Aquelarre - ELIXIR, ESSENCE, DISTILLATION

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Salon de Lecture Parasite AQUELARRE —ELIXIR, ESSENCE, DISTILLATION Lectures liquides et distillées.


Dayna Casey, Fertile Imaginaries, a Vessel for 92% Water, 2018-2020.


"I would argue that “reading a landscape” is increasingly becoming a matter of deciphering the intertwining of natural and anthropic sedimentary processes that characterizes it [...] Hence the need, as I see it, to integrate a dynamic, and not merely stratigraphic, sedimentology into the aesthetics of the landscape.”

—Matthieu Duperrex, 'Landscape and Hybrid Sedimentology,' Critical Zones, 2020.


AQUELARRE — ELIXIR, ESSENCE, DISTILLATION ~ Lectures liquides et distillées Un salon de lecture parasite —Parasitic Reading Room— est un format d’atelier ouvert qui rassemble une multitude de voix. C'est un ensemble constitué d'espaces pour des lectures spontanées, une école itinérante. Collectivement, un groupe de personnes lit à haute voix une sélection de textes. Ce dispositif requiert de la proximité, de l’empathie et la volonté de recevoir ouvertement d'autres voix et idées. Le salon de lecture parasite tend à «parasiter» les lecteurs, les passants, les contenus et les lieux, provoquant des savoirs contagieux. 4 | Pensez au continuum, pas à la division!


Above: Parasitic Reading Room at 'PLACE, PEOPLE AND TIME publishing as an artistic practice'—, with The Museum of Loss and Renewal and My Bookcase, 2019. Below: Book launch of Archipelago of Protocols, with the Urban School Ruhr, Athens, 2016.

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En lisant à haute voix, nous partageons un espace intime, un moment et un lieu où nous apprenons de multiples manières : nous apprenons du fond, mais aussi des formes, des nuances, des accents, des langues, de la cadence de la lecture. Abigail Williams parle de «la vie sociale des livres», c’est-à-dire que «la manière dont les livres sont lus est aussi importante que ce qu'ils contiennent». Nous nommons cela « le livre comme espace de rencontre » ; un espace dans lequel les différents livres coexistent et s'enrichissent mutuellement. Le livre devient un espace nécessaire où l'auteur peut dialoguer avec le lecteur, où différents lecteurs peuvent lire entre les lignes et trouver un lieu d’échange dans lequel débattre et discuter des idées. Une école ouverte, faite d’ouvrages et de rencontres. Dans le cadre du festival expérimental Le cours de l'eau, la cour et l'eau, le salon de lecture parasite «Aquelarre - Élixir, Essence, Distillation» explore la redéfinition des imaginaires, l'évolution des représentations et la pertinence des politiques territoriales à travers ce que nous entendons de la notion de territoire, en essayant de problématiser les dichotomies conventionnelles centre/périphérie, rural/urbain, local/ global. C'est dans le relais entre l'intérieur et l'extérieur, le rural et l'urbain, le centre et la périphérie, le local et le global que se trouve la clé pour dépasser cette séparation ontologique et par conséquent trouver le potentiel pour créer des espaces d'interconnexion. Comme l'a souligné Rosi Braidotti : «Pensez au continuum, pas à la division!». Aujourd'hui, les ruralités doivent être considérées, au-delà des représentations binaires et dépréciatives telles que «urbain-

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rural», «culture-nature» ou «centre-périphérie», comme des lieux où «redimensionner la forme et l'action politiques». La périphérie est entendue comme un état d'esprit, plutôt que comme une situation géographique. La notion d'échelle, à la fois physique et politique est particulièrement pertinente ici ; comme l'a fait remarquer Pelin Tan, «le repli est hanté par l'inertie, alors que l'exil volontaire est fondé sur un redimensionnement de l'activité politique elle-même. C'est une question d'échelle, mais l'échelle est transversale. Les échelles sont traversées par des drones, des stylos, des sites web, des rochers et des villes.» Nous nous immergerons dans cette lecture à voix multiples, accompagnés des élixirs des producteurs locaux : une sélection de boissons fermentées de la région représentant la connaissance enracinée dans le sol local, le climat, les pratiques vernaculaires et la compréhension millénaire du terrain par l'homme ; nous nous rassemblerons dans un rituel dans lequel nous questionnerons notre relation et nos alliances au sein de la culture et du territoire à travers les voix rassemblées dans cet ouvrage, mais aussi en écoutant le vent, les rivières, les montagnes, les plantes, les lichens, les saveurs. Du corps à la planète, à toutes les formes vivantes, nous élargirons nos canaux de communication sur cette Aquelarre. —Ethel Baraona, Berta Gutierrez, Rosario Talevi, 2021.

