Érectile Magazine #10

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Érectile MAGAZINE Numéro dix

MARS Nina Galdino Wasp Manuel Volmar Benjamin Ottoz Isadaqueen ÉR

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Érectile MAGAZINE Numéro dix Érectile est un magazine mensuel gratuit extensif proposant des portraits, des interviews et des rencontres croisées de jeunes créateurs. Ici, l’objectif est de parvenir à porter un regard plus précis sur l’œuvre par le biais d’une démarche compréhensive du parcours de son géniteur. Nous souhaitons raconter des histoires plutôt que d’en inventer, avec simplicité – parfois – et sincérité – toujours.

Rédacteur en chef Matthias Meunier

Directeur de publication Yannis Mouhoun

Rédaction magazine Perrine Hériot Inès Lockert Cindy Renard Thibaut Renoulet Héléna Gillant Marion Régnier Elsa Poussard Martin Van Boxsom

Conception graphique

http://www.matthiasmeunier.com

Contact

matthias@erectilemagazine.fr

Site web

www.érectile.fr

Un projet de

www.medias-culture.fr

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Érectile [adjectif] ⁝

Dérivé d’érection ou du latin erectum, supin de erigere, ériger. Qui peut se gonfler et durcir par afflux de sang dans les vaisseaux.

Se dit également de poils susceptibles de se dresser.

D’un point de vue symbolique, l’ours est un animal possédant bon nombre de facettes. Dans la cosmogonie chinoise, Yu le Grand, créateur du monde, prenait la forme d’un ours afin de l’organiser. Les Inuits, eux, voient l’ours comme un symbole de grande force et de courage symbolisant également le pouvoir de l’inconscience et de la connaissance de soi. Cette dernière vision de l’image de l’ours peut également se rapprocher de celle que possédaient les alchimistes puisqu’ils voyaient en lui une forme d’initiateur. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’ours possède également quelques points communs avec l’art. L’ours est considéré comme un animal violent et brutal. Il est pourtant capable d’être apprivoisé de manière très simple, mais n’en demeure pas moins capable de régresser violemment vers un état primaire, de la même façon que l’art peut lui aussi être considéré comme un moyen d’expression brut, primitif aujourd’hui apprivoisé et même intellectualisé. Enfin, tout comme l’art, quel animal s’est retrouvé apprivoisé pour être donné en spectacle et exposé aux yeux de tous dans les cirques et les foires ? Eh bien oui, il s’agit de l’ours. De la à trouver cohérente l’idée d’associer Érectile Magazine à un ours, il n’y qu’un poil...


RENCONTRE

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AnimĂŠe par les voyages au bout du monde et l'univers du rock'n'roll,

Nina Galdino partage avec nous son travail photographique.


ERTNOCNER

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Érectile MAGAZINE Numéro dix

Nina Galdino rencontre Entretien réalisé par

Perrine Hériot

SIte internet de l’artiste http://www.facebook.com/galdinonina ÉR

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Black'n'White Bonjour Nina ! Qui es-tu ? Quel est ton parcours ?

Bonjour ! J’ai 20 ans, j’habite le 18ème arrondissement de Paris, je fais partie de deux groupes de musique et j’aime particulièrement le Bo bun ! Je suis actuellement en deuxième année aux beaux-arts de Paris. Concernant mon parcours, j’ai étudié dans un lycée professionnel de photographie puis une prépa publique qui m’a aidé à intégrer les beaux-arts. La ville de Paris est une source d’inspiration au niveau artistique pour grand nombre de personnes dans le monde. Toi qui vis ici tous les jours, considères-tu que tu as de la chance de pouvoir photographier cette merveille quand tu en as envie ? Est-ce qu’une série de photos parisiennes pourrait-être un de tes projets ? Lorsque je fais des photos à Paris, la ville n’est pas le « sujet ». Je considère avoir de la chance de vivre ici et je suis très contente de ma ville par rapport à tout ce qu’elle propose (culturellement parlant, par exemple) et tout ce qu’elle permet de faire. Mais lorsque je photographie, bien qu’on peut parfois y apercevoir les rues parisiennes, ça reste secondaire.


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Quand décides-tu de photographier des séries en noir et blanc plutôt qu’en couleur et vice versa ?

Mon premier appareil photographique était un argentique, sans vraiment de raison particulière j’ai commencé à photographier en noir et blanc. Par la suite, je suis restée attachée à ce noir et blanc et je l’ai choisi pour la série Rock N Roll. C’est peut-être un clin d’œil aux vieilles photos que l’on peut voir sur ce mouvement musical qui a commencé il y a bien longtemps, ou bien pour le côté sombre de la nuit… J’ai comme l’impression que chaque ville ou chaque pays a ses propres couleurs. Je trouve donc important de les photographier telles quelles. Mais je ne me restreins pas et je trouve même intéressant dans une série de mélanger l’argentique, le numérique, le noir et blanc ou la couleur. Le Vietnam était très beau en couleur mais je n’ai pas pu m’empêcher de le photographier en noir et blanc, étant moi-même particulièrement fan des photos de la guerre du Vietnam. Est-ce qu’il t’arrive de retoucher certaines de tes photos ? Oui, je retouche mes rares photos de studio. Mais généralement pour mon travail personnel, je recadre très rarement et lorsque je retouche mes images, cela reste très basique.


