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LE CLASSEMENT EXCLUSIF DES 54 PAYS AFRICAINS

Hebdomadaire international indépendant • 54e année

HORS-SÉRIE NO 35

jeuneafrique.com

L’Afrique en

L’AFRIQUE DU NORD DANS TOUS SES ÉTATS CROISSANCE LE CONTINENT VA-T-IL AUSSI BIEN QU’ON LE DIT ? DÉFENSE CE QUE VALENT VRAIMENT NOS ARMÉES PORTRAITS DIX PATRONS PLEINS D’IDÉES ET… D’AVENIR

2014 Toutes les clés pour comprendre les (r)évolutions du continent Avec les contributions de

État de l’Afriqu e 10 e édition

NO UV ELL E F O R M ULE

Desmond Tutu, Alpha Condé, Donald Kaberuka, Tidjane Thiam, Yadh Ben Achour, Mo Ibrahim, Alain Mabanckou, Achille Mbembe, Jeffrey Sachs, Joseph Stiglitz, Carlos Lopes, Hakim Ben Hammouda, Boubacar Boris Diop…

ÉDITION GÉNÉRALE France 7,90 € • Algérie 420 DA • Allemagne 9 € • Autriche 9 € • Belgique 9 € • Canada 12,99 $ CAN • États-Unis 12,99 $ US • Éthiopie 110 birrs Finlande 9 € • Grèce 9 € • Guadeloupe 9 € • Guyane 12 € • Italie 9 € • Maroc 50 DH • Martinique 9 € • Mauritanie 2500 MRO • Mayotte 12 € Pays-Bas 9 € • Portugal cont. 9 € • Réunion 9 € • Royaume-Uni 8,50 £ • Suisse 15 FS • Tunisie 8 DT • Zone CFA 4800 F CFA • ISSN 1959-1683


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ÉDITORIAL Rédaction en chef Marwane BenYahmed, avec Ophélie Négros

MARWANE BEN YAHMED

Rédaction en chef adjointe Olivier Caslin (économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (culture) Direction artistique MarcTrenson Iconographie DanTorres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier Secrétariat de rédaction Sabine Clerc, Bruno Levesque, Marie Martin, LouisaYousfi Statistiques Jérôme Besnault Rédaction graphique Sydonie Ghayeb Infographies Christophe Chauvin, Éric Lemière Révision Nathalie Wallon-Bedjoudjou (chef de service), Pauline Langlois, Vladimir Pol Publicité Difcom, Groupe Jeune Afrique, 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris Ont collaboré à ce hors-série : Pascal Airault,Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba, Stéphane Ballong, Pierre Blaise, Ryadh Benlahrech, Christophe Boisbouvier, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Julien Clémençot, Frida Dahmani, Muriel Devey, Georges Dougueli, Vincent Duhem, Alain Faujas,Tony Gamal Gabriel, Samy Ghorbal, Glez, Clarisse Juompan-Yakam,Trésor Kibangula, Christophe Le Bec, Frédéric Maury, Omer Mbadi, Nicolas Michel, Baudelaire Mieu, Patrice Nganang, Haby Niakate, Mathieu Olivier, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Benjamin Roger, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Nicolas Teisserenc, LaurentTouchard, Tshitenge Lubabu M.K., Fiacre Vidjingninou

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Vessies et lanternes

C

réé en 2004, notre hors-série annuel «L’étatdel’Afrique»s’offreuneseconde jeunesse et change à l’occasion de sa dixième édition. Sur la forme, puisqueleshabituésdécouvrirontunenouvelle maquette,maissurtoutsurlefond.Désormais intitulé « L’Afrique en 2014 » et publié en cette find’année(alorsquelesprécédentesparutions avaient lieu en avril), il se veut plus prospectif. Les bilans, aussi élaborés et précis soient-ils, ne suffisent plus à dessiner les contours d’un avenir qui suscite bien des interrogations tant l’image de l’Afrique est trouble.

Jadis, il y a près d’une décennie, elle incarnait le continent maudit, terre de pauvreté, de conflits permanents, de pandémies et de coups d’État à répétition. Plus récemment, elle s’est métamorphosée pour devenir aux yeux du monde, et des investisseursenparticulier, la dernière frontière du développement, la deuxièmezonedecroissance (après l’Asie) de la planète,avecunPIBglobal qui a plus que triplé en seulement dix ans. Et uncontinentquiregorge – même si par certains aspects il ne s’agit pour l’instant que d’un potentiel à exploiter – de tout ce dont les autres ont besoin: matières premières, évidemment, mais aussi terres cultivables, sources d’énergie (renouvelable ou non), eau, capital humain (dans vingt ans, la population en âge de travailler y sera la plus jeune et la plus nombreuse au monde, devant l’Inde ou la Chine), perspectives alléchantes de développement économique, nouveaux marchés à conquérir, urbanisation accélérée, émergence de classes moyennes, etc. La réalité ? Forcément plus contrastée que ces deux extrêmes, ni l’enfer d’hier ni le paradis de demain. Mais on constate d’indéniables progrès, y compris sur le plan de la démocratisation. Car au-delà des crises malgache, malienne, égyptienne, libyenne ou centrafricaine, les élections aboutissant

à des alternances politiques, par exemple, se sont multipliées ces dernières années. Être opposant ne conduit plus systématiquement à une impasse. Notamment en Afrique de l’Ouest, championne en la matière. Bénin, Sénégal, Niger, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Ghana, Cap-Vert… Autant de pays qui ont renouvelé, certes parfois difficilement, leurs dirigeants politiques dans un laps de temps relativement court. Comment oublier, également, l’Afrique du Nord et ses zaïms réputés indéboulonnables ? Si Arabes et Berbères semblent aujourd’hui enlisés dans des transitions délicates, ils n’en ont pas moins sorti leurs nations et leurs sociétés de la catatonie en vigueur jusqu’en 2011. Un réveil certes douloureux, mais un réveil tout de même. Les raisons de croire à un avenir prometteur sont réelles, tout comme celles de douter. Équilibre instable, donc, mais c’est aux Africains de faire pencher la balance du bon côté. En corrigeant les erreurs du passé et en réfléchissant eux-mêmes à la voie qu’ils veulent emprunter, sans être obnubilés par le copier-coller de modèles utilisés ailleurs ni par les oukases des grandes puissances ou des institutions internationales. Peut-être aussi en se retroussant enfin les manches…

Les Africains doivent réfléchir eux-mêmes à la voie qu’ils veulent emprunter.

Pour vous éclairer de manière objective, rigoureuse et intelligente sur cette Afrique, ou plutôt ces Afrique qui changent plus rapidement qu’on ne le pense, nous avons fait appel aux meilleurs experts, au nord comme au sud du Sahara, dans tous les domaines. Au sein de notre rédaction évidemment, comme chaque semainedansJeuneAfrique,maisaussiàl’extérieur, de Tidjane Thiam à Desmond Tutu en passant, entre autres, par Donald Kaberuka, Achille Mbembe, Yadh Ben Achour, Mo Ibrahim, Alain Mabanckou, Boubacar Boris Diop, Jeffrey Sachs ou Joseph Stiglitz. Bonne lecture et bon voyage au cœur de l’Afrique de demain. Et rendez-vous en 2015… n 3


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SOMMAIRE

S. MCCLYMONT/GETTY

LE CLASSEMENT EXCLUSIF DES 54 PAYS AFRICAINS

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 54e année

HORS-SÉRIE NO 35

jeuneafrique.com

L’Afrique en

L’AFRIQUE DU NORD DANS TOUS SES ÉTATS CROISSANCE LE CONTINENT VA-T-IL AUSSI BIEN QU’ON LE DIT ? DÉFENSE CE QUE VALENT VRAIMENT NOS ARMÉES PORTRAITS DIX PATRONS PLEIN D’IDÉES ET… D’AVENIR

2014 Toutes les clés pour comprendre les (r)évolutions du continent Avec les contributions de

État de l’Afrique 10 e édition

NOUVELLE F O R M ULE

Desmond Tutu, Alpha Condé, Donald Kaberuka, Tidjane Thiam, Yadh Ben Achour, Mo Ibrahim, Alain Mabanckou, Achille Mbembe, Jeffrey Sachs, Joseph Stiglitz, Carlos Lopes, Hakim Ben Hammouda, Boubacar Boris Diop…

M 02939 - 35H - F: 7,90 E - RD

L’Afrique en 2014

ÉDITION GÉNÉRALE

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France 7,90 € • Algérie 420 DA • Allemagne 9 € • Autriche 9 € • Belgique 9 € • Canada 12,99 $ CAN • États-Unis 12,99 $ US • Éthiopie 110 birrs Finlande 9 € • Grèce 9 € • Guadeloupe 9 € • Guyane 12 € • Italie 9 € • Maroc 50 DH • Martinique 9 € • Mauritanie 2 500 MRO • Mayotte 12 € Pays-Bas 9 € • Portugal cont. 9 € • Réunion 9 € • Royaume-Uni 8,50 £ • Suisse 15 FS • Tunisie 8 DT • Zone CFA 4800 F CFA • ISSN 1959-1683

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Éditorial par Marwane Ben Yahmed

8

2014 dans le viseur de Glez

10

Interview Achille Mbembe, historien et politologue camerounais

10 18 ÉVÉNEMENTS 20

Hors-série n° 35

TRIBUNES 28

Yadh Ben Achour

34

Boubacar Boris Diop

46

Mo Ibrahim

56

Jeffrey D. Sachs

63

Donald Kaberuka

68

Joseph E. Stiglitz

72

Kennedy Odede

74

Tidjane Thiam

77

Sanou Mbaye

82

Hakim Ben Hammouda

90

Alpha Condé

96

Desmond Tutu

106

Alain Mabanckou

Afrique du Nord

20

Après la vague verte, le reflux 30

Nkosazana Dlamini-Zuma Mission émancipation

32

En vérité Du bon usage de la Chinafrique

36

Défense Grands corps malades

41

Renseignement Pourquoi l’Afrique est sourde

42

Sahel La guerre ne fait que commencer

Ancien président de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution en Tunisie Écrivain sénégalais

Président de la Fondation Mo Ibrahim Conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU pour les Objectifs du millénaire pour le développement Président de la Banque africaine de développement Prix Nobel d’économie

PDG de l’organisme de services sociaux Shining Hope for Communities, à Kibera (Kenya) Directeur général du groupe Prudential Ancien cadre dirigeant de la Banque africaine de développement Conseiller spécial du président de la Banque africaine de développement Président de la Guinée Prix Nobel de la paix

74

Écrivain franco-congolais

42 68 44

Élections Le Kenya fera-t-il des émules ?

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

5


SOMMAIRE

48 TENDANCES 50

Palmarès On rebat les cartes

64

PALMARÈS

2013

58

Économie L’Afrique va-t-elle aussi bien qu’on le dit ?

64

Interview Carlos Lopes, secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies

71

Population La bombe urbaine

76

Africanisation Le local a la cote

78

Croissance Chacun sa route

87

Consommation À vos marques…

88

Énergie Talon d’Achille

89

Industries extractives Fini la ruée

92

Secteur privé Esprits d’entreprises

98

Cinéma Claps africains

58

100 Culture Ces villes qui bouillonnent 109 Mythologie politique L’alphabet du rêve

109

112

54

États à la loupe 115 Afrique du Nord Incertitudes

153 Afrique de l’Est Providentiels, vraiment ?

123 Afrique de l’Ouest Onde de choc

167 Afrique australe Richesses et inégalités

143 Afrique centrale Priorité aux réformes

179 Océan Indien Tana en point de mire

186 Post-scriptum Chère souveraineté

6

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


SINGAPOUR

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2014 DANS LE VISEUR DE GLEZ TOUCHE PAS À MA CONSTITUTION ! Modifiera ? Modifiera pas ? Échaudés par les accès de révisionnite aiguë qui frappent le continent, les chantres de l’alternance démocratique auront à l’œil, entre autres, le Burkinabè Blaise Compaoré, le « Congolais démocratique » Joseph Kabila, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Rwandais Paul Kagamé et le Béninois Boni Yayi.

IBK RENOUE LES FILS DU DIALOGUE La tâche est titanesque et l’état de grâce fugace. Le président Ibrahim Boubacar Keïta devra raccommoder l’étendard déchiré de la nation malienne. C’est en jonglant au mieux avec les notions d’unité, de décentralisation, d’identité et de laïcité qu’il pourra éteindre des braises toujours chaudes…

TROIS ANS PILE POIL L’Afrique du Nord célébrera en 2014, avec plus ou moins de faste et de désillusion, le troisième anniversaire de la chute des régimes de Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie, Hosni Moubarak en Égypte et Mouammar Kaddafi en Libye. Mais dans ces trois pays, la place de l’islam reste à définir… Un chantier pour l’an IV. 8

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


APRÈS LES VUVUZELAS, LA SAMBA Après la première Coupe du monde organisée sur le continent (en Afrique du Sud en 2010), le 20e Mondial se déroulera au pays du mythique « roi Pelé ». Du 12 juin au 13 juillet 2014, le Brésil accueillera 32 équipes nationales, dont 5 africaines (Côte d’Ivoire, Nigeria, Cameroun, Algérie, Ghana). Au programme : 64 rencontres dans 12 stades.

« BOUTEF » EN COULISSES OU SUR SCÈNE ? Les séquelles de l’accident vasculaire cérébral d’Abdelaziz Bouteflika l’empêcheront-elles de tirer les ficelles de la présidentielle d’avril ? En Algérie, les perspectives d’alternance aiguisent les appétits des candidats déclarés ou non, y compris au sein du Front de libération nationale (FLN) et dans les autres formations politiques qui apportent leur soutien à « Boutef ».

RENDEZ-VOUS AU TRIBUNAL… L’année sera lourde d’actualité judiciaire. Les uns se délectent à l’avance du procès people d’Oscar Pistorius, à Pretoria, à partir de mars. Les autres font des pronostics quant à celui de l’Ivoirien Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale (CPI). L’Union africaine, très critique vis-à-vis du tribunal de La Haye, espère, elle, la tenue du procès de l’ancien président tchadien Hissène Habré devant les Chambres africaines extraordinaires de Dakar.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

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INTERVIEW

ACHILLE MBEMBE

« L’AFRIQUE DEVRA SE CRÉOLISER »

Quel avenir pour le continent face à la résurgence des questions ethniques, aux révolutions arabes, au risque de délitement des États? Comment inventer de nouvelles manières de vivre ensemble ? L’historien et politologue camerounais ouvre des pistes de réflexion. Propos recueillis par Séverine Kodjo-Grandvaux

R

ecrudescence de l’ethnicisme et du tribalisme, propagation du poison terroriste, au Sahel bien sûr, mais aussi au Nigeria et dans la Corne de l’Afrique, montée de l’islamisme, revendications indépendantistes menaçant toujours un peu plus l’intégrité des États, développement du narcotrafic, corruption, crises économique, politique, sociale, augmentation de la violence urbaine… En débattant avec Achille Mbembe, on pourrait sans aucun doute compléter cet inventaire à la Prévert – déjà trop long – des maux qui empoisonnent le quotidien des Africains. Et pourtant, le politologue camerounais ne voit pas là de quoi désespérer. « Au contraire, je suis optimiste », proteste-t-il, avant de prévenir: « Si nous voulons construire un monde meilleur, nous devons être lucides sur les défis qui s’imposent au continent. » L’œil aguerri à déceler les « funestes désirs » d’hégémonie qui se terrent derrière le populisme de politiques africaines desservant le bien commun ou de certaines interventions étrangères, qu’elles soient économiques ou militaires, ce professeur d’histoire et de sciences politiques, enseignant à la dynamique université du Witwatersrand à Johannesburg et à la prestigieuse Duke, aux États-Unis, est aujourd’hui l’une des figures intellectuelles les plus en vue du continent. Les plus controversées aussi, car ses travaux sans complaisance accusent autant certaines pratiques et savoirs occidentaux que la déliquescence d’une classe politico-économique africaine affairiste. Le miroir ■ ■ ■ 10

1957 Naissance au Cameroun 1986 DEA de science politique à

l’Institut d’études politiques de Paris

1989 Doctorat d’histoire à la Sorbonne, à Paris 1988-1992 Enseigne aux États-Unis (Columbia à New York, Brookings Institution à Washington, université de Pennsylvanie) 1996-1999 Secrétariat exécutif du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria) à Dakar 2000-2003 Enseigne aux États-Unis (Berkeley, Yale) Depuis 2001 Enseigne à l’université

du Witwatersrand (Johannesburg) et à Duke (Caroline du Nord). Fondateur du Johannesburg Workshop in Theory and Criticism (JWTC)

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


VINCENT FOURNIER/J.A. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

11


INTERVIEW

que ses analyses tendent aux différents acteurs n’est pas des plus reluisants. L’Afrique a besoin de porter sur elle-même un regard clairvoyant, mais cela ne suffit pas. Impliquée dans une économie monde, elle doit s’ouvrir aux autres et construire son avenir avec eux. La globalisation des rapports humains, l’accélération de la mise en relation avec le développement d’internet et des infrastructures, l’accès toujours plus facile au transport aérien, la circulation des personnes et des idées, le « retour au pays natal » d’un nouveau type de diaspora, mais surtout le boom démographique et la naissance d’une classe moyenne peuvent être de formidables atouts ; et ce d’autant plus que « l’Europe ne constitue plus le centre de gravité du monde », constate Achille Mbembe dans son dernier ouvrage, Critique de la raison nègre. Un titre clin d’œil à la Critique de la raison pure de Kant, traité philosophique sur les limites de la rationalité rédigé en plein XVIIIe siècle. Siècle des Lumières mais aussi de la traite négrière, activité ô combien lucrative sur laquelle la modernité européenne s’est bâtie en faisant de tout un pan de l’humanité une marchandise. Opération fondatrice de l’une des idéologies les plus délétères : le racisme, qui imprégna à un point tel les esprits et les mentalités que ceux qui la colportent plus de cent cinquante ans après l’abolition de l’esclavage n’en ont pas toujours conscience. Véritable fléau, longtemps nié, le racisme ne concerne pas seulement les pays du Nord. L’Afrique du Sud doit encore panser les plaies de l’apartheid et depuis le 11 Septembre, constate Achille Mbembe, se propage un « racisme sans race », qui s’appuie sur la culture et la religion et, spécificité africaine, sur l’ethnie, pour classifier les populations, les séparer, et mettre en place un système de fait discriminatoire. Plus que jamais, il nous faut comprendre qu’« il n’y a qu’un seul monde et [que] nous en sommes tous des ayants droit. Ce monde nous appartient à tous, également, et nous en sommes tous des cohéritiers, même si les manières de l’habiter ne sont pas les mêmes ». Raison pour laquelle nous nous sommes tournés vers Achille Mbembe et lui avons demandé son avis sur l’avenir de l’Afrique, à partir notamment de l’évolution de la situation au Sahel, de la présence chinoise sur le continent mais aussi des révolutions arabes et de l’instrumentalisation politique du religieux. ■■■

JEUNE AFRIQUE : Dans votre dernier ouvrage, Critique de la raison nègre, vous sous-entendez que, parallèlement à un processus de balkanisation du monde et de développement du racisme, il s’opère une nouvelle mobilisation de l’ethnie en Afrique. Pouvez-vous préciser ? ACHILLE MBEMBE : Absolument. Il y a une réactivation de

l’ethnie à peu près partout sur le continent. Ici, le référent ethnique occupe la place que la race tient dans d’autres formations économiques, notamment en Europe et aux États-Unis et dans une certaine mesure en Amérique latine. La résurgence de l’ethnie et le culte de l’autochtonie accentuent la fragilité de ces constructions tout à fait artificielles que sont les États africains, à un moment où l’Afrique devient la destination de nouvelles diasporas. D’après les estimations, on comptera bientôt plus de 1 million de Chinois sur tout le continent. De nombreux Portugais s’installent en Angola et au Mozambique. En accueillant ces 12

SYLVAIN CHERKAOUI/COSMOS

Des soldats français entrent dans Bourem, entre Gao et Kidal (nord du Mali), le 17 février 2013.

populations, l’Afrique s’ouvre sur le grand large. Parallèlement, on assiste à la formation de colonies africaines en Chine. Aux États-Unis, une récente vague d’immigration a abouti à l’émergence d’une nouvelle strate de la diaspora composée de professionnels de très haut niveau, de gens qui enseignent dans les meilleures universités, qui travaillent dans les organisations internationales ou les institutions économiques et financières, dans le monde de la culture… Le moment n’a jamais été aussi favorable pour que l’Afrique, dans sa quête pour devenir sa force propre, se constitue en un vaste espace de circulation. Ce sont ces forces d’ouverture sur le large, plutôt que les forces de repli et de villagisation, qu’il faut soutenir. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

J’imagine que celui-ci fait justement partie du moment que nous traversons, de la sorte de globalisation dont nous faisons l’expérience et dont le propre est de donner lieu à un formidable processus de réinvention des différences. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


L’intervention française au Mali relevait-elle d’une pratique coloniale ou était-elle nécessaire ?

Elle a été saluée y compris par des intellectuels radicaux comme [l’économiste franco-égyptien] Samir Amin ! Le problème avec les interventions occidentales hors du périmètre occidental, c’est qu’elles n’ont jamais rien réglé. Très souvent, elles ont aggravé des crises qui auraient pu être, sinon, résolues autrement, ou du moins circonscrites. Le recours systématique et presque irréfléchi à la guerre et à la violence est la preuve d’une certaine addiction à la sottise et à la lâcheté. Cela dit, le plus grand danger qui menace l’Afrique est le vide d’hégémonie sur le continent. Ce vide constitue un puissant appel d’air pour les forces étrangères. Les puissances qui interviennent chez nous ne courent pas de risques graves. Le jour où elles devront payer cher ce genre d’aventures, elles y réfléchiront à deux fois. Certains reprochent à la Cour pénale internationale (CPI) d’exercer une nouvelle forme de domination occidentale sur l’Afrique, une « justice de Blancs ». Qu’en pensez-vous ?

C’est possible, mais encore faut-il que la condamnation de la « justice des Blancs » aille de pair avec la mise en place d’une justice qui soit effectivement nôtre. La vérité est que les pouvoirs en place ne sont pas comptables devant leurs peuples, qu’ils traitent souvent comme des butins de guerre. Et c’est à cela qu’il faut mettre un terme. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, pour essayer de reconstruire une société après la crise traversée, est-il important que la justice se fasse dans le pays et que quelqu’un comme Laurent Gbagbo soit jugé à Abidjan ?

Nouvelle mobilisation de l’ethnie sur le continent mais aussi de la religion, avec une instrumentalisation de l’islam…

« Les interventions occidentales n’ont jamais rien réglé et ont souvent aggravé des crises. »

L’instrumentalisation de l’ethnie, de la race, de la religion montre que nous assistons à une crise très profonde de la démocratie. Quelle est la raison du vivreensemble ? Comment reconstruire la relation entre la mémoire et la démocratie? Le discours politique est incapable aujourd’hui d’apporter des réponses à ces questions centrales. Les États et les institutions africaines paraissent bien faibles pour lutter contre ce phénomène…

Comme les institutions européennes. C’est une question qui frappe toutes les communautés humaines aujourd’hui. Pour ce qui est de l’Afrique en particulier, le défi est d’inventer des institutions et une culture qui sachent composer avec la multiplicité, car celle-ci fait partie de nos identités historiques. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Laurent Gbagbo a dû commettre des actes répréhensibles, encore faut-il les établir et l’inculper. Mais c’était une situation de guerre civile, et donc il ne peut pas être le seul à avoir accompli des crimes contre l’humanité. Une justice des vainqueurs n’est que cela. La véritable justice commence par l’identification de tous les présumés coupables et par le fait que l’on offre à tous les conditions d’un jugement légitime et équitable. Par ailleurs, on pourrait imaginer qu’au lieu que ces présumés coupables soient jugés à La Haye, ils le soient devant une cour panafricaine à Pretoria, Addis-Abeba ou Arusha.

Il faut donc promouvoir une justice panafricaine ?

Tout à fait, oui. Il faut que nous ayons des structures qui permettent de rendre les pouvoirs comptables devant leurs peuples. Je n’ai pas l’impression que, de ce point de vue, on ait accompli beaucoup de progrès. Vous avez évoqué la présence chinoise en Afrique. Est-elle un levier sur lequel peut s’appuyer le continent ou une nouvelle forme de domination dont auront à pâtir les Africains ?

Tout dépendra, une fois de plus, de notre capacité à faire corps et à imposer des relations de relative réciprocité ■ ■ ■ 13


INTERVIEW

PER-ANDERS PETTERSSON/COSMOS

Un million de Chinois vivent sur le continent : « Quel type de société voulons-nous développer avec eux ? »

avec ceux qui veulent lier leur sort au nôtre. Un sentiment anti-Chinois est en train de se développer dans certaines parties du continent. Il se développera davantage si nous ne réfléchissons pas à ce que signifie ce moment historique. Qu’est-ce que cela veut dire que plus de 1 million de Chinois habitent avec nous ? Quel type de communauté voulons-nous développer qui fasse des Chinois– ou, en tout cas, des Chinois qui veulent devenir Africains – non pas des étrangers chez nous mais des ayants droit de notre futur ? Quelles institutions mettons-nous en place pour que des relations de réciprocité et d’échange puissent être établies et ouvrent la voie à des sociétés métisses, créoles, productrices d’idées nouvelles valables pour nous et pour le reste du monde ? Ce sont ces questions que nous ne nous posons pas.

■■■

Pour construire un monde commun, dites-vous, il faut réparer ce qui a été brisé. Quelle forme doit prendre cette réparation?

14

Elle doit se faire à plusieurs niveaux. Il faut d’abord reconnaître que quelque chose de terrible est arrivé avec la traite négrière puis la colonisation. Aujourd’hui, beaucoup ne le reconnaissent pas ou, s’ils le font, prétendent que ce quelque chose est insignifiant ou, plus cyniquement, qu’il faut en être fier. Or une série d’événements ont eu lieu. Ils ont causé du tort à des millions de personnes. Ils sont à l’origine de pertes considérables qui ne pourront jamais être compensées, justement car ce qui a été perdu est sans prix. Ce moment de reconnaissance implique que les Africains prennent conscience de leur rôle historique dans ces catastrophes, à l’avènement desquelles ils ont activement contribué. Réfléchir à la réparation, c’est aussi penser ce qui lie une communauté, ceux qui sont venus avant nous, nous-mêmes et ceux qui viendront après nous. Qu’est-ce nous nous devons les uns aux autres ? En quoi consiste la dette sociale ? Comment la solder pour que le monde dans lequel nous vivons – et qui est le seul que nous ayons – soit durable ? JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


MICHAEL KOOREN/AFP

Laurent Gbagbo à La Haye. « On pourrait imaginer qu’il soit jugé devant une cour panafricaine », suggère Achille Mbembe.

« Aujourd’hui, les notions de communauté, de démocratie, de citoyen ne sont plus évidentes. Il faut les retravailler. » Est-ce que cela doit passer aussi par des réparations financières?

Oui, bien entendu. Il y a une dette morale qui, de toute évidence, comporte une dimension financière. Mais aucune réparation financière ne sera jamais assez importante pour compenser ce dont on a été privés. Car ce dont on a été privés, ce sont des capacités qui nous auraient permis d’ouvrir d’autres types de futur pour nous-mêmes et, ce faisant, pour l’ensemble de l’humanité. La question de la réparation est celle de la justice universelle, sans laquelle il n’y a pas de monde commun. Pour vous, le système économique dans lequel nous vivons, le capitalisme, est arrivé à un stade où il est prêt à éliminer toute une catégorie de populations pour pouvoir perdurer. C’est ce que vous appelez le « devenir-nègre du monde ».

Le capitalisme moderne s’est, en grande partie, construit sur l’esclavage et les innovations techniques, financières et institutionnelles que cette forme d’exploitation des hommes JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

et des richesses a rendu possibles. Pour fonctionner, il a eu besoin, à l’origine, d’effacer autant que possible la distinction entre les personnes humaines et les choses. Le Nègre est la métaphore vivante de cette pulsion transgressive. Le « devenir-nègre du monde », c’est le mouvement contemporain par lequel les risques systémiques autrefois rattachés seulement à la condition des gens d’origine africaine sont étendus à toute une humanité subalterne dont le propre est de ne même plus être exploitée, c’est-à-dire d’être superflue. On évoque souvent le fléau de la corruption pour expliquer les difficultés de développement. Qu’en pensez-vous ?

Les Africains ne sont pas les seuls à être corrompus. Le système politique américain repose également sur une pratique grise et stylisée de la corruption. Quelles sont en effet les fonctions des lobbies et des groupes d’intérêts sinon d’« acheter » la loi ? La différence entre la corruption à l’américaine et la corruption nègre, c’est qu’en Amérique, acheter la loi afin qu’elle profite d’abord à des privés est légal et tout à fait transparent. En Afrique, c’est occulte, hors-la-loi. Vous avez également un modèle asiatique et un autre russe où un groupe de requins dépouille tout le pays de ses joyaux et en jouit de manière tout à fait ouverte et visible. Il faut comprendre la corruption africaine en relation à ces différents modèles. Tout cela fait partie intégrante du système économique mondial, qui ne pourrait pas fonctionner sans. La part africaine dans cette économie mondiale de la corruption est à la fois négligeable et tout à fait catastrophique pour nous. Si les ressources concernées étaient réinvesties chez nous, cela pourrait améliorer nos conditions de vie. Autre frein, dit-on, le poids des anciens sur les prises de décisions. Est-ce une réalité ?

De nombreux pays sont gouvernés par des vieillards. Le Cameroun en est l’exemple caricatural. Ici, à peu près une centaine de vieillards font la loi sur une population de cadets 15


INTERVIEW

sociaux pris dans les rets de la connivence. Or ils ne représentent pas le futur, mais le passé. Pour ouvrir le futur africain, il nous faudra imaginer d’autres formes de passage d’une génération à l’autre.

Est-ce l’une des faiblesses de l’héritage colonial ?

Oui, et c’est aussi l’une des faiblesses de notre pensée. Nous n’arrivons pas à penser les deux facteurs constitutifs de notre histoire que sont la multiplicité et la circulation, et sur cette base réinventer nos institutions.

Quel regard portez-vous sur ce qui s’est passé dans le nord du continent avec les révolutions arabes ?

Dans ce contexte, les diasporas ont-elles un rôle à jouer ?

On attribue un peu trop vite le qualificatif de révolution à des événements qui n’en sont point. Ouvrir des brèches dans un système ne signifie pas nécessairement faire une révolution. À mes yeux, les cataclysmes politiques destinés à conserver un ordre ancien, soit dans ses formes, soit dans sa substance, ne sauraient être qualifiés ainsi. Une révolution suppose la transformation radicale d’un ordre et son remplacement par quelque chose d’absolument neuf et de différent. Ce qu’on appelle les révolutions arabes est un phénomène extrêmement complexe, notamment là où les soulèvements ont par la suite ouvert la voie à la guerre civile – même si par ailleurs toute révolution est quelque part une guerre civile.

La réalité est que les Africains ou les personnes d’origine africaine, où qu’ils soient, ne seront jamais respectés tant que le continent ne sera pas debout. Peu importent les fonctions qu’ils peuvent être amenés à jouer. Le monde entretiendra toujours une suspicion à l’égard du signe africain. Seule l’émergence de l’Afrique à elle-même et au monde permettra de changer ce regard. Quand l’Afrique redeviendra son centre propre, se constituera en un vaste espace régional de circulation, sera capable d’assimiler dans une synthèse créole, métisse, les apports externes – qu’ils proviennent des diasporas noires, chinoises, etc. –, le doute congénital si constitutif de son histoire pourra être levé.

Là aussi, on voit apparaître une instrumentalisation du religieux, avec le développement de l’extrémisme. Est-ce inévitable ?

Êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste quant à l’avenir du continent ?

C’est en partie le résultat du fait que notre monde contemporain ne dispose plus de réponses toutes faites aux questions fondamentales, celles qui touchent aux raisons du vivre-ensemble, du lien social. Aujourd’hui, les notions de communauté, de démocratie, de citoyen ne sont plus du tout évidentes. Il faut les retravailler et leur donner un nouveau contenu. Mais évidemment, au lieu de faire ce travail, il est plus facile de multiplier les épouvantails et de redistribuer les peurs.

Le temps de l’Afrique viendra. En attendant, les Africains n’ont pas le droit de se raconter des histoires. Il y a un devoir de rupture par rapport à toutes les fictions. Regardons la réalité en face, voyons la détresse là où elle est. Mais faisons-le d’une manière qui nous permette d’identifier les formes de la vie émergente. Notre regard doit se tourner vers le grand large qui nous appelle. Nous ne devons pas opter pour un retour au village, compris comme un lieu cultuel dont il faut exclure tous les autres. La dynamique de l’espérance exige la prise de conscience de ce qui nous sépare encore de ce que nous pourrions être. n

Somalie, Libye, Mali… Peut-on parler d’un risque de voir disparaître l’État sur le continent ?

