Extrait Hôtels à insectes - Éditions ULMER

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Abeilles sauvages, plantes sauvages abeilles sauvages, bourdons et Cie au jardin au jardin bourdons & cie


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Table des matières

Abeilles, bourdons, guêpes — une diversité insoupçonnée 5

Hôtels pour abeilles sauvages et bourdons 39

Le monde méconnu des abeilles 6 Liens de parenté 9 Une vie consacrée à sa progéniture 13 Guêpes solitaires : des nurseries effrayantes 18 Bourdons : ensemble le temps d’un été 20 Guêpes sociales : elles valent mieux que leur image 27 Coucous et consorts 33

Découvrir les abeilles sauvages et les guêpes 40 Inviter les abeilles sauvages : construire des nichoirs 44 Bien placer les nichoirs 54 Nichoirs à bourdons 57


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Des jardins attractifs pour les abeilles & Cie 63 Des jardins pour hommes et animaux 64 Trois règles de base pour le choix des plantes 66 Des parterres bourdonnants 68 Pelouses et prairies 72 Arbres et arbustes 75 Aménager avec du bois et des pierres 84 Le jardin rocheux, beau et aride 87 Très appréciée : la spirale d’herbes aromatiques 89 Le bon entretien du jardin 95 Fleurs séduisantes en bacs et en pots 99 Protection des abeilles en ville et à la campagne 105

Déterminer et protéger les abeilles, bourdons et guêpes 109 Abeilles 110 Bourdons 141 Guêpes 148

Annexes 181 Index des espèces 183



Abeilles, bourdons, guêpes — une diversité insoupçonnée


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Le monde méconnu des abeilles Chacun sait ce qu’est une abeille, un bourdon ou une guêpe – ou du moins pense le savoir. Depuis la série télévisée «  Maya l’abeille  », tous les enfants connaissent ces petites bêtes vrombissantes, plus ou moins annelées de jaune et de noir, plus ou moins velues et plus ou moins piquantes. Beaucoup d’entre eux ne sont cependant pas en mesure de différencier les abeilles des bourdons et des guêpes. Il faut pour cela y regarder d’un peu plus près. Et en y regardant d’encore plus près, on découvre qu’il existe une grande quantité d’abeilles, de bourdons et de guêpes différents  : une diversité de formes et de modes de vie absolument fascinante. Nous venons d’entrer dans le monde des abeilles et des guêpes solitaires ainsi que dans celui des colonies de frelons et de bourdons. Au premier abord, certains de ces insectes ne ressemblent pourtant guère à l’image que l’on se fait d’une abeille ou d’une guêpe. Mais le plus passionnant est l’observation du mode de vie très particulier de ces petits êtres : la façon dont ils construisent leurs nids et s’occupent de leur progéniture – et à quel point ils dépendent pour cela de conditions appropriées dans leur habitat.

Des hôtes bienvenus

Les hyménoptères pollinisent les plantes et éliminent des insectes nuisibles, sont souvent beaux et ont des mœurs fascinantes : autant de raisons pour que les possesseurs de balcons et de jardins s’intéressent à ce passionnant groupe d’insectes. En tant que paisibles compagnons – beaucoup sont même inca-

pables de piquer – ils sont aussi l’occasion de faire de découvrir la nature aux enfants. Des moyens fort simples, que l’on peut construire soi-même, permettent de les attirer dans les jardins ainsi que sur les balcons en ville. Ce livre a pour but de vous aider à mieux connaître ces animaux et leurs besoins, et de vous inciter à partir à la découverte de leur monde passionnant. Celui qui pour la première fois vibre avec « sa » reine de bourdon pour que la difficile période de l’établissement d’un nid se passe sans dommages, ou qui observe une abeille maçonne lors de la construction de son nid dans l’interstice d’une fenêtre, verra dorénavant ces insectes d’un autre œil.

