir las tareas domesticas , teníamos que volver a la 465


crianza de los hijos, a ser mujeres dedicadas a la familia y los hijos o ser madre esposa hija, cuyos patrones culturales dictatoriales fueron liderados por la esposa del dictador Lucia Hiriart de Pinochet, a través de los centros de madres (CEMA-CHILE)�. Ser mujer militante política, ser mujer activa en las organizaciones sociales, en la Junta Abastecimiento y Precios (JAP) –1, en las juntas de vecinos, en los sindicatos, en los Cordones Industriales, en las organizaciones campesinas o mapuches, etc. poco importaba la organización de donde miles de mujeres participaban activamente, por defender nuestra condición de clase, nos catalogaron como peligrosas, extremistas, putas, marxistas, nos dijeron todo lo que habían aprendido en las escuelas militares, nuestra rebeldía e irreverencia de ser mujer y luchar por una sociedad más justa en muchos casos significo la cárcel, el exilio, el relegamiento o en caso de muchas compañeras pasaron a integrar las lista de detenidas desaparecidas o ejecutadas. Estos militares salvadores de la vida, no tuvieron piedad con las mujeres embarazadas, las torturaron, las violentaron hasta que muchas no pudieron con la vida, muchas de ellas aparecieron como parte de la Caravana de la Muerte, de la Operación Cóndor, de la Operación Colombo. o como se llame según los códigos que utilizaba la DINA o CNI para reprimir y matar, estos salvadores de la vida son los genocidas que no vacilaron en matar y torturar.

hijos, si estos nacieron en cautiverio y donde están? Que paso con ellas? si murieron donde está sus cuerpos? cuántas de ellas perdieron sus hijos en la tortura?, o murieron con ellos en su vientre? Muchas preguntas surgen y nos preguntamos una y otra vez qué paso con ellas?. Cuando se reconstruye la memoria colectiva aparecen nuevos relatos que no fueron declarados en los organismos de derechos humanos de la época, era obvio que la dictadura no iba entregar ni reconocer cifras de mujeres detenidas y los gobiernos de la concertación no buscaron generar un debate que reconstruyera la verdad de la violación de derechos humanos en toda su magnitud. Estas palabras que escribo son para no dejar en el olvido una verdad que ha sido silenciada y dejada la responsabilidad a los organizaciones de familiares detenidos desaparecidos en buscar la verdad, los partidos políticos prefieren dejar de lado la historia reciente, los últimos gobiernos de turno cada 11 de septiembre solo quieren escuchar la palabra reconciliación, para que no haya otro golpe de estado, cuando nuestra historia como país está lleno de golpes de estado pero muy bien ocultados. La memoria colectiva comienza a despertarse y lentamente se articula y se atreve a contar, hablar, narrar, escribir y construir redes desde las organizaciones sociales.

A 40 años del golpe militar no puede haber A 23 años de la vuelta a la democracia la perdón ni olvido continuaremos luchando por justicia no ha llegado esclarecer la situación de conocer la verdad y justicia de cada una de las las mujeres prisioneras políticas desaparecidas compañeras desaparecidas. y embarazadas, no sabemos qué paso con sus El homenaje a las compañeras desaparecidas es la mejor muestras que están en nuestras 1  Las Juntas de Abastecimiento y Control de Precios (también conocidas vidas, que las recordamos y exigimos justicia. por su sigla JAP) fueron unidades administrativas locales en Chile creadas en los últimos años del gobierno de Salvador Allende. Las JAP Un recuerdo especial son las compañeras esencialmente eran comités de racionamiento, implementados para aliviar detenidas desaparecidas con un hijo en sus la escasez crónica de alimentos y suministros que afectaba al país. Las JAP fueron creadas por la resolución N° 112 de la Dirección de Industria vientres. y Comercio (DIRINCO), publicada en el Diario Oficial de la República de Chile el 4 de abril de 1972. Tras el golpe de Estado del 11 de septiembre de 1973, el gobierno militar abolió las JAP de manera casi inmediata

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PRESAS POLITICAS DETENIDAS EMBARAZAS DONDE ESTAN? DONDE ESTAN SUS HIJOS?

Reinalda del Carmen Pereira Plaza Detenida 15/12/1976, en Santiago; 29 años, embarazada de seis meses, tecnóloga médica. Militante Juventud Comunista. Caso de los Trece. Nalvia Rosa Mena Alvarado 29/04/1976, en Santiago; 20 años, embarazada de tres meses, dueña de casa. Militante Juventud Comunista.

María Cecilia Labrín Sazo Detenida el 12/08/1974, en Santiago; 25 años, embarazada de siete meses, asistente Elizabeth de las Mercedes Rekas Urra social. Militante Movimiento Izquierda 26/05/1976, en Santiago; 27 años, Revolucionaria (MIR). embarazada de cuatro meses, asistente social. Militante Movimiento Acción Popular Unitaria Gloria Esther Lagos Nilsson (MAPU). Detenida 27/08/1974, en Santiago; 28 años, embarazada de tres meses y medio, ex Gloria Ximena Delard Cabezas secretaria de la Oficina de Prensa del Palacio de Gobierno durante la presidencia de Salvador Detenida 17/01/1977, en Argentina, junto a su cónyuge argentino; 23 años, embarazada de Allende. Militante Partido Socialista (PS). tres meses, estudiante universitaria. Acciones contra matrimonios mixtos argentino-chilenos. Cecilia Miguelina Bojanic Abad Detenida 02/10/1974, en Santiago; 23 años, Mirta Mónica Alonso Blanco secretaria, embarazada de cinco meses. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria Detenida 19/05/1977, en Argentina, junto a su cónyuge chileno Oscar Hueravilo Saavedra; (MIR). de nacionalidad argentina, Mirta estaba embarazada de 6 meses. Su hijo nació en Jacqueline Paulette Drouilly Yurich cautiverio y fue recuperado por su abuela. Detenida 30/10/1974, en Santiago; 25 años, estudiante universitaria, embarazada de Claudia Victoria Poblete Hlaczik cuatro meses. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR). Caso de los 119 Detenida 19/05/1977, en Argentina; 8 meses de edad, detenida con su padre chileno, José (Operación Colombo). Poblete Roa, y su madre, Gertrudis Hlaczik, de nacionalidad argentina, también detenidos Diana Frida Aron Svigilsky desaparecidos. Acciones contra matrimonios Detenida 18/11/1974, en Santiago; 24 años, mixtos argentino-chilenos. embarazada de tres meses y medio, funcionaria de Editorial Quimantú. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR). Michelle Marguerite Peña Herreros Detenida 20/06/1975, en Santiago; 27 años, de nacionalidad española embarazada de ocho meses y medio, estudiante universitaria. Militante Partido Socialista.

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MUJERES CHILENAS DETENIDAS DESAPARECIDAS ¿DONDE ESTAN?

Nelsa Zulema Gadea Galán 19/12/1973, en Santiago; 29 años, de nacionalidad uruguaya, secretaria de la Corporación de la Vivienda, asignada a la empresa soviética KPD.

AÑO1973

AÑO 1974

Elba Burgos Sáez 20/09/1973 (aprox.), en la provincia de Bío-Bío; 30 años, auxiliar paramédico. Dirigente social y secretaria comunal del Partido Socialista (PS). (No está en Informe Rettig, pero es mencionada en el listado de la Agrupación de Familiares de Detenidos Desaparecidos, AFDD).

Rebeca María Espinoza Sepúlveda 03/01/1974, en Santiago; 40 años, secretaria del Instituto de Desarrollo Agropecuario, INDAP. Sin militancia política conocida. Marcela Soledad Sepúlveda Troncoso 26/06/1974, en Santiago; 18 años, estudiante universitaria. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR).

María del Carmen Arriagada Jerez 27/09/1973, en Temuco; 40 años, profesora Ruth María Escobar Salinas primaria. Dirigente del magisterio y militante 30/06/1974; 27 años, estudiante universitaria. Partido Comunista (PC). Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR). (No está en Informe Rettig, pero es Erika del Carmen Riquelme Briones mencionada en el listado de la AFDD.) en octubre de 1973, en Chillán; 17 años, comerciante ambulante. (No está en Informe Bárbara Gabriela Uribe Tamblay Rettig, pero es mencionada en el listado de la 10/07/1974, en Santiago; 20 años, secretaria. AFDD.) Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los 119, Operación Colombo. Bernarda Rosalba Vera Contardo 10/10/1973, en Valdivia; 27 años, profesora María Inés Alvarado Borgel de educación básica. Militante Movimiento 15/07/1974, en Santiago; 21 años, secretaria. Izquierda Revolucionaria (MIR) e integrante Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria del Movimiento Campesino Revolucionario (MIR), Caso de los 119, Operación Colombo. (MCR). María Angélica Andreoli Bravo María Edith Vásquez Fredes 06/081974, en Santiago; 27 años, estudiante 23/10/1973, en Curanilahue; 25 años, universitaria. Militante Movimiento Izquierda comerciante. Militante Partido Comunista Revolucionaria (MIR), Caso de los 119, (PC). Operación Colombo. María Isabel Beltrán Sánchez 18/12/1973, en Linares; 21 años, estudiante universitaria. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR).

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Muriel Dockendorff Navarrete 06/08/1974, en Santiago; 23 años, estudiante universitaria. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los 119, Operación Colombo.


María Elena González Inostroza 15/08/1974, en Santiago; 24 años, profesora de educación básica. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los 119, Operación Colombo.

Hernández 24/10/1974, en Santiago; 25 años, obrera textil. Vinculada al Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los 119. Operación Colombo

Jacqueline del Carmen Binfa Contreras 27/08/1974, en Santiago; 28 años, estudiante universitaria. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria MIR, Caso de los 119, Operación Colombo.

Cecilia Gabriela Castro Salvadores 17/11/1974, en Santiago; 24 años, estudiante universitaria Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los 119. Operación Colombo

Gabriela Edelweiss Arredondo Andrade Violeta del Carmen López Díaz 29/08/1974, en Santiago; 40 años, 19/11/1974, en Santiago; 32 años, estudiante secretaria. Vinculada al Movimiento Izquierda universitaria. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR). (No está en el Informe Revolucionaria (MIR). Rettig, pero es mencionada en el listado de la Elsa Victoria Leuthner Muñoz AFDD.) en septiembre de 1974, en Santiago; 32 años, profesora, ex secretaria de la senadora del Ida Amelia Vera Almarza 19/11/1974, en Santiago; 31 años, arquitecta. Partido Comunista (PC) Julieta Campusano. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria Sonia de las Mercedes Bustos Reyes (MIR). 05/09/1974, en Santiago; 30 años, secretaria. Militante del PDC y, al parecer, vinculada al Carmen Cecilia Bueno Cifuentes Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR). 29/11/1974, en Santiago; 24 años, cineasta. Vinculada, aparentemente, al Movimiento Caso de los 119, Operación Colombo. Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los Mónica Ghislayne Llanca Iturra 119. Operación Colombo. 06/09/1974, en Santiago; 23 años, empleada pública. Vinculada al Movimiento Izquierda María Julieta Ramírez Gallegos Revolucionaria (MIR), Caso de los 119. 30/11/1974, en Santiago; 65 años, dueña de casa, detenida cuando visitaba a su hija, Operación Colombo recluida en un centro de detención. María Cristina López Stewart 22/09/1974, en Santiago; 21 años, estudiante Marta Silvia Adela Neira Muñoz universitaria. Militante Movimiento Izquierda 09/12/1974, en Santiago; 29 años, Revolucionaria (MIR). Caso de los 119. empleada. Vinculada al Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR). Caso de los 119, Operación Colombo Operación Colombo. Amelia Ana Bruhn Fernández 04/10/1974, en Santiago; 34 años, María Teresa Bustillos Cereceda decoradora. Militante Movimiento Izquierda 09/12/1974, en Santiago; 24 años, estudiante universitaria. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR) Revolucionaria (MIR), Caso de los 119. Eugenia del Carmen Martínez Operación Colombo.

