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AD (251mm x 35mm)

EUROPA STAR Premiere LE JOURNAL DE L’écosystème HORLOGER SUISSE

NO 1 (Vol.17) | Genève, le 15 Janvier 2015 | europastar.com

EDITORIAL

Rolex: L’empire contre-attaque Pierre Maillard,

rédacteur en chef,

Europa Star

En Italie et ailleurs, on trouve régulièrement des annonces proclamant: «Achetons or, argent et Rolex». Plus qu’une «simple» montre, audelà de sa valeur symbolique et statutaire, Rolex est depuis longtemps devenue l’équivalent d’une valeurrefuge que l’on conserve précieusement en vue d’un éventuel coup dur. Les témoignages ne manquent pas, à l’image de cet internaute qui déclare dans un forum: «une Rolex, pour moi n’est pas un symbole de réussite sociale, mais l’assurance d’avoir au poignet un instrument soigné dans tous les détails, d’avoir une montre qui dans 40 ans ne sera toujours pas démodée. Autre particularité, Rolex est la seule marque vendable immédiatement en cas de besoin pécuniaire sans trop y perdre! J’en ai fait l’expérience». Ce statut unique, faut-il le rappeler, n’est pas le fruit du hasard mais le résultat d’une conjonction entre la qualité d’un produit sans cesse amélioré et un «marketing» pionnier qui, dès l’origine de la marque, a patiemment édifié et sans cesse consolidé une image de robustesse, de fiabilité, de professionnalisme. Née comme un instrument d’avant-garde (automatisme, étanchéité), ce n’est que graduellement

que la Rolex a acquis son statut d’objet-symbole de réussite ou de rang social. Au risque qu’à présent cette image se retourne contre elle, comme on l’a bien vu avec l’intense polémique née en France il y a quelques années suite aux déclarations d’un publicitaire imbécile et bronzé aux UV qui n’avait pas trouvé mieux que d’affirmer que «si à 50 ans on n’a pas une Rolex, on a raté sa vie».

Patek Philippe

Les voyages de la Nautilus Pierre Maillard

«Le Diable est dans les détails», dit le proverbe. Un proverbe qui semble avoir été particulièrement bien assimilé chez Patek Philippe dont toute la pratique horlogère est ancrée dans ce culte absolu du plus infime détail (à tel point que le but ultime est sans doute de renverser la proposition, comme l’a fait le fameux architecte Mies van der Rohe qui avait coutume de dire «Dieu est dans les détails»). Prenons pour exemple le lancement cette année à BaselWorld de la nouvelle Nautilus Travel Time Chronograph référence 5990/1A. Une pièce qui présente pour la première fois, chez Patek Philippe, l’association entre un chronographe automatique et un double fuseau horaire. L’histoire de sa gestation montre bien à quel point la Maison genevoise avance pas à pas, «sécurisant» progressivement ses avancées techniques avant de les incorporer le plus subtilement et le plus esthétiquement possible dans ses différentes collections. Cette approche du «Diable dans les détails» explique en grande partie l’impression d’extrême cohérence que donne l’ensemble des collections de la marque. Cette cohérence résultant d’une forme de filiation naturelle qui relie chaque montre à la suivante, en toute logique «dynastique». Pour bien comprendre la somme de patient travail qui se trouve derrière cette nouvelle Nautilus Travel Time Chronograph, il faut ainsi remonter à 1997.

N E M I EC

SP

Rolex est devenue ainsi à son corps défendant l’emblème même du Luxe, alors que les produits de la marque à la couronne présentent sans doute un des meilleurs rapports qualité/ prix de toute l’industrie horlogère. Le risque que sous les attaques et les polémiques cette image d’excellence se lézarde peu à peu, que l’objetRolex passe graduellement d’icône désirable à symbole détestable, n’est sans doute pas à écarter d’un simple geste de la main. Jusqu’à présent, Rolex, fidèle à son goût pour le silence, semblait faire le dos rond. La

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(Suite en page 2)

Revenons à l’année 1997… Cette année-là, Patek Philippe lance la montre Travel Time qui vient enrichir la collection des «petites» complications utiles que la marque développe alors avec grand succès. L’originalité de cette astucieuse Travel

Time de 1997, à remontage manuel, réside essentiellement sur son extrême simplicité d’utilisation et la rationalité de son affichage de l’heure. Contrairement aux montres à fuseaux horaires existant alors, la Travel Time apparaît comme une belle montre classique (de 33,85 mm de diamètre pour le modèle Homme, (Suite en page 2)

DANS CE NUMéro ◆ Tout et son contraire – Dans les allées de Basel, entre cathédrales et chapelles horlogères ......... p.4 ◆ Montblanc –«Insuffler notre vraie passion horlogère» ....................................................... p.9 ◆ F.-P. Journe – Il y a 30 ans, un jeune rebelle créait son propre tourbillon................... p.10 ◆ Piaget et les contraintes de taille (des montres et de l’entreprise).............................. p.11


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EDITORIAL

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(Suite)

récente nomination-surprise à sa tête de Jean-Frédéric Dufour marque certainement un changement ou, plus finement, un ajustement de stratégie. Il fallait ainsi contrer le risque de «ringardisation» progressive et montrer que Rolex n’est pas le seul Fort Knox de l’horlogerie mais une entreprise puissante et vivante, créative, dynamique, tournée vers l’avenir. Voir arriver à la direction générale du géant un visage jeune et charismatique (Jean-Frédéric Dufour a 45 ans), qui plus est grandi hors du sérail (il était CEO de Zenith après avoir travaillé notamment chez Chopard) est en soi une petite révolution. Et le signe évident que «l’Empire» a décidé de contreattaquer. Mais si «contre-attaque» il y aura, elle ne prendra pas pour autant un tour spectaculaire. Ainsi, il ne faut pas s’attendre à un changement radical d’attitude, à ce

(Suite: Patek Philippe)

ce qui selon les critères actuels apparaît comme étant minuscule, et de 29.50 mm pour le modèle Dame) arborant heures et minutes centrales, cadran auxiliaire des 24 heures et petites secondes. L’astuce est double et n’apparaît que lorsque la fonction double fuseau est actionnée: l’aiguille noire des heures indiquant le Travel Time cache en toute discrétion une autre aiguille des heures – en or – évoluant jusqu’alors en parfaite synchronisation avec elle. L’aiguille Travel Time s’en détache lorsque qu’on actionne un des deux poussoirs-correcteurs intégrés à la carrure, l’autre aiguille devenant ainsi l’indication permanente du Home Time. C’est là la seconde «astuce» technique qui permet, grâce aux deux poussoirs, de faire avancer ou reculer l’aiguille du Travel Time selon que l’on avance ou recule dans le temps – ce qui n’était alors pas possible avec les autres montres à fuseaux horaires dont l’aiguille ne pouvait être qu’avancée. Plus de deux ans de recherches et de dévelop-

que Rolex, adepte de la plus grande retenue médiatique, se mette à communiquer haut et fort à tous vents et dans tous les sens. Non, il s’agit bien plus d’un patient travail qui sera mené avec précaution, visant à réaffirmer la pertinence de son approche horlogère notamment auprès de nouvelles générations pour lesquelles Rolex faisait parfois figure de montre de notable. Ainsi, paradoxalement, Jean-Frédéric Dufour devra faire chez Rolex le contraire de ce qu’il a fait, avec succès, chez Zenith. Nommé après le trop flamboyant Thierry Nataf, il a dû, chez Zenith, calmer progressivement les choses, les ramener à plus de raison et à plus de sérieux horloger. A la direction générale de Rolex, il devra au contraire apporter au sérieux horloger régnant une touche de jeunesse et de flamboyance. Mais, grand avantage de la stabilité des «empires», il sait qu’il a pour cette tâche tout le temps devant lui. p

AD (149mm x 149mm)

pement furent nécessaires pour offrir cette simplicité d’usage et cette évidence rationnelle de la lecture.

