Je préfère le commandant sisko

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Je préfère le commandant Sisko

Mercredi dernier, le 19 août, Francine Pelletier a partagé avec le lectorat du Devoir ses réflexions sur les identités trans, qu'elle a titrées « La caricature des genres ». Discussion de l’ablation du pénis, instrumentalisation des taux de suicides chez les personnes trans, désignation d’une personne trans sous un genre qui n’est pas le sien, utilisation d’un ancien prénom, prétention que la question trans est nouvelle, liaison directe et inévitable entre les modifications corporelles et l'identité de genre — qualifiées d'ailleurs comme des caricatures — ; de toute évidence, Madame Pelletier n'en est qu'à ses premiers pas sur les enjeux trans et pour être franche, il nous faudrait un cahier spécial pour répondre à toutes les couches de sophismes et de logiques faibles contenues dans son texte (clin d'œil, clin d'œil en direction du Devoir). Considérant que nous n'en sommes pas encore là, j'aimerais prendre le temps de recadrer plutôt que de répondre. Je trouve particulièrement intéressant et important de critiquer le segment du texte où Madame Pelletier suggère que le parcours de Caitlyn est applaudi et considéré comme LA voie à suivre. Elle suggère que ses multiples opérations et la « sexualisation » de sa nouvelle présentation « n’est pas un aspect qui est beaucoup discuté chez les transgenres, et ce n’est certainement pas le cas de tous, mais pourquoi applaudir à une pareille caricature ? ». Les discussions sur le coming out de Caitlyn dans les communautés trans sont loin d'être celui auquel Madame Pelletier fait référence. Ce qu'elle a vu est ce qui a été propagé ad nauseam par les médias et les groupes « LGBT » de ce monde. Ce n'est pas la conversation que nous avons. Nous applaudissons unanimement sa réalisation personnelle, celle qui lui a permis d'être celle qu'elle voulait. Par contre, nous avons aussi exprimé haut et fort à toutes celles et ceux qui voulaient bien porter attention à nos voix que son expérience ne représente celle de personne d'autre. Personne n'est Caitlyn. Personne n'a accès au Vanity Fair ou aux sommes astronomiques nécessaires pour faire de soi le reflet de son rêve. Nous croyons aussi qu’il importe d'accueillir à bras ouverts la diversité d’expériences et de parcours trans. Contrairement à l'image galvaudée dans les médias et reprise dans les discours aseptisés des organismes LGBT, le but ultime de toute personne trans n'est pas de « se faire couper le pénis ». Cette affirmation efface le parcours des hommes trans, des personnes non binaires, de celles et ceux qui désirent vivre sans modifications chirurgicales de leur corps. Ce discours efface l'obligation que l'État québécois impose toujours aux personnes trans de modifier leur corps sous peine de vivre sans reconnaissance de leur identité. Il efface la violence de l'obligation de l'hystérectomie pour les hommes trans. Il efface les vies des enfants, des adolescentes et des adolescents trans. Il efface aussi les batailles et marginalisations imposées aux personnes migrantes. Ce discours crée une « boîte trans » qui est loin de correspondre aux réalités et aux vies que les personnes trans, les vraies, celles de chair, d’amour, d'émotion et d'histoire vivent. Il efface aussi les meurtres en Amérique du Nord de plus de 15 femmes trans de couleur depuis le début de l’année 2015.


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