L’État est une forme historique contingente, qui n’a pas vocation à être éternelle. Après tout, il y a des sociétés qui, pendant des siècles, ont vécu sans État. On peut imaginer qu’il existe des sociétés dont l’historicité consiste justement à constamment se poser contre l’État. Ce processus historique a cours du Sahara jusqu’à la mer Rouge, dans ce vaste corridor où, pour durer, tout État devrait être de facto un État nomade, en circulation, sans frontières permanentes, à la fois lieu de passage, de refuge et d’échanges en tous genres : religieux, commerciaux et ainsi de suite. Il nous faudrait imaginer un autre type d’État pour des sociétés dont la structuration s’est faite sur le mode de l’itinérance, de la circulation, de la mobilité plutôt que sur un mode vertical, avec des frontières formelles et un monopole de la violence, du pouvoir d’imposition, fiscal, etc. Ce genre d’État fonctionnerait à la fois sur le mode d’un comptoir et d’une zone franche. 16

Bibliographie sélective La Naissance du maquis dans le SudCameroun, 1920-1960, éditions Karthala, 1996, 438 pages, épuisé De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, éditions Karthala, 2000, 294 pages, 25 euros Le Politique par le bas en Afrique noire, avec Jean-François Bayart et Comi Toulabor, éditions Karthala, 2008 (nouvelle édition), 228 pages, 25 euros Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée, éditions La Découverte, 2010 ; version poche, 2013, 252 pages, 9,50 euros Critique de la raison nègre, éditions La Découverte, 2013, 272 pages, 21 euros

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ÉVÉNEMENTS


AFRIQUE DU NORD Après la vague verte, le reflux

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NKOSAZANA DLAMINI-ZUMA Mission émancipation

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EN VÉRITÉ Du bon usage de la Chinafrique

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DÉFENSE Grands corps malades

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RENSEIGNEMENT Pourquoi l’Afrique est sourde

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SAHEL La guerre ne fait que commencer

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ÉLECTIONS Le Kenya fera-t-il des émules ?

File d’attente devant un bureau de vote à Hamdallaye, un quartier périphérique de Conakry, lors des législatives guinéennes du 28 septembre 2013.

EMILIE REGNIER POUR J.A.

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ÉVÉNEMENTS

Manifestation hostile au gouvernement devant le siège de l’Assemblée nationale constituante, à Tunis, le 4 août.


AFRIQUE DU NORD

Après la vague verte, le reflux Grands bénéficiaires du Printemps arabe, les partis islamistes résistent mal à l’épreuve du pouvoir. Aggravation de la situation économique, popularité en chute libre : leur échec sonne-t-il le glas des espoirs soulevés par les révolutions ? Par Samy Ghorbal

FETHI BELAID/AFP

L

e coup de force des militaires égyptiens du 3 juillet 2013 et la répression des Frères musulmans, qui a culminé avec le massacre de la place Rabia al-Adawiya (au Caire), le 14 août, marquent-ils une césure, voire une rupture brutale, dans le chaotique processus révolutionnaire arabe ? Grands bénéficiaires d’un Printemps qu’ils n’avaient pas impulsé, les islamistes s’étaient rendus maîtres du pouvoir par la grâce des urnes (Tunisie, Égypte et, dans une moindre mesure, Maroc) ou par celle des armes (Libye). Ils sont aujourd’hui en échec pratiquement sur tous les plans – politique, économique, social, sécuritaire et même moral –, incapables de rassurer les segments de la société qui leur sont hostiles, incapables d’apprivoiser l’État ni de faire fonctionner l’administration. Mais ce reflux, loin de profiter aux forces démocratiques et libérales, semble pour l’instant faire le jeu de ceux que l’on désigne, par raccourci, comme les tenants de l’ancien régime. Va-t-il entraîner, dans son sillage, celui des promesses de démocratisation et de liberté? Le Printemps arabe est-il condamné à connaître un destin similaire à un autre Printemps, celui des peuples européens de 1848? À l’époque, l’effervescence révolutionnaire, née en France du renversement de la monarchie de Juillet, avait ébranlé les royaumes et les empires sclérosés avant de se terminer, au bout de quelques mois, par une vague de restaurations impériales et autoritaires. Comparaison n’est pas raison, et il faut se garder des jugements définitifs et péremptoires. Car même si des lignes de force régionales se dessinent, des 21


ÉVÉNEMENTS Afrique du Nord

dynamiques infiniment complexes et contradictoires sont à l’œuvre. Et elles différent d’un pays à l’autre. Le pire n’est pas encore certain. Du moins, pas partout… ARSENAL. Morcelée territorialement, la Libye est

Samy Ghorbal Journaliste et écrivain, auteur d’Orphelins de Bourguiba & héritiers du Prophète (Cérès éditions, 2012)

Dans le quartier de Nasr City, au Caire, le 3 juillet, après le renversement par l’armée du président Mohamed Morsi.

VIRGINIE NGUYEN HOANG/HANSLUCAS

aujourd’hui aux mains de milices rivales indisciplinées et surarmées et sert de sanctuaire aux groupes jihadistes, qui y opèrent en toute impunité. Son État est en lambeaux, incapable d’assurer la sécurité de ses dirigeants. Le Premier ministre, Ali Zeidan, a été brièvement kidnappé et humilié, le 10 octobre, par d’anciens rebelles qui entendaient ainsi protester contre l’enlèvement par les forces spéciales américaines d’un haut cadre d’Al-Qaïda, Abou Anas al-Libi, quelques jours plus tôt à Tripoli. Les vagues d’assassinats impunis et les règlements de compte se multiplient, notamment à Benghazi. L’instabilité a ruiné les perspectives prometteuses de la reconstruction et dissuadé les entrepreneurs étrangers qui rêvaient de conquérir des positions dans le pays. Elle affecte le secteur des hydrocarbures, qui contribue pour 80 % à la richesse nationale. En recul assez sensible par rapport aux dernières années de l’ère Kaddafi (1,4 million de

barils par jour sur les six premiers mois de 2013 contre 1,6 million en 2011), la production d’or noir a chuté à 700 000 b/j en août, à la suite d’une série de grèves des agents des terminaux pétroliers. Transformée en État failli, en arsenal à ciel ouvert, la Libye s’enfonce dans l’anarchie et fait figure de repoussoir absolu, y compris pour ses voisins, obligés de déployer des troupes toujours plus importantes pour enrayer l’activité des contrebandiers et la prolifération du trafic d’armes. La situation du Maroc en est aux antipodes. Le royaume cultive son image, s’efforce d’apparaître comme un archipel de stabilité et un îlot d’attractivité économique au cœur d’une région tourmentée. La transition qui a mené à la victoire – très relative – de l’attelage islamiste du Parti de la justice et du développement (PJD) conduit par Abdelilah Benkirane aux législatives anticipées du 25 novembre 2011 a été conduite sans heurts et encadrée par le Palais royal, qui l’avait fait précéder d’un référendum constitutionnel en juillet de la même année. Surpris par le Mouvement du 20-Février, qui s’était développé dans le sillage des révolutions tunisienne et égyptienne, Mohammed VI a réussi à provoquer le changement

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JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


plutôt que de le subir, et a vu sa légitimité confortée. En dépit d’un climat économique plutôt morose, le royaume conserve ses atouts dans la compétition internationale, comme en témoigne l’inauguration, début octobre 2013, de la deuxième phase de l’usine géante du constructeur automobile Renault-Nissan à Tanger, sans équivalent en Afrique. Politiquement parlant, le Premier ministre a vu sa marge de manœuvre se réduire après l’annonce, en mai, de la démission des ministres de l’Istiqlal (finalement survenue en juillet). Après s’être épuisé pendant des mois à colmater les brèches dans sa coalition, Benkirane doit désormais composer avec Salaheddine Mezouar, qui fut l’un de ses plus virulents détracteurs pendant la campagne et dont le Rassemblement national des indépendants (RNI) a obtenu huit postes dans le nouveau gouvernement dévoilé le 10 octobre. La délicate réforme du système de subventions sur les produits pétroliers, pilotée par le ministre des Affaires générales et de la Gouvernance, Najib Boulif (PJD, devenu depuis ministre délégué chargé du Transport), aura valeur de test pour le gouvernement… et d’exemple pour les autres capitales de la région confrontées à des problématiquessimilaires,commeTunisetLeCaire. ÉLECTIONS. La Tunisie et l’Égypte présentent des

trajectoires parallèles puis divergentes. Elles ont vu naître le Printemps arabe et ont offert l’exemple de révolutions civiles et pacifiques ayant abouti à l’effondrement de l’ordre ancien et au départ du dictateur. Les processus électoraux y ont été menés à leur terme : élection d’une Assemblée constituante en Tunisie, aménagement de l’ancienne Constitution suivi de législatives – à portée constitutionnelle – puis d’une présidentielle en Égypte. Ils ont débouché sur une nette victoire des mouvements se réclamant de l’islam politique. Persécutés par les anciens régimes, ceux-ci ont capitalisé sur leur statut de victimes et joué sans vergogne sur la fibre identitaire pour rafler la mise aux élections. Leur accession aux responsabilités avait valeur de test. Les Tunisiens d’Ennahdha, arrivés en tête des élections du 23 octobre 2011 avec 37 % des voix et 41 % des sièges, ont scellé une coalition tripartite avec deux formations séculières, le Congrès pour la République (CPR) et Ettakatol. Ils n’ont toutefois laissé que des miettes de pouvoir à leurs alliés – le poste honorifique de président de la République à Moncef Marzouki (CPR) et celui de président de la Constituante à Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol). LesFrèresmusulmanségyptienssont,eux,arrivés largemententête,devantleursrivauxsalafistes.Mais ilsontdûcomposeravecl’armée,colonnevertébrale de l’État depuis 1952 et bien décidée à conserver ses privilèges. Mohamed Morsi, le président JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

ZOOM L’exception algérienne En 2011, l’Algérie avait déjoué tous les pronostics en restant le seul pays pratiquement épargné par la contestation. Une exception qui perdure. Les souvenirs de la décennie noire et de son cortège de massacres expliquent sans doute le peu d’appétence des

remaniement ministériel qui a fait la part belle à ses fidèles et relancé les spéculations sur ses intentions à l’approche de la présidentielle, théoriquement prévue en avril 2014. Personne ne sait encore si le chef de l’État entend passer le flambeau,

électeurs pour les mouvements légaux se réclamant de l’islam politique, qui sont par ailleurs divisés et ont, pour la plupart, été associés à l’exercice du pouvoir. L’aisance financière du gouvernement ainsi que l’habileté du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, ont permis jusqu’à présent de désamorcer les revendications sociales. L’année écoulée a été marquée par la longue absence du président Bouteflika après son accident vasculaire cérébral. Il a repris la main mi-septembre en procédant à un important

et si oui, à quelles conditions. L’incertitude contraint les candidats à la succession à rester en embuscade, en attendant que l’épais brouillard entourant le palais d’El-Mouradia veuille bien se dissiper. Cette situation peut paraître un brin anachronique au regard des bouleversements qui secouent la région. Cependant, sa stabilité (qui confine parfois à l’immobilisme) et son statut de puissance militaire confèrent de plus en plus nettement à l’Algérie un rôle de gendarme régional.

14,7 % du PIB

Le déficit budgétaire égyptien prévu par le FMI pour 2013. En 2010, il était de 8,3 %

S.G.i

islamiste élu avec 52 % des voix en juin 2012, a cependant réussi à évincer rapidement le chef de l’armée, le maréchal Tantawi, qu’il a remplacé par un général plus jeune et réputé plus docile, Abdel Fattah al-Sissi… Aujourd’hui, la situation a changé du tout au tout. Les Frères ont été chassés du pouvoir en Égypte, leurs leaders croupissent en prison, et les activités de la confrérie, qui avait atteint des sommets d’impopularité, ont été purement et simplement interdites. En Tunisie, Ennahdha est sur la défensive. Le gouvernement d’Ali Larayedh, qui avait succédé à Hamadi Jebali en mars 2013 après l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd, a été confronté à une insurrection civique à la suite du meurtre, fin juillet, du député d’opposition Mohamed Brahmi. Les partis séculiers, laminés aux élections de 2011, ont retrouvé des couleurs. Nida Tounes, la formation dirigée par l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi, fait désormais jeu égal avec le parti islamiste dans les sondages. Bien décidée à exploiter 23


ÉVÉNEMENTS Afrique du Nord

l’affaiblissement d’Ennahdha pour obtenir un maximum de concessions, l’opposition exige le départ du gouvernement et son remplacement par un cabinet de technocrates indépendants. Au-delà des slogans, l’enjeu véritable de l’affrontement porte sur l’impartialité de l’État et de l’administration en vue des prochaines élections, « prévues » après l’achèvement des travaux de la Constituante (qui accusent déjà plus d’un an de retard). C’est l’objet du dialogue national parrainé par le « quartet » de la société civile, copiloté par les centrales syndicale (UGTT) et patronale (Utica). À la différence de sa consœur égyptienne, l’armée tunisienne est restée neutre. Il est vrai que son caractère républicain est plus marqué. Et qu’elle ne dispose ni des mêmes effectifs ni des mêmes moyens. Avec seulement 40000 hommes (personnel administratif et médical inclus), elle ne serait pas en mesure de prendre et d’exercer le pouvoir, même si elle le voulait. VENT DE PANIQUE. La déconfiture des islamistes

tunisiens et égyptiens s’explique par une combinaison de facteurs, objectifs et psychologiques. Les premiers tiennent essentiellement à leur inexpérience. Ennahdha et les Frères musulmans ont tenu à exercer le pouvoir immédiatement et sans partage, alors qu’ils n’y étaient nullement préparés.

Ils n’avaient ni cadres, ni vision de l’État, ni stratégie économique. Ils ont navigué à vue, cédé à la facilité, fait exagérément gonfler la masse salariale de la fonction publique en procédant à des embauches massives. Ils ont été rappelés à l’ordre par les fondamentaux macroéconomiques (dette, déficit budgétaire, déficit de la balance des paiements, dépréciation de la monnaie, inflation). La dégradation de la conjoncture et le développement de la corruption leur ont fait perdre une bonne partie du crédit dont ils jouissaient auprès du petit peuple. Les discours démagogiques sur l’épuration des symboles de l’ancien régime leur ont aliéné des segments entiers de l’administration et ont fait souffler un vent de panique dans les milieux d’affaires. Beaucoup de ministres n’ont pas été à la hauteur et ont plombé l’action du gouvernement. Conscient du problème, l’ancien Premier ministre tunisien Hamadi Jebali a tenté, en vain, de remanier son équipe pour corriger les « erreurs de casting » et faire place à des technocrates. Face à l’intransigeance des instances dirigeantes de son parti, Ennahdha, et des états-majors de ses deux alliés, le CPR et Ettakatol, il a fini par jeter l’éponge. L’échec en matière de gouvernance s’est doublé d’une faillite morale. Censés incarner la vertu et la pureté, les islamistes tunisiens et égyptiens se sont

3 QUESTIONS À Ghazi Gherairi Enseignant en droit public à l’université de Carthage, ce juriste tunisien a été le porte-parole de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (dissoute après les élections d’octobre 2011)

« Les Arabes ne sont pas condamnés à la dictature ou à la théocratie » JEUNE AFRIQUE : Comment expliquer cette incapacité à apprivoiser l’État et à le faire fonctionner, qui semble être le trait commun entre les islamistes tunisiens d’Ennahdha et les Frères musulmans égyptiens ? GHAZI GHERAIRI : Leur faible culture

de l’État a indiscutablement porté préjudice aux islamistes. Mais n’oublions pas que ces États ont longtemps été perçus comme l’incarnation du mal absolu : autoritaires, tortionnaires, impies, corrompus, valets de l’Occident, etc. Par ailleurs, le référent idéologique de beaucoup de

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dirigeants islamistes renvoie à la posture holistique du gouvernant, à la logique du butin (ghanimâ) et à la conviction que l’accession au pouvoir est une offrande divine. Ce référentiel, avouons-le, rend difficile la direction d’États très anciens, aux traditions administratives bien assises et reposant sur une haute fonction publique jacobine. La propension des nouveaux pouvoirs à imputer leurs échecs de gouvernance à des manœuvres d’obstruction de « l’État profond » (ad-dawla al-amiqa) montre le chemin qu’il reste à parcourir avant

d’arriver à des rapports pacifiés entre les pouvoirs islamistes et l’appareil administratif… En Tunisie, l’attachement au caractère civil et séculier de l’État semble avoir progressé, en dépit, ou à cause, d’Ennahdha. Comment l’expliquer ?

Au cours de la campagne électorale, une partie de la classe politique s’est proposée, de refonder l’État sur des bases rompant avec les référents positivistes et civils. On a aussi assisté à des provocations émanant des milieux salafistes, comme l’outrage au drapeau national à l’entrée du campus de la Manouba. Globalement, ces initiatives ont eu l’effet contraire de celui escompté. Jamais, depuis l’indépendance,

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banalisés en se frottant au pouvoir. Ils ont multiplié les nominations sur des bases partisanes et n’ont pas échappé aux accusations de népotisme. Certains de leurs dirigeants, comme Rafik Abdessalem, ex-ministre tunisien des Affaires étrangères et gendre de Rached Ghannouchi, le leader historique d’Ennahdha, ont été éclaboussés par des scandales retentissants (le fameux « Sheratongate », révélé par la journaliste Olfa Riahi). Le sentiment que « l’État Ennahdha » a remplacé « l’État RCD » (du nom du Rassemblement constitutionnel démocratique, exparti présidentiel) en vigueur du temps de Ben Ali s’est incrusté dans l’opinion publique. Il en est allé de même en Égypte avec les Frères musulmans… D’autantquececomportementaétéaccentuépar un facteur d’ordre psychologique. Les islamistes, en Tunisie et en Égypte, ont cédé à la peur de perdre le pouvoir. Obsédés par l’idée qu’ils seraient cernés par « les forces de la réaction », que l’État dont ils venaient de se rendre maîtres par le truchement des élections refuserait de leur obéir et comploterait à leur perte, ils ont tenté de se protéger en confisquant l’essentiel des ministères régaliens et en infiltrant tous les rouages de l’administration et de la haute fonction publique. Les vagues successives de nominations partisanes ont désorganisé l’appareil étatique. Ainsi, en Tunisie, le corps de gouverneurs a été entièrement renouvelé, les trois

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policiers et gendarmes tunisiens ont été tués dans des heurts avec des islamistes armés en octobre 2013. Depuis janvier, on compte une trentaine de morts parmi les forces de sécurité.

quartsdesambassadeursremplacés,etlaplupartdes directions des entreprises publiques et des médias d’État sont tombées dans l’escarcelle d’Ennahdha. Cette peur en a engendré une autre en retour, celle des progressistes et des modernistes. Elle a contribué à polariser davantage la société et le débat politique. Par leur comportement, les islamistes ont convaincu leurs adversaires – qui ne demandaient pas mieux – qu’ils allaient confisquer l’État et la démocratie pour instaurer une théocratie à l’iranienne, rendant toute tentative de dialogue vaine par avance. Cette radicalisation explique certains rapprochements improbables : les militants de la place Al-Tahrir qui font appel à l’armée pour « sauver la révolution » contre Mohamed Morsi, ou l’alliance quasi officielle scellée au Bardo entre l’extrême gauche révolutionnaire tunisienne, réunie au sein du Front populaire de Hamma Hammami, et Nida Tounes, le parti des orphelins de Bourguiba, dirigé par Béji Caïd Essebsi. Si la messe semble être dite au Caire, les jeux restent ouverts en Tunisie. Les événements d’Égypte ont agi comme un électrochoc auprès de Rached Ghannouchi, qui a pris langue, à Paris, avec Caïd Essebsi et plaide désormais pour l’apaisement. Une sortie « par le haut » reste donc envisageable avec, à la clé, la perspective d’élections présidentielle et ■■■ législatives avant la fin de 2014.

l’attachement spontané à la symbolique du drapeau national n’avait atteint un tel degré. La notion de prestige de l’État (haybet ad-dawla) est devenue très prégnante dans le débat public. L’idée selon laquelle l’État tunisien aurait perdu de sa brillance et de son aura peut cacher une certaine nostalgie de l’ordre ancien. Cependant, on assiste depuis deux ans à un glissement feutré d’une image d’un État tutélaire et paternaliste à celle d’un État de la transcendance citoyenne.

DR

L’Égypte connaît une phase de reprise en main autoritaire. La révolution n’aurait-elle été qu’un feu de paille, et peut-on prédire un même destin à la Tunisie ?

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Je refuse de croire que nos sociétés seraient condamnées à être gouvernées par des régimes autoritaires et

corrompus ou par des théocrates radicaux. La Tunisie offre aujourd’hui un exemple extraordinaire de résilience de l’idée démocratique et républicaine. La Constitution [lire p. 27] a été écrite par une assemblée dominée par les islamistes et leurs alliés, et, malgré cela, la charia n’a pas été inscrite comme source de droit ; malgré cela, le principe de la liberté de conscience a été consacré ; malgré cela, le terme de « complémentarité » entre les sexes (qui n’était qu’une manière déguisée de consacrer l’inégalité en droits au bénéfice de l’homme) a été abandonné. Il se passe aujourd’hui quelque chose de fondamental en Tunisie. La société civile et une large frange de la classe politique sont en train de démontrer qu’elles ne se résignent pas à cette fatalité. Mon sentiment est qu’elles réussiront. n

Propos recueillis par S.G. i

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ÉVÉNEMENTS Afrique du Nord

Les transformations en cours dans la région sont scrutées à la loupe par les grandes puissances. Les États-Unis ont été pris au dépourvu par le renversement de Mohamed Morsi. Les tentatives de médiation orchestrées après le putsch par le sénateur américain John McCain et par le représentant spécial de l’Union européenne, Bernardino León, n’ont donné aucun résultat. Pis, l’Espagnol a été sèchement renvoyé dans les cordes par la junte au nom du sacro-saint principe de non-ingérence. Les menaces de suspension de l’aide militaire américaine, au lendemain des tueries du 14 août, n’ont eu aucun effet : Le Caire a fait savoir qu’il n’hésiterait pas à se tourner vers Moscou si d’aventure Washington venait à lui faire défaut. L’aide financière (près de 9 milliards d’euros) offerte par l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis devrait permettre à l’Égypte de parer provisoirement au risque de banqueroute et de ne plus être tributaire des prêts du Fonds monétaire international (FMI). C’est un revers pour les États-Unis, qui ont considérablement perdu en influence auprès du pays qui fut leur plus proche allié arabe. Il n’y a guère qu’en Tunisie que Washington et Bruxelles ont les moyens d’exercer un semblant d’influence modératrice. Les chancelleries allemande et américaine n’ont pas ménagé leurs efforts pour rapprocher les points de vue et forcer les partis de la troïka à négocier avec l’opposition et à accepter la feuille de route du « quartet ». Guido Westerwelle, le ministre allemand des Affaires étrangères, s’est rendu à trois reprises dans le pays entre juin 2012 et août 2013, et l’ambassadeur américain, Jacob Walles, a été omniprésent. Confrontée à de sévères difficultés budgétaires, la Tunisie ne peut se passer de l’aide financière multilatérale. Et Ennahdha, qui a beaucoup à se faire pardonner (notamment le fiasco qui s’est soldé par l’attaque de l’ambassade américaine le 14 septembre 2012) et qui n’a plus vraiment d’alliés sur le plan international, ne peut tourner le dos aux États-Unis. COSMÉTIQUE. Même si les plus grandes incerti-

tudes demeurent sur les configurations politiques appelées à se mettre en place dans les pays d’Afrique du Nord, une chose est certaine: la société civile et les forces mises en mouvement par les révolutions ne seront plus disposées à courber l’échine ni à attendre dans la résignation. Les causes économiques et sociales de l’éruption de 2011 n’ont pas disparu. Elles se sont au contraire aggravées. Le programme des nouveaux gouvernants ne pourra pas se limiter à un lifting cosmétique ni à la restauration de l’État. Mettre un terme au processus de délitement de celui-ci est un impératif. Mais la 26

XINHUA/HAMZA TURKIA

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Le Premier ministre libyen à Tripoli, le 10 octobre, après sa libération. Ali Zeidan (à g.) avait été enlevé et détenu quelques heures par des miliciens.

nostalgie ne peut tenir lieu de programme politique. Sinon, le risque est grand que les forces anti-islamistes, qui ont aujourd’hui le vent en poupe, ne soient à leur tour balayées. L’État est bien l’enjeu central. Pour être consolidé, il doit être amendé, réformé en profondeur, et les citoyens doivent être associés à la recherche de solutions afin de recréer le lien social, mis à mal. Cette donnée – la participation citoyenne – estelle suffisamment intégrée dans l’équation ? Il est permis d’en douter. La vive polémique provoquée au Maroc, en août, par la grâce accordée par erreur (puis retirée) au pédophile irako-espagnol Daniel Galván Viña illustre ce phénomène: la « verticalité absolue » de la décision publique est devenue insupportable aux opinions arabes. Mais l’aggiornamento ne se fera pas sans mal, car il suppose une révolution dans la mentalité des dirigeants. C’est le premier défi, d’ordre politique et méthodologique. Le second est encore plus vertigineux: il consiste à trouver des solutions pour conjurer la désintégration des sociétés, la montée des régionalismes, de la désespérance sociale, le creusement des inégalités. Or de ce point de vue, le tableauestfranchementinquiétant.Élitesanciennes et nouvelles – islamistes comme modernistes – paraissent désemparées, sans imagination, sans solutions, en un mot impuissantes… n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


BOURGUIBA 1 – ENNAHDHA 0 Malgré les tentatives des élus islamistes, l’essentiel des acquis modernistes de la Constitution tunisienne de 1959 est conservé dans la future loi fondamentale. Par Samy Ghorbal

A

u lendemain de la mise en place du gouvernement de la troïka, en janvier 2012, le débat constitutionnel tunisien a commencé de la pire des manières. Dans le sillage de Sadok Chourou, de Habib Ellouze et du rapporteur de la Constitution, Habib Kheder, les élus d’Ennahdha ont contesté le caractère séculier de l’État en plaidant pour l’inscription de la charia comme « source essentielle de la législation ». Une volte-face : tout au long de la campagne électorale, leur président, Rached Ghannouchi, et leur secrétaire général, Hamadi Jebali, avaient répété leur ralliement à la solution imaginée par Habib Bourguiba et synthétisée dans l’article 1 de la Constitution du 1er juin 1959. Chef-d’œuvre de concision et d’ambiguïté, celui-ci dispose : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la République. »

la liberté de conscience et l’inviolabilité de la personne humaine(article5)etproclame l’égalité des citoyens devant la loi (article 6). L’article 1 offre un ancrage identitaire à l’islam, tandis que les articles 38 et 40 font obstacle à ce qu’un non-musulman accède à la présidence. Mais leur portée normative s’arrête là. Le référentiel de la Constitution de 1959estpleinementséculier.Ni laïciténiÉtatislamique:toutela subtilitédelasolutionbourguibienne réside dans la distinction entre « religion de l’État » (« Tounes dawla […] dînouha al-islam ») et « religion d’État » (« al-islam dînou ad-dawla »). L’Assemblée a présenté un nouvel avant-projet de texte le 1er juin.

Confrontés à une levée de boucliers de l’opposition et de la société civile, les ultras d’Ennahdha ont battu en retraite fin mars 2012. Mais la suite des débats a été émaillée de tentatives, chaque fois déjouées, pour renforcer l’islamité du texte ou vider de leur substance les acquis modernistes du régime précédent (dont le projet visant à substituer la « complémentarité » à l’« égalité » entre hommes et femmes). La bataille du préambule, qui a duré presque un an, s’est apparentée à une véritable guerre de tranchées. Les avant-projets de Constitution présentés en décembre 2012 et en avril 2013 comportaient une omission de taille : celle de la liberté de conscience (croire

ou ne pas croire), à laquelle on avait préféré la liberté de croyance. Même si deux aspects problématiques restaient en débat au moment où nous écrivions ces lignes* – la nature exacte des prérogatives du président de la République, qui sera élu directement par le peuple, et le statut des dispositions transitoires –, la physionomie de la future loi fondamentale est maintenantconnue.Lespoints litigieux ont été aplanis, et l’essentiel des acquis modernistes du texte de 1959 a été conservé. Mieux : désormais, les binationaux seront autorisés à présenter leur candidature à la présidentielle (article 73 de l’avant-projet du 1er juin). Et les dispositions relatives aux droits des femmes ont été développées (articles 20 et 45). L’héritage de Bourguiba reste bel et bien vivace dans la Tunisie de 2013. n * En novembre 2013.

SÉCULIER. Cet article sera

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ONS ABID

maintenu. Or tous les experts s’accordent pour dire qu’il ne peutselireisolément.Ils’insère dans un dispositif juridique relatif à l’islamité de l’État, qui englobe le préambule et les articles 5, 6, 38 et 40 de la Constitution. Cet ensemble ne fait aucune référence à la charia ou à son succédané, « les principes de la législation islamique ». Au contraire : il mentionne 27


Ancien président de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique (dissoute) en Tunisie

Pari ou utopie démocratique?

L

ongtemps, le monde arabe a paru englué dans des schémas politiques allant de la dictature militaire à la dictature religieuse. À partir de 2011, une sorte de mouvement tellurique amorcé en Tunisie allait balayer trois autocraties et remettre en question cette triste alternative. Dans un premier temps, le monde entier salua le Printemps arabe, perçu comme l’éclosion du bourgeon démocratique. Mais si ce printemps mettait fin à la légende de « la démocratie importée d’Occident » en démontrant que celle-ci avait pour patrie l’humanité, on comprit rapidement que l’évolution était plus complexe.

Seul dénominateur commun des pays arabes : la flèche inaltérable de l’islam. Mais par le jeu d’interprétations archaïques et à cause de son imbrication dans les luttes politiques,sociales,ethniques,cetteflècheprovoquadanssa course querelles, ressentiments et conflits de toutes sortes. Certains pays, comme la Tunisie et l’Égypte, s’engagèrent dans un processus électoral et constitutionnel qui déboucha sur l’arrivée au pouvoir des islamistes, pour lesquels il était normal que la révolution fût assumée par eux. Ne représentent-ils pas une synthèse de la voix de Dieu et de celle du peuple? Pour d’autres, en revanche, ces élections constituaient en elles-mêmes une contre-révolution, dans la mesure où la révolution fut l’expression massive d’une revendication démocratique et « civile » exempte de toute dimension religieuse. Une révolution religieuse est d’ailleurs en soi une contradiction. Certains partis islamistes le disent clairement : « Pas de démocratie, nous ne voulons que l’islam ! » Nous avons alors ouvert un grand débat sur la dialectique du religieux et du civil, soit, comme en Tunisie, pour poursuivre le processus constitutionnel, soit, comme en Égypte, 28

pour y mettre brutalement un terme, l’armée volant au secours du peuple de larévolution contre celui des élections. La justice et la dignité furent perdues de vue, ce qui ne fit qu’aggraver les contradictions de la révolution. Certaines dictatures, comme en Syrie, résistèrent à la déferlante et entraînèrent le pays dans une guerre civile internationalisée. D’autres, comme l’Irak, s’enfoncèrent un peu plus dans une guerre civile confessionnelle à coups d’attentats terroristes. D’autresenfin,commel’Arabiesaoudite,leMaroc,laJordanie ou l’Algérie, retrouvèrent, pour des raisons foncièrement différentes, une relative stabilité. Mais partout, la flèche inaltérable produisit ses avatars – Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa), Shebab ou Ansar el-Charia –, réveillant de vieilles rancœurs, ici entre sunnites et chiites, là entre musulmans majoritaires et chrétiens minoritaires. Les révolutions arabes ont eu pour effet d’affaiblir l’État, entraînant le déclin de l’autorité et des services publics, comme en Tunisie, ou l’apparition de mouvements autonomistes aux revendications fédéralistes (Libye), voire indépendantistes (Yémen du Sud). FACE À L’ÉCHEC d’une stabilisation de la société par le vote majoritaire, lequel ne fit qu’accroître les peurs, on a recouru au consensus actif et au dialogue national en vue d’élaborer une Constitution pour tous les citoyens et non pour une fraction d’entre eux (Tunisie) ou pour un clan dominant (Yémen). Leproblèmeréside précisémentdanslararetédu«citoyen». Le pari démocratique n’est pas pour autant perdu. En Tunisie, par exemple, malgré une menace terroriste doublée d’une certaine islamisation des comportements et des mœurs, les projets constitutionnels d’Ennahdha ont été jugulés. Pour se maintenir au pouvoir, ce parti a non seulement dû faire volte-face sur le terrain miné de l’islamisme radical, qu’il pensait à tort pouvoir manipuler, mais aussi battre en retraite sur plusieurs fronts face aux « modernistes ». L’émergence d’une démocratie islamique ou, mieux, de la démocratie tout court est-elle pour autant garantie ? Certains le pensent, quand d’autres estiment que ce pari n’est qu’utopie. Hélas, les résistances internes, comme en Égypte, le développement des forces centrifuges, comme en Libye, les revendications sociales non satisfaites, ailleurs, sont de nature à provoquer une extension des formes les plus radicales et les plus belliqueuses de l’islam politique, suivie d’une généralisation des conflits civils internationalisés. Le chaos ne sera plus alors l’apanage de la seule Somalie. n Illustration Jean-François Martin/Costume 3 Pièces

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AUDE OSNOWYCZ POUR J.A.