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Nilda Patricia Peña Solari 10/12/1974, en Santiago; 23 años, estudiante universitaria. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los 119. Operación Colombo.

07/07/1975 (aprox.), en Santiago; 23 años, estudiante universitaria. Dirigente estudiantil. Militante Partido Socialista (PS). Sara de Lourdes Donoso Palacios 15/07/1975, en Santiago; 25 años, estudiante universitaria. Militante Partido Socialista (PS).

María Teresa Eltit Contreras 12/12/1974, en Santiago; 22 años, estudiante de secretariado DUOC. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los AÑO 1976 119. Operación Colombo María Isabel Joui Petersen 20/12/1974, en Santiago; 19 años, estudiante universitaria. Militante Movimiento Izquierda Revolucionaria (MIR), Caso de los 119. Operación Colombo.

Clara Luz Rubilar Ocampo marzo de 1976, en Santiago; 25 años, estudiante. Militante Partido Socialista (PS). (No está en Informe Rettig, pero es mencionada en el listado de la AFDD.)

AÑO 1975

María Olga Flores Barraza 02/04/1976, en Quintero; 60 años, dueña de casa. Militante Partido Comunista (PC).

Frida Elena Laschan Mellado Sonia del Tránsito Ríos Pacheco 17/01/1975, en Valparaíso; 30 años, estudiante 05/04/1976, en Argentina. Sin otros datos. universitaria. Militante Movimiento Izquierda Elisa del Carmen Escobar Cepeda Revolucionaria (MIR). 06/05/1976, en Santiago; 42 años, obrera. María Isabel Gutiérrez Martínez Dirigente Partido Comunista (PC). 24/01/1975, en Valparaíso; 26 años, empleada administrativa del Servicio Médico Nacional de Eliana María Espinoza Fernández Empleados. Militante Movimiento Izquierda 12/05/1976, en Santiago; 44 años, comerciante. Militante Partido Comunista Revolucionaria (MIR). (PC). Carmen Margarita Díaz Darricarrere 13/02/1975, en Santiago; 24 años, estudiante María Cecilia Magnet Ferrero universitaria, militante Movimiento Izquierda 16/07/1976, en Argentina, junto a su cónyuge chileno; de nacionalidad argentina, socióloga. Revolucionaria (MIR). Militante del Movimiento de Acción Popular Modesta Carolina Wiff Sepúlveda Unitaria (MAPU). Acciones contra matrimonios 25/06/1975, en Santiago; 34 años, asistente mixtos argentino-chilenos. social. Militante Partido Socialista (PS). María Galindo Ramírez Mireya Herminia Rodríguez Díaz 22/07/1976, en Santiago; 26 años, secretaría 25/06/1975, en Santiago; 33 años, secretaria. administrativa. Militante Movimiento de Izquierda Revolucionaria (MIR). Militante Partido Socialista (PS). Rosa Elvira Soliz Poveda

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Clara Elena Canteros Torres Matilde Pessa Mois 23/07/1976, en Santiago; 21 años, empleada 29/05/1977, en Argentina. “Acciones contra laboratorista. Militante Juventud Comunista matrimonios mixtos argentino-chilenos”. (JC). Jenny del Carmen Barra Rosales Alicia Mercedes Herrera Benítez 17/10/1977, en Santiago; 23 años, estudiante 04/08/1976, en Santiago; 52 años, dueña de universitaria. Militante Movimiento de casa. Militante Partido Comunista (PC). Izquierda Revolucionaria MIR. Había sido detenida por primera vez en enero de 1974 y Julia del Rosario Retamal Sepúlveda recluida cerca de seis meses. 13/08/1976, en Santiago; 54 años, profesora primaria. Militante Partido Comunista (PC). Rosa Elena Morales Morales AÑO 1978 18/08/1976, en Santiago; 46 años, trabajaba en la Secretaría del Ministro del Trabajo. Cristina Magdalena Carreño Araya Militante Partido Comunista (PC). 26/07/1978, en Argentina. Militante Partido Comunista (PC). Lila Ludovina Valdenegro Carrasco 02/09/1976, en Valparaíso, detenida por agentes de seguridad que buscaban a su marido, ex alcalde y regidor del Partido Comunista (PC); 48 años, modista. Sin militancia política. Rachel Elizabeth Venegas Illanes 24/09/1976, en Argentina; institutriz. Militante Movimiento de Izquierda Revolucionaria (MIR). María Eliana Acosta Velasco 28/09/1976 y desaparecida en enero de 1977 en Argentina; de nacionalidad argentina, 34 años, dueña de casa. Militante Partido Socialista (PS). (No está en el Informe Rettig, pero es mencionada en el listado de la Agrupación de Familiares de Detenidos Desaparecidos (AFDD.)

AÑO 1977 Carmen Angélica Delard Cabezas 18/01/1977, en Argentina, junto a su cónyuge argentino. Acciones contra matrimonios mixtos argentino-chilenos. 471


Hommage à Jean-Blaise Grize logicien, fondateur du Centre de recherches sémiologiques (CdRS), Université de Neuchâtel (Suisse) Marianne Ebel, Neuchâtel, Pierre Fiala, Paris

Jean-Blaise Grize (1922-2013), professeur honoraire de l’Université de Neuchâtel, où il a enseigné près de 40 ans et qu’il a dirigée comme recteur entre 1975 et 1979, est mort le 3 août, dans sa 92me année. Logicien créatif et rigoureux, animé jusqu’au bout par une curiosité, une générosité intellectuelle, mais aussi une modestie scientifique sans égales, ce chercheur a toujours tenu à mettre son savoir au service des recherches collectives et des collaborations. Pédagogue passionné et passionnant, il a initié à la logique plusieurs générations d’étudiants et d’étudiantes, en Suisse romande, en France et dans nombre de pays. Celles et ceux qu’il a dirigés dans leurs travaux de recherches ou qui ont eu la chance de le connaître comme professeur se souviendront de la clarté de son discours et de sa capacité d’écoute. Après ses études initiales de mathématiques à l’Université de Neuchâtel, J.-B. Grize s’oriente vers la logique formelle en suivant les enseignements de Joseph Dopp à l’Université de Louvain. Il soutient sa thèse de doctorat à Neuchâtel (Essai sur le rôle du temps en analyse mathématique classique, 1954). Dès ses premiers travaux, il s’intéresse à l’épistémologie des sciences et aux formes de raisonnement non axiomatiques développées dans le cadre de la logique qu’il appellera « naturelle ». Il met au point des modèles de déductions qui retiennent l’attention des psychologues, notamment dans le cadre du Centre international d’épistémologie génétique de Genève animé alors par son 472

fondateur Jean Piaget, dont il devient bientôt un collaborateur précieux, au moment où la réflexion structuraliste se cherche des modèles explicatifs rigoureux. C’est lui qui fournira l’essentiel du contenu du Traité de logique opératoire signé par Jean Piaget et qui rédige des contributions importantes pour l’Encyclopédie de la Pléiade dirigée par Jean Piaget, Logique et Connaissance scientifique (1967). Logicien innovant, convaincu de l’intérêt d’une démarche interdisciplinaire en sciences humaines, il s’intéresse alors aux raisonnements non formels et aux divers types de discours argumentatifs susceptibles de trouver dans la logique naturelle des modèles explicatifs. Son enseignement de la logique naturelle trouve sa formulation didactique élégante dans Logique moderne I-III (Gauthier-Villars, 1969-1972). Il initie étudiant-e-s et chercheur-e-s à la pensée scientifique, non seulement à l’Université de Neuchâtel, où il fonde en 1969 le Centre de recherches sémiologiques (CdRS), mais aussi à Paris, Lisbonne, Besançon, Grenoble, Genève, Lausanne, Montréal et Sao Paolo. Soucieux de la mise en circulation des idées et de la nécessité des échanges et des collaborations scientifiques, il ouvre dès 1970 son séminaire interdisciplinaire de 3ème cycle sur l’argumentation à ses étudiant-e-s en logique du 1er ou 2me cycles, « pourvu que cela vous intéresse, vous êtes les bienvenus ! ». Dans l’Université de Neuchâtel, peu encline à l’époque aux changements pédagogiques, il sait trouver et faire reconnaître de nouvelles


formes académiques, invitant à partir de sa chaire de logique « ad personam » créée en 1962 par le Fonds national de recherches scientifique non seulement des chercheur-e-s de renommée internationale, mais aussi des jeunes étudiant-e-s encore peu expérimentés, qu’il encourage à travailler avec leurs aînés. Sans relâche, il aide, conseille et innove. Convaincu par l’importance des échanges intellectuels et du travail collectif, toujours ouvert aux idées et aux intérêts des autres, il organise au CdRS la séance du jeudi matin où, tour à tour, les collaborateurs et collaboratrices présentent leurs travaux. Christiane Tripet, la secrétaire du CdRS durant toute ces années, participe régulièrement aux rencontres de travail, prenant note des discussions et se chargeant de la mise en forme éditoriale des « Cahiers du CdRS », largement distribués. Si la logique naturelle reste au centre des intérêts de Jean-Blaise Grize, il n’hésite jamais à donner la parole à des chercheur-e- qui suivent d’autres orientations de recherche; il soutient et dirige nombre de recherches doctorales et projets très divers. Nous gardons un souvenir ému de l’intérêt et du soutien qu’il apporta à notre thèse en sociolinguistique sur le développement des discours xénophobes en Suisse. Il se battra dans l’institution universitaire pour que cette thèse de « sémiologie politique » sur les langages xénophobes en Suisse, écrite « à quatre mains » puisse faire l’objet d’une soutenance commune en 1983.

articles. Il y développe en particulier le concept de schématisation où s’articulent les diverses opérations énonciatives fondant l’activité discursive et les opérations cognitives. Ces travaux sont repris notamment dans Logique et Langage (Ophrys, 1990), Logique naturelle et communication (PUF, 1996), Logique naturelle, analyse du travail, ergonomie. (Octares, 2008), publié avec son ami Maurice de Montmollin, disparu en même temps que lui. Jean-Blaise Grize, s’est vu attribué le titre de docteur Honoris Causa par les universités de Paris VII, de Franche-Comté, de Toulouse et de Genève. Il laisse une œuvre riche ; celles et ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui, de le rencontrer ou simplement de l’écouter n’oublieront pas le style de cet homme, la finesse de son intelligence et sa parole vivante et précise, toujours émaillée d’une pointe d’humour.

