Artistes en resistance

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Artistes en Résistance Double clic pour audio

1ère L Lycée La Mennais Papeete

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LIBERTÉ Sur les voix qui s’élèvent Sur les voix qui se taisent Sur cette mélodie d’espoir Je chante ton nom.

Je peins ton nom. Sur les fresques de couleur Sur les traits de ton visage Sur le vieux papier froissé Je dessine ton nom.

Sur les îles ensoleillées Sur l’océan Pacifique Sur le Queen Elisabeth Je fredonne ton nom.

Sur les traits de ton regard Sur le Pavillon des Arts Sur un tableau noir et blanc Je note ton nom.

Sur les bords de la Tamise Sur les ondes anglaises Sur une chanson d’espoir J’écoute ton nom.

Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Nous sommes nés pour te connaître Pour te nommer

Sur un air patriotique Sur un rythme résistant Sur les accords d’un violon Je joue ton nom.

Liberté. Classe de 1ère L du Collège-Lycée LA MENNAIS de Polynésie Française

Sur mon papier froissé Et avec ma plume noire Sur le chemin de la mort J’écris ton nom. Sur les planches où je crie Sur des vers où je maudis Sur mon esprit qui gémit J’inscris ton nom.

Sur mon journal déchiré Sur tous mes faux-papiers Sur mes mains pleines de sang Je grave ton nom. Sur le manche de mon pinceau Sur ma belle toile blanche Sur le coin de mon tableau 2


Sur les voix qui s’élèvent Sur les voix qui se taisent Sur cette mélodie d’espoir Je chante ton nom.

TERIIMANA Tauhere / TEHEIURA Rauaheiarii / OTTO Heivanui HERNANDEZ Hivanui / U Tess / APEANG Kaïre 3


CHANTEZ, LES DÉPORTÉS Le chant des déportés a été écrit en 1933 par Johann Esser dans le camp de concentration de Börgermoor. Ce chant traduit la plainte des antifascistes et des Juifs qui sont les premiers internés dans ce camp. Par la suite, des détenus d’autres nationalités l’adoptent, c’est alors qu’il connaît des variantes dans les paroles et l’adaptation musicale.

PAROLES Couplet 1 :

Couplet 3 :

Loin dans l’infini s’étendent Les grands prés marécageux Pas un seul oiseau ne chante Dans les arbres secs et creux

Bruit de chaînes, bruit des armes Sentinelles jour et nuit Et quitter peur et larmes La mort pour celui qui fuit

Couplet 2 :

Couplet 4 :

Dans ce camp morne et sauvage Entouré des murs de fer Ils nous semblent vivre en cage Au milieu d’un grand désert

Mais un jour dans notre vie Le printemps fleurira Libre dans ma patrie Je dirai tu es à moi

Refrain :

Refrain final :

Oh ! Terre de détresse Où nous devons sans cesse Piocher, Piocher.

Oh ! Terre d’allégresse Où nous pourrons sans cesse aimer Aimer, Aimer.

Johann ESSER Il est le compositeur du célèbre chant de résistance de la seconde guerre mondiale le « chant des marais ». Il est né en 1896 et décédé en 1971. Il est arrêté puis enfermé dans le camp de Börgermoor car c’est un militant du KPD, parti communiste allemand et il est également l’auteur de poèmes engagés dans les journaux. Il compose le « chant des marais » à l’intention de tous ceux qui sont prisonniers dans les camps.

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BÖRGERMOOR Le chant a été écrit dans un camp de concentration, celui de Börgermoor situé en Allemagne. Ce camp a été ouvert au début de la répression politique de 1933, c’est l’un des premiers camps nazis. Il est utilisé comme camp de travail comprenant de nombreux détenus comme les opposants politiques du régime (démocrates, syndicalistes etc.)

La particularité de ce camp est qu’il est situé dans une zone marécageuse d’où vient le nom « Chant des Marais ». Les prisonniers doivent prioritairement effectuer des travaux agricoles près du camp. Börgermoor a fermé ses portes en 1934. Suite à cette fermeture, les prisonniers sont déportés dans d’autres camps de concentration à travers l’Europe. En France, les prisonniers allemands sont déportés dans des camps situés au Sud, où le maréchal Pétain emprisonne les étrangers réfugiés mais aussi les opposants au régime de Vichy. Les derniers camps de concentration en France ont été fermés en 1944.

Le camp de Börgermoor

Wolfgang LANGHOFF W. LANGHOFF est né en 1901 à Berlin. Il est arrêté en 1933 car il a adhéré au KPD et fait du théâtre engagé. LANGHOFF a joué un rôle primordial dans la popularisation du chant. Il l’a diffusé en Suisse où il s’est réfugié après sa condamnation.

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LE CHANT Bögermoor : un décor lugubre et marécageux

Un espoir de liberté et de survie

Dès les deux premiers couplets, le désespoir des prisonniers face à l’enfer du milieu concentrationnaire est perceptible. D’ailleurs, l’image de l’oiseau représente les déportés qui ne chantent pas, ces prisonniers malheureux. Ces mêmes oiseaux sont enfermés entre des « murs de fer », dans une cage, ce qui nous amène à dire qu’il est impossible pour les déportés de s’enfuir. Ceux-là, du fait de l’éloignement, éprouvent une certaine solitude : ils sont perdus physiquement et moralement.

Toute la résistance de ce chant est concentrée dans la conjonction de coordination « mais » du quatrième couplet. En effet, avec ce quatrain, les prisonniers chantent et expriment l’espoir qu’ils gardent au fond d’eux: un espoir de liberté et de survie. D’ailleurs, le printemps est évoqué, ce qui nous rappelle l’idée d’une « renaissance » après de longs mois d’hiver, la liberté après de longs mois enfermés.

La plainte des déportés

L’idée de la « mort » est évoquée

Le refrain nous interpelle avec l’interjection « Oh ! » exprimant la plainte des déportés arrivés en train. Le refrain final n’est pas le même. Il évoque un combat réussi, celui des prisonniers qui voient leur horizon s’éclaircir. Le dernier verbe « Aimer » suggère la paix entre les peuples et la promesse de retrouver la liberté.

Cette volonté de fuir la souffrance et les atrocités, éprouvées par les prisonniers, est également présente dans le troisième couplet mais est rapidement exclue avec l’idée de « mort ».

Ce chant est en quelque sorte la voix de tous les déportés qui ont dû se taire, un cri pour libérer leurs sentiments refoulés : la colère, l’incompréhension et la peur de la mort.

Sources : -

www.afmd.asso.fr www.calcados.gouv.fr www.resistance-deportaation18.fr www.ac-grnoble.fr

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Sur les îles ensoleillées Sur l’océan Pacifique Sur le Queen Elisabeth Je fredonne ton nom.

LAUX Maëva / SARTORE Manatea 7


TAHITI ENTRE EN RESISTANCE L’ANNONCE DE LA SECONDE GUERRE DANS LES E.F.O. En 1939, Tahiti est alertée de la seconde guerre mondiale par signal radio : la peur s’installe. Le déclenchement des hostilités est certainement aussi vivement ressenti à Tahiti qu’en France, tellement sont étroits les liens unissant la métropole à

sa lointaine colonie du Pacifique. Amorties par la distance, décalées par la lenteur des communications, les nouvelles de la défaite française ne sont connues que par un petit nombre de colons.

LA DÉFAITE DE LA FRANCE la Résistance française, dont il demeure le symbole. De Gaulle constitue un mouvement de résistance : « La France libre ». A Tahiti se dessine un élan en faveur de la Résistance. Le 22 juin 1940, aussitôt la signature de l’armistice connue, un certain nombre de démarches sont entreprises par ceux qui ne veulent pas de la défaite et de la capitulation de la Mère patrie. Ces colons français se trouvent, en effet, hors de portée de l’ennemi et, désireux de ne pas déposer les armes, ils se considèrent encore libres de décider de leur avenir.