Abeilles sauvages

On trouve généralement les abeilles sauvages – ou abeilles solitaires – sur les fleurs, mais on les surprend parfois aussi au moment où elles s’enfilent dans leur galerie, creusent un trou entre les pavés ou disparaissent dans la fente du cadre d’une fenêtre. Contrairement aux espèces sociales telles que l’Abeille domestique ou les bourdons, qui vivent en communautés familiales, les abeilles solitaires sont livrées à ellesmêmes. Elles ne font pas non plus de réserves de miel en prévision des périodes difficiles. Il n’en reste pas moins qu’en pollinisant les fleurs, elles abattent un travail considérable dans la nature et au jardin. Elles contribuent ainsi à la sauvegarde de nombreuses plantes sauvages. Sans elles, notre récolte de fruits serait beaucoup plus maigre et de moins bonne qualité.


Le monde mĂŠconnu des abeilles 7

Une andrène avec une belle rÊcolte de pollen.


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Le Bourdon à queue blanche (Bombus lucorum) est fréquent au jardin.

La Guêpe des bois est une espèce pacifique vivant en société.

Bourdons

peu d’entre elles vivent en société, c’est-à-dire en colonies. La plupart des espèces sont en effet des chasseuses d’insectes solitaires qui, en détruisant de nombreux insectes nuisibles, contribuent elles aussi au bien-être de l’homme.

Beaucoup de gens trouvent ces gros insectes butineurs sympathiques. Leur longue et épaisse pilosité aux belles couleurs, leur bourdonnement profond en vol ainsi que le mythe très répandu qu’ils sont incapables de piquer contribuent à leur popularité. En comparaison des abeilles, toujours très actives, les bourdons passent pour des petits pères tranquilles. Mais comme celles-ci, ils contribuent de manière importante à la pollinisation des plantes sauvages et cultivées. Quant à la reine de bourdon, c’est une œuvre prodigieuse qu’elle accomplit en fondant sa colonie au printemps.

Guêpes

En entendant le mot « guêpe », la plupart des gens pensent avec appréhension aux insectes jaune et noir, glabres, qui se jettent sur les gâteaux et les plats de charcuteries en été. Il existe cependant de très nombreuses espèces de guêpes, dont seulement deux s’intéressent à notre nourriture. De plus,

Des guêpes au service de l’homme De nombreuses guêpes solitaires sont élevées dans le but de réduire les pertes de récoltes, parfois même dans celui de protéger des trésors artistiques. Une guêpe mesurant seulement 2 mm de long (Lariophagus distinguendus) a ainsi permis de préserver de la destruction par les larves de la Petite vrillette l’autel en bois vieux de 400 ans de la cathédrale d’Erfurt.


Liens de parenté 9

Liens de parenté Peu de gens savent qu’il existe à peu près 800 espèces d’abeilles et environ 700 espèces de guêpes rien qu’en Europe centrale. Toutes appartiennent au groupe d’insectes des hyménoptères (Hymenoptera), et au sein de celui-ci au groupe des aculéates (Aculeata). Les biologistes classent les nombreuses familles d’aculéates dans trois super-familles. Les Chrysidoidea sont un groupe comprenant plus de 6  000 espèces deguêpes généralement parasites, c’està-dire dont les larves se nourrissent du couvain ou des réserves de nourriture d’insectes apparentés. Dans ce livre, nous présentons les plus grands et plus beaux représentants de ce groupe, les guêpes-coucou (Chrysididae). La seconde super-famille, celle des Vespoidea, comprend de nombreuses familles, dont les «  guêpes vraies » (Vespinae), les fourmis (Formicidae), les sapygides (Sapygidae) et les pompiles (Pompilidae). Seules certaines espèces fréquentes et bien reconnaissables sont traitées ici. La troisième  super-famille, celle des Apoidea, comprend entre autres la famille des abeilles sociales (Apidae). Outre l’Abeille domestique, cette famille riche en espèces regroupe également les bourdons et les abeilles sauvages.

