Eft3 Tutoriel vs. 14.09.2012

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eft3

Eft3: une technique dissociative d’EFT / Un tutoriel du Dr. Marc Muret, Zurich 2012


Avertissement au lecteur Ce tutoriel est une introduction condensée à l’EFT et à ses variantes dissociatives (en particulier l’eft3). Il a été à l’origine créé pour mes patients et pour les participants à mes cours. Je prie tout lecteur d’utiliser ces techniques sous sa propre responsabilité ou sous la conduite d’un thérapeute qualifié. Je décline toute responsabilité quant à la façon dont le lecteur pourrait appliquer les techniques présentées ici. Ce texte est une traduction réalisée en été 2012 à partir du tutoriel anglais (mars 2012). Il m’a fallu résoudre divers problèmes de traduction concernant certains termes, me décider entre le vouvoiement et le tutoiement, le masculin et le féminin. J’ai traduit les mots de «tap» et «tapping» par tapoter et tapotement, légèrement désuet, mais plus neutre que «taper». Le mot « dissociatif», peu employé dans la langue française, répond à son contraire «associatif». Ce texte a été écrit au départ en anglais. Pour m’adapter au lecteur francophone j’ai dû parfois le reformuler entièrement. Au fil des pages, j’ai apporté de nombreuses modifications et finalement ajouté une dizaine de pages. Médecin, je nomme les personnes que je soigne: patients. Je vouvoie tous mes patients adultes et en règle générale tutoie les moins de vingt-cinq ans. Si vous êtes thérapeute, peut-être parlezvous de clients, vous les tutoyez et les appelez par leur prénom. A vous d’adapter les exemples donnés dans ce tutoriel à votre style de travail. Dr. Marc Muret, Zurich, version 14.09.2012

© Pour tout le document: Dr. Marc Muret - Zurich, Suisse - septembre 2012. Traduit de l’anglais: «Eft3: a dissociative technique of EFT» March 2012

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Table des matières 04 Introduction 05 Comment tout a commencé Chapitre II: Techniques dissociatives 38 Dissociation vs. association 40 Association 45 Dissociation 48 Techniques dissociatives vs. associatives 50 Formes dissociatives d’EFT 54 Etats du Moi (Ego-States)

Chapitre I: L’EFT à la première personne 10 L’EFT en bref 12 Où tapoter? 13 Protocole de l’EFT simplifié 14 Quel est le problème? 15 Racontez-moi! 16 Les aspects 18 - Sensations 20 - Emotions 21 - Pensées 23 - Actions 24 Calibrer le stress 25 Nommez! 26 L’inversion psychologique 28 Préparation: la phrase longue 29 Difficulté à s’accepter 30 Mini-ressource + Thérapie Provocative 31 La séquence: la phrase courte 32 Prochaine étape 33 Traiter le psychotraumatisme

Chapitre III: L’eft3, une technique dissociative d’EFT 60 Théorie de l’eft3 61 Protocole de l’eft3 65 Pont affectif 66 Travailler avec les ressources 67 Intégration transpersonnelle 68 Recommandations

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Introduction L’eft3 est la technique d’EFT la plus dissociative 1. Qu’est-ce que l’EFT? L’EFT (Emotional Freedom Techniques) est une méthode d’auto-traitement mise au point par Gary Craig, un ingénieur de Stanford (USA), basée sur la kinésiologie (acupuncture) et la PNL (Programmation Neurolinguistique). Elle combine le tapotement de points spécifiques d’acupuncture et la verbalisation du problème à traiter. 2. Qu’est-ce qu’une technique dissociative? Dissociatif, par opposition à associatif, désigne un processus de séparation, de partage, de mise à distance. C’est intentionnellement que j’utilise le terme dissociatif (actif) et non dissocié (passif). Une technique dissociative imite la stratégie du cerveau face à un choc horrible et insurmontable : d’une part en créant une distance par le détachement et /ou l’anesthésie des sens, d’autre part en cloisonnant (compartimentant) et en clivant. Le but de ce processus mental est de permettre un meilleur contrôle des pensées et des images douloureuses. Une technique dissociative permet aussi de mettre à jour les différentes parties de la personnalité et d’améliorer leur interactions. 3. Qu’est-ce que l’eft3? L’eft3 est une variante «dissociative» d’EFT. Il utilise une forme brève d’EFT, une formulation (mise en mots) à la troisième personne et un double tapotement: sur le corps réel du patient/client et sur le corps virtuel d’un double de soi imaginaire. En option il permet au patient de visualiser ses ressources pour compléter le processus thérapeutique.

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Comment tout a commencé? Juillet 2011. Au cinquième jour d’un petit voyage en solitaire à Cuba, j’atteint la pointe ouest de l’île, un coin de plage complètement perdu: Maria la Gorda. Ici, pas de journal, pas de télévision, pas de discothèque; de toute évidence, les gens sont là pour la plongée sous-marine. La deuxième expédition se passe mal: par moins 30 mètres sous l’eau, je constate avec angoisse que je suis déjà sur ma réserve d’air. J’alerte par signes le maître de plongée qui, calmement, me tend son embout de réserve. Il semble avoir l’habitude. Pour moi, c’est vraiment gênant. Décidément, les choses ne se passent pas comme je l’avais prévu. Depuis que j’ai atterri à la Havane, il n’y a pas eu un jour sans que, gros naïf, je ne me fasse rouler par les marchands locaux. Pour couronner le tout, il y a deux jours, ma caméra vidéo a été volée dans le bus. Quel imbécile je fais! De retour dans ma chambre, je m’assieds sur mon lit et commence une petite séance d’EFT, disant: «Même si je suis incapable de voyager, même si je suis incapable de respirer (sous l’eau), etc., je m’accepte complètement et pleinement ...». Pff! ça n’aide pas. Je bouge les yeux dans tous les sens, je tape des pieds, je dis la phrase à la deuxième personne, selon la technique “Matrix Reimprinting”. Rien ne marche! 5


Je décide alors de faire quelque chose de complètement nouveau: «taper à la troisième personne». Sans plus réfléchir, je commence à tapoter de ma main droite sur un double imaginaire, comme s’il était là, devant moi. De mon autre main je tape sur mes propres points d’acupuncture, tout en disant : «Même si ce type est incapable de respirer, il s’accepte complètement et profondément». C’est un peu bizarre... mais ça a l’air de marcher, enfin! Au bout de quelques minutes je décide de commuter sur le passé (pont affectif). Le premier souvenir qui me vient est une scène à Morges, au bord du Lac Léman. Je dois avoir 12 ans et j’essaie maladroitement de ranger les voiles après une sortie en bateau. Mon frère aîné me lance mi-inquiet, mi-moqueur: «Tu es nerveux ou quoi?». Visionnant la scène de l’extérieur je commence à tapoter sur ce garçon, percevant son manque de confiance face à son aîné. Soudain, à ma stupéfaction, j’éclate en pleurs, plein de compassion pour ce petit gars. D’autres scènes avec la même étiquette «incapable» m’apparaissent, les unes après les autres. Je vois avec une surprenante clarté, tout ce que ce garçon - et plus tard ce jeune homme - a fait des années durant, pour plaire aux autres. Je le savais déjà, mais maintenant je le comprends. Au cours de la demi-heure suivante, tout en continuant assidûment à tapoter, je passe en revue une demidouzaine d’événements passés. Je parviens finalement à un sentiment d’être tout proche de moi-même, comme je ne l’ai plus connu depuis très longtemps. Comment le dire autrement? Le sentiment d’être moimême. Plus tard, je repenserai souvent à cet instant où quelque chose de radicalement différent a commencé à émerger: le sentiment d’unité de soi. Dès mon retour en Suisse, je commence à utiliser cette technique avec mes patients. De par ma formation en Programmation Neurolinguistique - Master en PNL - j’ai l’habitude de faire passer le patient du mode associatif (être dans la scène) au mode dissociatif (regarder la scène de l’extérieur). Mais combiner l’EFT avec une technique dissociative: ça c’est nouveau! A ma surprise, mes patients n’ont aucune difficulté à suivre le protocole. Bien au contraire, les séances sont plus intenses, plus profondes. Tout semble confirmer mon expérience sur la plage de Maria la Gorda. Le temps passant, cela devient de plus en plus naturel de travailler ainsi. Il m’arrive de terminer un entretien conventionnel par une courte session de eft3.

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En séance de eft3, je tapote généralement moi-même sur le patient et celui-ci tapote sur le double. Plus tard je lui montrerai comment appliquer le protocole de eft3 sur soi-même. Souvent, dans une même séance, j’alterne les techniques, passant de la première personne à la troisième et vice-versa. Pour documenter mon intervention, j’ai pris l’habitude de numéroter la version d’EFT utilisée en notant: eft1 (je), eft2 (tu), eft3 (il/elle), eft0 (on, ça) ou eft4 (nous), voire eft5 (vous) ou eft6 (peuple ou ethnie). J’ai gardé les lettres minuscules «eft» de mes notes. Comme une manière de rappeler que j’utilise une forme abrégée d’EFT. D’autre part le minimalisme est une forme artistique qui m’a toujours attiré. Faire connaître l’eft3 Hiver 2011-2012 : les mois passent. Souvent, à la fin de la journée, je ne peux m’empêcher de raconter avec enthousiasme à ma femme - psychothérapeute - telle ou telle séance de eft3. Je commence à prendre des notes plus détaillées. En janvier 2012, quand je décide de proposer un atelier d’eft3 à la Troisième Conférence Internationale de l’ «European Society for Trauma and Dissociation» (ESTD) à Berlin, le doute me vient: «Suis-je sûr que j’apporte quelque chose de nouveau?» Je relis livres et articles sur l’EFT, me repasse des vidéos: ça et là des indices, mais rien de concret. Dans la technique de «Borrowing Benefits» développée par Gary Craig le client «tapote sur» ses propres problèmes en regardant un autre client tapoter. Il ne travaille pas sur son propre double, ni adulte ni enfant . En fin de compte je ne trouve aucun système complet de traitement énergétique à la troisième personne. Il me semble bien avoir réussi à réunir ici le meilleur de l’EFT, de la PNL et de Matrix Reimprinting - entre autres -, et à en faire un joli bouquet ... ou un couteau suisse! Même si la méthode doit encore continuer à mûrir et à se transformer, il est temps de faire passer le savoir.

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Chapitre 1 L’EFT à la première personne

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L’EFT en bref L’EFT est une technique de soins développée dans les années 90 par Gary Craig, un ingénieur de Stanford, en Californie. Elle est basée sur l’hypothèse que toute pensée négative est causée par une disruption du système énergétique personnel. En tapotant sur certains points d’acupuncture et en nommant simultanément le problème, l’équilibre énergétique est retrouvé et et le problème disparaît.. Pour travailler avec l’eft3, il est indispensable d’apprendre d’abord l’EFT. Dans ma pratique, j’utilise une forme abrégée d’EFT, à la première personne, abrégé eft1.

EFT = tapoter + nommer Nommer Pour nommer un problème, ou l’un de ses aspects, nous allons utiliser successivement deux sortes de phrases. La première - longue - permet la préparation de la séquence, la seconde - courte - est un rappel du problème, tandis que nous tapotons la suite des points (la séquence). 1. La préparation est une introduction au problème dans un esprit d’acceptation de soi, tout en en tapotant le point 1 (point karaté): «Même si {je suis X}, je m’accepte complètement et pleinement». 2. Le rappel est une courte phrase - parfois juste un mot - condensant la phrase de départ. Elle est répétée une fois, à chacun des points 2 à 10, qui sont tapotés l’un après l’autre. Exemple: j’ai perdu mes clés. Préparation (phrase longue): «Même si je suis un imbécile d’avoir perdu mes clés, je m’accepte complètement et pleinement». Rappel (phrase courte): «Je suis un imbécile» ou juste «Imbécile».

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Le tapotement Au cours des vingt dernières années, de nombreux praticiens - Gary Craig le premier - ont commencé à abréger le protocole d’EFT standard pour gagner du temps. La technique décrite dans le premier Manuel d’EFT en ligne prenait deux ou trois plus de temps. Il y avait non seulement plus de points, mais il fallait également bouger les yeux et chantonner un air connu: de quoi décourager les impatients! L’expérience montre que l’EFT sous sa forme abrégée, telle que Gary Craig le montre dans ses derniers DVD, est beaucoup plus rapide, tout en gardant son efficacité. Finalement, chaque praticien d’EFT utilise sa propre séquence de points: j’ai donc également fait ma sélection. Entre 2005 et 2011 j’ai souvent, grâce au test musculaire, déterminé pour chaque patient quels étaient les points à tapoter. Plus tard j’ai créé ma propre séquence standard à partir des dix points les plus fréquents. Pour autant que je puisse en juger, elle est pratiquement identique avec celle des meilleurs experts en EFT. Les points 2, 3, 4, 6 et 10 peuvent être tapés bilatéralement (comme en EMDR). Les points 5-6 et 8-9 peuvent être tapés ensemble.