Avec le psychologue François Bresson et le linguiste Antoine Culioli il anime à Paris dans les années 1970-1980 des séminaires de recherche (Université Paris 7, ENS ULM, MSH) proposant des modèles formels susceptibles de trouver des applications dans divers domaines des sciences humaines : psychologie cognitive, sémantique formelle, théories du discours, des modalités énonciatives, de l’argumentation. Penseur infatigable, il continue ses publications après sa retraite officielle (1987). Il synthétise ses recherches articulant la logique naturelle et les structures du discours dans de nombreux 473


HOMMAGE À LAURENT MONNIER politologue Université de Lausanne (Suisse) Marie-Claire Caloz-Tschopp, CIPh

Un ami nous a quittés. Il nous manque. Sentiment mêlé de tristesse, de joie. Sa mort ravive sa vitalité unique. Envie de sourire avec malice en se rappelant sa présence kafkaïenne, son humour. L’apparente maladresse dissimulait une suprême diplomatie de la ruse du déplacement. Entrevoir des pans du monde invisible et mettre un pied dans la porte entrouverte, une résistance toujours possible. Un ami qui nous laisse un art de vivre. Avec son style inimitable, il nous a appris que pour manger avec le diable, il faut avoir une cuillère plus longue que lui.

Laurent Monnier est décédé le 7 mai 2013 à Genève après une longue maladie. Plus de quarante ans de vie défilent. Son enseignement et ses recherches en Science politique à l’Université de Lausanne atypiques, socratiques suscitaient l’étonnement, la curiosité. Il laissait place à l’exploration libre, qui est le sens de la recherche. Avec son humour et sa philosophie de la vie, il nous rendait le monde habitable. Dans ses analyses politiques, quand il disait, ce qui compte, c’est chaque personne unique, il faisait écho à Hannah Arendt. Pour elle, à chaque fois, pour qu’il y ait un monde possible, il y a quelqu’un – une personne irremplaçable pour (re)commencer l’action.

 Laurent Monnier a été un fantastique passeur vers les zones invisibles de la domination, de la liberté et de la solidarité, d’une vérité toujours provisoire dans le travail de la connaissance.

A maintes reprises, il en a montré l’exemple par ses propres actions et engagements. Ils ont été parfois sanctionnés par l’Etat, sans que son intuition, son courage, son invitation à creuser l’histoire minoritaire réussisse à être effacé de la mémoire collective. Deux exemples. Lorsqu’il a organisé un cours-séminaire à l’Université de Lausanne sur le 474

statut du saisonnier, il a reçu un blâme du Conseil d’Etat du canton de Vaud. Après avoir vécu et enseigné au Zaïre pendant dix ans, le Fonds national de recherche scientifique suisse (FNSRS) a refusé son projet de recherche sur Patrice Lumumba. L’histoire de la politique d’immigration suisse avec l’annulation du statut de saisonnier à la suite de luttes sociales ardues a montré qu’un blâme peut être une légion d’honneur. Avec l’ère Mobutu, roi du Zaïre qui s’est approprié la lutte de décolonisation dans son immense pays, et les réfugiés arrivés dans ses cours, ce refus du FNSRS a montré que les institutions du savoir universitaire ont d’immenses résistances à intégrer dans la construction des connaissances les liens du pouvoir suisse avec des dictateurs dans la géopolitique impériale de la décolonisation.

 Quand il a invité Abdelmaled Sayad à l’Université de Lausanne, il nous a donné la possibilité de constater la rigueur du sociologue algérien refusant que la migration soit vue comme un « problème », et montrant que la migration est bien autre chose : la condition matérielle concrète de domination, d’exploitation de millions d’individus migrants dans le monde. Grâce à son invitation, par Laurent Monnier, l’Algérie est devenue une sorte de paradigme pour saisir les liens entre colonisation et migration et décrire l’injustice légitimée, banalisée.

 Quand il a invité Colette Guillaumin dans son cours-séminaire, il nous a offert la possibilité d’ouvrir les yeux, pour voir que « l’appropriation des êtres humains par d’autres êtres humains » définit, le pouvoir de domination dans sa


substance cachée. Et cela en partant de l’abîme du XXe siècle, du racisme moderne, du sexisme. Nous avons pu apprendre avec elle, grâce à l’invitation de Laurent Monnier, que les rapports sociaux de sexe, le rapport social transversal du sexage sont inscrits dans l’histoire, qu’ils sont bien à la fois plus anciens et ancrés dans la modernité capitaliste. Qu’ils impliquent une révolution épistémologique, méthodologique des sciences humaines et sociales et un déplacement idéologique radical de la science et du sens commun. Dans la droite ligne des travaux de Laurent Monnier.

Voir aussi: La leçon d'adieu: L’apartheid ne sera pas notre passé. Il est notre avenir. http://exil-ciph.com/htdocs/ressources_dwnld/ textes/M/Monnier.pdf

Quand il a participé au lancement du Groupe de Genève Violence et droit d’asile en Europe qui a regroupé des chercheurs, des professionnels, des militants au tournant des années 1980, alors que s’institutionnalisait l’Europe des polices et la violence d’Etat (Schengen), il s’est engagé avec d’autres dans une réflexion sur la violence et comment y résister.

Quand le mot apartheid n’était pas encore à la mode pour saisir la violence de nos sociétés – pas seulement l’Afrique du sud – il a avancé ce concept comme analyseur du pouvoir. Il l’a présenté dans sa leçon d’adieu à l’Université de Lausanne le 21 juin 1988, intitulée : L’apartheid ne sera pas notre passé. Il est votre avenir.

Nous n’avons pas fini de comprendre la radicalité de ce que Laurent Monnier nous a invités à imaginer, à décrire, à penser, à intégrer dans la conscience sociale. Nous n’avons pas fini de nous heurter jour après jour à la paroi de verre invisible qui nous sépare d’êtres humains pourtant nos égaux. Nous mesurons que la paroi de verre devient un mur de béton militarisé renforcé par des systèmes de sécurité à toutes les frontières. Que la violence devient une forme de guerre. Qu’aurait dit Laurent Monnier sur les drones utilisés dans la lutte dite « antiterroriste » et aux frontières de l’Europe dans la guerre aux migrant.e.s ? C’est une question de recherche qu’il aurait explorée. Il nous manque pour y travailler.

En hommage à Laurent Monnier, je vous invite à (re)lire sa leçon d’adieu. Qu’elle accompagne nos pensées, nos débats, nos travaux, nos actions. Qu’elle nous donne la force de continuer.

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CRONICAS DE LIBROS Y PELICULAS CHRONIQUES DE LIVRES, DE FILMS 477


loS muroS del Silencio relatoS de mujereS, violenciaS, identidad y memoria* edelmira carrillo paz – esther hernandez cid – Teresa veloso Bermedo La Colectiva Mujeres por la Memoria, el Programa Multidisciplinario de Estudios de Género (PROMEG) de la Universidad de Concepción y Ediciones Escaparate, con el auspicio del Fondo para Iniciativas de Mujeres Alquimia, el Programa del Colegio Internacional de Filosofia en Paris y el Cantón de Ginebre-Suiza, tienen el agrado de invitar a Ud. al lanzamiento del Libro “Los Muros del Silencio, relatos de mujeres, violencias, identidad y memoria”, que se realizará en el marco de la Conmemoración del Dia Internacional de la Mujer, el Jueves 8 de marzo a las 18.00 horas en la Sala Generación del 13, en la Pinacoteca de la Universidad de Concepción. En esta oportunidad comentarán el libro la Dra. jeanne W. Simon, Directora Magister en Politica y Gobierno de la Universidad de Concepción; Lily Rivas Labbé, ex presa politica y caroll Schilling Lara, académica de la Universidad santo Tomás y de la Red Enlazadores de Mundo. Marie-Claire Caloz-Tschopp, Ginebra, frebrero 2012

*TraducTion française en cours

Bulletin de commande (à renvoyer à: exil.ciph@gmail.com) Je commande _____ exemplaire(s) du livre Los Muros del Silencio, au prix de CHF 22.- plus CHF 5.- de frais de port.* nom :

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CP Repenser l’exil / Marie-Claire Caloz-Tschopp / 1000 Lausanne CCP no. 17-292958-7 / Mention: livre Chili1


Résistantes, toujours Recension de l’ouvrage d’Edelmira Carrillo Paz, Ester Hernández Cid, Teresa Veloso Bermedo Los Muros del Silencio. Relatos de mujeres, violencias, identidades y memoria [Les murs du silence. Récits de femmes, violences, identité et mémoire] Chile, 2012, Escaparate, Ediciones Fanny Jedlicki, UMR IDEES/URMIS, université du Havre

Trois voix de femmes s’élèvent et font revivre un douloureux passé à travers l’écriture à la fois individuelle et collective de cet ouvrage : Edelmira Carrillo Paz, Ester Hernández Cid et Teresa Veloso Bermedo, anciennes assistantes sociales pour les premières, sociologue pour la troisième ont pris la plume afin d’abattre les « murs du silence ». Toutes trois militantes miristes–1 à Concepción, ville emblématique du Mouvement de la Gauche Révolutionnaire chilienne, elles sont, comme tant d’autres, pourchassées par la Junte militaire à partir du 11 septembre 1973. Elles vont être arrêtées, séquestrées, violées, torturées, emprisonnées par des agents de celle-ci. Elles subiront également l’exil : en Suède et au Venezuela pour l’une, l’exil 1    Militantes du MIR (Movimiento de Izquierda Revolucionaria : mouvement de la gauche révolutionnaire).

intérieur, dans la clandestinité chilienne pour l’autre, et en Suisse pour la troisième. Le titre de l’ouvrage reprend l’expression de la psychologue Alice Miller, dont les travaux dédiés à la maltraitance infantile évoquent une possible guérison par la mise en souvenirs (la conscience), et donc en mots, des souffrances vécues, contre lesquelles les victimes érigent inconsciemment un silence protecteur. Ici, les murs se déclinent au pluriel : officiels, à travers le déni des exactions commises entre 1973 et 1989, déni prolongé durant des années par les gouvernements de la Concertación et amplifié par l’impunité dont jouissent bourreaux et responsables jusqu’à encore récemment. Effets des traumatismes extrêmes provoqués volontairement par le régime de terreur pinochétiste, les murs sont également internes, psychologiques, le silence

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rimant alors avec une forme d’enkystement de la mémoire–2. Aussi l’impossibilité d’être entendues rencontre l’impossibilité de parler–3, propre à bien des survivant-e-s, dont la culpabilité d’être toujours en vie quand d’autres sont morts et/ou porté-e-s disparue-s, enfouit plus profondément des mots qui pourraient sonner comme des plaintes. Pourtant, au-delà de la dimension curative qu’entraîne la prise de parole, l’ouvrage est investi d’un « devoir historique et politique » : celui de témoigner pour celles et ceux qui ne sont plus là comme pour l’établissement d’une vérité historique. Ainsi, trouve t’on dans Les murs du silence, des hommages rendus à des ami-e-s, camarades, parfois inconnu-e-s, rencontré-e-s au lycée, durant la militance politique, en prison ou encore durant la lutte clandestine. L’écriture constitue bien un acte de mémoire, en tant que réminiscence d’événements passés et passés sous silence mais aussi en tant que vecteur de transmission, en particulier aux nouvelles générations. C’est à travers un «  collectif de femmes pour la mémoire  » qu’Edelmira Carrillo Paz, Ester Hernández Cid et Teresa Veloso Bermedo ont élaboré les cadres structurants d’une remémoration collective et réflexive, entreprise en 2009 à travers discussions, recherches et lectures. Le monde dans lequel elles ont vécu et qu’elles convoquent pour l’analyser dans ces 309 pages, est pensé au fil de l’écriture, comme elles l’ont pensé autrefois, émerveillées par le pouvoir d’élaboration découvert en cours de philosophie. L’objectif reste le même : agir sur le monde afin de le transformer. Leur démarche articule ainsi résolument expériences, savoir et politique, l’engagement étant directement connecté à ce qui est vécu et ressenti. 2   Afin de comprendre les effets psychiques provoqués par la violence extrême, voir Marcelo Viñar (« El enigma del traumatismo extremo. Notas sobre el trauma y la exclusión. Su impacto sobre la subjetividad », Paris, juin 2009 : http://exil-ciph.com/htdocs/ressources_dwnld/textes/V/ VIGNARmarcelo_Trauma_E.pdf) 3   Primo Levi (1995) Le devoir de mémoire, Paris, éd. Mille et Une Nuits ; Jorge Semprun, Elie Wiesel (1995) Se taire est impossible, Paris, éd. Mille et Une Nuits.