Adaptation d’une complication utile En 2001, Patek Philippe décide d’intégrer cette complication utile dans sa collection-phare Calatrava. Ce sera la Calatrava Travel Time, avec son boîtier de 37 mm de diamètre et sa large lunette en or poli miroir – caractéristiques de la nouvelle forme de la Calatrava, lancée un an auparavant. Le fonctionnement de la complication du second fuseau horaire reste identique dans sa logique mécanique mais apparaît pour la première fois une aiguille noire ajourée qui vient se superposer à l’autre aiguille d’or créant l’illusion – lorsque la complication n’est pas activée – d’une complexe aiguille or et noir. C’est au niveau esthétique qu’un grand travail a été mené, tout spécialement dans

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AD (98mm x 47mm)

AD (98mm x 47mm)

l’intégration parfaite des deux poussoirs qui permettent de faire avancer ou reculer l’aiguille de l’heure locale. Modelés sur la forme du protège couronne, ces deux poussoirs intégrés accentuent la symétrie toute classique de la pièce. Un fond en verre saphir permet d’admirer le mouvement et ses finitions particulièrement soignées.

En 2006, premières retouches à la Nautilus Nous voici en 2006. A l’occasion de la célébration des 30 ans d’un autre de ses grands classiques, la montre «sport élégant» Nautilus, devenue objet-culte, Patek Philippe apporte quelques légères retouches esthétiques et techniques à cette montre dessinée à l’époque par le célèbre designer Gérald Genta. La construction de la boîte reste dans le même esprit que les montres créées en 1976. Avec ce système de charnières rappelant un hublot où le joint plat est compressé entre la lunette et la carrure. Les changements principaux ont été portés sur l’esthétique. Le mécanisme de «hublot» est conservé pour le serrage de la lunette. Mais cette nouvelle construction permet d’apporter quelques légères retouches esthétiques, notamment au niveau des deux charnières qui affichent désormais une légère courbure qui prolonge le profil de la lunette (on vous avait avertis: le Diable ou Dieu sont dans les détails!). Son élégance s’en trouve renforcée.

C’est également dès cette date que sont lancées les premières complications dans la collection Nautilus. Ainsi, notamment, est présenté un nouveau mouvement de chronographe automatique, le Patek Philippe Calibre 28-250 C, avec roue à colonnes. Introduit dans le boîtier Nautilus agrandi à 44 mm, ce chronographe avec fonction flyback s’affiche sur un grand et assez exceptionnel «monocompteur» qui décompte les minutes et les heures du temps chronométré sur trois échelles concentriques.

système Travel Time développé graduellement par Patek Philippe. Pour parvenir à réunir sur une même montre ces deux complications différentes, chronographe et second fuseau horaire, la Manufacture a dû développer un nouveau calibre (le CH 28-250 S C FUS). Au mouvement chronographe intégré à la fois traditionnel dans sa commande par roue à colonnes et novateur par son dispositif d’embrayage à disques, il a fallu ajouter le mécanisme proprement dit de la fonction Travel Time. Ce méca-

Ce mécanisme, qui permet donc de faire avancer ou de faire reculer l’aiguille de l’heure locale par crans d’une heure, est entièrement déconnecté du mouvement de base au cours de ces opérations. Ce modèle reçoit un accueil enthousiaste qui confirme l’extraordinaire attrait que cette montre aussi sportive et robuste que subtile et élégante continue d’exercer. Dans les années qui suivent, la Nautilus continue de s’enrichir de nouvelles complications utiles, bien en phase avec l’esprit de cette montre, dont, en 2010 une version dotée d’un Calendrier Annuel. En cette année 2014, voici donc venu le tour de la nouvelle Nautilus Travel Time Chronograph qui combine de façon tout à fait inédite l’affichage «monocompteur» de la fonction chronographique et l’aisance du

nisme, qui, tel que nous l’avons décrit ci-dessus, permet donc de faire avancer ou de faire reculer l’aiguille de l’heure locale par crans d’une heure, est entièrement déconnecté du mouvement de base au cours de ces opérations. Cette fonction n’a donc aucune influence sur l’amplitude du balancier et la marche de la montre. L’affichage de la date, couplée comme il se doit avec l’heure locale, originellement dans un guichet placé à 3h, a été transformé en affichage quantième à aiguille positionné à 12h, tandis que le «monocompteur» du chronographe a été transformé en totalisateur 60 minutes situé à 6h.


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Ces modifications d’affichage ont à elles seules demandé l’ajout de 47 composants. Pour autant, le mouvement ne s’est épaissi que de 0.3 mm. Cette performance doit beaucoup au nouvel organe régulateur doté du spiral breveté Patek Philippe Spiromax® en Silinvar® qui oscille symétriquement et de façon isochrone sur un seul plan tout en étant beaucoup moins volumineux que le traditionnel spiral Breguet avec sa courbe terminale relevée. Par ailleurs, ce mouvement automatique calibre CH 28-250 S C FUS, est doté d’un rotor central en or 21 carats, bat à la fréquence de 28’800 alternances/heure et est équipé du balancier Gyromax® inventé par Patek Philippe (1949) il y a plus de 60 ans déjà! Ses finitions superlatives – Côtes de Genève sur les ponts anglés main, côtes circulaires sur le rotor – peuvent être admirées à travers le fond saphir.

Les montres de luxe les plus vendues en Suisse DIGITAL LUXURY GROUP

Les performances de l’horlogerie suisse sur des marchés comme la Chine ou les Etats-Unis font couler beaucoup d’encre, mais qu’en est-il dans leur marché natal, la Suisse? Quelle est la cote d’amour des marques suisses auprès de leurs compatriotes? Le WorldWatchReport™ 2013 examine de plus près les performances des diverses marques horlogère sur leur propre terrain. L’avantage partout ailleurs prépon-

dérant de l’acteur «local» n’existe quasiment plus en Suisse, «toutes» les marques de luxe étant considérées comme étant «locales». D’une certaine façon, on pourrait dire que le «gâteau» est plus équitablement partagé et que les marques moins connues médiatiquement recueillent leur bonne proportion de recherches sur le net. Ceci dit, comme dans bien d’autres marchés, Rolex prend la première place, mais elle le fait avec seulement 13.59% du nombre total de recher-

ches liées à l’horlogerie effectuées sur le net suisse, soit un des plus bas pourcentages au monde pour un numéro 1. A titre de comparaison, Rolex est aussi numéro 1 en Italie, mais avec une part des requêtes de 31.25%. Omega, deuxième du peloton de tête en Suisse, recueille 9.82% des requêtes (21.28% en Chine). En troisième position, un étonnant IWC fait belle figure, avec 7.23%, suivi dans l’ordre dégressif de Rado, Breitling, Longines, TAG Heuer, Cartier, Patek Philippe et un remar-

Lire le compte-rendu complet de la recherche, y compris d’intéressantes informations sur l’usage du mobile et des réseaux sociaux en Suisse, dans Europa Star 6/2013-14 Annonce

Finesses esthétiques et techniques Mais intégrer cette nouvelle fonction Travel Time à la Nautilus Chronographe a demandé également un travail tout en finesse sur le célèbre boîtier en forme de hublot. Une forme qui, avec ses deux protubérances latérales, était ceci dit idéalement dessinée pour intégrer les deux poussoirs supplémentaires nécessités par la fonction Travel Time. La protubérance de droite sert de protection aux deux poussoirs du chronographe, qui ont été rapprochés de la couronne de façon à ce que leur impulsion agisse plus directement sur le mécanisme. Ergonomiquement, ces poussoirs ont “un toucher plus moelleux et un déclic bien marqué”. A gauche, la protubérance originelle a été remplacée par les deux poussoirs qui en reprennent très exactement la forme. Et l’étanchéité du tout, malgré les nouveaux percements effectués, est garantie à 120 m (12 bar). On retrouve aussi le fameux bracelet Nautilus en acier avec boucle déployante, marqué par ses maillons centraux polis qui rythment la chute des maillons latéraux satinés, offrant un confort au porter inégalé. Enfin, l’adjonction de la fonction Travel Time a nécessité un travail de redisposition des indications sur le cadran qui conserve par ailleurs tous les signes identitaires de la collection Nautilus: relief horizontal frappé, léger dégradé de couleur s’éclaircissant de la périphérie vers le centre, index appliques en or gris recouverts de matière luminescente, symétrie parfaite de l’ensemble. A 12h, on trouve le nouveau quantième à aiguille qui fait pendant au compteur 60 minutes du chronographe disposé à 6h. Sur l’axe médian horizontal on découvre deux petits guichets jour/nuit, à 3h celui du Home Time, à 9h celui du Travel Time. L’heure locale est indiquée par une aiguille de type “bâton”, avec revêtement luminescent, tandis que l’heure du domicile est indiquée par une aiguille ajourée. p

quable Tudor en dixième position (mais avec plus que 2.61%, juste au-dessus du pourtant très médiatique Hublot (2.51%). La première marque «couture» est Hermès, en 19ème position, avec 1.54%. Si l’on examine les recherches effectuées par noms de modèles l’ordre s’inverse. (…)