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Après le Brésil, le Japon, le Vietnam et la Thaïlande, quels sont les prochains pays ou les prochaines villes que tu prévois de visiter et d’immortaliser avec ton appareil ? Fin janvier j’ai eu la chance, via mon école, d’aller en Grèce. J’ai pu passer onze jours à Athènes et j’y retourne très bientôt. J’ai donc commencé une série là bas, mais étant dans la découverte, elle n’a pas encore de direction, je suis dans la recherche. Depuis longtemps, je suis attirée par le Japon sur beaucoup de points (littérature, photographie, cinéma, culture...) puis par la suite je l’ai été par l’Asie en général. Comme je l’ai dit précédemment, je suis fascinée par les photographies de la guerre du Vietnam et parmi mes films préférés je cite sans hésitation Full Metal Jacket et Voyage au bout de l’enfer. Et puis… j’aime vraiment la nourriture asiatique !


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Quant au Brésil, j’y vais depuis toute petite car mon père est brésilien. La prochaine fois que j’y retourne, j’aimerais en profiter pour découvrir d’autres pays d’Amérique du Sud. Et cet été j’ai pour projet d’aller en Turquie ! J’aimerais continuer à voyager et découvrir au maximum. Ce que j’essaye de traduire avec mon appareil photo c’est mon expérience, mon rapport avec ce pays ou cette ville, je ne cherche pas vraiment à faire un documentaire sur le pays en lui même.


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ligne directrice Quand tu organises ton voyage, par exemple celui pour la Turquie, est-ce que tu réfléchis déjà à ce que tu vas photographier ?

Pour la Turquie, je me pose encore des questions donc je ne peux pas vraiment te répondre, quant aux restes des projets ça dépend, pour l’Asie par exemple je travaille sur la forme en ce moment, donc après avoir pris mes photos sans contraintes, sans ligne directrice.


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Dans la majorité de tes clichés nous voyons des personnes en mouvement, actives et très peu de paysages calmes, sans signe de vie. Pour toi, est-il important de capturer les moments du quotidien des personnes que tu croises ? Il est vrai que d’un point de vue photographique je suis plus attirée par des sujets humains ou ce qui le rappelle d’une manière ou d’une autre. Donc oui, généralement c’est ce qui va m’intéresser, mais ces derniers temps je me retrouve de plus en plus à photographier des paysages « sans signe de vie », plus calmes, notamment au cours de mes voyages.


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Le mouvement ou la lumière Ta série Rock’n’roll en noir et blanc est très sombre et nous fait voyager directement dans des quartiers londoniens au milieu des années 70. Quels sont l’origine et le contexte de cette série ?

J’ai commencé ma passion pour la photographie à peu près en même temps que j’ai commencé à activement trainer dans la scène dite « rock’n’roll ». J’ai donc associé mes deux passions il y a maintenant six ou sept ans et cette série est loin d’être finie. Ce n’est pas un documentaire, je ne cherche pas à montrer cette scène à proprement parler mais à photographier mon quotidien, mes proches, encore une fois, mon histoire. D’ailleurs cette série n’a pas réellement de nom, mais j’utilise celui-ci lorsque j’en parle. Quel concert de rock rêverais-tu de photographier ? Pourquoi ?

Je ne fais pas de photos de concert ou très rarement lorsque les groupes ne m’intéressent pas vraiment ou lorsque je dois faire des photos pour des amis. Quand je vais en concert j’aime profiter à fond de la soirée sans me soucier de mon appareil photo. Mais lorsque j’en photographie un pour moi, montrer le concert en lui même ne m’intéresse pas, peu importe si on voit les instruments, je vais me focaliser sur le mouvement ou la lumière.


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Après les beaux-arts, quels sont tes projets futurs ? Vois-tu ton avenir professionnel uniquement dans la photographie ? En France ou à l’étranger ? Je fais des boulots alimentaires comme du photo-filmage, évènements, books, etc… Grâce à ma formation du lycée je maîtrise aussi bien le reportage que le studio et comme j’aime la photo avant tout, ces boulots ne me dérangent pas tant que j’ai un appareil en main ! J’aimerais continuer à travailler avec la photographie quelle qu’elle soit et en même temps pouvoir continuer mes projets perso pour enfin peut-être essayer de me faire connaître. J’aimerais passer un temps de ma vie à l’étranger c’est certain, mais combien de temps et où, je n’en ai aucune idée ! Et puis je reste quand même très attachée à ma ville et à très long terme je ne me vois pas vraiment ailleurs pour l’instant.


IMMERSION

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DĂŠcouvrez le sens du trait haut de gamme de la fascinante

Wasp

avec son bestiaire organique.


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NOISREMMI

Érectile MAGAZINE Numéro dix

Wasp IMMERSION Entretien réalisé par

héléna gillant

SIte internet de l’artiste

http://www.behance.net/wasp ÉR

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piquée à vif C'est difficile d'ébaucher le portrait d'une artiste telle que Wasp sans vous parler de son aura. Il manquera toujours une dimension physique à cet article parce qu'Elsa, il faut la voir pour la croire. Elle ressemble à un personnage tout droit sorti d'une bande dessinée Steampunk, et à une sorcière sexy « boderlandienne » sortie tout droit du jeu vidéo, le jour suivant... Sous ses allures d'héroïne badass se cache une jeune designer, une illustratrice invétérée, pleine de délicatesse lorsqu'il s'agit d'honorer les sciences et les arts à travers ses dessins. Son quotidien, maintenant, se joue entre croquis et viscères. Elle est sortie du bloc, a sorti son bloc à dessin, troquée sa blouse contre une veste en cuir et a gentiment répondu à nos questions. Âmes sensibles ne vous abstenez surtout pas, entrez avec moi dans le monde d'Elsa !