The Parasitic Reading Room is an on-going project initiated by dpr-barcelona and the Open Raumlabor University in 2018 for the Istambul Design Biennial 'A school of schools', and that has evolved through a diverse set of installments in different locations and diverse languages to parasite or allow to be parasited depending the context.

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1

P

t

b

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hear a variety of sounds … so many … mere sounds. That’s all they are; they should not cause fear to anyone. We hear the rumbling of clouds, the whistling of wind in the reeds, we hear sounds of lutes and drums, big and small, sounds of conches and bells, of wagons and doors, creaking, sounds of axes and saws and similar implements—all kinds of sounds are heard here. One should not be afraid of them. VIṢṆU ŚARMA, THE PANCHATANTRA,

☛ Maya Hey

(~3 BCE). 1

Visnu Śarma

1

Moreover, here in this forest, we

When referencing this work, I have used the scholarly translation of Visnu Śarma’s, The

Relating To, Working With, The Panćatantra. and Thinking Through there is an accent “ ´ ” above the “c” in the book’s title; to help English readers, this has Source: Bound Bright Bodies. hereafter as a “ch,” following other translations been transliterated of thewith same work.Beautiful

Panćatantra, trans. Chandra Rajan (London: Penguin Classics, 1993) 30. In this edition,

Source: Fermenting Feminism (Hunter's Moon), Lauren Fournier (ed.). Laboratory for Aesthetics and Ecology, 2017.

Things, Caroline Picard. Deep Time Chicago Pamphlet Series, HKW, 2017.


Raoul Renault Pêche a la "coulée". Source: Le gardon Ses moeurs, ses pêches. S. Bornemann, 1963.

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The cartoon Paving Bolivia shows the road across TIPNIS, which stands for “Territorio Indígena y Parque Nacional Isiboro Sécure.”

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Marisol de la Cadena Uncommoning Nature. Source: 'Supercommunity,' e-flux journal #65, Julieta Aranda & Brian Kuan Wood & Anton Vidokle (eds.) e-flux, 2015.

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in the shadow of the Anthropocene’s “anthropo-,” we must reorient our attention. Many preindustrial livelihoods, from foraging to stealing, persist today, and new ones (including commercial mushroom picking) emerge, but we neglect them because they are not a part of progress. These livelihoods make worlds too—and they show us how to look around rather than ahead. Making worlds is not limited to humans. We know that beavers reshape streams as they make dams, canals, and lodges; in fact, all organisms make ecological living places, altering earth, air, and water. Without the ability to make workable living arrangements, species would die out. In the process, each organism changes everyone’s world. Bacteria made our oxygen atmosphere, and plants help maintain it. Plants live on land because fungi made soil by digesting rocks. As these examples suggest, world-making projects can overlap, allowing room for more than one species. Humans, too, have always been involved in multispecies world making. Fire was a tool for early humans not just to cook but also to burn the landscape, encouraging edible bulbs and grasses that attracted animals for hunting. Humans shape multispecies worlds when our living arrangements make room for other species. This is not just a matter of crops, livestock, and pets. Pines, with their associated fungal partners, often flourish in landscapes burned by humans; pines and fungi work together to take advantage of bright open spaces and exposed mineral soils. Humans, pines, and fungi make living arrangements simultaneously for themselves and for others: multispecies worlds. Twentieth-century scholarship, advancing the modern human conceit, conspired against our ability to notice the divergent, layered, and conjoined projects that make up worlds. Entranced by the expansion of certain ways of life over others, scholars ignored questions of what else was going on. As progress tales lose traction, however, it becomes possible to look differently. The concept of assemblage is helpful. Ecologists turned to assemblages to get around the sometimes fixed and bounded connotations of Anna ecological “community.” The question of Lowenhaupt how the varied Tsing species in a species assemblage influence each other—if at all—is never settled: Artswork of Noticing. some thwart (or eat) each other; others together to make life possible; still others just happen to find themselves in the same place. AsSource: The Mushroom at the End of 14 | Pensez au continuum, pas à la division! the World: On the Possibility of Life in Capitalist Ruins. Princeton University Press, 2017.


Augustin Berque Source: HISTOIRE DE L'HABITAT IDÉAL. De l'Orient vers l'Occident. éditions du félin, 2010.