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Tout et son contraire – Dans les allées de Basel,

entre cathédrales et chapelles horlogères Pierre Maillard

Baselworld, ce sont des kilomètres d’allées à arpenter, à passer devant des centaines de stands qui sont comme autant de lieux de culte dédiés à leur propre divinité. Sous le signe de la Couronne, de diverses Croix, d’Alpha ou d’Omega, chaque marque petite ou grande cherche à attirer le fidèle. Impossible pour celui qui essaie de se faire une religion que de les recenser toutes. Même en s’y mettant à plusieurs, comme Europa Star le fait dans ses colonnes. La visite est donc forcément subjective, laissant aussi la place aux rencontres d’occasion, à ce qui n’était pas programmé. Dans le magazine, nous vous proposons trois parcours, dont ceux de Malcolm Lakin (The Kaleidoscopic World of Jewellery Watches; The Beautiful game comes to Baselworld; The Basel Marathon; Ice, Jungle, Savannah and a US General comes to Switzerland.) et de Keith Strandberg (The Sports Watch Segment; Getting a Handle on Fashion Watches) Sans oublier l’analyse menée par DLG des effets et des retombées de cette grande messe horlogère sur les réseaux sociaux.

Le reflet des boulversements Dès son allocution inaugurale, Sylvie Ritter, Managing Director de Baselworld, affirmait haut et fort que le salon international de l’horlogerie «se voulait le reflet exact des bouleversements que la branche a connu lors de ces dix dernières années» En fait de «bouleversements», deux phénomènes essentiels se sont accélérés et se sont conjugués au cours

de la dernière décennie: la montée en puissance méthodique des grands groupes, aujourd’hui plus dominants que jamais, a coïncidé (estce un hasard?) avec l’étonnante séduction médiatique (nourrie il est vrai à grands frais) dont ne cesse de jouir l’horlogerie: plus de 4’000 journalistes étaient présents pour cette grand messe internationale, à peu près autant qu’au célébrissime

toujours dominante mais qui, à l’image du Vatican, menacée d’un progressif vieillissement, devait à tout prix être revivifiée et rajeunie pour assurer la continuité de sa domination – lire notre éditorial, L’Empire contre-attaque). En face, Patek Philippe, autre monothéisme incontournable, a érigé son nouvel autel au pied duquel se tient le culte de la perfection transmissible: un

En dix ans, la montre est «définitivement» passée du statut pragmatique de bel objet utilitaire plus ou moins dispendieux à celui de «star», de quasi «objet de culte»(…) Festival de Cannes - 3907 en 2013, selon les chiffres officiels (mais cependant bien moins qu’aux JO de Sotchi – 13’000!). En dix ans, la montre est «définitivement» passée du statut pragmatique de bel objet utilitaire plus ou moins dispendieux à celui de «star», de quasi «objet de culte» chargé d’un poids et d’une valeur tout symboliques – ne parle-t-on pas désormais d’icônes à propos de certaines montres-culte à succès? Mais peut-être faudrait-il mieux parler de cultes, au pluriel. Ainsi ne pourrait-on pas «lire» Baselworld et ses stands (du plus petit, 6m2, au plus grand, 1’625m2) comme autant de chapelles alignées les unes aux côtés des autres, de temples voire de cathédrales dédiées à autant de cultes divers et variés? Il y a les grandes religions monothéistes régnantes, à l’exemple de Rolex dont le temple bâlois est un opaque mastaba (une «religion»

blanc nuage est suspendu au centre d’un cube de verre. Ces deux monothéismes (quoique Rolex ait relancé avec succès un nouveau culte, Tudor) sont entourés de toutes parts par d’actives religions panthéistes qui multiplient branches et écoles diverses, plus ou moins intégristes – en terme «d’authentique horlogerie». Ainsi Louis-Vuitton-Moët-Hennessy (LVMH) qui se poste à l’entrée et aligne côte à côte ses divers courants, du très romain Bvlgari au plus protestant Zénith, sans oublier le cultissime dieu Hublot dont l’animal sacré est la vache, ni le méthodique et imparable TAG Heuer. Louis Vuitton, la marque éponyme dont le culte se pratique entre-soi, tient concile hors les murs, dans la Wildt’sches Haus, une villa du XVIIIème qui porte le nom d’un fabricant de rubans de soie (qui, à l’époque, étaient aussi à la mode que le sont les montres aujourd’hui).

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AD (251mm x 98mm)

Au centre géographique des halles de BaselWorld se tient le siège tentaculaire de la plus panthéiste des religions horlogères, au nom qui siffle aux oreilles de tout un chacun: Swatch (Group). Une foi polychrome qui accueille à bras ouverts toutes les tendances, des plus populaires aux plus élitaires, dans un grand syncrétisme embrassant le monde et ses contradictions. Tout autour, jusque dans les étages et dans les annexes qui bourgeonnent et essaiment partout, d’innombrables cultes tentent de s’étendre encore ou de simplement continuer à prospérer, de recueillir quelques nouveaux adeptes, de renaître de leurs cendres ou de percer ex nihilo. Dans ce réjouissant bric-à-brac polyglotte qu’est BaselWorld (pourquoi ne dit-on pas «BabelWorld?), on trouve en effet tout et son contraire. Mais cessons là la métaphore religieuse et venons-en aux faits: qu’avaient-ils tous à nous proposer? Au journaliste de retour de cette grande kermesse horlogère, on pose rituellement la même question: alors, quoi de neuf? Quelles sont les tendances? Eh bien, à l’image de notre époque, dont elle est un fidèle reflet, l’horlogerie de 2014, c’est absolument tout ce que vous voulez et son contraire. Il y a en a vraiment pour tous les goûts, de l’énorme montre bodybuildée pour hyper macho de retour de mission dangereuse (la Palme du genre revenant à U-Boat et sa montre monumentale dont l’épaisse glace a été volontairement brisée avant achat, un peu comme des jeans déchirés valant plus cher que des jeans entiers) à l’ultra purisme saxon trois aiguilles sur fond blanc (la Palme revenant dans ce cas à Moritz Grossmann et son frein de

roue de balancier en cheveux humains – ceux de la patronne). Tentons néanmoins l’analyse.

Quand l’horlogerie redécouvre les vertus de la tempérance De toutes ces propositions si contraires les unes aux autres, une «tendance» se dégage néanmoins. Mais faut-il l’appeler «tendance» ou tout bonnement air du temps présent et reflet précurseur des temps à venir? Après les grands excès d’avant la crise des subprimes, après le léger assagissement qui s’ensuivit au cours des années 2008-2009, l’horlogerie était repartie de plus belle, comme s’il n’en avait rien été. Elle avait fait le dos rond un instant, mais c’était pour mieux repartir dans de folles montées en gamme. Or, la «crise» (crise financière d’abord, puis crise économique, crise sociétale, crise politique enfin) n’était pas un simple épisode mais, plus profondément, un changement progressif de paradigme. Sans vraiment le vouloir mais sans non plus seulement le subir, l’horlogerie a fini par payer en retour ses propres excès. Le cas de la Chine (mais elle n’est pas seule, loin de là) est à cet égard le plus emblématique, qui a fait de la montre suisse l’exemple même, voire parfois la simple preuve judiciaire, de la corruption. Cette fois, il ne s’agit pas d’une alerte passagère mais bel et bien d’une lame de fond. A l’image de la fin du secret bancaire suisse, les choses ne seront plus comme avant. La plupart des horlogers semblent l’avoir bien compris car les «ten-