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elsa depont A.K.A WASP Comme vous l'aurez remarqué, notre artiste est double. Elsa Depont aime se présenter sous son pseudonyme : Wasp. L'interrogation autour de ce nom qu'elle s'est choisi est une question récurrente. C'est LA question ! Tout d'abord, nous devinons l'origine littéraire, pour peu que l'on soit amateur de littérature suédoise ou de la filmographie de David Fincher. Eh oui, Wasp c'est un clin d'oeil à Lisbeth Salander dans le roman Millénium. Une jeune femme charismatique vêtue de noire et tatouée, la belle hackeuse est l'un des personnages préférés d'Elsa. L'autre origine de ce pseudo est bien plus subtile. Wasp est fascinée par l'entomologie, c'est-à-dire l'étude des insectes et globalement par le détail infime, le macroscopique. Vous l'aurez compris, Wasp signifie « guêpe » en anglais. Les insectes participent à la décomposition du corps humain en milieu naturel. Sur son corps bien en vie, elle dévoile des insectes tatoués sur son bras gauche. Outre cette passion, la métaphore ne s'arrête pas ici. La guêpe, et surtout son dard, représente très bien sa façon de travailler. Puisque Wasp adore le dot work, un procédé graphique d'une telle précision que la création se fait point par point. Elle pique le papier de son encre à de nombreuses reprises comme la guêpe... a contrario de l’abeille.


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C.V. : Veni, Vidi, Veci Le parcours de Wasp est, selon ses propres termes, classique. Elle a fait un Bac STI Arts Appliqués dans sa Bourgogne natale. Elle a poursuivi avec un BTS Communication Visuelle multimédia (dorénavant renommé BTS Design Graphique) à BoulogneBillancourt dont le projet professionnel de diplôme lui a permis de dessiner à foison ses créatures préférées. En effet, elle a travaillé sur une simulation d'illustration d'édition interactive pour le livre Le Royaume des Mouches d'Albus Archival. Un présage de la voie qu'elle allait emprunter car elle est actuellement en dernière année de DSAA design d’Illustration Scientifique à l’École Estienne. En parallèle, elle s'est inscrite à la Maison des Artistes en tant qu’illustratrice et graphiste pour pouvoir honorer les commandes qui se présentent.


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scalpels ET crayons Elle a cherché à concilier sa fascination pour les sciences, le corps, les organes et le dessin. Pour elle, ces champs d'action n'ont jamais été incompatibles. C'est à travers le DSAA Illustration Scientifique qu'elle a trouvé une adéquation entre tous. En symbiose, sont mêlées rigueur, justesse scientifique avec la sensibilité et la créativité de l’illustration et du design. Dans le cadre de sa formation, elle assiste à des cours de neuroanatomie, d'anatomie, de morphologie, de biologie, qui sont abordés aussi sous l’angle de la représentation et de la vulgarisation, ainsi que des cours d’atelier classiques, d’édition ou de multimédia.

Le carnet de croquis dans une main et la cage thoracique d’un inconnu dans l’autre.


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Cette entrée dans l'univers médical d'aussi près a sans aucun doute donné lieu à des anecdotes curieuses. Elle nous raconte le récit étrange et impressionnant de ses excursions en salle de dissection. Oui ! Elle a eu l’occasion de côtoyer de véritables corps humains avec des étudiants en médecine, c’est une expérience qui a changé sa vision de l’homme. Le carnet de croquis dans une main et la cage thoracique d’un inconnu dans l’autre, on voit soudainement l’anatomie différemment que dans les livres de sa bibliothèque.

J’apprécie mieux les volumes depuis que je connais tous les secrets du cerveau.


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On peut se sentir un peu perdu face à cette bouillie (depuis, Wasp ne mange plus de viande de canard confit...), et heureusement que les médecins sont là pour guider les dessinateurs. C’est seulement en travaillant de pair avec les spécialistes qu'elle parvient à produire un beau dessin, mais surtout utile. Ses illustrations sont à usage didactique. Est-ce que cette nouvelle connaissance de l'anatomie a influencé son trait ? Selon Wasp, ses crânes sont maintenant plus exacts, rien qu’au jugé, on peut savoir s’ils appartiennent à un homme ou une femme. Et là, elle explique en jargon technique : « C'est parce que maintenant, les foramina (petits orifices qui laissent passer les nerfs, par exemple) et les arcades sont bien placés ! »


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les organes et la faune Les animaux sont plus complexes à dessiner que les êtres humains. Wasp a suivi des cours détaillés très spécifiques sur l'anatomie humaine donc celle-ci n'a presque plus de secret pour elle. Elle souligne également le « milieu urbain » dans lequel nous baignons. Il y règne une grande diversité de personnes, nous sommes entourés de corps différents, de toutes sortes de morphologies, de tous types. Cela rend d'autant plus facile le corps humain à appréhender pour une jeune dessinatrice à l'oeil curieux et exercé.


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En revanche, nous sommes beaucoup moins amenés à côtoyer une telle pluralité dans le monde animal. La diversité de la faune est limitée en ville et en dehors des parcs zoologiques, et encore, car les animaux n'y sont pas toujours visibles, il est difficile de voir de vrais animaux de toutes les espèces, et vivants... Car, l'alternative, c'est de dessiner des animaux empaillés, au Muséum d'Histoire Naturelle ou dans la boutique Deyrolle dans laquelle elle a fait son stage de DSAA. Mais rappelons-le, l'Homme est aussi un animal...


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dot working : patience et application En tant qu’artiste, le défi c'est d’arriver à exprimer « sa patte » tout en restant objectif. Le style de l’auteur s’exprime en premier lieu en rapport avec la cible et le public (destinataire) de l’illustration. Réaliser des coupes didactiques anatomiques pour des étudiants en médecine requiert une approche totalement différente par rapport à faire appréhender la physique quantique plutôt abstraite à des enfants. Le challenge est véritablement exaltant. Certains univers sont balisés, celui de l’anatomie par exemple a ses codes (nerfs en jaune, artères en rouge, veines en bleu…), d’autres sont à peine explorés. Elle adapte donc son trait selon l’utilisation de ses illustrations mais malgré la rigueur, il lui reste proprement personnel. Elle peut passer de longues heures sur un même dessin. Très appliquée, elle aime les traitements particuliers, les dessins en dot work ou façon gravure la passionnent.