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Où tapoter?

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.

DEPART : point karaté Début interne du sourcil Coin externe de l’oeil Sous l’oeil Sous le nez Sous la bouche Sous la clavicule Sous le bras Sommet de la tête Partie interne du poignet


Protocole de l’EFT simplifié Problème 1. Choisir le problème - Raconter l’histoire - Explorer les aspects 2. Nommer! 3. Calibrer le stress de 0 à 10 (SUD’s)

Solution 4. Préparation avec l’affirmation positive + tapotement sur le point 1 5. Séquence: rappel + tapotement sur les points 2-10 6. Re-calibrer le stress de 0 à10 (SUD’s) 7. Prochaine étape: répétition, nouvel aspect ou fin

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Le problème Quel est le problème? En général, c’est assez facile pour le patient de répondre à cette question: “J’ai peur de rouler en voiture, je suis déprimé, traumatisé, j’aimerais arrêter de fumer, je suis trop agressif,...». Si le thérapeute connaît déjà bien son patient et que le problème n’est pas trop grave, il peut commencer tout de suite à tapoter, en prenant la première pensée ou émotion exprimée par le patient. Comme je le dis souvent: «Ouvrez la porte et commencez à déblayer la neige!». La prochaine phrase surgit généralement d’elle-même et le tapotement continue, sans hésitation. C’est une façon rapide et intuitive de faire, particulièrement utile pour traiter une douleur (chase the pain = pourchasse la douleur) ou pour un premier nettoyage de terrain, quand le thème n’est pas encore clair. Cela dit, très souvent il est nécessaire d’en savoir plus (voir plus loin: racontez-moi l’histoire). On peut alors découvrir les aspects du problème: pensées, émotions, sensations internes/externes et actions. Cette approche détaillée permet au thérapeute de mieux structurer son travail. Quelques conseils pour les thérapeutes:

• Concentrez-vous sur un thème . Ne laissez pas le patient vous emmener dans de longues histoires. • Ne vous contentez pas d’une description telle que «J’ai pas confiance en moi». Demandez-lui de penser à une scène précise où il a échoué et traitez-la. Allez par étape: n’essayez pas de couper toute la forêt d’un seul coup. Coupez un arbre, puis deux, puis trois ... soudain toute la forêt tombera (généralisation de la solution).

• Recherchez les croyances fondamentales et les causes cachées. Cherchez les secrets de famille. • Cherchez la «petite idée folle» (voir: Croyances).

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Racontez-moi! “Comment ça a commencé?” est la meilleure question pour aborder le problème. Parfois le patient trouve rapidement l’événement de départ, parfois il faut quelques séries de tapotement. Si un événement est particulièrement dramatique, la simple écoute passive et pleine d’empathie, n’est pas forcément la meilleure attitude. Il est préférable que le thérapeute reste actif en aidant à structurer le souvenir. Des questions comme: «A quelle heure cela s’est il passé, comment était-ce avant que tout commence, quand cela s’est-il terminé?» aident à placer des bornes de sécurité. Bornes de sécurité en vert Avant

Evénement

Après

Ligne du temps

Parfois il est bien de tapoter sur le patient pendant qu’il raconte son histoire. Cela dédramatise et apporte un réconfort immédiat. Nous ne cherchons pas le drame, mais le contrôle. Il ne faut jamais croire que «raconter une histoire» est sans danger. C’est au contraire une façon très associative de procéder. Un souvenir en amène un autre, des émotions surgissent, des sensations corporelles se manifestent. Gare au thérapeute qui insiste trop. Il vaux mieux déclarer explicitement - que les points trop sensibles vont être évités. Par contre certains patients préfèrent un langage crû et direct: «Ils ont criblé son corps de balles / C’était un viol /La balle a crevé son oeil droit». Certains patients veulent être sûrs que le thérapeute est capable de supporter l’horreur. Celui-ci doit écouter de manière neutre, il pourra décharger après la séance si nécessaire. Dans cette partie du traitement, la narration sert à donner un cadre général, les détails viendront plus tard. J’aime la technique du débriefing technique de Perren-Klingler où il s’agit de coller aux seuls faits, comme un agent de police enregistrant une déposition: sans état d’âme. Cette technique dissociative permet de stopper les émotions qui pourraient submerger le patient inutilement. C’est une manière de faire sûre et et efficace. Dans un cas complexe le thérapeute devra passer une ou plusieurs séances à collecter toutes les informations nécessaires avant ce commencer le travail thérapeutique proprement dit. Celui-ci en sera d’autant mieux ciblé. Parfois une histoire amène une autre histoire, plus ancienne. Nous appelons cela un «pont affectif» (affect bridge).

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Les aspects Quand avez-vous passé la dernière fois une bonne soirée au cinéma ou tout simplement devant la télévision? Il ne nous vient plus à l’esprit de nous étonner avec quelle synchronisation parfaite les images se joignent à la musique, aux dialogues et aux bruitages. Un film est une excellente métaphore pour comprendre comment nous percevons la réalité: notre système nerveux est un système multi-pistes intégrant à chaque seconde des milliards d’informations (via nos sens) qui sont regroupées au niveau du thalamus (cerveau intermédiaire). Le système limbique - en particulier l’amygdale - «fait la musique» et «colore» notre monde (émotions). Le cortex préfrontal (au-dessus des yeux) crée les commentaires. Automatiquement nous réagissons: nous rions, soupirons, changeons de position sur le canapé (actions). Le diagramme suivant (le Soi associé) montre cette perspective multi-pistes. Avec l’aide de cette grille de lecture il est possible d’analyser les différents aspects d’un événement de manière détaillée. Nous allons voir dans les prochaines pages ces quatre différents secteurs. pensées

émotions

actions

sensations Le Soi associé sous forme de «roue ou rosace des aspects”

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Lorsqu’un thérapeute utilise une technique associative comme le EMDR (Eyes Movement Desensitization and Reprocessing) il doit «tout avoir sur la table» en début d’exercice: le patient se concentre simultanément sur un souvenir (scène), formule une pensée/croyance, perçoit ses émotions et son ressenti physique. L’EFT au contraire dissocie les aspects de la scène traitée pour les traiter l’un après l’autre. Nous n’avons donc pas une seule «cible» comme en EMDR, mais une série de «cibles». Cela permet de mieux doser l’exposition au souvenir. Trop intense: risque de dissociation

Fenêtre de tolérance Pas assez intense: pas de réactions, ennui, évitement Suivant le cas, nous pourrons donc nous concentrer sur une émotion, une croyance ou une sensation. Nous pourrons par exemple commencer à désensibiliser une sensation désagréable («j’ai un poids sur le coeur»), puis un sentiment de tristesse ou de honte, ensuite la croyance qui était derrière ce sentiment et finalement un comportement. En principe on peut le faire dans n’importe quel ordre. Ce cheminement est intuitif: très souvent il suffit d’écouter ce que le patient exprime spontanément à la fin de la séquence. D’autre part en utilisant des techniques auxiliaires (voir plus loin), comme la thérapie de provocation pour réactiver l’émotion ou la technique d’approche concentrique pour atténuer le stress, nous disposons d’ outils permettant de rester dans la fenêtre de tolérance.

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Aspect 1: les sensations

! Le monde

Les 5 sens

Thalamus

Amygdale

sensations

Emotions

Pensées

Actions

S. N.Végétatif

------------ Commentaires -------------------

Si nous passons en revue les différents aspects du Soi nous sommes tout naturellement amenés à commencer par les sensations externes. C’est en effet sous cette forme - couleurs, formes, sons, odeurs, saveurs, toucher que le monde externe se manifeste à nous. Dans le schéma ci-dessus, nous voyons le cheminement des informations afférentes (input), remontant les voies nerveuses vers le cerveau central, recevant au passage des «commentaires» du système neuro-végétatif, puis du système limbique et finalement du cortex préfrontal, avant de générer des actions/réactions (output). Signalons d’emblée le rôle clé de l’amygdale, centre dédié à l’appréciation de tout ce qui est nouveau, en particulier le danger, et donc origine du sentiment de peur. Sensations externes A chaque seconde des millions d’informations acheminées par nos cinq sens parviennent à notre cerveau. Elles ne sont pas encore codées en sensations telles que nous les connaissons. Tous ces signaux sont d’abord traités au niveau du cerveau moyen: filtrés, regroupés, combinés au niveau du thalamus et scannés par l’amygdale pour déceler tout danger. Par un système en boucle de feed-back (cerveau-corps-cerveau) le système neuro-végétatif fournit un commentaire viscéral (p.ex. tension dans les viscères, bouffées de chaleur, frissons, serrement de la gorge, ou encore soulagement et détente) et nous informe : suis-je en sécurité ou en danger? 18


Exemple: un garçon très timide va à sa première boum. Soudain il sent son coeur se mettre à palpiter, apparemment sans raisons, bien avant qu’il ne remarque consciemment qu’il se trouve face à face avec la plus jolie fille de sa classe. Surgissent alors pêle-mêle joie, panique et honte: émotions. Et peut-être: «Oh mon Dieu! elle doit me trouver ridicule»: système de croyance. Finalement il va réagir: sourire, fuir, parler très vite: actions/comportement.

Après un traumatisme le cerveau peut s’accrocher d’une manière obsessionnelle à un détail complètement dissocié de son contexte: une odeur de bière, des cris, la couleur rouge. Pour désensibiliser ce fragment sensoriel du souvenir, il faudra le réintégrer dans son contexte, donc le ré-associer: odeur de l’haleine de l’agresseur, cris entendus lors d’une catastrophe, couleur rouge du sang lors d’un accident ou un meurtre. Alors que j’étais en mission au Sri Lanka en 2005, un enseignant m’a raconté que depuis le tsunami du 26 décembre 2004, le simple bruit des voitures passant sur la route devant l’école le rendait très nerveux. Cela lui rappelait le bruit terrible des vagues meurtrières. Suite au même tsunami, une de mes patientes était souvent dérangée par des cris qu’elle entendait. Au cours de la thérapie elle put les mettre en relation avec le souvenir de ce jour-là. Lors de la catastrophe, elle avait entendu des voisins, probablement en train de se débattre contre les eaux crier à l’aide. Oui, elle se rappelait les cris des voisins, en train de se noyer dans leur maison recouverte d’eau. Une autre patiente stoppa abruptement son traitement chez moi à la deuxième séance. Elle me dit qu’elle ne pouvait continuer, car «l’odeur de mon eau de toilette lui était insupportable». En effet, ce jour-là, exceptionnellement, je m’étais légèrement tamponné les joues d’«Eau Sauvage». Triste coïncidence: l’homme qui avait abusé d’elle, utilisait le même after-shave.

Sensations internes Comme nous l’avons vu auparavant, le système neuro-végétatif - sous la direction de l’amygdale - réagit rapidement au changement, dans le but de préparer telle ou telle action (fuir, attaquer, geler). En même temps cette modification végétative, perçue au niveau central (amygdale), confirme l’alarme: oui, il y a vraiment danger! C’est comme souligner au crayon rouge le passage d’un livre. D’autres sensations internes - position du corps, tonus musculaire, tensions des articulations - viennent compléter ce tableau. Non seulement elles aident à préparer des mouvements de réaction, mais elles informent le cerveau central du niveau d’alerte actuel. Au cours d’une séance d’EFT, il est fréquent de voir les patients réagir à un niveau plus physique qu’ émotionnel: sensations de chaleur ou de brûlure dans le ventre, oppression dans la région du coeur, lourdeur dans la tête, douleurs internes, tensions musculaires, vertiges, etc. Ces réactions temporaires sont généralement facilement traitées par une séquence de tapotements. 19


émotions

Aspect 2: les émotions Une technique minimaliste L’EFT n’est généralement pas une technique très expressive: pas de grandes émotions, ni pleurs ni cris. Malgré cela il est possible d’effectuer un travail émotionnel important. Les émotions qui ne sont pas intégrées créent des blocs: l’EFT aide à identifier les émotions sous-jacentes et à les réguler. En voici un exemple: Un soir, alors que je revenais du travail avec ma femme, je constatai que j’étais inexplicablement de mauvaise humeur. Arrivé devant notre maison, je luis dis: »»Va-y déjà, j’en ai pour une minute». Assis derrière le volant, je commençai à tapoter: «Même si je ne sais pas pourquoi je suis de mauvais humeur, je m’accepte complètement et pleinement». Après un tour je sentis brusquement de la tristesse surgir. Je me rappelais alors une remarque désagréable et injustifiée d’un patient, ce jour-là. Aussitôt mon irritabilité disparut. Je tapai encore une minute sur ce petit incident et la tristesse disparut également. Ma soirée était sauvée!