Le 18 juin 1940, le général de Gaulle proclame sur la radio de Londres que si la France a perdu une bataille, elle n’a pas perdu la guerre. C'est un appel aux armes dans lequel il demande de ne pas cesser le combat contre l'Allemagne nazie. Il prédit la mondialisation de la guerre. Ce discours très peu entendu sur le moment, mais publié dans la presse française le lendemain et diffusé par des radios étrangères est considéré comme le texte fondateur de 8


Dès le 23 juin, le Commandant en charge de la Marine dans les Établissements Français d’Océanie diffuse un ordre du jour : « Je vous affirme solennellement que quoi qu’il arrive, la section de surveillance de Tahiti et la marine dans les E.F.O. ne seront jamais sous la botte allemande. La Marine aura un beau rôle à jouer pour la libération de notre

France meurtrie. »

douloureusement

En Août 1940, le gouverneur Chastenet de Géry commence à appliquer les directives de Vichy dans la colonie, en contradiction avec ses prises de position fin juin qui portaient à croire qu’il était favorable à la poursuite de la lutte aux côtés des Anglais.

LE CHOIX DE RALLIER LA FRANCE LIBRE Le 1er septembre, le « Comité Français Libre », malgré l’opposition du « Comité des Français d’Océanie », pétainiste, organise un plébiscite : « Pour

ou contre le ralliement à De Gaulle ». Avec plus de 5500 « oui » contre 18 « non », le ralliement est acquis. Le gouverneur démissionne.

Tous les pétainistes, sont exilés à Maupiti, une île proche de Tahiti. Par ailleurs, tous les hommes de nationalité allemande des E.F.O. sont regroupés et enfermés à Motu Uta, un petit

îlot servant de prison non loin de la capitale, Papeete. Un des meneurs de cette action, Emile de Curton, est nommé gouverneur par de Gaulle en novembre 1940. 9


LE CHANT DES TAMARI’I VOLONTAIRES En 1940, un jeune caporalchef tahitien, Pea Tutehau, crée un chant à ses heures perdues. Il fait partie d’une batterie d’artillerie. Plus tard, ce chant est repris et devient l’hymne du bataillon du Pacifique. Quelques paroles sont modifiées mais le sens reste le même.

Le 21 avril 1941, 300 jeunes volontaires tahitiens partent, sous le commandement du capitaine Broche pour libérer leur Mère Patrie à bord du Queen Elisabeth en s’engageant dans le Bataillon du Pacifique et vont diffuser et populariser le chant.

LE CHANT Tamari’i volontaire

Enfant volontaire

Matou teie Tamarii volontaire O ta oe i titau mai nei Te fari’i nei matou i te ture No to tatou hau metua

Nous sommes des enfants volontaires Que tu as appelés Nous acceptons ce fait De la part de la mère patrie Voici

tes enfants volontaires A qui tu fais appel. C’est à travers cet engagement Que nous mourrons au champ d’honneur.

Teie mai nei to mau Tamarii O ta oe i titau mai nei Tei nia roa tona tauraa Te vahi o te pohe

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La signification du chant : Tout d’abord, les 300 jeunes volontaires du Bataillon du Pacifique se sont engagés de leur plein gré, pour libérer la France, leur Mère Patrie. Ils souhaitent défendre les valeurs de la IIIème République qui s’opposent à celles du régime de Vichy. En effet, dans le contexte d’une France déchirée entre une zone Nord et une zone Sud, dite « Libre », se met en place le régime de Vichy. Le Maréchal Pétain obtient les pleins pouvoirs du Parlement et, avec l’aide de Pierre Laval, instaure les fondements du Régime de Vichy. Ce régime est un régime autoritaire, xénophobe et antisémite. Le Maréchal exerce tous les pouvoirs et se met en place un véritable culte autour de sa personne. Il accuse la République d’être responsable de la défaite. Il appelle à une « Révolution Nationale » qui rejette la démocratie libérale.

Le pétainisme prend pour devise « Travail, Famille, Patrie » en opposition aux valeurs de la IIIème République défendues par les Résistants. Les valeurs républicaines de « Liberté, Egalité, Fraternité », la laïcité sont bafouées et remises en question par Vichy et les pratiques du pouvoir. Le seul symbole restant est le drapeau tricolore. Les volontaires tahitiens vont s’engager pour libérer le territoire français et réhabiliter les valeurs républicaines. Les Tahitiens acceptent de se battre aux côtés des Résistants de la France Libre au nom de la Liberté. Par ailleurs, certains guerriers du Pacifique se sont engagés, mineurs, sans le consentement de leurs parents, par patriotisme envers la France.

SOURCES : - Jean Christophe Shigetomi, Tamari’i Volontaire. Les Tahitiens dans la Seconde Guerre Mondiale, Polymage / Jean Louis Saquet, 2014. - François Broche, Le bataillon des guitaristes. L’épopée inconnue des F.F.L. de Tahiti à Bir-Hakeim 1940-1942, Fayard, 1970. - Emile de Curton, Tahiti 40. Récit du ralliement à la France libre des Établissements français d’Océanie, Publications de la Société des Océanistes, 1973. - 1875-1950 Les Etablissements Français de l’Océanie au quotidien, ARCHIPOL Le cahier des archives de la Polynésie, n°9, décembre 2006.

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Sur les bords de la Tamise Sur les ondes anglaises Sur une chanson d’espoir J’écoute ton nom.

GOODING Maroarii / CLOVER Hokunui / MATAIHAU Leihani / TETUAMANUHIRI Débora

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LES ONDES DE LA RESISTANCE La Résistance ne se fait pas uniquement depuis l’hexagone mais aussi par des Français vivant à l’étranger et dans les colonies. La BBC va émettre des ondes d’espoir depuis les bords de la Tamise et des appels à entrer en résistance en utilisant les arts.

L’appel du Général De Gaulle du 18 juin 1940 a été émis depuis les studios de la BBC pour encourager les Français à continuer la lutte quelles que soient les armes choisies.

LA RADIO : PORTE-PAROLE DE LA RÉSISTANCE A partir de 1940, une organisation se met en place par des Français pour des Français grâce à la radio, un moyen impossible à contrôler par les Allemands. Des journalistes français quittent le pays au début de la guerre pour s’exiler

en Angleterre et éviter la censure du régime de Vichy. Un ensemble d’hommes se réunit à Londres, comme Jacques Duchesne (de son vrai nom : Michel SaintDenis), Pierre Bourdon, Jean Oberlé, etc.

DES SPECTACLES SONORES En effet, leur objectif est de libérer le territoire français des nazis. Les programmes français diffusés par la radio britannique comme « Les Français parlent aux Français » connaissent un succès considérable malgré le danger encouru par les auditeurs cachés dans les greniers ou les caves. Les jeunes chroniqueurs de la BBC insufflent un ton nouveau à l’antenne à travers des chants

patriotiques, en passant par des discours de la Reine Elizabeth II ou des messages personnels de civils. Ces « voix de la liberté » servent à informer la population et à la mobiliser contre la propagande allemande et le gouvernement de Vichy. Les recrues de la BBC vont réussir à imposer de véritables « spectacles sonores ». Leurs émissions deviennent des armes de lutte contre Vichy et les nazis. 13


LA SATIRE : ARME DE COMBAT désespérer, on les aura ! Il ne faut pas s’arrêter de résister ! N’oubliez pas la lettre V, écrivez-la, chantonnez-la, VVVVV ! », sont les paroles du premier couplet de la chanson. Une autre chanson se moque ouvertement d’Adolf HITLER : « Adolf, Adolf ». L’équipe française de la BBC est progressivement renforcée par des artistes comme le chansonnier Pierre Dac ou bien des auteurs comme Georges Bernanos. Ce dernier, exilé au Brésil envoie ses manuscrits à la BBC pour qu’elle diffuse sur ses ondes quelques phrases pour donner du courage aux Français. Durant la seconde guerre mondiale, Radio Londres est un véritable porte-voix pour les Français insoumis et les alliés qui oeuvrent pour la libération de la France.

L’une des émissions satiriques les plus écoutées est « Les trois amis » animée par Jacques Duchesne, Pierre Bourdan et Jean Oberlé illustrant l’esprit des trois amis : Jean le pessimiste à convaincre ; Pierre le plus confiant dans la victoire des alliés, et Jacques le médiateur. Ils se retrouvent dans des restaurants et des parcs afin de discuter librement de l’actualité. Le succès de l’émission tient à la fois à son souci de vérité et à son ton humoristique. De plus, les animateurs passent à la radio des chansons du recueil composé par Maurice Van Moppès. Douze chansons partant d’airs connus qui sont facilement mémorisées par les auditeurs. La ritournelle portant un message très fort est la « chanson des V » rythmée par l’air de la 9ème symphonie de Mozart. « Il ne faut

Sources : - Aurélie Luneau, Je vous écris de France, Lettres inédites à la BBC 1940-1944,Paris, L’Iconoclaste, 2014. - Aurélie Luneau, RADIO LONDRES 1940-1944, Les voix de la Liberté, INA Editions, 2010 CD audio

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Sur un air patriotique Sur un rythme résistant Sur les accords d’un violon Je joue ton nom.