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L’ouvrage est découpé en trois parties, dans laquelle chacune revient sur son propre parcours ; chaque partie correspond à une séquence de vie (enfance/adolescence/ jeunesse) qui constitue un moment de prise de conscience politique. En tête de parties, des mises en contexte sociopolitiques et philosophiques guident les lecteurs, tandis que le texte est égrené de fragments de textes littéraires, poétiques ou encore de chansons. De façon parfois ethnographique, la vie quotidienne et les rapports sociaux qui la composent sont relatés depuis les années 50, nous révélant les solides fondations sur lesquelles reposent les « murs du silence », audelà de la violence dictatoriale : celles-ci sont tout à la fois patriarcales, classistes, racistes et catholiques. Les univers varient dessinant les espaces sociaux des classes populaires rurales et urbaines du sud du Chili–4. Tour à tour lectrice et lecteur découvrent l’hacienda des «  patrons allemands  », grands latifundistes qui maltraitent leurs employés-paysans ; une petite ville de mineurs ; le monde des travailleurs du chemin de fer, qui sera actif au Chili jusqu’à la dictature militaire ; les écoles et internats de province ; le lycée et l’université. Ces espaces d’exploitation, donc de misère, comportent également des poches de résistance  : contre-pouvoir syndical, solidarité familiale et de voisinage, puis bien sûr les luttes des années 60 et l’avènement de l’Unité Populaire. Leurs premières expériences sont celles de filles qui assistent des femmes (des mères, tantes, sœurs…) et se dédient aux travaux domestiques et aux soins de familles nombreuses, sans surprise soumises à l’autorité et au bon vouloir de leurs époux et maîtres. Dépossédées de leurs corps et de leur droit à en disposer, filles et femmes sont profondément opprimées dans leurs familles comme dans les institutions scolaires. Les violences systématiquement exercées 4   L’histoire politique du sud du Chili, en particulier l’histoire rurale et celle des femmes, est méconnue ; signalons toutefois les travaux de Claudio Barrientos, historien de l’Université Diego Portales.


contre elles se déploient évidemment durant la répression du régime militaire, qui vise notamment à renforcer l’ordre patriarcal : il faut remettre les femmes à leur place, celle d’individus dépendants et soumis (comme doivent l’être également ouvriers, employés et paysans). Les viols massivement exercés sur les femmes ne seront reconnus [et bien mal reconnus, nous disent les auteures] qu’en 2004 –5. La lecture de la troisième partie de l’ouvrage, relatant la répression et la torture, est à la fois dure et nécessaire : il s’agit là d’un des pans peu connus de l’histoire de la répression chilienne. L’arbitraire, les violences, les humiliations n’ont pas visé seulement à sanctionner brutalement les militant-e-s ni à défaire les organisations politiques et syndicales, mais à «  plier et transformer  » –6 hommes et femmes : le projet politique de la torture vise la souffrance extrême de l’individu, à lui ôter son humanité, à le faire basculer dans la folie. Mais Edelmira Carrillo Paz, Ester Hernández Cid et Teresa Veloso Bermedo n’ont pas été des trophées de guerre, ou comme on leur a claironné durant leur détention des « putains » et/ou des femmes qui ne militaient pas par conviction mais par amour pour un camarade, incapables d’engagement politique conscient et autonome ; elles ont résisté à leurs bourreaux et au désespoir, comme tant d’autres prisonnier-e-s et des membres de leurs familles, des camarades et ami-e-s. Les récits du quotidien dans les prisons de femmes qu’elles nous livrent en constituent une belle illustration. L’une d’entre elles, qui a échappé à la prison, relate la résistance clandestine durant les pires années de la répression

militaire. Et l’écriture de cet ouvrage constitue l’un des maillons de cette résistance. Les trois auteures ont ainsi toujours combattu les systèmes d’oppression et les agents qui les portent, qui se sont exercés contre elles, parce qu’elles sont femmes, issues de milieux populaires, militantes de gauche. Elles ont toujours résisté à ce et ceux qui voulaient les entraver et les briser : depuis les pierres jetées par Ester sur son beau-père alcoolique qui brutalisait systématiquement sa mère, en passant par les disputes de Teresa avec ses enseignants pour que sa classe rejoigne le mouvement de grève des lycéens, étudiants et fonctionnaires publics de santé, jusqu’aux luttes actuelles en faveur des Mapuches et de la défense de l’environnement notamment, auxquelles nous exhortent Edelmira. Sans doute ont-elles été plus armées que d’autres pour le faire, grâce à une socialisation familiale marquée par des personnalités masculines de gauche qui les ont poussées à faire des études supérieures. La lecture de cet ouvrage saisit lectrice et lecteur avec une puissance toute particulière. S’inscrivant dans le sillage d’Hannah Arrendt et de Cornelius Castoriadis, son écriture profondément engagée, ancrant le cheminement militant dans l’existence vécue tout en mobilisant de pertinentes références théoriques et historiques, donne à voir ce que prendre conscience et agir signifie. Nous l’avons lu avec intérêt, admiration et émotion et c’est avec impatience que nous attendons le deuxième volume, qui concernera les expériences d’exil, de retour et de citoyenneté.

5   Là encore il y a peu de travaux ; voir par exemple Javier Maravall Yáguez « Las prisioneras políticas bajo la dictadura militar », in Stockholm review of latin american studies, Issue No. 5, September 2009. 6    Sur la prison voir le numéro 55 de Cultures & Conflits (2004) « Prisons et résistances politiques. Le grondement de la bataille » (http://conflits. revues.org/1503), en particulier les articles de Ricard Vinyes, « L’univers carcéral sous le franquisme », et de Philippe Artières et Denis Dabbadie, « Résister à la prison par l’autobiographie : Véra Figner et les prisons tsaristes ».

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LIVRES Barbara Cassin, 2013. La Nostalgie. Quand donc est-on chez soi ? Paris, Autrement.

Nostalgie, mal de terre. En Corse ou à Ithaque, Barbara Cassin et l’impossible retour chez soi Par ROBERT MAGGIORI, Libération 3 avril 2013

Mais de quoi la nostalgie est-elle la douleur ? Ni du proche, qui est là, à disposition, ni du lointain, hors de vue, hors de prise. De la proximité du lointain, sans doute, d’une terre qu’on a quittée et d’où on ne peut s’éloigner, d’une terre d’où on s’est éloigné et qu’on ne sait quitter. Souffrance étrange, si l’étranger, disait Simmel, est le plus lointain des proches et le plus proche des lointains, douleur (algos) du retour (nostos) à un « chez soi » (heim) devenu unheimlich, d’une «  inquiétante étrangeté ». Philologue et philosophe de renom, Barbara Cassin l’éprouve, cette «  irrépressible nostalgie », chaque fois qu’elle « fait retour en Corse », chaque fois qu’au parking de l’aéroport elle reprend « la Peugeot blanche hors d’âge, toujours immatriculée 75 », emprunte la route « qui passe par la lagune », à travers « les gros citrons, melons, pastèques, déjà les figues », et se retrouve dans son village. Est-ce parce que là se dresse une lauze, avec le nom, la date de naissance et de mort de son mari, et qu’à côté est préparée sa propre tombe, « qui sonne encore creux » ? Comment faitelle « retour chez soi », elle qui n’a passé en Corse ni son enfance ni son adolescence, qui est née et demeure à Paris, a « l’accent pointu

d’un pinsoute  », vient par sa mère d’une famille « d’origine juive hongroise via Trieste et les terres irrédentes », et, par son père, de « banquiers du pape » du comtat Venaissin, sinon de « lointains pirates barbaresques » ? Que signifie « être chez soi », quelles émotions, quelles douleurs, quelles raisons font savoir et sentir que l’on s’y trouve, alors même qu’on « se plaît et espère demeurer » à jamais « sans racines  »  ? Il faut interroger la nostalgie mélancolie, spleen, blues, saudade, acédie, dor, Sehnsucht, desengaño - pour le savoir, ainsi que le rapport entre patrie, hospitalité, exil, langue maternelle… Poème. Avant de questionner une autre déracinée, Hannah Arendt, dont la langue allemande demeurera la patrie, Cassin se tourne vers son pays culturel, la Méditerranée, accompagne le Troyen Enée jusqu’au Latium, plonge dans la pensée, les mythes, les mots de la Grèce antique, suit pas à pas Ulysse jusqu’au «jour du retour», à Ithaque. L’Odyssée est sans doute le poème même de la nostalgie. Mais le terme, on ne le trouve ni chez Homère, ni dans aucun texte grec. Ce mot, « qui sonne parfaitement grec », est « un mot suisse, suisse allemand ». Il aurait été 483


inventé en 1678 par un médecin, Jean-Jacques Harder, « pour dire le mal du pays, Heimweh, dont souffraient les fidèles et coûteux mercenaires suisses de Louis XIV », ou en 1688, par Johannes Hofer qui, dans sa thèse de médecine, décrit des « histoires de jeunes gens » dont la maladie disparaissait quand ils rentraient à Berne ou Lucerne et entendaient de nouveau « le ranz des vaches ». Plus instructive est l’origine mythique, poétique, car, si le mot n’y est pas, la « chose », elle, est bien dans l’épopée d’Ulysse. Après tant d’épreuves, de déambulations, d’empêchements, le héros homérique est enfin «  chez lui  », retrouve « son lit enraciné, creusé de ses mains dans un olivier autour duquel il a construit sa maison ». Nostalgie : mal du déracinement et de l’enracinement. Lorsque l’Odyssée se termine, Ulysse semble bien être at home. Mais ce n’est pas la fin de son odyssée : aux Enfers, Tirésias lui fait savoir qu’il doit aller « plus loin encore », « par les villes, portant dans ses bras une rame polie, jusqu’à ce qu’il parvienne chez des gens qui ne connaissent pas la mer, ni le sel dans les aliments, ni les navires aux joues de vermillon, ni les rames qui sont les ailes des navires ». Quand sera-t-il «  à la maison  », oikade  ? Parviendra-t-il jamais à l’« extrême étranger », en un finistère assez éloigné pour que « ceux qui ignorent la mer et la gloire grecque », qui ne peuvent pas même imaginer un navire, prennent la rame pour une « pelle à grain » ? Aussi loin qu’il aille, il n’est pas encore arrivé ! « Ce pas encore est, à mes yeux, précisément le temps de la nostalgie. » « Barbares ». Le voyage de la Nostalgie n’est pas terminé. Après l’Odyssée, l’Enéide. Pour qu’on laisse en paix Enée, chassé de Troie en flammes, emportant sa patrie sur son dos (son père Anchise, tenant dans ses mains « les objets sacrés et les Pénates de la patrie »), il faut que Jupiter « cède sur un point » : « Enée ne parlera plus grec mais latin, la langue de ceux qui habitent là où il s’installe. » Nostalgie de l’exil, qui fait abandonner la terre des pères 484

et la langue des mères. Est-ce « avec la langue de l’autre que l’on se fait une nouvelle patrie » ? Quelle langue ? Celle qui identifie, sculpte le « peuple » et exclut les « barbares », ou celles, multiples, de l’exil, qui ne font pas des racines, mais, dit Barbara Cassin, « un monde qui ne se referme pas, plein de semblables différents, comme soi pas comme soi ».