Yadh Ben Achour



ÉVÉNEMENTS

NKOSAZANA DLAMINI-ZUMA MISSION ÉMANCIPATION Renforcer l’indépendance du continent vis-à-vis de l’Occident, c’est la ligne directrice de la présidente de la Commission de l’Union africaine. Une ligne très proche de celle de Pretoria, pointent ses détracteurs. Par Christophe Boisbouvier

«

I

l faut des solutions africaines aux problèmes africains », aime à dire Nkosazana DlaminiZuma. Avec la nouvelle présidente de la Commission, la feuille de route de l’Union africaine (UA) a le mérite d’être claire. Pour l’ex-militante antiapartheid, l’Afrique doit avant tout s’affranchir de l’Occident et de ses visées impérialistes. Si l’Otan n’était pas allée faire la guerre contre le colonel Kaddafi, aurait-elle été candidate contre Jean Ping ? Sans doute pas. En 2011, la faiblesse de l’UA sur le dossier libyen l’a ulcérée. Début 2013, l’intervention militaire française au Mali l’a encore fait enrager. Certes, dans l’urgence, face aux colonnes jihadistes qui fonçaient vers Bamako, il n’y avait pas d’autre solution. Mais au sommet des 27 et 28 janvier, elle n’a remercié la France que du bout des lèvres. Et le 25 mai, lors des célébrations du cinquantenaire de l’UA, elle s’est bien gardée de faire venir François Hollande. Le chef de l’État français n’a pu se rendre à Addis-Abeba qu’à l’invitation du Premier ministre éthiopien. Pour mettre fin aux opérations des armées occidentales sur le continent, l’organisation panafricaine veut mettre sur 30

pied une force de réaction rapide. Du temps de Jean Ping, le projet d’une Force africaine en attente (FAA) a été confié à l’ex-président guinéen Sékouba Konaté. Mais comme celle-ci ne verra pas le jour avant 2015, Dlamini-Zuma s’impatiente. Avec quelques pays pilotes comme l’Afrique du Sud, elle essaie de créer au plus vite une Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (Caric). INERTIE. Pour cela, il faut de l’argent. « À mon arrivée à Addis, j’ai été choquée de découvrir que 97 % de nos programmes étaient financés par nos partenaires extérieurs », dit-elle. La présidente de la Commission cherche donc des sources de financement innovantes. Sur les conseils de l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, elle préconise la création, d’ici à 2015, d’une taxe de 10 dollars (environ 7,50 euros) sur les billets d’avion et d’une autre de 2 dollars sur les séjours hôteliers. Bénéfice escompté : 763 millions de dollars par an. Mais les chefs d’État du continent tergiversent. En privé, l’ancien président sudafricain Thabo Mbeki craint que celle qui fut sa ministre des Affaires étrangères ne se casse le nez sur le mur d’inertie de l’UA.

En 2006, l’analyste sud-africain Richard Calland écrivait : « Madame Dlamini-Zuma est dotée d’une abondante intelligence, mais se montre à peu près aussi diplomate que le proverbial éléphant dans un magasin de porcelaine. » De fait, depuis son arrivée, il y a un an, elle ne s’est pas fait que des amis. Beaucoup moins accessible que son prédécesseur, le Gabonais Jean Ping, elle irrite chez les fonctionnaires et les diplomates en poste à Addis-Abeba. Mais quand il le faut, elle sait tendre la main et faire les compromis nécessaires. Certes, au Mali, DlaminiZuma n’a pas du tout apprécié que l’ONU nomme un Européen, Bert Koenders, à la tête de la Minusma. Mais, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle s’est rendue le 2 novembre à Bamako pour y saluer les contingents africains et rencontrer Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies. Certes, en Centrafrique, elle n’a aucune prise sur les événements. Pis encore, le 23 mars à Bangui, les troupes de son pays, l’Afrique du Sud, ont été humiliées par les

L’ex-ministre sud-africaine conserve des responsabilités à la tête de l’ANC.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


rebelles de la Séléka. Treize de ses compatriotes ont été tués. Mais aujourd’hui, elle a l’habileté de se rapprocher de ses « ennemis » français pour peser sur ce dossier. « Jusqu’en mars, l’Afrique du Sud et la France étaient rivales à Bangui, analyse Paul-Simon Handy, directeur de recherche à l’Institut d’études de sécurité (ISS) à Pretoria. Mais depuis la visite de François Hollande en Afrique du Sud, en octobre, les deux pays sont partenaires et essaient de convaincre les États-Unis et la GrandeBretagne de financer l’envoi d’une force internationale en Centrafrique. » Comme son ex-mari, le président sud-africain Jacob Zuma, Nkosazana Dlamini-Zuma est une femme pragmatique qui sait faire alliance avec ces « maudits Français » quand il le faut. « Le fait que je sois née en Afrique du Sud ne doit avoir aucune influence sur ce que je fais à l’UA », déclare-telle souvent. Beaucoup en

VINCENT FOURNIER/J.A.

MOINS ACCESSIBLE QUE SON PRÉDÉCESSEUR, ELLE SAIT CEPENDANT FAIRE DES COMPROMIS.

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doutent. À commencer par l’opposant zimbabwéen Morgan Tsvangirai, qui n’a pas compris pourquoi, le 27 juillet à Harare, la présidente de la Commission est venue valider par avance le résultat d’élections générales qui s’annonçaient très chaotiques. « Cela remet en question son intégrité et son impartialité », a-t-il lancé. Pour lui, DlaminiZuma est toujours la militante du Congrès national africain

(ANC) qui soutient coûte que coûte la Zanu-PF du président zimbabwéen Robert Mugabe. Son départ à Addis-Abeba n’y a rien changé. POPULAIRE. La Commission

de l’UA est-elle passée sous le contrôle de l’ANC ? C’est la question que posent certains diplomates africains au vu des nombreux allers-retours de sa présidente entre Addis et Johannesburg et du shadow cabinet qu’elle a constitué autour d’elle en marge de son équipe officielle. Son principal conseiller, Baso Sangqu, est l’ancien ambassadeur de l’Afrique du Sud aux Nations unies. Lors des huis clos, c’est lui qui l’accompagne. Pas son directeur de cabinet, le Burkinabè Jean-Baptiste Natama. Surtout, Dlamini-Zuma n’a pas abandonné ses responsabilités à la tête de l’ANC. Populaire en Afrique du Sud, très influente dans la Ligue des femmes du parti au pouvoir, elle s’est fait réélire en décembre 2012 au Comité exécutif national, l’organe central de la formation. Commentaire de Paul-Simon Handy : « Avec elle, l’Afrique du Sud est certaine que l’UA ne lui sera pas hostile. » À près de 65 ans, Nkosazana Dlamini-Zuma a-t-elle des visées nationales ? Son mandat à la Commission de l’UA expire en 2016, et c’est en 2017 que l’ANC devra désigner son candidat à la présidence pour 2019. Jacob Zuma ne pourra pas se présenter une troisième fois, mais voudra s’assurer que son successeur le mettra à l’abri des juges. Qui le protégera mieux que la mère de ses enfants ? « Je suis une humble servante du continent africain », clame Dlamini-Zuma. Une humble servante qui ne manque pas d’ambition… n 31


EN VÉRITÉ

François Soudan

Du bon usage de la Chinafrique

D

ans les relations complexes et souvent conflictuelles entre l’Afrique et le monde occidental, il y a un avant- et un après-2009. Cette année-là, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du continent devant les grands pays européens et les États-Unis, une position qu’elle n’a cessé de consolider depuis, installant une sorte de fait historique quasi irréversible – tout au moins pour les trois ou quatre décennies à venir. Cette révolution copernicienne dans les échanges entre l’Afrique et le reste du monde a eu des effets directs en termes de croissance. Si le continent est aujourd’hui la deuxième zone géographique la plus dynamique derrière l’Asie émergente, ce n’est pas aux progrès de sa consommation locale ni à ceux des investissements qu’il le doit, mais, pour beaucoup, aux profits tirés de la vente de ses matières premières à l’ogre chinois, lequel joue le rôle d’une locomotive de tête pour le train de la croissance africaine.

qu’ils soient n’obéit à aucune orientation idéologique précise et n’est motivée par aucune sympathie particulière : seules comptent la protection et la sécurité de ses intérêts commerciaux. CETTE SPECTACULAIRE ENTRÉE EN FORCE de la Chine sur le continent, suivie par celle de nouveaux acteurs comme l’Inde, le Brésil, la Turquie ou les émirats du Golfe, qui ont peu ou prou adopté la même posture politique de non-ingérence, a rebattu les cartes et ouvert une fenêtre d’opportunité pour des pays africains soucieux de sortir du tête-à-tête obligé avec l’Occident. L’Afrique du Sud, le Nigeria, le Kenya, l’Angola, le Mozambique, l’Ouganda, le Rwanda, le Zimbabwe, mais aussi l’Union africaine désormais sous leadership sud-africain ont pris la tête de cette « nouvelle » Afrique dopée par ses taux de croissance, exaspérée par les leçons de morale des anciens colonisateurs et les mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) et qui n’hésite pas à se servir de ses partenaires économiques de rechange comme d’un moyen de pression. Jamais, depuis les indépendances, l’Afrique n’avait parlé à l’Occident en position de force. À tort ou à raison, elle pense aujourd’hui pouvoir le faire. Plus encore que la fronde menée par les chefs d’État contre la CPI, l’élection présidentielle zimbabwéenne du 31 juillet 2013 est à cet égard un cas d’école. Les Occidentaux comptaient sur Jacob Zuma et Olusegun Obasanjo pour invalider la réélection du paria Robert Mugabe. Or ces derniers l’ont certifiée, avant d’applaudir le vainqueur. Les Européens et les Américains vont donc devoir choisir. Soit ils cèdent aux Chinois et aux nouvelles puissances le premier réservoir mondial de matières premières – ce qui est impensable –, soit ils se comportent en Afrique comme ailleurs, en Asie, en Russie ou dans la péninsule Arabique, là où la probité et la gouvernance des dirigeants en place sont loin d’être leur premier souci. Cynisme ? Réalisme ? Sans doute. Pas de quoi désespérer pourtant les démocrates africains : c’est d’eux-mêmes et de leurs peuples que se nourrit le vrai combat, loin de toute ingérence étrangère. n

À tort ou à raison, le continent pense pouvoir parler à l’Occident en position de force.

ÉMINEMMENT DUCTILE, la politique chinoise en Afrique a rapidement pris en compte les accusations formulées dans les médias et les institutions financières internationales, ou émanant de gouvernements africains soucieux de renégocier certains contrats léonins conclus au début des années 2000, pour faire le ménage dans les pratiques opaques des sociétés d’État opérant sur le continent, tout en maintenant leur net avantage comparatif. Traditionnellement moins chers de 30 % en moyenne que leurs concurrents occidentaux et plus rapides dans l’exécution, les Chinois ont, depuis quelques années, fait de gros efforts pour combler leur déficit dans trois domaines clés : la qualité de leurs réalisations, la création d’emplois et la formation de cadres locaux. Résultat : en dépit de toutes les critiques, et comme le démontrent de multiples enquêtes de terrain récentes, la grande majorité des Africains ne se plaint pas de la présence chinoise. Une présence qui, contrairement à celle des Européens ou des Américains, n’est ni politiquement, ni militairement, ni culturellement intrusive. La neutralité positive de Pékin vis-à-vis des régimes en place quels 32

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Servi au Ciel de Paris

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION


Écrivain sénégalais. À lire : La Gloire des imposteurs, avec Aminata Dramane Traoré (éditions Philippe Rey, Paris, janvier 2014)

Pour une justice réellement universelle

L

e sommet extraordinaire que l’Union africaine (UA) a consacré à la Cour pénale internationale (CPI), les 11 et 12 octobre 2013, est une nouvelle preuve de l’importance de cette dernière dans notre imaginaire politique. De Gaborone à Bamako, qui n’a secrètement redouté – ou espéré – le retrait de tous nos pays de cette juridiction? Les chefs d’État africains se sont finalement bornés à lancer au Conseil de sécurité de l’ONU un ultimatum que celui-ci n’a pas pris au sérieux; le président Uhuru Kenyatta et son vice-président, William Ruto, restent donc dans l’obligation légale de déférer aux convocations du tribunal de La Haye. L’UA, qui refuse depuis 2009 d’exécuter le mandat d’arrêt contre Omar el-Béchir, a demandé aux deux personnalités kényanes de ne pas comparaître. Ce bras de fer est un signe des temps qui amène à s’interroger de nouveau sur la pertinence même d’une telle juridiction. À mon humble avis, elle n’a pas été totalement inutile. Même si le Libérien Charles Taylor n’a pas été, au sens strict, un de ses « clients », j’avoue avoir été heureux de le voir dans le box des accusés, toute son inquiétante flamboyance de naguère à jamais oubliée. Et s’il est vrai que d’autres prévenus, comme Thomas Lubanga, ont aussi payé pour leurs crimes, la CPI a surtout été un précieux instrument de dissuasion, l’épée de Damoclès qui a contraint des chefs de guerre sans foi ni loi à prendre en compte, si peu que ce soit, les normes d’une société humaine civilisée.

noter que ses poursuites sont presque toujours initiées en fonction de critères plus politiques que judiciaires. La CPI ne sait plus, par exemple, que faire de Gbagbo. À supposer qu’il ait toujours sa place dans une prison des Pays-Bas, il y aurait mérité un peu de compagnie, à en juger par ce qu’on sait du massacre de Duékoué. En fait, on en est venu peu à peu à une situation où la menace d’une action judiciaire est devenue un moyen de peser sur des conflits au profit de forces favorables à l’Occident. LA CPI, QUI PRÉTEND rendrelajusticeaunomdel’humanité

entière, souffre pourtant d’un sérieux déficit d’universalité. Certes, 122 États ont ratifié le statut de Rome, mais il faut savoir que cette liste inclut une vingtaine d’îles du bout du monde, comme Fidji, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Saint-Kitts-et-Nevis, Vanuatu, etc. En outre, très peu de pays d’Amérique latine, d’Asie ou du monde arabe en sont partie prenante, et ni la Russie, ni l’Inde, ni la Chine, ni… les États-Unis ne veulent en entendre parler. Mais de manière assez significative, aucune nation du Vieux Continent ne manque à l’appel. C’étaitbienlamoindredeschoses, car ce tribunal reflète avant tout une vision européenne des relations internationales, l’idée que ce continent se fait de sa supériorité morale. À peu près tout le monde l’a compris ainsi et s’est prudemment tenu à l’écart, sauf l’Afrique, dont 34 États sur 54 ont accepté de jouer les fairevaloir. C’est de là que vient cette impression que les leaders africains sont les seuls ciblés par la CPI. Faute d’avoir eu le courage de dire non à une Europe qui se moque de notre souveraineté,nousluiavonspourainsidiredonnédesverges pour nous battre. Mesure-t-on à quel point il est humiliant pour un chef d’État de faire sans cesse la navette entre son palais et le banc des accusés d’un lointain tribunal étranger? Personne ne peut douter de la nécessité d’une justice internationale vouée à la défense des plus faibles sur toute la planète. Mais les pays africains ont manqué de clairvoyance en adhérant en masse à la CPI sans se poser trop de questions. Ils ont aujourd’hui l’opportunité de réparer cette bévue historique en la désertant en bloc. Il ne s’agit naturellement pas de s’accorder par ce biais on ne sait quel « permis de tuer », mais plutôt de tout remettre à plat pour rendre possible une justice à la fois réellement universelle et respectueuse de tous les peuples de la terre. n

Déserter la CPI en bloc ne signifierait évidemment pas s’accorder un « permis de tuer ».

FORCE EST POURTANT DE CONSTATER qu’en moins

d’une décennie ce bel outil juridique a été perverti. Au point qu’aujourd’huiilestsystématiquementaccuséderacisme.Je ne crois pas à l’existence d’un mystérieux centre de décision où de puissants lobbies européens comploteraient nuitammentpourfairedéfilerlesdirigeantsafricainsàLaHayemais j’accepte encore moins l’idée stupide que les chefs d’État de tout un continent, quel qu’il soit, ont pu se dire un jour: « Zut! Débarrassons-nous de cette justice internationale qui nous empêche de torturer et de tuer nos compatriotes! » Entre ces deux extrêmes, il y a des faits, et ils sont accablants pour la CPI. Cette dernière a fini par donner l’impression que nous vivons dans un monde harmonieux où seuls les hommes politiques africains ont des comportements criminels. C’est inacceptable. Il est tout aussi choquant de 34

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ÉVÉNEMENTS

DÉFENSE GRANDS CORPS MALADES Sureffectif, équipements inadaptés, missions mal définies : la plupart des armées du continent souffrent de nombreux handicaps. La solution ? Commencer par établir une relation de confiance entre civils et militaires. Par Laurent Touchard

L

eur passé est mouvementé, leur présent difficile et leur avenir complexe. Les forces armées africaines naviguent, souvent à vue, entre tentations hégémoniques et respect de la démocratie, crises et paix instables, composant avec traumatismes, méfiance, manquedemoyens…Pléthore de récifs. Et l’hiatus entre civils et militaires n’est pas le moindre. Trop souvent, les uns et les autres ne se parlent pas et ne se considèrent qu’au travers de stéréotypes. Ainsi les premiers perçoivent-ils les seconds comme incapables de réfléchir, tandis que ceuxci estiment que ceux-là sont des intellectuels semeurs de troubles… voire de potentiels traîtres à la patrie. Un antagonisme qui s’exprime également dans le rapport des armées à la politique. Fruit de l’Histoire, l’omnipotence des militaires dans ce domaine reste une réalité dans certains pays, comme au Mali – avec l’exemple de l’ex-capitaine devenu général, Sanogo – ou en Ouganda. Mais elle persiste aussi dans l’économie (en Égypte, au Soudan, au Rwanda…). Ce qui, évidemment, n’est pas sans conséquences sur la lente – et douloureuse – édification de régimes démocratiques sains. 36

Certes, les choses évoluent. Les coups d’État sont moins fréquents. Les militaires s’inscrivent de plus en plus dans un apolitisme bienveillant (Tunisie, Sénégal, Kenya) ou apprennent à le faire (Zambie). Mais beaucoup se montrent encore vigilants – voire paranoïaques – quant à la préservation de leurs prérogatives et avantages, tout en conservant le pouvoir de faire et de défaire les gouvernements. STRATÉGIQUE. Considérant les questions de défense comme étant leur apanage, ils rendent inaccessibles les informations à ce sujet. Ce qui, de fait, interdit la réflexion des chercheurs. Or sans ces travaux, la pensée stratégique n’existe pas ou, au mieux, est

LES MEILLEURES ARMÉES DU CONTINENT Pour une guerre asymétrique ou hybride

Pour une guerre conventionnelle

Tchad

Égypte

Algérie

Algérie

Afrique du Sud

Maroc

Angola

Afrique du Sud

Éthiopie

Angola

Nigeria

Nigeria

Ouganda

Soudan

Kenya

Éthiopie

Tanzanie

Érythrée

Mauritanie, Niger

Ouganda

sclérosée, quand la réflexion d’un panel d’universitaires de différentes disciplines à propos des menaces avérées ou potentielles, des caractéristiques et spécificités d’un pays, permettrait de développer des politiques de défense rationnelles. Certains États, comme l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria ou encore le Sénégal, ont bien jeté les bases d’un dialogue entre chercheurs et soldats. D’autres témoignent d’une volonté d’avancer, à l’instar de la Côte d’Ivoire – mal h eu reu s ement l e contexte s’y prête peu. Au Cameroun, l’École supérieure internationale de guerre de Yaoundé (Esig, anciennement Cours supérieur interarmées de défense, CSID), qui enseigne aux officiers supérieurs nationaux et étrangers, en partenariat avec la France, va dans ce sens. La question des forces armées confrontées au défi du terrorisme international figurait ainsi au programme d’un colloque organisé en 2011 sous l’égide de ce qui était alors le CSID. C’est indéniable, des efforts sont faits. Mais il importe de les poursuivre et de les généraliser. Carl’absencedepolitiquede défense induit un manque de clarté dans le rôle des armées: doivent-elles mener des missions de maintien de l’ordre,

et dans quel cadre ? Quelles règles doivent encadrer le travail des services de renseignements ? Quels accords de défense faut-il passer et avec qui ? Une confusion qui nuit, elle aussi, à la démocratie. Cette absence de clarté provoque également des gaspillages. Outre ses militaires réguliers, le Mali entretient ainsi une garde nationale, une gendarmerie et une police ! Et il n’est pas le seul État du continent doté de forces redondantes. En ce qui concerne l’équipement, les pays tiennent parfois davantage compte de leur prestige que de leurs besoins réels. La RD Congo compte ainsi plus de chars T-72 qu’il n’en faut.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


PATRICK ROBERT

Et pour « faire du nombre », l’achat de matériel d’occasion est encore trop fréquemment privilégié. Résultat : il est difficile de le maintenir en bon état et il est plus souvent en panne qu’utilisable. Conjoncture qui vaut pour les forces terrestres, mais aussi aériennes et navales. La plupart des pays africains dotés d’un littoral (voire de grands fleuves ou

de lacs) ne disposent pas des équipements – ni de la formation – appropriés pour répondre aux défis sécuritaires dans leurs eaux territoriales. Piraterie, pêche illégale, nonrespect de l’environnement (déchets toxiques…), trafics divers (drogue, clandestins, armes, etc.) gangrènent alors des régions entières, sapant l’autorité des États. Même constat en ce qui concerne le

POUR LE CHEF DE L’AMISOM, LES FORCES AFRICAINES DE DEMAIN DEVRONT ÊTRE « NERVEUSES ET AGILES ». JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

renseignement et la surveillance, par exemple pour les étendues désertiques : déficit en unités et en avions spécialisés, en équipements de vision nocturne… ADAPTATION. Là encore, cer-

tains pays (Botswana, Burkina Faso, Ghana, Sénégal, Sierra Leone) ont compris tout l’intérêt de mettre en cohérence leurs objectifs et leurs moyens. Ils ont une politique de défense nationale et bâtissent des forces armées en adéquation avec les ressources disponibles et avec les menaces. À ce titre, il est intéressant de noter qu’une armée africaine dont les effectifs et le volume d’inventaire

Soldats tchadiens intervenant au Mali, dans la région de Kidal, en avril 2013.

diminuent est généralement sur la bonne voie. Si les forces du continent souffrent donc de handicaps bien réels, elles bénéficient néanmoins d’atouts humains non négligeables. La capacité d’adaptation des militaires n’est pas le moindre. À condition d’être motivés, ils savent faire beaucoup avec peu. En outre, bien entraînés, ils sont des combattants de grande valeur. Les exemples dans l’Histoire et dans l’actualité ne manquent pas : abnégation des hommes de la 37


ÉVÉNEMENTS

Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom), attitude de l’armée tunisienne lors de la révolution de janvier 2011, vaillance du Groupe commando volontaire (GCV) malien à Konna début 2013, pugnacité des commandos algériens confrontés aux terroristes à In Amenas, courage des militaires kényans lors de la prise d’otages à Nairobi… Les militaires africains ont à cœur de devenir aussi professionnels que leurs homologues occidentaux. Cet état d’esprit concourt à une amélioration constante des capacités. Les sélections sont beaucoup plus sévères et les soldats plus instruits. Des programmes de formation de qualité existent, pas seulement à l’étranger mais également sur le continent. Les officiers botswanais étudient ainsi aux États-Unis et en Afrique du Sud. ÉCHO. Quel avenir pour les

armées du continent ? Elles devront être « nerveuses, agiles, technologiquement capables et servies par des gens instruits et motivés », résume le général ougandais Andrew Gutti, chef de l’Amisom, qui insiste sur la nécessité absolue de garantir l’interopérabilité entre les forces armées. L’enjeu est considérable : partager les tâches pour optimiser l’usage des (faibles) ressources disponibles dans le cadre d’opérations conjointes. Enjeu qui fait écho à une volontécontinentaledemener des interventions africanoafricaines. Toutefois, pour l’heure, la Force africaine en attente (qui doit être créée sous l’égide de l’Union africaine) se fait attendre tandis que la force d’intervention rapide censée pallier ce retard manque de moyens de transport aérien stratégique. 38

SYLVAIN CHERKAOUI/COSMOS

Défense

Pendant une opération de désarmement menée par La Force multinationale de l’Afrique centrale (Fomac) à Bangui (Centrafrique), en octobre 2013.

L’idée des armées « nerveuses et agiles » apparaît comme une évidence ; c’est le type de force le plus adapté à un adversaire asymétrique. Cependant, il convient de ne pas oublier que ce dernier peut avoir suffisamment de « muscles » pour amener l’affrontement sur le plan de

lourds, bien protégés et armés sont essentiels. De fait, « nerveuses et agiles » n’est pas synonyme de « légères et avec des moyens limités ». L’apparition de ces nouvelles menaces, la modernisation des forces et la prise de conscience de la nécessité d’élaborer des politiques de défense font du continent un marché important pour les ventes d’armes, en particulier dans le Nord et dans l’Est. Dans ces régions, les tensions, voire les conflits, entre États favorisent la signature

EN PARTAGEANT LES TÂCHES, LES OPÉRATIONS CONJOINTES OPTIMISENT L’USAGE DES (FAIBLES) RESSOURCES. la guerre hybride (comme en Somalie, en Libye ou au Mali). En outre, il importe de considérer la diversité et la nature des zones géographiques. Les villes et les sites industriels augmentent en taille et en population ; la probabilité qu’ils se transforment en champ de bataille (à l’image de Mogadiscio, Abidjan, Gao, In Amenas, Bangui ou Nairobi) croît en conséquence. Dans ce type de combat, des blindés plus

de juteux contrats. D’autant que l’Afrique bénéficie d’un regain d’intérêt de la part d’une multitude de pays. Regain évidemment dû aux débouchés économiques qu’offre le continent et aux ressources naturelles considérables qu’il recèle. Peu importe qu’il s’agisse de vendre à des pays a priori antagonistes, à l’image de Moscou, fournisseur privilégié de l’Algérie qui effectue depuis peu une percée sur

le marché du frère ennemi marocain : fourniture d’obusiers automoteurs de 152 mm MSTA-S, proposition pour la vente de sous-marins de la classe Amur… Par ailleurs, plusieurs nations du continent ont depuis longtemps leur propre industrie de défense ; c’est le cas de l’Égypte (notamment pour ce qui concerne ses munitions d’artillerie et la modernisation du matériel) ou de l’Afrique du Sud. Et d’autres, après des débuts modestes, lui donnent une nouvelle impulsion : l’Algérie, qui construit sous licence des véhicules blindés Fuchs, des véhicules utilitaires Nimr II ou des navires de guerre ; le Soudan, en collaboration avec l’Iran. Il ne s’agit pas juste de répondre aux besoins nationaux ou de créer des sources de revenus, mais aussi de se doter d’outils d’influence : vendre des armes à un pays, c’est, en théorie, en faire un allié. Le concept d’une véritable géopolitique africaine, établie par des Africains et détachée de toute influence extérieure, est en marche. C’est l’une des grandes nouveautés de ce XXIe siècle, qui contribuera à la modernisation et à la professionnalisation des forces armées du continent. n

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ÉVÉNEMENTS

RENSEIGNEMENT POURQUOI L’AFRIQUE EST SOURDE Le continent manque de services spécialisés. Résultat : Aqmi, Boko Haram et consorts peuvent agir tranquilles. Par Seidik Abba

Q

Désormais, l’ennemi est invisible : il peut frapper sur le marché de Gao, sur la plage de Sousse ou dans un centre commercial de Kigali. Et disparaître. C’est la guerre asymétrique, un type de conflit que l’Afrique ne sait, pour l’heure, pas conduire avec la garantie du succès. Faute, notamment, decapacitésderenseignement suffisantes. Sans en être la principale raison, l’héritage colonial a considérablement contribué à cet état de fait. Le renseignement était en effet du ressort des métropoles. Dans les colonies françaises, des antennes du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE, devenu en 1982 la Direction générale de la

MARK ST GEORGE/REX/SIPA

uels liens entre l’attaque du centre commercial Westgate à Nairobi (Kenya) en octobre 2013, l’attentat commis en mai de la même année à Agadez (Niger) contre une caserne et celui qui a visé en 1998 l’ambassade américaine à Dar es-Salaam (Tanzanie) ? Dans ces trois cas, les assaillants ont eu toute latitude de procéder au repérage de leur cible, de transporter le matériel nécessaire et même de nouer des complicités internes avant d’agir. Le tout sans avoir éveillé le moindre soupçon. « Un bon renseignement technique et humain aurait permis de détecter l’action très tôt et de neutraliser les assaillants », affirmeLouisCaprioli.Pourcet ex-coordonnateur de la lutte antiterroriste à la Direction de la surveillance du territoire (DST,ancienservicedecontreespionnage français), ces événements révèlent l’étendue des lacunes des structures africaines de renseignement. Aux conflits inter-États tels que ceux qui avaient opposé la Libye au Tchad (1986-1987), le Mali au Burkina Faso (1985) ou l’Érythrée à l’Éthiopie (19982000) sur des différends frontaliers a succédé une nouvelle forme d’affrontements, contre Boko Haram, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), les Shebab…

sécurité extérieure, DGSE) effectuaient le travail de collecte et de traitement des informations.Mêmeapprochedans les colonies britanniques, où le MI6 assurait le service. TRACTS. En accédant à l’indé-

pendance,lespaysafricainsont négligé de mettre fin à cette dépendance. Tout juste ontils créé des services de renseignements généraux (RG), dont la mission principale était de surveiller les opposants, les étudiants, les syndicalistes – et souvent des journalistes locaux ou de passage. « Une bonne partie de notre travail consistaitàrechercherlestracts hostiles au pouvoir, se souvient un ancien fonctionnaire du renseignement béninois qui a travaillé sous le régime de Kérékou. On faisait des planquesdevantlesmaisonsde certainsopposants;onécoutait les propos tenus dans les bars,

pour les rapporter. » Pendant des décennies, les États africains ont ainsi fonctionné sans disposer de structures consacrées à la détection, la surveillance et la neutralisation des véritables menées subversives intérieures et extérieures. Une carence qu’il était possible de dissimuler, car à l’époque, ni Ansaru, ni les Shebab, ni Aqmi n’existaient. Que faire maintenant? Une tentative de réponse commune a été esquissée à travers la création en 2010 d’un centre derenseignementsmultinational à Alger, mais celui-ci reste une coquille vide. Pourtant, si elle ne veut pas revivre les cauchemars de Nairobi ou d’Arlit, l’Afrique doit combler ses lacunes. Le contexte de la guerre asymétrique exige de solides structures d’espionnage et de contre-espionnage plutôt que des Mig-21, des Sukhoi ou des chars Leclerc. n

Dans le Westgate Mall, à Nairobi, le 25 septembre 2013. L’assaillant figurant sur cette image de vidéosurveillance est Hassan Abdi Dhuhulow, un Norvégien de 23 ans d’origine somalienne.