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dances» les plus notables de ce Baselworld 2014 sont la sobriété de l’apparence et le rétrécissement des tailles. Tout à coup, l’horlogerie redécouvre les vertus de la tempérance et les beautés de la mesure. Mais sans pour autant oublier ce que l’incroyable créativité qui a nourri la démesure nous a néanmoins appris. A cet égard, un exemple s’affirme comme parfaitement emblématique: la reprise en mains de H. Moser & Cie par le groupe familial MELB Holding. Comme l’explique le jeune Edouard Meylan, désormais à la tête de la firme schaffhousoise, «nous voulons proposer des produits innovants mais très discrets. Tout est dans le détail.» A titre de démonstration, la nouvelle collection Endeavour se présente sous la forme d’une montre ronde deux aiguilles et petite seconde de 39 mm de diamètre sur 12,5 mm de hauteur qui est tout simplement parfaitement dessinée. D’une élégance imparable, son design emprunte aux stricts codes du Bauhaus des années 20 tout en les mâtinant d’une touche inspirée des années 60: large ouverture de la lunette, très fines et longues aiguilles bâton aux bords incurvés qui parcourent un cadran or rouge fumé, ardoise ou argenté très subtilement soleillé, lignes courbes et aérodynamiques du boîtier surmonté d’une glace bombée… Ça paraît tout simple, évident, et pourtant c’est d’un équilibre parfait, rarement atteint. Du détail, du détail, encore du détail, bien loin des annonces tonitruantes. Sans oublier une «motorisation» d’avant-garde, avec un nouveau mouvement manufacture, le calibre HMC 327. Un calibre à la finition horlogère traditionnelle, disposant d’une réserve de marche de trois jours au minimum et d’une fonction de stop seconde, mais doté d’une ancre en silicium avec palettes en rubis et d’une roue d’échappement en silicium. A notre avis, une montre parfaitement représentative d’une horlogerie ayant renoué avec l’élégance et la discrétion (qui n’est autre que la politesse de l’élégance) sans pour autant nier les avancées technologiques les plus intéressantes. Ce «néo-purisme», qui ne cherche pas à aligner à tout prix les records mais à peaufiner la sobriété – et à rendre sensuelle la simplicité -, fait désormais figure d’avant-gardisme. Il est en tous les cas en phase avec le goût retrouvé d’une certaine discrétion qui n’exclut en rien la sophistication.

Méthodologie de l’extra-plat Un goût retrouvé que semble pleinement partager Marc Hayek, à la tête de Breguet, Blancpain et JaquetDroz. A ses yeux, «le retour des montres fines, classiques, est très clairement là!. En termes d’extraplat, par exemple, ce ne sont plus les records qui sont intéressants mais c’est la performance et la beauté de la pièce qui comptent. Ce qui

par celle de la réserve d’énergie, avec des barillets doubles, ouverts ou sur roulements, grâce aussi à une architecture qui évite les superpositions des fonctions et cherche l’équilibre entre performance, sécurité et épaisseur au niveau de l’échappement, du balancier sans double plateau, du spiral plat, de l’échappement sans raquette, sans oublier des «astuces esthétiques»… Car en fait, la notion d’extra-plat est plus une question de perception que de mesure objective. Sans oublier qu’il faut que «ça marche!» «On doit pouvoir répéter les mêmes performances de façon continue», insiste Marc Hayek, «et pour y parvenir, il faut faire du hi-tech. Chaque composant est ainsi informatisé, sa production planifiée. Je le répète, les records absolus ne nous intéressent pas: la fiabilité au porter et le respect de nos codes stylistiques, le soin et la richesse de la décoration… c’est ainsi que nous concevons nos extra-plats.» Venant de la bouche de celui qui, à la tête de Breguet, affirme écouler 1’000 tourbillons par an – un chiffre énorme -, on note et on prend acte.

«Techniquement, on peut toujours aller plus loin mais au-delà de certaines limites, c’est non seulement la fiabilité de la performance qui atteint un point critique, mais aussi les possibilités de décoration qui s’appauvrissent.» Marc Hayek importe est de trouver les moyens de gagner en liberté dans l’architecture du mouvement et dans sa décoration. Techniquement, on peut toujours aller plus loin mais audelà de certaines limites, c’est non seulement la fiabilité de la performance qui atteint un point critique, mais aussi les possibilités de décoration qui s’appauvrissent.» Un constat corroboré par l’étude très fouillée de l’historique des mouvements extra-plats menée par Nakis Karapatis et Alain Zaugg, respectivement responsables de la R&D et du bureau technique de Breguet. Dressant l’historique des montres extra-plates, depuis «la première notion de montre extra-plate due en 1820 à l’horloger genevois JeanFrançois Bautte, par ailleurs fournisseur d’ébauches à Breguet», jusqu’aux exemples de la célèbre Delirium (quartz ultra-plat équipant la montre Eterna Museum de 0.98 mm), en passant par l’Altiplano Piaget 900P de 3.65 mm, et les divers mouvements Breguet conçus au cours de son histoire, les deux chercheurs en arrivent à la conclusion qu’au-dessus de 8 mm, une montre n’est plus perçue comme étant extra-plate et qu’en-dessous de certaines dimensions minimales, on rencontrait d’incontournables difficultés d’assemblage et on devait faire face à un «porter aléatoire». A l’exemple du mouvement historique Breguet 1210 de 1.20 mm ou de l’automati-

que historique Breguet 2100 de 2.10 mm, tous deux abandonnés pour ces raisons. «Un compromis entre épaisseur et toutes les règles horlogères est indispensable», affirment les deux experts, citant au passage les mouvements 502 (2.40 mm) et 591 (automatique, 3.05 mm), en production régulière respectivement depuis 1971 et 1980. En quoi consiste ce compromis? En toute une série d’optimisations, à commencer

Sous le signe de la continuité «Répéter les mêmes performances de façon continue», dit Marc Hayek, «art du développement en continu», dit-on chez Patek Philippe ou, en d’autres mots, l’art de «faire évoluer, optimiser et décliner dans de nouvelles interpr étations des modèles appartenant à la collection courante». Cette mise en valeur de l’optimisation continue – démarche patiente que l’on retrouve aussi chez Rolex – ne préjuge cependant pas d’un «lancement spectaculaire» qui sera dévoilé cet automne à l’occasion des célébrations du 175ème anniversaire de la Maison genevoise. Mais en attendant ce qui sera certainement un garde-temps de très haut prestige, penchons-nous un instant sur ces quelques nouveau-

tés en forme d’optimisation. A commencer par le Chronographe à Quantième Annuel référence 5960/ 1A (A pour Acier), une des rares références à associer mouvement compliqué et boîtier en acier. Ce modèle, «qui remplace tous les modèles en or et en platine qui ont fait du Chronographe à Quantième Annuel Patek Philippe, depuis son lancement en 2006, l’un des bestsellers de la manufacture», arbore un visage très résolument graphique: appliques noires, touches de rouge, monocompteur contrasté, bracelet à maillons «goutte» souple et confortable… une indéniable sportivité s’en dégage. De quoi faire de ce qui était déjà un best-seller une des montres acier les plus sobrement prestigieuses du marché. Autre grande nouveauté, toujours en acier, la Nautilus Travel Time Choronographe référence 5990/1A que nous avons longuement présentée dans notre numéro précédent (voir Europa Star 2/2014 Special BaselWorld). Ici, la notion de «continuité» prend tout son sens, non seulement du point de vue technique, en alliant deux complications utiles, mais aussi du point de vue du design qui tire superbement parti de la forme en hublot muni de ses deux oreillettes ou charnières latérales si caractéristiques de cette montre culte. Ici, la charnière de droite sert de renfort de protection pour la couronne et les poussoirs du chronographe et celle de gauche, jusqu’alors exclusivement décorative, a été réinterprétée pour y loger les poussoirs «+» et «–» permettant de faire avancer ou reculer par crans d’une heure l’aiguille de l’heure locale. L’utilisateur peut ainsi afficher en tout temps l’heure du lieu où il se trouve (aiguille pleine luminescente), tout en conservant l’heure de son lieu de domicile (aiguille ajourée). Ajoutons-y à 12h un quantième à aiguille indexé sur l’heure locale et à 6h le monocompteur 60 minutes du chronographe, emportons le tout par un nouveau mou(Suite en page 6) Annonce

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(Suite)

vement à remontage automatique à roue à colonnes, embrayage vertical à disques, balancier Gyromax® et spiral breveté Spiromax® (le CH 28-250 C FUS) et on obtiendra un parfait condensé de ce que Patek Philippe désigne sous le vocable de «développement en continu».