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dessinatrice d'élite Parvient-elle encore à créer des personnages et de la fiction ? Sa pratique personnelle du dessin est très soutenue. Les connaissances amassées ne sont pas un frein mais, au contraire, elles l’ont poussé à produire plus. En ayant maîtrisé les techniques pour plus de précision dans les détails, Wasp est plus satisfaite de ses productions actuelles. Ce qui ne l’empêche pas, bien sûr, de faire volontairement des croquis totalement inexacts. En dehors des cours, elle a toujours un carnet sur elle pour croquer les gens dans le métro ou faire des dessins dans les musées. Il vaut mieux avoir tout ce qu'il faut car on ne sait jamais quand l'inspiration ou la bonne surprise impérativement à coucher sur le papier va arriver. Même quand Wasp regarde un film, c'est plus fort qu'elle, elle dessine les moments qui l'ont marqué. D'ailleurs, elle adore les films à l'ambiance singulière.

Si je n’étais pas dans le scientifique, j’aurais sûrement fait du cinéma d’animation.


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La jeune illustratrice n'est jamais rassasiée de références. Elle en a « beaucoup, beaucoup... ». C’est pourquoi, elle les compile sur Pinterest à travers une trentaine de dossiers : anatomie, graphisme, typographie, peinture, tatouage… Wasp ne se limite pas à un seul domaine. Elle nous cite quelques-uns de ses mentors principaux : Fernando Vicente, parce qu'il allie beauté et corps ouverts. Alexander Watt pour sa justesse anatomique et son univers dystopique. Ou encore Simon Phelipot, pour son approche sensible de la peinture, ses couleurs hallucinantes et sa façon de rendre le statique vivant. Nous vous conseillons d'aller jeter un œil ; les travaux de ces trois artistes sont sublimes !


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derniers mots Pour le moment, Wasp enchaîne les petits contrats, alternant illustration et graphisme. La discipline médicale n'est pas la seule science qui a besoin d'être illustrée, aussi, en parallèle, elle a un projet avec l’Éducation Nationale afin d’enseigner la physique-chimie aux classes d’arts appliqués. Elle profite de cette année où elle est plus sereine et bénéficie de plus de temps libre, pour se ménager des activités plus personnelles. Elle réalise des illustrations et souhaiterait tenter dès que possible la pratique du tatouage.

Après avoir réalisé tant de dessins prêts à encrer, j’aimerais tatouer moi-même.


IMMERSION

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Grand gagnant du prix internaute des Bosch Design Awards,

Manuel Volmar nous présente un univers d’exploration inédit.


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Érectile MAGAZINE Numéro dix

Manuel Volmar IMMERSION Entretien réalisé par

Cindy renard

SIte internet de l’artiste http://cargocollective.com/ cargocollectivevolmarmanuel ÉR

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à la recherche de la forme juste C’est en banlieue parisienne, entouré d’une fratrie de neuf enfants, que Manuel a développé une pratique régulière du dessin. Cette passion l’a conduit, au fil du temps, à s’orienter vers un cursus dédié aux Arts Appliqués. C’est après l’obtention d’un baccalauréat en littérature option Arts Plastiques que notre artiste a intégré l’E.N.S.A.A.M.A. Olivier de Serres, une école à l’intérieur de laquelle il a pu renforcer ses aptitudes plastiques. C’est à ce moment qu’il se découvre un intérêt pour le monde du graphisme et de l’édition : « une première expérience dans le domaine des Arts Appliqués, qui m’a permis d’acquérir une rigueur et une justesse quant à la science de la mise en page », nous raconte-t-il.

Aujourd’hui, la recherche de la forme juste obsède l’ensemble de mes créations : que ce soit lorsque je dessine ou lorsque je mets en forme un objet ou une page une édition.


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Cette recherche de la forme juste est une ligne que Manuel tente de tenir constamment au sein de ses projets. C’est à présent au sein du D.S.A.A. Mode et Environnement de l’école Duperré que notre artiste exerce sa pratique, à présent plus proche du design d’objet et d’intérieur. C’est ainsi que notre designer graphique rencontra l’artiste plasticien et le designer d’objet qui sommeillait en lui. Manuel est aujourd’hui à la recherche de surfaces et d’objets graphiques à explorer, comme il aime les nommer, tout en y mêlant son amour pour le dessin et le graphisme. C’est à l’intérieur d’elles que s’illustre son envie de passer de l’aplat au volume, en travaillant l’objet et non plus une page de livre.


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le bois, une évidence « J’ai une attirance toute particulière pour le bois, nous raconte-t-il. Peut-être est-ce parce qu’il est un des matériaux les plus accessibles au sein de notre nature, mais également parce qu’il me semble être l’une des matières les plus proches qui nous lient à la nature ». À l’écoute de son amour pour ce matériau, il semble que le bois est apparu à notre plasticien comme une évidence, n’arrivant que très peu à cerner l’émotion esthétique qu’il ressentait face à lui. Le bois est, en effet, un matériau qui pousse notre artiste à inventer des objets qui s’affranchissent de la nature, par une dialectique constante entre le naturel et le manufacturé. Ces alliances sont si évidemment intelligibles, qu’on pourrait aisément imaginer que l’artifice est une seconde nature. Ce qui intéresse notre plasticien, c’est l’histoire véhiculée par le bois et le dessin constituant son esthétisme. Pour lui, c’est une matière qui propose déjà, à l’état naturel, un graphisme plus ou moins dissimulé. C’est ce même graphisme qu’il tente, par le biais de procédés agissant plus ou moins fort sur la matière, de mettre en exergue. Il souligne, redessine ou retrace, en surface ou en profondeur les différents ramages et veinages que propose chaque souche, branche ou écorce qu’il utilise.