Faire cavalier seul

Les abeilles sauvages sont des abeilles solitaires, ce qui signifie que contrairement aux abeilles domestiques vivant en colonies durables et aux guêpes et bourdons sociaux formant des colonies estivales, ces abeilles vivent seules. Au

cours de l’évolution, les insectes sociaux ont développé des comportements très complexes ainsi que, suite à la répartition des tâches, des adaptations morphologiques. Dans l’histoire évolutive, les abeilles solitaires représentent la forme primitive de notre abeille à miel domestique. Chez elles, la construction du nid et le soin au couvain sont uniquement l’affaire des femelles, qui consacrent toute leur courte vie à cette tâche. La Suisse compte environ 600 espèces d’abeilles solitaires, la France 900.

C’est une abeille, ça ?

De nombreuses abeilles sauvages et guêpes solitaires ne se reconnaissent pas comme des abeilles ou des guêpes au premier coup d’œil. Il manque souvent les caractéristiques supposées typiques telles que la pilosité des abeilles ou les couleurs d’avertissement jaune et noir des guêpes. Certaines espèces d’abeilles sont ainsi presque glabres, et beaucoup de guêpes solitaires sont uniformément noires avec un éclat métallique chatoyant. Du point de vue du zoologiste, la meilleure façon de distinguer les abeilles des guêpes est d’observer la nourriture qu’elles recherchent pour leur progéniture : les abeilles visitent les fleurs pour en récolter le pollen servant de nourriture de base au couvain. Les guêpes en revanche nourrissent généralement leur progéniture avec des protéines animales, autrement dit avec des insectes capturés. On observe néanmoins de nombreuses espèces de guêpes sur les fleurs, d’une part parce qu’elles y chassent les insectes butineurs, mais aussi parce qu’elles sont attirées par le nectar facilement accessible


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Visage et pièces buccales d’un Bourdon des champs (famille des Apidés).

Les pièces buccales des frelons forment une puissante pince.

La longue trompe du bourdon lui permet d’aspirer le nectar.

des fleurs plates. Les pièces buccales des abeilles et des guêpes sont par conséquent différentes. Alors que les guêpes possèdent des mandibules en forme de forte pince dentée servant à saisir les proies, cette pince prend plutôt la forme d’une pelle aplatie servant à la construction chez les abeilles. Seules quelques abeilles spécialisées dans le travail du bois, comme l’Abeille charpentière (Xylocopa violacea), ont des pièces buccales aussi puissantes et acérées que les guêpes. La pièce buccale typique des abeilles est leur relativement longue langue servant à butiner. Au repos, celle-ci se rétracte à l’intérieur d’une trompe. En vol, ces pièces buccales sont repliées le

long du corps, sous la tête et le thorax. L’abeille ne les déploie que lors de l’atterrissage sur la fleur (photo Anthophore plumeuse, page  134). Si l’on observe un bourdon occupé à nettoyer méticuleusement ses pièces buccales, on peut apercevoir sa longue langue extrêmement mobile.

Des chasseuses utiles

En chassant infatigablement des insectes pour leur progéniture, les guêpes solitaires apportent une contribution irremplaçable à la régulation de nombreux insectes nuisibles. Il existe par exemple des guêpes solitaires telles que les Tiphiidés qui se sont spécialisées dans la


Liens de parenté 11

Une arme contre les coléoptères Les Tiphiidés sont utilisés pour la lutte biologique contre les scarabées nuisibles, par exemple en cas d’invasion locale de hannetons.

chasse aux larves de coléoptères se nourrissant de racines. D’autres poursuivent les coléoptères ou les microlépidoptères et leurs larves, et limitent ainsi les dégâts dans les cultures de fruits, de légumes et de céréales. Certaines guêpes solitaires empêchent la propagation de germes pathogènes en dévorant les mouches qui les transportent. La diversité des espèces de guêpes s’accompagne d’une spécialisation sur des proies et des habitats déterminés. L’exemple des guêpes solitaires montre que dans la nature, une espèce donnée ne peut pas être simplement remplacée par une autre.