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ÉVÉNEMENTS

SAHEL LA GUERRE NE FAIT QUE COMMENCER

SYLVAIN CHERKAOUI/COSMOS

Malgré la satisfaction affichée par le président français, rien n’est réglé dans la région, au contraire. Face aux groupes terroristes qui multiplient les attentatssuicides, le Mali et ses voisins renforcent leur dispositif militaire. Par Rémi Carayol

L

e 11 janvier 2013, la France est entrée en guerre contre les jihadistes au Mali avec ses alliés ouest-africains et tchadien. Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et Ansar Eddine contrôlaient plus de la moitié du pays et menaçaient de lancer l’offensive sur Bamako. Neuf mois plus tard dans la 42

capitale malienne, devant un parterre de chefs d’État venus saluer l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), François Hollande fanfaronnait: « Nous avons gagné la guerre! » Mais le think tank International Crisis Group s’interrogeait : fallait-il déjà crier victoire ? Les événements tragiques qui ont suivi lui ont donné une réponse sans équivoque. Alors que la saison des pluies touchait à sa fin,

les attentats-suicides dans le nord du Mali – censé être libéré – se sont multipliés. À Tombouctou, Gao, Kidal, Tessalit… Jusqu’à atteindre l’indicible, le 2 novembre, avec l’enlèvement et l’assassinat de deux envoyés spéciaux de Radio France Internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Près d’un an après le déclenchement de l’opération Serval, non seulement la guerre n’était

Matériel appartenant à des jihadistes et retrouvé par l’armée française dans la vallée d’Amettetaï (nord du Mali), le 5 mars 2013.

pas gagnée, mais elle était mêmeenvoied’extensiondans l’ensemble du Sahel. Instruits par l’expérience de l’interventionenLibyeen2011, dont les conséquences sur la sous-région ont été bien plus importantes qu’imaginé, les

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services de renseignements français n’ont jamais partagé l’optimisme du président. « Ce conflit n’est qu’une étape », estimait, en février, le colonel français Vladimir Tozzi, spécialiste de la contre-guérilla. « On a gagné une bataille, pas la guerre », déclarait en octobre un officier. ORAGE. Le Mali, les jiha-

distes ne l’ont jamais vraiment quitté. Les hommes d’Aqmi se sont battus à mort, et les survivants (la plupart des chefs, hormis Abou Zeid) se sont réfugiés en Algérie, en Tunisie ou en Libye le temps que l’orage passe. Ils se sont réorganisés. De nouveaux dirigeants ont été nommés. Puis ils sont revenus. La nébuleuse a revendiqué des attentatssuicides et le double assassinat des journalistes de RFI. L es hommes d’Ansar Eddine, eux, se sont refait une virginité en rejoignant le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), un mouvement créé par la famille de l’aménokal (chef traditionnel) de Kidal, Intalla Ag Attaher, dont l’un des fils, Alghabass Ag Intalla, fut le bras droit d’Iyad Ag Ghali. Ce dernier, figure emblématique de la rébellion touarègue, joue toujours un rôle majeur à Kidal. Quant aux combattants du Mujao, présenté en 2011 comme le fruit d’une scission au sein d’Aqmi, ils ont multiplié les attentats même au plus fort de l’offensive francotchadienne.Leurschefsétaient toujours dans la nature fin 2013 : en Algérie, en Libye, et surtout au Mali. En août, ils se sont alliés avec les hommes de Mokhtar Belmokhtar, un dissident d’Aqmi, et ont créé Al-Mourabitoune, un groupe composé d’Arabes, de Touaregs, de Peuls, de Songhaïs…

Les futures cibles de ces bandes armées, décidées à meneruneguerreasymétrique contre les pays qu’ils accusent de collaborer avec la France « mécréante », pourraient tout aussi bien être les Casques bleus stationnés au Mali que le Niger,laMauritanie,leSénégal, le Burkina et le Tchad. De fait, l’onde de choc de l’intervention franco-africaine s’est rapidement propagée chez les voisins du Mali, même les plus lointains. Le 19 février, une famille de Français, les Moulin-Fournier, était enlevée dans le nord du Cameroun par un groupe se revendiquant de la secte nigériane islamiste Boko Haram. Si le lien entre ce rapt et l’intervention française au Mali n’a pas été clairement établi à Paris, les kidnappeurs

ont évoqué « la guerre contre l’islam » menée par la France pour l’expliquer. Trois mois plus tard, le Niger était touché également. Le 23 mai, des hommes de Belmokhtar et du Mujao ont attaqué une caserne del’arméenigérienneàAgadez et le site minier d’Areva à Arlit. Bilan: 35 morts, dont une vingtaine de soldats nigériens et dix kamikazes. Face à cette internationale jihadiste qui a fait du chaos libyen son refuge et qui s’étend duMaghrebauNigeria,laseule réponse donnée par les États de la région est, pour l’heure, sécuritaire.Lamilitarisationdu Sahel est en marche. Le Mali a vu débarquer 4 000 soldats français (ils n’étaient plus que 3000 fin 2013) et 6000 soldats africains, placés sous mandat

FOCUS Nouvelle donne diplomatique L’intervention des forces françaises et africaines au Mali a rebattu les cartes diplomatiques dans la sous-région. Lorsque le chef d’Ansar Eddine a lancé l’offensive sur le sud du Mali, en janvier 2013, l’Algérie et le Burkina Faso – qui avaient misé sur Iyad Ag Ghali pour trouver une solution à la crise – ont perdu du crédit. Certes, Blaise Compaoré reste le médiateur nommé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), mais sa position s’est fragilisée. Le Niger et le Tchad, qui avaient très tôt alerté la communauté internationale sur les conséquences de la chute de Mouammar Kaddafi, ont au contraire gagné voix au chapitre en envoyant rapidement des troupes (650 hommes pour le Niger, 2 000 pour le Tchad) soutenir l’armée française. N’Djamena, membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies depuis octobre, entend désormais peser sur l’avenir du Sahel. Le Maroc, enfin, a marqué son retour en force au Mali. Le 19 septembre, Mohammed VI a profité de la cérémonie d’investiture d’Ibrahim Boubacar Keïta (à laquelle n’a pas assisté un Abdelaziz Bouteflika convalescent) pour renforcer la coopération entre les deux pays et tenter de R.C. damer le pion au voisin algérien.

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de l’ONU le 1er juillet 2013. Il a également entamé un large programme de réforme de sa propre armée avec l’appui de l’Union européenne. Le Niger adéployé5000hommeslelong des800kmdesafrontièrecommune avec le Mali et a renforcé sonarmée,audétrimentdesecteurs tels que la santé et l’éducation. Le Burkina a envoyé plus d’un millier de ses soldats sécurisersafrontièrenord.Etle Tchadaaccrulasurveillancede sa région septentrionale. Mal équipés et surtout déficients en matière de renseignement (lire p. 41), ces pays ont accepté l’aide de la France et des États-Unis. Outre son installation au Mali, qui pourrait s’éterniser, et sa présence plus ancienne au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Tchad, Paris a renforcé son dispositif au Niger et au Burkina. Dans ces deux États, l’Hexagone dispose de troupes d’élite, et c’est de Niamey, depuis le déclenchement de l’opération Serval, que décollent ses drones. Le Sahel est la nouvelle priorité de l’état-major français, et il n’est pas impossible que ses autres implantations en Afrique (à Djibouti et au Gabon) en subissent les conséquences. Une nouvelle maquette de la présence française sur le continent s’élabore. Moins visibles, les Américains ont eux aussi renforcé leur dispositif dans la région. Leurs drones décollent également de Niamey. Washington a même envisagé de construire une base aérienne près d’Agadez, avant de se raviser. Le Niger n’est pas contre le fait de rendre pérennes ces installations, pour l’heure provisoires. Le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, a même demandé, en septembre, à ce que les drones soient armés. n 43


ÉVÉNEMENTS Tunisie

ÉLECTIONS

Maroc

Algérie

LE KENYA FERA-T-IL DES ÉMULES? Alors qu’à nouveau en 2013 de nombreux scrutins ont été contestés, le respect de la justice manifesté par Raila Odinga, candidat malheureux à Nairobi, montre l’exemple. Par Tshitenge Lubabu M.K.

S

ur le continent, les élections consensuelles sont rares. Chaque scrutin est l’occasion pour les opposants de dénoncer des tricheries orchestrées, selon eux, par le pouvoir en place. L’année 2013, à quelques exceptions près, n’a pas échappé à cette tradition bien établie. Au Zimbabwe, commeonpouvaits’yattendre, Robert Mugabe s’est succédé à lui-même, malgré les recours de Morgan Tsvangirai. En Guinée, où des violences préélectorales avaient déjà endeuillé plusieurs familles, les résultats des législatives de septembre ont été contestés par l’opposition, qui a exigé l’annulation du scrutin. Mais la Cour suprême, qu’elle avait saisie, a validé la victoire du parti d’Alpha Condé. La bonne surprise est venue du Kenya. Après la tragédie consécutive aux élections de 2007, tout le monde craignait le pire pour la présidentielle du 4 mars 2013. Il y a eu contestation, c’est vrai. Mais le perdant, Raila Odinga, après s’être adressé à la Cour suprême, a respecté le jugement rendu en sa défaveur et n’a pas cherché à mettre le feu aux poudres. 44

Mauritanie

Cap-Vert

Mali Niger Sénégal

Gambie GuinéeBissau

Cet exemple sera-t-il suivi en 2014? L’année sera marquée par des rendez-vous importants. En avril, l’Algérie sera appelée à trouver un successeur à Abdelaziz Bouteflika. À moins que ce dernier, qui avait pourtant laisséentendre,enmai2012,qu’il s’agissait de son dernier mandat, ne cède à la tentation de poursuivre l’aventure malgré ses problèmes de santé. Les appels en ce sens de différents partis, dont le Front de libération nationale (FLN) ou le Rassemblement national démocratique (RND), qui dominent la vie politique, se multiplient. TORCHON. Les regards seront

également tournés vers l’Afrique du Sud pour suivre les législatives, prévues entre avril et juillet. Un scrutin à double détente puisque les députés éliront à leur tour le chef de l’État. Au Mozambique, la présidentielle est prévue en octobre. Mais le torchon brûle entre le Front de libération du Mozambique (Frelimo, au pouvoir) et la Résistance nationale mozambicaine (Renamo, ex-rébellion armée emmenée par Afonso Dhlakama) depuis

Burkina Faso

Guinée

Bénin Côte d’Ivoire

Sierra Leone

Togo

Nigeria

Ghana

Liberia la fin de l’accord de paix, en octobre2013.L’autreproblème, c’est la position du chef de l’État, Armando Guebuza. Selon la Constitution, il n’a droit qu’à deux mandats, qu’il a déjà effectués. Va-t-il passer outre, d’autant qu’il a été très confortablement réélu président du Frelimo? D’autres scrutins présidentiels sont attendus au Malawi (en mai), au Botswana (en octobre) et en Mauritanie (la date n’est pas fixée). Des incertitudes demeurent pour ce qui est de la Tunisie, de l’Égypte et de la République centrafricaine. Pour sa part, São Tomé e Príncipe devra renouveler son Assemblée nationale. n

São Tomé Guinée équat. e Príncipe

Cabinda

CONSULTATIONS PRÉVUES EN 2014 PRÉSIDENTIELLE LÉGISLATIVES RÉFÉRENDUM AUTRES SCRUTINS

BOTSWANA OCTOBRE Le principal enjeu de ces élections générales est le résultat du Parti démocratique du Botswana (BDP), au pouvoir sans discontinuer depuis l’indépendance, en 1966. Face à une opposition désargentée, le président Ian Khama, en poste depuis 2008 et très populaire, devrait être réélu par la future Assemblée, où le BDP a toujours été majoritaire.

jeune afrique • hors-série n° 35 L’AFRIQUE EN 2014


ALGÉRIE

MAURITANIE La date de la prochaine présidentielle n’est pas encore officiellement fixée, même si le mandat de Mohamed Ould Abdelaziz, l’actuel chef de l’État, qui a été élu en 2009, expire en juillet 2014. Une partie de l’opposition menace déjà de boycotter l’élection au cas où Abdelaziz se représenterait.

Égypte

Libye

Djibouti

Cameroun

Éthiopie

Soudan du Sud

Centrafrique

Somalie Congo

ÉGYPTE

CENTRAFRIQUE

Ouganda Gabon

TUNISIE Voilà des mois que la classe politique n’arrive pas à s’entendre pour sortir de la crise dans laquelle le pays est enlisé. Dans ces conditions instables, il est peu probable que les élections générales soient organisées entre mars et mai 2014, comme prévu.

Le pays des Pharaons semble parti pour une longue période d’instabilité à la suite du renversement, en juillet 2013, du président Mohamed Morsi (élu en juin 2012). Juste après le coup d’État, un calendrier électoral prévoyant un référendum constitutionnel, des législatives et une présidentielle avait été annoncé. Mais entre répression des Frères musulmans et tensions persistantes, l’Égypte ne semble pas sur la voie de la normalisation.

Érythrée

Soudan

Tchad

AVRIL Abdelaziz Bouteflika comblera-t-il les espoirs du Front de libération nationale (FLN), qui a souhaité en faire son candidat pour la présidentielle de 2014 ? Le suspens reste entier : très diminué, le chef de l’État ne s’est pas encore prononcé.

En avril 2013, Michel Djotodia était désigné président de la transition, avec pour mission d’organiser des élections générales dans les dix-huit mois. Mais, depuis, la situation du pays n’a cessé de se détériorer. Se stabilisera-t-elle d’ici là ? Rien n’est moins sûr.

Kenya République démocratique du Congo

Rwanda Burundi

MALAWI Tanzanie

Comores

Malawi

Angola Zambie

MOZAMBIQUE Madagascar

Zimbabwe Namibie

MAI Le défi est de taille. En organisant, en une fois, trois scrutins (présidentiel, législatif, local), Joyce Banda, devenue présidente après le décès de Bingu wa Mutharika en avril 2012, espère obtenir une légitimité sortie des urnes. Problème : critiquée par la population pour les réformes économiques qu’elle a engagées afin d’obtenir le soutien des bailleurs de fonds, elle est lâchée par ces derniers depuis l’éclatement d’un scandale de corruption.

Mozambique Botswana

15 OCTOBRE Sur fond de menace d’une reprise de la lutte armée par les ex-rebelles de la Renamo, Armando Guebuza termine son deuxième et (selon la loi) dernier mandat. Réélu triomphalement président du Frelimo en septembre 2012, il a, dans la foulée, changé de dauphin en nommant Alberto Vaquina Premier ministre en remplacement d’Aires Ali. Prépare-t-il un scénario à la Poutine ?

Swaziland

Afrique du Sud

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AFRIQUE DU SUD Lesotho

AVRIL À JUILLET Le Congrès national africain (ANC) gagnera-t-il les élections générales ? Les observateurs n’en doutent guère. Avec, toutefois, une préoccupation : le score. Lors des dernières élections, le parti de Jacob Zuma (chef de l’État depuis 2009) avait obtenu 65,9 % des suffrages.

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BRUNO LEVY POUR J.A.

MO IBRAHIM Milliardaire anglo-soudanais, président de la Fondation Mo Ibrahim

Comment devenir vraiment indépendants

L

e temps est venu de faire preuve d’afroréalisme. À la fin du siècle, la moitié de la jeunesse du monde sera africaine. À ce jour, notre continent recèle 95 % des réserves prouvées de platine, plus de 75 % de celles de phosphate, 60 % de celles de diamant, près de la moitié du stock de cobalt et de chrome, plus du quart de celui de bauxite. Mis à part le diamant, 90 % de ces réserves restent à exploiter. Le potentiel énergétique africain – solaire, hydraulique, éolien et même nucléaire – est également considérable. Et le continent détient à lui seul près des deux tiers des terres arables non exploitées de la planète. Depuis 2004, son taux de croissance global a été en moyenne de 5,4 %, soit plus de quatre fois celui enregistré en moyenne dans l’Union européenne (UE). En 2012, 16 pays du continent ont enregistré une croissance supérieure à 5 %. La dernière livraison de l’Indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique montre que 94 % de la population vit désormais dans un pays dont le niveau global de gouvernance s’est amélioré depuis 2000. TOUT CECI EST TRÈS PROMETTEUR. Mais prometteur

seulement. Ne nous payons pas de mots et restons lucides. Le potentiel africain? Commençons par cesser de parler de l’Afrique comme d’un ensemble homogène et cohérent. Car nous restons une mosaïque de 54 pays, avec chacun son drapeau, son contrôle aux frontières, ses ambassades à l’étranger ; l’Union africaine (UA), dont nous venons de célébrer le 50e anniversaire, n’est pas encorel’Europe,avecsonmarché commun, sa monnaie unique, ses organes politiques supranationaux, son budget solidaire et partagé. L’Afrique, c’est l’Algérie, avec 2,4 millions de km2, mais aussi les Seychelles, avec moins de 500 km2. C’est le Nigeria, avec 169 millions d’habitants, mais aussi São Tomé e Príncipe, avec moins de 200 000. C’est l’Afrique du Sud, avec un PIB de 384 milliards de dollars, mais aussi les Comores, avec moins de 600 millions de dollars en tout et pour tout. Le PIB de la communauté régionale la plus aboutie, la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest], est inférieur à la capitalisation boursière d’Exxon Mobil. Quant à la communauté la plus peuplée et la plus riche, la Cen-Sad [Communauté des États sahélo-sahariens], qui regroupe 28 pays, elle

reste moitié moins peuplée que l’Inde et est à peine plus riche que la Suède. Sans intégration régionale effective, économique, commerciale, politique, nous ne pèserons guère dans ce monde globalisé, quel que soit notre « potentiel ». Seule notre unité fera notre force. Notre continent a acquis son indépendance politique. Il lui reste à devenir autonome. Cessons de faire appel à la solidarité de l’extérieur. Devenons solidaires entre nous. Passer de l’aide internationale aux investissements étrangers, c’est encore rester au milieu du gué. Il faut aller plus loin, et passer aux investissements africains en Afrique. Alors nous deviendrons vraiment indépendants. LA FIN DES CRISES ? Si les grands conflits régionaux du

siècle dernier se sont pour la plupart éteints, le début du nouveau siècle voit monter tensions sociales ou révoltes domestiques et progresser la nébuleuse terroriste, souvent en lien direct avec les grands réseaux de criminalité transnationale. La dynamique créée par la jeunesse? Cette jeunesse qui devient majoritaire, mieux « éduquée » que les générations précédentes, est aussi largement inemployée, parce que mal formée, en décalage avec les exigences du marché global du travail, et se sent de plus en plus dépourvue de perspectives. Ne négligeons pas ici le signal donné par la progression des trafics mais aussi de la consommation de drogues. La croissance exubérante ? Elle s’accompagne aussi d’une progression préoccupante des inégalités, qui aggrave les fractures entre pays et en leur sein, et nourrit les insatisfactions. Le réservoir de ressources naturelles ? Beaucoup reste à faire pour le transformer : transparence des contrats, création de valeur ajoutée et d’emplois locaux, redistribution nationale de la richesse… Aujourd’hui encore, 90 % du pétrole nigérian est exporté hors du continent, alors que 25 % seulement de la population subsaharienne ont accès à l’électricité. Nous sommes un grand continent. Mais nous ne serons durablement forts et véritablement autonomes que si nous transformons effectivement ce potentiel qui est le nôtre, avec pour priorités l’intégration régionale, la réduction des inégalités, la gouvernance des ressources naturelles et l’emploi de notre jeunesse. n

Sans réelle intégration régionale, nous ne pèserons guère dans ce monde globalisé.

46

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


Le goût du monde

*

22 pays dans le monde dont 15 en Afrique Le goût du monde pour Servair c’est – hier, aujourd’hui et demain – beaucoup celui du continent africain. Le goût d’y tisser des partenariats respectueux des normes internationales et des spécificités locales. Le goût des métiers de la restauration et aussi de ceux des services aéroportuaires. Et bien sûr, le goût du service pour répondre aux attentes quotidiennes et événementielles de nos clients : compagnies aériennes, entreprises et collectivités. A taste of the world

*

www.servair.fr


TENDANCES


50

PALMARÈS On rebat les cartes

87

CONSOMMATION À vos marques…

58

ÉCONOMIE L’Afrique va-t-elle aussi bien qu’on le dit ?

88

ÉNERGIE Talon d’Achille

89

INTERVIEW Carlos Lopes, de la CEA

INDUSTRIES EXTRACTIVES Fini la ruée

64

92

POPULATION La bombe urbaine

SECTEUR PRIVÉ Esprits d’entreprises

71

98

AFRICANISATION Le local a la cote

CINÉMA Claps africains

76

100

CULTURE Ces villes qui bouillonnent

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

Le Morocco Mall, ouvert fin 2011 à Casablanca. Les centres commerciaux se multiplient sur le continent pour attirer les classes moyennes naissantes.


TENDANCES

PALMARÈS

2013 On rebat les cartes Les critères de notre classement ont évolué pour se concentrer sur les efforts de développement économique et social. Résultat : trois premiers ex æquo, dont Maurice, inamovible. Par Tshitenge Lubabu M.K.

50

L

es situations évoluent vite. Depuis notre dernière édition, le trio de tête n’est plus le même. Maurice se maintient, alors que l’Afrique du Sud et la Tunisie ont reculé, dépassées par l’Algérie et l’Égypte. Ce nouveau classement des 54 États africains – en dehors, pour certains critères, du Soudan du Sud, dont l’indépendance, acquise en juillet 2011, est trop récente pour disposer de données pertinentes, et de la Somalie, encore à la recherche de sa stabilité – tient compte, bien évidemment, de données actualisées et du regard de notre JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


Rang

PALMARÈS GLOBAL rédaction sur la marche du continent. Le but de l’exercice étant de voir, en fonction des situations, la manière dont les uns et les autres s’y prennent (avec plus ou moins de succès) pour tirer leur épingle du jeu. Mais la méthodologie (lire ci-contre) a également évolué par rapport aux précédentes éditions de ce hors-série. Nous avons estimé que l’indice sur le degré de démocratisation d’un pays était par trop subjectif et qu’il n’éclairait pas toujours de façon pertinente le niveau de développement. Nous l’avons donc écarté, pour nous baser uniquement sur les efforts en matière de développement économique et social. La moyenne des notes obtenues à partir de ces deux critères permet de réaliser un classement général. sance de l’Algérie, qui, grâce à l’exploitation de ses ressources naturelles (essentiellement les hydrocarbures), a enregistré des performances économiques notables. La présence de l’Égypte (qui gagne six places) sur le podium est plus étonnante, et sans doute plus précaire. Si la chute, en février 2011, de Hosni Moubarak à la suite d’une révolution populaire et l’élection, en juin 2012, d’un nouveau président en la personne de Mohamed Morsi ont fait penser que le pays était entré dans une nouvelle ère, le renversement de ce dernier par l’armée en juillet 2013 a certainement hypothéqué les chances de redressement de l’Égypte. Le maintien de Maurice aux avant-postes, lui, n’a rien de surprenant : il reflète les efforts réalisés par le petit État insulaire, avec son million et quelques centaines de milliers d’habitants. Alors que les effets de la crise financière des années 2008-2009 se font encore sentir un peu partout, Maurice a bien résisté aux chocs. C’est le résultat d’une diversification de son économie, auparavant dépendante de la seule culture de la canne à sucre, qui a développé des secteurs aussi variés et porteurs que le tourisme, le textile, les services financiers, les technologies de l’information et de la communication, l’immobilier ou la pêche. Dans notre précédent classement, la Libye occupait la 19e position. Elle est aujourd’hui 4e, en dépit du chaos consécutif à la chute de Mouammar Kaddafi et à l’effondrement des institutions. Que s’est-il donc passé ? Tout simplement la conjugaison de son bon ■ ■ ■ JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

SOURCE : JEUNE AFRIQUE

CHANCES. Il en découle une montée en puis-

Pays

Variation

1

Algérie

1

Égypte

1

Maurice

4

Libye

5

Afrique du Sud

5

Tunisie

7

Maroc

8

Gabon

9

Botswana

10

Guinée équato.

10

Swaziland

12

Cameroun

12

Namibie

14

Angola

15

Ghana

16

Nigeria

17

Kenya

18

Seychelles

19

Tanzanie

20

Zambie

21

Congo

22

Ouganda

23

Sénégal

24

Côte d'Ivoire

25

Cap-Vert

26

Lesotho

26

Madagascar

28

Bénin

29

Soudan

30

Togo

31

Éthiopie

31

São Tomé e Príncipe

33

Rwanda

34

Zimbabwe

35

Mauritanie

36

Burkina Faso

36

Malawi

38

RD Congo

39

Mozambique

40

Mali

41

Djibouti

41

Tchad

43

Guinée-Bissau

44

Burundi

44

Liberia

46

Gambie

47

Comores

47

Guinée

49

Sierra Leone

50

Centrafrique

51

Niger

52

Érythrée

53

Soudan du Sud

54

Somalie

Méthodologie POUR RÉALISER ce classement des pays africains, nous avons élaboré deux indices sur leur niveau de développement économique et social. Cette année, nous n’avons en effet pas évalué la gouvernance politique, un critère trop subjectif. Chaque pays a reçu une note allant de 1 (note maximale) à 54, selon ses performances, dans ces deux domaines. La moyenne de ces notes a permis d’établir un classement général. CLASSEMENT ÉCONOMIQUE Cinq indicateurs ont été retenus, issus des bases de données statistiques d’organismes internationaux. Les pays africains ont tout d’abord été classés en fonction de leur produit intérieur brut et de leur revenu par habitant. Les autres critères servant à mesurer le développement des économies sont le montant des exportations hors pétrole (pour éviter de favoriser les États producteurs d’hydrocarbures, déjà bien placés en termes de PIB et de revenu par habitant), la valeur ajoutée industrielle (qui mesure la capacité de transformation manufacturière) et le niveau d’endettement, qui reste un élément fondamental des finances publiques des pays concernés. CLASSEMENT SOCIAL Pour établir ce palmarès, nous nous sommes référés au classement établi chaque année par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) selon l’indice de développement humain (IDH). Celui-ci tient compte de la richesse, de l’éducation et de la santé de la population de chaque pays. La richesse est mesurée grâce au revenu national brut par habitant (ce qui inclut notamment les transferts de l’étranger et l’aide au développement). Dans le domaine de l’éducation, l’IDH tient compte de la durée attendue de scolarisation des enfants ainsi que du nombre moyen d’années de scolarisation de la population adulte. Enfin, l’espérance de vie reste le principal indicateur de santé.

51


TENDANCES Palmarès RANG

score en matière de développement social (lire p. 54) et d’une reprise rapide de la production et de l’exportation de son unique richesse, les hydrocarbures (qui représentent les deux tiers du PIB) ; reprise entravée depuis par l’action des milices. Considérée comme un géant du continent, voire un pays émergent, l’Afrique du Sud a, elle, perdu trois places pour se retrouver 5e. Il faut reconnaître que les nombreuses grèves qui ont secoué son économie, et particulièrement son secteur minier, n’ont pas arrangé la situation. Autre cas intéressant, celui de la Tunisie, point de départ des révolutions qui ont changé le visage d’une bonne partie de l’Afrique du Nord. Troisième dans notre dernier classement, elle est aujourd’hui 5e (ex æquo avec l’Afrique du Sud). Après les soubresauts de 2011, il y a eu une reprise – timide – de l’activité touristique, une saison agricole satisfaisante, une relance de la production d’hydrocarbures et de phosphates, sans oublier la remontée des investissements directs étrangers. Mais les exportations ont chuté. Pis, les problèmes politiques semblent depuis plusieurs mois avoir bloqué la machine économique. Le Maroc (7e) a lui aussi régressé, à cause, surtout, de la crise en Europe, son principal marché d’exportation, et de mauvais résultats agricoles.

■■■

PALMARÈS ÉCONOMIQUE

Pays

PIB (en millions de $)

RANG

PIB/hab. (en $)

RANG

1

Égypte

256 729

3

3 024

16

2

Afrique du Sud

384 315

1

7 289

6

2

Maroc

97 530

6

3 107

14

4

Algérie

207 794

4

5 432

9

5

Maurice

11 466

27

9 709

5

6

Tunisie

45 611

9

4 130

11

7

Cameroun

25 005

14

1 290

22

8

Libye

81 915

7

11 586

9

Nigeria

268 708

2

1 727

18

3 751

40

3 036

15

118 719

5

5 777

8

17 206

21

32 506

1

3

10

Swaziland

11

Angola

11

Guinée équatoriale

13

Botswana

17 624

20

7 220

7

13

Gabon

18 376

18

12 411

2

15

Zambie

20 517

17

2 003

17

16

Kenya

41 117

11

952

29

17

Namibie

12 299

25

5 107

10

18

Ghana

38 939

12

1 467

20

19

Côte d'Ivoire

24 627

15

1 051

26

20

Ouganda

21 002

16

665

32

21

RD Congo

17 703

19

261

52

21

Tanzanie

28 247

13

628

37

23

Burkina Faso

10 464

29

643

36

24

Soudan

59 941

8

1 128

24

25

Mozambique

14 600

22

617

38

25

Sénégal

13 864

23

962

28

27

Éthiopie

41 906

10

461

45

28

Bénin

7 429

33

801

31

29

Congo

13 692

24

3 384

13

30

Zimbabwe

9 802

32

659

33

CHEMIN. Les classements présentés dans ces

31

Mali

10 319

30

659

33

pages comparent les États du continent entre eux. Il ne s’agit pas de les évaluer par rapport au reste du monde. À cette échelle, nos pays – ils ne sont pas les seuls, heureusement – ont encore du chemin à parcourir, des réformes indispensables à entreprendre. Il faut à la fois assainir le climat des affaires pour attirer les investisseurs, renforcer l’entrepreneuriat local, lutter efficacement contre la corruption, diversifier l’économie, créer des emplois, construire des infrastructures appropriées, résoudre les problèmes de carence énergétique… Tout cela semble titanesque. Mais l’amélioration de la gouvernance économique est la seule voie qui permette de combattre la pauvreté, par le biais d’une redistribution juste et équitable des fruits de la croissance. Vu l’état de certains pays et les moyens limités dont ils disposent, le renforcement des organisations sous-régionales doit être une priorité afin de réaliser l’intégration africaine dont on parle depuis des décennies. Il est vrai que des progrès ont été enregistrés ici et là. Mais ils restent largement insuffisants par rapport aux attentes des Africains. n

31

Tchad

10 806

28

1 076

25

33

Lesotho

2 439

44

1 182

23

34

Rwanda

7 223

34

599

39

35

Malawi

4 212

37

291

50

36

Seychelles

1 031

49

10 014

37

Togo

3 685

41

550

38

Madagascar

10 117

31

451

46

39

Burundi

2 475

43

282

51

40

Guinée-Bissau

870

51

581

40

41

Niger

6 575

35

400

49

42

Liberia

1 735

47

416

48

43

Guinée

5 632

36

539

43

44

Mauritanie

4 199

38

1 029

27

45

Centrafrique

2 172

45

439

47

45

Sierra Leone

3 777

39

652

35

47

Cap-Vert

1 899

46

3 482

12

47

Érythrée

3 092

42

557

41

52

4 42

49

São Tomé e Príncipe

264

53

1 486

19

50

Djibouti

1 354

48

1 399

21

51

Comores

600

52

814

30

52

Gambie

918

50

511

44

12 202

26

ND

ND

ND

Soudan du Sud

Somalie

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


RANG

Export. hors pétrole (en millions de $)

RANG

Dette (en % du PIB)

16,5

6

22 909

3

13,8

9

12,8

14

89 338

1

34,4

36

15,7

7

19 642

4

24,3

27

3,9

43

24 967

2

2

1

RANG

16,9

5

2 454

21

15,2

11

17,7

4

14 983

5

52,8

42

14,5

10

2 366

22

8,6

5

2,2

50

4 080

15

7,4

3

1,9

51

13 121

6

2,3

2

42,2

1

1 927

26

11,2

6

6,7

31

1 128

35

18,8

15

0,1

52

3 252

16

7,8

4

6,1

36

5 288

10

21,1

23

3,9

43

2 327

23

14,7

10

8,7

23

8 109

9

29,9

32

10,7

19

5 240

11

25,5

29

12,9

13

4 187

14

37,4

37

6,7

31

8 322

7

26,5

30

13,1

11

8 220

8

53,2

43

9,2

21

2 758

18

23,8

26

23,2

2

4 751

12

30,9

33

10,2

20

4 393

13

33,3

35

7,5

27

1 544

30

12,1

7

8,9

22

1 757

29

84,8

48

13

12

2 751

19

51,2

41

14,8

8

1 815

27

59,7

46

3,9

43

2 472

20

19,1

16

8,5

25

1 347

32

17,1

14

2,8

47

1 771

28

22,1

24

18

3

3 000

17

146,2

52

6,4

34

2 055

25

24,8

28

5,6

40

173

45

16,2

12

12,8

14

931

38

33,1

34

7,2

29

349

41

16,9

13

11,3

17

1 246

34

20,8

22

8,7

23

426

40

58,1

45

8,3

26

997

36

19,2

17

12,8

14

1 290

33

49,4

40

14,6

9

110

48

20,2

20

11,3

17

172

46

20,2

20

5,5

41

985

37

20,1

19

6

39

255

43

12,1

7

7,4

28

1 350

31

63,2

47

3,7

46

2 297

24

93

51

6,6

33

148

47

19,3

18

2,4

49

346

42

23,7

25

6,2

35

58

51

86

50

6,1

36

208

44

29

31

7,1

30

12

53

85,5

49

2,6

48

88

49

53,9

44

5,2

42

23

52

38,2

38

6,1

36

65

50

43

39

ND

ND

ND

ND

484

39

ND

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

CROISSANCE À PLUSIEURS VITESSES Le continent affiche de bons résultats. Mais les disparités restent grandes entre les pays pétroliers, ceux qui ont su diversifier leur économie et les autres. Par Olivier Caslin

L’ SOURCES : FMI (PIB, 2012), BAD (PIB PAR HABITANT, 2012 ; VALEUR AJOUTÉE INDUSTRIELLE, 2011 ; DETTE, 2012), CNUCED (EXPORTATIONS, 2011)

Valeur aj. industrielle (en % du PIB)

Afriquegardelerythme. Après avoir déjà progressé de 5,5 % en 2013, sa croissance économique devrait s’accélérer en 2014 pour atteindre 5,9 %. À l’échelle mondiale, seule l’Asie fera mieux. Soutenue par la vague qui continue de gonfler les cours internationaux de ses matières premières, l’Afrique subsaharienne pourrait même dépasser les 6 % en 2014, quand l’Afrique du Nord dans son ensemble progresserait de 4,7 %. Dopée par l’investissement local et étranger, la bonne santé des exportations et une demande intérieure vigoureuse, l’économie du continent montre donc une résilience certaine et poursuit une expansion qui s’est à peine ralentie le temps de la crise financière de 2009. Cette croissance est néanmoins très loin d’être homogène. En termes de PIB, les meilleurs résultats sont le plus souvent enregistrés par les pays pétroliers, avec une mention spéciale pour le Nigeria, qui s’affirme comme la grande puissance économique de l’Afrique de demain. L’Angola, le Soudan et l’Algérie complètent le peloton de tête, en compagnie des économies plus diversifiées de l’Afrique du Sud et des pays du nord du continent. À noter : l’arrivée dans le top 10 des PIB africains de l’Éthiopie, championne continentale de la croissance, tandis que les bailleurs de fonds attendent pour 2014 la renaissance des économies libyenne et ivoirienne. Cette hétérogénéité entre les pays extractifs et les autres se

constate également en termes de revenu par habitant. Dans le haut du classement, dominé par la Guinée équatoriale et le Gabon, on trouve l’Algérie et l’Angola, ainsi que le Botswana et la Namibie, producteurs de diamant. Le tout complété, là encore, par ceux qui peuvent tirer parti de la diversification de leur tissu économique (notamment dans le tertiaire), de l’Afrique du Sud à Maurice, sans oublier les Seychelles. TRANSFORMATION. Cette diversi-

fication, qui passe, pour la plupart des pays africains, par l’industrialisation et donc par la transformation de leurs ressources naturelles, commence à porter ses fruits au Sénégal, au Cameroun ou encore en Côte d’Ivoire, selon une logique d’intégration régionale. Rejoints par la RD Congo, ils côtoient les pays maghrébins et ceux du cône Sud pour la valeur ajoutée industrielle. Enfin, les derniers chiffres confirment que le continent sort de l’endettement permanent qui était le sien jusqu’au milieu des années 1990. Selon les économistes, la dette publique de l’Afrique a atteint son niveau le plus bas depuis trente ans. Pendant que l’Algérie, le Nigeria et la Guinée équatoriale utilisent leurs pétrodollars pour rembourser la leur, les pays dépourvus d’hydrocarbures continuent de bénéficier des annulations de créances accordées par les bailleurs de fonds dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). n 53


TENDANCES Palmarès

SOCIÉTÉ TOUJOURS LES MÊMES

PALMARÈS HUMAIN

Les Seychelles en tête, la RD Congo et le Niger fermant la marche : dans le classement du Pnud, les bons élèves et les cancres ne changent guère. Par Tshitenge Lubabu M.K.