Il est souvent important d’identifier clairement l’émotion dont il s’agit. Souvent un patient parlera de tristesse alors qu’il est en fait fâché ou vice-versa. La raison d’une réaction émotionnelle peut aussi être une croyance erronée. Si vous avez reçu une éducation occidentale typique, vous aurez appris qu’il faut bien regarder les gens dans les yeux en les saluant. N’est-ce pas ce qu’on dit aux enfants: regarde le Monsieur quand tu dis bonjour. Un regard fuyant est donc un signe de fourberie ou de lâcheté. Voyageant au Moyen Orient vous pourrez être très irrité lorsque les hommes qui vous tendent la main, en saluant détournent le regard. Vous aurez peut-être même l’impression d’être méprisé. Il suffira qu’un ami vous explique que, dans la culture arabe, le contact oculaire direct est considéré comme impoli, pour que votre colère disparaisse aussitôt. Ici, un changement cognitif (voir plus loin) permet de résoudre un conflit émotionnel inutile.

Impuissance et revanche Beaucoup de patient ayant subi des actes de violence (en particulier sexuels) ne pourront trouver la paix que s’ils se vengent. La thérapie permet une transformation de la violence, en passant du réel au symbolique. Mais, tant que le patient reste dans l’impuissance, faible et muet, la violence reste. Le pardon n’est qu’une farce si la personne reste une victime, avec le sentiment corporel de faiblesse. Je propose donc souvent au patient un scénario de vengeance, accompagné d’un tapotement effectué par le thérapeute ou par lui-même Le patient visualise une vengeance terrible. Cette procédure est courte. Elle redonne de la force au patient (activation du système sympathique). Je le mets cependant en garde: cette violence doit rester imaginaire; elle ne doit jamais être réellement mise en acte! Je demande donc au patient de me décrire ce qu’il aimerait faire et nous tapotons: «Même si j’ai envie de secouer ce type comme un prunier, je m’accepte ....» «Même si je rêve de lui péter la figure...». Ça finit toujours par un éclat de rire!

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pensées

Aspect 3: les pensées Croyances, cognitions, jugements sur soi-même «Qu’est-ce-que vous pensez de tout ça, ça vous a fait quoi de ... , ça dit quoi sur vous»: l’aspect cognitif d’un événement, d’une situation, est très important, parce que dans la plupart des cas, l’interprétation d’une situation va déterminer nos sentiments (émotions), nos réactions et parfois modifiera nos sensations (nous croyons voir ou entendre). Si nous disons à un patient pris d’une forte fièvre que c’est la meilleure thérapie naturelle contre le cancer, il sera beaucoup plus disposé à supporter cet inconvénient. Il aura l'impression que chaque heure de fièvre le rendra un peu plus sain. Par contre celui qui a lu que chacun de nous devrait boire trois litres d’eau par jour pour rester en bonne santé, se promènera toute la journée avec une bouteille d’eau et deviendra nerveux s’il n’a bu que deux litres. Le gardien de nuit d’un grand entrepôt de réfrigération fut une nuit enfermé par erreur dans un local hermétique. Aucune chance d’en sortir. Le lendemain matin, il fut retrouvé mort, comme frigorifié. Ce que le pauvre homme ne savait pas, c’est que cette nuit-là l’installation n’était pas en marche. La température était donc largement au-dessus du point de congélation. La malédiction vaudou est un autre exemple négatif. Si le sorcier de la tribu pointe un bâton ou osselet vers le coupable, en proférant une imprécation menaçante, le pauvre homme se retirera sous sa tente et le lendemain sera retrouvé mort.

En thérapie on rencontre fondamentalement trois sortes de faits 1.Faits actuels: «J’ai beaucoup trop de travail à faire, ma femme parle trop, la télévision de mon voisin est trop bruyante». D’habitude ce fait est réel, mais peut parfois être sujet à des interprétations erronées. 2. Faits passés: événements traumatiques. Le traumatisme va souvent créer des croyances irréalistes: «Prendre l’avion est dangereux, la mer est pleine de crocodiles». 3. Faits imaginaires: nous avons ici non seulement affaire à des opinions politiques, religieuses, scientifiques plus ou moins sensées, mais aussi à des représentations du monde irréalistes, pour ne pas dire délirantes:

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Exemple négatif: Un homme me consulte pour un burnout. Au bout de quelques séances il me raconte qu’il a grandi dans un milieu plein de violence. Jour après jour il avait essayé de protéger sa mère contre son père brutal. A l’âge de 8 ans déjà il avait développé la croyance qu’il devait être vigilant 24 heures sur 24, sinon il se passerait un malheur dans sa famille. Il n’avait pas remarqué que, même après avoir quitté la maison parentale, il avait gardé cet état d’alerte. Pour traiter son burnout, il était crucial de mettre fin à cette croyance. Exemple positif: une jeune femme s’était présentée plusieurs fois à son examen de droit. Chaque fois elle avait été victime d’un trou de mémoire. Quand je lui demandai si quelque chose pouvait la protéger, elle me parla de sa grand-mère qui était décédée quelques années auparavant. Elle croyait que son âme la regardait de «là-haut» et, peut-être bien, la protégeait. Je renforçai ce sentiment positif et deux mois plus tard elle passa l’examen «avec un peu d’aide de sa grand-mère».

Comment poser les questions Lorsqu’un patient raconte une histoire, il nous faut découvrir quel commentaire, conscient ou non, il fabrique dans sa tête. Nous parlons aussi de cognition. Par exemple: «Tout cela me dit bien que je suis incapable, irresponsable, malchanceux, un mauvais type». Pour nommer la cognition, nous chercherons de préférence une phrase à la première personne, mais ce n’est pas obligatoire comme en EMDR. Nous pouvons avoir une phrase hybride comme : «Même si une femme ne doit pas voyager seule, je m’accepte... ». Par contre en EFT dissociatif (eft3), toute la phrase sera formulée à la troisième personne (chapitre 3).

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actions

Aspect 4: les actions Passons à la dernière partie de ce cycle des aspects. Nous y trouvons les actions, un terme générique incluant des comportements et des mouvements observables. Lors d’une situation critique, l’amygdale va non seulement générer des réactions émotionnelles et neuro-végétatives, mais aussi des réponses motrices (par le biais du PAG - periacquaductal gray matter). C’est le trio classique: combattre, fuir, geler (fight, flight and freeze). Le thérapeute peut décider de se concentrer sur les comportements et explorer avec le patient tout le déroulement de la scène sous l’angle des actions. Fréquemment on devra bien constater une absence de mouvement (paralysie, stupeur) qu’il faudra détailler soigneusement. N.B. Comme on le verra plus tard, l’observation du comportement du double constitue une partie essentielle du protocole de eft3.

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Calibrer le stress Lorsque nous travaillons selon les principes de la Thérapie Brève, il est important de contrôler à chaque étape les progrès. Donc juste avant et après une intervention - le tapotement- nous demanderons au patient d’estimer l’intensité du stress:

«Sur une échelle de 0 à 10, dix signifiant horrible et zéro complètement neutre, combien cette pensée, ce souvenir vous dérange-t-il?». Dans le jargon psychologique, nous utilisons le terme de SUD (subjective units of disturbance), emprunté au domaine de la psychologie comportementale, pour quantifier le stress. Nous parlons de calibrer une situation. Au lieu de chiffres, nous pouvons utiliser des gestes. C’est particulièrement utile avec les enfants. “Regarde: comme ça (les bras sont largement ouverts) c’est beaucoup de stress et comme ça (les mains réunies) c’est pas de stress”. Après une séquence de tapotement, nous re-contrôlons donc le stress. Il ne faut pas être trop exigeant. Peut-être faut-il encore un tour ou deux. S’il n’y a pas de réaction, il faudra modifier «la cible». Peut-être est-ce le mauvais aspect, la mauvaise phrase. Peut-être il y a-t-il encore une inversion psychologique cachée (voir plus loin).

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Nommez le! Trouver les mots Il s’agit maintenant de trouver une phrase qui désigne le mieux possible le problème (ou un de ses aspects). Cela peut être une simple petite phrase: «J’ai eu un accident», «Je suis stupide». Ou une phrase plus complexe: «Malgré tous mes efforts, je suis toujours le dernier de la classe», « Je n’ai rien dit quand mon oncle m’a touchée». Nous essayerons en général de créer une phrase complète - sujet, verbe, attribut - : elle aura ainsi plus de force, car elle inclus le «je». Tout en passant en revue tous les aspects possibles du problème - rappelez-vous la roue des aspects - nous pouvons le faire de manière intuitive ou suivre un plan systématique. Voici quelques conseils: 1. Restez généraux ou abstraits si la charge émotionnelle est déjà trop haute. 2. Au contraire soyez spécifique (associé) si vous désirez apporter plus de dynamisme au processus 3. Surprenez! Utilisez des paradoxes, exagérez les affirmations jusqu’à caricaturer, recadrez la situation, utilisez l’humour. Mais restez respectueux et aimable. 4. La phrase de rappel (reminder) peut être très courte, juste un mot. 5. Certaines personnes ne veulent pas dire la phrase à haute voix. Il est possible de juste penser la phrase.

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Inversion psychologique Le corps ne ment pas Pourquoi avons- nous donc besoin d’une «mise en place» avant chaque séquence? Pour prévenir le blocage du processus thérapeutique par «l’inversion psychologique». Pour comprendre cela, il nous faut faire un petit retour historique jusqu’aux aux sources de l’EFT. Le mouvement de ce que l’on appelle aujourd’hui la psychologie énergétique (energy psychology), auquel appartient l’EFT, a été développé au départ par des chiropraticiens. Ils avaient découvert que grâce au test musculaire, ils pouvaient beaucoup plus facilement déterminer quelle articulation ou quel muscle traiter. Le test permettait aussi de vérifier le résultat de leur travail corporel. Plus tard Diamond eut l’idée d’utiliser des affirmations positives pour corriger les déséquilibres énergétiques: là aussi différents muscles étaient testés pour déterminer quel méridien ou quel organe faisait problème. Callahan, un psychologue, remarqua alors que ses patients réagissaient souvent de façon paradoxale au test. Apparemment certains d’entre eux n’étaient pas du tout prêts à guérir. Et le test musculaire, selon le slogan «le corps ne ment pas» le montrait sans équivoque. Comment tester un muscle En principe n’importe quel muscle fait l’affaire. Si on est à deux, le muscle deltoïde (au sommet de l’épaule) est le plus facile à tester. Le patient est prié de lever le bras sur le côté, bien tendu à l’horizontale et de résister à la pression, tandis que le thérapeute appuie sur son poignet vers le bas. Après un premier essai à vide, le patient va être testé pendant qu’il pense à un certain nombre de thèmes que le thérapeute propose. Il ne s’agit pas d’un concours de force, mais de déterminer quelle pensée a un effet positif ou négatif sur la force du muscle. Normalement, des mots comme «vacances, repos, liberté, bonne santé» renforcent le muscle, tandis que des mots comme «maladie, fatigue, douleur, stress» l’affaiblissent. Dans ce dernier cas la plupart des patients diront: «Oui, mais vous appuyez plus fort!». Il faudra répéter l’exercice quelques fois jusqu’à ce qu’il admette cet étrange phénomène: la force n’est pas qu’une question de muscle, mais aussi d’énergie. Et celle-ci «commence dans la tête». 26


Réponse paradoxale Comme le décrit Callahan dans son livre (Cinq minutes pour traiter vos phobies par la kinésiologie), de nombreux patients ont une réaction tout à fait inattendue. A l’écoute de la phrase : «Je suis en bonne santé», leur bras devient faible. Par contre avec la phrase «Je suis en mauvaise santé, je ne veux pas guérir, la santé c’est fatiguant, etc.» le bras reste fort. Ceci explique pourquoi tellement de traitements, psychothérapeutiques ou autres, ne fonctionnent pas. Le patient inconsciemment ne veut pas, n’est pas prêt pour ou ne croit plus à la guérison. C’est pour cela que nous parlons d’inversion psychologique. Mais il y a une solution Le thérapeute demande alors au patient de prononcer la phrase d’acceptation: «Même si je n’ai aucune envie / force/patience de guérir, je m’accepte complètement et pleinement» tout en tapotant son point karaté (point 1). Ceci correspond en EFT à la «préparation». Et à la seconde même l’inversion est corrigée. Le test musculaire est là pour le montrer. Est-ce que cette inversion est corrigée pour toujours? Non: même une personne parfaitement saine peut face à un problème particulier présenter une inversion. Lorsque Gary Craig dans les années 90 a repris la méthode de Callahan, plutôt réservée aux pro’s pour en faire une méthode populaire accessible à un large public, il a supprimé le test musculaire. Grâce à l’emploi systématique de la phrase d’acceptation (préparation) avant chaque séquence, toute risque d’inversion psychologique est automatiquement éliminé. C’est donc plus sûr et plus rapide. Plus vous travaillerez avec l’EFT, plus vous constaterez que la mise en place est le coeur du processus de guérison. Regardez les vidéos de Gary Craig: derrière son humour se cache une attitude de modestie et d’honnêteté morale. Pour pouvoir se dépasser soi-même il faut d’abord impérativement s’accepter, avec ses fautes et ses faiblesses, mais aussi avec ses succès et son formidable potentiel de changement. La guérison s’effectue dans un esprit d’humilité mais aussi de grâce. Qui sait, ce que vous appelez l’Univers, le Destin, Dieu, ou très prosaïquement votre génome, est peut-être plus généreux que vous ne le pensez.