Protéger les denrées grâce aux guêpes Certaines guêpes solitaires sont même élevées dans l’unique but de lutter contre les insectes s’attaquant aux denrées alimentaires dans les entrepôts ou les unités de production. Elles représentent ici une alternative non toxique très appréciable. Entre-temps, il est même possible d’acheter les œufs de cette minuscule espèce de guêpe pour le gardemanger familial. Les guêpes dénichent et détruisent les nuisibles les mieux cachés, sans poser elles-mêmes de problème.

Sur la défensive ou pacifiques ?

D’un point de vue évolutif, l’aiguillon des aculéates est un organe de ponte transformé, ce qui explique pourquoi seules les femelles peuvent piquer. Les colonies de guêpes et d’abeilles hautement développées reposent entièrement sur les ouvrières, et non sur les mâles, car seules les femelles peuvent récolter le pollen au moyen d’organes spéciaux et tuer des proies et défendre le nid avec des piqûres. Les femelles de certains groupes primitifs apparentés tels que les symphytes possèdent encore l’ovipositeur originel, à l’aide duquel elles déposent leurs œufs dans le tissu végétal. Chez les aculéates, cet organe s’est transformé en aiguillon, que possèdent d’ailleurs aussi les femelles pondeuses telles que les reines d’abeilles ou de bourdons. Ces dernières ont en revanche développé un nouvel organe de ponte. Elle pique ou pas ? L’aiguillon peut être plus ou moins développé. Chez certains groupes d’espèces, par exemple chez les guêpescoucou (Chrysididae), il est complètement régressé et ne peut plus servir à piquer. Chez d’autres en revanche, il a

Une piqûre douloureuse : l’aiguillon d’un frelon.


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été perfectionné pour servir d’arme contre les vertébrés prédateurs. La plupart des abeilles et guêpes solitaires ne possèdent qu’un aiguillon trop petit et trop faible pour percer la peau humaine. Ces espèces préfèrent abandonner leur nid à l’agresseur plutôt que de se mettre en danger en le défendant. Elles sont donc tout indiquées pour familiariser les enfants avec ces groupes d’insectes, et ne représentent aucun danger pour les personnes allergiques. Qui est le plus toxique ? Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le redouté Frelon européen (Vespa crabro, page 154) qui a le venin le plus toxique, mais bien notre chère Abeille domestique (page 140). Son venin est dix fois plus puissant que celui du frelon. L’effet du venin est cependant très variable, car il dépend fortement de l’endroit de la piqûre et de l’état de santé de la victime. Si l’on dénombre annuellement plusieurs dizaines de morts dans chaque pays européen, il s’agit en général de cas d’allergies et non de l’effet direct du venin.

Allergie au venin des insectes Bien que violentes et pouvant entraîner la mort, les allergies au venin des insectes sont rares et ne concernent que 3 à 4 % de la population. On peut se faire tester en toute sécurité chez un dermatologue. Contrairement aux allergies aux pollens, cette allergie se traite facilement, avec un taux de réussite dépassant 98 %.

Un insecte social imposant Certaines guêpes solitaires tropicales imposent le plus grand respect même à des mygales. L’une d’entre elles, Pepsis formosa, qui atteint 5 cm de longueur, est même devenue l’insecte officiel du Nouveau-Mexique. Les femelles de cette espèce paralysent les énormes mygales au moyen d’une piqûre, pondent un œuf dessus et l’enterrent sur place ou l’emportent vers une cachette.