P

as de grands bouleversements dans l’édition 2013 du rapport sur le développement humain établi par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), surtout en ce qui concerne les pays africains. Un coup d’œil au classement mondial selon l’indice de développement humain (IDH) permet de constater qu’un seul État du continent – les Seychelles – fait partie de l’élite, les pays au « développement humain très élevé ». Viennent ensuite la Libye, Maurice, l’Algérie et la Tunisie, dans la catégorie « développement humain élevé ». Le Gabon, l’Égypte, le Botswana, l’Afrique du Sud, la Namibie, le Maroc, le Cap-Vert, le Ghana, la Guinée équatoriale et le Swaziland affichent, eux, un développement humain « moyen ». Le reste des pays africains, c’est-à-dire la majorité, nagent dans les eaux du développement humain « faible ».

GEORGE OSODI/PANOS-REA

Examen de lecture dans une école de Monrovia (Liberia).

54

Le podium de ce classement reste occupé par les Seychelles, la Libye et Maurice, tandis que la RD Congo et le Niger stagnent dans le bas du tableau. Entre ces deux extrêmes, on note quelques belles progressions, comme le Liberia et le Burundi, qui gagnent sept places, mais aussi des régressions : les Comores, qui tombent du 29e au 35e rang et le Mali, 40e lors de la précédente édition, 47e cette année. D’autres pays procèdent par sauts de puce : l’Algérie a ainsi ravi sa 4e place africaine à la Tunisie (5e), le Swaziland (15e) a doublé le Congo (16e) et le Nigeria (23e) a supplanté le Sénégal (24e). L’espérance de vie est plus longue en Afrique du Nord (75 ans en Libye, 74,7 en Tunisie, 73,5 en Égypte, 72,4 au Maroc, selon le Pnud) ou dans les îles de l’océan Indien (73,8 ans aux Seychelles, 73,5 à Maurice, 66,9 à Madagascar) que dans la zone subsaharienne (53,4 ans en Afrique du Sud, 52,3 au Nigeria, 48,7 en RD Congo et 48,1 en Sierra Leone). Des écarts marqués qui prouvent à quel point le chemin du progrès reste long. n

Pays

IDH

1

Seychelles

0,806

2

Libye

0,769

3

Maurice

0,737

4

Algérie

0,713

5

Tunisie

0,712

6

Gabon

0,683

7

Égypte

0,662

8

Botswana

0,634

9

Afrique du Sud

0,629

10

Namibie

0,608

11

Maroc

0,591

12

Cap-Vert

0,586

13

Ghana

0,558

14

Guinée équatoriale

0,554

15

Swaziland

0,536

16

Congo

0,534

17

São Tomé e Príncipe

0,525

18

Kenya

0,519

19

Angola

0,508

20

Cameroun

0,495

21

Madagascar

0,483

22

Tanzanie

0,476

23

Nigeria

0,471

24

Sénégal

0,470

25

Mauritanie

0,467

26

Lesotho

0,461

27

Togo

0,459

28

Ouganda

0,456

29

Zambie

0,448

30

Djibouti

0,445

31

Gambie

0,439

32

Bénin

0,436

33

Rwanda

0,434

34

Côte d'Ivoire

0,432

35

Comores

0,429

36

Malawi

0,418

37

Soudan

0,414

38

Zimbabwe

0,397

39

Éthiopie

0,396

40

Liberia

0,388

41

Guinée-Bissau

0,364

42

Sierra Leone

0,359

43

Burundi

0,355

43

Guinée

0,355

45

Centrafrique

0,352

46

Érythrée

0,351

47

Mali

0,344

48

Burkina Faso

0,343

49

Tchad

0,340

50

Mozambique

0,327

51

Niger

0,304

51

RD Congo

0,304

Somalie

ND

Soudan du Sud

ND

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

SOURCE : PNUD

Rang



Directeur de l’Institut de la terre à l’université Columbia (New York), conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU pour les Objectifs du millénaire pour le développement

Nous pouvons mettre fin à l’extrême pauvreté

B

anKi-moon,lesecrétairegénéraldel’ONU,appelle à un plan d’action mondial pour faire face au grand défi de notre époque: le développement durable. C’est un appel que nous devons tous prendre en compte. L’époque de la recherche de la simple croissance économique est révolue. Nous devons également éliminer l’extrême pauvreté, un objectif réalisable d’ici à 2030. Nous devons gérer l’économie de manière à protéger l’environnement, et non à le détruire, encourager une distribution plus équitable de la richesse, plutôt qu’une société clivée entre très riches et très pauvres. Malheureusement, nous ne suivons pas cette voie, loin s’en faut. Conscients de ces problèmes, les dirigeants de la planète ont convenu d’adopter les Objectifs du développement durable (ODD), demandant au secrétaire de l’ONU d’en coordonner la préparation, afin qu’ils prolongent le programme des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui se termine en 2015. J’ai pour ma part le plaisir et l’honneur d’appartenir à un nouveau « réseau de la connaissance », le Réseau des

solutions pour le développement durable, rassemblant des scientifiques, des ingénieurs, des entrepreneurs et des spécialistes en développement de toutes les régions du monde. Nous venons de remettre à Ban Ki-moon un « Programme d’action pour un développement durable ». Ce rapport a déjà suscité des milliers de commentaires sur internet,etnousinvitonslescitoyensdumonde,notamment les jeunes, à en discuter – car c’est de leur avenir qu’il s’agit. 56

Ce rapport identifie 10 objectifs prioritaires : mettre fin à l’extrême pauvreté et à la faim; parvenir au développement et à la prospérité sans détruire l’environnement ; veiller à ce que tous les enfants et adolescents aient accès à l’éducation; atteindre l’égalité entre hommes et femmes; assurer la santé et le bien-être à tous les âges de la vie ; augmenter la production agricole dans le respect de l’environnement afin d’atteindre la sécurité alimentaire et la prospérité dans les zones rurales ; développer le potentiel des villes dans un cadre de durabilité environnementale; réduire le changement climatique dû à l’activité humaine en ayant recours à des sources d’énergie durables ; protéger l’écosystème et bien gérer les ressources naturelles ; améliorer la gouvernance et mettre le comportement des entreprises en conformité avec ces objectifs. L’IDÉE EST DE COMBINER les quatre dimensions du

développement durable qui pourraient constituer les piliers des ODD pour la période 2015-2030: la croissance économique (ce qui inclut la lutte contre la pauvreté), l’insertion sociale, un environnement naturel sain et une bonne gouvernance (ce qui implique la paix). Les ODD permettront à l’opinion publique et aux entreprises de mieux appréhender les défis liés au développement durable. Ils amèneront les différents acteurs à rendre davantage compte de leurs actions. Partout dans le monde, on devrait les enseigner aux enfants, afin qu’ils comprennent les problèmes auxquels ils seront confrontés à l’âge adulte. Constituant un cadre normatif global, les ODD vont être un outil du droit international, au même titre que les conventions et les traités. Ils vont pousser les États et le système international à renforcer et à évaluer leur politique en matière de développement durable. Compte tenu de l’augmentation des revenus et des progrès scientifiques et technologiques sansprécédentquiontétéaccomplis,lemonde dispose des outils nécessaires pour répondre aux défis du développement durable. Notre génération peut être celle qui aura mis fin à l’extrême pauvreté, permis que chacun soit traité de la même manière et éliminé une fois pour toutes les graves dangers climatiques qui nous menacent. Il faut pour cela que toute la planète se mobilise autour d’un programme d’actions et d’objectifs ambitieux, assortis d’un calendrier précis. n © Project Syndicate, 2013 Illustration Jean-François Martin/Costume 3 Pièces

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

DR

JEFFREY D. SACHS



TENDANCES

ÉCONOMIE L’AFRIQUE VA-T-ELLE AUSSI BIEN QU’ON LE DIT? Le continent croît à vitesse grand V, attire les investisseurs et collectionne les encouragements des institutions internationales. Pourtant, il peine à réduire la pauvreté. Un douloureux paradoxe. Par Alain Faujas

L

es « lions africains » sont en pleine forme. C’est le Fonds monétaire international (FMI) qui l’a répété, le 8 octobre, en prévoyant une croissance de 5 % en 2013 et de 6 % en 2014 pour l’Afrique subsaharienne. Ce sont les cabinets d’audit, agences de notation et banques d’investissement qui le confirment de mois en mois en claironnant que le continent est un nouvel eldorado. Comment ne pas

58

céder à cet afro-optimisme qui se répand de Libreville à Port-Louis en passant par Le Cap ? Mais comment ne pas se méfier, dans le même temps, de cet emballement qui oublie le terrorisme, qui récemment encore a frappé à Nairobi, fait l’impasse sur la moitié de la population africaine vivant avec moins de 1,25 dollar (0,90 euro) par jour et ignore la bizarrerie de statistiques capables de faire bondir en

2010 le PIB du Ghana de 96 % (lire p. 60)? Le développement de l’Afrique tient-il du mythe ou de la réalité ? OXYGÈNE. De la réalité,

répond la majorité des experts. « Sa croissance annuelle ne dépassait pas 2,5 % dans les années 1980-1990, un niveau inférieur à la croissance démographique ; elle atteint désormais le double tout en étant moins volatile », rappelle Vanessa Jacquelain,

économiste à l’Agence françaisededéveloppement(AFD). Première preuve de cette bonne santé: la résilience dont afaitpreuvelecontinentdurant la récession mondiale de 20092010. « L’assainissement réalisé avec les plans d’ajustements structurels a été, quelque part, payant, et les annulations de dette ont donné une énorme bouffée d’oxygène à l’Afrique, poursuit Vanessa Jacquelain. Combinée à des conditions externes favorables

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

Concessionnaire automobile à Dakar. La consommation est nourrie par l’apparition d’une classe moyenne, évaluée à 350 millions de personnes.

– en particulier une demande mondiale soutenue et des prix des matières premières bien orientés –, l’amélioration des politiques économiques, monétaires et budgétaires qui en a résulté a doté les États africains de finances publiques leur permettant de résister à la récession qui touche les pays industrialisés. Ainsi des pays comme le Kenya ont-ils pu mener des plans de relance qui auraient été inimaginables dix ans auparavant. » Deuxième preuve de progrès: l’apparition d’une classe moyenne que la Banque africaine de développement (BAD) évalue à 350 millions de personnes. Certes, son pouvoir d’achat n’est pas élevé puisqu’on classe dans cette catégorie ceux qui disposent d’unrevenuquotidiencompris entre 2 et 20 dollars et que les deux tiers d’entre eux se situent

entre 2 et 4 dollars. Mais avec une population qui croît de 2,7 % par an et qui est appelée à doubler d’ici à 2050 (pour dépasser 2 milliards d’habitants), les marchés intérieurs ne pourront que s’en trouver fortement dynamisés. Troisième preuve : l’argent a moins peur de l’Afrique.

trajectoire de décollage comparable à celle qu’a connue l’Asie, explique Roger Nord, directeur adjoint du département Afrique du FMI. Cela y a fait repartir l’investissement, dont le taux a bondi de 16,4 % en 2000 à 20,4 % en 2011. » Du coup, les États africains n’ont plus de mal à emprunter des capitaux sur les marchés de Londres ou de New York. L’agenceMoody’saffirmequ’ils ont levé 8,1 milliards de dollars sur les neuf premiers mois de 2013, contre 7,2 milliards pour toute l’année 2010 et 1,2 milliard il y a dix ans. CHÔMAGE. Malheureusement,

la croissance, ça ne se mange pas. Selon la Banque mondiale, si un tiers des pays d’Afrique subsaharienne croît à un rythme de plus de 6 %, le nombre de pauvres dans la zone est passé de 376 millions en 1999 à 413 millions en 2010. Ce qui fait écrire à la Banque que la pauvreté dans la zone demeure « insupportablement haute et le rythme de sa réduction insupportablement lent ».

L’INDUSTRIE EXTRACTIVE ATTIRE L’ESSENTIEL DES INVESTISSEMENTS, MAIS CRÉE PEU D’EMPLOIS. « Inflation plus basse, politiques budgétaires très prudentes, environnement des affaires plus attrayant ont achevédeconvaincrelesinvestisseurs que l’économie du continent se trouvait sur une

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

C’est d’abord le chômage qui explique cette misère persistante. « Il n’y a qu’à voir les jeunesBéninoisquis’ensortent difficilement en vendant du pétrole frelaté sur le bord des routes pour comprendre que

nos taux de chômage officiels ne représentent pas la réalité, pointe Abdoulaye Bio-Tchané, ancien président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), aujourd’hui président du cabinet Alindaou ConsultingInternational.Dans nos pays, ils ne sont pas à 5 % ou 10 % de la population active comme le prétendent les statistiques, mais plus vraisemblablement au-delà de 20 % ». La cause de ce hiatus entre des investissements en hausse et des marchés du travail incapablesd’absorber,surladécennie en cours, 122 millions de travailleurs supplémentaires (selon le cabinet McKinsey), c’est que l’argent se dirige en priorité vers les industries extractives. Un secteur gourmand en capitaux, mais pas en main-d’œuvre : il emploie moins de 1 % des travailleurs d’Afrique subsaharienne. D’autre part, tous les experts s’accordent pour constater que les produits chinois, s’ils ont répondu aux exigences du porte-monnaie des Africains, ont laminé les rares industries de consommation du continent, hormis les brasseries, les cimenteries et les pondéreux. La diversification de l’activité manufacturière est plus que jamais un vœu pieux. Selon Serge Michailof, professeur à Sciences-Po Paris, « les villes africaines deviennent des mégapoles sans gestion urbaine ni ressources fiscales. Leur étalement dans l’espace pose des problèmes insolubles en matière de transports et d’alimentation en eau et en électricité. Ces monstres urbains, le plus souvent côtiers, sont ravitaillés grâce à des importations alimentaires et énergétiques largement subventionnées par les gouvernements ». En comparaison, l’agriculture est laissée en déshérence, 59


TENDANCES

explique-t-il, « parce que les paysans ne sont pas une force politique », même si 60 % à 80 % de la population vit en zone rurale. Devant un paysage aussi contrasté, les spécialistes africains s’accordent sur la liste des politiques prioritaires à mener. Outre une modernisation de l’agriculture et un soutienauxindustriesdetransformation, ils mettent en tête l’intégration régionale, qui, seule, permettra de créer des marchés domestiques pour les producteurs locaux. Ce qui suppose de développer des infrastructures: routières, afin qu’il soit moins coûteux de faire venir du pétrole d’une raffinerie nationale que de recourir aux importations, mais aussi énergétiques – la production d’électricité par

L’urbanisation accélérée pose des problèmes d’approvisionnement.

habitant en Afrique n’a pas augmenté depuis 1985. La pauvreté empêchant l’éducation et dégradant la santé des populations – ingrédients déterminants de la croissance –, l’Afrique devrait

ZOOM Quand le PIB fait des bonds Début novembre 2010, le PIB du Ghana était rehaussé de 75 % par l’institut national des statistiques. En dollars (à prix courants), le bond a même été de 96 % : le PIB par habitant est passé de 560 à 1 100 dollars. Ce recadrage de l’économie était réclamé par le Fonds monétaire international, les banques et le gouvernement pour en finir avec sa sous-estimation. De quoi mettre en lumière le mauvais état des statistiques africaines. Ainsi, faute de moyens, le Tchad n’a pas actualisé l’évaluation

60

BAPTISTE DE VILLE D’AVRAY POUR J.A.

Économie

de son cheptel depuis 1976, un État africain sur dix seulement publie un rapport d’exécution budgétaire et aucune donnée sérieuse n’existe sur le secteur privé ou l’agriculture du continent. Dans ces conditions, les spécialistes s’attendent à voir le PIB du Nigeria et du Kenya réévalué de 30 % à 50 % dans les prochaines années. De quoi justifier la boutade de l’homme politique français Adolphe Thiers (1797-1877), pour qui les statistiques sont « l’art de préciser les choses que l’on ignore ». A.F.i

créer des « filets de sécurité » pour les plus démunis. Elle pourrait s’inspirer – à l’instar du Sénégal – des programmes brésilienetmexicainquipaient les familles nécessiteuses pour les aider à envoyer leurs enfants à l’école et à se soigner. Ces politiques auraient aussi l’avantage de tempérer un peu l’augmentation des inégalités sur un continent pauvre où fleurissent les milliardaires. DÉVELOPPEMENT. Pour finir,

voici trois avis sur le futur du continent. Le premier est optimiste. « La Chine va perdre en compétitivité en raison du vieillissement et de l’enrichissement de sa population. L’Afrique pourrait se substituer à elle comme “usine du monde” », prédit Christopher Norman, l’un des dirigeants de Business Model Optimisation, quiorganiseendécembre2013 un symposium à Maurice sur les investissements en Afrique. Serge Michailof, lui, est pessimiste : « Le développement du continent va prendre plus de temps que l’on ne pensait et les divergences entre les pays seront de plus en plus marquées. Par exemple, le Kenya et la Côte d’Ivoire accéléreront, sauf accident politique, mais des pays du

Sahel seront asphyxiés par une croissance démographique insupportable, une agriculture sans investissements et des entreprises armées de déstabilisation. » Le troisième avis est plus neutre. « Je vois se dessiner deux Afrique : l’une, à l’Est, sera attirée vers l’Asie; l’autre, à l’Ouest, sera tournée vers les Amériques et l’Europe, esquisseJean-MichelSeverino, ex-directeur général de l’AFD, aujourd’hui gérant du fonds I&P. À l’intérieur de ces deux zones, certains pays choisiront le tout-export, à l’instar de la Chine;ilsécraserontleurscoûts salariaux et feront en sorte que leur monnaie soit sous-évaluée.D’autresprivilégierontleur marché intérieur et maximiserontleurconsommation,choix quines’accommodepasd’inégalités de revenus et qui exige un système de redistribution efficace. » À l’évidence, c’est ce dernier modèle qui lui semble porteur d’avenir, ne serait-ce que parce qu’il favorise « l’émergence cruciale de la classe moyenne, qui va faire le marché intérieur et sera un puissant facteur de stabilité politique ». Car la croissance, c’est bien. Mais quand elle est partagée, cela s’appelle le développement. n

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014




BRUNO LEVY POUR J.A.

DONALD KABERUKA Président de la Banque africaine de développement

Ces deux points qui manquent à la croissance

D

e nombreux observateurs clament aujourd’hui haut et fort que l’Afrique est sur le chemin du développement. En ce qui me concerne, je crois que le continent vit un moment unique dans sa trajectoire économique. Tout au long de la dernière décennie, l’Afrique subsaharienne a surpassé le reste du monde en termes de croissance, et pratiquement tous les États stables du continent ont de très bonnes chances de devenir des pays à revenu intermédiaire d’ici à 2025. L’Afrique croît, certes, mais pas assez vite et pas de manière homogène. Une croissance annuelle du PIB qui s’élève à 5 % n’est pas suffisante. Il faudrait qu’elle atteigne au moins les 7 %. Le déclin de la pauvreté sur les dix dernières années – de 58 % à 48 % – est encore trop lent et il n’y a toujours pas assez d’emplois pour les 15 millions de jeunes qui, chaque année, arrivent sur le marché du travail. Dans le même temps, la population augmente. Quatre tendances lourdes vont transformer l’Afrique à jamais. Premièrement, l’émergence d’une économie mondiale multipolaire, qui apporte de nouvelles sources d’investissements et autant de nouveaux partenaires commerciaux. Deuxièmement, l’évolution démographique et le capital humain d’un continent jeune et de plus en plus urbanisé. Troisièmement, la redécouverte permanente d’un potentiel immense de richesses naturelles. Quatrièmement, le bond technologique qui va permettre d’accompagner plus efficacement ceux qui voudront investir sur le continent. Une question demeure : comment l’Afrique peut-elle traduire cette croissance des chiffres en bénéfices réels pour son économie ? Les fondations existent, installées sur des institutions solides. Mais alors que devons-nous encore faire ?

cycle actuellement très favorable des cours mondiaux de matières premières et réinvestir les dividendes sur place dans la santé et l’éducation. Enfin, nous devons faire face au défi politique que représentent certains États, dont la fragilité peut rendre instables des régions entières. La racine de tous ces maux réside dans l’inégalité persistante en matière de développement socio-économique. La première mission de la Banque africaine de développement (BAD), et, par-delà, du continent, est de trouver chaque année les 50 milliards de dollars (37 milliards d’euros) nécessaires à la réalisation des infrastructures manquantes. Il ne fait aucun doute que la construction et la réhabilitation des réseaux de transports, d’eau et d’énergie vont rapidement apporter les deux points de croissance qui font défaut aujourd’hui à l’Afrique. Seuls, les États ne pourront jamais réunir de tels montants. Le capital privé doit aussi participer, et il en a les moyens. Il revient à la BAD et aux organisations similaires de faciliter la médiation entre les deux. Nous savons tous à quel point il est difficile de financer des infrastructures, généralement très coûteuses, dans des contextes politiques parfois incertains. Il faut donc réduire le risque. Tous les préalables sont aujourd’hui réunis en termes de régulation et de climat des affaires pour protéger au mieux les partenariats public-privé. C’est ce qui a permis au secteur privé de mener la transformation des télécommunications dans les années 1990. Il peut faire de même dans la révolution énergétique en marche. Les outils de réduction du risque, comme les garanties de crédits offertes par la BAD, existent pour rassurer les investisseurs, notamment sur les opérations à haut risque dans des pays à faible revenu. Et nous devons aller encore beaucoup plus loin. Nous ne pouvons plus nous contenter de solutions toutes faites. Il est temps de proposer des schémas audacieux, où les pays africains prendraient eux-mêmes en charge leur propre développement. C’est pourquoi la BAD entend apporter son aide. Notre stratégie sur dix ans, pour la période 2013-2022, s’intitule « Au centre de la transformation africaine ». Objectif ? Développer une croissance qui sera à la fois soutenable et inclusive. Une croissance pour tous et pour toujours. n

Il faut proposer des schémas audacieux où les pays africains prendraient en charge leur propre développement.

DÉFI. Il faut d’abord réussir une intégration économique

régionale, qui permettrait aux 54 économies fragmentées d’Afrique de s’unir, avec pour tâche commune de faciliter les liens commerciaux, de réduire les écarts existants, pour que l’ensemble du continent prenne sa place dans l’économie mondiale. Il convient aussi de mieux gérer nos ressources naturelles, pour profiter du

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

63


TENDANCES

CARLOS LOPES « Les États doivent définir des stratégies industrielles » Qualité des statistiques, modèles de développement, planification… Le secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies veut être une force de proposition pour aider le continent à relever les défis qui l’attendent. Propos recueillis par Frédéric Maury

D

epuis septembre de 2012, Carlos Lopes a révolutionné la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Le quinquagénaire bissau-guinéen, qui manie aussi bien l’anglais que le français ou l’espagnol, entend faire de l’institution basée à Addis-Abeba une boîte à idées à destination des décideurs politiques. Ce pur produit des Nations unies, qu’il a intégrées à 28 ans, s’empare des grands débats. Son objectif: que la croissance économique se transforme en emplois. JEUNE AFRIQUE : 2015 est l’année où les Objectifs du millénaire pour le développement doivent être atteints. Le bilan africain dans ce domaine est-il bon ou mauvais ? CARLOS LOPES : Il n’est pas si

mauvais. On présente généralement l’Afrique comme le seul continent qui ne parviendra pas à atteindre les Objectifs. Or ces derniers avaient été fixés universellement, comme s’ils pouvaient se traduire dans chaque pays de manière équivalente. Mais selon que vous partiez d’un taux de pauvreté de 20 % ou de 80 %, ce chiffre 64

ne peut être réduit de moitié dansunmêmelapsdetemps.Il faut regarder les choses davantage en termes d’efforts fournis pour atteindre l’objectif que de résultats. On a plutôt l’impression que la pauvreté a augmenté…

Elle n’a pas augmenté. Sur les vingt pays les plus performants du monde dans la lutte contre la pauvreté, quinze sont africains. Énormément de progrès ont été faits dans la santé maternelle et dans l’éducation des filles. Dès votre arrivée à la tête de la CEA, vous vous êtes penché sur la question de la qualité des statistiques africaines. Y a-t-il une prise de conscience sur ce sujet ?

Ce sujet est devenu très populaire, et tout le monde en parle aujourd’hui. Mais on ne discute toujours pas de ce qui compte vraiment. Il y a deux façons d’aborder la question des statistiques. On peut s’en servir pour montrer que les performances du continent ne sont pas si spectaculaires ; ce qui est partiellement vrai. On peut aussi les utiliser pour dire que l’appareil statistique n’est

pas à même de produire les outils nécessaires à la transformation des économies. Je suis plutôt de la deuxième école. Car si l’on considère le secteur informel, la taille de l’économie africaine est encore plus importante – en témoigne la révision du PIB au Ghana et sans doute bientôt au Nigeria. Mais nous rencontrons des difficultés dans le domaine de la planification. Le problème est que ces chiffres sont compilés pour intéresser l’investissement et non pour aider au pilotage économique. Cela évolue-t-il ?

Très lentement, surtout par rapport à la croissance du continent. Prenez l’exemple du secteur extractif : les États ne sont pas en position de vérifier les chiffres de production annoncés par les miniers. Ils se félicitent d’augmenter les taxes alors que les compagnies ont tout de suite compris que pour limiter l’effet de ces hausses il suffisait d’augmenter les quantités sans le déclarer. Les États se focalisent trop sur les taxes, selon vous…

Oui, et pas assez sur la transformation structurelle. JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


Ce Bissau-Guinéen est à la tête de l’institution depuis septembre 2012.

Y a-t-il un manque de leadership politique en matière économique ?

Sans doute. Au niveau mondial, le discours économique sur l’Afrique n’a jamais été aussi positif. Vous en réjouissez-vous ?

Nous avons eu tellement de mauvaises nouvelles pendant longtemps qu’on ne peut qu’être satisfait de cette évolution. Mais il ne faut pas se leurrer : l’Afrique compte certes six pays parmi les dix quiconnaissentlacroissancela plus rapide au monde, mais ce sont aussi les pays avec les inégalités les plus fortes. Chaque statistique positive peut être présentée à côté d’une autre moins plaisante. Les Africains doivent se poser une seule question : la croissance va-t-elle aider à la transformation économique? C’est la part de l’industrie [dans l’économie] qui en sera l’indice principal. Actuellement, elle régresse alors que ce secteur est le seul qui puisse répondre aux enjeux du continent, notamment l’arrivée chaque année de 15 millions de jeunes sur le marché de l’emploi.

UN PHOTO/MARK GARTEN

Dans les années 1970-1980, il y avait encore une industrie africaine. Sa quasi-disparition est-elle la conséquence des plans d’ajustement structurels des années 1990 ?

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

L’ajustement structurel y a grandement contribué. Mais il y a d’autres facteurs, notamment la confusion quant au rôle de l’État. Le rôle de l’État n’est pas de faire pousser les tomates, mais de diriger la stratégie industrielle. Les 65


TENDANCES Carlos Lopes

expériences de l’Éthiopie, du Rwanda ou du Botswana mettent ce sujet au cœur de la réflexion, notamment en ce qui concerne l’importance de l’agrobusiness. La révolution qui a eu lieu dans un pays comme le Brésil tient à cela. Certains estiment qu’il est peu probable que l’Afrique arrive à produire du textile ou du chocolat à des coûts compétitifs, même si elle possède énormément de cacao et de coton…

Les chaînes de valeur mondiales sont aujourd’hui très différentes de celles qui prévalaient à l’époque où l’on produisait uniquement pour l’exportation. Elles sont plus complexes et le « made in » n’existeplus,danslamesureoù plusieurs pays interviennent dans un même processus de production. L’Afrique doit entrer dans cette chaîne en utilisant son marché intérieur comme atout majeur. Cependant, il ne s’agira évidemment pas d’une transformation locale de A à Z. Mais que peuvent faire les pays dont l’agriculture est tournée en très grande partie vers l’exportation ?

Diversifier leurs stratégies agricoles, sans gâcher l’investissement consenti dans des produits d’exportation. Les grands pays peuvent développer des stratégies industrielles basées sur l’émergence de la classe moyenne. Mais qu’en est-il des plus petits ?

Il y a des avantages à être petit quand on cible une activité spécifique. Prenez le Niger [producteur d’uranium] : certes, l’uranium est très difficile à transformer localement, mais ce pays dispose d’une position stratégique 66

par rapport à la France, qui dépend à 70 % de l’énergie nucléaire. Il faut négocier un contrat allant dans le sens de la transformation locale d’un certain nombre de produits – pas nécessairement de l’uranium. Ce serait intéressant aussi pour la France, qui a besoin de stabilité et d’un Niger qui se développe. Un peu le modèle chinois, « matières premières contre infrastructures » ?

Ouimaisàconditionqueces infrastructures soient réalisées dans l’intérêt de la transformation économique et non, comme c’est le cas parfois, pour le luxe.

d’îlots protégeant certaines activités de la confusion qui règne dans le système économique chinois. Mais il ne faut pas de zones de ce type partout. Les dirigeants africains doivent comprendre la nécessité de les concentrer sur certains pays, qui auront ensuite une influence positive sur la croissance des voisins. Ce sera la même chose dans beaucoup de domaines: dans l’éducation, nous avons besoin de quelques grandes écoles dans une poignée de pays, mais pas forcément partout ; dans le transport, de quelques hubs. C’est difficile à faire accepter.

On parle ces derniers temps de capitalisme d’État. Est-ce nécessaire et souhaitable ?

Je pense que le modèle chinois ne peut pas se reproduire en Afrique. Le système politique de la Chine est très spécifique,etledéveloppement y a été largement basé sur une capacité d’épargne très importante que l’Afrique, qui reste dépendante des financements extérieurs,n’apasetn’aurapas. Mais il y a des exemples chinois utiles, notamment dans le développement de stratégies industrielles, perdantes les premières années mais indispensables à long terme. Quand on dit que les Chinois copient et ne paient pas de droits de patente, il faut savoir que cela relève d’une stratégie qui passe d’abord par une forme de protection en attendant de pouvoir se mettre au diapason des pratiques internationales. Vous ne pouvez pas faire la course avec d’autres concurrents partis en avance, et aller aussi vite qu’eux. Autre exemple : la notion de locomotive, avec les zones économiques spéciales, sorte

LA CEA EN BREF Créée en 1958 par le Conseil économique et social (Ecosoc) des Nations unies Basée à Addis-Abeba (Éthiopie) Regroupe les 54 États du continent Objectifs : appuyer le développement économique et social, encourager l’intégration régionale et la coopération internationale, conseiller les États et les institutions intergouvernementales

Mais dans ce cas, faudra-t-il que tous les États disposent d’un droit de regard ?