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La préparation: la phrase longue Avant de traiter un problème (ou son aspect), commencez toujours par la préparation (set-up). Elle consiste à énoncer la longue affirmation présentée ci-dessous, tout en tapotant 15 fois sur le point 1. Remplacez (je suis X), par l’énoncé du problème (nommez-le!): p.ex. «je suis faible, seul, fatigué» ou «j’ai eu cet accident, j’ai perdu mon travail, » et encore «les gens sont méchants avec moi, mon poids reste le même, mon estomac fait plein de bruits». Même si (je suis X), je m’accepte complètement et pleinement A cette étape, vous avez beaucoup de libertés. Vous pouvez p.ex. avoir une phrase très longue: «Même si je suis poursuivie par l’odeur de cet homme, qui veut encore et encore du sexe, et ça me donne envie de vomir, je m’accepte ...». Vous pourrez plus tard, lors de la «séquence» (voir plus loin) couper cette phrase en trois petites phrases de rappel. Vous pouvez aussi faire du recadrage, de la Thérapie Provocative (Farelly) ou ajouter une «mini-ressource». Il est bien d’ajouter un peu de légèreté, d’humour (noir) et/ou de distance pour éviter d’activer (trigger) inutilement l’amygdale, le centre de la peur. Il faut, si vous me le permettez de le dire ainsi, «caresser la bête dans le sens du poil». N’ayez pas peur de phrases tarabiscotées, immorales, bancales, un peu absurdes, contraires aux lois du bon sens et de la syntaxe,: «Même s’il fait désespérément beau temps, même si ce serait sympa que le voisin se casse une jambe, même si j’essaie depuis des mois de perdre mon porte-monnaie...». Mieux vaut exagérer, en faire un peu trop, plutôt que de jouer les saintes-nitouches. Le message est en général très bien compris par notre inconscient. Puis, peu à peu approchez-vous d’un énoncé plus pertinent, donc probablement moralement plus correct. Répétez encore et encore au patient que «nos phrases ne sont pas la vérité, c’est juste au cas où ce serait comme ça». 28


La difficulté à s’accepter Il arrive régulièrement qu’une patiente ne puisse pas dire ces trois mots: «Je m’accepte»! soit par intense culpabilité, soit par dégoût de soi. Peut-être a t’elle a commis - ou estime avoir commis - une faute grave: elle a fait perdre un demi-million d’euros à sa boîte, elle a avorté il y a trente ans, son vieux père tyrannique est mort seul dans un appartement mal chauffé, elle n’a pas vu venir le suicide de son frère, elle a trahi sa famille. Ou encore elle estime que son corps est difforme: forme du nez, embonpoint, etc. S’accepter ce serait accepter à tout jamais la soi-disante tare. Combien de fois ai-je vu venir la grimace, quand j’ai prononcé ces trois mots. Il est important d’expliquer qu’il ne s’agit pas de nier le défaut, le «crime», la faute, mais d’en prendre acte: oui, c’est moi qui suis ainsi, c’est moi qui ai fait ça, c’est de moi qu’il s’agit. Je le reconnais. Mais je veux sortir de cette éternelle culpabilité, de cette haine de moi-même qui m’empoisonne la vie. Je veux une deuxième chance. Il est possible de contourner la difficulté de différentes manières.

«Même si je suis x, je suis un bon employé, une mère de famille engagée, un homme actif, etc.». De même pour des enfants, la phrase standard est trop cérémonieuse. Il suffit de dire: « Je suis un bon type, je suis ok.»

• •

Paradoxe: «Même si je refuse catégoriquement de m’accepter, ...».

Mini-ressource (voir plus loin): «Même si je suis x, je suis la Reine de la pizza margherita».

Confusion hypnotique: «Même si je n’accepte pas que je m’accepte ... eu pardon, c’est plutôt même j’accepte que je ne m’accepte pas, je m’accepte ....».

On gagne ainsi du temps. L’acceptation complète viendra plus tard, quand la patiente aura compris que l’acceptation n’est pas une attitude de faiblesse, mais qu’elle prépare au contraire au changement. Elle permet de faire de nous un être meilleur. Les enseignants le savent bien: il faut louer et encourager la bonne attitude, la critique et la punition seules n’aident pas.

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Mini-ressource et Thérapie Provocatrice En thérapie - particulièrement avec les patients traumatisés - le rire joue un rôle important et salutaire. Mes patients ont souvent un grand sens de l’humour. Parfois au milieu d’une séance pleine de noirceur, nous éclatons de rire ensemble, à propos d’une remarque cocasse, d’une scène absurde. Le danger pour la thérapie, c’est bien le désespoir total, immobilisant, pétrifiant, froid et implacable. Voici donc deux techniques utiles. Mini-ressource Pour faciliter la mise en place, à l’instant délicat où le sentiment de faute et l’acceptation de soi se rencontrent, j’utilise parfois ce que j’appelle une mini-ressource. Juste au moment où la patiente s’apprête à prononcer l’affirmation d’acceptation de soi, je lui demande à brûle pourpoint: «A propos, qu’est-ce que vous savez bien faire? Vous aimez cuisiner, photographier, ... ah cuisiner! quoi par exemple? Le Tiramisu. A la framboise! et vous êtes bonne, là avec votre Tiramisu à la framboise? Quoi, la meilleure? Vous êtes ... pour ainsi dire ... la Reine du Tiramisu à la Framboise, alors?». Et tandis que la patiente se met à rire, non sans un brin de fierté, nous reprenons: «Même si je suis x, je m’accepte complètement et pleinement, et je suis la Reine du Tiramisu à la Framboise!». Cela donne à coup sûr beaucoup de bonne humeur. A faire rapidement, sans craindre la superficialité et le kitsch. Thérapie Provocatrice (Farrelly) Pour «casser le drame», j’utilise souvent l’exagération. Il est vrai que ce n’est pas facile en tant que patient de «confesser» ses pires faiblesses et défauts. Alors pourquoi ne pas inverser le jeu et essayer de battre le record de la bêtise et de la méchanceté, pour ne citer que quelques disciplines. Exemple fictif: Le patient commence «Même si je suis bête, ...» . J’interromps: «Bon on va exagérer ... on va dire ... même si je suis le pire cuisinier que Mac Donald ait jamais engagé, je m’accepte complètement et pleinement».

Invariablement les gens commencent à rire et se distancent de leur tendance compulsionnelle à se dénigrer soi-même. 30


La séquence: la phrase courte Après le premier tapotement (préparation), nous poursuivons le tapotement sur les points 2 à 10. Cary Craig appelle cette partie: la séquence (du latin sequens = qui se suit). Nous allons donc tapoter l’un après l’autre les points 2 à 10, environs dix à quinze fois, tout en prononçant à chaque point - une fois seulement - la phrase courte de rappel (reminder). Le rappel est le condensé de la phrase longue. Il en exprime le point le plus important, le plus fort. Le rappel sert à garder le souvenir négatif présent, tandis qu’il est désensibilisé par le tapotement. Par exemple: «Je déteste cette odeur de bière» devient «odeur de bière» ou même juste «Bière». «J’ai peur des hommes brutaux» devient «Peur des hommes brutaux» ou juste «Brutaux».

Si nécessaire nous répéterons la séquence plusieurs fois, jusqu’à ce que le niveau de stres (SUD) soit à zéro (ou presque) . Petite astuce: dans les derniers tours ajouter: «reste de ...». Par exemple: «reste d’odeur de bière, reste d’hommes brutaux etc.».

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Prochaine étape A la fin de la séquence nous vérifions le niveau de stress ou SUD (re-calibrer). Si le SUD est à zéro ou aux alentours, nous allons demander au patient de se confronter brièvement à la situation (challenge): «Comment est-ce que c’est maintenant quand vous repensez à cette scène d’accident, cette rencontre, cet examen, cet abus?». Nous laissons le patient passer en revue le ressenti corporel (body scan). Il n’est pas toujours possible de terminer le travail en une seule session. Si c’est le cas, il est important de le formuler, en spécifiant que nous reprendrons le travail la fois prochaine. Si le SUD est encore passablement élevé après quelques tours: • Faites repréciser le problème. Refaites une exploration des aspects. • Explorez le ressenti immédiat - ici et maintenant - du patient dans la séance. Il se peut que quelque chose le dérange. • Utilisez la «phrase d’ignorance»: «Même si je ne sais pas pourquoi je suis encore fâché, je m’accepte complètement et pleinement».

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Traiter le psychotraumatisme Quelques recommandations aux psychothérapeutes Le processus thérapeutique invariablement réexpose le patient à l’événement critique. Ce qui peut déclencher (trigger) de fortes réactions. Selon le principe du médecin grec Hippocrate, «Primum no nocere» (avant tout, ne pas nuire) est le devoir sacré de tout thérapeute. Le client ne devrait pas quitter le cabinet plus mal qu’à l’arrivée. Je ne dis pas que cela ne se passe jamais, je dis: cela ne devrait pas être. Thérapeutes, nous devons connaître nos limites et être garants de la sécurité psychologique de notre patient. Celui-ci devrait également avoir la permission et le devoir de nous communiquer (par exemple par courriel) si une situation a été mal vécue dans la séance. «Si vous avez des questions, appelez-moi ou écrivez-moi!» dis-je souvent au patient, sur le pas de la porte. Je ne dis pas: «Si vous avez des problèmes». C’est une offre sincère, dont certaines font régulièrement emploi. Un cours d’EFT ou d’eft3, c’est comme un permis de conduire. Vous n’allez pas vous mettre au volant d’un poids lourd, si vous avez juste un permis pour voiture de tourisme. Vous n’allez pas embarquer dix gosses dans une Renault Espace le lendemain de votre permis. Donc ne traitez pas de cas lourd si vous n’avez pas été formé psychologiquement et que vous débutez en EFT. Evitez absolument de traiter un cas de traumatisme complexe si vous n’êtes pas formé à la psychotraumatologie. Celle-ci est une discipline particulière de la psychiatrie/ psychologie qui jusqu’il y a peu ne faisait pas partie du programme d’études. Alors formez-vous, lisez et comprenez les bases avant de vous lancer. Commencez par des petits problèmes pour vous exercer. Soyez réalistes et prudents. Comme j’aime, à tort ou à raison, le répéter: l’EFT et l’eft3 ne sont pas des thérapies; ce sont des outils. Une thérapie est plus que cela. Elle suppose de l’expérience de la vie (une expérience clinique et beaucoup de bon sens qu’on apprend par une maladie, un accident, une maternité, élever un gosse, voyager, etc.). Elle suppose aussi un savoir théorique (psychotraumatologie) et le partage de connaissances entre pairs et/ou avec un superviseur. Le savoir permet de s’orienter beaucoup plus rapidement face à des situations sans cesse imprévues. C’est la carte du territoire inconnu. 33


Toucher le patient? Lorsque vous travaillez sur une autre personne, demandez-lui la permission avant de la toucher ou au moins, annoncez-lui que vous allez le faire. «Voilà ..., je peux vous prendre la main?». C’est en fait plus une question rhétorique qu’une vraie question, car je n’attends pas une réponse explicite. J’avertis son amygdale du début d’un exercice qui suppose un contact physique d’ordre technique. La question laisse le temps au patient de dire stop et au thérapeute de remarquer une éventuelle réticence. Dans ce cas, il faut donner plus d’explications et demander une permission explicite, voire même renoncer à cette technique. Mes 25 ans de pratique m’ont enseigné, que plus on explique, plus les patientes deviennent méfiantes. Cela me rappelle une des toutes premières fois où j’ai utilisé le tapotement sur la main d’une patiente, victime de viols multiples. A la fin de l’exercice, je lui demandai, par sécurité, si tout s’était bien passé pour elle . «C’était assez intime!» dit-elle. Je reculai ma chaise d’un mètre et lui fournis une longue déclaration sur l’intégrité du thérapeute et le respect de la patiente. Au bout de deux minutes, elle m’interrompis avec un sourire amusé: «Ça va comme ça, Docteur!». Erreur de débutant.