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D’autre part, tout travail lié à une matière nécessite une bonne connaissance de celle-ci. Manuel nous en raconte davantage : « Le bois, avant même d’être travaillé, doit donc être compris. Je dirais même plus : il doit être ressenti ». Notre artiste offre un traitement particulier à chacun de ses matériaux, selon sa qualité, son âge et son temps de séchage. Il contrôle la force des machines qu’il utilise au contact du bois, en fonction de sa résistance à l’impact. Certains types de manipulation, comme la sculpture sur bois, ne peut être réalisée sur la totalité des types de bois. Certaines familles sont, donc, plus où moins aptes à recevoir les traitements que souhaite y opérer notre artiste : il choisit son matériau en fonction du type d’objet ou de manipulation qu’il souhaite faire sur la matière. Une science du bois que notre artiste maîtrise. Ajoutons que cette pratique demande également un espace et une infrastructure adéquat, que Manuel a su trouver au Maroc, dans le centre de Marrakech au sein de l’ancienne Médina. Il travaille dans un atelier, dans lequel est en activité le petit fils de l’un des plus grand Maître artisan marocain, Anas Ghouat. C’est lui qui continue, et ce encore aujourd’hui, de compléter son savoir-faire quant aux différents types de bois et différentes techniques pour les travailler. C’est là que notre artiste designer produit en grande partie ses pièces qui, tout comme lui, voyagent entre les deux pays.


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un souffle oriental Le Maroc est un pays dont Manuel se sent réellement proche, depuis près de deux ans, grâce au soutien des personnes qu’il a eu l’opportunité de rencontrer. Pour lui, le rythme de vie, le rapport à la nature et le rapport d’Homme à Homme y est bien différent. Il nous raconte : « Lorsque j’atterris sur ces terres, qui ne se situent pourtant qu’à 3h d’avion de nos banlieues Parisiennes, j’ai l’intime sensation de me sentir vivre. Comme si chacun de mes sens y était démultiplié, poussant mon être à un épanouissement extrême ». Une jouissance que notre artiste ne semble n’avoir ressentie que très peu auparavant. C’est une terre d’exil où il prend retraite à plusieurs périodes tout au long de l’année, l’aidant à réanimer une énergie qui, avec l’agitation parisienne, faiblit au fil des jours. C’est dans ce va et viens, d’un pays à l’autre, que Manuel semble avoir trouvé son équilibre.


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l'action du temps Les objets créés par notre artiste-plasticien sont pensés et travaillés pour durer dans le temps, grâce à l’emploi de techniques vouées à conserver la qualité du bois. Réaliser un objet qui perdurera dans le temps est un travail de long terme qui nécessite minutie et patience, comme l’application de différentes couches de vernis, notamment. Il ajoute : « Il est vrai que certaines de mes œuvres sont vouées à se transformer avec le temps. Non dans leur forme, mais plutôt dans leurs teintes colorées ». Ces dernières peuvent, en effet, passer d’un bois clair de sapin pour aller vers un bois plus sombre, tel que le noyer. Ces changements, notre artiste n’est pas totalement sûr de les maîtriser et de savoir les appréhender. Cependant, il est indéniable que l’action du temps participe à la beauté et à la valeur de l’objet réalisé.


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Entre graphisme, design d’objet, et expression plastique Avec le travail conséquent que mène Manuel autour du volume, par le biais du bois, nous pourrions nous demander si, au final, notre artiste n’a pas mis de côté son premier amour, le design graphique. Mais en réalité, il continue d’explorer ce champ au sein même de son matériau de prédilection : mettre en valeur les veines graphiques du bois, le sculpter pour donner forme à des signes graphiques ou travailler la typographie. Pour lui, la revendication de ces deux savoirs-faire constitue une véritable force ; les deux champs se complètent pour aller dans le même sens, innover, valoriser, sensibiliser.


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Il ajoute : « Mon travail de graphiste me permet, de plus, de faire moi-même la communication de mon travail autour des objets. Ce passage me semble essentiel, afin de pouvoir garder une trace de mes différentes expériences, en terme de forme et d’agencement ». C’est pour lui un moyen de mettre en image le parcours de production de ses objets, illustrant pas à pas sa construction. Les images recueillies par le biais de photographies prennent souvent la forme d’objets d’édition. « L’objet me quitte inévitablement, mais son image reste et continue de m’inspirer ».


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pour l'avenir Notre designer pluridisciplinaire a, aujourd’hui, bon nombre de projets en tête. Il est actuellement en train de travailler sur le dessin et l’échantillonnage de structures de mobiliers et de revêtement de surfaces : ceci afin de mieux lui permettre de revendiquer son travail comme du design. Il souhaite continuer à travailler la démarche qu’il a entreprise autour du bois, une démarche mêlant production industrielle au caractère prestigieux et unique que confère l’artisanat.


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Né d’un accident, le projet Serendipity

Benjamin Ottoz

de s’est imposé comme sa première priorité.