Non, car sinon nous aurons un nouveau Air Afrique. C’est le secteur privé qui doit mener ces projets. Plaidez-vous, vous aussi, pour davantage d’intégration régionale ?

D’abord, là encore, nous n’avons pas de véritable instrument de mesure de l’intégration. Nous en développons un en ce moment. Ensuite, les questions d’intégration ont été supplantées par celles liées au commerce et celles-ci l’ont été par les négociations internationales. Ce thème est donc devenu une sous-partie de la question des accords commerciaux mondiaux. Nous avons besoin d’éléments stratégiques : les infrastructures jouent ce rôle. Dans tous ces projets se pose la question des financements.

Le continent n’est pas aussi dépendant de l’aide au développement qu’on le dit. La dépendance est très forte dans les pays les moins avancés mais, en termes de population, cela ne concerne que 100 millions de personnes sur 1 milliard. Notre situation financière est donc plutôt bonne. Mais avons-nous suffisamment de ressources domestiques ? Non, et celles que nous avons ne sont pas assez utilisées. La CEA estime à 1 300 milliards de dollars [près de 950 milliards d’euros] les disponibilités financières actuelles. Par ailleurs, l’Afrique est passée [depuis le début des années 2000] de 1,8 % à 5,4 % des investissements directs étrangers internationaux. Je suis donc optimiste sur les possibilités de financement. Existe-t-il une véritable pensée économique africaine ?

Je ne le crois pas. Mais il y a une nouvelle manière d’envisager l’Afrique qui peut provoquer le développement de cette pensée. Le premier pas, c’est l’Agenda 2063, qui sera lancé par l’Union africaine, la CEA et la Banque africaine de développement en 2014. n

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Vivre le progrès.

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Le Groupe


Joseph E. Stiglitz DR

Lauréat du prix Nobel d’économie en 2001, professeur d’économie à l’université Columbia

Développement made in Asia

D

u 1er au 3 juin 2013, le Japon a accueilli la cinquième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad). Cette réunion est un rappel du fait que, si le monde est obsédé par les difficultés économiques de l’Europe, la paralysie politique des États-Unis ou le ralentissement de la croissance de la Chine et d’autres économies émergentes, il reste une région – l’Afrique subsaharienne – où la pauvreté est plus la règle que l’exception. De 1990 à 2010, le nombre de personnes de cette zone vivant avec moins de 1,25 dollar par jour est passé de moins de 300 millions à près de 425 millions. Leur part dans la population a toutefois décliné, passant de 57 % à 49 %. Les pays avancés sont constamment revenus sur leurs promesses en matière d’aide ou d’échanges commerciaux, à l’exception du Japon qui, malgré deux décennies d’incertitude économique, est resté activement engagé vis-à-vis du continent. Des succès notables ont été enregistrés: de 2007 à 2011, cinq des dix pays du monde à la croissance la plus rapide, avec une population dépassant 10 millions, étaient situés en Afrique. Parmi les États présentant la meilleure performance figurent l’Éthiopie, le Rwanda, la Tanzanieetl’Ouganda.Maismêmesi,seloncertaines études, les familles de la classe moyenne (ayant un revenu supérieur à 20000 dollars par an) sont plus nombreuses en Afrique qu’en Inde, le continent abrite également des pays ayant des niveaux d’inégalité parmi les plus élevés au monde. L’agriculture, dont dépendent tant de pauvres, n’a pas donné les résultats escomptés. Les rendements par hectare stagnent. Plus décevant encore : même les pays qui ont mis de l’ordre dans leurs affaires macroéconomiques et progressé dans leur gouvernance peinent à attirer des investissements hors du secteur des ressources naturelles. L’ENGAGEMENT DE TOKYO est particulièrement important, non seulement en termes de soutien financier et moral, mais également parce que l’Afrique pourrait tirer parti de l’expérience de développement de l’Asie de l’Est. Et tout particulièrement aujourd’hui, alors que l’augmentation des rémunérations en Chine et l’appréciation de sa monnaie entraînent une rapide évolution de l’avantage comparatif et compétitif mondial. Une partie de la production mondiale devrait quitter ce pays, et l’Afrique peut espérer en récupérer une fraction. Une opportunité non

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négligeable au vu de la désindustrialisation de la zone subsaharienne ces trente dernières années, en partie due aux politiques d’ajustement structurel imposées par les institutions financières internationales. Mais un essor de l’industrie manufacturière ne se fera pas tout seul. Les États doivent réfléchir soigneusement à la direction que prendra leur économie – c’est-à-dire à leur avantage comparatif dynamique. Les pays en développement qui ont le mieux réussi, ceux de l’Asie de l’Est, ont suivi cette approche. La manière dont ils ont mis en

œuvre une politique industrielle à une époque où leurs gouvernements n’avaient pas la sophistication et les compétences approfondies dont ils disposent aujourd’hui constitue une leçon. Le Japon en a d’autres à offrir. Les éléments centraux de sa stratégie de développement – l’éducation, l’égalité et les réformes agraires – ont une importance cruciale en Afrique aujourd’hui. Le monde a certes énormément changé depuis que l’Asie de l’Est a entamé sa transition vers le développement, il y a plus d’un demi-siècle, et les politiques doivent être adaptées aux conditions locales. Il est toutefois intéressant de noter que le Japon et d’autres pays asiatiques ont suivi une voie résolument différente de celle recommandée par le consensus de Washington néolibéral. Leurs politiques ont produit les résultats attendus, tandis que celles dudit consensus ont trop souvent échoué. Les pays africains ont tout à gagner à y réfléchir. n © Project Syndicate, 2013 Illustration Jean-François Martin/Costume 3 Pièces

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L’avenir énergétique de la planète repose sur les investissements réalisés aujourd’hui. La demande énergétique en Afrique devrait presque doubler entre 2010 et 2040. C’est pourquoi il est essentiel de continuer à investir dans le développement de nouvelles ressources qui pourront répondre à la demande en Afrique et à travers le monde. En Afrique, nous avons investi plus de 24 milliards de dollars au cours des cinq dernières années dans l’exploration et le développement de nouveaux projets dans le secteur de l’énergie. Ces investissements contribuent à créer des emplois et à stimuler la croissance économique. Nous formons également le personnel local et participons à la construction d’écoles et d’hôpitaux. Qu’il s’agisse d’explorer ou d’exploiter de nouvelles ressources d’énergie, de fournir des produits pétroliers innovants ou d’investir pour les communautés, ExxonMobil produit plus que du pétrole et du gaz. Nous soutenons le développement et l’avenir de l’Afrique. Pour en savoir plus sur notre travail, rendez-vous sur exxonmobil.com


Genève, 17-19 mars 2014

2E ÉDITION

Le forum des dirigeants des grandes entreprises africaines UNE PLATEFORME EXCEPTIONNELLE DE RENCONTRES. UN OUTIL STRATÉGIQUE POUR DÉVELOPPER VOTRE ACTIVITÉ EN AFRIQUE ET À L’INTERNATIONAL.

Inscriptions et informations : www.theafricaceoforum.com Ils participent au AFRICA CEO FORUM

MARIA LUISA MOULAY HAFID ABRANTES ELALAMY DG, Angola Ministre Investment Agency de l'Industrie (ANIP) et du Commerce (Maroc)

DIAMOND

ENIOLA FADAYOMI Présidente, Institute of Directors (Nigeria)

PLATINUM

JEAN-PHILIPPE PROSPER Vice-président, IFC

ISSAD REBRAB Président, Cevital (Algérie)

DONALD KABERUKA Président, Banque Africaine de développement

GOLD

KOLA KARIM PDG, Shoreline Group (Nigeria)

VALENTINE TEWOLDE CAROLE KARIUKI SENDANYOYE GEBREMARIAM DG, RUGWABIZA PDG, Kenya Private PDG, Rwanda Ethiopian Airlines Sector Alliance Development Board (Éthiopie) (KEPSA)

PARTNERS

AWARDS

GALA DINNER Islamic Corporation for the Development of the Private Sector

ORGANISATEURS


TENDANCES

POPULATION LA BOMBE URBAINE

E

n 2050, un Terrien sur quatre sera africain. Selon l’Institut national d’études démographiques (Ined) français, le continent comptera alors 2,4 milliards d’habitants, soit plus du double de la population actuelle. Le taux d’urbanisation, lui, s’établira à 61,5 %, contre à peine 40 % aujourd’hui. Pendant que le Nigeria deviendra le troisième pays le plus peuplé du monde (444 millions d’habitants), Luanda, Dar esSalaam, Khartoum, Abidjan et Addis-Abeba rejoindront Lagos, Le Caire et Kinshasa dans le club des mégalopoles de plus de 10 millions d’âmes. « Le continent entame une marche soutenue vers l’urbanisation », insiste Alioune Badiane, directeur de programmes à l’ONU-Habitat, qui rappelle qu’en 2030 « l’Afrique des villes dépassera celle des campagnes ». Le boom démographique accentuera « la pression sur le foncier, ce qui provoquera un départ massif des paysans vers les villes », complète Alioune Badiane. Enclenché depuis longtemps, l’exode rural va s’accélérer, améliorant le quotidien des migrants. Car, malgré les apparences, « les conditions de vie, en termes d’éducation, de santé et d’emploi, sont meilleures en ville », rappelle Gilles Pison, démographe à l’Ined. Reste qu’aujourd’hui

60 % des citadins africains vivent dans des bidonvilles, selon l’ONU-Habitat. « Les métropoles ne doivent pas devenir des pôles de pauvreté, mais des moteurs économiques », met en garde Badiane – alors que les villes représentent déjà plus de 55 % du PIB continental. Pour intégrer les 500 millions d’Africains qui migreront d’ici à 2030, « il faudra une véritablepolitiqued’aménagement du territoire », estime le représentant de l’ONU. Car si, dans quinze ans, les capitales que sontAbidjan,DakarouLuanda Lagos, qui compte déjà 18 millions d’habitants, en abritera 50 millions en 2100.

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abriteront entre un quart et un tiers des populations de leurs pays respectifs, la croissance démographique urbaine devrait se réaliser à 70 % dans les villes secondaires. « Il faudra des infrastructures de transport et énergétiques », reprend Alioune Badiane. Soit un investissement annuel de 40 milliards de dollars (28,9 milliards d’euros) d’ici à 2035 sur l’ensemble du continent. TOURNANT. La question de la décentralisation des pouvoirs va également se poser. « Pour gérer ces villes-régions, l’État devra s’appuyer sur les collectivités locales, le secteur privé et la société civile », recommande l’expert de l’ONU. L’urbanisation va aussi entraîner d’importants changements politiques et sociaux. « Quand il y a plus de citadins que de ruraux, les régimes

politiques se renouvellent. On l’a vu au Sénégal, au Ghana et au Gabon », constate Alioune Badiane. En outre, « la ville casse les modèles traditionnels, les familles font moins d’enfants », observe Pinson. Les démographes estiment que l’équilibre est atteint lorsque la proportion d’urbains dépasse 75 %. D’après Alioune Badiane, « 20 % de ruraux travaillant des terres bien valorisées et productives suffisent à nourrir le reste de la population ». L’Afrique australe atteindra ces pourcentages dès 2050, suivie de près par l’Afrique du Nord puis, plus tard, par l’Ouest et le Centre. Moins avancée, l’Afrique orientale devrait franchir ce seuil au tournant du siècle. Le continent comptera alors 4,2 milliards d’habitants. Lagos et Kinshasa dépasseront les 50 millions d’âmes. n

GEORGE OSODI/PANOS-REA

Avec le boom démographique en cours, les villes africaines vont s’étendre de manière vertigineuse. Un défi pour les États, qui devront s’adapter. Par Olivier Caslin

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PDG de l’organisme de services sociaux Shining Hope for Communities, à Kibera (Kenya), et membre du New Voices Fellowship 2013 de l’Institut Aspen

Villes ou bidonvilles?

M

a mère, comme sa mère et sa grand-mère, est née pauvre, dans le village de Rarieda, au Kenya. J’y suis né moi aussi, et j’y ai vécu jusqu’à ce qu’une famine brutale frappe, quand j’avais 2 ans. Sans nourriture, sans argent ni travail, ma mère a fait comme des milliers de villageois africains : elle nous a emmenés en ville. Étant donné le manque d’emplois et de logements à Nairobi, nous sommes allés à Kibera, l’un des plus grands bidonvilles du continent. Situé non loin du centre-ville de Nairobi, c’est un campement très pollué, très peuplé, aux routes de fortune et aux cabanes surmontées de toits de tôle ondulée. Le gouvernement ne s’en occupe pas : il n’y a ni réseau d’assainissement ni réseau électrique réglementé. Les habitants, dont le nombre estimé va de quelques centaines de milliers à plus de 1 million, n’ont pas d’existence officielle.

Kibera n’est qu’un exemple des conséquences de l’urbanisation qui progresse rapidement dans le monde entier. Plus de 44 % des habitants des pays en développement vivent déjà en ville. En 2050, seulement 30 % de l’humanité résidera en zone rurale, d’après le Population Reference Bureau. Mais peu de gens réfléchissent à ce que ce changement implique pour des familles comme la mienne. Quand on parle de l’Afrique, on montre souvent les difficultés de la vie à la campagne et des images de femmes allant chercher de l’eau. Mais un nombre croissant d’Africains (près de 300 millions déjà) sont confrontés à la dure réalité des bidonvilles, où les ressources sont rares et les 72

perspectives d’emploi inexistantes. Comme un tiers de la population urbaine mondiale, plus de 78 % des citadins des pays les moins développés du globe vivent dans des bidonvilles. NAIROBI EST UNE MÉTROPOLE DYNAMIQUE, en pleine

expansion, avec centres commerciaux, restaurants et entreprises de type occidental, destinés à la classe moyenne émergente. Mais personne ne sait combien de gens elle abrite. Selon le dernier recensement, très politisé, effectué en 2009, la capitale compte plus de 3 millions d’habitants. Mais le chiffre de 5 millions est probablement plus exact, une grande partie vivant dans les bidonvilles. Et ce sont ces habitants pauvres qui construisent les immeubles, servent dans les restaurants, conduisent les taxis… De mes 12 ans à mes 22 ans, j’étais l’un d’entre eux, travaillant sur les chantiers et dans les usines. Sans les pauvres, Nairobi ne pourrait pas fonctionner. Pourtant, ils restent invisibles, sans poids politique. Et l’image persistante d’une Afrique rurale aggrave leur situation en les excluant des stratégies de développement mondial. Chaque jour, de nouveaux candidats viennent tenter leur chance à Nairobi – et comprennent qu’ils ne sont pas armés pour y survivre et que leurs enfants vont grandir dans un bidonville. Au moins la moitié de ceux qui y vivent ont moins de 20 ans. Sans accès à l’éducation, cette génération a peu de chances d’échapper à ces conditions précaires. Combien de temps encore la majorité devra-t-elle servir une minorité et accepter une telle situation ? Bientôt, dans le monde entier, les bidonvilles vont atteindre un point critique, les jeunes vont se soulever et refuser ce statut de citoyens de seconde zone ; ils vont déstabiliser des pays comme le Kenya et saper les efforts visant à construire des sociétés plus prospères et plus stables. Leur force réside dans leur nombre (plus de la moitié des jeunes du monde entier partagent ce sort) et dans leur colère. Les villes ne sont pas que l’avenir de l’Afrique, elles sont aussi son présent. Faute d’engager une action collective pour en faire les moteurs économiques et les champs des possibles qu’elles doivent être, elles vont devenir des poudrières. Pour le bien de millions de gens comme ma mère, nous devons tenir la promesse qui amène les pauvres en ville. n © Project Syndicate, 2013 Illustration Jean-François Martin/Costume 3 Pièces

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DR

Kennedy Odede



EAMONN MCCABE/GAMMA

Tidjane Thiam Homme d’affaires franco-ivoirien, directeur général du groupe britannique d’assurances Prudential

C’est le moment de faire la différence

P

our la première fois depuis longtemps, la majorité des investisseurs internationaux considèrent l’Afrique comme une terre d’opportunités dont on ne peut plus se permettre d’être absent. La taille de son économie a triplé depuis 2002, et son PIB devrait atteindre bientôt 2 000 milliards de dollars (1 450 milliards d’euros), ce qui n’est plus négligeable face aux 16 000 milliards de dollars des États-Unis ou de l’Union européenne. L’année 2012 a vu le Ghana croître plus rapidement que la Chine et l’Angola ou le Mozambique enregistrer de meilleurs résultats que l’Inde. SI CES PERFORMANCES SE CONFIRMAIENT,

l’Afrique pourrait ravir à l’Asie dès 2015 le titre de continent à la croissance la plus élevée au monde. Et ce pour longtemps. En effet, l’émergence d’une classe moyenne urbanisée (déjà plus nombreuse qu’en Inde) constitue un relais de croissance sans égal, et cela au moment même où la démocratie et l’État de droit enregistrent des progrès considérables, avec plus de trente alternances politiques sans violence depuis 1990 sur le continent. Le regard que porte le reste du monde sur l’Afrique est en train de changer – je le vérifie régulièrement à travers mes échanges avec les investisseurs institutionnels internationaux. Aux partenaires historiques européens s’ajoutent aujourd’hui les pays émergents, comme l’Inde, la Chine ou le Brésil, mais aussi les États-Unis, soudainement plus offensifs. Les investissements directs étrangers (IDE) ont triplé en dix ans et devraient atteindre 56 milliards de dollars en 2015. Une part non négligeable de ces progrès peut s’expliquer par la bonne performance des cours mondiaux des matières premières. Mais est-ce réellement un problème ? Leur hausse est largement le résultat du rééquilibrage en cours de l’économie mondiale vers les pays émergents, au premier rang desquels se trouve la Chine, très demandeuse de matières premières. Les richesses minérales ne doivent pas être vues comme une malédiction mais comme une source importante et légitime de croissance économique. Où 74

seraient aujourd’hui les États-Unis s’ils n’avaient pas exploité leur pétrole au XIXe siècle ou connu de ruée vers l’or ? Des pays comme le Canada ou l’Australie participeraient-ils au G20 sans leurs matières premières ? Les États africains doivent surtout mieux gérer leurs ressources et leurs rentes pour qu’elles bénéficient au plus grand nombre. UNE QUESTION PLUS IMPORTANTE que jamais alors que le continent est sur le point de pouvoir tirer avantage d’un atout unique à l’échelle mondiale : sa population, nombreuse (plus d’un milliard) et jeune (18 ans d’âge médian, contre 28 ans en Indonésie, 35 en Chine, 45 en Italie et 46 au Japon). Le facteur démographique a joué rôle crucial dans les succès de l’Asie, un un continent que je connais bien, où Prudential est leader et réalise plus de la moitié de ses profits. L’Afrique sera le seul continent au monde à voir sa population active croître durant les trente prochaines années, au point que, selon certains experts, elle devrait dépasser celle de la Chine à l’horizon 2040. Pour conserver et valoriser cet atout, une priorité s’impose : un accès massif à l’éducation, particulièrement pour les femmes. Les jeunes Africains qui en auront bénéficié seront à la fois des travailleurs beaucoup plus productifs et des consommateurs plus actifs, de la téléphonie aux services financiers. L’essor de la Chine ne peut se comprendre sans noter le rôle joué par la migration massive, des campagnes vers les villes, d’une population jeune et dotée d’une éducation de base solide. IL EST ESSENTIEL que le continent pro-

fite de la période faste qu’il traverse pour mener les réformes structurelles nécessaires et investir dans l’éducation et les infrastructures – énergie, transports, télécommunications, eau –, qui auront un impact direct et positif sur son potentiel de croissance à long terme. Dix années de progrès l’ont mis dans une position plus favorable que jamais : c’est le moment pour l’Afrique de faire la différence. n Illustration Jean-François Martin/Costume 3 Pièces

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TENDANCES

AFRICANISATION LE LOCAL A LA COTE

d’euros], vont également s’imposer au cours des prochaines années », écrit Ernst & Young.

Un secteur privé qui émerge

États ou entrepreneurs, les acteurs du continent cherchent à renforcer leur rôle dans leurs économies, encore dominées par les multinationales. Par Stéphane Ballong et Julien Clémençot i

P

our mieux répartir la richesse créée par ses taux de croissance soutenus et enfin réduire la pauvreté, le continent commence à s’approprier son économie, même si celle-ci reste largement portée par l’exportation des ressources naturelles et dominée par des groupes étrangers.

Une législation volontariste Donner la priorité aux ressources humaines, aux entreprises et aux investisseurs locaux : la politique de local content (« préférence nationale ») prônée depuis près de deux décennies par

NYABA LEON OUEDRAOGO POUR J.A.

À l’instar du groupe hôtelier malien Azalaï en Afrique de l’Ouest, de plus en plus de sociétés ont des ambitions régionales.

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les institutions de Bretton Woods se généralise en Afrique. L’objectif : favoriser le transfert de compétences et de technologies et permettre l’émergenced’untissudesoustraitants efficace. Au sud du Sahara, le Nigeria est à la pointe en la matière. Dès 2010, Abuja a promulgué une loi encadrant l’emploi, la fiscalité ou l’actionnariat des entreprises, notamment dans le secteur des hydrocarbures. Le Cameroun lui a emboîté le pas en 2012 en obligeant les groupes étrangers à réserver la moitié des postes d’encadrement à des nationaux, tandis que la Côte d’Ivoire étudie la mise en place de quotas de sous-traitance locale.

Des investissements en hausse Au-delà des mesures réglementaires, les entrepreneurs africains affichent leur volonté de jouer un rôle plus important.D’aprèsunerécenteétude du cabinet Ernst & Young, les investissements directs des Africains sur le continent connaissent – comme ceux provenantdurestedumonde– une progression robuste et constante. Avec un total de 235 projets, les Sud-Africains en sont les champions, devant les Kényans et les Nigérians, notamment via leurs banques. « Mais d’autres pays, comme l’Angola, qui vient de créer un fonds souverain de 5 milliards de dollars [3,7 milliards

Cette hausse des investissements intra-africains est le résultat du développement d’un secteur privé dynamique. Les entreprises du continent sont désormais nombreuses à élaborer des stratégies régionales, comme les maliens Azalaï Hotels et Moulins du Sahel qui se développent en Afrique de l’Ouest. Une conséquence de l’amélioration du climat des affaires dans de nombreux pays africains, que confirment les derniers rapports « Doing Business » de la Banque mondiale. D’autant qu’au nord comme au sud du Sahara, des zones économiques spéciales se créent pour mieux encadrer les investissements étrangers, inciter à la transformation locale des produits de base et favoriser le développement d’un tissu de PME afin de créer de l’emploi.

Des ressources humaines limitées Reste que recruter au sud du Sahara peut être un cassetête. Pour les fonctions commerciales et financières, la multiplication des écoles de commerce permet, malgré des niveaux très inégaux, de pourvoir aux besoins. En revanche, la pénurie de techniciens et d’ingénieurs pousse de plus en plus de groupes à investir dans la formation professionnelle, à l’instar de Bolloré, qui a créé à Abidjan une école des métiers de la logistique portuaire. Au niveau des postes de direction, longtemps occupés par des expatriés, les entreprises cherchent désormais des candidatsafricains,notammentau sein des diasporas installées en Europe et aux États-Unis. n

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SANOU MBAYE DR

Ancien cadre dirigeant de la Banque africaine de développement. Dernier ouvrage paru : L’Afrique au secours de l’Afrique

Pourquoi il faut abandonner le franc CFA

C

es dernières années, la Chine et l’Afrique ont formé l’undespartenariats économiquesetcommerciaux les plus florissants de l’ère moderne. Certains observateurs occidentaux – et africains – ont dénoncé cette présence de la Chine sur le continent comme une nouvelle forme de colonialisme. Mais une telle critique est parfaitement déplacée. Le modèle de développement que la Chine facilite, et qui associe des investissements et des échanges commerciaux productifs à des prêts et à de l’aide, permet de rompre le cycle du sous-développement en Afrique – un objectif que les stratégies de développement occidentales ne sont pas parvenues à atteindre. De plus, les pays africains s’appuient sur leurs relations avec la Chine pour développer leur coopération avec d’autres marchés émergents, dont l’Inde, la Corée du Sud, la Turquie, le Brésil et la Malaisie. De tels efforts ont renforcé la demande globale de matières premières, tout en diversifiant les économies africaines et en stimulant la capacité productive des fournisseurs locaux. Aujourd’hui, le taux de croissance de l’Afrique est le deuxième au monde après celui de l’Asie. Cela pourrait n’être qu’un début. Le marché africain compte aujourd’hui 1 milliard d’individus, et il devrait atteindre 3 milliards en 2045, dont 1,1 milliard de personnes en âge de travailler (plus que la Chine ou l’Inde). Ses perspectives économiques et commerciales à long terme rappellent donc celles de la Chine à l’époque où elle s’ouvrait au monde, il y a plus de trente ans. LE PROGRÈS, CEPENDANT, n’a pas été distribué de manière équitable dans toute l’Afrique. Certains pays ont bénéficié de manière substantielle des participations chinoises, mais d’autres, dont les 14 pays réunis dans la zone franc (12 d’entre eux sont d’anciennes colonies françaises), n’en profitent pas et passent à côté de l’explosion économique du continent. La croissance du PIB de la Communauté financière africaine (CFA) était largement supérieure à celle du reste de l’Afrique dans les années 1990, mais elle est depuis en recul. Les difficultés de cette zone sont renforcées par des politiques monétaires et économiques dysfonctionnelles. Dans ce contexte, la décision de préserver le franc CFA est douteuse. Ce qui pose problème en particulier, ce sont les réserves de change de 17,7 milliards de dollars

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[environ 13 milliards d’euros] que la France conserve sur un compte spécial du Trésor à un taux d’intérêt de seulement 1,5 %, assurant ainsi la convertibilité du franc CFA, qu’elle garantit. En d’autres termes, Paris utilise les réserves africaines pour financer une partie de son déficit budgétaire à un taux d’intérêt concessionnel. Dans le même temps, les banques françaises appliquent des taux de 5 % à 6 % sur les prêts qu’elles accordent aux gouvernements africains afin de financer leur déficit budgétaire.

Mais ni le quasi-contrôle de l’argent et du crédit par la France ni sa forte influence sur la politique et la sécurité ne peuvent être tenus pour seuls responsables de la situation de pauvreté et d’instabilité dans laquelle se retrouvent les pays de la zone franc. En s’appropriant à tort les fonds publics pour leur usage personnel – les exemples ne manquent pas –, les dirigeants de cette zone se rendent complices de l’exploitation institutionnalisée par la France de ces pays et de leurs citoyens. Il est temps pour les dirigeants de la zone franc de rompre ce cycle et de définir des stratégies nationales de développement efficaces pour leurs pays. Ils devraient commencer par s’émanciper totalement de la France, abandonner le franc CFA et développer des relations commerciales mutuellement bénéfiques avec la Chine et d’autres pays qui en manifestent le désir. n © Project Syndicate, 2013 Illustration Jean-François Martin/Costume 3 Pièces

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TENDANCES

CROISSANCE

CÔTE D’IVOIRE

CHACUN SA ROUTE L’Afrique, terre d’opportunités… Une nouvelle image qui recouvre des stratégies, des histoires ou des atouts différents. Illustration en quatre pays. Par Pierre Blaise, Ryadh Benlahrech, Nicolas Teisserenc et Baudelaire Mieu, à Abidjan

Croissance

7%

PIB par habitant

461 dollars Investissements

32,6 %

D

du PIB

BA

ÉTHIOPIE OFFENSIVE DE CHARME

SOUTIEN. « Le gouvernement fait tout pour attirer les investisseurs étrangers, afin d’accélérer le développement. Stabilité politique, essor économique rapide : l’environnement est très favorable. Et nous fournissons tout le soutien nécessaire », assure Mohammed Seyed, secrétaire général de l’Ethiopian Investment Agency. Alors que les buildings fleurissent tout autour, cette agence gouvernementale est installée dans un bâtiment décrépi dominant Bole Road, la grande artère dont les travaux, réalisés par des entreprises chinoises, ont paralysé

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ÉTHIOPIE la capitale pendant plus d’un an. Les Chinois, justement, seraient, avec les Indiens, « les plus actifs dans le pays ». Mais Mohammed Seyed voudrait aussi attirer la « technologie occidentale ». Un document destiné aux investisseurs détaille les avantages (notamment fiscaux) dont ils peuvent bénéficier. Rapidité des procédures administratives, tolérance zéro pour la corruption, bas salaires (2 dollars par jour pour un ouvrier), sans parler de la création de zones industrielles : une offensive de charme tous azimuts lancée par le régime, dont l’autoritarisme et l’opacité effraient souvent. Et puisque de nombreuses activités, dont la banque et l’assurance, restent fermées aux fonds étrangers, le document insiste sur le secteur manufacturier (l’industrie ne contribue qu’à hauteur de 13 % au PIB), le tourisme et surtout l’agriculture (qui domine toujours l’économie). Dans ce dernier domaine, le Premier ministre, Hailemariam Desalegn, a récemment fait part de sa déception face à la lenteur des progrès, alors que des centaines de milliers d’hectares ont déjà été concédés. Le chef du gouvernement est aussi revenu sur le principal handicap de l’Éthiopie : les infrastructures. Les autorités travaillent à le combler. Mais elles ne pourront inventer un accès à la mer. Toutes les marchandises transitent donc par le port de Djibouti et, même si les relations entre les deux États sont garanties grâce aux approvisionnements cruciaux assurés par l’Éthiopie au petit pays voisin, Addis-Abeba étudie les alternatives possibles, notamment via Berbera, dans le nord-ouest de la Somalie. n SO

Virulente polémique avec l’Égypte, en juin 2013, au sujet du barrage hydroélectrique de la Renaissance (qui sera le plus puissant d’Afrique) ; annonce par le géant suédois H&M, en août, de l’implantation de plusieurs usines textiles… L’Éthiopie a, ces derniers mois, fait la une de la presse économique internationale. « Les changements socio-économiques des dernières années ont placé [notre pays] sur le chemin du renouveau et du développement », se félicite Mulatu Teshome, élu président de la République en octobre 2013. Depuis une dizaine d’années, l’Éthiopie est l’un des champions africains de la croissance. Certes, elle partait de bien bas, et des dizaines de millions de personnes vivent encore en dessous du seuil de pauvreté ; certes, le Fonds monétaire international (FMI) annonce pour 2013 une croissance de 7 % alors que le gouvernement s’accorde presque trois points de plus… Il n’empêche : porté par son Plan de croissance et de transformation 2010-2015, le pays a le vent en poupe.

Après une décennie d’instabilité politique, la Côte d’Ivoire retrouve la santé. La croissance a atteint 9,8 % en 2012 et se stabilisera à 8 % en 2013 et 2014, selon le Fonds monétaire international (FMI), bien loin des – 4,7 % affichés en 2011. L’inflation reste contenue : le FMI prévoit 2 % en 2013, après 3,4 % en 2012. Avec un PIB estimé en 2013 à 28 milliards de dollars (21 milliards d’euros) et une vingtaine de millions d’habitants, la Côte d’Ivoire fait figure de puissance au sein de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA). Cependant, son PIB par habitant (1 051 dollars, d’après la Banque africaine de développement) en fait toujours un pays à revenu intermédiaire, marqué par la pauvreté, qui touche près d’un quart de la population, selon le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Encore fragile, la stabilité sociale donne néanmoins un nouveau dynamisme à certaines filières agricoles, à commencer par le cacao, dont la Côte d’Ivoire reste le premier pays producteur, assurant près de 40 % des approvisionnements mondiaux en fèves. La réforme entamée fin 2011 dans cette filière névralgique a dopé la croissance de l’agriculture, qui représente 24 % du PIB. Peu développé pour l’heure (moins de 1 % des ressources minières

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


Croissance

8%

PIB par habitant

Fort et durable !"#$%&'()*+', -'.#/+0.# .#12(0.# &"2+&(/*+', 3"412(%#5#,)/ ).0/ %#.-'.5*,)/ %'2. &"*6*)7 )*8#9 &# 346*.3*8#9 &# 3#//'2:;*8#9 &# :;*.7 8#5#,) #) &# ).*,/%'.) 32 6'(/< ='(&> *2)*,) 3"*%%&(:*)(',/ %'2. &#/12#&&#/ ?@A *%%'.)# 2,# /'&2+', 8&'6*&# 8.B:# > /* C*/)# 8*55# 3# %.'32()/ D'5*)/2< E) %'2. :;*:2, 3# :#/ 412(%#5#,)/9 ?@A C'2/ 8*.*,)() 2,# %.'32:+C()4 '%+5*&#<

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Désireux de passer à la vitesse supérieure, le gouvernement a élaboré, pour la période 2012-2015, un ambitieux Plan national de développement. Pour le financer, il espère lever 17 milliards d’euros auprès de partenaires publics et privés, grâce, notamment, à un code des investissements très attrayant. La capacité d’investissement de l’État s’est elle-même améliorée à la suite de la réduction de la dette extérieure obtenue dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). La dette est évaluée à 32 % du PIB en 2013,

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sont exploitées), le secteur extractif devrait être stimulé par l’entrée en vigueur dès 2014 d’un nouveau code minier. D’après une étude du Bureau de recherches géologiques et minières (basé en France), la Côte d’Ivoire recèlerait près d’un tiers des ressources en or de l’Afrique de l’Ouest. De son côté, le secteur pétrolier connaît un boom à la suite de récentes découvertes. Les réserves de brut sont estimées à 1 milliard de barils. Ces deux secteurs pourraient bénéficier de 930 à 950 millions d’euros d’investissements au cours des cinq prochaines années.