Continuité de l’imaginaire Cette notion de continuité peut prendre d’autres formes que purement technique ou de design. Ce peut être par exemple une continuité de l’imaginaire, comme on l’observe chez Hermès. Guillaume de Seynes, membre de la famille fondatrice et dont les titres exacts sont directeur général adjoint d’Hermès, président du Conseil d’Administration de La Montre Hermès SA et président de John Lobb, a de toujours fait de la durée l’axe principal de la construction de l’horlogerie selon Hermès. Sans jamais avoir prétendu être ce qu’elle n’était pas encore, Hermès a mené une patiente montée en puissance. Mais depuis 3 ou 4 ans, ayant atteint un seuil critique d’intégration verticale des Métiers horlogers, les choses se sont accélérées. Comme nous l’explique Guillaume de Seynes, «l’idée motrice est d’apporter à l’horlogerie un esprit de complication totalement différent, qui nous soit propre, quelque chose que personne n’avait imaginé: une suspension du temps, aller à rebours du temps. Si nous avons pu l’imaginer, ce n’est pas par hasard, c’est la traduction directe d’un rapport au temps particulier, celle d’une maison familiale qui vise le long-terme – nous en sommes à la 6ème génération - et parie sur la transmission des savoirs, de l’approfondissement des Métiers. Cette notion de durée est vraiment très forte, elle nous vient de nos origines mêmes de sellier, dont les produits devaient durer, être résistants, souples, utiles. L’objet Hermès est un compagnon de vie, il se charge peu à peu de sens et d’émotion au fil du temps. C’est de ce rapport au temps dont parle notre horlogerie.» Regroupées sous le terme générique de Le temps suspendu, les complications imaginaires d’Hermès dessinent petit à petit une famille aussi poétique que philosophique. La nouvelle Dressage Heure Masquée n’est pas en reste. «L’idée nous est venue de l’affichage régulateur», explique Philippe Delhotal, directeur de création de la Montre Hermès. Dans la première montre Le temps suspendu, on allait masquer ou brouiller l’indication horaire à la demande, tandis qu’ici, c’est le contraire: en mode «normal», seule apparaît l’aiguille des minutes et, dans le guichet du bas, seule est visible la mention du mot GMT. Rien de bien lisible donc. Et ce n’est qu’à la demande, en agissant sur un bouton-poussoir intégré à la couronne, qu’on fait apparaître instan-

tanément l’aiguille des heures, qui vient aussitôt se positionner à l’heure exacte, et que se dévoile l’indication de l’heure GMT choisie. Sous un autre terme générique, «Le temps à l’œuvre» sont regroupées les montres d’artisanat. Chez Hermès, on a banni désormais le terme «Métiers d’Art», trop galvaudé sans doute, au profit de ce «temps à l’œuvre». Mettant en valeur d’autres Métiers que la maison Hermès détient par ailleurs, comme les Cristalleries royales de SaintLouis, Hermès innove tout aussi poétiquement dans l’art de la décoration avec, par exemple, une proposition aussi inédite que «fleurie»: les

montres Arceau Millefiori. L’espace nous manque ici pour détailler les tours et détours de cette technique très complexe et unique en son genre. Menée par des maîtres verriers, elle consiste à assembler et solidariser entre elles de très fines baguettes de cristal et d’émail qui ressemblent à des sucres d’orge de toutes les couleurs. Il en résulte comme un tapis de fleurs et d’étoiles serrées les unes contre les autres, lumineuses qui, une fois découpées en fines lamelles de 0.6 mm se transforment en étonnants cadrans polychrome. De toute beauté. (Europa Star reviendra dans un prochain numéro sur cette technique exceptionnelle).

Stratégies de rupture Parfois, cependant, ce n’est pas tant de continuité mais de rupture qu’il s’agit, rupture destinée à agrandir son territoire. On pense ici à Louis Vuitton. L’Escale Worldtime est sans doute une des montres les plus étonnantes qu’il nous ait été donné de découvrir à Bâle cette année. Cette montre qui affiche les heures universelles est non seulement en rupture avec les autres heures universelles de l’horlogerie mais aussi avec le style de Louis Vuitton, jusqu’à présent do-

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miné par la forme «tambour», une forme assez «segmentante» auprès du public. Dès son arrivée à la tête de l’horlogerie et de la joaillerie Louis Vuitton, Hamdi Chatti s’est mis à chatouiller les codes de la maison, commençant pas inverser ce fameux tambour. Cette année, la marque s’en démarque directement (sans par ailleurs l’abandonner) notamment avec cette Escale Worldtime extrêmement colorée et très ingénieuse dans son affichage: seule pièce immobile, un sombre triangle central fait office d’indicateur fixe qui pointe la ville choisie. L’heure qu’il y est (sur 24 heures) et la minute, inscrites chacune sur sa propre bague tour-


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nante, viennent automatiquement se positionner. Pour changer du fuseau horaire, il suffit de faire tourner la bague des villes. Ingénieuse, colorée, ludique elle reste cependant d’une lisibilité parfaite. Mais, malgré son apparence «en rupture», cette montre puise son inspiration colorée aux origines du malletier qu’était Louis Vuitton qui proposait de personnaliser ses malles avec des signes géométriques colorés ici réinterprétés. Autre clin d’œil stylistique à ce passé, le boîtier reprend la forme des coins métalliques des malles Vuitton en les transformant en cornes qui viennent protéger et maintenir la boîte. On retrouve le même détail des

cornes en forme de coins de malle dans la très exquise et subtile montre Emprise. A la base de son design du dernier chic parisien, un «simple» carré de 23 mm sur 23 mm, on retrouve «tous les éléments structurels de la malle, ceux qui lui donnent puissance et solidité: les renforts métalliques, les verrous, les clous deviennent des leitmotiv décoratifs répétés à l’infini». Dépourvue de chiffres et d’index, protégée par une glace doublement biseautée, munie de cadrans poudrés évoquant l’intérieur matelassé des malles, et ornés de simples lignes qui rappellent les lambris des grands appartements parisiens, l’Emprise est une pleine et

totale réussite. A notre goût, la plus jolie montre féminine du Salon.

Moyen de gamme à l’offensive Une autre grande «tendance», s’il faut l’appeler ainsi, que l’on entrevoyait statistiquement dès le début de l’année, a été pleinement confirmée lors de ce Baselworld 2014: le moyen de gamme est de retour! Et il l’est de plusieurs façons: par la pondération générale des prix touchant presque toutes les marques (le faramineux et médiatique prix de 50