LEE Jonathan / CHANG Loana / HAMBLIN Keaulani / AHUTORU Hoanui / TCHUNG Joan 15


DES NOTES ET DES MOTS POUR DEFENDRE LA FRANCE OCCUPEE Dans le milieu musical, une minorité entre en résistance dès les années 40 et utilise la musique via la radio ou l’Opéra Garnier pour dénoncer l’occupation du territoire et le régime de Vichy.

MUSIQUE EN RESISTANCE Le Front national des musiciens est composé de militants communistes dont Elsa Barraine (compositrice française 1910-1999), Roger Désormière (chef d'orchestre et compositeur français 1898-1963) et Louis Durey (compositeur français 18881979). Ils forment un groupe de résistance créé par le Parti Communiste, en mai 1941. Ils écrivent un manifeste « Nous refusons de trahir » dans la revue clandestine L’Université libre, en septembre 1941 et créent leur propre revue, Musiciens d’aujourd’hui, en 1942. Le Front national des musiciens est la seule organisation spécifique aux musiciens. Ce groupement de musiciens résistants s’est affilié au Front national de libération suite à l’appel lancé en 1941 par le PCF. Des hommes comme le compositeur Georges Auric, l’ancien chef de l’orchestre national Manuel Rosenthal ainsi que le nouveau directeur du conservatoire de Paris ont rejoint le mouvement. Ils ont choisi de lutter pour libérer la France.

L’activité du Front National de la Musique commence par la rédaction de tracts virulents. Ils dénoncent l’indécence des salaires de certains artistes. Ils critiquent aussi violemment le principe de neutralité de l’art, encouragé par Vichy, au nom de la liberté d’expression et de l’engagement de l’artiste dans sa création.

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Elsa BARRAINE En 1944, Elsa Barraine est recherchée par les Allemands. Elle entre alors dans la clandestinité et se procure des faux papiers au nom de Catherine Bonnard. Elle utilise cette identité pour signer Avis, créé pour le poème de Paul Éluard. Comme le préconise Musiciens d’Aujourd’hui (février 1944), il s’agit de « collaborer musicalement à l’œuvre des poètes patriotes et de donner des auditions clandestines d’œuvres patriotiques ». Comme la plupart des musiciens du Front national des musiciens, elle participe aux enregistrements du studio d’essai de Pierre Schaeffer destinés à préparer les programmes de la Radio de la Libération.

SUSCITER UN ELAN PATRIOTIQUE Pendant l'Occupation, l'Opéra de Paris a été un lieu de résistance face au siège parisien de la Kommandantur. Des hommes, machinistes et musiciens, travaillant au Palais Garnier ont lutté avec leurs armes contre l'occupant. Nous parlons ici de « contrebande musicale », qui est une forme de résistance intellectuelle et artistique, consistant à distiller un message, de manière subtile, mais explicite, à travers le discours musical. Il s’agit donc de jouer devant les Allemands des fragments d’airs patriotiques insérés dans d’autres œuvres, afin de diffuser un message interdit sous une forme autorisée. Pour atteindre son objectif, « la dénazification de l’art », l’organisation appelle tous les musiciens de l’orchestre de l’Opéra à les rejoindre. Ils créent un ballet humoristique, « Les animaux modèles » en 1942 sur le thème d’une chanson patriotique française. 17


Francis POULENC Le compositeur Francis Poulenc insère un passage de Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine : « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine et, malgré vous, nous resterons français. Vous avez pu germaniser la plaine. Mais notre cœur, vous ne l'aurez jamais » Ils enregistrent des chansons qui appellent à la lutte armée. Les paroles de certaines d’entre elles ont été écrites par Paul Eluard. Le 18 août 1944, à la suite des directives reçues, les musiciens de l’opéra rejoignent la grève patriotique initiée par les cheminots qui s’emparent de la Mairie du IXème arrondissement et de la Kommandantur.

LA MUSIQUE POUR NE PAS OUBLIER CEUX QUI SONT MORTS POUR LA LIBERTE

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Georges Auric (1899 – 1983) Il a mis en musique en 1943 le poème « La rose et le réséda » de Louis Aragon. Ce poème est le dernier que le poète ait signé de son nom avant d’entrer dans la clandestinité. Georges Auric cherche à exalter une forme d'idéal et d'héroïsme. C’est une belle leçon de littérature mise en musique pour célébrer les Résistants morts qui se sont sacrifiés pour la patrie.

Sources : -

http://museedelaresistanceenligne.org/media7082-iMusiciensdaujourdhui-i-nA

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http://www.copiedouble.com/content/la-rose-et-le-r%C3%A9s%C3%A9dalouis-aragon-1943-texte-et-analyse

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http://www.universalis.fr/encyclopedie/musique-sous-l-occupation/3l-attitude-des-musiciens/

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Sur mon papier froissé Et avec ma plume noire Sur le chemin de la mort. J’écris ton nom

AFO Moeana / TEOTAHI Anne-Marie / TAHIRORI Te’e’eva 20


J’ECRIS POUR HURLER EN SILENCE Une forme de résistance intérieure, une manière de tenir, une feuille et un crayon, nous écrivons pour résister jusqu’à la mort malgré les arrestations et les déportations.

« QUE MA MORT SERVE À QUELQUE CHOSE.» Guy MÔQUET et fervent militant des jeunesses communistes. L'arrestation de son père est un événement marquant qui renforce son ardeur militante. Il est arrêté à seize ans le 13 octobre 1940 par des policiers français qui recherchent les militants communistes. Il est passé à tabac pour révéler les noms des amis de son père. Emprisonné à Fresnes, puis à Clairvaux, il est ensuite transféré au camp de Châteaubriant (Loire-Atlantique), où sont détenus d'autres militants communistes. Le 22 Octobre 1941, il est fusillé avec vingt-sept otages. Il est le plus jeune à être abattu.

Guy Môquet, né le 26 avril 1924 et mort le 22 octobre 1941, est un militant communiste célèbre. Le père de Guy Prosper Môquet, communiste est arrêté le 10 octobre 1939, déchu de son mandat de député en février 1940 et plus tard déporté dans un camp de concentration français. Guy Môquet est lycéen au lycée Carnot

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SA LETTRE Avant d'être fusillé, il avait écrit une lettre à ses parents : « Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé, Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurai voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas ! J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées, elles pourront servir à Serge, qui je l’escompte sera fier de les porter un jour. A toi, petit Papa, si je t’ai fait, ainsi qu’à petite Maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis et à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme. 17 ans et demi ! Ma vie a été courte ! Je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi Maman, Serge, Papa, je vous embrasse de tout mon cœur d’enfant. Courage ! Votre Guy qui vous aime Guy. »

Son témoignage Il a écrit cette lettre le jour de sa mort, le 22 octobre 1941.

condamnation ainsi que Tintin (Jean-Pierre Timbaud) et Michels (Charles Michels) qui vont être fusillés avec lui. Toutes ces personnes représentent la famille de Guy Môquet. Sa lettre, comme bien d'autres, frappe par sa dignité, son refus de tout regret et l'expression d'un courage vrai face à la mort.

Comme la plupart des lettres de jeunes condamnés, la lettre de Guy Môquet est adressée à ses parents et, ici, à son frère. Elle exprime un ardent amour de ses proches et de ses camarades du parti, ses « frères » Roger (Roger Semat) et René (Rino Scolari) qui échappent à la 22


Contrairement à beaucoup d'autres lettres, on n'y retrouve aucune référence explicite à des valeurs ou à un attachement patriotique.

de modèle pour continuer la lutte au nom de la Liberté. Est-ce que écrire c’est résister ? Oui ! A travers cette lettre, Guy Môquet résiste ! C’est une forme de résistance intérieure, une manière de tenir, comme le font les autres résistants qui écrivent. Une lettre, c’est matériel, cela peut se conserver et rester dans la mémoire collective, c’est écrire debout.