1 051 dollars

le 167e rang sur contre 50 % Investissements en 2010. Dans 189 pays dans le 17,9 % un contexte classement « Doing du PIB de stabilisation Business » 2014 de des exportations la Banque mondiale, CÔTE D’IVOIRE agricoles, les qui évalue le climat investissements des affaires), fait face à publics consolideront la des difficultés. Les failles du croissance, mais pourraient marché financier sous-régional aussi se traduire par une pourraient en outre peser sur augmentation des importations, le financement du programme déséquilibrant la balance d’investissement public. Surtout, commerciale. si l’endettement extérieur s’améliore, l’accumulation de RÉFORMES. Malgré le contexte nouveaux arriérés sur le plan favorable, les risques existent intérieur pourrait freiner la au niveau macroéconomique. relance du secteur privé. La Côte La mise en œuvre de certaines d’Ivoire a amorcé son second réformes structurelles, comme « miracle », après celui de la celles du secteur bancaire public, décennie 1970, mais n’a pas de l’énergie ou du système encore trouvé le chemin de judiciaire (la Côte d’Ivoire occupe l’émergence. n SO

AMBITIEUSE MAIS FRAGILE


TENDANCES

Croissance

Croissance

PIB par habitant

7%

617 dollars Investissements

48,7 %

Début septembre 2013, le Mozambique lançait avec succès un emprunt de 500 millions de dollars (environ 380 millions d’euros) : le dernier signe de son retour dans le radar des investisseurs. Au rythme de plus de 8 % de croissance annuelle moyenne depuis 1996, l’ancienne colonie portugaise a opéré un redressement spectaculaire. Cette croissance est notamment portée par les projets miniers de la région de Tete (Nord-Ouest) et gaziers au large de ses côtes. Sur les 5,2 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) attirés en 2012, 3,4 milliards ont directement été injectés dans ces deux secteurs, selon la Banque centrale. Grâce à son industrie extractive naissante, le Mozambique pourrait devenir un pays à revenu intermédiaire d’ici à 2025, estime de son côté la Banque mondiale. Entre 2010 et 2012, la junior pétrolière américaine Anadarko et la major italienne Eni ont réalisé d’impressionnantes découvertes de gaz au large des côtes : leur volume est estimé à environ 4 200 milliards de mètres cubes, soit l’une des plus vastes réserves identifiées. La zone pourrait devenir l’un des principaux centres mondiaux de production de gaz naturel liquéfié (GNL), en raison notamment de sa proximité avec les

80

marchés asiatiques. Eni et ses partenaires prévoient d’investir 50 milliards de dollars dans les dix prochaines années. Les indiens ONGC et Oil India ont, eux, investi 5,1 milliards de dollars. Quant au chinois CNPC, il s’est octroyé 20 % d’un champ détenu par Eni pour 4,2 milliards de dollars. Si bien que les premiers tankers pourraient appareiller vers l’Asie dès 2020. REVENTE. Côté mines, le brésilien Vale a déjà dépensé 1,7 milliard de dollars pour exploiter les gisements de charbon de la région de Tete et prévoit un investissement supplémentaire de 2 milliards de dollars. La production annuelle dans sa mine de Moatize pourrait atteindre 20 à 50 millions de tonnes au cours des dix prochaines années. Son homologue anglo-australien Rio Tinto a quant à lui investi 3,7 milliards de dollars pour avoir accès au gisement de Moatize. Mais les difficultés logistiques sont telles qu’il envisage une revente partielle ou totale de ses actifs mozambicains. En effet, les deux miniers sont limités dans leur développement par le manque d’infrastructures. Pour évacuer le minerai de Moatize, une seule possibilité : la ligne de chemin de fer de Sena, qui relie le site au port de Beira. Longue de 665 km et construite au début du XXe siècle, elle subit régulièrement des menaces de la part des

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MOZAMBIQUE SO

MOZAMBIQUE EN PLEIN RÊVE MINIER

du PIB

ex-rebelles de la Renamo et est fréquemment inondée. Quant au port de Beira, il n’est pas équipé pour les énormes quantités de charbon prévues. Pour faire face à cet immense défi, les projets se multiplient. Vale veut consacrer 4,4 milliards de dollars à la rénovation de la ligne de chemin de fer et surtout à la construction d’une nouvelle, à travers le Malawi, en direction du port de Nacala (nord-est du Mozambique), distant de 912 km. Nacala et Beira doivent également subir des transformations conséquentes, pour un total de 900 millions de dollars. L’électricité, dont l’industrie minière est très gourmande, nécessite aussi des investissements importants. Six projets sont en cours d’attribution, dont deux centrales hydroélectriques, à Mpanda Nkuwa et à Cahora. Mais le principal défi pour le gouvernement consistera à faire en sorte que cette richesse minière bénéficie à l’ensemble de la population, alors que l’absence de transparence reste un problème endémique. Première étape : l’État semble prendre conscience de la nécessité de défendre ses intérêts. Il a notamment empoché 400 millions de dollars lors de la transaction entre Eni et CNPC et réfléchit à la mise en place d’une taxe de 32 % sur les plus-values pour toutes les futures cessions d’actifs gaziers. n

ALGÉRIE SYNDROME HOLLANDAIS La rente pétrolière a-t-elle des effets pervers ? En regardant le développement économique algérien, il ne fait aucun doute que la réponse est positive. Car si les réserves de change sont bien garnies, avec 190 milliards de dollars (146 milliards d’euros) fin juin 2013 – ce qui a permis à Alger de prêter 5 milliards de dollars au Fonds monétaire international (FMI) en 2012 –, l’économie, dopée aux hydrocarbures, reste trop peu diversifiée. Le gaz naturel et le pétrole représentent 97 % des recettes d’exportation, 60 % du budget et près de 40 % du PIB. C’est dire la vulnérabilité du pays à l’égard des fluctuations des cours mondiaux. Et rien n’indique que la situation va évoluer, même si les autorités en ont pris conscience. AUTOROUTE. En clair, le potentiel algérien est loin d’être exploité : entre 2004 et 2013, le taux de croissance moyen a à peine dépassé 3 %, alors qu’il aurait dû atteindre 10 % à 15 %, d’après les experts du FMI. Il faut dire que la manne financière tirée du sous-sol n’est pas utilisée à bon escient. Certes, depuis une dizaine d’années, les infrastructures se sont améliorées, avec la création notamment de l’autoroute

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l’industrie, dont la contribution de Bretton Woods ont alerté au PIB est tombée à moins de les autorités sur la trajectoire 5 %, contre 7,5 % en 2000. glissante que pourraient Quant au secteur privé, il n’a prendre les finances publiques pas la vie facile tous les jours, en raison de la baisse de la même si la situation n’est plus production d’hydrocarbures. aussi chaotique que dans les En parallèle, les importations années 1990. Dans ne cessent de croître, alors le classement « Doing qu’Alger a adopté dès 2009 Business » de la Banque des mesures protectionnistes : mondiale, l’Algérie elles devraient atteindre occupe, pour 2014, la bagatelle de la 153e place 60 milliards Croissance de dollars en sur 189 pays. 3,1 % 2013, contre Ce résultat PIB par habitant 46,8 milliards témoigne des 5 432 dollars l’année difficultés Investissements précédente. Un rencontrées par 43,3 % reflet du manque les entrepreneurs du PIB de diversification de pour créer leurs ALGÉRIE l’économie nationale sociétés, accéder aux et du démantèlement de financements bancaires

ou obtenir des terrains. Issad Rebrab, fondateur et président du premier groupe privé du pays, Cevital (2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012), déplore régulièrement le mauvais climat des affaires qui règne en Algérie. Pour sa part, le Forum des chefs d’entreprise, l’une des organisations patronales les plus puissantes, note les efforts du Premier ministre, Abdelmalek Sellal (en poste depuis septembre 2012), mais attend une diminution des contraintes bureaucratiques et la mise en place d’incitations supplémentaires en faveur du secteur privé. Vu les incertitudes politiques entourant l’élection présidentielle d’avril 2014, il risque fort de devoir patienter. n

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est-ouest traversant le pays sur plus de 1 200 km. Mais les dépenses publiques servent généralement à acheter la paix sociale à travers des subventions sur les produits de base (farine, sucre, énergie, etc.), à calmer la colère des jeunes chômeurs (21,5 % de moins de 35 ans, selon le FMI) ou encore à renflouer les caisses d’entreprises publiques héritées du modèle socialiste en vigueur avant la – très relative – ouverture du pays à l’économie de marché, en 1988. Cette mauvaise gestion des deniers publics aboutit, depuis 2009, à un déficit budgétaire récurrent qui, d’après la Banque d’Algérie, n’est comblé que par les pétrodollars. Les institutions

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HAKIM BEN HAMMOUDA DR

Conseiller spécial du président de la Banque africaine de développement

L’émergence en cinq leçons

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Afrique connaît depuis le début de ce siècle une croissance élevée, à près de 5 % en moyenne annuelle, et a montré une résilience certaine lors de la crise mondiale qui a débuté en 2008. Des performances exceptionnelles dans le contexte actuel. La question qui se pose est de savoir comment entretenir et renforcer cette tendance pour faire du continent la nouvelle région émergente. De notre point de vue, si cette croissance est essentielle, elle reste insuffisante, et le continent doit faire plus et mieux sur cinq fronts.

D’ORDRE POLITIQUE, le premier concerne la stabilité et la paix. Plusieurs pays en conflit sont en train de se reconstruire après de longues années de guerre et de chaos. Cependant, ils restent fragiles, tandis que certains pays stables deviennent vulnérables. Un phénomène qui s’est renforcé dans le Sahel et s’est étendu aux pays d’Afrique du Nord, avec la mise en circulation d’un grand nombre d’armes en provenance de Libye. Les conflits sont aujourd’hui au centre des préoccupations des institutions du continent (avec à leur tête l’Union africaine), soucieuses d’y mettre fin et de fournir l’appui sécuritaire, politique et financier nécessaire. Le second front est la répartition. En effet, les inégalités restent élevées en Afrique, et les fruits de la croissance ne sont pas bien partagés. Même si elle est d’ordre économique, cette question a des effets politiques immédiats. Le Printemps arabe nous a montré – s’il en était besoin – qu’une meilleure répartition de la croissance est essentielle pour assurer la stabilité politique et offrir de l’espoir aux populations, particulièrement aux jeunes diplômés. D’autant que, contrairement à celle d’autres régions émergentes, la croissance africaine crée peu d’emplois.

chaînes de valeurs est essentielle pour sortir de cette situation. Cette exigence de diversification est déjà au centre des stratégies de développement, mais il est temps de sortir des prescriptions pour s’engager dans des politiques concrètes. Étroitement lié au précédent, le quatrième axe de changement concerne la faiblesse des infrastructures. L’énorme déficit dans ce domaine n’est pas de nature à faciliter la transformation des économies et le développement de nouvelles activités. Par exemple, 40 % de la population seulement ont accès à l’électricité et un Africain ne dispose en moyenne que de 124 kWh par an (hors Afrique du Sud), contre plus de 13 000 pour un Américain. Ce déficit n’est pas nouveau. Jusqu’alors, la faiblesse des ressources publiques ne permettait pas d’y faire face. Or aujourd’hui, l’intérêt du secteur privé pour les infrastructures (dans le cadre de partenariats publicprivé), le développement de nouveaux produits financiers permettant de réduire les risques ainsi que la réforme des cadres réglementaires dans différents pays devraient favoriser un important développement des investissements pour réduire ce déficit.

Une meilleure répartition de la croissance est essentielle pour offrir de l’espoir aux populations. Le Printemps arabe nous l’a montré.

LA TRANSFORMATION DES ÉCONOMIES africaines

est un troisième axe de changement. Le continent reste fortement dépendant du commerce des matières premières ; la volatilité de leur cours a des effets négatifs sur sa croissance et ses grands équilibres macroéconomiques. L’insertion de l’Afrique dans de nouvelles 82

LE DERNIER FRONT de l’action

concerne l’intégration régionale. Certes, cette question n’est pas nouvelle et elle a toujours été au cœur de la réflexion africaine sur le développement. Il faut reconnaître les progrès effectués par certaines régions, notamment l’Afrique de l’Est, alors que d’autres, comme l’Afrique du Nord, sont en retard. Mais cette problématique a plus d’acuité aujourd’hui, dans un contexte marqué par l’atonie de la croissance mondiale et, par conséquent, de la demande de produits fournis par l’Afrique. Il est nécessaire d’accélérer les efforts d’intégration, particulièrement dans des domaines qui n’exigent pas d’investissements importants, comme la facilitation du commerce. L’Afrique n’est plus le continent de la pauvreté et du désespoir. Les performances économiques en ont fait la nouvelle frontière de la croissance globale. La stabilité, l’inclusion, la transformation et l’intégration devraient en faire la puissance émergente de demain. n

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INVESTIR AU TOGO

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Le TOGO au cœur d’un marché d’avenir

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a République du Togo offre des conditions optimales pour investir en Afrique de l’Ouest, une région en forte croissance de 300 millions d’habitants. Lomé, la capitale togolaise, est reliée aux pays africains francophones et anglophones par son port international, un réseau routier en constante amélioration et une compagnie aérienne qui dessert 22 destinations. I


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INVESTIR AU TOGO

La porte d’entrée d’un marché en pleine croissance

pour le commerce et l’industrie grâce à une vaste zone franche de 900 ha où sont implantées plusieurs dizaines d’entreprises, qui bénéficient d’une réglementation souple et d’avantages fiscaux, douaniers et financiers.

Un corridor terrestre en pleine expansion

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déalement situé entre l’océan Atlantique au Sud, le Ghana à l’Ouest, le Bénin à l’Est et le Burkina Faso au Nord, le Togo est par nature le trait d’union entre les cultures et les économies anglophones et francophones d’Afrique de l’Ouest. Il fait partie de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), avec sept autres États francophones : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger et Sénégal, totalisant plus de 80 millions d’habitants. Il est également membre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui regroupe quinze pays (1). Avec ses 300 millions d’habitants, elle est la 25e puissance économique mondiale.

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e corridor Sud-Nord, qui relie Lomé à la frontière du Burkina Faso, est appelé à un fort développement. Il comprendra une autoroute, doublée, à plus long terme, d’une liaison ferroviaire. De quoi améliorer l’efficacité des extractions minières situées sur son trajet et, au Nord, rejoindre le futur réseau ferroviaire ouestafricain reliant le Bénin, le Niger, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Ce projet fondamental a été officiellement lancé à Lomé en mai 2013 avec la création de la société publique Togo Invest Corporation, chargée de promouvoir, sécuriser et cofinancer les Partenariats Publics Privés qui se constitueront.

(1) Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo

Un hub maritime efficace

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e port de Lomé est le seul de la côte ouest-africaine par lequel plusieurs capitales peuvent êtres atteintes en un seul jour. Il offre un acheminement des marchandises dans des délais et des coûts compétitifs. Son trafic a passé la barre des 8 millions de tonnes en 2011 et il sera bientôt capable de traiter plus de 2 millions de conteneurs EVP par an. Sa profondeur de 15 mètres lui permet d’accueillir des navires cargo de grande capacité, dits de « 3e génération » (7 000 équivalents vingt pieds, EVP). Son statut de port franc offre un gain de temps précieux. Le Port de Lomé est aussi un pôle d’attraction

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Des liaisons terrestres en pleine expansion

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a compagnie aérienne ASKY, créée en 2007, assure 174 vols hebdomadaires (9 000 passagers en moyenne) vers 22 destinations et 19 pays depuis l’aéroport international de Lomé-Tokoin, qui s’impose progressivement comme un hub régional. Pratiquement à mi-chemin entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, il symbolise l’interconnexion entre les deux régions que dessert la compagnie panafricaine. ASKY a aménagé ses horaires afin qu’ils complètent ceux de son partenaire stratégique, Ethiopian Airlines (73 destinations, dont 36 en Afrique).

« Le code des investissements favorise la création d’activités » et la mécanique dans l’industrie sont des activités prometteuses au Togo et dans toute la région. La production électrique togolaise va continuer de croître avec la construction d’une nouvelle centrale par le groupe américain Contour Global.

DE NOMBREUSES OPPORTUNITÉS ● Dans l’agriculture Le secteur primaire entre à hauteur de 47,5 % dans le PIB du Togo. Son développement est soutenu par le Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA), qui vise une croissance annuelle de 6 %. Aux productions actuelles comme le coton, le café et le cacao, des efforts sont engagés pour renforcer les cultures vivrières, l’élevage, la pêche et l’aquaculture. Le PNIASA comprend également un volet visant à renforcer la transformation locale et les cultures d’exportations.

● Dans la finance, les télécoms et le tourisme De nombreuses opportunités sont ouvertes dans les services (34,7 % du PIB). De grands groupes bancaires, d’assurance et de capital-investissement sont implantés à Lomé. Le fort taux de pénétration du téléphone mobile (70 %) et le nombre record d’internautes pour la région (500 000) constituent une base solide pour les développements informatiques. Enfin, les professionnels du tourisme peuvent tirer parti des atouts du pays : ses plages de rêve, des décors et traditions exceptionnelles et des équipements hôteliers de haute qualité mais en nombre encore restreint.

● Dans l’industrie, les mines et l’énergie Le secteur secondaire, qui représente 17,8 % du PIB, est appelé à un fort développement. Les phosphates et le ciment dans les mines, le BTP, l’agro-alimentaire

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PUBLI-INFORMATION


PUBLI-INFORMATION

INVESTIR AU TOGO

ADRESSES UTILES • PORTAIL DU TOGO www.republicoftogo.com • CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE Tél. : (228) 22 23 29 00 www.ccit.tg • CONSEIL NATIONAL DU PATRONAT Tél. : (228) 22 21 08 30 www.conseil-national-patronat-togo.com • INVESTIR AU TOGO www.investir-au-togo.tg

• SAZOF Tél. : (228) 22 53 53 53 www.zonefranchetogo.tg

« Plus de 80 entreprises implantées dans les zones franches »

Une capitale africaine de la banque

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lace financière de choix en Afrique de l’Ouest, Lomé abrite le siège de la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC), le bras financier de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ainsi que ceux de Cica-Ré, le réassureur des États membres de la CIMA (Conférence interafricaine des marchés de l’assurance) et du groupe bancaire Ecobank, première multinationale 100 % africaine, présente dans 33 pays du continent. À leurs côtés, les arrivées récentes et l’émergence de nouvelles institutions bancaires permettent au Togo de faciliter les transactions financières aussi bien au niveau régional que continental et international. Parmi ces entités figurent notamment le numéro un marocain – et septième africain – Attijariwafa Bank, l’ivoirienne Banque Atlantique, alliée au groupe marocain Banque centrale populaire, ou encore Oragroup SA, institution sousrégionale en plein essor. Dans un autre domaine, c’est aussi depuis Lomé que la société de capital-investissement Cauris gère et déploie son portefeuille dans la région, où elle est active depuis 1995.

De nouveaux outils au service des investisseurs

L

e Togo est de longue date un pays ouvert aux investissements étrangers. Le code des investissements révisé en janvier 2012 définit un ensemble de facilités pour les entreprises qui favorisent l’emploi et le développement d’activités dans le pays. Il protège le capital et la propriété privée, libère la circulation des capitaux étrangers et régit la résolution des conflits commerciaux. Le Togo est en outre fortement impliqué dans l’amélioration de l’environnement des affaires. De nombreux programmes soutenus par les partenaires au développement, notamment l’Union européenne, ont permis de moderniser l’appareil juridique et administratif et de le rendre plus efficace.

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CHIFFRES-CLÉS • Population : 6,6 millions • Population urbaine : 45 % • Alphabétisation : 57 % • Superficie : 56 785 km2 • Densité de population : 100 hab./km2

BÉNIN

Sokodé Lac Volta

TOGO

NIGERIA

GHANA Lomé 200 km

Golfe de Guinée

CHIFFRES-CLÉS DE L’ÉCONOMIE • PIB : 3,6 milliards de dollars • RNB par habitant (PPA) : 800 dollars • Taux de croissance : 4 % • 5e exportateur mondial de phosphates • Monnaie : Franc CFA (parité fixe avec l’euro, 1 euro = 656 F CFA)

DIFCOM/FC - PHOTOS : © D.R., © Nicolas Robert, © Michel Aveline.

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• ASKY www.flyasky.com


TENDANCES

CONSOMMATION À VOS MARQUES… Carrefour, L’Oréal, Diageo et consorts misent sur l’essor des classes moyennes. Il leur reste à maîtriser l’essentiel : le mode de distribution. Par Frédéric Maury

A

moderne est très limitée, comptant entre 0 % et 10 % de la distribution alimentaire totale»,souligneJulienGarcier, directeur général de Sagaci Research. Selon ce cabinet d’intelligence économique, la surface totale des centres commerciaux devrait doubler d’ici à 2017 sur le continent, pour atteindre 8 millions de mètres carrés : 129 nouveaux centres sont en projet (dont 17 en Égypte, 15 au Ghana, 14 en Zambie, 12 en Angola, 12 au Nigeria et 12 au Maroc). Au-delà de la grande distribution, c’est tout le secteur des biens de consommation qui fourbit ses armes, inspiré par le succès de la téléphonie mobile mais aussi par l’envolée de l’activité des brasseurs. L’Oréal est passé officiellement à l’offensive en s’offrant en 2013 l’activité hygiène-beauté du kényan Interconsumer Products (ICP).

PÂTES. Mais les multinatio-

nales occidentales ne sont pas les seules à l’offensive. Comme d’autres sud-africains (Shoprite, Massmart, Famous Brands), Tiger Brands est ainsi à l’avant-garde. Après avoir réalisé en 2011 quatre opérations de croissance externe en Afrique, il a récidivé en 2012 en se payant le contrôle de Dangote Flour Mills, numéro

deux de la farine au Nigeria, actif aussi dans les pâtes. « La difficulté pour toutes ces marques étrangères est d’atteindre le consommateur, alerteJacquesLeccia,directeur général de CFAO Industries, Équipement & Services. La distribution moderne restant peu développée, il faut vendre sur les marchés ouverts traditionnels ou dans ce qu’on appelle le on-trade : les cafés, les restaurants, les boîtes de nuit. » La bataille dans ce secteur se joue donc autant sur la qualité des produits et du marketing que surl’organisationderéseauxde distribution fiables et solides. Sans compter que, bien souvent, la plus grosse difficulté, après avoir vendu, est de faire remonter l’argent… Rien de surprenant, en somme, à ce que tous ces nouveaux acteurs préfèrent chercher des partenaires pour s’implanter ou acquérir des compétences locales en reprenant des opérateurs forts. Car, si la classe moyenne explose, la partie est loin d’être gagnée: en Afrique, le marché n’est jamais simple. n

JUNIOR DIDI KANNAH POUR J.A.

lors que la classe moyenne se développe à un rythme soutenu, les acteurs du secteur des biens de consommation et de la grande distribution s’agitent à travers le continent. L’année 2013 a ainsi été marquée par plusieurs annonces, plus ou moins médiatisées. La principale a été l’arrivée de Carrefour au sud du Sahara et son retour envisagé en Algérie. Inspiré par le rachat, mi-2011, du sud-africain Massmart par Walmart, le numéro un mondial, le groupe français a scellé une alliance avec CFAO pour développer des supermarchés et des hypermarchés dans huit pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. À l’est, c’est son associé moyen-oriental Majid Al-Futtaim qui mène discrètement l’offensive. « Aujourd’hui, en Afrique subsaharienne, la distribution

Le géant français des cosmétiques s’est à cette occasion déclaré déterminé à conquérir les consommateurs du continent, auprès desquels il devrait notamment jouer sur sa marque de soins pour cheveux SoftSheen Carson, leader chez les Africains-Américains. Sur le front des boissons, le leader Diageo fait désormais face à un nouveau concurrent de poids : le français Pernod Ricard, qui mise, outre sur l’AfriqueduSud,surlaNamibie, leKenya,leMaroc,l’Angolaetle Ghana. Au Nigeria, le numéro deux mondial des spiritueux s’est associé à CFAO.

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TENDANCES

ÉNERGIE TALON D’ACHILLE Malgré des projets d’envergure, les capacités de production électrique du continent restent insuffisantes pour permettre un véritable décollage économique. Par Ryadh Benlahrech

TIPHAINE SAINT-CRIQ POUR J.A.

équivaut approximativement à celle de l’Allemagne (82 millions d’âmes), poursuit l’Ifri. Ce manque d’installations fait perdre deux à trois points de croissance paran au continent. DÉLESTAGES. L’Afrique du Sud, première économie continentale, dispose d’une capacité installée de 45 GW, l’Afrique du Nord de 35 GW, puis vient le reste du continent avec seulement 34 GW. Mais même dans les deux premières régions, les infrastructures de production, de transport et de distribution souffrent d’un manque criant de maintenance qui provoque des délestages lors de pics de consommation. En zone subsaharienne (hors Afrique du Sud), la situation est encore pire : près d’un quart des installations ne fonctionnent pas, et les autres sont souvent vieillissantes. Les problématiques

liées au financement, à la corruption et à la mauvaise gouvernance expliquent en grande partie cette situation. Et pourtant, comme l’indiquel’Ifri,lecontinentregorge de ressources naturelles : 10 % des réserves hydrauliques mondiales exploitables, près de 10 % des réserves prouvées de pétrole, 8 % des réserves de gaz et 6 % de celles de charbon. Les autorités ont néanmoins pris conscience de la nécessité d’accroître la production électrique du continent. Des

Un lent rattrapage Croissance annuelle moyenne de la production électrique

+ 10 % +3%

Sur les 10 dernières années

Objectif

SOURCE : IFRI

P

ourmaintenirlecapde la croissance, le continent doit augmenter sa production électrique afin de réaliser sa révolution industrielle, à l’image de celle qu’a connue l’Europe au XIXe siècle. Car pour l’heure, le compte est loin d’être bon. En 2010, 57 % de la population africaine n’avaient pas accès à l’électricité, estime l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena). Et la situation ne s’améliore guère : au cours de la dernière décennie, la production n’a augmenté que de 3 % par an, soit deux fois moins que dans les autres régions en développement. D’après l’Institut français des relations internationales (Ifri), pour répondre à la demande, elle devrait croître de 10 % par an. Actuellement de l’ordre de 114 gigawattheures (GWh) pour 1 milliard d’habitants, elle

projets d’envergure sont dans les tuyaux, comme le barrage d’Inga 3, en RD Congo, dont la construction devrait débuter en 2015 ; il fournira 4,8 GWh, dont une partie sera réservée à l’exportation. En Éthiopie, le barrage de la Renaissance permettra de produire 6 GWh et de fournir les pays voisins. En parallèle, le pays a débuté la construction de la plus grande centrale géothermique d’Afrique, qui atteindra une capacité de 1 GW d’ici à dix ans. Le Maroc n’est pas en reste, avec son plan solaire 2020 (2 GW) et les unités de production 5 et 6 de la centrale de Jorf Lasfar qui fourniront 2,1 GWh d’ici à 2014. Au-delà de ces exemples, le continent peut compter sur les bailleurs de fonds pour le conseiller et financer certains projets. Sans oublier le plan quinquennal Power Africa présenté par le président américain, Barack Obama, en juillet 2013 et dont l’objectif est de connecter plus de 20 millions de foyers ou d’entreprises supplémentaires. Cette « initiative doit appuyer la croissance économique et le développement sur le continent grâce à un meilleur accès à une énergie fiable, abordable et durable », précise la Banque africaine de développement(BAD).Celane sera pas de trop pour la révolution électrique en marche. n

Dans le barrage de Tchimbélé, au Gabon. Le continent recèle 10 % des réserves hydrauliques exploitables dans le monde.

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JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


PER-ANDERS PETTERSSON/GETTY IMAGES

Tri des diamants chez Diamond Trading Company, filiale de De Beers, à Gaborone (Botswana).

INDUSTRIES EXTRACTIVES FINI LA RUÉE Des découvertes qui se succèdent, mais des projets qui tardent à démarrer. Les responsables ? Les majors, qui deviennent plus sélectives. Par Christophe Le Bec

A

lors que les cours des minerais et du pétrole ont été chahutés en 2013, l’Afrique a perdu une partie de son lustre au profit d’autres régions plus stables politiquement, ou disposant d’infrastructures plus solides. La richesse de son sous-sol continue à attirer les investisseurs, mais l’heure n’est plus à la ruée. Les grandes compagnies exigent une rentabilité plus élevée que lors des booms minier et pétrolier de 2009 et 2010. Certaines n’hésitent pas à geler des projets en fonction du contexte politico-économique,àl’instardeRioTinto et de Vale en Guinée. D’autres sedésengagentcomplètement, tels BHP Billiton, en retrait sur tout le continent, ou Shell, empêtrédanssesdémêlésavec

les communautés et autorités locales au Nigeria. Les juniors, pionnières de l’exploration, restent quant à elles légion en Afrique. Mais leurs découvertes, nombreuses, ne sont pas souvent suivies de projets industriels sérieux, faute d’un passage de relais à une major disposant de moyens financiers suffisants. Les délais d’entrée en production se sont allongés dans les secteurs qui nécessitent les investissementslespluslourds, notamment le pétrole en eau profonde, le fer, la bauxite et le charbon. IGNORÉS. Certains gisements

africains sont pourtant trop importants pour être ignorés. La ceinture de cuivre, à cheval entre la Zambie et la RD Congo, reste incontournable, tout comme le platine

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

sud-africain (80 % des réserves mondiales de ce métal utilisé dans l’industrie automobile). Quant à la Guinée, elle détient les deux tiers des réserves mondiales de bauxite (dont on fait l’aluminium). À moyen terme, ces gisements seront exploités. À l’inverse, dans le fer,mieuxrépartiàlasurfacede la planète, l’Afrique n’est plus en position de force. Les mégaprojets de Simandou (Guinée) et de Belinga (Gabon) sont en retard par rapport à ceux de l’Australie, du Chili et du Brésil. Dans le domaine pétrolier, le Nigeria reste le premier producteur de brut du continent (avec 2,4 millions de barils par jour en 2012). Mais il pâtit de la situation sécuritaire tendue dans le delta du Niger : sa production a baissé de 400 000 b/j au premier semestre 2013, en raison des

fuites et des détournements, mais aussi d’un désengagement des groupes pétroliers. La relève pourrait venir de l’Afrique centrale: 600 millions de barils de brut léger ont été découverts par Eni au large du Congo-Brazzaville, et 155 millions de barils à proximité de la presqu’île de Bakassi, côté camerounais. Reste une évolution encourageante: les groupes miniers et pétroliers sont plus regardants sur les conditions d’exploitation et d’obtention des licences. Cotés sur les principales places financières mondiales, ils sont désormais soumis à des impératifs de transparence:laloiaméricaine Dodd-Frank et une directive européenne qui les obligera à divulguer en 2014 leurs revenus par pays et par projet. Par ailleurs, les compagnies ayanttisséunerelationdurable avec un pays sont désormais prêtesàs’impliquerdavantage, à l’instar de De Beers, qui a implanté à Gaborone la taille et la commercialisation de ses diamants botswanais. n 89


VINCENT FOURNIER/J.A.

Alpha Condé Président de la Guinée

Pas de démocratie sans transparence

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n décembre 2010, j’ai été investi président de la République de Guinée. J’ai hérité d’un pays, pas d’un État : notre économie était en ruines, notre peuple parmi les plus pauvres de la planète et notre système politique affaibli par des décennies de corruption, de dictature et de mauvaise gestion. Cen’estpasunefatalité.LaGuinéepossèded’importantes richesses minérales: les plus grandes réserves mondiales de bauxite et des gisements de fer de haute qualité. Pour que leur exploitation bénéficie à l’ensemble de la population plutôt qu’à des sociétés minières et des politiciens sans scrupules, il va falloir s’attaquer à la corruption profondément enracinée dans notre culture politique et des affaires. Cela peut être très long et parfois dangereux.