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existence. Or ce sol, aujourd’hui, de notre fait, il se dérobe sous nos pieds. La planète, elle, ne craint rien. Pour elle – pour cette substance première – l’être humain n’est qu’un accident parmi d’autres. * Un proverbe chinois raille « la mante qui attrape une cigale, quand le moineau est derrière elle » 1178 ; c’est-à-dire les gens qui s’affairent à des broutilles alors qu’un danger grave les menace. Peut-être cela vient-il de cet apologue du Zhuangzi : Zhuang Zhou [Zhuangzi] se promenait dans la campagne de Diaoling. Il vit une pie étrange, qui venait par le sud. Son envergure atteignait sept pieds, ses yeux un pouce de diamètre. Frôlant le front de Zhuang Zhou, elle se posa dans un bois de châtaigniers. Zhuang Zhou se dit : « Quel oiseau est-ce là ? Il a de grandes ailes, mais ne s’envole pas. Il a de grands yeux, mais il ne voit pas ». Retroussant sa tunique, il s’approcha rapidement, l’arbalète à la main, et visa. Il vit [alors] une cigale qui profitait de l’ombre, oubliant son propre corps1179. Une mante religieuse, agrippée à une feuille qui l’abritait, la guettait en oubliant sa propre forme1180. La pie étrange, à son tour, allait en faire sa proie, voyant son intérêt mais oubliant sa propre plénitude1181. Zhuang Zhou fut pris de peur. Il se dit : « Aïe ! Les êtres, au fond, s’impliquent les uns les autres. Le profit appelle la perte ». Jetant son arbalète, il s’enfuit. Le garde forestier le poursuivit en l’injuriant1182.

Ce que cette histoire nous rappelle, c’est l’échelle des choses. Notre place dans l’Univers, qui est infime, et la nécessité d’ajuster notre monde à la Terre, qui en est le support. Or nous agissons comme si notre monde était à lui-même son propre étalon. Nous l’absolutisons, alors qu’il n’existerait pas – nous n’existerions pas – sans cette base matricielle : la Terre. § 55. La forclusion du travail Ce qui précède n’est que le rappel d’une évidence écologique : l’être humain ne ~ Élixir, Essence,soin. Distillation 15 peut se passer de l’environnement terrestre, etAquelarre doit donc en prendre C’est|son milieu de vie. Mais ce milieu humain n’est pas qu’un environnement naturel ; c’est aussi une création humaine, symbolique et technique. C’est en tout cela qu’il incarne notre rapport à la Terre. Ainsi ce rapport – l’écoumène – est éco-techno-symbolique,


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David Zilber Gazpacho recipe. Source: @david_zilber, Instagram, June 20, 2021.

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Reading Raafat Majzoub's Naked at Nature – A Night School, an event on the framework of Parckdesign (curated by Gilly Karjevski, Judith Wielander, and Alexander Romer).


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Gina Rae La Cerva 20 | Pensez au continuum, pas à la division!

The Life Story of a Recipe. Source: Emergence Magazine, 2021.


signe d’une lente dissipation de l’amnésie cognitive qui a permis l’usage massif de la charrue et de la chimie. Vivre dans un monde multiespèces, c’est spécifier, respecere, regarder à nouveau, respecter (de racine linguistique commune), observer et s’incorporer dans un paysage tissé par les relations des êtres vivants. Les agriculteurs apprennent à le lire et à s’y adapter pour cohabiter avec certains animaux « utiles » comme les renards, les buses ou les vers de terre. Ces formes de transmission de l’information ne supposent pas uniquement un individu, mais un écosystème beaucoup plus complexe. « Cultiver » devient alors « accompagner » certains rapports de connivence entre espèces. Être lié aux temporalités de la vie microbienne du sol, de la silice, du carbone des arbres et des réseaux trophiques, suppose de composer avec d’autres temporalités que celles proprement humaines et agricoles. Elles semblent encore dictées par le système agroalimentaire comme la mensualité de remboursement des prêts bancaires ou encore les variations des cours mondiaux des céréales. Les temps de réponse des systèmes écologiques, le temps de réponse de l’humain et celui des réseaux d’apprentissage sont pourtant très différents. Comment ces temporalités si singulières et pourtant complémentaires peuvent-elles se lier pour essaimer les pratiques agroécologiques à la hauteur des enjeux écologiques et d’une production alimentaire de qualité ? Dès lors, quelle est la dépendance mutuelle des apprenants par rapport à la compréhension et la transmission de l’information ? Quels sont les outils de ce paysage « apprenant » ? 51

Essaimer par l’image :Clémence remonterBardaine et aux sources de l’ACS…Alexis Pernet Aquelarre ~ Élixir, Essence, Distillation | 21 Source: Un Paysage L’entrée par le paysage nous autorise ainsidu àRenversement. aller Des agriculteurs à l'école du sol. bien au-delà des formes visibles, de cet « effet de surÉditions du commun, 2019. face » de l’ACS. Peut-être faudrait-il, en parallèle de


☛ David Abram Source: Becoming Animal: An Earthly Cosmology. Penguin, 2011.