Voir aussi: Derrière les grilles (d’évaluation), dir. coll. Appel des appels, Mille et une nuits, 2013. Centre Léon Robin, Recherches sur la pensée antique UMR 8061, CNRS, Université Paris-Sorbonne, ENS ULM.

http://www.centreleonrobin.fr

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LeTemps.ch ECLAIRAGES mercredi 15 juin 2011

Patricio Guzmán, force de gravité Propos recueillis par Thierry Jobin

> Rencontre Le cinéaste de la mémoire chilienne signe un chefd’oeuvre: «Nostalgie de la lumière» > Un film qui est comme l’équivalent documentaire de «2001: l’Odyssée de l’espace» > La création de l’Univers y dialogue avec les civilisations millénaires, la naissance de l’industrialisation et les victimes de Pinochet

Depuis près d’un demi-siècle, Patricio Guzmán, né en 1941 à Santiago du Chili, documente la mémoire de son pays: des premiers essais (La Tortura y otras formas de diálogo, 1967) au plus récent Salvador Allende(2004), sans oublier sa trilogieLa Bataille du Chili (19751979). Un an après sa présentation à Cannes, son sublime dernier film sort enfin: Nostalgie de la lumière (lire critique p. 30), réflexion vertigineuse née dans le désert d’Atacama, à 3000 mètres d’altitude. Cette «parcelle de la planète Mars sur la planète Terre» est mondialement connue pour ses observatoires qui réunissent les astronomes du monde entier. Il se trouve que l’entourage immédiat des télescopes pointés sur les origines de l’Univers fourmille également d’historiens intéressés par les vestiges des débuts de l’industrialisation, d’archéologues et paléontologues qui recherchent les traces de civilisations millénaires, mais aussi de quelques femmes qui fouillent toujours le sable en quête de restes de leurs parents, fils et maris disparus durant la dictature de Pinochet. Un lieu de mémoire dans tous les sens du terme.

Un lieu qui n’attendait qu’un grand cinéaste. Le Temps: Comment, avec une matière si riche, êtes-vous arrivé au titre «Nostalgie de la lumière»?

Patricio Guzmán: Comme toute chose artistique, je dirais: par hasard. J’ai consacré pas mal d’années au scénario de ce film. J’ai passé beaucoup de temps dans le désert d’Atacama. J’ai tissé patiemment un lien cohérent entre les momies, l’archéologie, la cosmologie, bref: tous ces éléments extraordinaires qui cohabitent sur ce même lieu. Durant cette période de recherche, un ami m’a rendu visite pour me raconter sa rencontre avec un astronome français très connu, Michel Cassé, professeur à l’Institut d’astrophysique de Paris qui a écrit, dans les années 1980, un livre intitulé Nostalgie de la lumière. Il s’agissait d’un livre technique: l’astronomie d’un point de vue mathématique. Mais avec un titre formidablement poétique. Nous avons donc rencontré ce monsieur à l’Observatoire d’Atacama. Il se trouve qu’il n’appartient pas au type d’astronomes qui 487


sont plutôt fermés, mais à celui constitué de scientifiques qui aiment partager leur passion en passant par la poésie, l’évocation religieuse ou la philosophie. Est-ce une approche nouvelle?

Tout à fait. Dans les années 1980, c’était presque inimaginable. Aujourd’hui, beaucoup d’astronomes cherchent à communiquer l’amplitude de l’Univers, y compris par des biais proches de la mystique. Au terme de notre discussion, Michel Cassé m’a dit: «Prends mon titre, Patricio: c’est mon cadeau.» Cette complicité et cette générosité soudaines entre un scientifique et un artiste m’ont beaucoup ému. Aviez-vous des connaissances en astronomie?

Absolument. C’est ma passion. J’avais, depuis longtemps, le désir de connaître l’Observatoire d’Atacama et ses activités. Et j’ai obtenu le permis pour visiter et surtout tourner partout. Ça n’a pas été facile: ils n’aiment pas être dérangés et étaient très soucieux quant à la nature de mon film. J’avais évidemment de grandes difficultés à l’expliquer sans avoir vu le potentiel que l’Observatoire m’offrirait. J’ai donc dû revenir avec un schéma plus précis et je me suis longuement concentré sur l’archéologie, ainsi que sur les rencontres avec ces femmes qui cherchent leurs disparus dans le désert. Ça aussi, ce n’était pas évident. Dans les années 1980, elles étaient populaires au Chili, notamment parce qu’elles étaient une bonne centaine. Aujourd’hui, elles ne sont plus que 12. Et deux seulement sont actives et y croient encore. Ce sont les plus radicales, les plus obstinées, mais elles sont à présent marginalisées. C’est pourtant grâce à elles, notamment, que j’ai pu écrire les premiers paragraphes. L’ensemble de l’écriture, et la recherche d’une logique, entre guillemets, m’a demandé trois années de labeur. Les pièces finalement filmées et assemblées ressemblent-elles encore à ce scénario?

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C’est très mystérieux, ce qui se passe entre l’écrit et l’écran. Mais oui! D’autant que, dès le début, je me savais en possession de pièces qui ne pouvaient que mener à un très bon film. J’étais conscient de son originalité aussi: on ne voit pas tous les jours un mélange entre cosmos et vie humaine. La preuve? Les chaînes de télévision que j’ai approchées m’ont regardé comme si j’étais devenu un peu fou. Ils ne vous connaissaient pas?

Quand bien même, ça ne change rien, dès lors qu’il faut avancer de l’argent pour un film! Ils auraient préféré que je continue éternellement à faire des films sur la mémoire chilienne. Quand un réalisateur change, même très peu parce qu’il est aussi question de la mémoire chilienne dans Nostalgie de la lumière, de registre, ils prennent peur. Pour eux, un documentariste qui fait son premier film de fiction, c’est dangereux et même pire que le premier ouvrage d’un jeune qui vient tout juste de sortir d’une école. C’est absurde! Du coup, ma compagne, Renate Sachse, est devenue productrice pour trouver des fonds en France, en Allemagne et en Espagne. Le film dit qu’il y a comme une volonté d’oubli ou d’amnésie de la part d’une frange importante de la société chilienne. Etait-ce, peut-être aussi, un tabou pour les télévisions de votre pays?

Je ne crois pas. Le problème de l’amnésie chilienne qui apparaît dans le film est, selon moi, une caractéristique de l’histoire collective. Ce qui a fait peur, vraiment, c’était le mélange entre cosmos, momies, veuves, ossements, astéroïdes, etc. Ils ne voyaient pas comment, avec tous ces éléments éminemment cinématographiques, je pouvais construire une histoire différente et parler de l’importance de la mémoire. Le désert d’Atacama possède pourtant une force métaphorique hors du commun. D’autres artistes avant vous, écrivains ou autres, avaient-ils déjà exploré ces liens?


Non. Personne n’avait pensé à rapprocher les découvertes d’exoplanètes, par exemple, et celles, dont les journaux ne parlent plus d’ailleurs, d’ossements de victimes de Pinochet.

l’émotion nous a tous submergés. Il a rendu le dialogue possible et l’apaisement qui a suivi est dans le film. C’est même une tonalité qui, je crois, a envahi le film tout entier.

Après vos précédents films, on peut avoir le sentiment que «Nostalgie de la lumière» est enfin l’oeuvre qui vous permet de relever la tête après des années d’oppression.

Oui. C’est une renaissance. Je peux enfin voir dans l’espace et non plus ce qui est enfoui dans la terre. Au fond, le problème chilien est universel: c’est celui d’une amnésie générale face aux événements du XIXe siècle. Quand on touche à la mémoire chilienne, on touche aussi aux Espagnols, aux Français, aux Turcs, etc. Une des veuves raconte que les ossements ressurgissent dans le désert parce que le soleil et la chaleur les blanchissent jusqu’à les faire briller. Comme si la mémoire ne pouvait pas se soustraire à la lumière.

C’était merveilleux à filmer: ces restes enfouis scintillaient comme pour se rappeler au monde et dénoncer les exactions du régime Pinochet. Je pense que la mémoire possède une force de gravité. C’est une conviction qui n’a évidemment rien de scientifique. Un astronome m’a même dit que j’émettais là une «énonciation impossible». Sauf que tout revient toujours. C’est comme si l’humanité possédait, en son centre, un trou noir qui attire inexorablement tout ce qui s’est passé. J’ai coupé une scène, à la fin du film, où un astronome, rencontrant ces deux femmes en quête d’ossements, panique à l’idée de ce qu’il va bien pouvoir leur dire. Et elles aussi se demandaient quel sujet de conversation elles pourraient avoir avec lui. L’astronome a alors eu une idée géniale. Il s’est assis et il a dit: «Pour chercher vos disparus, il faut interroger la Lune. Parce que la Lune voit tout ce qui se passe sur Terre. Depuis des millions d’années, elle est là pour observer notre devenir. Demandez-lui où sont les corps.» Grâce à ce scientifique aux propos si peu scientifiques, 489


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Eichmann à Jérusalem, le procès des malentendus Sylvie Arsever, journaliste, Genève Article paru dans Le Temps (supplément culturel du samedi 8 juin 2013)