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Érectile MAGAZINE Numéro dix

Benjamin ottoz IMMERSION Entretien réalisé par

Martin van boxsom SIte internet de l’artiste benjamin-ottoz.wix.com/ottoz-benjamin ÉR

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Sérendipité [nom] Se dit du fait de découvrir quelque chose par accident et sagacité alors que l'on est à la recherche de quelque chose d'autre. Définit également la découverte ainsi faite. L’adhésif recollable des post-its, la pénicilline, la lithographie… tous sont nés de la sérendipité. Tous sont des sérendipités. Révélés par des accidents, des hasards fortuits, ils n’étaient pas l’objet de recherche de départ de leurs découvreurs et pourtant, ils se sont ensuite imposés comme une évidence. Il s’agit pour le découvreur de savoir tirer parti de cette « erreur », la comprendre et l’interpréter, pour enfin se l’approprier. Benjamin Ottoz en a lui-même fait l’expérience.


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l'"accident" Tout se passe dans son atelier fraichement obtenu auprès du centre de la malterie, à Lille. Nous sommes au mois d’août 2014. Alors en pleine recherche de projets, Benjamin dessine, croque, sur diverses feuilles de papier. Insatisfait de ses tentatives, il les froisse. Plus tard, il s’attèle à peindre à la bombe des morceaux de plâtre et de bois. Là, dans ce geste nonchalant, anodin, de la peinture s’envole, s’échappe et se dépose sur l’une de ces feuilles rejetées. Plus tard, alors qu’il range son atelier, il défroisse un des papiers. Surprise. Ce nœud de plis, ces cratères, ces fissures, rendus évidents par la peinture, l’intriguent. Fasciné par cette apparition, par ces « stigmates », il se met alors en tête de rejouer l’accident.

Quand j’ai défroissé le papier, je l’ai directement marouflé au mur, je me suis assis et j’ai passé une heure à le regarder.


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de l'accident au processus D’essais en ratés, à force de rejouer la scène, un protocole se met en place, à la limite du rituel. Pour obtenir une nouvelle « image-empreinte », différentes étapes sont essentielles :choix du papier, froissage, peinture, lissage… Les journées de travail sont programmées, séquencées. D’abord, créer un cadre. Une zone vierge, blanche, qui viendra entourer l’image. Quatre longueurs de scotch, de chaque côté de la feuille, pour la préserver de la peinture. Quatre longueurs de scotch, de chaque côté de la feuille, sur chaque feuille. Le protocole démarre toujours ainsi, par ce geste répétitif. Puis, martyriser la feuille. La plier, la froisser, la rouler… La marquer, au gré de l’imagination, dans une approche sculpturale.

Je froisse le papier, je le frappe. Des fois je m’assois dessus, je saute à pieds joints dessus ; des fois j’embrasse le papier, je le mets sur ma tête… J’ai fait tout ce que je pouvais pour le froisser d’une manière ou d’une autre !


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La peinture, ensuite. Révéler les reliefs par la couleur, créer des zones d’ombre, de lumière ; imprégner le froissage à l’aide d’un pistolet pulvérisateur, dans une approche photographique. Puis la patience. La journée à l’atelier est terminée, et il faut laisser sécher. Le lendemain, place au lissage de la feuille. Redonner au volume une simple surface, faire retrouver au papier sa platitude. À l’aide d’une éponge, Benjamin humidifie les fibres du papier pour les assouplir et les détendre. Plaquée sur la table, figée, forcée dans sa nouvelle forme, la feuille devra attendre encore une journée de séchage avant l’étape finale. L’étape finale, c’est le marouflage, encoller le papier sur du contreplaqué. Lisse, rigide, mille-feuille de feuilles de bois, et avant tout, matière première à la réalisation de feuilles de papier. Ce moment, ce dernier jour avant que l’œuvre ne soit achevée, est cher à notre artiste.

C’est le moment qui me fait revenir à l’atelier. Tu as oublié tes compositions, dans l’atelier elles sont toutes retournées sur la table, tout est blanc, et en l’espace de 20 minutes tu vas redécouvrir les images.


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Réminiscences, sciences et histoire de l’art Ces images, ces empreintes du passé de la feuille peuvent renvoyer à de nombreuses choses : y voyez-vous de la roche, des vagues, des ondes sonores ? Est-ce un grand paysage, ou les plis d’un visage ? Du micro au macroscopique, les impressions sont multiples, et les pistes nombreuses. Dans tous les cas, elles témoignent d’un passé, d’une violence. Traces désormais indélébiles des forces imposées contre le papier, ces plis sont une empreinte, des cicatrices, qui pourraient sans doute être les nôtres. Une preuve que quoi que l’on fasse, même si l’on change, le passé est ancré en nous et nous hante.


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Dans son atelier, équipé d’une blouse et d’un masque, Benjamin a parfois des airs de scientifique ; l’atelier, ceux d’un laboratoire. Son processus créatif répond d’ailleurs avant tout à des processus physiques et chimiques : friction de la feuille, assouplissement des fibres, force de tension, séchage, vaporisation, couleurs et lumière... Les connaisseurs en histoire de l’art y verront également des références à la tradition du trompe-l’œil, évidemment, et à la fascination de la Renaissance italienne pour le drapé et ses plis. À la fois caché et dévoilé, le pli a quelque chose de sensuel, d’érotique.


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un cheminement empirique « C’est en forgeant qu’on devient forgeron », dit le dicton. Le choix du papier, bien sûr, est primordial. Il faut avant tout qu’il subisse les différentes étapes du protocole sans se casser ni se déliter. Le format, le grammage, la texture, la couleur, sont également autant de variables qui ouvrent les possibles. Kraft, bristol, Arches®, tous ne produisent pas les mêmes variations de plis. Plus lisse, le bristol produira des plis plus vifs, plus nets, plus acérés, tandis qu’un Arches®, plus brut, produira plus de matière, des plis plus courbés, plus onduleux. Le froissage aussi évolue. Benjamin cherche désormais davantage de composition et de variations. À force d’essais, d’impulsions, de froissages aléatoires, des préférences se sont dégagées, des motifs répétitifs.