Ce qui nous attire vraiment dans cette lettre c’est l'expression « je souhaite de tout mon cœur, que ma mort serve à quelque chose » qui renvoie implicitement à un espoir, celui que, au-delà de sa propre existence, son engagement serve

« JE MEURS POUR MA PATRIE » Henri FERTET

Il devient un fervent résistant en 1942 en rejoignant un groupe de Francs-Tireurs composé de 30 hommes et Partisans de « Guy Mocquet » (son nom est écrit à cette époque, même dans les journaux, avec une fausse orthographe). Le 2 juillet 1943, il est arrêté par les Allemands, et incarcéré à la prison de Besançon. Le 26 Sept 1943 il écrit une lettre, à ses parents, rendue célèbre aujourd’hui et meurt fusillé.

Henri FERTET est né le 27 octobre 1926 à Seloncourt dans le département du Doubs. Ses parents sont instituteurs.

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SA LETTRE « Besançon, prison de la Butte (Doubs) 26 septembre 1943 Chers parents, Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n’en doute pas, vous voudrez bien encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi. […] Je meurs pour ma patrie, je veux une France libre et des Français heureux, non pas une France orgueilleuse et première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête Que les Français soient cueillir le bonheur. […]

heureux,

voilà

l’essentiel.

Dans

la

vie,

il

faut

savoir

Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée, mais c’est parce que j’ai un petit crayon. Je n’ai pas peur de la mort, j’ai la conscience tellement tranquille. Papa, je t’en supplie, prie, songe que si je meurs, c’est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons bientôt tous les quatre, bientôt au ciel. Qu’est-ce que cent ans ? Maman rappelle-toi : “Et ces vengeurs successeurs.”

auront

de

nouveaux

défenseurs

Qui,

après

leur

mort,

auront

des

Adieu, la mort m’appelle, je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est dur quand même de mourir. Mille baisers. Vive la France. un condamné à mort de 16 ans. H. Fertet. Excusez les fautes d’orthographe, pas le temps de relire. Expéditeur : Monsieur Henri Fertet, Au ciel, près de Dieu. »

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Son témoignage Il écrit cette lettre le jour de son exécution à la prison de Besançon, à la Citadelle. Elle a circulé dans des journaux clandestins puis elle est diffusée sous forme de tract par le Front national de libération de la France, un mouvement de résistance proche des

communistes. Malgré son jeune âge et la situation à laquelle il a fait face, il ne regrette aucunement ses choix. Comme Guy Môquet, il est « amoureux » de sa patrie, la France. Il reste digne parce qu’il sait qu’il se bat pour une bonne cause, pour la France libre.

« IL Y A TRÈS LONGTEMPS QUE JE NE T’AIE PAS ÉCRIS »

Marie JELEN Marie JELEN a 10 ans et est née le 20 octobre 1931, c’est une petite fille juive qui vit à Paris. Elle écrit sept lettres pour son père Icek JELEN, qui exerce son métier dans une zone d’occupation, afin qu’il ait des informations concernant les conditions de vie qu’elle et sa mère subissent dans le camp de Pithiviers situé dans le Loiret. Le 16 juillet, lors de la rafle du Vél’d’hiv, elle est arrêtée avec sa mère. Parmi toutes ses lettres, seule la septième sera analysée. Trois jours après son envoi, Marie est déportée et le 23 septembre 1942 et elle est gazée à Auschwitz. Son père va essayer de la retrouver avec sa mère, mais sans résultat. Il va se remarier et avoir un fils. Jusqu’à sa mort, il va garder précieusement les lettres de sa fille dans son portefeuille, et c’est grâce à son fils qui va les publier, qu’elles seront connues. 25


SA LETTRE « Pithiviers le 18 9 42 Mon cher papa Il y a très longtemps que je n'ai t'aie pas écris parce que j'attendais la permission d'écrire des lettres. tu va pouvoir m'envoyer une réponse dans l'autre enveloppe. je voudrais si tu peux que tu m'envoie ma photos celle de maman et la tienne. il y a très longtemps que je ne t'ai pas vu. j'espère que je te reverrais bientôt. essaie de me faire sortir ainsi je serais avec toi, ici je perds toutes mes forces. J'ai beaucoup maigris, je suis encore malade, j'ai attrapé une autre maladie, la varicelle, il y a des gens qui disent qu'on va libérér les enfants qui ont moins de 16 ans. j'espère que j'aurai la réponse le plus tôt possible. Sois en bonne santé, surtout ne tombe pas malade comme moi je fais. ne t'ennuie pas comme moi car je pleure souvent en pensant à toi. Ta petite fille qui t'aime et qui t'embrasse bien fort Marie »

Son témoignage Dans cette lettre on peut remarquer que l’auteure doit obtenir la « permission » d’écrire car dans les camps une règle a été instaurée, les déportés ne peuvent envoyer de lettre qu’avec l’autorisation des SS. De plus, ses sentiments sont exprimés très rarement, elle se contente seulement de décrire son état physique actuel, mais par contre, elle s’intéresse à la santé de son père. Cette lettre exprime vraiment son désespoir face à tout ce qu’elle endure chaque jour mais elle reste

optimiste en vue d’une éventuelle « libération ». De même, malgré tous les malheurs, toutes les difficultés qu’elle rencontre, elle reste toujours aussi forte, courageuse et très combattante, elle « résiste » malgré tout. Cette lettre fait ressortir la tristesse d’une petite fille. Elle est très émouvante et très déchirante. C’est la toute dernière lettre que son père recevra d’elle, écrite seulement trois jours avant sa déportation à Auschwitz.

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Nous écrivons pour résister, pour garder notre dignité et notre identité. Résister dans l’écriture, c’est s’obstiner, jour après jour, à se construire, même dans la clandestinité et la misère. Nous écrivons pour maintenir les liens familiaux. Nous écrivons pour combattre ensemble le découragement, une page blanche où s’allongent quelques lettres comme un message d’espoir et de délivrance. A chaque fois qu’une lettre est écrite, l’auteur se découvre lui-même : il découvre ses capacités à écrire, à dire, à résister, à espérer et à hurler en silence. Il dévoile indirectement tout ce qu’il a vu et vécu en l’exposant au monde.

Sources: Guy Môquet: -

http://www.fondationresistance.org/pages/rech_doc/portrait-11.htm https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_M%C3%B4quet http://memoireresistance.free.fr/biographie.html http://www.jesuismort.com/biographie_celebrite_chercher/biographieguy_moquet-7873.php

Service historique de la Défense -

http://memoireresistance.free.fr/lalettre.html Source de la lettre : Collection Musée de la résistance nationale à Champigny-sur Marne Fonds de la famille Môquet-Saffray http://memoireresistance.free.fr/biographie.html Photo de Roger-Viollet

Henri FERTET : -

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Fertet http://www.ordredelaliberation.fr/fr/les-compagnons/336/henri-fertet http://se-rememorer.e-monsite.com/pages/partie-ii-les-temoignageshistoriques-permettent-a-la-memoire-collective-de-subsiter/la-lettred-henri-fertet.html

-

http://education.francetv.fr/matiere/epoquecontemporaine/cm2/article/ les-lettres-de-marie-jelen-enfant-deportee-en-1942 http://afmd08.over-blog.com/article-a-la-memoire-de-marie-jelen46596684.html http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/marie.htm

Marie JELEN :

-

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Sur les planches où je crie Sur des vers où je maudis Sur mon esprit qui gémit J’inscris ton nom.

MOSSUZ Moea / CLEMENT Marie / PAGESY Carla

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HOMMES, FEMMES, JEUNES, MOINS JEUNES, RESISTONS La poésie est un moyen de s’engager. C’est pour cela que plusieurs auteurs comme Jean Cassou, Paul Eluard, Marianne Cohn, Madeleine Riffaud, Jean Anouilh utilisent leurs mots pour en créer des poèmes de résistance.

L’HOMME QUI N’OUBLIERA JAMAIS Jean Cassou

est né en 1897. Il est un Résistant et poète français. Alors qu’il est engagé dans la Résistance, il est arrêté en 1941. Cassou est enfermé à la prison de Furgol à Toulouse et mis au secret. C’est dans sa cellule, sans possibilité d’avoir ni papier ni crayon qu’il compose de tête les poèmes qui formeront le recueil Trente-trois sonnets composés au secret. Après un an et demi d’incarcération, il finit par être libéré et ses poèmes seront publiés clandestinement aux Editions de Minuit en 1944.