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millions de US$ pour la tutti-frutti de haut vol de Graff est l’arbre qui cache la forêt), par l’entrée en lice dans l’arène du Swiss Made de plusieurs acteurs fashion (par exemple le remarqué Armani, lire dans Europa Star 3/14 l’article de Malcolm Lakin) et par la vigueur retrouvée des marques suisses oeuvrant essentiellement dans ce segment du moyen de gamme. Un très bon exemple en est Oris dont un des leitmotiv est de «donner de la valeur ajoutée à des prix démocratiques». A l’oeuvre depuis toujours et exclusivement dans la montre mécanique abordable, Oris avait une annonce importante à fai-

re. Son porte-parole, Rolf Studer, Vice-Président, n’y est pas allé par quatre chemins: «Je tiens à souligner qu’ETA s’est construit sur les décombres de l’industrie suisse et qu’au départ c’était un projet commun. Il est un peu facile maintenant de dire que les autres, qui ont été auparavant détruits, ‘viennent maintenant se servir chez ETA comme dans un supermarché’ «, affirme-t-il en faisant référence à d’anciens propos offensifs de Nick Hayek. Rappelant que jusqu’en 1982, Oris, fondée en 1904, produisait jusqu’à 1.2 million de montres par an et était propriétaire de 279 calibres maison, il explique qu’à cette date, l’ASUAG – le consortium à l’origine d’ETA -, chargée de mettre de l’ordre dans la production de mouvements en Suisse, avait purement et simplement décidé de stopper la production de mouvement d’Oris qui a alors été rachetée par ses propres cadres. A l’occasion de ses 110 ans, Oris a donc décidé de se relancer dans la production de mouvements maison avec le Calibre 110, un mouvement manuel doté d’une réserve de marche de 10 jours dont l’indication s’inscrit de façon non-linéaire (intéressant affichage breveté). Développé sur une durée de dix ans en collaboration avec l’Ecole Technique du Locle, la production de ce mouvement de base a été pleinement industrialisée afin de pouvoir parvenir à des coûts de revient suffisamment contenus pour correspondre à la gamme d’Oris, située en-dessous des 5’000.- CHF. (Europa Star reviendra plus en détail dans son prochain numéro ES 4/14 sur Oris et la renaissance de ses capacités de production de mouvements). A l’occasion de son lancement, ce nouveau Calibre 110 équipe la montre «Oris 110 Years Limited Edition», disponible à 110 exemplaires en acier (5’500.- CHF) et 110 exemplaires en or rose 18 carats (14’800.- CHF). Outre cette importante annonce, Oris présentait une série de nouveaux modèles démontrant sa philosophie de «démocratisation» des prix, à l’exemple d’une très belle WorldTimer dotée d’un module original (3’400.- CHF), ou de la Artix Pointer Moon qui, grâce aussi à un module maison, indique le jour de la phase de lune (1’900.CHF), ou encore d’un Chrono Aquis avec lunette tournante céramique et valve hélium à 3’600.- CHF, sans oublier une nouvelle version du fameux Big Crown Timer, équipé d’un mouvement Valjoux, pour 3’300.CHF. Qui dit mieux? Chez Maurice Lacroix, autre acteur essentiel du «milieu de gamme» helvétique, on est également très fier de présenter un nouveau mouvement, intégralement manufacture, le ML 230. Ses particularités essentielles? Développé par Michel Vermot, responsable de la construction des mouvements chez Maurice Lacroix, qui a été le premier à développer et à produire un assortiment complet en silicium en collaboration avec la Haute Ecole Arc basée au Locle, ce mouvement automatique est équipé d’un assortiment complet en silicium.(…)


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Van Cleef & Arpels – Horlogerie narrative Montblanc –«Insuffler notre vraie passion horlogère» Pierre Maillard

Généralement, une montre ça ne raconte pas d’histoire. Du moins pas d’histoire autre que sa propre façon de mesurer et de scander le temps qui passe. Certes, une montre peut faire référence à une histoire– un exploit sportif, un événement marquant, par exemple – mais celle-ci ne fait que “commémorer” cette histoire, la rappeler par un motif, une gravure, une peinture miniature. Avec ses Complications Poétiques (une appellation déposée), Van Cleef & Arpels va nettement plus loin. L’histoire que la montre raconte n’est plus extérieure à elle mais est comme l’expression visible de sa propre vie intérieure, du mouvement qui l’anime. La montre de-vient ainsi le lieu d’une véritable mise en scène d’une histoire qui lui appartient en propre. Le cadran est semblable à une scène de théâtre sur laquelle se déroule la pièce. En coulisses, règne une complexe machinerie qui ordonne et agence les “effets” scéniques. La narration prend ainsi vie grâce au mouvement horloger lui-même.

Poétique du temps qui passe Les Complications Poétiques de Van Cleef & Arpels sont ainsi un exemple unique d’horlogerie narrative. Pour y parvenir, différents types de mouvements complexes sont conçus et mis en œuvre, qui vont chacun permettre de raconter une histoire différente, une histoire qui va mener son “spectateur” à travers les jours, les saisons, les constellations, les sentiments, les moments marquants de l’existence. Ainsi, par exemple, le mouvement Quantième de Saison va faire tourner très lentement – au rythme d’un degré à peine par jour - un disque émaillé disposé derrière le

décor du cadran, de façon à raconter l’histoire rythmique et poétique des saisons qui, presque imperceptiblement, changent de jour en jour. Sur les 365 jours de l’année, pas un seul n’aura exactement le même visage qu’un autre. Le mouvement 24 heures, va quant à lui donner vie grâce à son cadran rotatif, à des histoires se déroulant sur une journée:

définir ce territoire poétique et narratif si particulier. “Le succès de ces montres, qui représentent environ 50% des ventes de Van Cleef & Arpels, ” nous expliquent de concert Jean Bienaymé, directeur marketing et communication, Léa Dassonville, directrice du marketing horloger, et Denis Giguet, directeur des Ateliers horlogers de

Pierre Maillard

Nommé au début de l’été 2013 à la tête de Montblanc, Jérôme Lambert a quitté la direction de JaegerLeCoultre et de A.Lange & Söhne pour s’installer à Hambourg, fief historique de la marque et centre de production de sa principale activité, les instruments d’écriture. L’horlogerie Montblanc reste quant à elle fermement installée en Suisse, obligeant le nouveau CEO à partager son temps entre le grand port hanséatique et les vallées du Jura suisse. Europa Star a réussi à attraper cet homme pressé mais serein au cours d’un de ses déplacements. Europa Star: Vous avez récemment déclaré que «le catalogue de montres de Montblanc doit innover autant que le font nos instruments d’écriture.» Tel n’est pas le cas?

alternance du soleil et de la lune, ou promenade romantique dans Paris avec la montre Une Journée à Paris qui fait lentement défiler les monuments emblématiques de la ville-lumière. Le mouvement rétrograde offre d’autres interprétations du temps et d’autres histoires poétiques. Grâce à la course particulière de ses aiguilles qui décrivent un arc de cercle avant de revenir à leur position de départ, des petites fées, des papillons ou des amoureux évoluent dans leur décor, se rejoignent, se séparent avant de recommencer leur course commune. Les montres rétrogrades Féerie, Butterfly Symphony ou Pont des Amoureux ont tour à tour marqué les esprits et fortement contribué à

la marque, “vient sans doute du fait que les histoires qu’elles racontent sont universelles et que chacune de ces montres offre plusieurs niveaux de lecture: il y a un côté émotionnel très fort, un raffinement artistique des cadrans tout à fait exceptionnel et, aussi, une technicité horlogère très poussée. Nous sommes certainement les seuls à offrir ainsi des mouvements compliqués de haute horlogerie dont la technique n’a pas qu’elle seule pour but mais est entièrement tournée vers une mise en scène poétique et romantique. D’une certaine façon, ça fait penser à la danse classique: le spectacle est tout en légèreté et en envol, mais derrière, que de technique, que d’heures passées à s’exercer, que de sueur!” (…)

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Jérôme Lambert: Montblanc, ce sont trois activités: les instruments d’écriture, qui pèsent environ 50%, la maroquinerie, à 25%, et l’horlogerie, à 25% également. Mais celleci est en très forte progression puisque notre activité horlogère a connu une croissance de 80% dans les 5 dernières années. Avec 200 personnes se consacrant désormais à l’horlogerie (ndlr: 800 pour les instruments d’écriture à Hambourg) sur nos deux sites, Villeret et Le Locle, nous avons tout en mains, la capacité humaine et la capacité technique, pour apporter créativité, inventivité à une horlogerie qui était

sans doute encore un peu trop académique. Pour y parvenir, il nous faut utiliser à plein régime le lien entre Villeret et Le Locle, créer le plus possible de passerelles. Villeret, c’est un incroyable pôle d’excellence où se pratique une horlogerie d’exception. Imaginez un instant: Villeret ce sont 50 personnes pour manufacturer intégralement 50 montres de grande complication par an: ponts,

«Notre activité horlogère a connu une croissance de 80% dans les 5 dernières années.» Jérôme Lambert

platines, échappements, l’intégration y est complète dans le cadre de la pratique d’une horlogerie pré-industrielle, dont la qualité de finition manuelle est hors-pair. A seul titre d’exemple, un pont de tourbillon nécessite 1 semaine de terminaisons à la main! Villeret ce sont aussi 5 constructeurs horlogers qui échafaudent et conçoivent nos propres mouvements. C’est cette véritable passion horlogère, cette excellence, que je veux faire partager et infuser à l’ensemble de notre activité. Mon action se place sous un slogan qui la résume: «To share passion for watchmaking». (…)

Hermès, ascenseur vers la Haute Horlogerie Nul hasard à ce que la présentation de la dernière pièce d’Hermès se soit faite dans le navire-amiral de la marque, Faubourg Saint-Honoré. Son nom étonnant, Arceau Lift, dévoile l’origine de son inspiration esthétique: le «lift» historique du magasin est décoré de doubles «H» entrelacés, en l’honneur des familles Hermès et Hollande à l’origine de la dynastie.