"Je suis à l’affût de nouveaux accidents."


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Le choix des couleurs s’est lui aussi imposé avec le temps. Beaucoup de couleurs ne convenaient pas ; les clairs ne révèlent pas assez les reliefs par exemple. Pour le moment, le bleu et le noir priment, mais l’artiste s’est récemment lancé dans la bichromie, en répétant une seconde fois les étapes du froissage et de la couleur. C’était d’ailleurs une manière pour lui de ne pas « gâcher » deux essais ratés : l’un était bleu, l’autre rouge. Aucun des deux ne convenait. Benjamin les a alors froissé une seconde fois, puis repeint ; l’un en rouge, l’autre en bleu. C’est d’ailleurs pour lui la signification même de Serendipity : accepter l’accident, laisser libre cours aux choses et en tirer parti. Malgré un processus de travail sans cesse perfectionné et éprouvé, il subsiste de nombreux ratés. Au final, parmi ceux qui échouent durant le protocole et ceux qui ne lui conviennent pas, Benjamin estime qu’il y a pas loin de 50% de perte. Aucun de ces papiers n’a la même histoire, et toutes les histoires ne se valent pas !


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un retour aux sources Avec cette série, ce « chantier », comme il l’appelle, Benjamin revient à ses premières amours : la peinture. Ce travail, c’est pour lui un retour aux racines, à l’enfance de son envie d’art. S’il s’était inscrit aux beaux-arts de Nantes, c’était avant tout pour ça : la couleur, une réflexion en peinture. L’œuvre de la maturité ? Il est encore un peu tôt pour lâcher les grands mots, mais on hésite quand même à employer le terme. Avoir son propre atelier y est pour beaucoup. Seul dans cet espace, l’artiste peut – enfin – se mettre pleinement à son art et se plonger dans une réflexion. Serendipity, c’est son cheminement, son processus, son chantier, peu importent les tendances ou le contexte.

Je n’ai pas envie d’être à la mode ou de répondre à des attentes. Moi j’ai mon territoire, et je vais le creuser.


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Il est intéressant de noter qu’avant même cet heureux hasard, le pli était déjà un des motifs récurrents dans son travail : que ce soit avec les toits d’usine de Shed, les courbes du Cours de l’Expérience, l’installation photographique Corner Idol, la symétrie de L’Origine du… Les prémices étaient déjà là, la sensibilité, déjà présente. À trente ans, Benjamin prend enfin le temps. Habitué à vouloir tout essayer, à sauter les étapes, il sait aujourd’hui se tempérer. Plus ou moins. Mais savoir quand l’on va trop vite, c’est déjà un pas vers la maturité ! Avec trois jours obligatoires de séchage (peinture, marouflage, encollage), Serendipity est un apprentissage de la patience. Une fois sèches et terminées, les œuvres passent d’abord par une période de gestation à l’atelier, puis Benjamin les amène chez lui leur faire passer le « test de la vie ». Accrochées plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sur les murs de son appartement, c’est là, et seulement là, qu’elles sauront être estimées en tant qu’œuvres assumées. Il y a dans cette étape d’approbation un besoin, d’abord, de les extirper de cet amas de papiers froissés que représente l’atelier, puis, ensuite, de les éprouver visuellement, individuellement, sur un mur vierge.


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un futur en grand format ? Pour le futur, Benjamin voit les choses en grand, et souhaiterait engager un nouveau rapport à l’objet. Aborder des dimensions plus monumentales. Plus performatif, le processus créatif impliquerait alors d’enlacer le papier, l’accueillir à bras ouverts et le prendre à bras le corps. Le lissage ne révélerait alors plus une simple image, un tableau, mais au contraire la carte d’un vaste territoire, que le spectateur serait invité à explorer, dans lequel il serait amené à se perdre. Être au plus proche de ce passé du papier révélé, entrer dans la grotte, plonger dans l’océan, se balader parmi les dunes… Peu importe ce que vous y voyez, du moment que vous voyagiez et que, vous aussi, vous soyez tout autant fascinés que lui, et nous.


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IMMERSION

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isadaqueen

et le paradoxe de la broderie.


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NOISREMMI

Érectile MAGAZINE Numéro dix

Isadaqueen IMMERSION Entretien réalisé par

inès lockert

SIte internet de l’artiste http://blog.daqueen-graphiste.info ÉR

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reine de la broderie Isa aka Isadaqueen est une maman de 37 ans originaire de Cognac qui a posé ses valises depuis 15 ans à Toulouse. À la base graphiste et illustratrice, ses études tournées plutôt vers les arts plastiques et appliqués l’ont amenée à rejoindre le monde de la com’, de l’édition et de la pub, mais elle se qualifie avant tout comme une touche à tout. « Le numérique ça peut étouffer », donc même si elle adore travailler un visuel sur Illustrator elle garde toujours une activité manuelle afin de se rapprocher de quelque chose de plus tangible. Une affiche ou un logo commencera toujours pour la jeune femme par un croquis.


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Isadaqueen est bien loin de l’idée qu’on se fait de la brodeuse standard qu’on imagine plus comme une Bree Van De Kamp, mère au foyer et guindée. Non, elle, elle arbore des tatouages aux motifs traditionnels tels que le cœur brûlant ou les hirondelles. Et côté musique c’est plutôt punk, ska, soul, reggae et Rock’n’roll.

"Donc voilà, je suis maman, je brode et je fais des cookies."


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la broderie comme média Ce qui lui plait dans ce mode d’expression c’est de pouvoir transformer des dessins en objets. C’est en partie pour cette raison que ses productions se rapportent davantage aux traits qu’aux points de croix qui seraient plus associés pour le coup à la notion de pixel art.

