JA 2643 du 4 septembre 2011

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Maghreb Moyen-Orient La révolution a révélé de profondes fractures sur les plans politique et social. Une réconciliation nationale est-elle possible ?

Quelle que soit la responsabilité des uns et des autres, si on veut la démocratie, on ne peut rester dans l’exclusion. Certes, on doit demander des comptes et laisser la justice accomplir sereinement sa tâche. Mais on ne peut ignorer les avertissements et appels d’intellectuels, de militants des droits de l’homme, de juristes quant à la nécessité d’une réconciliation nationale. Les hommes politiques, même les plus modérés, ont

Les islamistes doivent clairement expliciter leurs orientations. fait l’expérience de l’exclusion, en ont souffert, savent l’impact qu’elle peut avoir et les fissures qu’elle crée dans une société. Construire un avenir n’est possible qu’en réunissant toutes les forces et les compétences du pays. Un parti implique une vision et un programme. Que proposez-vous pour la Tunisie ?

Notre avenir réside dans la compétition et dans la compétitivité afin d’atteindre le niveau de pays émergents tels que le Brésil et l’Argentine. Nous pouvons faire la différence avec l’élément humain, mais il est clair que le capital n’a pas de sentiment et que nous devons cesser de nous appuyer sur l’État-

Bio express 9 mai 1948

Naissance à Hammam Sousse 1977

Intègre le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés 1990

Directeur du HCR pour l’Asie du Sud-Est, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient 1996

Représentant permanent de la Tunisie auprès de l’office de l’ONU, à Genève 1999

Représentant spécial du directeur général de l’ONU pour la RD Congo 2005

Ministre de la Défense 2008

Siège au comité central du RCD 2010

Ministre des Affaires étrangères, intègre le bureau politique du RCD 27 janvier 2011

Démissionne du gouvernement provisoire 1er avril

Son parti, El-Moubadara, voit officiellement le jour

providence, bien que le rôle de ce dernier soit toujours stratégique. Sur le plan économique, nous ne pouvons faire moins que de nous inscrire dans une économie de marché avec une approche régionale et continentale soutenue et le

DANS LA LIGNÉE DE KHEIREDDINE « J’AURAI CERTAINEMENT UN RÔLE, mais pas nécessairement de premier plan », déclarait Kamel Morjane en quittant le premier gouvernement Ghannouchi, le 27 janvier. C’est donc fort logiquement qu’il fonde El-Moubadara (« l’initiative »), qui a obtenu son visa le 1er avril 2011. Son parti se positionne comme réformiste, dans la lignée de Kheireddine Pacha (XIXe siècle), à qui la Tunisie doit ses institutions ainsi que le cadre juridique protégeant les individus en tant que citoyens à part entière. El-Moubadara affirme soutenir toute action visant l’unité des forces et des compétences pour mener le pays à bon port : « Nous sommes prêts à coopérer avec n’importe qui et n’importe quel parti, souligne Morjane, à condition qu’il partage les valeurs républicaines. Il n’est pas normal que la situation politique en Tunisie soit aussi segmentée. Il faut bien que nous nous accordions sur les points essentiels et formions des coalitions. » ● F.D. N o 2643 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2011

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développement de technologies à forte valeur ajoutée. Par expérience, je suis convaincu que le dialogue Sud-Sud et l’ouverture sur l’Afrique seraient porteurs pour l’économie. L’Europe reste un partenaire privilégié, mais la Tunisie en est trop dépendante, puisqu’elle réalise avec elle 75 % à 80 % de ses échanges. À ce fait économique, on peut ajouter la déception par rapport au statut avancé avec l’Union européenne [UE]. Depuis le 14 janvier, on s’attendait à un progrès sur ce dossier puisque la révolution a enclenché la mise en place d’un processus démocratique et que les conditions de l’UE étaient ainsi remplies. L’émergence des islamistes a abouti à une redistribution des cartes. Quel est votre avis sur la montée en puissance du parti Ennahdha ?

Les idéologies extrêmes n’apportent rien de bon. Les partis islamistes ne sont pas convaincants sur l’essence même d’un islam d’ouverture et d’avenir. Par ailleurs, il est bien difficile de traiter avec des personnes ou un parti qui ne se réfèrent qu’à un seul livre. Cela dit, il ne faut pas non plus tomber dans l’exclusion, mais demander aux responsables islamistes d’expliciter clairement leurs orientations en évitant le double langage. Il s’agit de construire la Tunisie. C’est une responsabilité collective. Chacun doit jouer son rôle, mais aussi travailler avec les autres. Une démocratie ne s’invente pas, elle se pratique dans le respect d’autrui et des lois. Les institutions ont été ébranlées par la révolution et certaines sont dans l’obligation de se réformer. Quelles sont les priorités ?

Les réformes sont nécessaires et même urgentes, mais il s’agit d’abord de retrouver un équilibre. La période de remous que nous traversons est une étape obligatoire, mais on met en péril nos institutions en nous éternisant dans le provisoire. Il faut que le gouvernement retrouve une légitimité au plus vite, pour sa crédibilité tant nationale qu’internationale, car il n’y a pas que la politique. Aujourd’hui, les États sont comptables de leurs réalisations et performances économiques. Aussi devons-nous veiller à ce que la Constituante ne s’installe pas dans la durée et aboutisse rapidement à l’instauration de la IIe République, afin d’aller vers des élections essentielles. ● JEUNE AFRIQUE

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