☛ Michel Serres and Bruno Latour Source: Conversations on Science, Culture, and Time. University of Michigan Press,1995.

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Book of Hours, probably written for the De Grey family of Ruthin c.1390.

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Vinetur Wine Recipe. Source: vinetur.com, 2016.

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Osama Fattaleh I complain to him. 26 | Pensez au continuum, pas à la division!

Source: Bird Songs. Osama Fattaleh et al. , 2019.


Keguro Macharia Source: @keguro_, Twitter, July 12, 2021.

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Bruno Latour Source: Où atterrir? Comment s'orienter en politique. Éditions La Découverte, 2017.



Rem Koolhaas Ignored Realm. Source: Countryside, A Report. Taschen, 2020.


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Illustration : Constructlab Aquelarre ~ Élixir, Essence, Distillation | 33


Marielle Macé

veux-tu t'entourer, à quoi te lier, dans quoi Source: Nos cabanes. Editions t' immerger ? Les luttes actuelles ont toutes Verdier, 2019. à voir avec l'évidence de cet élargissement, avec son appel, sa surprise. On se souvient aussi que l'élargissement d'un détenu, , c'est sa sortie : l'élargissement est une libération. Et c'est une libération parce que c'est une lutte contre les rétrécis­ sements, une rouverture sur la grandeur, comme le risque Deguy : « Il ne s'agit pas de désenfumer le terrier, de dépolluer 1' Umwelt, mais de rouvrir l'ouverture - et reménager les ouvertures - sur la "grandeur". » *

La terre n'est pas muette donc. Mais

comment entendre ses idées ? Nous n'avons

pas l'habitude d'être à l'écoute des choses qui ne parlent pas ; no!J;S ne savons pas

comment nous y prendre

les entendre

et pour nous relier à elles (c'est d'ailleurs ce

qui nous rend un peu envieux des cultures 78

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animistes, qui savent . y · faire, et trans­

mettent de bonnes manières) ; au mieux

savons-nous les ventriloquer, parler en leur

nom, en les tenant pour un interlocuteur unique (« lâ nature »).

Comment entendre, par exemple, le -discours de l'eau - et notamment ce que le

silence terrifiant de la Méditerranée a bel et

bien à dire ? Il suffit peut-être de l'interroger,

de l'inviter à comparaître. Par exemple à

comparaître au procès en responsabilité des

vies perdues sur nos côtçs, qu'il faudra bien

tenir un jour. L'eau sans doute ne peut pas répondre mais elle peut paraître à la barre,

·

témoigner, accuser même, si l'on se met à

l'écoute de ce dont, très concrètement, son

silence et son opacité se souviennent. L'eau en effet ne se contente pas d'ensevelir, elle

retient, conserve, enveloppe ce qui s'y love, par là se souvient, et peut donc témoigner.

Écouter ce qu'elle a à dire, c'est écouter ce témoignage, avoir à entendre un tout 79

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nouveau témoignage (car la Méditerranée disait bien autre chose avant). Ce n'est pas seulement que l'eau désormais gémisse, c'est

qu'elle porte plainte : elle porte la plainte, la recueille, la soutient. Les tonnes de plas­ tique qu'eU� enferme portent plainte - une plainte en contrefaçon pour falsification du paysage, défiguration de la figure même de nos mythes, défiguration du cosmos. Les embarcations · échouées portent plainte. Les corps noyés évidemment portent plainte.