Avec son film, «Hannah Arendt», la cinéaste Margarethe von Trotta relance le débat sur les positions de la philosophe au moment du procès Eichmann à Jérusalem, sur sa critique du rôle des «Judenräte» et sur son fameux concept de «banalité du mal» Méprise alimentée par une désinvolture mal placée? Ou œuvre fondamentale pour comprendre le terrible XXe siècle? Cinquante ans après sa parution, ranimé par la diffusion du film de Margarethe von Trotta, Hannah Arendt, le reportage consacré par la philosophe au procès Eichmann, tenu à Jérusalem en avril et mai 1961, divise comme au premier jour. Et les lignes de fracture sont toujours les mêmes. L’appréciation contestée des Judenräte, ces conseils mis en place par les nazis pour organiser la vie des ghettos dans lesquels ils puisaient, convoi après convoi, les humains destinés à l’extermination. Et le concept de «banalité du mal» qui voit dans Eichmann non un fanatique démoniaque mais un fonctionnaire ordinaire ayant mené sa carrière sans jamais penser activement ce qu’elle l’amenait à faire. La rencontre, dès le début, est explosive. Lorsqu’elle assiste, le 12 avril 1961, à l’ouverture du procès ouvert contre l’ Obersturmbannführer Adolf Eichmann, ancien responsable des affaires juives et de l’émigration au Bureau central de sécurité du Reich, Hannah Arendt est une universitaire connue, notamment, pour ses travaux sur le totalitarisme. Formée en ¬Allemagne, élève de

Martin ¬Heidegger, Edmund Husserl et Karl Jaspers, elle a aussi milité dans le mouvement sioniste, où elle s’est engagée pour un Etat binational, arabe et juif, en Palestine. Elle est là comme envoyée spéciale – et de luxe – du New Yorker. Elle n’y restera que relativement peu, vite appelée par d’autres activités et sans doute aussi agacée par le ton du procès. Ce dernier joue un rôle tout particulier dans le processus d’affirmation du nouvel Etat hébreu. Identifié à Buenos Aires où il vit depuis dix ans dans une clandestinité très relative, Adolf Eichmann est enlevé le 11 mai 1960 et exfiltré. Par cet acte qui viole formellement les règles relatives à l’extradition, Israël affirme son droit supérieur à exercer, au nom du peuple juif, une justice qui piétine tant en Allemagne qu’en Amérique latine, où les complicités permettant à d’anciens criminels de vivre sans être inquiétés restent actives. Il ne s’agit pas seulement de juger un des artisans centraux de la Shoah. Mais aussi de mettre cette dernière, pour la première fois, au centre du processus judiciaire. A Nuremberg, si les «crimes contre l’humanité» reprochés aux dignitaires nazis visaient avant tout l’extermination des juifs d’Europe, les débats portaient sur l’ensemble de leur entreprise de destruction. L’accusation, enfin, vise à la fois le crime contre l’humanité et le crime contre le peuple juif, catégorie juridique qui fonde le droit d’Israël à agir au nom de tous les juifs. Malgré – ou en raison de – son compagnonnage 491


avec le sionisme, Hannah Arendt juge ce processus d’un œil plus que critique. Si elle défend le droit d’Israël à juger Eichmann, elle conteste le choix de la notion de crime contre le peuple juif, une catégorie inutile, de nature à faire perdre de vue le sens du crime contre l’humanité: un acte certes dirigé contre un groupe donné mais qui attente, en réalité, à la capacité même des groupes humains à vivre ensemble, c’est-à-dire, littéralement, l’humanité elle-même. Elle s’élève également contre la stratégie du procureur Gideon Hausner de transformer le procès en mémorial des souffrances juives. Ce qu’il s’agit de juger, martèle-t-elle, c’est exclusivement la culpabilité d’Adolf Eichmann.

Pour beaucoup, la controverse, alimentée notamment par les communautés juives américaines, précède la lecture du livre qu’elle consacre au procès en 1963. Dans ce contexte, le concept de «banalité du mal» dont elle fera le sous-titre de la seconde édition (et qui disparaîtra par la suite des rééditions), est interprété comme une forme d’exculpation. En acceptant, peut-être un peu facilement, les protestations de l’accusé selon lesquelles il n’était pas antisémite, en en faisant un banal fonctionnaire occupé à faire carrière dans un système criminel, elle l’aurait en somme exempté de toute responsabilité morale, pire, réduit le massacre des juifs d’Europe à un événement trivial.

Un autre point, enfin, suscite sa colère: de façon répétée, le procureur demande aux survivants venus témoigner pourquoi ils n’ont pas résisté. Une question centrale dans un Etat vécu comme l’occasion enfin donnée aux juifs de cesser d’être des victimes sans défense. Mais déplacée, juge-t-elle, dans les circonstances où les témoins avaient été précipités. A leur totale impuissance, elle ¬oppose toutefois le statut des ¬Judenräte, dont elle juge la responsabilité importante. La controverse retiendra ce deuxième point, pas le premier. On lui reprochera d’avoir rendu les juifs responsables de leur propre persécution alors qu’elle a plutôt voulu dire, estime la philosophe Marie-Claire Caloz-Tschopp, que la ¬responsabilité morale dépendait, entre autres, de la situation de chacun dans la hiérarchie ¬sociale.

Accusations manifestement infondées: si elle tient effectivement à lire les actes d’Adolf Eichmann non comme une continuation de l’antisémitisme historique du monde chrétien mais comme la manifestation d’un phénomène entièrement moderne de déshumanisation des rapports sociaux par le totalitarisme, Hannah Arendt n’exculpe jamais l’ancien SS. Elle justifie au contraire sa condamnation à mort et s’élève avec vigueur contre tout concept de culpabilité ou d’innocence collectives. La question posée par le ¬procès est au contraire, à ses yeux, de déterminer les conditions de la culpabilité – et donc, à l’inverse, de la résistance morale – dans un ¬système où tous les repères ¬moraux traditionnels ont été effacés. C’est, relève Marie-Claire ¬Caloz-Tschopp, dans ce contexte qu’elle développe, de façon intuitive, puis plus argumentée 10 ans plus tard, dans son livre La Vie de l’esprit, une philosophie où la pensée comme action de liberté, de pluralité, de compréhension peut permettre d’éviter le mal politique extrême.

Ces critiques, et ce sera notamment ce que lui reproche son ami le philosophe Gerson Scholem, sont formulées sur un ton catégorique, enlevé, voire persifleur, alors que les souffrances évoquées au procès auraient justifié plus d’empathie. Il reproche à l’auteure de manquer d’amour pour le peuple juif, ce que d’autres traduiront en refus de sa propre judaïté, dénotant derrière ses critiques de Gideon Hauser une hostilité proprement allemande aux juifs de l’Est. 492

«Hannah Arendt procède souvent par paradoxe. Dans le reportage Eichmann à Jérusalem, elle met au jour le paradoxe selon lequel le mal extrême peut advenir banalement, simplement parce que ceux qui le font advenir ne pensent pas à ce qu’ils font, c’est-à-dire le font automatiquement, sans s’interroger


sur les conséquences incalculables. Elle ne banalise pas la responsabilité humaine, mais affirme au contraire que même face à des formes de violence inouïes, l’activité de penser est vitale. C’est une boussole non seulement pour décrire les faits mais aussi pour dégager une position éthique de résistance.» L’historiographie, depuis, a donné des arguments aux adversaires de la philosophe. Sur ¬l’action des Judenräte comme sur l’ensemble du processus d’extermination mis en place par les ¬nazis prévaut désormais une appréciation plus différenciée, qui n’exclut pas, dans certains cas, la critique des auxiliaires juifs des bourreaux mais qui fait apparaître bien rapide le jugement global selon lequel ces conseils ont, à partir de 1941, systématiquement aggravé le sort des populations dont ils avaient la charge. Quant à Adolf Eichmann lui-même, une biographie récente en brosse un portrait moins soumis que celui qu’il s’était efforcé de donner au procès. Présent à plusieurs reprises sur le front de l’Est pendant la Shoah par balles, activement engagé en Hongrie vers la fin de la guerre pour mener à chef les dernières déportations malgré les ¬hésitations de Himmler, ¬l’Obersturmbannführer SS ne s’est pas contenté d’obéir. Il a adhéré à l’idée nazie selon laquelle les juifs constituaient, pour le peuple allemand, un danger à éliminer. Mais il n’est pas sûr que ce portrait invalide la thèse centrale de la philosophe: pris dans un processus criminel qu’il n’avait pas initié mais auquel il a adhéré, Adolf Eichmann s’est rendu immensément coupable, non par volonté de nuire mais par incapacité à penser réellement ses actes et leur portée. Un comportement dont, hélas, l’histoire continue de montrer jour après jour qu’il n’a rien d’exceptionnel.

À lire: AMIEL, ANNE: Expérience et conceptualisation (Hannah Arendt). Comment se pensent les révolutions? Comment les penser? Article publié in Caloz-Tschopp M.C. (dir.), Penser pour résister. Colère, courage et création politique, Paris, L'Harmattan, 2011, p. 47-63.

http://exil-ciph.com/htdocs/ressources_dwnld/ textes/A/amiel.pdf

Voir aussi: Hannah Arendt et le procès d’Eichmann. La controverse Un documentaire de Aurore Mréjen réalisé par Anne Fleury http://www.franceculture.fr/emission-lafabrique-de-l-histoire-histoire-des-grandsproces-24-2013-05-07

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Transition, passage en sciences sociales Rites de passage, transition démographique, droits d'entrée, trajectoires perturbées, ruptures et continuités… autant d'approches particulières aux disciplines de l'anthropologie, de la démographie et de la sociologie pour penser les processus de changements, que ce soit au niveau des individus, de leurs comportements, de leurs stratégies ou au niveau des groupes sociaux qui se donnent des systèmes de contrainte dans lesquels les individus s'inscrivent, qu'ils les valident ou les bousculent. Préface de Serge Ebersold Philippe Cordazzo est Maître de conférences en démographie à l'Université de Strasbourg et membre du laboratoire SAGE UMR 7363 (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe) Brigitte Fichet est Maître de conférences en sociologie à l'Université de Strasbourg et membre du laboratoire SAGE UMR 7363 (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe)

Prix : 20 euros ISBN : 978-2-35525-090-3

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P. Cordazzo & B. Fichet w Transition, passage en sciences sociales

Transition, passage en sciences sociales

Sous la direction de Philippe Cordazzo et Brigitte Fichet

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ANUNCIOS ANNONCES

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Colloque international, 7-8-9-10 mai 2014, Istanbul, Turquie. VIOLENCE, POLITIQUE, EXIL/DES-EXIL DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI Débat avec Etienne BALIBAR en sa présence ANNONCE, document no. 1. Etat, septembre 2013 Uluslararası Sempozyum, 7-8-9-10 Mayıs 2014, İstanbul, Türkiye. GÜNÜMÜZ DÜNYASINDA SİYASET, ŞİDDET, SÜRGÜN/SÜRGÜNLER (Etienne BALIBAR’ın katılımıyla) DUYURU. 1. Numaralı belge, Eylül 2013’teki durum DOCUMENT EN FRANÇAIS ET TURC

Dates : mercredi 7 fin d’après-midi (ouverture), jeudi 8, vendredi 9, samedi 10 mai 2014. Lieu : Istanbul, Turquie. C’est un lieu symbolique et académique d’un grand poids historique et culturel pour réfléchir à la fois à une oeuvre philosophique, échanger des travaux sur la Violence et la Civilité et à sa résonance avec la situation actuelle locale et globale. Pour la tenue du colloque, une collaboration institutionnelle s’installe entre l’Université de Galatasaray (Département de philosophie), l’Institut français d’Istanbul et le Collège International de Philosophie avec l’appui d’autres partenaires. Langues : français et turc (traduction simultanée). Documents dans les deux langues. Résumé : Le colloque international d’Istanbul, qui réunira des chercheuses et chercheurs en philosophie et sciences humaines de plusieurs nationalités, lieux, continents et de plusieurs générations, se consacrera à une réflexion sur la politique, la violence, la civilité contemporaine dans