Sonnet XXIII La plaie que, depuis le temps des cerises La plaie que, depuis le temps des cerises, je garde en mon coeur s'ouvre chaque jour En vain les lilas, les soleils, les brises viennent caresser les murs des faubourgs. Pays des toits bleus et des chansons grises, qui saignes sans cesse en robe d'amour, explique pourquoi ma vie s'est éprise du sanglot rouillé de tes vieilles cours. Aux fées rencontrées le long du chemin je vais racontant Fantine et Cosette L'arbre de l'école, à son tour, répète une belle histoire où l'on dit : demain... Ah ! jaillisse enfin le matin de fête où sur les fusils s'abattront les poings !

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« La fin de l’espoir est le commencement de la mort » -Charles de Gaulle


Signification Le sonnet a été un moyen pour Cassou de s’évader de sa prison par l’esprit. Le sonnet est divisé en deux : le thème des quatrains est davantage axé sur le désespoir alors que celui des tercets dépeint une vision plus optimiste et plus joyeuse. Dès le début du sonnet, la « plaie » représente la souffrance autant morale que physique à la suite de l’invasion de la

France par les Allemands, repris par les termes « saignes » et « sanglot ». Cependant, les tercets montrent le souvenir d’un temps révolu mais également un avenir meilleur comme le suggèrent « fête » et « demain ». Jean Cassou souhaite que la guerre se termine vite pour pouvoir retrouver la vie d’avant et surtout la liberté d’avant…

LE PORTE-PAROLE DE LA LIBERTE Paul Eluard

est un poète né en 1895. Il est l’un des plus célèbres poètesrésistants. En 1942, il publie son recueil Poésie et Vérité où « Couvre-feu » est présent. Il va être censuré par les Allemands. Ce poème est inspiré des nazis qui ont imposé un couvre-feu en zone occupée pour éviter toute forme de Résistance.

Couvre-feu

« Obéir c’est trahir, désobéir c’est servir » Tract de la résistance

Que voulez-vous la porte était gardée Que voulez-vous nous étions enfermés Que voulez-vous la rue était barrée Que voulez-vous la ville était matée Que voulez-vous elle était affamée Que voulez-vous nous étions désarmés Que voulez-vous la nuit était tombée Que voulez-vous nous nous sommes aimés

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Signification Regardez ce poème. Sa construction en facilite le message. L’anaphore et les rimes en « é » enferment le lecteur et ne laissent pas de place pour la liberté. Les mots finissant les vers ont une forte connotation négative, l’exception étant le dernier mot « aimés » qui montre que peu importent les épreuves subies par le peuple français, rien n’affecte les Résistants. Paul Eluard défend une valeur

fondamentale de la République, bafouée par le régime de Vichy : la Liberté. En effet, certains poèmes tels que « Liberté », parachuté par la RFA, sont des symboles de cette lutte contre l’oppression. Ce poème symbolisant toute la lutte d’un peuple, de l’humanité, symbolise l’engagement des Résistants. Qu’importe les armes ; un poème peut être tout aussi tranchant qu’une lame.

LE SACRIFICE D’UNE RESISTANTE Marianne Cohn

(1922-1944) fait partie de la MJS -Mouvement de la Jeunesse Sioniste- et de l’OSE -Œuvre de Secours aux Enfants- qui aide les Juifs les plus jeunes à s’enfuir de France. Lors d’une de ses missions, elle est arrêtée en mai 1944. On lui fait une proposition d’évasion mais elle préfère rester avec les enfants qu’elle considère innocents. Torturée pendant quelques mois, elle est assassinée en juillet 1944 et son corps sera retrouvé après la Libération. Quant au poème, il est remis par un des enfants que Marianne Cohn accompagne en 1943.

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Je trahirai demain J e trahirai demain, pas aujourd’hui. Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles Je ne trahirai pas. Vous ne savez pas le bout de mon courage. Moi je sais. Vous êtes cinq mains dures avec des bagues. Vous avez aux pieds des chaussures Avec des clous. Je trahirai demain, pas aujourd’hui, Demain. Il me faut la nuit pour me résoudre, Il me faut pas moins d’une nuit Pour renier, pour abjurer, pour trahir. Pour renier mes amis, Pour abjurer le pain et le vin, Pour trahir la vie, Pour mourir. Je trahirai demain, pas aujourd’hui. La lime est sous le carreau, La lime n’est pas pour le barreau, La lime n’est pas pour le bourreau, La lime est pour mon poignet. Aujourd’hui je n’ai rien à dire, Je trahirai demain.

Signification Voyez comment ce poème dégage un sentiment tragique souligné pas la présence de la fatalité. Le premier vers, qui revient comme un refrain : « Je trahirai demain » le souligne. Cependant, le tragique n’est pas subi mais assumé par la poétesse. De plus, le ton provocant frappe dans cette œuvre ; l’impératif « arrachez-moi les ongles » peut se comprendre comme une

résistance à la torture. D’ailleurs, le vers suivant est catégorique : « Je ne trahirai pas. » En outre, l’antithèse des vers 4 et 5 – entre « Vous ne savez pas le bout de mon courage » et « Moi je sais » – montre que Marianne Cohn est déterminée à résister face à ses bourreaux.

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La force de caractère de la jeune femme est présente dans la phrase « Je ne trahirai pas », répétée de nombreuses fois. Au début, on peut se demander pourquoi trahir « demain pas aujourd’hui » ? En réalité, « demain » signifie « jamais ». En effet, la présence de la

« lime » vers 22 –« la lime est pour mon poignet »confère une idée de suicide. Sa résistance est illustrée à travers cette volonté de sacrifice omniprésente. La liberté n’a pas de prix, et elle va de droit à toutes personnes, sans exception.

LA JEUNE DEVOUEE ET ENRAGEE Née en 1924, Madeleine Riffaud incarne la jeunesse résistante. A l’âge de 20 ans, elle abat de sang-froid un officier nazi ce qui conduit à son arrestation, en juillet 1944. Après de nombreuses séances de torture, elle est condamnée à mort. Durant son voyage en train qui doit l’amener à Ravensbrück, elle s’échappe, évitant ainsi le camp et la mort.

« Il n’avait pas UN camarade Mais des millions et des millions Pour le venger il le savait Et le jour se leva pour lui » -Paul Eluard

Neuf balles Neuf balles dans mon chargeur Pour venger mes frères. Ça fait mal de tuer C’est la première fois. Sept balles dans mon chargeur. C’était si simple. L’homme qui tirait l’autre nuit C’était moi.

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Histoire de « Neuf balles » C’est à la suite de son meurtre sur un officier nazi que Madeleine Riffaud écrit ce poème. La forme courte du poème permet un apprentissage facile, ne trouvez-vous pas ? Les distiques qui structurent le poème sont semblables à un face à face entre Madeleine Riffaud et l’officier nazi. Même si elle est traumatisée « Ça fait mal de tuer », c’est sans regret qu’elle a tué « Pour venger » ses « frères » : son acte était délibéré. Elle veut la liberté et la justice.

Toute la force du poème réside dans le dernier vers : « C’était moi. ». Oui, c’était toi, elle lui, moi ; tout le monde a cette rage qui bouillonne en soi et qu’il faut laisser éclater. Madeleine représente la jeunesse assoiffée de liberté et de droits, dans le pays de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Résister pour pouvoir respirer, pour pouvoir vivre et écrire. Résister pour les libertés et pour être libéré. Chaque acte compte ; ne l’oubliez pas.

LE RESISTANT INSOLENT Jean-Marie-Lucien-Pierre Anouilh

est un dramaturge français né en 1910. Dès l’âge de 13 ans, il se découvre une passion pour le théâtre. Le succès est également au rendez-vous lors de la représentation théâtrale d’Antigone (1944), même si les avis divergent quant à l’aspect politique de la pièce. Anouilh ne se prononcera pas concernant ces suppositions mais il semble que plusieurs indices penchent en faveur de l’engagement dans la Résistance du personnage.

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« Le verbe Résister doit toujours se conjuguer au Présent » -Lucie Aubrac

Antigone Lecteurs, lectrices relevez la tête ! Antigone est loin d’être un médiocre personnage. Elle représente ce pourquoi nous nous battons pendant des mois : elle se bat pour la justice. Considérons-la comme l’allégorie de la Résistance. Lorsqu’elle se bat contre Créon, nous nous battons contre Pétain et les Allemands, contre tous ceux qui entravent notre liberté. Françaises, français, suivez son exemple ! Résistez face à l’oppression nazie ! Battez-vous pour votre liberté, pour la liberté de la France !