La broderie c’est comme tout ce à quoi j’ai pu toucher dans ma vie, peinture, collage, numérique, c’est un média, on en fait ce qu’on veut.


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Tout commence par un dessin, de petits croquis qu’elle prend le temps de fignoler afin de pouvoir les retracer sur le tissu. Parfois elle dessine en vue de broder son illustration, parfois c’est un dessin qui n’était pas fait pour et qu’elle finit par broder. Tout est question de feeling.


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DR JEKYLL ET MISS HYDE Les contradictions chez Isadaqueen font partie intégrante de sa personnalité. « Parfois c’est juste mignon, parfois ça sent la bière et la clope, parfois je fais des petites fleurs. Même moi j’ai du mal à me suivre. »

"Je ne sais pas toujours ce que je veux, mais je sais ce que je ne veux pas."


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Comme dans la vie, ses goûts en matière de création sont métissés, elle joue avant tout avec des symboles qui l’inspirent, qu’ils soient connotés tatouages traditionnels américains, kawaii ou champêtre. Dans la vie c’est pareil, sur ses étagères cohabitent napperons et Sonny Angel.


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inspiration 2.0 Le site Sublime Stitching, notamment, qui lui a donné l’envie de broder ses dessins. D’ailleurs elle se verrait bien produire des motifs pour ce label (« Jenny si tu m’écoutes... »). Over-connectée à la plateforme Instagram qui lui permet de partager ses créations (@dagreedy_crea), elle en profite également pour fouiller dans les talents dont regorge cette plateforme et qui lui permettent, parfois, de s’inspirer sur un thème en particulier.


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Mais Internet n’est pas sa seule source d’inspiration, car Isadaqueen n’arrive décidemment pas à se cantonner à un seul univers. Grande adepte des peintures de Basquiat, elle peut tout autant s’émouvoir devant un Monnet. C’est donc tout naturellement qu’elle peut être inspirée par un élément trouvé dans un vide-grenier ou chez Emmaüs et décider de le customiser ou/et de le réutiliser. Pour la suite ? Elle travaille actuellement sur des croquis préparatoires afin de réaliser de plus grands formats de broderie. Elle produit également pour une amie (Bambichoses, site Internet qu’on vous recommande d’ailleurs chaudement) qui la sollicite pour l’illustration de certains de ses projets. Isadaqueen s’inscrit donc dans la grande lignée des mamans 2.0 pleines d’idées et de talents.


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Érectile MAGAZINE Numéro dix Retrouvez dans chaque numéro d’Érectile Magazine les 5 articles que vous avez les plus aimés sur notre page Facebook le mois précédent ce numéro.

LE TOP 5 Chris Milnes Paco Pomet Parker Fitzgerald ft. Riley Messina Shu_531 Léonard Combier ÉR

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Chris Milnes – Pop Culture Sculpture

Par Marion Régnier

De la pop culture à l’impression 3D il n’y a qu’un pas avec les sculptures de Chris Milnes. Retrouvez Batman, Dark Vador, Groot ou encore Yoda en mode Buddha. Vous n’avez pas fini de rire aux éclats. Pour la petite somme de 8 euros, offrez un cadeau original à votre copain pour la Saint-Valentin ! Entre corps voluptueux et icônes de la génération Y, vous allez être surpris. http://www.érectile.fr/portfolio/chris-milnes-pop-culture-sculpture


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Paco Pomet – Peintures Par Inès Lockert

Paco Pomet est un peintre espagnol qui s’inspire de photos historiques en y intégrant des éléments surréalistes. Réalisés à la peinture à l’huile et en noir et blanc, ses tableaux nous emmènent dans un univers déjanté grâce à ces éléments colorés. Voyez plutôt. http://www.érectile.fr/portfolio/paco-pomet-peintures


69⁝ Érectile Magazine ⁝ Top 5 ⁝

Parker Fitzgerald ft. Riley Messina – Overgrowth Par Marion Régnier

Pour cette série de photographies, Parker Fitzgerald a décidé de collaborer avec l’artiste florale Riley Messina. Le tout donne une série de plusieurs triptyques et photographies qui s’entremêlent dangereusement. À la manière du lierre sur un mur, les plantes semblent proliférer sur ces corps féminins ou masculins jusqu’à ne plus distinguer l’identité du modèle. Inspirées par la poursuite du bonheur et de la beauté, ces images reflètent la relation étroite en les êtres humains et la nature. http://www.érectile.fr/portfolio/parker-fitzgerald-ft-riley-messina-overgrowth


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L’instagram de shu_531 Par Inès Lockert

C’est notre coup de coeur Instagram d’aujourd’hui. Le compte de shu_531 fourmille d’illustrations d’animaux toutes plus mignonnettes les unes que les autres. Dans la lignée des autres jeunes artistes japonnais d’Instagram, on retrouve dans ses dessins de fins traits au rotring, un geste assuré et maitrisé ainsi qu’une utilisation astucieuse de la couleur. Plein de finesse. http://www.érectile.fr/portfolio/linstagram-de-shu_531


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Léonard Combier – Passport Doodles Par Marion Régnier

On vous présente aujourd’hui un gars bien de chez nous, Léonard Combier, illustrateur français. Il fait partie de cette catégorie de gens un peu fous qui dessinent tous le temps, sur tout ce qu’ils trouvent. Il réalise des dessins pleins de détails et de petites citations sur des passeports. Il a tenté de créer avec les visas et les tampons des différents pays. http://www.érectile.fr/portfolio/leonard-combier-passport-doodles


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MARS Nina Galdino Wasp Manuel Volmar Benjamin Ottoz Isadaqueen ÉR

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