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ses dimensions politiques, philosophiques et anthropologiques, en s’efforçant de réunir une diversité d’expériences et d’approches et de les rapporter aux enjeux de l’actualité. Il se propose donc d’engager un travail de recherche sur le thème - Violence et Politique, Exil/Desexil dans le monde d’aujourd’hui - en présence du philosophe Etienne Balibar, (Paris). Un de ses livres importants - Violence et Civilité. Paris, Galilée, 2010 - sera le matériau principal du travail collectif. Le livre est en cours de traduction spéciale par les éditions Iletisim à Istanbul (prof. Ahmet Insel). La généralité de la politique et des droits confrontée à la violence et les nouvelles données de la civilité est le pivot de refondation de l’anthropologie politique. Face aux situations de violence extrême et de guerre après le XXe siècle, la politique est-elle possible, pensable ? Dans la situation actuelle, comment est-elle possible ? Que signifie aujourd’hui la civilité pour les sociétés aspirant à des changements ? L'Etat, la société et la régulation de la violence de masse: guerre, terrorisme, nouvel autoritarisme, militarisation de la société, insécurité, révolution, quelles questions, quels enjeux ? Le travail philosophique vise à contribuer à une réflexion critique et créative sur ces interrogations d’actualité, à ces défis vécus en Turquie, en Afrique du nord, en Europe et dans d’autres lieux du monde. A partir du livre d’Etienne Balibar, le colloque académique vise à articuler des recherches universitaires interdisciplinaires avec des questions de la « société civile », de jeunes chercheurs et de chercheurs confirmés, de chercheurs de Turquie et d’autres pays (Europe, Méditerranée, Amérique latine, etc.), tout en cherchant à respecter un équilibre femmes/hommes et entre les générations. Philosophie pratique du projet : pour la recherche, la formation, un débat public de qualité sera organisé autour du livre Violence et Civilité en dialogue avec d’autres références, en Turquie à Istanbul et à distance (groupes de lectures dans divers endroits, enregistrement, retransmission du colloque et des débats). Dans la réflexion, il s’agira de prendre en compte le contenu et le rapport entre le livre d’Etienne Balibar, d’autres textes et la situation du monde d’aujourd’hui. L’intérêt, le défi de l’expérience collective est d’articuler un travail académique rigoureux et la participation à la réflexion de groupes de la « société civile » intéressés, en Turquie, en Europe, autour de la Méditerranée, en Amérique latine, en Afrique, ailleurs. Voir les modalités concrètes d’organisation et leurs supports techniques, pédagogiques, artistiques (doc. Groupe de lecture). Comité de Parrainage international et local : en préparation. Accueil académique du colloque: Département de philosophie de l’Université de Galatasaray, Istanbul. Responsable académique : prof. Zeynep Direk, philosophe, avec l’appui du Prof. Ahmet Insel, éditions Iletisim. Coordination pratique : Prof. Seckin Sertdemir avec l’aide des assistantes doctorantes du Département de philosophie Zeynep Savascin, Gaye Cankaya et d’autres personnes pour la traduction. Collaboration de directeurs de Programme CIPh : Diogo Sardinha, Roberto Niro, Feyrat Taylan, (interventions, textes, appuis travail société civile). Traduction en turc du livre d’Etienne Balibar Violence et Civilité : Prof. Ahmet Insel, (traduction en cours). Partenariats internationaux et locaux confirmés (liste ouverte) : Département de philosophie, U. Galatasaray, Institut Français d’Istanbul, Institut Français d’Etudes Anatoliennes (démarches en cours), Istanbul, éditions Iletisim, Istanbul, éditions Galilée Paris, Institut français, Paris (démarches en cours), Ville de Genève (démarches en cours), Théâtre St-Gervais, Genève. Liste ouverte. Collaboration avec des artistes et des institutions artistiques : à l’étude. Un partenariat du Programme CIPh a d’ores et déjà été accordé avec Philippe Macasdar, directeur du Théâtre St-Gervais à Genève (activité conjointe en préparation – Istanbul, Genève – samedi 10 mai , ou dimanche 11 mai 2014).

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Partenariats internationaux et locaux en tractation (liste ouverte, démarches en cours) : Université de Paris-Vincennes. Déroulement du colloque et des activités prévu à ce stade : Le colloque aura lieu en trois parties : (1) un exposé d’ouverture d’Etienne Balibar ; (2) des exposés de 24 conférenciers et conférenciers sur le livre Violence et Civilité d’E Balibar en dialogue avec d’autres références, expériences ; (3) trois grands débats publics dans lesquels Etienne Balibar dialoguera avec des « grands Témoins » : André Tosel, Anne Amiel (1), Zeynep Direk (2), Ahmet Insel (3). Par ailleurs, des groupes de lecture autour du livre d’E. Balibar sont en cours de constitution en Turquie, en Suisse et ailleurs (société civile). Une coordination a été constituée (voir document groupe de lecture). Nous étudions l’articulation de ce travail de préparation avec le colloque. D’autre modes d’intervention et de participation à distance au colloque depuis l’Europe ou ailleurs sont aussi à l’étude y compris à l’aide de supports techniques nécessaires (blogs, écrans à distance). (4) Le dimanche matin 11 mai, une rencontre d’Etienne Balibar avec la Société civile, les groupes de lecture est agencée. Enregistrement et retransmission prévus. Affiche en préparation. Responsable : Ahmed Insel avec l’aide d’un groupe de coordination ad hoc.

Uluslararası Sempozyum, 7-8-9-10 Mayıs 2014, İstanbul, Türkiye. GÜNÜMÜZ DÜNYASINDA SİYASET, ŞİDDET, SÜRGÜN/SÜRGÜNLER (Etienne BALIBAR’ın katılımıyla) DUYURU. 1. Numaralı belge, Eylül 2013’teki durum Tarihler: 7 Mayıs Çarşamba öğleden sonra (açılış), 8 Mayıs Perşembe, 9 Mayıs Cuma, 10 Mayıs Cumartesi 2014. Yer: İstanbul, Türkiye. İstanbul, hem Violence et Civilité başlıklı felsefi bir eser üzerinde, hem de dünya ölçeğinde ve yerel ölçekte gerçekleşen güncel olaylar üzerinde görüş alışverişinde bulunmak ve düşünmek için tarihsel ve kültürel ağırlığıyla sembolik ve akademik bir yerdir. Sempozyumu düzenlemek için, Galatasaray Üniversitesi Felsefe Bölümü, İstanbul Fransız Kültür Merkezi ve Collège International de Philosophie arasında, diğer partnerlerin desteğiyle birlikte, kurumsal bir işbirliği oluşturulmaktadır. Diller : Fransızca ve Türkçe (Simultane çeviri). Belgeler iki dilde olacaktır. Özet: Farklı kuşaklardan, çeşitli uluslardan, yerlerden ve kıtalardan, beşerî bilimler ve felsefe alanlarındaki araştırmacıları bir araya getirecek olan Uluslararası İstanbul Sempozyumu, güncel mevzularla ilişki kurup, farklı deneyim ve yaklaşımları birleştirmeye çalışarak, siyasal, felsefi ve antropolojik boyutlarıyla siyaset, şiddet ve çağdaş sivillik üzerine düşünmeyi amaçlıyor. Etienne Balibar’ın da katılımıyla, Günümüz dünyasında şiddet, siyaset, sürgün ve sürgünler teması üzerine bir araştırma çalışması yapılması hedefleniyor. Balibar’ın Violence et Civilité (Paris, Galilée, 2010) kitabı kolektif çalışmanın temel materyalini oluşturacak. Kitabın Türkçeye çevirisi İstanbul’da İletişim Yayınları tarafından yapılıyor (Prof.Dr. Ahmet İnsel). Şiddetle yüzleşen yasalar, siyaset ve yeni sivillik verileri siyasal antropolojinin yeniden inşası için püf noktalarını oluşturuyor. 20. yüzyıldan sonra, savaş ve aşırı şiddet olayları karşısında siyaset hâlâ mümkün mü, hâlâ düşünülebilir mi? Güncel durumda siyaset nasıl mümkün olabilir? Değişim isteyen

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toplumlar için sivilliğin anlamı nedir? Devlet, toplum ve kitlesel şiddet sistemi : savaş, terörizm, yeni otoriterlik, toplumun militarizmi, güvensizlik, devrim, hangi sorular, hangi sorunlar? Felsefi çalışma, Türkiye’de, Kuzey Afrika’da, Avrupa’da ve dünyanın diğer yerlerinde yaşanan başkaldırılar, güncel sorgulamalar üzerine eleştirel ve yaratıcı bir tefekkür alanı sunmayı hedefler. Etienne Balibar’ın kitabından hareketle yapılacak bu akademik sempozyum, kadın ve erkekler katılımcılar arasında olduğu kadar kuşaklar arasında da bir denge kurmaya çalışarak, genç araştırmacıların ve profesörlerin, Türkiye’den ve diğer ülkelerden (Avrupa, Akdeniz ülkeleri, Latin Amerika vb.) araştırmacıların, “sivil toplum” sorunuyla ilgili disiplinler arası çalışmaları arasında bir diyalog kurmayı amaçlıyor. Projenin pratik felsefesi: Diğer referanslarla diyalog halinde Violence et Civilité kitabı çerçevesinde İstanbul’da uzaktan bağlantıyla birlikte bir kamusal tartışma organize edilecek (Farklı yerlerde okuma grupları, sempozyumun ve tartışmaların kayıt altına alınması ve yayınlanması). Etienne Balibar’ın kitabıyla, diğer metinler ve günümüz dünyasının durumu arasında bir ilişki kurmak söz konusu olacak. Kolektif deneyimin amacı, Türkiye’de, Avrupa’da, Akdeniz çevresinde, Kuzey Amerika’da, Afrika’da ve diğer yerlerde bulunan ilgili “sivil toplum” gruplarını akademik bir çalışmayla ilişkilendirmektir. Organizasyonun somut koşulları ve teknik, pedagojik ve sanatsal destekler için bakınız : Okuma Grupları hakkındaki belge. Uluslararası ve yerel destek komiteleri : Hazırlık aşamasında. Sempozyumun akademik olarak karşılayan: Galatasaray Üniversitesi Felsefe Bölümü - İstanbul Akademik sorumlu: İletişim Yayınlarından Prof. Dr. Ahmet İ nsel’in katkılarıyla Prof. Dr. Zeynep Direk, felsefeci. Pratik koordinasyon: Felsefe Bölümü araştırma görevlileri : Dr. Seçkin Sertdemir Özdemir, Dr. Gaye Çankaya Eksen, Zeynep Savaşçın ve çeviri için başkaları. CIPh Programı yöneticileriyle işbirliği: Diogo Sardinha, Roberto Niro, Feyrat Taylan, (Sunumlar, metinler, sivil toplum çalışmalarına destek) Etienne Balibar’ın Violence et Civilité kitabının Türkçeye çevirisi : Prof. Ahmet Insel, (çeviri yapılıyor). Onaylanmış uluslararası ve yerel partnerler (açık liste) : Galatasaray Üniversitesi Felsefe Bölümü, İstanbul Fransız Kültür Merkezi, Fransız Anadolu Araştırmaları Enstitüsü (görüşmeler sürüyor) İstanbul, İletişim Yayınları - İstanbul, Galilée Yayınları - Paris, Paris Fransız Kültür Merkezi (görüşmeler sürüyor), Cenevre Belediyesi (görüşmeler sürüyor), St-Gervais Tiyatrosu – Cenevre. Açık liste... Sanatçılar ve sanatsal kurumlarla işbirliği: Çalışmalar sürüyor. Collège International de Philosophie ile Cenevre’de bulunan St-Gervais Tiyatrosunun yöneticisi Philippe Macasdar arasında bir işbirliği önceden oluşturulmuş durumda. (Konuyla bağlantılı bir etkinlik hazırlık aşamasında -İstanbul, Cenevre – Cumartesi 10 Mayıs ya da Pazar 11 Mayıs 2014). Onaylanmamış uluslararası ve yerel partnerler (açık liste ve çalışmalar sürüyor) : Paris-Vincennes Üniversitesi. Sempozyumun ve bu çerçevede yapılacak etkinliklerin planı : Sempozyum üç aşamadan oluşacak:

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(1) Etienne Balibar’ın açılış konuşması ; (2) 24 Konferansçıların farklı deneyimler ve referanslarla birlikte Etienne Balibar’ın Violence et Civilité kitabı üzerine yapacakları sunumları ve (3) Etienne Balibar’ın, André Tosel, Anne Amiel (1), Zeynep Direk (2), Ahmet Insel (3) ile diyaloga gireceği üç büyük kamusal tartışma Ayrıca, Türkiye’de, İsviçre’de ve başka yerlerde Balibar’ın kitabı çerçevesinde okuma grupları oluşturma çalışmaları sürüyor. Bir koordinasyon birimi oluşturuldu (Okuma grubu belgesine bakınız). Sempozyumla bu hazırlık çalışmasını bağlantılı hale getirmeye çalışıyoruz. Avrupa’dan ya da başka yerlerden sempozyuma uzaktan katılım ya da sunum yapma biçimleri üzerine de çalışıyoruz (Bloglar, uzaktan ekranla görüşme). (4) 11 Mayıs Pazar sabahı Etienne Balibar ile sivil toplum, okuma grupları arasındaki bir karşılaşma düzenlenecek. Afiş hazırlanıyor... Sorumlu : Belirlenecek bir koordinasyon grubunun yardımıyla Ahmet İnsel. Trad. Dr. Sekin Sertdemir, Istanbul

Pour le Collège International de Philosophie Paris-­‐Genève: Prof. Dr.Marie-­‐Claire Caloz-­‐Tschopp, Paris-­‐Genève. Pour le groupe de coordination de l’Université de Galatasaray: Prof. Prof. Dr. Zeynep Direk, Felsefe Bölümü araştırma görevlileri : Dr. Seçkin Sertdemir Özdemir, Dr. Gaye Çankaya Eksen, Zeynep Savaşçın. Istanbul. Pour le lien à la société civile : Prof. Dr. Ahmed Insel. Paris, Genève, Istanbul. Septembre 2013.

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ANEXOS ANNEXES

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Chili 2012 Photos Š M.Gigase 507


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Chili 2012 Photos Š SIMON

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Chili 2012 Photos Š Olga Gonzalez 510


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COLECTIVA MUJERES POR LA MEMORIA, PRESAS AYER, HISTORIA HOY

Somos una organización social, formada por ex presas políticas que persigue el rescate de las memoria histórica en la convicción que nuestro aporte contribuya a develar la verdad oculta sobre la dictadura militar chilena, el ocultamiento de la verdad histórica ha contribuido a crear una sociedad sojuzgada, temerosa del cambio, culturalmente pobre, que no se plantea las transformaciones integrales y drásticas, tendientes al advenimiento de la democracia y la libertad.

QUE HACEMOS Nos propusimos escribir los relatos individuales de nuestras historias, que dio como resultado el Libro: Los Muros del Silencio, relatos de mujeres, violencias, identidad y memoria”, cuyo lanzamiento se realizó el 8 de marzo 2012 en el Día Internacional de la Mujer. Promovemos el rescate de la historia de otras mujeres dirigentes luchadoras políticas.

• Queremos reconstruir las historias de Realizamos talleres de formación en género,

vida de mujeres que lucharon contra la violencia y derechos humanos a organizaciones dictadura, creando espacios, diálogos, sociales que lo soliciten. intercambio de experiencias e información. Realizamos programas radiales sobre los • Propiciar el encuentro intergeneracional temas de género, violencia y la contingencia con jóvenes feministas y jóvenes dirigentes nacional. Nuestro programa se transmite por y dirigentas estudiantiles, sociales, la Radio Comunitaria Lorenzo Arenas 104.5 gremiales y sindicales para superar la FM, y en el bolgspot: mujeresporlamemoria. brecha generacional para permitir el blogspot.com. encuentro entre las generaciones de una Hemos presentado proyectos a diferentes sociedad que nos divide. instituciones que entregan tienen • El contexto político y social de nuestro financiamiento en las líneas de trabajo de la país requiere visibilizar las temáticas de Colectiva. violación a los derechos humanos y de género, con un lenguaje directo, claro Apoyamos a los movimientos sociales, y consistente, que vaya construyendo feminista, estudiantil, y pobladores de la opinión desde las mujeres en tópicos que Región del Bío-Bío. se han abordado en forma poco profunda Nuestro correo electrónico es: y descomprometida. mujeresporlamemoriamail.com

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Enlaces con el Grupo de Mujeres de Concepci贸n: mujeresporlamemoria.blogspot.com. TERRA: http://www.reseau-terra.eu/ Groupe de lecture Istanbul : coordination.istanbul@ gmail.com

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Ont appuyé l’expérience au Chili COMITÉ DE PATROCINIO INTERNACIONAL : Prof. Dr. Jasodhara BAGCHI, Prof. emérito, Women’s Studies, Jadvpur Universite, Kolkata, India; Prof. Dir. Dr. Janine PUGET, psicoanalista, Dir. Maestría Psicoanálisis de Familia y Pareja (Iusam), Premio Sigourney 2011, Buenos Aires, Argentina; Dr. Maren URICKSEN de V., Prof. agregada Fac. Medicina, U. de la República, Uruguay; Carlos VILLAN DURAN, Presidente As. española para el derecho internacional, España; Prof. Etienne BALIBAR, prof. emérito de filosofía, Universidad Paris-Nanterre e Irwine. (USA), miembro, entre otros, del Grupo de Ginebra, Violencia y Derecho de asilo en Europa; Prof. Dir. Rada IVEKOVIC, philosophe, anc. Dir. Programme au Collège International de Philosophie, Paris; Prof. André TOSEL, prof. emérito de filosofía, especialista internacional de la obra de Gramsci, Universidad de la Sorbona y CNRS, Paris-Niza; Prof. Christian LAVAL, filósofo, Dir. De Programa en el Colegio Internacional de filosofía (CIPh), Paris; Prof. François RIGAUX, prof. emérito de derecho internacional, ex presidente del Tribunal de Derecho de los Pueblos, Bruselas, miembro del Tribunal sobre Chile; Prof. Jean BATOU, Cátedra de historia económica contemporánea, Universidad de Lausana, pres. Fundación Bairoch, Ginebra-Lausana (Suiza); Ruth-Gaby VERMOT-MANGOLD, Dr. en filosofía y en antropología Universidad de Berna, Parlamentaria suiza, ex. miembro del Consejo de Europa, Estrasburgo; Lyliane MAURI PASQUIER, Partera, Consejera de los Estados, Parlamento suizo, Ginebra (Suiza); Anne EMERY TORRACINTA, diputada en el Gran Consejo del cantón de Ginebra (Suiza); Prof. Stéphane ROSSINI, spécialiste de politiques publiques, Parlementaire suisse, Berne; Paul RECHTEINER, Parlamentario suizo, secretario de la Fundación Paul Grüninger (trabajo sobre la memoria histórica relativo al apoyo a los refugiados período 1933-1945 y después). COMITÉ DE PATROCINIO NACIONAL (Chile) : Universidad de Concepción; Magister Políticas Públicas y Gobierno, Universidad de Concepción; Programa Estudios Europeos, Universidad de Concepción; Departamento Historia y Geografía, Universidad Austral de Valdivia; Departamento Servicio Social, Universidad del Bio Bio; Colegio de Profesores, Dirección Regional Bio Bio; Federación Estudiantes Universidad Concepción (FEC); Instituto Derechos Humanos (INDH) (a confirmar); Museo de la Memoria (a confirmar); Colectiva Mujeres por la Memoria; Ediciones Escaparate, Concepcion (Chile); El Servicio Evangélico para el Desarrollo (SEPADE), Concepcion (Chile); Fundación Sol, (Chile); Recaredo Galves, Presidente de la Federación Estudiantes Universidad de Concepción; Paz Rojas, Psiquiatra, La Corporación de Promoción y Defensa de los Derechos del Pueblo (CODEPU); Patricia García, Presidenta Regional del Colegio de Profesores. Ont participé à ce numéro Anne AMIEL, Etienne BALIBAR, Julia BRAUN, Marie-Claire CALOZ-TSCHOPP, Jean-Michel DOLIVO, Marianne EBEL, Pierre FIALA, Paulina Jaccard nacida Veloso, Recaredo GALVEZ, Edmundo GOMEZ MANGO, Iara HEREDIA LOZAR, Manuel HERNANDEZ BENAVIDES, Martine HOVANESSIAN, Gina INOSTROZA RETAMAL, Rada IVEKOVIC, Fanny JEDLICKI, Pablo MARIMAN, Maribel MORA CURRIAO, Nuno PEREIRA, Andrès PEREZ BERRIO, Janine PUGET, Rodrigo PULGAR CASTRO, Idoia QUINTANA DOMINGUEZ, Lili RIVAS LABBE, Mario SANTILLO, Ariel SANZANA, Robinson SILVA, Jeanne W. SIMON, Christophe TAFELMACHER, Ali TERZIOGLU, Cecilia TOLEDO, Giselle TOLEDO VERA, Maren ULRIKSEN DE VIÑAR, Felicitas VALENZUELA BOUSQUET, Marcelo VIÑAR, Teresa VOLESO BERMEDO. Remerciements

APOYOS

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PRÉCISIONS ÉDITORIALES Le contenu de la revue est le résultat d’un travail collectif des participant.e.s du Programme (écriture, envois de textes, poèmes, etc.). Les articles (contenu, forme) sont la responsabilité de leurs auteurs. Les articles publiés dans la revue sont en diffusion libre. Nous demandons cependant d’en citer la provenance et le site. Responsable d’édition Marie-Claire Caloz-Tschopp, direction du Programme Exil, création philosophique et citoyenneté 2010-2016 du CIPh, Paris-Genève. contact, informations, inscriptions exil.ciph@gmail.com – www.exil-ciph.com Mise en page Stéphanie Tschopp

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