Donc: donnez juste le nécessaire d’informations et soyez attentif aux réactions du patient, surtout au niveau non-verbal. Personnellement j’utilise des gestes précis et brefs. Je n’hésite pas à tapoter l’avant bras d’une personne pour avoir toute sa concentration. J’évite strictement de «me poser» sur le corps d’autrui. Dès que l’exercice complet est terminé, je m’éloigne un peu avec ma chaise, pour garder une bonne distance professionnelle, avant de parler. Si vous travaillez avec une victime d’attaques physiques et /ou sexuelles massives, son corps sera probablement par endroits «intouchable» : non seulement elle ne supportera pas d’être touchée, mais il se peut qu’en se tapotant elle-même elle réactive, par association, des souvenirs traumatiques intenses et soit retraumatisée. C’est une sorte de phobie d’auto-contact. Elles évitent certaines parties de leur corps comme d’autres évitent certains endroits d’une ville. Utilisez alors une autre technique. N.B. Il y a des Etats (USA) où il est interdit à une personne non accréditée de toucher une personne à fin thérapeutique. J’ai entendu dire qu’à certains endroits, seul un chiropraticien avait le droit de pratiquer le test musculaire.

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Structurez l’histoire: (cf. Racontez l’histoire). Restez neutre. Ne laissez pas le patient raconter son histoire de manière émotionnelle. Vous pouvez poser des questions spécifiques pour clarifier la situation (p.ex. combien de personnes étaient là, où était-ce, en quelle année) mais restez neutre. Rappelez-vous que nous ne sommes pas à la recherche d’émotions, mais de contrôle et de maîtrise de soi. Nous voulons faire de l’ordre dans la tête. Cependant certains patients ont besoin de partager un souvenir tragique. Ils veulent que vous écoutiez sans hésitation et que vous posiez les questions importantes sans peur. Techniques spécifiques d’EFT Les deux techniques principales développées par Gary Craig sont appelées: Tell the story (Racontez l’histoire) et Movie technique (Technique du film). Pour cela référez-vous au manuel officiel d’EFT ou au livre de Gary Craig (cf. www.eft3.com). Les trois techniques suivantes peuvent également être utiles. Tearless Trauma Technique (Gary Craig). Technique de traumatisme sans larmes. Avec cette technique le patient n’a pas besoin de visualiser la scène. Le thérapeute lui demande de donner un nom, de DEVINER (supposer) l’intensité émotionnelle sur une échelle de 0 à 10 et de tapoter en verbalisant. Tell the story and tap: racontez et tapotez. Lorsque le patient commence à raconter son histoire et devient vraiment émotionnel (p.ex. pleure), demandez-lui la permission de tapoter sur les points d’acupuncture situés sur les doigts. Ou encore proposez-lui de tapoter sur lui-même (p.ex. sur son thorax. Cela a un effet apaisant. Tap-While-You-Gripe Technique (Rick Wilkes) est semblable: ronchonnez, plaignez-vous et tapotez.

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Technique concentrique pour traiter le traumatisme Pour travailler avec des vétérans de guerre (Vietnam et Irak) Gary Craig a utilisé une approche douce. Le premier jour d’exercices, il a simplement formulé des considérations générales (p.ex. «La vie n’est pas toujours facile, j’ai certains problèmes». Le jour suivant il s’est attaché aux réactions émotionnelles et physiques de chacun des vétérans. C’est seulement le quatrième jour qu’il a vraiment commencé à traiter les souvenirs spécifiques de manière détaillée. A la fin il a pu confronter les anciens soldats de plein fouet à leur souvenirs de guerre sans déclencher aucune réactions (SUD 0). Dans cette manière de pratiquer que j’appelle Stratégie Concentrique la tactique est de commencer par la périphérie (approche dissociative), pour s’approcher progressivement du centre (approche associative). 1. Commencez par des généralités, des phrases non spécifiques, des choses du bon sens : La vie n’est pas toujours facile / Il faut faire avec/ J’ai eu une vie dure / On est pas toujours le plus malin / Parfois c’est trop pour une seule personne

2. Traitez les réactions émotionnelles et physiques du patient, maintenant et alors: Je suis sans cesse tendue / Prête à craquer / Je suis sans cesse au bord des larmes / J’ai une boule dans la gorge / Je ne peux pas dormir / Je suis triste / Je suis en colère d’avoir perdu mon pote Albert / J’étais consterné / J’étais comme paralysé, sans voix

3. Puis intégrez les systèmes de croyances et les pensées: Tout est de ma faute / Je suis coupable / J’aurais pu faire mieux / Je suis un mauvais père / Je suis la honte de ma famille

4. Vous pouvez maintenant évoquer des faits bruts et concrets (en général des actions et des sensations externes) qui ont un fort pouvoir associatif, donc réactivant/déstabilisant (triggering). Voici deux exemples fictifs: 1. (modifié d’après C.Craig). Il s’agit d’une situation de guerre, en pleine nuit. Le vétéran avait allumé une cigarette, signalant sa position à l’ennemi. Un tir de précision avait touché son collègue qui était mort sur le coup): «J’ai allumé ma cigarette», « La tête de mon copain a explosé comme une pastèque”. 2. «ll faisait sacrément froid ce jour là, il avait neigé, je vois la tête de ma soeur disparaître dans l’eau sombre, elle a encore crié mon nom: Babette!».

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Chapitre 2 Techniques dissociatives


Dissociation et association La vie est une alternance d’association et de dissociation, de création et de dé-création. Pour comprendre la dissociation, il faut comprendre l’association. L’association ajoute, relie, réunit, combine. La dissociation divise, sépare, dissout, isole. Suivant le contexte, chacun des deux processus peut être positif ou négatif. La thèse sousjacente à tout ce tutoriel est qu’une dissociation pathologique (en général causée par un psychotraumatisme) peut profiter d’une technique dissociative.

Association

Dissociation

En écrivant ce tutoriel avec le logiciel Keynote (Mac) j’ai été amusé de trouver dans la barre de formation deux fonctions pour traiter les formes: «regrouper» et «dissocier». J’ai donc pu, à partir des éléments graphiques de droite, créer un petit bonhomme à casquette, regrouper les éléments en une seule image, où tous les éléments solidaires bougeaient ensemble, puis dissocier la figure globale, pour rendre sa liberté à chaque élément. 38

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Association, associatif

Dissociation, dissociatif 39

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Association Nous tendons à nous approcher des choses que nous aimons, pour les sentir, les toucher, respirer leur odeur. Pensez à une belle rose rouge. Nous jouissons de l’association de son parfum, de sa couleur flamboyante, la douceur de ses pétales: traditionnellement un signe d’amour. De même un premier rendezvous romantique, façon Hollywood, se fera aux chandelles, au bord de la mer. Lumière tamisée, musique douce et bruit des vagues au loin, saveurs exquises de la cuisine, une effluve de Shalimar une robe très sexy de chez Dolce & Gabana. Au moment où, les yeux dans les yeux, ils feront tinter leur verre, rempli de ce voluptueux Cabernet Sauvignon, ils entendront les joyeux klaxons d’un cortège nuptial qui passe au loin. «Ça porte chance», pensera-t-elle. Un souvenir associatif inoubliable. Il suffira plus tard d’un seul élément (bougie, Shalimar, bruit de vague, ...) pour faire revenir le souvenir complet. Le modèle du Soi associé (la «roue des aspects») présenté à la page suivante, montre une perception associée du monde. Tout est là: sensations, émotions, pensées et actions. Au centre, ici et maintenant, le Je, sujet de la phrase, source de la conscience. Il chevauche la ligne du temps, allant de l’infini du passé à l’infini du futur, au centre d’un espace familier, refoulant l’étrange et l’incompréhensible hors de ses frontières. Dans ce modèle associé, les divers aspects de la perception sont reliés: l’évocation de l’un amène à l’autre, comme les pages web de l’internet. Nous glissons d’un son vers une image, vers une odeur ou une pensée. L’hypnose ericksoniennes et la PNL renforcent ce phénomène pour créer des états associés de plénitude, servant de ressources au patient, avant de s’exposer à un stress. Un souvenir de vacances est évoqué sur un mode associatif dans toutes ses modalités sensorielles. La couleur du sable et de la mer, le bruit des vagues et des mouettes, la sensation du soleil sur la peau, l’odeur des algues, l’apéritif de midi, la détente corporelle. On pourra y rajouter la cognition («je suis bien dans ma peau»), l’émotion (bonheur), l’action («vas-y tout doucement, mon gars!»). 40


Familier

pensées futur

émotions

actions je suis

passé sensations

Modèle d’association modifié (inspiré du modèle BASK de Bennett G. Braun,1988)

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Association, apprentissage et mémoire Ces trois thèmes sont étroitement liés. Prenons un exemple: il y a toutes sortes de manières de communiquer la notion de «jus de pomme». Vous pouvez prononcer les mots «jus de pomme», les écrire, faire le dessin d’un carton de jus de pomme ou finalement, d’une façon de plus en plus associée et concrète servir un jus de pomme et rendre la personne attentive à la belle couleur du liquide, au pétillement léger, à l’odeur fruitée, au goût sucré, au verre froid et lourd dans la main. Cette insistance sur les détails, que nous connaissons bien de la publicité, renforce la mémorisation, qui est un processus d’apprentissage. C’est ce que veulent les publicitaires: il faut que le lendemain vous sachiez encore à quel point le jus de pomme Pomme d’Or est désaltérant, lorsque vous ferez vos achats dans la supérette du quartier. Plus le souvenir est associatif, plus il est implicite et durable, mais aussi hors contrôle. La publicité fonctionne par association: Georges Clooney et Nespresso, Amazon et un fleuve de livres, un bivouac de cowboys et Marlboro. Comme vous le remarquez, nous faisons ces associations bien malgré nous. Qui n’aimerait pas faire une randonnée à cheval dans les Montagnes Rocheuses sans penser à fumer une Marlboro. Si le souper aux chandelles de tout à l’heure tourne en fin de soirée à la catastrophe - tiens, une tentative de viol - la jeune femme ne pourra plus penser à un rendez-vous romantique, y compris Shalimar, Dolce & Gabana, les huîtres, les chandelles et j’en passe, sans peur et dégoût. Psychiquement sa vie privée sera désormais contaminée par l’agression sexuelle, faisant un ravage intérieur par association, bien au-delà de l’événement spécifique. « Ça a TOUT cassé», dira-t-elle plus tard.

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Quand les associations gênent Qu’étiez-vous en train de faire lorsque vous avez appris la nouvelle du 9/11 ou, pour les plus anciens, de l’assassinat de J.F. Kennedy? Personnellement, j’étais à mon bureau: je sais aujourd’hui encore parfaitement avec quelle patiente je parlais, comment elle m’a regardé d’un air incrédule quand je lui ai communiqué la nouvelle que je venais d’apprendre au téléphone. C’était le début de l’après-midi. Je me rappelle la lumière dans la chambre. Les mots de ma femme: «Une crise internationale ...». Rien ne serait plus comme avant. Le traumatisme psychologique est une maladie de la mémoire: ne pas pouvoir oublier. Or la mémoire comme l’apprentissage en général, est basée sur l’association. A l’instant même, où survient l’incident critique (accident, attaque, mauvaise nouvelle, etc.), tous les éléments présents dans le champ de perception (consciente ou non consciente) sont liés en un ensemble indissociable. La plupart d’entre nous se rappellent non seulement ces moments cruciaux mais les circonstances de l’instant. L’événement agrafe ensemble les aspects associés, tchac!, comme une liasse de tickets de caisse dans le bureau d’une secrétaire comptable. Malheureusement ce processus associatif est le plus souvent inconscient: une odeur perçue à cet instant peut être enregistrée inconsciemment et bien plus tard déclencher une attaque de panique parfaitement incompréhensible pour la patiente. Il y a dissociation de la conscience. Des détails futiles (un objet, la couverture d’un livre, un mot, ...) deviennent autant de sonnettes d’alarme. Les associations involontaires jouent un rôle crucial dans la souffrance post-traumatique. Non seulement les victimes ne peuvent pas oublier certaines scènes, mais par association, de multiples détails de la vie courante créent à tout moment des réactions phobiques ou des réminiscences sensorielles: certaines patientes ne peuvent plus même toucher leur propre corps (surtout le cou et le bas-ventre) sans déclencher d’association avec le souvenirs de l’agression. Selon la façon dont le souvenir est revécu, d’une manière associée ou dissociée, la réaction déclenchée peut beaucoup varier.