Les remèdes de grand-mère connus tels que frictionner l’endroit de la piqûre avec une moitié de citron, un oignon ou de la rhubarbe n’aident que lorsqu’ils sont appliqués immédiatement après la piqûre. Une solution d’ammoniaque à 10  % ou les appareils électriques qui réchauffent localement l’endroit de la piqûre permettent également de soulager la douleur. L’Abeille domestique a développé un appareil piqueur capable de continuer à travailler de façon autonome après avoir été séparé du corps. Lorsque le minuscule aiguillon est arraché du corps de l’abeille, il continue en effet à pomper du venin, si bien que la victime – qu’il s’agisse d’une souris, d’un ours ou d’un apiculteur – se détourne du nid et s’occupe de retirer le pénible aiguillon.


Une vie consacrée à sa progéniture 13

Une vie consacrée à sa progéniture Chez les abeilles et les guêpes, le soin au couvain est une affaire importante, car leur chemin est long de l’œuf à l’adulte. Elles font en effet partie des insectes à métamorphose complète, laquelle se déroule toujours selon le même schéma, que ce soit chez les papillons, les coléoptères ou les abeilles : l’œuf donne naissance à une larve, qui ne ressemble extérieurement pas du tout à l’insecte adulte. Sa seule tâche est de manger et de grandir. Puis elle se nymphose à l’intérieur d’un cocon, d’où va éclore l’insecte entièrement développé. Celui-ci peut alors s’accoupler et se reproduire. Chez les abeilles et guêpes solitaires, la durée de vie en tant qu’insecte adulte est généralement très courte. Elles ne se promènent dans la nature et les jardins que durant quatre à douze semaines — mais sont alors très affairées.

L’année de l’abeille solitaire

Chez la plupart des espèces d’abeilles solitaires, la période d’activité commence avec l’éclosion des mâles, qui a souvent lieu très tôt dans l’année (dès

le mois de mars) ; certaines espèces apparaissent cependant plus tard. Les mâles fraîchement éclos attendent ensuite l’éclosion des femelles en se répartissant dans les environs, ce qui assure un échange génétique. L’accouplement se produit immédiatement après l’éclosion des femelles, et cela toujours entre un seul mâle et une seule femelle. La tâche des mâles est ainsi remplie et ils meurent, indépendamment du succès de l’accouplement. Les femelles ont également une durée de vie très brève de quelques semaines seulement, qu’elles consacrent entièrement à l’élevage du couvain. Elles entament fréquemment la nidification sur le lieu même de leur éclosion ou à proximité immédiate, de manière à ne pas devoir sacrifier trop de leur précieux temps de vie à la recherche de sites de nidification. Suivant l’espèce, il peut s’agir d’un trou dans le sol, d’une galerie de coléoptère dans le bois mort, d’un joint de pavage ou d’une tige creuse. Le lieu de nidification est soit nettoyé et réaménagé, soit construit de A à Z. Certaines espèces ont cependant des exigences très particulières en ce qui concerne le lieu de nidification, si bien qu’elles doivent le rechercher plus longtemps et se contenter d’une descendance moins nombreuse.

Des bâtisseurs polyvalents

Tout commence ici : accouplement chez Heriades truncorum.

Les abeilles solitaires utilisent des matériaux très variés pour construire leurs nids. Plus de la moitié des espèces nichent dans le sol. Elles choisissent des sols compacts et plutôt secs pour y creu-


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Les anthophores nichent dans les parois argileuses ou les joints en sable.

Une andrène jette un coup d’œil depuis son nid.

ser les galeries menant aux alvéoles. Ces constructions s’enfoncent plus ou moins profondément dans le sol. Certaines andrènes s’enterrent jusqu’à 60 cm de profondeur, alors que d’autres, comme Anthidium byssinum, établissent leur nid à quelques centimètres de la surface du sol. Ces nids enterrés risquent d’être détruits par un marcheur inattentif. Un autre grand groupe d’abeilles solitaires niche dans des matériaux solides comme le bois ou les parois d’argile. Ces abeilles utilisent généralement des fissures existantes ou d’anciennes galeries de coléoptères et ne creusent que très rarement leurs propres galeries. Leurs nids sont souvent linéaires, avec des cellules disposées l’une derrière l’autre. D’autres espèces, comme les anthophores, creusent elles-mêmes leurs galeries dans les parois argileuses ou les joints sablonneux des murs de briques. Il en va de même pour les abeilles solitaires nichant dans les tiges des plantes. Avant d’établir leurs cellules dans la tige et afin de faire de la place pour les œufs, elles commencent par en évacuer la moelle.