Ce motif se retrouve dans le dessin même du tourbillon qui anime cette pièce d’exception. C’est un tourbillon volant, conçu pour Hermès par Lajoux-Perret. Selon Luc Perramond, CEO de la division horlogère d’Hermès, «cette montre ouvre sur une nouvelle dimension de notre horlogerie, qui mettra en valeur les complications traditionnelles…». (PM) Annonce

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La «lambertisation» de Montblanc F.-P. Journe – Il y a Pierre Maillard

A peine un peu plus de six mois que Jérôme Lambert, ex CEO de JaegerLeCoultre et de A. Lange & Söhne, est à la tête de Montblanc et déjà les effets de son arrivée se font sentir de plusieurs façons: un accent fort mis sur les valeurs horlogères, une hiérarchisation plus claire des collections et une agressivité commerciale bien plus marquée. En somme, autant de «recettes» mises en œuvre avec le succès que l’on sait auprès, avant tout, de Jaeger-LeCoultre. Il faut bien comprendre le nouveau «motto» choisi pour MontBlanc – «Partager la passion pour la Haute Horlogerie» - pour ce qu’il signifie: d’une part insuffler les codes de la

Haute Horlogerie dans l’ensemble de la collection («des grandes complications aux simples trois aiguilles») et de l’autre, «partager» ces codes, c’est

Un Quantième Perpétuel proposé à 10’000.- euros sur acier à dire offrir une Haute Horlogerie à des prix «très attractifs». Ainsi, l’exemple le plus frappant de cette nouvelle politique de «partage», s’incarne-t-il dans un Quantième Perpétuel proposé à 10’000.- euros sur acier, 16’900.- euros sur or! Dix mille

euros le Quantième Perpétuel, il y a de quoi bouleverser la concurrence, comme Jérôme Lambert l’avait déjà fait avec un tourbillon Jaeger-LeCoultre proposé aux alentours de 40’000.CHF, ce qui avait fait aussitôt bondir toute la communauté horlogère. Assisterons-nous aux mêmes émois de la profession et de la concurrence ? Toujours est-il que ce Quantième Perpétuel prend place dans la nouvelle collection Montblanc Meisterstück Heritage qui à la fois «se fonde sur les standards de qualité du Montblanc Meisterstuck», le célèbre instrument d’écriture de la firme de Hambourg, soit un mélange d’artisanat, de fonctionnalité et de design «intemporel», et sur les codes horlogers helvétiques les plus traditionnels. (…)

Titoni, en Chine depuis plus de 50 ans Titoni est une des rares marques horlogères familiales subsistant en Suisse. Créée il y a bientôt 100 ans (ils seront fêtés en 2019), la maison Titoni (connue d’abord sous le nom de Felca) a été dirigée au cours de son histoire par trois générations de la famille Schluep et n’a connu que trois directeurs généraux. Aujourd’hui, c’est Daniel Schluep, qui est aux commandes. Entré dans l’entreprise il y a 32 ans, il dispose donc d’une très large vue sur les évolutions progressives de l’horlo-

gerie, tout spécialement en Chine où la marque, en véritable pionnière, est officiellement installée depuis la fin des années 50. Cette introduction très précoce en Chine communiste a, à l’époque, été rendue possible par les liens de partenariat extrêmement serrés conclu entre la famille Schluep d’un côté et la famille d’origine chinoise Koh, installée alors à Singapour. C’est d’ailleurs afin de mieux pénétrer les marchés chinois que la marque a été rebaptisée Titoni. (…)

30 ans, un jeune rebelle créait son propre tourbillon… Pierre Maillard

Il y a 30 ans, en 1983, un jeune homme à peine âgé de 25 ans mettait le point final à la réalisation de son premier garde-temps: une montre de poche à tourbillon. Cinq ans lui auront été nécessaires pour la concevoir et la terminer. Il a façonné à la main chacune des pièces qui la composent, y compris le boîtier en or et en argent et la signe fièrement d’un F.P. JOURNE – A PARIS. Le jeune François-Paul Journe est un rebelle que ses parents ont cherché à assagir en l’inscrivant à l’école d’horlogerie de Marseille. Là, pour la première fois, lui qui était de son propre aveu un vrai «cancre», il se plaît à apprendre à tailler, à limer, à monter des mouvements. Mais à l’époque, une école d’horlogerie formait des ouvriers spécialisés en horlogerie, pas de véritables horlogers aguerris et capables de faire leur propre montre tout seul. A la sortie de l’école, le jeune FrançoisPaul est alors envoyé à Paris chez son oncle, un restaurateur d’horlogerie ancienne qui compte parmi

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les meilleurs de sa profession. Sur les étagères de l’atelier, il va tomber sur le fameux ouvrage de George Daniels, The Art of Breguet. Le jeune ambitieux va décider de se lancer dans le projet un peu fou de réaliser entièrement une montre de poche tourbillon pour laquelle il va devoir tout réinventer. (…)


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Greubel Forsey, les pieds dans la tradition, la tête dans l’invention Pierre Maillard

En 2014, la manufacture Greubel Forsey fête officiellement ses 10 ans d’existence mais c’est depuis environ 15 ans que Robert Greubel et Stephen Forsey travaillent ensemble. Les deux horlogers ont mis donc 5 ans à peaufiner méticuleusement leur concept avant de créer leur entreprise. Nul hasard en cela, car ce qui est tout à fait remarquable dans cette aventure commune est l’extrême rigueur avec laquelle

les deux horlogers ont conçu leur création et planifié leur développement progressif. Pourtant, comme ils le disent eux-mêmes, «rien n’était écrit d’avance, mais nous étions profondément inspirés.» Leur inspiration? Fins et profonds connaisseurs de l’horlogerie classique, réfutant pourtant l’idée «typiquement post-moderne» comme quoi tout aurait été accompli dans cet art mécanique, ils se sont d’abord attelés à chercher à améliorer les performances des tour-

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billons classiques, quitte à en révolutionner le fonctionnement.

Un «pipe-line» à inventions Méthodiques, scientifiques, Robert Greubel et Stephen Forsey ont mis au point un processus d’invention qu’ils ont nommé Experimental Watch Techonology (EWT) soit une très rigoureuse «plateforme» de réflexion théorique, de recherche, d’étude et d’expérimentation d’où sont sorties la plupart de leurs inventions mécaniques. Leur première invention, le Double Tourbillon 30°, témoigne parfaitement de l’efficacité de ce processus. Au départ, il y a effectivement une «inspiration», sous forme d’une intui-

Robert Greubel et Stephen Forsey ont mis au point un processus d’invention qu’ils ont nommé Experimental Watch Techonology.

tion: et si on inclinait la cage du tourbillon pour en améliorer la moyenne de marche? Quatre ans furent nécessaires pour parvenir à concrétiser ce qui n’était qu’un présupposé et parvenir à une solution inédite: à l’intérieur d’une cage tournant en quatre minutes est insérée une plus petite cage, contenant le balancier spiral, inclinée à 30° et tournant en 60 secondes. Cette conjonction entre inclinaison et vitesses de rotation différenciées permet d’annuler les écarts de marche dus à l’attraction terrestre dans toutes les positions d’une montre bracelet. En 2011, cette configuration inédite remportera d’ailleurs le Premier prix du Concours International de Chronométrie du Locle. Suite à cette première invention, cinq autres idées novatrices vont sortir graduellement (et sortent toujours) du «pipe-line» d’EWT. (…)

Piaget et les contraintes de taille (des montres et de l’entreprise) Philippe-Léoppold Metzger, CEO de Piaget, répond aux questions d’Europa Star.