Cette pièce raconte en un acte l’histoire tragique d’Antigone. Figure de résistance face à Créon, elle ira jusqu’à mourir pour défendre ses idées. Lors de la première représentation, les Allemands ont rétorqué qu’Antigone était pitoyable : certes, elle était dotée d’un courage sans faille mais son entêtement l’aura conduit à la mort. Ainsi, les envahisseurs disent que nos actes de résistance sont inutiles et qu’ils finiront par échouer.

Sources : -

http://litterature-et-commentaires.blogspot.com/2014/09/la-plaie-que-depuis-le-temps-des.html https://www.reseau-canope.fr/cndpfileadmin/poetes-en-resistance/poetes/marianne-cohn/je-trahiraidemain/pistes-pedagogiques/ La Résistance en poésie. Magnard ; Classiques & Contemporains. 2012 Au nom de la Liberté, Anne Bervas-Leroux. Etonnants Classiques ; GF Flammarion.2000. Image Marianne Cohn : www.ac-grenoble.fr Biographie de Jean Anouilh : L’internaute

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Sur mon journal dĂŠchirĂŠ Sur tous mes faux-papiers Sur mes mains pleines de sang Je grave ton nom.

Heipoe HOTZ / Wailani LAU-FAT 36


ECRIRE POUR DIRE Un auteur engagé pour la liberté Pendant l'Occupation, Louis Aragon fait le choix de s’engager contre l’occupant. L’auteur participe à la Résistance en créant avec Elsa Triolet le Comité national des écrivains pour la zone Sud et le journal La Drôme en armes. Il

s’engage à travers ses poèmes, publiés dans la clandestinité, dans lesquels l’amour de la femme « Les Yeux d’Elsa » (1942) rejoint l’amour de la patrie « Le Musée Grévin » (1943), « La Rose et le Réséda » (1944).

Louis Aragon (18971982)

Comment ce poème s’inscrit-il dans l’Histoire ? Tout d’abord, Aragon célèbre le courage des hommes qui ont réussi à dépasser leurs convictions personnelles de religion et de politique afin d'œuvrer ensemble pour une noble cause: la libération de la France pendant l'Occupation durant la Seconde Guerre Mondiale. Communistes et catholiques se retrouvent en effet pour combattre, pour souffrir et pour mourir ensemble dans l'espoir de jours meilleurs. Louis Aragon leur rend ici un hommage dans ce poème écrit en 1943 alors que lui-même est communiste et

clandestin. Ce poème est publié une première fois en 1943 puis de nouveau en 1944, cette fois avec la dédicace suivante : « A Gabriel Péri et d'Estienne d'Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru ». Quatre hommes. Deux communistes et deux catholiques et tous des résistants, morts fusillés par les Allemands. Gabriel Péri est un homme politique et un journaliste français, membre du parti communiste, fusillé en 1941. Honoré d’Estienne d’Orves est un officier de marine français, 37


rallié au Général De Gaulle en 1940, fusillé en 1941. Guy Môquet est le fils d’un député communiste, fusillé comme otage à Chateaubriant en 1941, à l’âge de 17 ans. Gilbert Dru est un des organisateurs de la Résistance dans les milieux de la Jeunesse

Chrétienne, fusillé en 1944, à l’âge de 24 ans. La « rose » est une fleur rouge qui symbolise le socialisme traditionnellement athée, celui qui ne croit pas au ciel, c'està-dire à Dieu. Le « réséda » est une fleur blanche qui représente la monarchie et le catholicisme

Contre l’oppression L'oppression des occupants allemands à l’époque est une réalité et la censure est très importante. Louis Aragon est luimême clandestin et se cache. L'apparente simplicité du poème correspond donc à une précaution nécessaire pour éviter d'être arrêté et tué. Le refrain « Celui qui croyait au ciel / Celui qui n'y croyait pas » a une grande signification. Même le titre est à relire selon cette perspective. En France, la tradition veut qu'on soit d'un côté ou d'un autre : ou bien du côté de la monarchie, du catholicisme et de conviction politique de droite, ou bien du côté du peuple, de l'anticléricalisme et de

conviction politique de gauche. L'opposition « Celui qui croyait au ciel / Celui qui n'y croyait pas » ou « réséda / rose » n'est donc pas nouvelle. Au contraire, Louis Aragon ne fait ici que reprendre des préjugés bien ancrés dans les mentalités françaises. Pourtant, ici, il s'agit de dépasser ce clivage et de réunir les deux clans pour une même cause : la libération de la France, ce pays que tous les résistants, communistes ou catholiques, aiment comme une femme. C'est ainsi que dans sa dédicace de 1944, Aragon mêle les noms des communistes et des catholiques et les croise, sans former deux clans opposés.

Magnifier un engagement solidaire Voyons d'abord toutes les marques de solidarité contenues dans le poème. Outre le refrain qui présente un duo, les deux compagnons sont désignés par « Tous deux »à quatre reprises. Indissociables, ils forment une équipe, un ensemble où chacun complète l'autre. Cela se voit dans l'emploi répété du pronom « lequel » et également dans l'utilisation des pronoms « l'un » et « l'autre » employés de surcroît dans un même vers à la fin du poème. L'harmonie est totale car il s'agit bien ensemble de libérer la France. L'adoration commune pour le pays

est exprimée dans le premier sizain « Tous deux adoraient la belle / Prisonnière » et dans le troisième « Tous les deux étaient fidèles / Des lèvres du cœur des bras ». Ce patriotisme oublie les différences de chacun. Qu'on croie au ciel ou non, cela n'est pas important. Cette idée est largement scandée par le distique-refrain mais aussi reprise dans le deuxième sizain « Qu'importe comment s'appelle / Cette clarté sur leurs pas / Que l'un fût de la chapelle / Et l'autre s'y dérobât ». Louis Aragon appelle au rassemblement de tous les 38


Français dans ces temps terribles. Compte tenu de la situation, il faut songer seulement au « commun combat ». Cela concerne tous les moyens de combattre et tous les résistants, qu'ils agissent à terre dans les

maquis comme dans les airs pour les aviateurs, tous étant évoqués : « L'un court et l'autre a des ailes ». Ce texte s'adresse aussi à tous les Français, quelle que soit la région dans laquelle ils habitent.

Pour espérer toujours Le poème porte aussi l'espoir de jours meilleurs. Du sang des résistants morts, viendra germer la vie. Ce sang « se mêle / A la terre » « pour qu'à la saison nouvelle / Mûrisse un raisin muscat ». Il n'est donc pas inutilement versé. Et comme dans la mythologie, là où le sang coule, pousse une plante. Là où meurt Narcisse, poussent des fleurs qu'on appelle justement « narcisses ». Le raisin mûrira, on pourra donc de nouveau vivre et s'amuser. La joie fera suite à la douleur. De même, on dégustera des « framboises » et des «

mirabelles ». La paix, symbolisée par le « grillon » et le bonheur reviendront dans les foyers ; et le futur du verbe « rechantera » fait office de promesse. En conclusion, nous pouvons dire que ce poème traduit peut-être l'urgence de dire et d'agir en cette période d'Occupation. Il est comme un appel au rassemblement pour la liberté, un hommage aux résistants emprisonnés et tombés pour la France. Ce poème très célèbre est porteur aussi d'espoir : celui de retrouver un jour la joie dans les foyers.

Sources : - Aurélie Luneau, Je vous écris de France, Lettres inédites à la BBC 1940-1944, Paris, L’Iconoclaste, 2014. - Guillaume Piketty, Français en Résistance, Robert Laffont, collection Bouquins, 2009. - Bruno Curatolo et François Marcot, Écrire sous l’Occupation. Du nonconsentement à la Résistance France-Belgique-Pologne 1940-1945, Histoire, 2011. - Au nom de la liberté. Poèmes de la Résistance, Flammarion, 2014

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Sur le manche de mon pinceau Sur ma belle toile blanche Sur le coin de mon tableau Je peins ton nom.