Certaines espèces enfin, comme l’Anthidie rayée (Anthidium strigatum), vont jusqu’à réaliser des constructions artistiques en résine, qu’elles collent habilement aux rochers ou aux murs.

Hôtel avec garde-manger

Les nids des abeilles sauvages sont souvent des constructions compliquées comportant plusieurs cellules. Le nombre de cellules peut varier de 4 à plus de 40 selon l’espèce, la place disponible et la durée de vie de la femelle. Lorsque la première cellule contient une portion de pollen suffisante, la femelle y dépose un unique œuf et ferme la cellule au moyen d’une fine cloison. Puis elle recommence avec la cellule suivante. Chez certaines espèces construisant leur nid dans le sol, les cellules ne sont pas établies linéairement l’une derrière l’autre, mais côte à côte, de sorte que toutes débouchent sur des galeries communes. Pour achever cette laborieuse procédure, la femelle ferme l’entrée de son nid au moyen d’un bouchon, dont la forme et les matériaux qui le composent diffèrent selon l’espèce d’abeille. Il


Une vie consacrée à sa progéniture 15

Développement d’une abeille maçonne : les œufs reposent dans la réserve de pollen, que les larves vont ensuite dévorer avant de se nymphoser.

Emménager dans une coquille Quelques spécialistes parmi les abeilles sauvages, comme certaines espèces d’abeilles maçonnes, construisent leurs nids dans des coquilles d’escargot vides, qu’elles retournent à grand-peine. Elles ajoutent même un toit supplémentaire afin de camoufler la coquille aux yeux des prédateurs.

peut s’agir d’une fine toile tissée (les abeilles solitaires du genre Colletes en revêtent même leurs nids), d’une couche de morceaux de feuilles ou d’une boulette d’argile. Durant sa courte vie, la femelle s’efforce de construire le plus de nids

Certaines osmies ont des exigences particulières en ce qui concerne le logement. possible. Les soins au couvain se limitent généralement à déposer suffisamment de provisions dans des cellules préparées au préalable. Les larves qui éclosent des œufs n’ont alors plus qu’à se servir.


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Des abeilles et des fleurs

Pour leur développement, les larves d’abeilles ont besoin de pollen riche en protéines. C’est pourquoi les abeilles femelles en apportent de grandes quantités au nid. Et comme elles ne vivent pas longtemps, elles récoltent le pollen de façon très assidue et efficace. Dans un même laps de temps, les anthophores visitent jusqu’à quatre fois plus de fleurs que les abeilles domestiques. Elles sont donc d’excellentes pollinisatrices. Les abeilles solitaires femelles récoltent le pollen de différentes manières. Certaines espèces, par exemple les osmies et les mégachiles, transportent le pollen au moyen de longs poils ventraux. D’autres possèdent des organes de transport sur les pattes – le nom d’« Abeille à culottes » convient particulièrement bien aux abeilles d’une partie de ce groupe, dont les pattes chargées de pollen font penser à un panta-

lon bouffant (par exemple chez Dasypoda hirtipes, page 122). Le pollen est généralement récolté à l’état sec dans ces dispositifs de transport. Certaines abeilles (comme les mellites et les eucères) préfèrent cependant humidifier le pollen avec du nectar ; d’autres (par exemple les macropis) se servent pour cela d’huile végétale recueillie sur les plantes. Certaines espèces primitives enfin (comme les hylées et les cératines) avalent le pollen pour le régurgiter sur le lieu de nidification. Spécialistes et généralistes De nombreuses espèces d’abeilles solitaires ont des exigences alimentaires très spéciales : pour approvisionner les alvéoles, elles ne visitent que les fleurs d’une espèce bien déterminée ou d’un choix très réduit de plantes. Ces insectes exigeants sont par conséquent étroitement liés à des habitats et à des peuplements végétaux déterminés. La connaissance de ces liens permet d’attirer des espèces particulières dans son propre jardin en y semant des fleurs choisies. On peut ainsi augmenter considérablement la diversité d’abeilles. Les espèces moins spécialisées sur des associations végétales particulières et visitant toutes sortes de plantes à fleurs sont bien sûr plus répandues.