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Quand c’est trop, on disjoncte ou on «pète un plomb».

En thérapie, lorsque nous abordons un incident critique, il y a risque de de réactiver des associations douloureuses. Nous sommes comme ces explorateurs dans la jungle qui, s’ils ne regardent pas où ils mettent les pieds, risquent de déclencher des pièges meurtriers. Dans les années 70, beaucoup de thérapeutes essayaient de provoquer des réactions cathartiques (de nettoyage), par le mouvement, les cris, la respiration forcée. On en est revenu! D’une part cela peut être catastrophique, aboutissant parfois à des décompensations psychotiques,. D’autre part il y a risque de rester dans une agitation superficielle «hystérique». Less is more, moins on en fait, mieux c’est. Paradoxalement, une approche dissociative comme l’eft3 va paradoxalement permettre un travail beaucoup plus profond. Comme nous l’avons eu plus haut, l’EFT classique dispose également de différentes techniques, permettant une approche douce. 44


Dissociation «Franchement, chérie, ... changer les couches sur la table, c’est ...dégoutant! »

Ce père de famille en cravate ne semble pas apprécier de partager son espace alimentaire avec l’espace hygiénique de bébé. Comme nous tous, il aimerait séparer le plaisant de ce qu’il trouve déplaisant. Nous fermons nos sens (détachement) en passant à côté d’une poubelle. Nous avons des endroits spéciaux et des emballages (cloisonnement) pour ce qui nous dégoûte: excréments, vomissures, déchets. Nous ne le faisons pas seulement physiquement, mais aussi psychiquement: c’est même une ressource très utile. Pensez-donc aux chirurgiens, aux éboueurs, au personnel de nettoyage ou hospitalier: que feraient-ils sans ce détachement professionnel? Mais cette distance peut aussi poser problème. Après un deuil ou un chagrin d’amour, nous fermons notre coeur, dans une sorte d’anesthésie émotionnelle. Ni le plaisir, ni le déplaisir ne nous atteignent.

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Pathologie dissociative Pathologie dissociative post-traumatique: détachement et cloisonnement Les experts en psychotraumatologie distinguent deux catégories de réactions dissociatives. Dans le détachement le patient perd contact avec la réalité (déréalisation) ou avec sa propre personne (dépersonnalisation). Dans le cloisonnement (anglais: compartmentalization) le patient compartimente, soit dans le temps (amnésie dissociative), soit dans son identité (troubles dissociatifs de l’identité). L’amnésie se rencontre non seulement dans les phénomènes de fugue mais également lorsque différentes parties de la personne («multiples») vivent en parallèle, en s’ignorant l’une l’autre. Avantages et désavantages de la dissociation pathologique La dissociation a deux visages. D’un point de vue positif elle offre une protection contre l’horreur pure et l’impuissance absolue. C’est ainsi que l’amnésie dissociative permet aux victimes d’oublier complètement des événements traumatisants. Le détachement est aussi une forme de tampon entre la cruauté de la vie et nous. L’incapacité de certains professionnels (thérapeutes, policiers, pompiers, etc.) à se protéger par le détachement les mène, par traumatisation secondaire, tout droit au burnout. La dépersonnalisation (sortir de son corps) est souvent décrite par des patients comme la seule possibilité de survivre psychiquement quand ils étaient enfant et livrés à la merci de l’agresseur. Finalement, la capacité de posséder plusieurs facettes (p.ex. garder son «âme d’enfant», être sérieux et drôle) confère à une personne plus de richesse de caractère. D’un point de vue négatif, par contre, la dissociation représente un manque /incapacité d’intégration de l’expérience traumatique. C’est souvent le lourd prix à payer pour le soulagement relatif conféré par la dépersonnalisation. Un trouble de l’intégration dans la petite enfance, au moment où le moi se construit, peut conduire à des sévères troubles de l’identité (TDI ou «multiples»). Les patients souffrant d’anesthésie sensorielle et/ou psychique et de détachement, peuvent être hantées par le désir de retrouver leur vrai Soi. Entre autres, ils ne comprennent pas tous ces «trous» dans leur biographie (amnésie dissociative). 46


Avantages de la dissociation pour la thérapie Quand j’ai commencé à me former en psychotraumatologie, je travaillais avec une jeune artiste très douée, dont la carrière était bloquée depuis des années par de sérieux problèmes dissociatifs: non seulement elle décrivait plusieurs parties de personnalité détachées d’elle, comme à la dérive dans les limbes de sa psyché, mais elle avait beaucoup de difficulté à être vraiment présente dans le monde réel. Je pensais donc qu’elle pourrait profiter d’une technique associative comme l’EFT. A ma grande surprise elle insista pour continuer les exercices de PNL que nous avions faits récemment où, à distance, elle visualisait les changements qu’elle pourrait faire. J’étais perplexe: pourquoi donc elle, qui est tant dissociée, veut-elle justement faire des exercices dissociés? Cela me donna à réfléchir. Je suivis son désir, et effectivement, elle profita de ces exercices. Bien plus tard, j’en vins à la conclusion suivante: les patients dissociés ont besoin de techniques dissociatives. La dissociation ne doit donc pas être vue uniquement d’un point de vue pathologique (manque d’intégration), mais également comme une stratégie de protection psychique, utilisable également à des fins thérapeutiques. Des patientes qui ont dans le passé, consciemment ou non, utilisé le détachement et/ou le clivage d’identité (différents âges, différents rôles) pour survivre, peuvent apprendre à utiliser souplement ces mécanismes auxquels elles étaient autrefois soumises d’une manière rigide et automatique. Une technique dissociative offre le confort de la distanciation et permet de clarifier la dynamique interne. Qui est là sur la scène intérieure: alter adultes, enfants, alliés, agresseurs internes? Une mise en garde toutefois: ces techniques dissociatives ne sont pas applicables aux patients souffrant de troubles dissociatifs de la personnalité (TDI). Chez ceux-ci coexistent des parties extrêmement destructrices avec d’autres très vulnérables, séparées par des cloisonnements (amnésie, ignorance de l’existence de l’autre et phobies réciproques) qu’il faut respecter. Une thérapie en 3 phases s’impose ici. 47


Techniques dissociatives vs. associatives La thérapie brève (Brief Therapy, telle qu’elle s’est développée aux Etats-Unis à partir des années soixante (cf. www.docteurmuret.ch/breve/), offre actuellement un large éventail de techniques, notamment pour traiter les troubles post-traumatiques.

! Tout à gauche, nous trouvons l’EMDR, une technique très associative: la formulation se fait toujours à la première personne et avant de commencer, le thérapeute et son patient préparent une véritable brochette comprenant: la représentation (image) de l’événement, la croyance (cognition) qui s’y rattache formulée à la première personne, le ressenti émotionnel et finalement le ressenti sensoriel. Un tel processus, si l’on y ajoute encore des mouvements des yeux, peut devenir trop lourd. Si le patient n’a pas été suffisamment stabilisé, on court le risque d’un débordement émotionnel. Les patients avec une pathologie post-traumatique complexe en font souvent les frais. Et c’est alors aux thérapeutes spécialisés de réparer les dégâts. Pour ma part, dans mes débuts en EMDR, il m’est arrivé souvent de voir le patient glisser dans un état d’indifférence typique (état d’évitement dissociatif): il ne m’était alors plus possible, ce jour-là, de travailler sur l’événement traumatique. Les thérapeutes d’EMDR expérimentés préparent soigneusement leur patient (stabilisation) et souvent ajoutent des éléments d’hypnose ericksonienne. 48


Plus à droite, nous trouvons le débriefing, qui peut se pratiquer de diverses façons. Le débriefing technique selon Perren-Klingler est nettement plus dissociatif,que le débriefing originel, où le but était d’obtenir une décharge émotionnelle. Au milieu de ce diagramme, la PNL représente un mélange assez ludique d’association (ancrage de ressources) et de dissociation: lorsque le thérapeute ancre les ressources, il active tous les aspects d’un bon souvenir (modalités). Au contraire, lorsqu’il traite une phobie, il utilisera la double dissociation suivante: il demandera au client de s’imaginer au balcon d’un cinéma, regardant un double de lui-même au parterre, qui regarde sur l’écran la scène à désensibiliser. De fait le client retrouve sa capacité naturelle de détachement. La plupart des techniques de PNL jouent sur ce principe: apprendre à décomposer la perception globale selon les différentes modalités (les différents sens) et sub-modalités (sombre/clair, proche/éloigné, couleur/noir-blanc, mobile/statique) sensorielles. Le souvenir est traité comme une scène de film que le technicien, en post-production, peut modifier considérablement. La PNL a également repris le principe de la Gestalt Therapy en restituant aux parties de la personnalité leur rôle positif. Tout à droite, l’EFT - qui soit dit en passant est largement inspiré de la PNL - possède un très grand potentiel dissociatif. En choisissant les justes mots, le thérapeute peut commencer la thérapie doucement et stabiliser au fur et à mesure. Les variations de l’EFT - eft2 et eft3 - ajoutent encore des dimensions dissociatives supplémentaires.

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Formes dissociatives d’EFT Au-delà de l’EFT Les technique d’EFT standard utilisent un protocole à la première personne, avec un tapotement sur le corps réel du patient. Cette forme correspond à la démarche classique de la plupart des psychothérapies. Gary Craig et ses collègues ont expérimenté d’autres formes, moins conventionnelles. Il a parfois tapoté sur lui-même ou un client, pour traiter le problème d’une tierce personne (EFT proxy ou surrogate, cf. «EFT for PTSD» de Gary Craig, 2008 ). Dans ce cas, il utilise parfois une formulation à la deuxième ou à la troisième personne. Cependant, la cible de ce travail sera l’autre personne. Plus intéressante est la technique de borrowing benefits (partager les bénéfices ). Lorsque il faisait une démonstration devant un groupe de personnes, Gary Craig demandait aux spectateurs de soutenir son travail en tapotant en même temps, avec les mêmes phrases que lui; il remarqua alors que ceux-ci profitaient également de la séance, à condition d’avoir défini un problème au départ. Carole Look, une experte en EFT, propose même à ses clients de tapoter sur les problèmes des personnages, lorsqu’ils regardaient un film à la télévision. Avant de développer l’eft3, j’ai moi-même également expérimenté avec des changements de perspective, soit en faisant à la victime prendre la position - et donc les répliques de l’agresseur-, soit en utilisant une formulation à la deuxième-personne (Craig, Dawson). Matrix Reimprinting Voici comme dans son livre «Matrix Reimprinting using EFT» (2010) Karl Dawson raconte une intéressante découverte qu’il a faite en 2006: Pendant une séance d’EFT l’une des participantes, qui travaillait sur un souvenir hautement traumatique, déclara soudain: «Je peux voir l’image de mon moi plus jeune tellement clairement que je pourrais tapoter sur elle (...). Je l’encourageai à le faire, avec un résultat surprenant. C’est ainsi qu’est né le Matrix Reimprinting». 50


Dawson, citant les travaux de Sheldrake, décrit «l’enfant intérieur» comme une réelle entité énergétique, située dans un espace extra-corporel, qu’il nomme matrice. Pour prendre contact avec cet «ECHO» (Energetic Consciousness Hologram) il demande à son client de s’imaginer aller à la rencontre de l’enfant et avec sa permission préalable, de tapoter directement sur lui. Pendant ce processus, le thérapeute tapote sur le client. Dans son livre, Dawson reste assez réticent par rapport à l’auto-traitement (p.ex. à la maison). Eft3 et Matrix Reimprinting A première vue, eft3 peut sembler être une copie de Matrix Reimprinting à la troisième personne. C’est ce que j’ai cru moi-même au début. De fait, comme on le verra ci-dessous, non seulement j’avais mal compris les indications de Dawson, mais j’ai intuitivement importé tellement d’éléments propres, acquis au cours des trente années passées ou découverts dans mon travail avec mes patients en 2011- 2012, que le résultat est véritablement une technique complètement différente. Un soir que j’étais en train de relire le livre de Dawson, je butai sur un détail qui m’avait échappé jusque là. Comme on le voyait également dans ses vidéos, l’auteur demande à la patiente de s’imaginer tapoter sur l’enfant, donc de se voir le faire. De cette manière, il fait «monter» sa cliente sur la scène imaginaire. Dans ma technique, la patiente «reste dans la salle». J’insiste presque à chaque séance sur le fait, que le «je» est assis sur la chaise, à côté de moi, tandis que le double, impérativement décrit à la troisième personne, est de l’autre côté de la ligne, sur la scène. Pour renforcer l’illusion, je demande au patient de physiquement faire le geste de tapoter sur le double imaginaire. Ou parfois même d’imaginer la sensation du contact lorsqu’il tapote sur le double. Donc, seul la main, ou tout au plus le bras, passe dans l’espace imaginaire. Je lui accorde le pouvoir «magique» Cette manière de faire permet de mieux ancrer le patient dans l’ici et maintenant (présentification). Par ailleurs je montre à la plupart des patients comment effectuer sur eux-mêmes le double tapotement. Cela renforce leur autonomie et accélère le processus de guérison.