Ce n'est pas seulement donc que l'eau se souvienne, s'informe, change de forme et de cours, se plasme et se replasme autour de l'advenu, et à sa manière en garde la trace ; c'est qu'elle a été témoin et qu'un témoin ça se convoque, publiquement, et ça s'écoute. Les efforts pour entendre le discours de l'eau ne sont pas des effq��s pouf fictionner une parole, mais pour se 1nettre à 1 'écoute de quelque chose qui justement n'a pas le don de parole, et qui pourtant a beaucoup à 8o

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dire, et pourrait, dans son silence, répondre de nous et de notre humanité. - « Un seul navire répondra à tout

»,

posait Michaux

en clausule de Chemins cherchés, chemins

perdus, transgressions. C'est ce qui a animé le travail de Charles Helier et Lorenzo Pezzani, Forensic Ocea­ nography, lorsqu'ils se sont fait les vigies des embarcations et des vies perdues en Médi­ terranée, les défenseurs de leurs droits, et par conséquent les surveillants des surveil­ lants. Ces géographe� se sont penchés .sur le cas d'un bateau abandonné à la mort, «

the left-to-die boat », une embarcation

de migrants qui en 20II a dérivé pendant quatorze jours dans une zone surveillée par l'OTAN, a envoyé de multiples signaux, a été plusieurs fois identifié, a reçu la visite d'un hélicoptère et a croisé la trajectoire d'un navire militaire, mais n'a jamais été secouru, et sur lequel soixante-trois personnes ont trouvé la mort, dans une 8I

Marielle Macé Source: Nos cabanes. Editions Verdier, 2019.

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Ozayr Saloojee Source: The Fraught Landscape, 2008.

☛ Sandra Jasper Abandoned Infrastructures and Nonhuman Life. Source: Society+Space, (societyandspace.org), November 30, 2020.

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Patrick Bouchain Source: Construire autrement. Comment faire?, Actes Sud, 2006.

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Images: Sara Giannini, Unfold #1: A Library Where the Books Have Melted Into One Another and the Titles Have Faded Away. The Volume Project, 2015.

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(FRORJ\ DQG WKH $UW RI 6XVWDLQDEOH /LYLQJ

David Haley

RESILIENCE $V WLSSLQJ SRLQWV SDVV

Resilience Source: Ecology and the art of sustainable living, Field: journal, 2010.

%HOLHYLQJ ZKDW LV QRUPDO *UDFH XQGHU SUHVVXUH 3URIRXQG GLVWUDFWLRQV 9DQLW\ RI YDQLWLHV /HIW WR WKH 0DUNHW 2Q WKH VKLS RI IRROV 6LQJLQJ GHDI DQG GDQFLQJ EOLQG 1RZ ZH¶UH DFWLQJ PDG --------------(OLWH LJQRUDQFH ,QHUWLD IURP ZKLWH ER[ EUDLQV ([SHUW DUURJDQFH ,Q D FRPSOH[ ZRUOG /HDGLQJ D FKLOG E\ WKH KDQG +HUH XQGHU WKH VXQ 1RW VR PXFK NQRZOHGJH /LYLQJ LQ D TXDQWXP ZRUOG $ VKLIW LQ WKLQNLQJ ------------&UHDWH DQG GHVWUR\ 7KH UK\WKP RI 6KLYD¶V GUXP 1HYHU VWRS GDQFLQJ 5LFKQHVV RI OLIH <RX WR PH WR WKHP DV RQH 7KLV LV DOO WKHUH LV $V WKH JOREH ZDUPV 7KH RWKHU VLGH RI FROODSVH 0\ WHDUV WDVWH RI VDOW

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A CURRICULUM FOR THE ANTHROPOCENE

Complexity Complexity is, without a doubt, a more than appropriate term for the Anthropocene. The interconnection of entities, places, agencies, and times is a strong conviction across the disciplinary board when it comes to the world WRGD\ 7KXV LW KDV EHFRPH GLɝFXOW WR LPDJLQH D V\VWHP WKDW LV LQGHHG non-complex. Problems tend to become ever more wicked, solutions ever more tentative and short-lived. There seems to be a general limit not only to understanding but also to the forms of representation itself. Physical non-linear systems, societal complexity, co-evolution of socio-epistemic formations, intricate feedback loops between the material and the mental, econophysics, city planning, post-modern Babel—indeed, much of our conWHPSRUDU\ NQRZOHGJH IRUPV EHDU D UHVRQDQW DɝQLW\ WR WKLV WHUP &RXOG WKHUH be an anti-complexity backlash? Might the complexity of complexity eventually nourish a longing for easier solutions and reductive or clear-cut worldviews? Can knowledge remain content with non-optimal solutions?