Métamorphoses cachées

Ce Megachile centuncularis transporte le pollen sur son ventre.

La larve dévore peu à peu la réserve de pollen et devient de plus en plus grosse. Comme la peau ne grandit pas en même temps, elle est régulièrement rejetée (mues) et remplacée par une peau neuve. Lorsque la réserve de nourriture est épuisée et que la larve occupe presque tout l’espace, elle se nymphose.


Une vie consacrée à sa progéniture 17

Ce mégachile découpe une feuille de rose…

… et l’emporte pour en tapisser son nid.

La plupart des abeilles solitaires ne produisent qu’une seule génération par an. C’est généralement la larve qui hiverne. Elle passe l’hiver dans sa cellule et ne se transforme en imago (stade adulte) que l’année suivante, peu avant l’éclosion. Chez certaines espèces, une petite partie du couvain ne se nymphose pas au printemps et reste au

repos. Ces larves n’écloront que l’année d’après, c’est-à-dire deux ans après la ponte. Cette stratégie sert à limiter les dégâts en cas de mortalité massive (par exemple due aux conditions météorologiques) mettant en danger une population locale dans ses effectifs. Il existe en outre des espèces qui produisent – si les conditions météorologiques et la nourriture à disposition le permettent – une seconde génération dans la même année. C’est alors la seconde génération qui établit les nids dont le couvain hiverne.

Une forteresse contre les ennemis De nombreux prédateurs, qu’il s’agisse d’autres insectes, d’acariens ou d’oiseaux, sont friands des provisions et du couvain des abeilles. Certaines abeilles solitaires se défendent en érigeant une protection mécanique, comme d’épaisses cloisons d’argile, de sable ou de cailloux. D’autres, par exemple les mégachilles, procèdent de façon plus raffinée : elles découpent des morceaux de feuilles ou de fleurs fraîches, les enroulent sous le ventre pour les transporter jusqu’au nid et en tapissent les alvéoles.


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Guêpes solitaires : des nurseries effrayantes Le cycle annuel des guêpes solitaires ressemble beaucoup à celui des abeilles solitaires. Toutefois, les guêpes – à l’exception du groupe particulier des masarines (Masarinae) – approvisionnent leurs cellules avec des insectes à la place de pollen. Lorsque les guêpes solitaires femelles entreprennent la nidification, elles commencent par construire, comme les abeilles sauvages, un nid comportant des cellules. Suivant l’espèce, le nid est établi dans différents endroits : souvent dans le sol (ce qui a donné le nom de «  guêpes fouiseuses  » à toute une famille, celle des Crabronidae), dans le bois mort pour d’autres espèces, dans des tiges de plantes remplies de moelle ou dans des cellules en argile que la guêpe construit dans les fissures des murs ou sur des branches (par exemple chez les eumènes). Certaines espèces (par exemple l’Eumène inguiculé, Delta unguiculatum, page 161) construisent des nids relativement importants et solides avec de l’argile et de la terre. On rencontre cependant plus fréquemment des petites constructions très discrètes telles

Le nid d’argile d’un Eumène inguiculé.

que les tonnelets friables de la Pélopée courbée (Sceliphron curvatum, page 177), construits à l’abri des intempéries.