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Europa Star: Au SIHH vous allez mettre tout l’accent sur votre légitimité historique dans le domaine de l’ultraplat, en présentant le nouveau record de la montre ultraplate la plus fine au monde. Jusqu’où peut-on aller dans ce domaine? Philippe-Léoppold Metzger: Je crois qu’on arrive aux limites du possible. Quand je lis les comptes rendus de la presse, on parle beaucoup de la minceur, mais ce n’est pas forcément ce dont je veux me souvenir à propos d’une montre. Ce qui me frappe est le fait que nous avons réussi une fusion entre Piaget l’horloger et Piaget le bijoutier. Notre immense avantage est l’importance de nos propres ressources dans le mouvement comme dans le boîtier. Donc, au lieu d’avoir des gens qui travaillent chacun de leur côté, qui au mouvement, qui à l’habillage, nous collaborons étroitement dès le début. Nous pouvons parvenir à créer la montre automatique la plus plate du monde parce que Annonce

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ces deux processus sont totalement intégrés. Mais ce n’est pas tant une question de minceur qu’une question de technicité au service du design. Concrètement, cette performance – la nouvelle Altiplano 38mm 900 P est «épaisse» de seulement 3.65mm – a été possible notamment parce que le nouveau mouvement utilise le fond du boîtier comme platine. Autre spécificité, pour laquelle un brevet est en demande de dépôt, le train de rouages a été construit autour du cadran ouvert. Les aiguilles ont plus de profondeur et ne risquent pas d’être touchées par le verre sous pression.

Est-ce que les mouvements ultraplats nécessitent un service aprèsvente plus délicat? PLM: Oui, ils sont beaucoup plus difficiles à travailler à cause de tolérances bien plus réduites et de la taille minuscule des composants. Mais nous avons l’habitude de le faire depuis les années cinquante. Le consommateur achètera-t-il cette nouvelle pièce à cause de sa technicité ou parce que c’est une Piaget? PLM: On verra bien. Mais disons, au vu des premières réactions, que les hommes aiment bien son aspect technique et que les femmes adorent la minceur.(…)


Les détaillants sont mis sous pression comme jamais par les horlogers Quentin Simonet

Les relations se durcissent. Plus aucun cadeau n’est fait. Swatch Group va massivement augmenter sa part de boutiques en propre.

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L’horlogerie, surtout haut de gamme, durcit le ton face aux détaillants horlogers. Depuis une dizaine d’année, les relations entre les deux partenaires, sans l’ombre d’un nuage jusquelà, ont pris un tournant tout différent. Au grand dam des détaillants et distributeurs horlogers. Exit le temps béni des relations idylliques. Le phénomène n’est pas nouveau, les boutiques monomarques bourgeonnent depuis plus d’une décennie, mais le ton monte et plus rien ne sera pardonné. Dans les colonnes du Temps, Bernard Fornas, co-directeur général du groupe Richemont mettait récemment en garde: «La distribution doit arriver à un niveau d’excellence. Il faut que les détaillants deviennent encore davantage des partenaires, qu’ils nous aident à construire nos marques et à projeter cette image sur les points de vente. Il est vrai, et je pèse mes mots, que l’on est devenu nettement plus sévères sur la qualité de nos partenaires.» En d’autres termes, certains d’entre eux ne sont plus à la hauteur. Le groupe genevois de luxe a donc multiplié les ouvertures de boutiques en propre ou en franchise ces dernières années. Pour preuve, l’entreprise basée à Bellevue génère désormais 52% de son chiffre d’affaires via son propre réseau de ventes. A fin septembre 2013 (sur la base du premier semestre de son exercice décalé 2013-2014), le groupe possédait 1043 boutiques à travers la planète. Un record en la matière.

Swatch Group: “encore du chemin” Swatch Group, légèrement en retrait, n’est cependant pas en reste. Le numéro un mondial de l’horlogerie va poursuivre la densification de son maillage de boutiques en 2014 et dans les années à venir. Alors que pour l’heure, les points de vente en propre génèrent 20% de l’ensemble du chiffre d’affaires, cette part est appelée à fortement progresser à l’avenir. Dans un horizon qui n’a pas été détaillé, leurs ventes pourraient atteindre les 30 à 35%, a récemment déclaré Nick Hayek. Pour le patron du leader mondial de l’horlogerie, «il y a encore du chemin». Non seulement de très nombreuses marques du groupe se verront dotées de nouveaux emplacement, mais également les points de vente multimarques vont continuer de fleurir sur le

globe. Comme ceux d’Hour Passion, enseigne qui regroupe les marques haut et moyen de gamme du groupe. Présente dans les aéroports depuis 2004, la chaîne disposait à fin 2013 d’une cinquantaine d’emplace-

Swatch Group vise 35% de ventes en nom propre. ments, comme en Chine, en Italie, en Allemagne ou encore au RoyaumeUni. L’an dernier, ce concept a été déployé dans certains centres urbains, tels Londres, New York, Las Vegas, Kuala Lumpur ou encore Poznan en Pologne. Le premier déploiement dans un centre-ville l’a été à Paris, rue de Sèvre. Marque de Swatch Group, Omega, en à peine treize ans, a ouvert 123 boutiques en propre, pour un total de plus de 322 unités. Et son patron ne cache pas sa préférence aux boutiques monomarques par rapport aux détaillants. Stephen Urquhart a ainsi confié au Temps. «Dans un monde idéal, nous n’aurions que des points de vente corporate. On contrôle ainsi notre destin. Cela évite tous les risques inhérents à un partenariat, comme les changements de propriétaire ou les faillites», selon lui. Voilà les détaillants mis en garde. Des déclarations qui ne sont d’ailleurs pas passées inaperçues et ont suscité quelques remous en Allemagne. Les marques craignent surtout que leurs concurrentes soient mieux vendues, mieux présentées ou mises en avant dans un boutique monomarques. Au final, tout dépend de la marge proposée au détaillant. Et ce chiffre baisse tendanciellement, constate Manuel Emch. Il serait ainsi passé en moyenne de quelque 40 à 50% à moins de 30% ces dernières années, estime le patron de RJ Romain Jerome.

Rolex, une exception de taille La plupart des marques ne peuvent toutefois pas se passer (complètement) de leurs partenaires. Et d’ailleurs ce n’est pas l’objectif recherché. Ainsi, Omega, en sus de ses boutiques, fait appel encore à 3000 points de vente. Mais la pilule a parfois de la peine à passer. «La marque X [ndlr : nom connu de la rédaction] a ouvert une boutique dans la même rue que mon magasin. Nous sommes pourtant partenaires depuis plus de trente ans. C’était comme un coup de poignard dans le dos. Surtout qu’ils ne m’en avaient pas informé officiellement», témoigne le propriétaire de plusieurs points de ventes horlogers en Suisse. Toutes les marques ne développent toutefois pas un maillage de boutiques en propre. Rolex constitue à cet égard une exception de taille et cultive sa singularité. Pas d’offensive de boutiques en propre pour la marque à la couronne. Le géant genevois privilégie les relations avec ses détaillants historiques, à l’image de Bucherer en Suisse, arguant qu’il s’agit de deux métiers bien différents. A l’avenir, le groupe ne devrait pas infléchir cette approche, nous assure-ton. La manufacture horlogère Patek Philippe, qui a toutefois nettement réduit le nombre de points de ventes ces dernières années (de 750 à 450), mise toujours et encore sur ses partenaires. Selon son président Thierry Stern, « sans eux, nous n’existerions tout simplement pas». Les boutiques de marques réduisent-elles les ventes des détaillants? La réponse, toute en diplomatie et en langue de bois, est négative. Difficile toutefois de croire que cette offensive soit restée sans effet. Alors que la marque horlogère Hublot a ouvert 70 boutiques dans le monde depuis 2007, ce sont des milliers de ventes qui ont échappé aux autres points de vente. (…)


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