CHONG Heitini / HUGUES Albert / LE CAILL Kohai 40


PEINDRE ET ECRIRE POUR SURVIVRE Durant la Seconde Guerre des artistes-peintres se sont engagés à travers leurs œuvres dans la Résistance. C’est le cas de Charlotte SALOMON une peintre juive, qui malgré la censure, n’a jamais cessé de s’exprimer à travers sa peinture

Charlotte SALOMON

Charlotte Salomon peignant dans le jardin de la villa L’Ermitage, Ville Franche-sur-mer,1939

Je m’appelle Charlotte Salomon et je suis née en 1917. Je suis d’origine juive allemande et j’exerce le métier d’artiste peintre. Tout au long de ma scolarité, j’ai rencontré des difficultés. J’ai dû quitter l’école et je me suis vue refuser le premier prix d’un concours d’art à cause de mes origines juives. En 1939, je m’exile en France avec mes grandsparents chez une bonne dame qui accueille plusieurs enfants juifs. Puis en 1942, j’épouse un jeune réfugié juif autrichien, Alexander Nagles. Cependant je suis arrêtée en 1943 puis déportée à Auschwitz et tuée dès mon arrivée alors que je suis enceinte de notre premier enfant. Malgré tout, avant ma mort, j’ai eu le temps de remettre au Dr. Moridis, l’ensemble de mes gouaches en lui disant : « Gardez-les bien, c’est toute ma vie ».

MON OEUVRE Je me suis inspirée de l’expressionnisme allemand pour peindre afin de survivre. C’est un mouvement qui apparaît dans la peinture, l’architecture, la littérature, la musique, le théâtre et le cinéma au début du XXème en Allemagne. Avant tout, l’expressionnisme est l’art de l’émotion, qui s’attache à décrire le monde extérieur. Dans mes œuvres, sont souvent représentées des visions angoissantes, des corps atrophiés, déformés et stylisant la réalité pour provoquer une émotion chez le spectateur.

L’expressionnisme se caractérise par une absence de perspective, des couleurs vives et une présence de formes anormales en dissolution en deux dimensions, visibles par exemple à travers ma gouache n°558. En effet, nous pouvons voir que la forme expressionniste est brute, nerveuse et la déformation est utilisée à volonté pour faire jaillir le sentiment intérieur sur la réalité figurative.

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Vie? Ou Théâtre? survivre. Dans Vie ? Ou Théâtre ? je témoigne en totale liberté sur la guerre et la malédiction familiale à laquelle je tente d’échapper. Les textes sont simples, parsemés de citations de la littérature allemande, et je les insère dans mes tableaux sous forme d’une bande dessinée. Mon œuvre est à la fois jaillissante de vie, et hantée par la mort. Parmi les 1325 gouaches qui constituent mon recueil, j’ai choisi de vous présenter la 558ème. Je l’ai peinte en France entre 1942 et 1944 à l’aide des trois couleurs primaires. Le contraste visible entre la terre et la mer suggère le mal-être et la peur que m’inspirent la guerre et le climat antisémite face au calme que m’apporte la vue du paysage marin. Cette gouache me représente peignant en face de la Méditerranée. En effet, elle exprime parfaitement ce que je ressens en peignant : la quiétude et l’inspiration. De plus, sur mon dos est inscrit le titre de l’oeuvre en allemand : Leben oder theater (Vie ? Ou Théâtre ?).

Artiste : Charlotte SALOMON Œuvre : Vie ? Ou Théâtre ? Date : 1940-1942 Exposition : Jewish Historical M A d Vie ? Ou Théâtre ? est mon œuvre qui est composée de peintures, textes et musiques dans lesquels ma belle-mère, Paula LINBERG a été ma muse. Je relate des épisodes de ma vie à Berlin, ma famille, mes amis mais aussi la montée du nazisme, mes amours et la répression. Mon médecin, le docteur MORIDIS, conscient de ma passion et de mon talent pour l’art m’a conseillé de peindre pour guérir le mal dont je souffre pour survivre et résister à cette oppression dont j’ai été victime comme bien d’autres.

L’art a constitué une échappatoire et m’a permis à travers la peinture de résister et tenir.

Ainsi, je me suis livrée corps et âme à la mise en scène de ma vie où j’ai peint nuit et jour pour

SOURCES : - https://fr.wikipedia.org/wiki/Charlotte_Salomon - http://www.jhm.nl/collection/specials/charlotte-salomon/leben-odertheater - http://next.liberation.fr/livres/2015/10/16/vie-ou-theatre-charlottesalomon-eclats-de-gouache_1405589 - David Foenkinos, Charlotte, Gallimard, 2015 42


Sur les fresques de couleur Sur les traits de ton visage Sur le vieux papier froissé Je dessine ton nom.

NICOLE Pamela / ABBAD Lucrèce 43


RESISTER ET DESSINER POUR LES GENERATIONS FUTURES La bête est morte ! Avec pour sous-titre : « La guerre mondiale chez les animaux » est une bande dessinée française, sous forme de satire animalière en deux fascicules, réalisée pendant la Seconde guerre mondiale sous l’Occupation et publiée en 1944 après la Libération de la France. Cette bande dessinée a été conçue dans la clandestinité.

Edmond François Calvo 1892-1957 auteur et dessinateur français de bandes dessinées Bedetheque.com

Les premières de couverture des deux fascicules dessinés par Edmond François Calvo sur un scénario de Victor Dancette, éditeur de publications pour la jeunesse, et de Jacques Zimmermann, racontant la Seconde guerre mondiale

DENONCIATION DE LA SHOAH Historiquement, c’est la première bande dessinée à évoquer le sort des Juifs européens: « Poursuivant plus particulièrement leur vengeance contre certaines tribus d’animaux pacifiques que nous hébergions et à qui nous avions bien souvent ouvert nos portes pour les abriter contre la fureur de la Bête déchaînée, les hordes du Grand loup avaient commencé le plus atroce plan de destruction des races rebelles, dispersant

les membres de leurs tribus dans des régions lointaines, séparant les femmes de leurs époux, les enfants de leur mère, visant ainsi l’anéantissement total de ces foules inoffensives qui n’avaient commis d’autre crime que celui de ne pas se soumettre à la volonté de la Bête ».

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DÉNONCER LA VIOLENCE NAZIE Les animaux représentent les acteurs de la seconde guerre mondiale. La bête, c'est bien entendu le grand méchant loup, Hitler. C’est un album de propagande pour enfants au service de la Résistance, pour célébrer la Libération et la lutte contre l’occupant allemand, qui est présenté comme coupable du malheur qui s’est abattu sur le paisible pays des lapins. La transposition du monde des hommes au monde des bêtes est volontairement partielle et partiale : les bisons portent les casques de l’armée américaine,

les loups arborent la croix gammée. Au-delà de cela, le scénario est très manichéen rangeant d’un côté les peuples « gentils », alliés des lapins, et de l’autre les peuples « méchants », alliés des loups. Le propos est simplifié jusqu’ à omettre délibérément des éléments fondamentaux de l’histoire de la période. Le régime de Vichy est mis de côté de même que le maréchal Pétain et la collaboration. Les lapinsfrançais sont tous unis derrière la « grande cigogne nationale » qui représente le général de Gaulle.

DESSINER POUR SE LIBÉRER D’UNE RÉALITÉ INIMAGINABLE Boris Taslitzky, artiste juif, dessine pour survivre à son internement dans un camp, un quotidien dans lequel il est traité comme un animal. Son crayon est sa bouffée d’oxygène et ses feuilles une lueur d’espoir dans l’obscurité de son enfermement.

Boris Taslitzky 1911-2005

(photo I. Rollin-Royer, 1990) Né à Paris, Taslitzky est un peintre français d’origine russe est un artiste engagé. Sa mère, d’origine juive, est assassinée à Auschwitz. Il a 15 ans lorsqu’il fréquente des écoles artistiques et se prépare à entrer à l’école des BeauxArts à Paris. En 1933, il adhère à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires. Taslitzky est fait prisonnier en juin 1940 et il s’évade en août pour s’engager dans la Résistance au sein du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France. Condamné à deux ans de prison, il est déporté à Buchenwald où il parvient à faire une centaine de dessins. Son art est une arme qui lui permet de témoigner de l’horreur des camps lors de la seconde guerre mondiale mais aussi de la supporter ! 45


Les Français attendant la soupe au Camp de Buchenwald est un dessin réalisé au crayon sur papier par Boris Taslitzky en 1944, au camp de Buchenwald où il a produit près de cent onze croquis. Ce dessin évoque explicitement les détenus et leurs conditions de vie. Nous reconnaissons, en effet, l’uniforme rayé et le matricule propre aux déportés au cours de la Seconde guerre mondiale.