Des proies paralysées

Lorsque la première cellule est prête, la guêpe y dépose des provisions. Selon l’espèce, il peut s’agir d’araignées, de mouches, de pucerons ou d’autres insectes et de leurs larves, que la guêpe paralyse avec une piqûre avant de les entraîner vers le nid. Certaines femelles comme celles de l’Odynère commun (Odynerus spinipes, page 164) se simplifient la vie : elles pénètrent promptement dans les nids de ses congénères et dérobent les proies qui s’y trouvent. Lorsque la cellule est pourvue d’une réserve de nourriture suffisante, la guêpe y dépose un unique œuf et la referme avec de l’argile, un caillou, du sable ou une toile qu’elle produit ellemême. Puis elle passe à la cellule suivante. Alors que d’autres cellules sont encore en construction, la larve de la première cellule éclôt déjà. Elle se retrouve dans un pays de Cocagne peuplé de proies vivantes mais complè-

Le Pompile commun s’est spécialisé sur les araignées.


Guêpes solitaires : des nurseries effrayantes 19

Melline des champs transportant un calliphoridé vers son nid.

tement paralysées et sans défense. La larve n’a plus qu’à percer les proies et en aspirer le contenu. Grâce à cette riche nourriture, la larve croît très rapidement. Après quatre ou cinq mues, elle remplit presque entièrement la cellule. Les cuticules vides des proies dévorées ne la dérangent pas et lui laissent suffisamment de place pour la nymphose, pour laquelle elle se tisse un solide cocon. Certaines espèces de guêpes fouisseuses (par exemple des genres Pemphredon et Psenulus) ne fabriquent qu’un cocon très fin ou pas de cocon du tout. Les espèces ne produisant qu’une seule génération par an hivernent encore comme larve, puis se transforment en imago (stade adulte) au printemps suivant.

La propreté est vitale

Le couvain et les provisions des abeilles et guêpes solitaires sont du « pain bénit » pour les champignons et bactéries vivant en abondance dans le sol et le bois pourri. Les hyménoptères ont par conséquent développé des stratégies pour prévenir l’attaque des micro-organismes. Pour le grand nettoyage des cellules, beaucoup d’espèces d’abeilles et de

Portrait d’un Philanthe apivore.

Un prédateur mal-aimé L’une des guêpes solitaires les plus connues est le Philanthe apivore (Philanthus triangulum), qui a longtemps été poursuivi en tant que « voleur d’abeilles ». Cette guêpe s’est effectivement spécialisée dans la capture des abeilles domestiques afin d’en nourrir sa progéniture. Mais les 12 abeilles dont a tout au plus besoin le Philanthe apivore pour garnir une cellule sont peu de chose en comparaison des 2 000 abeilles qu’une colonie produit quotidiennement.

guêpes sécrètent des substances antibactériennes et antifongiques. D’autres vont chercher des résines ayant la propriété de détruire les germes, comme la célèbre propolis que les abeilles domestiques utilisent comme mortier anti-infectieux pour boucher la moindre ouverture dans la ruche. Pour protéger leurs larves des maladies, certaines abeilles solitaires vont jusqu’à apporter au nid des bactéries produisant des antibiotiques.


Toute la nature en poche ! 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5

Connaître et accueillir les abeilles sauvages et les bourdons au jardin Qui sait qu’il existe chez nous près de 800 espèces d’abeilles sauvages et de bourdons ? Butineurs infatigables, ils sont tout aussi indispensables à la pollinisation que leur cousine bien connue, l‘abeille domestique. Et qui sait que la plupart des espèces de guêpes sont totalement inoffensives pour l‘homme, plus attirées par les araignées que par la confiture ? Il est facile d’accueillir ces paisibles insectes dans son jardin ou même sur son balcon. Vous découvrirez dans ce livre comment leur construire des nids appropriés et planter leurs fleurs préférées. Vous apprendrez également à identifier les principales espèces et à connaître leurs modes de vie, souvent étonnants.

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www.editions-ulmer.fr 2 1 0

ISBN : 978-2-84138-754-0

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