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Frontière imaginaire

La main magique Espace imaginaire «le double»

Espace réel Patient sur la chaise

Le graphique ci-dessus illustre le principe de l’eft3. Au cours de ma formation en PNL (2004-2005) j’ai été constamment entraîné à distinguer entre l’état associé et dissocié. Rappelons qu’il s’agit bien d’une distinction technique, d’un changement de perspective, et non d’une description clinique (trouble dissociatif). Selon ce schéma, le patient effectue le tapotement à partir de sa chaise. J’évoque souvent une main ou bras «magique» permettant en imagination d’accompagner le double dans tous ses mouvements. Le tapotement (effectué par le thérapeute ou le patient lui-même) sur le corps réel du patient renforce son système énergétique et réaffirme sa présence ici et maintenant.

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L’enfant intérieur existe-t-il réellement? Dans son livre «Matrix Reimprinting» Dawson postule l’existence de complexes énergétiques, situés à la périphérie du corps, qui prennent la forme d’enfants, témoins du passé, avec lesquels il est possible de dialoguer. Le dépôt de la mémoire ne serait donc pas à l’intérieur du cerveau, mais à l’extérieur, dans une «matrice d’énergie». Dawson s’appuie avant tout sur le concept de champs de pensée de Sheldrake: idée intéressante, mais qui manque de validation scientifique. Cette personnification des souvenirs - «l’enfant intérieur» (the inner child) - est souvent utilisée par certains auteurs d’ouvrages de développement personnel. Dans le passé ce sont les contes (Le Petit Poucet, Peter Pan...) qui ont évoqués des enfants perdus, reflétant un fait bien réel, celui de la maltraitance infantile. Mais récemment, les nouveaux travaux sur la dissociation structurelle ont révélé l’existence d’autres «enfants perdus» : perdus non plus dans une forêt ou sur une île magique, mais à l’intérieur du Soi, hors du champ de la conscience, protégés par une amnésie dissociative. Nous en parlerons dans les pages suivantes. Pour terminer cette comparaison avec l’approche de Matrix Reimprinting, je pense que les références théoriques sur lesquelles j’appuie mon travail sont totalement différentes de celles de Dawson. Sans être un adepte absolu des «sciences dures», on est forcé d’admettre que les notions de «champs de forme» et de «mémoire cellulaire» sont au stade actuel de la science encore hypothétiques. Mon cadre de référence est celui de la psychotraumatologie (Janet, Kluft, Nijenhuis, van der Kolk, etc.) et de la neurophysiologie (Ledoux, Porgès, Damasio, Kandell, Shore, etc.). Tout en continuant à développer la technique de l’eft3, je vois mon rôle dans une transmission d’un savoir d’expert à un large public.

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Etats du Moi (Ego States) Passer d’un Etat du Moi à l’autre? La thérapie des Etats du Moi (Ego States Therapy) a été développée par le couple d’hypnothérapeutes américains John et Helen Watkins - le premier cas fut publié en 1949 par John Watkins. Par opposition aux patients présentant des troubles dissociatifs de l’identité, où les parties se manifestent spontanément, c’est au cours d’une séance d’hypnothérapie que John Watkins avait mis en évidence chez un jeune officier plusieurs «entités» psychiques . Celles-ci n’apparaissaient donc d’elles-mêmes mais devaient être activées par induction hypnotique. Plus tard de nombreuse observations semblables furent décrites chez d’autres patients. Lorsque une «personnalité multiple» (TDI) bascule (switch) d’une partie de personnalité à une autre, elle ne lfe fait pas de l’extérieur. Elle EST véritablement quelqu’un d’autre et n’a pas conscience du changement. Elle emporte pour ainsi dire son «moi» avec elle: ce nouvel état a la qualité du «je». D’ailleurs le changement est telle que son métabolisme, le dosage de ses médicaments, sa voix, son âge subjectif, son comportement, son rôle social est complètement différent. Des études (Reinders) basées sur les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale confirment qu’à chaque part de personnalité qui se présente correspond un patron d’activation cérébrale différent. Des parties différentes du cerveau «s’allument» spécifiquement à chaque fois. Les recherches n’ont pas pu encore montrer de semblables changements pour les Etats du Moi. On peut supposer que lors de flashbacks, où le sujet complet est plongé dans un nouvel état, une nouvelle carte d’imagerie cérébrale se manifeste.

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Et si je ne switche pas? En psychothérapie courante, à moins d’être spécialisé dans le traitement de TID, nous voyons rarement un patient changer brusquement d’identité (switch). Le patient que nous rencontrons est classiquement un sujet adulte, qui rapporte différents souvenirs ou sensations issus de l’enfance. Par un effort d’imagination il va essayer de les réactualiser : «Oui, je me rappelle cette scène. J’étais là ..., je me suis dit ...». Cette tentative de retrouver son passé est sincère. Pourtant elle est sujette à beaucoup de distorsions. Non seulement la mémoire n’est pas toujours fidèle : elle omet et rajoute. Mais la plus grosse distorsion vient du fait même que le Moi qui se rappelle est un Moi adulte. Chez les patients sans bascule (sans switch), ces états de conscience ne sont pas personnalisés comme chez les patients avec un TID («multiples». A quelque part, le patient conserve conscience de son identité adulte. Ainsi dans une séance de thérapie, s’il est invité à revivre une scène de son enfance, il le fera à la première personne. Il va devoir prétendre ressentir authentiquement son passé. Pourtant, je le crains, le résultat est faussé. L’ego est comme un éléphant tentant d’entrer dans une maison (ici l’espace imaginaire). Cela fait penser à ces parents qui, à l’aide de livres ou de grandes discussions entre adultes, cherchent à comprendre leurs adolescents. Pourtant, même revécu dans un profond état d’hypnose (et peu de thérapeutes sont capables d’induire un tel état), le souvenir n’est pas identique à l’expérience passée. Il s’agit plutôt d’une sorte de rêve où l’on sait encore que l’on rêve. C’est pourquoi pour la plupart d’entre nous, nos souvenirs sont revécus de l’extérieur. Honnêtement, est-il possible à une personne de 60 ans de ressentir vraiment comment c’était d’aller à sa première boum ? Devrions-nous parler alors « d’états de non-moi »? L’eft3 offre une approche radicalement différente : à la troisième personne.

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Event memory, state memory Il est très important de distinguer le souvenir d’un événement (event memory) et le souvenir d’un état (state memory). Il s’agit effectivement de deux types de mémoire différents. Nous faisons au cours de la vie une multitude d’expériences. Il en reste un souvenir épisodique, c’est à dire un événement que l’on peut raconter. En général nous aurons en l’évoquant inévitablement un ressenti personnel plus ou moins fort, selon si ce souvenir est chargé ou non d’émotions. Nous pouvons très bien avoir enregistré un état corporel/émotionnel particulier en oubliant par dissociation à quel événement il se rapporte. C’est le cas des gens souffrant de crises de panique qui se déclenchent sans raison apparente. Ils ont appris, parfois longtemps auparavant, à avoir peur. Cet état devient de plus en plus «facile» à recréer (neuroplasticité). Je pense qu’en imaginant qu’il existe vraiment’un enfant intérieur, nous personnifions le souvenir d’un état émotionnel (state memory). Et nous avons raison de le faire. C’est le meilleur moyen d’accéder à ces circuits neuronaux qui simulent notre passé, pour le meilleur et pour le pire. Comme vu plus haut, c’est presque une mission impossible que de ressentir le passé authentiquement. Or l’eft3 montre que, par l’artifice d’une technique dissociée, il est possible de s’approcher de très près de l’enfant intérieur. Au lieu d’être un adulte qui prétend être un enfant, nous allons nous présenter à l’enfant comme son futur, tout en lui laissant sa vie propre. L’eft3 travaille avec l’enfant intérieur à distance. Car nous devons rester à l’extérieur de la scène. Nous pouvons juste voir, entendre et deviner et tapoter sur l’enfant, comme une infirmière touchant gentiment un prématuré dans son isolette. Devenir son propre thérapeute Lorsque je travaille avec l’eft3, j’aime expliquer au patient que ce n’est pas vraiment moi qui le guérit, mais qu’il a maintenant la possibilité d’aider son enfant intérieur. Une nouvelle sorte de relation avec soimême s’installe, faite d’acceptation et de compassion.

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Chapitre 3 L’eft3: une technique dissociative d’EFT

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Une théorie de l’eft3 Je, moi, et le monde “Que ressentez vous, et qu’est-ce que ça vous fait?” c’est la question standard du „psy“ de service dans les films d’Hollywood (p.ex. Jamie Lee Curtis dans Freaky Friday, trad. Dans la peau de ma mère). Mais, est-ce vraiment la meilleure façon d’atteindre notre moi intérieur? Jusqu’à nos jours, ce modèle de psychothérapie, basé sur la perspective du „Je“, semble être la seule valable. Dans leur livre “Ego States Theory and Therapy” (Etats du moi : théorie et thérapie), John et Helen Watkins font une présentation exhaustive du travail du psychanalyste autrichien Paul Federn immigré à New York. Elève de Freud, il fut le précurseur du concept d’«états du moi». Federn avait des difficultés à accepter le concept freudien de libido. Il créa donc une Théorie des Deux Energies (Two Energies Theory). Il postula l’existence de deux sortes d’énergies. La première est une énergie du Moi, dirigée vers le sujet lui-même, lui donnant le sens de soi (self or me-ness). La seconde est une énergie objectale, dirigée vers les objets du monde externe. Amour de soi et empathie Comment réagissez-vous lorsque vous voyez des images brutales au journal du soir ? Ou quand vous lisez dans la presse le récit des « horreurs » qui quotidiennement sur « les autres » ? Essayez-vous de ressentir leur peine, avec empathie ? Dites-vous pour vous-mêmes : « Pff, j’ai de la chance !» ou encore « Ça suffit comme ça, fichezmoi la paix avec toujours ces horreurs. J’ai déjà assez de problèmes»-? Comme le montre la science, l’empathie et la compassion ont sauvé l’humanité. Grâce à l’ocytocine, hormone de l’amour et de la tendresse, les humains prennent soin des leurs, en particulier de leurs enfants. Une mère sous consommation d’héroïne, qui a entre autres pour effet de bloquer les récepteurs cérébraux à l’ocytocine, ne réagira plus aux cris de son enfant; cette indifférence le met donc en danger. Beaucoup de patients ont une mauvaise relation avec eux-mêmes : il semble qu’il leur est difficile de se protéger et de prendre soin adéquatement de soi. Mais ils seront parfaitement efficaces lorsqu’il s’agira de s’occuper des autres. Pouvons-nous leur apprendre à appliquer cette force positive à eux-mêmes ? Le eft3 fournit les moyens de l’apprendre. 60


Protocole d’eft3 Problème 1. Quel est le problème? 2. Raconter l’histoire (pont affectif?) 3. Créer le double (adulte ou enfant) 4. Observer 5. Décrire

Solution 6. La préparation: longue phrase à la 3ème personne + double tapotement sur le point 1 7. La séquence: phrase courte de rappel + double tapotement sur les points 2 à 10 8. Observer le changement et décrire 9. Prochaine étape: nouvelle phrase? Nouveau double? Travail de ressource? 10. Réintégration N.B. Vous pouvez constater d’emblée quelques différences avec l’eft1. Il n’y a pas de calibrage (SUD). Celui-ci n’est pas nécessaire car l’observation du double nous donne un feed-back immédiat. La description «phénoménologique» est directement utilisée comme phrase pour la préparation et la séquence. Il n’y a donc pratiquement pas de recherche laborieuse de phrase (et donc pas de test musculaire!). 61


Exemple de séance d’eft3 Une séance d’eft3 commence de la même manière que eft1. Nous pouvons passer sans problème d’une technique à l’autre au cours d’une séance. Dès que nous avons identifié le problème à traiter – et éventuellement écouté l’histoire, suggérant un pont affectif vers une scène du passé – le thérapeute demande au patient de créer un double de soi, situé juste devant lui, sur une sorte de scène imaginaire. La main magique Patient Double Thérapeute !