Effectivement, nous distinguons le Juif des autres personnages du tableau par ses vêtements puisque les autres personnages ont des chemises uniformes et ne portent pas de matricule. Cela prouve que les Juifs sont traités différemment. A travers ce dessin, nous pouvons dire que l’œuvre de Boris Taslitzky est un témoignage pour ne pas oublier l’enfer des camps.

SOURCES : -

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_b%C3%AAte_est_morte_! http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article495 https://fr.wikipedia.org/wiki/Edmond-Fran%C3%A7ois_Calvo http://ecrits-vains.com/bd/bete/bete.htm http://www.vialibri.net http://boris-taslitzky.fr/accueil.htm https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Taslitzky http://prisons-cherche-midi-mauzac.com/des-camps/cent-onze-dessins-deboris-taslitzky-faits-a-buchenwald-10459

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Sur les traits de ton regard Sur le Pavillon des Arts Sur un tableau noir et blanc Je note ton nom.

VOHI Ahuura / CHAUDRON Ranitea / TAUTU Thérésa / TOÏ Kingsley 47


PEINDRE POUR DENONCER LES SOUFFRANCES DE L’OCCUPATION PABLO PICASSO C’est un peintre, dessinateur et sculpteur espagnol, c’est l’un des plus grands artistes du XXème siècle. Il est avec Georges Braque le fondateur du cubisme et l’un des piliers de l’art moderne. Pablo Ruiz Picasso est né le 25 octobre 1881 à Malaga en Espagne et est mort le 8 avril 1973 à 91 ans. Il commence le dessin très tôt avec son père qui est professeur de dessin. C’est en 1901 que Pablo adopte la signature « Picasso », qui est le patronyme de sa mère, pour signer ses œuvres. Après trois séjours, c’est en 1904 qu’il s’installe définitivement en France. Pendant la Seconde peint et sculpte L’Aubade, enfermé parisien car il est

Guerre Mondiale, Picasso plusieurs œuvres dont dans son petit atelier menacé par la Gestapo.

L’AUBADE Artiste : Pablo Picasso. Œuvre : L’Aubade. Date : 1942. Exposition : Centre Pompidou, Musée national d’Art moderne de Paris.

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UNE OEUVRE CUBISTE Le cubisme se démarque des autres mouvements artistiques par ses caractéristiques : il s’inspire de l’art africain et océanien. Les formes sont simples, les

objets sont schématisés, les surfaces sont planes sans perspective ni profondeur et le profil et la face peuvent être dessinés en même temps.

UN TABLEAU INTERDIT D’EXPOSITION L’Aubade est une immense œuvre d’art (195 x 265 cm) réalisée sous l’Occupation allemande en 1942. Ce chef d’œuvre aux nuances sombres est aujourd’hui exposé au Centre Pompidou à Paris. C’est l’une des œuvres majeures de Pablo Picasso. Une toile ténébreuse qui évoque le thème de la sérénade. Pablo Picasso reprend ainsi un thème classique mais le transpose dans un univers inquiétant, profondément oppressant. Loin de l’harmonie et de la sensualité suggérées par le thème abordé, le tableau évoque plutôt l’univers carcéral : les mèches de la chevelure de la femme allongée, le tissu rayé du divan, les barreaux de la chaise sur laquelle est assise la musicienne. Cette dernière qui ne joue pas de son instrument rappelle plus une figure de tortionnaire insensible aux souffrances de la femme allongée.

Un univers qui témoigne des années de privations et de terreur traversées par le peintre pendant cette période sombre et difficile pour l’ensemble de la population française surnommée par ailleurs « les années noires ». Il s’agit pour Pablo Picasso d’exprimer sa vision de la guerre à travers la force de l’art face à la violence et à la noirceur des années d’occupation. C’est donc une manière de montrer sa radicale opposition à l’oppression nazie. « Peindre c’est Résister », de plus peindre sous l’Occupation est synonyme de prise de risque, Picasso sera inquiété par les nazis. La gestapo opérera une descente dans son atelier. Il racontera : « Ils m’ont insulté, ils m’ont traité de dégénéré, de communiste, de juif. Ils ont donné des coups de pied dans mes toiles.

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RISQUER SA VIE POUR RIDICULISER UN BARBARE Cette interview fictive de Joseph Steib permet de comprendre la lutte de celui-ci à travers ses tableaux. Ce peintre amateur abhorrant les nazis a peint de nombreuses toiles en y déversant sa haine de façon violente.

INTERVIEW Bonjour, pourriez-vous présenter ?

d’entrée à l’École des Beaux-Arts en 1907, d’où la présence d’une palette avec des pinceaux.

vous

Je suis Joseph Steib, artistepeintre français et caricaturiste. J’ai suivi une formation aux arts plastiques à l’école de dessin de Mulhouse dans les années 1925-1926.

Que représentent pour vous les tableaux de cette série ? Je projette sur les toiles mes espoirs mais aussi mes désirs de vengeance, en représentant Hitler défiguré, ensauvagé, pendu, jugé par le Christ et jeté dans les flammes de l’enfer, tel qu’il le mérite.

Pourriez-vous nous parler de vos œuvres majeures de la série Le Salon des Rêves ? Bien sûr ! Le Salon des Rêves est réalisé durant la 2nd Guerre mondiale. J’ai décidé de peindre une dizaine de toiles dénonçant le régime nazi, ses barons et surtout, son leader Adolf Hitler.

Est-il possible aujourd’hui de voir ces toiles ? Non, il est impossible de voir mes toiles à moins d’avoir un contact avec le collectionneur.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’une de ces toiles ?

Vous parlez d’un collectionneur ?

Sur l’une de mes toiles, j’ai réalisé la caricature d’Adolf Hitler. Pour être plus précis, c’est une peinture animalisée d’Hitler pour laquelle j’ai risqué ma vie. Son visage se compose d'un cochon à l'envers pour évoquer le menton et la bouche. J’ai voulu souligner également le fait qu’il a raté le concours

Oui, François Pétry.

Peut-on en savoir plus ? François Pétry est originaire de Lorraine. Il est arrivé en Alsace pour ses études secondaires, en 1952. C’est un amateur averti, collectionneur insatiable d’images et d’objets.

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SOURCES : - http://www.histoire-pour-tous.fr/biographies/3199-pablo-picasso-18811973-biographiecourte.html - https://fr.vikidia.org/wiki/Pablo_Picasso - http://flaubert-col.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article1361 - http://blog.picasso.fr/index.php/2015/01/12/pour-pablo-picasso-creercetait-resister/ - Henry Rousso, Les années noires : Vivre sous l’occupation, Découvertes, Gallimard, 2001. - 1939-1945 Les arts sous l’occupation, Le Nouvel Observateur/BeauxArts, hors-série-Octobre : novembre 2012 - http://www.lalsace.fr/actualite/2015/10/07/la-guerre-secrete-dejoseph-steib - http://culturebox.francetvinfo.fr/expositions/peinture/joseph-steibpeintre-amateur-et-fervent-opposant-a-hitler-pendant-l-occupation229971 - http://france3-regions.francetvinfo.fr/alsace/hautrhin/mulhouse/joseph-steib-le-peintre-mulhousien-qui-detestait-hitler839763.html - http://www.cercleshoah.org/spip.php?article234 - http://boutique.nueebleue.com/epages/NueeBleue.sf/fr_FR/?ObjectPath=/S hops/NueeBleue/Products/9782809912821

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Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Nous sommes nés pour te connaître Pour te nommer

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Kaire.A

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Remerciements à Madame CHAUMEIL Moea Directrice du Lycée La Mennais Monsieur JEUNE Georges Responsable des 2ndes et des 1ères Madame FERRAGUT Bénédicte Professeur d’Histoire-Géographie Madame CHATAIN Elysabeth Documentaliste Monsieur HUCK Taiamani Professeur de Philosophie Madame LEUX Maryvonne Professeur de Lettres Jonathan LEE et Kaïre APEANG élèves de la 1ère L pour leurs dessins sur la liberté

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1ère

Les élèves de la Littéraire du Collège Lycée LA MENNAIS de Tahiti

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