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14


15

DEEP TIME CHICAGO

ȊΖȇP DOO IRU UHGXFWLRQLVP ΖWȇV WKH EDVLV RI VFLHQFH DQG WKHUH LV RQH ELJ FRQIXVLRQ DERXW FRPSOH[LW\ WKDW LW LV QRW UHGXFWLRQLVW &RPSOH[LW\ WKHRU\ LV FXUUHQWO\ WKH PRVW UHGXFWLRQLVW WKHRU\ WKDW ZH KDYH WKDWȇV PD\EH ZK\ LWȇV WKH PRVW SURPLVLQJ WKHRU\ ΖWȇV D UHGXFWLRQ RI D GL΍HUHQW NLQG ΖWȇV QRW D UHGXFWLRQ WR LWV FRPSRQHQW SDUWV DQG D VPDOOHU VFDOH LWȇV D UHGXFWLRQ WRZDUGV WKH GLVFRYHU\ RI IXQGDPHQWDO SULQFLSOHV RI WKRVH FRPSOH[ V\VWHPV EXW LWȇV UHGXFWLRQLVW QHYHUWKHOHVV >Ȑ@ ȋ —Jürgen Renn, historian of science Ȋ:H PXVW VHHN UHPHGLHV EHFDXVH MXVW VWDWLQJ WKDW SUREOHPV KDYH QR VROXWLRQ LV QRW D VROXWLRQ +RZHYHU LQ WKH $QWKURSRFHQH ZH DUH IDFLQJ ȆZLFNHG SUREOHPVȇ ZLWKRXW D VLQJOH DQVZHU :KDW FRXQWV DV D VROXWLRQ GHSHQGV RQ KRZ WKH SUREOHP LV IUDPHG DQG YLFH YHUVDȃDQG ZKR LV VSHDNLQJ ȋ —Miriam Diamond, chemist

Deep Time Chicago Complexity. Source: A Curriculum for the Anthropocene. Nick Houde, Katrin Klingan, Christoph Rosol, Carlina Rossée (eds.), HKW, 2016.

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Ronald Ross 1897 original notebook records of the malaria parasite in mosquitoes. Source: Memoirs with a Full Account of the Great Malaria Problem and Its Solution, J. Murray, 1923.

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Disclaimer: A parasite does not ask permission to interact, it nourishes itself from its host, and causes changes for good and for bad... it depends on who tells the story. The parasitized texts in this reader are reproduced without asking permission, the only reason is its nutritional value for the survival of a non-mercantilized form of knowledge exchange. As if a genetic trail the source is cited the result is uncertain and it only depends on who reads it.

Ethel Baraona Pohl est critique, auteure et commissaire. Elle est cofondatrice du studio de recherche indépendant et de la maison d’édition dpr-barcelona, qui opère dans les domaines de l’architecture et de la théorie politique et sociale. Ses écrits sont publiés dans de nombreux médias, des revues universitaires aux publications indépendantes. Sa pratique curatoriale comprend, entre autres, Adhocracy ATHENS (Centre culturel Onassis, 2015), et plus récemment, Doce fábulas urbanas (Matadero Madrid, 2020-2021. dpr-barcelona.com @ethel_baraona Berta Gutierrez est architecte et chercheuse basée entre Barcelone et Berlin. Son travail est en dialogue avec d’autres disciplines, comme l’art contemporain, la technologie et la philosophie. Elle est associée de l’agence forty-five degrees. Auparavant, elle a travaillé comme chercheuse et chef de projet au ministère de l’éducation de l’Argentine, au Medialab-Prado,

à Matadero Madrid ou encore à l’université polytechnique de Madrid. Elle a développé l’unité de recherche WonderLAB au studio Rosan Bosch à Copenhagu. forty-five-degrees.com @bertagutierrezc Rosario Talevi est architecte, commissaire, éditrice et éducatrice. Basée à Berlin, elle s’intéresse aux pratiques spatiales critiques, aux pédagogies transformatives et aux futurs féministes. Elle est co-directrice de la Floating University, où elle dirige le programme Urban Practice & Climate Care, un festival engagé dans la théorie et la pratique à l’intersection des défis climatiques, de l’éthique du soin et des humanités environnementales. Elle collabore de longue date avec raumlabor Berlin et est membre de Soft Agency. rosariotalevi.com @lapistera

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AQUELARRE ELIXIR, ESSENCE, DISTILLATION Lectures liquides et distillées Un atelier proposé par Ethel Baraona, Berta Gutierrez, Rosario Talevi. Le festival d’idées Architectures & paysages à La cuisine “Le cours de l’eau, la cour et l’eau” Programme held at La cuisine, centre d’art et de design de Nègrepelisse


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