Exemple de protocole - Bon Susanne! Tu vas créer un double de toi-même. Je fais un mouvement de la main vers l’avant, désignant l’espace devant nous. - Disons, une fille de ton âge, qui te ressemble exactement, mais nous allons parler d’elle à la troisième personne: nous allons dire .... cette jeune fille. Elle a les mêmes problèmes que toi, .... la même situation. Moi, je tapote sur toi et toi, tu tapotes sur elle, exactement aux mêmes endroits que je le fais. Je peux prendre ta main? Tout en soutenant son poignet gauche de ma main droite, je tapote de ma main gauche sur le tranchant de sa main gauche (point karaté). Soit je fais observer le double, soit je commence tout de suite avec la phase de préparation. - Regarde la, quelle tête tête elle fait. Imagine que tu rencontre cette personne dans le bus ou dans le train, et que tu l’observes. Que vois-tu? Tu n’es pas vraiment obligée de voir. Imagine que tu vois, prétend que tu vois. - Elle est fâchée! Je lui demande de tapoter de la main droite sur le point karaté gauche de son double, en répétant après moi la phrase de préparation.

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- Même si cette jeune fille est fâchée... elle s’accepte elle-même complètement et pleinement. Durant tout l’exercice je veille sans cesse à rester dans la perspective dissociée - décrire à la troisième personne -, bloquant systématiquement les tentatives de ma patiente de parler à la première personne. Je l’empêche aussi de décrire des analyses ou des interprétations qui ne cadrent pas à cette perspective dissociée. Nous sommes dans une approche strictement «phénoménologique». Après l’exercice toutefois, la patiente est libre de faire des commentaires à la première personne, de citer un souvenir qui soudain lui vient à l’esprit: elle ne parle alors plus du double, mais de soi-même (le je sur la chaise. Nous tapotons ensemble les points 2 à 10 en utilisant la phrase courte de rappel «Elle est fâchée» Une fois la séquence terminée, je lui demande d’observer le changement. Pas d’un point de vue subjectif - comment elle se sent? - mais objectif: - Regarde là: quelle tête fait-elle maintenant, qu’est-ce qu’elle fait? On peut décrire une attitude, un comportement, - elle se cache, elle sourit, elle court, elle fuit, elle a disparu). Parfois la patiente va interpréter: _ Elle se dit que ça ne vaut pas la peine de vivre - Comment tu vois ça? qu’est-ce qui te faire ça, dans son attitude. Qu’est-ce que tu vois? Parfois je travaille avec cette interprétation - nous faisons de même dans la vie courante -, mais en général j’insiste pour obtenir une description extérieure. En général je prends la première phrase qui vient. - Elle a l’air si désespérée, comme si allait crever». Mise en place, séquence à la troisième personne - Elle ne bouge pas. Mise en place, séquence à la troisième personne Nous continuons ainsi à traiter chaque description négative. Invariablement une transformation du double est observée. Les descriptions positives - elle sourit, elle se protège, elle est forte - sont traitées de la même manière, que les descriptions négatives. En effet les réactions positives sont souvent l’objet de blocages, de commentaires internes dépréciatifs ou dubitatifs. Le tapotement va renforcer l’attitude positive. Lorsque le double est parvenu à un état satisfaisante (joie, force,...) nous pouvons clore l’exercice. Si le double est en difficultés, je fais intervenir les ressources. La fin de l’exercice n’est pas toujours euphorique: l’enfant doit apprendre à survivre tout seul, mais il le peut. Le patient doit faire le deuil d’une enfance heureuse, d’une mère chaleureuse, d’un père respectueux. Même ainsi, la séance va mettre en marche un important processus de guérison.

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Comme vous le voyez, dans ce processus thérapeutique, le patient est invité à laisser de côté complètement ses propres affects (sensations corporelles et émotions) pour se concentrer sur: «Qu’est-ce que je vois (et entends)?». C’est un processus avant tout visuel, donc distancé. C’est surprenant d’observer les patients déclarer qu’ils voient tel ou tel changement. Celui-ci n’est ni senti ni pensé, il est constaté de l’extérieur et en a d’autant plus de force. Bien sûr à la fin, on pourra demander à la patiente: «Comment vous sentez-vous maintenant?». Le thérapeute doit insister “Regardez, c’est comme à la télévision. Vous regardez le film, vous voyez, vous entendez, vous pouvez essayer de deviner ce que l'héroïne du film se fabrique comme pensées ou ce qu’elle ressent. Vous, dans votre siège, vous êtes là avec vos émotions et votre corps -ressenti corporel. Là, c’est l’espace imaginaire, et ici sur la chaise, l’espace réel, là où est votre corps, maintenant. J’insiste aussi: «Vous êtes le thérapeute, vous faites le travail sur votre double, sur votre enfant intérieur».

Réintégration A la fin de la séance, le thérapeute demandera au patient de faire une petite inspiration et de reprendre en luimême tous les doubles qui ont été créés au cours de la séance (à l’exception des doubles représentant des autres personnes). Vous allez faire un mouvement de la main, comme ceci (de l’espace virtuel vers sa poitrine) et pendant que vous inspirez, vous ramenez en vous cette jeune femme/ cet enfant.

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Retrouver l’enfant en soi (pont affectif) Avec l’eft3 nous pouvons créer n’importe quel double, de n’importe quel âge, depuis l’embryon jusqu’au vieillard. Souvent le processus thérapeutique va faire émerger une association avec une situation d’enfance. Ce que les spécialistes nomment pont affectif (affect bridge). Avec cette technique il n’est pas nécessaire de régresser soimême à un état d’enfance. Il suffit de créer ou de laisser apparaître un double correspondant et commencer à travailler sur lui. On pourrait parler de transe hypnotique différée puisque le patient n’a pas besoin de prétendre être dans un état émotionnel régressif. L’enfant intérieur prend en charge ce travail avec l’aide du moi qui de l’extérieur observe, accompagne et témoigne de la compassion. - Bon Nadine! Il semble que c’est un vieux problème. Tu vas créer un double qui a l’âge que tu avais quand ce problème est apparu. Tu la vois? Quel âge a cette petite fille? - Douze ans - Qu’est-ce qu’elle fait, elle fait quoi comme tête? - Elle se cache - Même si cette petite fille se cache, elle ...(Nous tapotons ensemble). - Et maintenant, quelle tête elle fait - Elle regarde autour d’elle , je crois qu’elle est curieuse, elle a remarqué que quelqu'un est là - Même si cette petite fille est curieuse de savoir qui est là ... (nouveau tapotement) Nous continuons l’exercice, accompagnant la petite fille jusqu’au moment où elle va sourire et se montrer contente. A la fin Nadine retourne l’attention sur soi-même, assise sur sa chaise. Elle se déclare détendue. La situation adulte est réexaminée. Puisque le problème est résolu, nous pouvons clore. La petite fille est réintégrée (inspiration et geste). N.B. En eft3 nous n’instaurons jamais de dialogue avec l’enfant. Si nous voulons un échange, nous envoyons un double adulte sur la scène qui parlera avec l’enfant. Ce dialogue sera visualisé, sans être forcément «entendu». Dissociation oblige!

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Travailler avec les ressources Il arrive souvent que la solution du problème n’émerge pas aussi spontanément que dans l’exemple précédent. Plutôt que de laisser le patient s’enfoncer peu à peu dans sa détresse, nous pouvons l’aider assez rapidement en utilisant des ressources. Il peut s’agir: • d’un double de soi plus âgé (en général actuel). • d’une personne de référence réelle (amie, tante, marraine, professeur, ...) • d’un animal connu ou imaginé • d’un être magique (fée, ange, dragon, magicien, ..) Exemple fictif: - Bon Sylvie, cette enfant semble désespérée. comment pouvons nous l’aider? J’attends un peu. Comme rien ne vient, je fais quelques suggestions). - Ça pourrait être n’importe quoi: un ami, une bonne fée, un bon géant, un ange, un dragon, un chien , un lion ... - Un lion! Il est aux pieds de l’enfant et il la protège. De temps en temps il rugit. - Oh! tu peux l’entendre? Quel bruit il fait? - RRRaaaaa! (elle sourit) N.B. Dans cet exemple je passe un instant, d’une manière discrète, du mode dissocié visuel à un mode associé (elle rugit et sent la force du lion dans son corps) pour ancrer le sentiment de force dans son corps physique. Souvent je demande à la patiente d’envoyer le double adulte «sur la scène». Je laisse les deux doubles interagir. Peut-être vont-ils s’ignorer, ou tomber dans les bras l’un de l’autre. Un dialogue, silencieux ou audible se crée. Le thérapeute apprend ainsi beaucoup de choses sur les rapports internes de la personne. L’adulte peut instruire l’enfant, parfois l’enfant peut approcher une solution originale. Le nombre de doubles sur la scène n’a pas d’importance, tant que l’on sait quel est le rôle de chacun. 66


Intégration trans-personnelle Apprivoiser ses monstres intérieurs Puisque nous travaillons sur la scène intérieure à la troisième personne (eft3), nous pouvons non seulement faire intervenir des doubles et des ressources, mais également des agresseurs (personnes ou monstres). Par la magie du tapotement, ils vont être désensibilisés et se transformer. Parfois le personnage évoqué (p.ex. un père toujours absent) ne réagira pas du tout : un message clair pour le patient qui, une vie durant, a lutté pour recevoir de l’attention de ce père indifférent. Traitement collectif Selon C.G. Jung les tragédies collectives sont emmagasinées dans « l’Inconscient Collectif ». Des chapitres entiers d’histoire ont été censurés par des gouvernements ou par les victimes elles-mêmes, passant ainsi inconsciemment aux prochaines générations. Parfois les enfants des bourreaux portent également ce poids. Meurtres, viols, torture et violence raciste peuvent devenir une partie de l’histoire d’une famille ou même de tout un peuple. Que l’on pense seulement aux trois derniers siècles de notre histoire : esclavage (Afrique, Amérique), génocides (Juifs, Arméniens et Bosniens) extermination en masse (Sibérie, Cambodge), viol systématique (Corée). La patiente peut donc en pensée tapoter sur un collectif de personnes, famille avec ses ancêtres, peuple entier. On utilisera la formulation : « Même si ce peuple/ces gens » (eft6). Il est bien sûr possible d’utiliser le nous (eft4) ou le vous (eft5). Il est cependant nécessaire d’utiliser un double ou plusieurs doubles, qui va/vont personnifier ce collectif. Ainsi, nous pouvons continuer à appliquer la technique énergétique de l’EFT qui se fait toujours sur un corps. Tapoter ainsi est une manière de « laver les plaies » d’un groupe, d’apporter compassion, de créer un rituel de deuil. C’est un transfert d’énergie de guérison de l’espace de la chaise (patient) vers l’espace symbolique. C’est reconnaître la souffrance passée d’une ethnie.

Eft0

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Recommandations Attention! Malgré cette façon dissociée de travailler, ou peut-être justement pour cette raison, eft3 est une technique puissante. Je recommande donc d’avoir assez d’expérience avec le EFT avant de passer au eft3. Je proposerais également de toujours commencer la séance avec quelques rondes d’eft1 pour renforcer le « soi sur la chaise ». Je le répète : l’eft3 n’est pas une thérapie, c’est un outil de travail. En de bonnes mains il fera des miracles, en de mauvaises mains des catastrophes. Expérience, intuition et connaissances (en particulier à propos de la psychotraumatologie et de la dissociation) sont nécessaires pour mener à bien une thérapie. La parole est d’argent, le silence est d’or, dit le proverbe. Souvent des patients atterrissent chez des experts spécialisés après avoir été traités par des amateurs imprudents. Une fois la boîte de Pandore ouverte, il est difficile de la refermer. Moins, c’est plus Si en tant que thérapeute, vous parvenez à renoncer au désir de d’aller toujours plus loin dans la thérapie et de retourner chaque pierre de ce jardin intérieur, vous trouverez le juste milieu. Osez être banal, trivial, superficiel, mondain. Renforcer les ressources simples. Comme je le répète : « Ouvrez la porte et commencez à balayer la neige ! ». L’EFT et l’eft3 sont des thérapies des « petits pas ». Depuis que j’ai commencé à travailler avec l’EFT, et plus encore avec l’eft3, mon travail thérapeutique – et ma vie personnelle – est devenu radicalement plus facile, plus efficace et plus sûr. Bon travail! Marc Muret, 9 septembre 2012 à 12.00 68


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Impressum Texte et graphiques: Marc Muret Photos: www.fotolia.com + photo de l’auteur Lectorat: Françoise Dind Ce tutoriel est visible sur www.eft3.com/fr/tutoriel/ Ce texte n’est pas définitif et sera encore soumis à des remaniements/corrections périodiques. Il est soumis au copyright d’auteur: texte, graphiques et photos Adresse: Dr. med. Marc Muret Höschgasse 68 CH - 8008 Zurich drmuret@eft3.com


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