Les dégâts provoqués par des opérateurs dévoyés dans un pays comme la Guinée sont sans commune mesure avec ceux qu’ils peuvent causer dans les pays développés. Le manque de transparence et la corruption dans le monde des affaires n’entravent pas seulement la concurrence et la collecte de recettes fiscales. Ils rongent le processus politique et sapent notre jeune démocratie. Ils ralentissent le changement, entraînant de la frustration, des tensions et de regrettables violences politiques. NOTRE POPULATION EST JEUNE (70 % des Guinéens ont moins de 25 ans), avide de changement et n’a aucun intérêt à perpétuer la vieille culture de la corruption. Son avenir est notre espoir et notre responsabilité. Mais cet 90

avenir ne peut pas se construire sur les affaires douteuses du passé. Il reposera sur des partenariats sains entre le gouvernement et le secteur privé, sur l’engagement de renforcer la démocratie et la transparence et sur l’utilisation de nos ressources pour améliorer le niveau de vie de notre peuple. Nous avons déjà fait beaucoup de progrès. La Guinée a signé l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). Nous développons de nouveaux partenariats égalitaires avec des sociétés minières responsables, des engagements à long terme pour créer des emplois et apporter des bénéfices durables aux deux parties. Je m’interroge sur certaines des critiques adressées à mon gouvernement lorsque nous avons insisté pour examiner la légalité des contrats miniers signés sous les régimes militaires et non démocratiques. Elles s’étaient déjà fait entendre lorsque nous avons rendu publics tous ces contrats sur internet, pour que le monde entier puisse les consulter. CE QU’IL NOUS FAUT MAINTENANT,c’est le soutien des pays développés pour mettre en place un climat des affaires qui permette l’épanouissement de ceux qui respectent les règles et l’exclusion de ceux qui ne les respectent pas. Sur la planète, de nombreuses places financières permettent aux prédateurs – dissimulés derrière des sociétés offshore – d’agir, tout en ayant recours à des comptables, des conseillers financiers, des prestigieux cabinets d’avocats et de relations publiques pour se donner un vernis de respectabilité. De tels endroits agissent comme des serres, qui permettent à la corruption de croître et de s’épanouir, jusqu’à devenir une menace mortelle pour l’Afrique. La Guinée va travailler étroitement avec le FBI américain, le Serious Fraud Office britannique et d’autres pour dénoncer et éliminer la fraude et la corruption qui menacent à la fois l’intégrité des marchés mondiaux et la démocratie africaine. La Guinée apprécie l’aide que nous recevons de la part des pays développés. J’espère qu’ils comprennent quand je dis que, tout en en ayant besoin, nous n’en voulons pas. Nous considérons notre programme anticorruption comme favorable à la fois aux affaires et au développement. Nous ne voulons pas vivre de la charité des autres, alors que nos ressources peuvent nous rendre prospères, sains et forts. n © Project Syndicate, 2013 Illustration Jean-François Martin/Costume 3 Pièces

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Somagec GE, bâtir l’avenir

Aménagement du port et du paséo de Malabo Construction du port et de l’aéroport d’Annobon

Maîtriser la mer Depuis sa création en 2005, Somagec GE a mené de front plusieurs chantiers portuaires à Malabo, Bata, Kogo, Corisco et d’Annobon...

Extension du réseau routier

Façonner la terre Somagec construit des routes, mais aussi des systèmes d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement des eaux usées…

Réalisation de l’aéroport et du tarmac de Corisco

Apprivoiser le ciel Somagec GE a réalisé l’extension de l’aéroport de Malabo et doté Bata, Annobon et Corisco d’infrastructures aéroportuaires modernes…

Construire, agrandir, moderniser les infrastructures essentielles que sont les routes, les ports et les aéroports pour encourager le développement économique, mieux relier les hommes et favoriser leurs échanges, voilà les défis que Somagec GE est fière de relever pour contribuer à bâtir l’Afrique du futur. Son engagement en Guinée Equatoriale traduit cette volonté de favoriser le développement humain, le bien-être et la prospérité des citoyens.

Innovation - Confiance - Sécurité - Rentabilité Edificio Ureca, Calle Parque de Africa - BP 405 Malabo - Guinea Ecuatorial Tel: +240 333 09 92 75/76/77 Fax : +240 333 09 92 71/74/79 www.somagecge.com - contact@somagecge.net

Créateur de développement


TENDANCES

SECTEUR PRIVÉ ESPRITS D’ENTREPRISES À la tête de leur propre société ou dans l’encadrement d’un grand groupe, installés en Europe ou en Afrique, ces dix dirigeants font bouger le continent.

KENYA

Lorna Rutto Directrice d’EcoPost

TOGO

Jean-Marc Savi de Tové Directeur associé chez Cauris Management

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MARK CHILVERS POUR J.A.

ean-Marc Savi de Tové croit en l’Afrique. Après avoir fait ses armes aux ÉtatsUnis et en France, puis au sein de l’agence de développement britannique CDC (ex-Commonwealth Development Corporation), ce financier togolais âgé de 40 ans est aujourd’hui associé chez Cauris Management, un capitalinvestisseur ouest-africain qui a fait ses preuves en cofinançant l’expansion régionale du malien Azalaï Hotels. « J’étais déjà sur le terrain africain avec CDC. Mais je voulais y être encore plus présent afin de mieux m’imprégner de la manière locale de faire des affaires », explique celui qui aime à se définir comme un « afro-optimiste invétéré ». Détenteur d’un DESS en finance obtenu en France, à l’université Lumière Lyon-II, il veut mieux connaître les entreprises de la région pour mieux les aider et leur apporter le capital et les méthodes de gouvernance indispensables à leur croissance. Jean-Marc Savi de Tové est persuadé que le déclic qui favorisera le développement du continent ne saurait tarder, « comme le montre le nombre croissant de personnes qui s’intéressent à l’Afrique ». n Stéphane Ballong

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Sans doute Lorna Rutto aurait-elle pu rester confortablement dans la banque qui l’employait. Avant que la jeune Kényane ne réalise qu’elle en voulait plus, pour son épanouissement mais surtout pour le développement de son pays. Diplôme de commerce et de gestion en poche, elle a donc lancé, en 2010, un projet aussi novateur qu’ambitieux. Depuis trois ans, sa société, EcoPost, convertit le plastique usagé en bois synthétique pour fabriquer des poteaux et des piquets de clôture. Des milliers de tonnes de déchets sont ainsi recyclés chaque année et des centaines d’hectares de forêt préservés. L’entreprise a créé quelques dizaines d’emplois permanents et a offert des revenus à plusieurs centaines de personnes. À 28 ans, Lorna Rutto cumule les honneurs et les distinctions (Cartier, WWF, OIT…), au nom d’une jeunesse africaine qui n’attend que de voir ses initiatives soutenues. n Pierre Blaise

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CÔTE D’IVOIRE

MAROC

Mehdi Tazi

Swaady Martin-Leke Fondatrice d’Yswara

Secrétaire général de Saham Finances

NIGERIA

Jason Njoku PDG d’Iroko TV IL SE PRÉSENTE lui-même comme un « geek professionnel et certifié ». Jason Njoku est surtout le fondateur d’Iroko TV, le plus grand distributeur numérique au monde de films africains, en particulier nigérians et ghanéens (lire aussi pp. 98-99). Iroko TV, qui compte, grâce à la diaspora, un million de clients répartis dans 170 pays, table maintenant sur le développement d’internet pour conquérir l’Afrique. Né au Royaume-Uni, Jason Njoku a étudié la chimie avant d’avoir l’idée de distribuer des films en ligne pour la communauté nigériane de Londres. Créée en 2010, sa société Iroko Partners a été la première à négocier de véritables contrats avec les producteurs de Nollywood. Aujourd’hui installé à Lagos, Njoku n’a jamais donné de détails sur les performances de son entreprise, mais les analystes estiment qu’elle pèse environ 30 millions de dollars (22 millions d’euros). Ce qui ferait du Nigérian, qui en est le principal actionnaire, l’un des plus jeunes millionnaires du continent. n Nicolas Teisserenc JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

DR

Baudelaire Mieu, à Abidjan

Il monte, il monte Mehdi Tazi. À 38 ans, le Marocain n’en finit pas de grimper les échelons au sein de Saham Group. S’il est passé par le bureau parisien de KPMG, cet ingénieur diplômé de Télécom SudParis (en 1999) ne s’est pas trop attardé en France, préférant rentrer à Casablanca dès 2003 pour créer, avec Youssef Chraïbi, la compagnie d’offshoring Outsourcia. Avant, donc, de taper dans l’œil de Moulay Hafid Elalamy, l’ex-patron des patrons marocains, qui lui propose de s’occuper du développement stratégique de Saham. Le temps de gravir les échelons au sein des filiales du groupe (dirigé depuis le 24 novembre 2013 par Saâd Bendidi) et le voilà aujourd’hui numéro deux du premier assureur panafricain par le nombre de pays (qui regroupe, entre autres, Colina et CNIA Saada). Assis à la droite de Raymond Farhat, directeur général de Saham Finances, l’avenir semble plus que jamais appartenir à Mehdi Tazi. n Olivier Caslin

SAHAM

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eu connue dans sa Côte d’Ivoire natale, où elle a passé une partie de son enfance avant de s’exiler en Europe, la Franco-Ivoirienne Swaady Martin-Leke fait aujourd’hui partie du gotha des entrepreneurs africains. Au point que Forbes l’a classée en 2012 parmi les vingt jeunes femmes les plus influentes du continent. Elle débute en 2001 sa carrière chez le géant américain General Electric (GE), dont elle devient huit ans plus tard directrice pour l’Afrique subsaharienne, avant de décider en 2011 de tout abandonner pour se consacrer à un projet plus personnel. Après avoir décroché le master conjoint de HEC (Paris), la London School of Economics et l’Université de New York, Swaady MartinLeke crée sa luxueuse marque de thé, Yswara. Aujourd’hui présente sur les marchés nigérian et sud-africain, la société s’attaque au reste du continent, avec pour objectif un chiffre d’affaires de 4,5 à 6 millions d’euros d’ici à quatre ans. n

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TENDANCES Secteur privé

TUNISIE

Mohamed Frikha

VINCENT FOURNIER/J.A.

PDG de Syphax Airlines

CAMEROUN

Cyrille Nkontchou Directeur associé d’Enko Capital

E

nko Capital collectionne les bonnes nouvelles ces derniers temps. Au point que le fonds d’investissement panafricain espère atteindre rapidement la barre des 150 millions de dollars (plus de 110 millions d’euros). Depuis son poste d’observation à Johannesburg, son directeur associé, Cyrille Nkontchou, scrute le dynamisme économique du continent. Formé à Sciences-Po (à Paris) puis à Harvard et nommé Young Global Leader au Forum économique mondial de 2006, ce

Camerounais de 45 ans a quitté la banque Merrill Lynch et Londres pour revenir en Afrique créer en 2000 sa société d’intermédiation boursière, Liquid Africa, puis en 2008 (avec son frère Alain) le fonds Enko, destiné « à accompagner les jeunes pousses pour les aider à saisir les opportunités ». Prochain chantier: la formation, avec le lancement depuis septembre d’Enko Education, déjà soutenu par le MassachusettsInstituteofTechnology(MIT). n Omer Mbadi, à Douala

SÉNÉGAL

ELLE EST SUR TOUS LES FRONTS et foisonne d’idées sans jamais perdre son sourire. Blogueuse reconnue et PDG de SpotOne Global Solutions, qui conseille les entreprises technologiques souhaitant s’implanter sur de nouveaux marchés (notamment sur le continent), Mariéme Jamme collabore également au programme Apps4Africa, qui soutient les start-up africaines. Née au Sénégal il y a 39 ans, cette selfmade-woman finance ses études en faisant la plonge dans les restaurants de Paris, qu’elle rejoint dès 1992, avant de partir en Angleterre, où elle décroche un emploi à la Citibank de Londres et un MBA en Business Development à l’université du Surrey. Le Royaume-Uni lui a rapidement semblé être la base idéale pour agir en Afrique : « Ici, à Londres, je suis libre, expliquaitelle en 2012 à CNN. En tant que femme africaine, sénégalaise, si je veux changer les choses, je dois être libre de parler, d’écrire et de dire ce qui se passe sur mon continent. » n Michael Pauron 94

BRUNO LEVY CEO FORUM POUR J.A.

Mariéme Jamme PDG de SpotOne Global Solutions

De tous les projets tunisiens nés après la révolution, le lancement en 2012 de la compagnie aérienne Syphax est certainement le plus ambitieux, et son instigateur l’un des entrepreneurs les plus doués de sa génération. Âgé aujourd’hui de 50 ans, Mohamed Frikha s’est illustré dès le milieu des années 1990 en créant la société de services informatiques Telnet. Cotée à la Bourse de Tunis, elle emploie aujourd’hui plus de 600 ingénieurs et vend ses logiciels à Dassault ou à Mercedes. Puis ce polytechnicien, natif de Sfax, décide de fonder sa propre compagnie d’aviation, Syphax. Profitant des réseaux qu’il a développés en tant que sous-traitant informatique d’Airbus, il investit une partie de sa fortune et, persuadé du potentiel du jeune transporteur, bouscule les habitudes de Tunisair. Outre ses liaisons intérieures reliant Tunis à Sfax, Djerba ou Monastir, Syphax exploite aussi des lignes internationales vers Paris, Tripoli et Istanbul. Même si les derniers résultats financiers communiqués étaient inférieurs aux prévisions, Mohamed Frikha espère toujours un premier exercice bénéficiaire dès 2014. n Julien Clémençot


AFRIQUE DU SUD

Jonathan Liebmann Directeur général de Propertuity ÂGÉ DE 28 ANS, Jonathan Liebmann est l’un des trente meilleurs jeunes entrepreneurs africains retenus par Forbes en 2013. Son fait d’armes ? Avoir ressuscité le quartier de Maboneng, à Johannesburg, pour en faire le nouveau lieu à la mode de la métropole, entre cafés, galeries d’art et cinémas. Issu d’une famille d’entrepreneurs, le promoteur a voulu retrouver en Afrique du Sud l’ambiance qu’il a appréciée lors de ses passages en Europe et aux États-Unis. Après avoir bouclé ses études de management et de comptabilité à la Monash University de Johannesburg, il s’est donc servi de ses expériences passées dans l’immobilier pour acquérir quelques propriétés dans le quartier et mener à bien un vaste chantier de redynamisation. Son succès comporte néanmoins une petite part de mystère : impossible en effet de connaître l’identité du financier qui lui permet de réaliser ses rêves. n Nicolas Teisserenc

ALGÉRIE

OMAR SEFOUANE POUR J.A.

Nadir Abderrahim Directeur général d’IMC

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eilleur exportateur algérien pour l’année 2011 – hors hydrocarbures –, les Industries médico-chirurgicales (IMC) sont déjà présentes dans la plupart des pays du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’à Madagascar. Mais Nadir Abderrahim, devenu en 2010 le numéro deux de l’entreprise fondée par son père en 1989, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Initialement tourné vers les produits et équipements d’hémodialyse, IMC s’est diversifié en se lançant dans la production JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

d’injectables et en développant un réseau de cliniques de dialyse. Ce groupe de 1 200 employés a réalisé un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros en 2012. Nadir Abderrahim, 41 ans, n’avait pourtant pas spécialement la fibre médicale. Son DESS de gestion de l’École des hautes études commerciales (HEC) de Montréal en poche, ce féru de nouvelles technologies s’est dans un premier temps chargé de l’informatisation d’IMC, qu’il a rejoint en 2001, avant d’en prendre la direction générale. n Ryadh Benlahrech 95


DESMOND TUTU DR

Archevêque émérite du Cap, Prix Nobel de la paix

« J’ai failli mourir de la polio »

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ous rêvons tous que nos enfants grandissent dans un monde délivré de la poliomyélite et des maladies dont on sait se protéger. Or, contrairement à la plupart des rêves, celui-ci peut se réaliser. Car les vaccinations protègent les enfants des maladies et de la mort, notamment dans les pays en développement. Durant mon enfance en Afrique du Sud, j’ai failli mourir de la polio. Au début des années 1930, il n’existait pas de vaccin contre cette maladie infectieuse. Les parents étaient terrifiés à l’idée que le virus paralyse leur enfant en quelques heures, ou le tue en quelques jours. Lorsque les médecins ont avoué leur impuissance, mon père a commencé à préparer mes funérailles. Heureusement, je m’en suis sorti. Mais j’ai perdu l’usage de la main droite. Cette paralysie me rappelle chaque jour l’urgence de poursuivre l’éradication de la polio et de veiller à ce que tous les enfants reçoivent les vaccinations nécessaires. IL Y A VINGT-CINQ ANS, la polio était endémique dans 125 pays et causait la paralysie de plus d’un millier d’enfants chaque jour. Aujourd’hui, elle a énormément régressé. Le nombre de pays touchés a fortement diminué et celui des enfants atteints a chuté. Depuis un an, aucun cas de polio n’a été déclaré en Inde, pays où il était très difficile de combattre la maladie. Et dans les trois États où la polio est encoreendémique–lePakistan,l’Afghanistanet le Nigeria –, seulement 223 cas ont été signalés en 2012. J’espère donc vivre le jour où cette maladieredoutableseradéfinitivementvaincue. Les remarquables progrès accomplis résultent d’un effort international soutenu, rendu possible par un engagement politique de longue haleine, une aide substantielle des pays donateurs ou touchés, et l’implication des millions d’employés du secteur médical et paramédical. Mais en attendant l’éradication complète de la polio, aucun pays n’est à l’abri. Il faut exploiter les progrès scientifiques des cinquante dernières années en matière de vaccination, car celleci représente l’investissement le plus efficace et le plus économique qui soit en matière de santé publique. Les vaccins sont bon marché, faciles à administrer et protègent durant toute la vie. Ils ont permis d’éradiquer la variole et ont réduit de manière spectaculaire la mortalité infantile et le nombre d’enfants atteints par la rougeole, la diphtérie et le tétanos. Pourtant, un enfant meurt encore toutes les

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20 secondes de maladies contre lesquelles existe un vaccin. Généralement, il vit dans un village pauvre et reculé et n’y a pas accès. Un enfant né dans un pays à faibles revenus a 18 fois plus de risques de mourir avant l’âge de 5 ans que s’il était né dans un pays riche. HEUREUSEMENT, le monde réagit. Organisé par

Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, prince héritier d’Abou Dhabi, en partenariat avec Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, et le milliardaire Bill Gates, le premier sommet mondial consacré à la vaccination vient d’avoir lieu. Il a pour but d’en faire bénéficier les enfants du monde entier et répond à l’engagement pris l’an dernier par près de

200 pays d’éradiquer la polio, de développer de nouveaux vaccins à un prix abordable et de les administrer à tous les enfants de la planète d’ici à 2020. Il a permis d’élaborer un calendrier précis pour y parvenir dès 2018 – une stratégie qui s’ajoute à d’autres mesures destinées à améliorer la protection contre les rotavirus et des maladies telles que la rougeole et la pneumonie. Reste à trouver les fonds nécessaires et à mener le programme présenté à Abou Dhabi. Quand il s’agit de la santé des enfants, il ne doit y avoir aucune différence entre riches et pauvres, ou entre communautés. Poursuivre la politique d’éradication de la polio en étendant les vaccinations à tous les enfants est l’occasion de travailler au nom de la communauté internationale. Quand nous aurons réussi, ce sera un triomphe pour © Project Syndicate, 2013 l’humanité. n Illustration Jean-François Martin/Costume 3 Pièces

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


Afrique 50

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© AfDB 2013 – DESIGN CERD/YAL

our accroître le taux d’exécution des infrastructures en Afrique, il importe de porter une plus grande attention à la préparation et au développement des projets y relatifs ainsi qu’aux instruments financiers spécialisés, ceci, pour répondre aux défis spécifiques du marché. En 2012, Les chefs d'Etat africains ont, dans leur déclaration du Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA), appelé à des solutions innovantes pour faciliter et accélérer la réalisation des infrastructures. En réponse à cet appel, et après une large consultation avec les acteurs africains, la Banque africaine de développement (BAD) a proposé la création d'une nouvelle structure financière appelée Afrique 50. Afrique 50 est le fruit de l’expérience et de l'innovation. Cet instrument vise à mobiliser le financement privé et à accélérer la réalisation d’infrastructures en Afrique afin de créer une nouvelle plateforme pour la croissance africaine. Afrique 50 va se focaliser sur des projets ayant un grand impact sur le plan national et régional dans les secteurs de l'énergie, du transport, des TICs et de l'eau. Afrique 50 sera orientée vers le développement, tout en demeurant une entité commerciale. Il sera à la fois complémentaire et légalement indépendant des organismes financiers de développement existant en Afrique. Les décisions opérationnelles seront prises par une équipe sélectionnée uniquement pour ses compétences techniques et managériales. Afrique 50 se focalisera sur deux secteurs : le développement de projet et le financement de projet. Afrique 50 a comme principal objectif de raccourcir les délais entre la conception du projet et la clôture financière. Afrique 50 a été conçue à partir des succès connus récemment par la BAD. La Banque a, en effet, réussi à surmonter les problèmes qui se posent généralement en début de projet en mobilisant le sou-

tien politique pour les réformes nécessaires et en déployant des experts qualifiés pour travailler aux côtés du gouvernement. Pour réaliser les projets d’infrastructures en cours en Afrique où le PIDA est impliqué, Afrique 50 aura besoin de 10 milliards de dollars de fonds propres, tout en attirant un capital global et local d'une valeur de 100 milliards de dollars. Pour commencer, Afrique 50 ambitionne de collecter 3 milliards de dollars de fonds propres pour être crédible devant les gouvernements, les promoteurs privés et les marchés financiers. En fonction des financements nécessaires et des projets en cours, Afrique 50 augmentera sa capacité de financement en mobilisant du financement par emprunt auprès des marchés de capitaux internationaux. Pour assurer un accès fiable à ces marchés tout en offrant une flexibilité opérationnelle, Afrique 50 vise la note d'investissement A. En tant qu'institution financière à caractère commercial, Afrique 50 cherchera aussi bien à préserver et fructifier son capital de base qu'à fournir des bénéfices aux actionnaires. Il y aura trois grands groupes d'investisseurs: i) les pays africains, ii) la BAD et autres acteurs financiers de développement et iii) les investisseurs institutionnels comme les fonds souverains et fonds de pension. Le capital-investissement détenu par les pays africains est un critère important dans la stratégie d'Afrique 50. Il s’agit, en effet, d’un signal fort pour les acteurs financiers et du développement sur l'engagement des pays Africains pour faire face aux risques non financiers de l'exécution des projets d'infrastructures en Afrique, telles que les réformes ou structures de régulation inadéquates, les décisions politiques défavorables, etc. Afrique 50 sera totalement opérationnelle au premier trimestre 2014.

www.afdb.org


TENDANCES

CINÉMA CLAPS AFRICAINS Nollywood, Ghallywood, Babiwood… En proposant des fictions plus proches de leurs populations, le Nigeria, le Ghana et maintenant la Côte d’Ivoire font concurrence aux productions hollywoodiennes. Par Leïla Slimani

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ollywood ne s’est pas fait en un jour. Il a fallu passer par différentes phases de développement avant qu’il ne devienne la machine qu’il est aujourd’hui. De la même façon, Nollywood est en train de faire sa mue », s’enthousiasme Nii Kwate Owoo, l’un des premiers réalisateurs ghanéens à avoir tourné en 35 mm. Nollywood, c’est d’abord des chiffres. Le Nigeria est le deuxième plus gros producteur de films au monde, avec 20 à 40 fictions par semaine, soit plusde2000paran.L’industrie génère200000emploisdirects, 1 million d’emplois induits et un chiffre d’affaires frôlant les 300 millions de dollars (plus de 220 millions d’euros) par an. Produit en un mois, un film coûte entre 25 000 et 70 000 dollars et devient rentable deux à trois semaines après sa sortie. La plupart des DVDsevendentà20000exemplaires, et les grands succès, à plus de 200 000. Ce sont en grande majorité des films en format vidéo, de mauvaise qualité, dont le scénario tient en quelques lignes. Paradoxalement, ce qui fait exister Nollywood est aussi ce qui le menace : l’informel, le piratage, l’amateurisme. « Nollywood est à l’image du 98

Nigeria, à la fois pauvre et plein de potentiel. C’est une puissance en devenir », explique Kunle Afolayan. Ce célèbre réalisateur et acteur nigérian militepouruneprofessionnalisation du secteur: « Au départ, le modèle de Nollywood faisait la part belle à la créativité. Pour faire un film, il n’y avait pas besoin de beaucoup d’argent ou d’un soutien de l’État. Il suffisait d’une bonne idée, et en une journée le film était prêt. Aujourd’hui, il faut avoir beaucoup plus d’ambition. » MULTIPLEXES. En effet,

l’émergence d’une classe moyenne aisée, plus exigeante et prête à payer un billet de cinéma, a favorisé l’ouverture de salles privées dans les principales villes du pays. Ces multiplexes diffusent des productions nigérianes qui remportent un vif succès et envisagent de coproduire des films de qualité, en 35 mm, avec des scénarios plus travaillés que les standards habituels. Les chaînes de télévision et bouquets payants à contenu africain, comme HiTV ou MultiChoice, sont eux aussi friands de films nigérians, qu’ils rachètent en masse. MultiChoice, qui a installé un studio à Lagos, s’est également lancé dans la production. Enfin, internet favorise un autre mode de distribution et

Sur le tournage du film The Strippers, à Lagos, en août 2009.

permetàdesproducteursdese financerenpartie.JasonNjoku, président d’Iroko Partners, est le premier Africain à avoir négocié un contrat d’échanges de contenu avec YouTube. « J’étais à Londres et je cherchais sur internet des films de Nollywood pour ma mère mais je n’ai pas réussi à en trouver un seul ! » raconte ce trentenaire, classé par Forbes comme l’un des dix jeunes millionnaires africains à suivre. « Je suis alors rentré à Lagos, je me suis plongé dans les méandres d’Alaba Market, le cœur du cinéma nollywoodien, et j’ai récupéré des licences. » Présent à Lagos,

Londres et New York, Iroko Partners emploie 71 salariés et a engrangé plus de 8 millions de dollars depuis sa création, en 2010. Depuis, Njoku a aussi lancé la web TV Nollywood Love, qui reçoit plus de 1 million de visiteurs par mois et met à disposition des milliers defilmsnigérians.Faitnotable, le trafic vient de 213 pays différents, sur le continent ou parmi la diaspora. Un tel impact n’est pas passé inaperçu auprès des autorités. Le président Goodluck Jonathan est lui-même un fervent supporteur du cinéma national. « Nollywood valorise le Nigeria et l’Afrique entière, avec des films produits par et pour les Africains », a-t-il déclaré, à Lagos, en mars. Le gouvernement a intégré la

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GUY CALAF/COSMOS

culture dans sa stratégie de réduction de la pauvreté et investi 200 millions de dollars dans le secteur du divertissement. Assistées par la Banquemondiale,lesautorités espèrent également financer des mesures contre le piratage. Pour Kwaw Ansah, célèbre réalisateur ghanéen, son gouvernement aurait tout intérêt à suivre cet exemple. « Les autorités ne se rendent pas compte du rôle que joue l’industrie du film dans le développement d’une nation. Cela fait vingtcinq ans que nous demandons une vraie politique pour le cinéma ! Les Africains anglophones n’ont pas eu la chance des francophones, qui ont été très aidés par le ministère français de la Coopération. » Après l’indépendance, dans

les années 1960, le cinéma ghanéen a pourtant bénéficié du soutien des autorités et en premier lieu de celui du président Kwame Nkrumah.

le National Film and Television Institute, créé en 1978, a eu un impact positif en formant des générations de réalisateurs africains. Dans les années 1970 et 1980, le pays produit quelques films de très bonne qualité, comme Kukurantumi: the Road to Accra, de King Ampaw, ou Heritage Africa, de Kwaw Ansah, qui a remporté l’Étalon de Yennenga (grand prix du festival) au Fespaco, en 1989. Mais l’absence de financement, la concurrence du Nigeria et la fermeture des salles à la suite de troubles politiques ont eu raison du cinéma ghanéen dans les années 1990. Audébutdesannées2000,la démocratisation des caméras et des ordinateurs a conduit beaucoup de réalisateurs amateurs à faire des films à petit budget, de qualité plutôt médiocre. Pour faire face au concurrent nigérian, les réalisateurs ghanéens se sont rapprochés de leurs racines, en tournant en langue twie. S’inspirant de la culture locale, leur cinéma a conquis son public et Ghallywood produit aujourd’hui près de 300 films par an, soit autant que la France.

LES PREMIÈRES DE FILMS SE FONT EN GRANDE POMPE, ET LES TABLOÏDS SUIVENT LA VIE DES STARS. En 1971, la création de Ghana Film Corporation (GFC), dotée de gros moyens, aurait dû permettre de produire et de financerdesfilms.Diviséeetvendue à des investisseurs malaisiens en 1996, la société n’a jamais réussi à faire ses preuves. Seul

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Cecinémapopulaireaborde avant tout des thématiques sociales comme la sorcellerie, le mariage, les traditions. Le DVD reste l’unique source de recettes dans un pays où il n’y a pratiquement plus de cinémas, à part un multiplexe

à Accra. Mais avec un marché de 24 millions d’habitants, les films arrivent à faire des profits. Pour évoluer, Ghallywood s’est inspiré des campagnes de marketing nigérianes autour des acteurs et a réussi à créer un véritable star-system. Aujourd’hui, les premières de films se font en grande pompe, et les tabloïds suivent la vie des vedettes. Depuis 2004, certains producteurs ghanéens et nigérians montent des coproductions qui mettent à l’affiche des stars des deux pays. Dans les nouveaux studios construits à l’extérieur d’Accra, des réalisateurs nigérians viennent profiter de conditions de travail aux standards internationaux. PRIMETIME. Lesphénomènes

Nollywood et Ghallywood font des émules sur tout le continent. « Le public est de plus en plus friand de films africains, fait par et pour des Africains, sur des sujets qui leur parlent. En février 2013, nous avons donc impulsé le phénomèneBabiwood[“Babi” désignant Abidjan] en diffusant des séries ivoiriennes en prime time le dimanche soir », explique Touré Sanga, directeur des chaînes de la Radiodiffusion Télévision ivoirienne (RTI). Et le pari est réussi : la série Les Leçons de la vie remporte un tel succès qu’elle est devenue plus rentable que les films nollywoodiens du mercredi soir. Pour l’instant, la RTI achète ces programmes à des distributeurs, mais la direction de la chaîne vient de lancer un servicefictionquiapourambition de coproduire des séries et des longs-métrages. La prophétie de Kunle Afolayan pourrait bien s’avérer : « Hollywood ne suffit plus. Le temps est venu d’un cinéma qui nous ressemble. » n 99


TENDANCES

CULTURE CES VILLES QUI BOUILLONNENT Espaces d’exposition, de création, de rencontres, de plus en plus de structures cherchent à promouvoir les artistes du continent. Découverte des lieux qui bougent à Abidjan, Cotonou, Douala, Dakar et Rabat.

VERNISSAGES À COCODY Avec le retour au pays de cadres de la diaspora, le marché de l’art se développe dans la capitale économique Par Séverine Kodjo-Grandvaux, envoyée spéciale i ivoirienne.

L

e lieu est plutôt sélect. C’est une belle bâtisse du quartier de Cocody retranchée derrière de hauts murs bordeaux, que l’on ne saurait manquer depuis le boulevard Latrille, en contrebas. De confortables canapés beiges vous attendent dans le bar lounge de cette maison accueillante. Quelques revues d’art trônent sur les tables basses. Des gravures sur plexiglas, tout en transparence, du Camerounais Joël Mpah Dooh illuminent les murs blancs. On vient y déguster de la langouste grillée ou un fondant au chocolat relevé d’une pointe de poivre. Le patron de l’un des cabinets de conseil les plus en vue d’Abidjan y donne rendezvous à ses clients. Un jeune cadre rentré au pays après une expérience dans la finance à New York aime y venir se détendreenfamille.Bienvenue dans le dernier maquis branché de la capitale économique 100

ivoirienne? Pas vraiment. Vous venez de franchir le seuil de la Fondation Charles Donwahi pour l’art contemporain. À la tête de l’établissement, ouvert en 2008, Illa Ginette Donwahi, la fille du premier ministre de l’Agriculture de Côte d’Ivoire. Il y a quelques années, cette ancienne exportatrice de café-cacao reconvertie dans l’hévéa et l’immobilier s’est découvert une passion pour l’art contemporain. Et c’est pour la partager qu’elle a aménagé une propriété familiale en un lieu ouvert à tous. Son amie Marème Malong, fondatrice de la galerie MAM à Douala, au Cameroun, la rejoint dans l’équipe dirigeante et,auboutdequelquesannées, les deux femmes font appel au curateur Simon Njami comme directeur artistique. Après deux années de fermeture (2011-2012) dues à la crise politique que le pays a traversée, la fondation a rouvert ses portes en 2013 avec

une exposition consacrée à la collection Dokolo, retraçant un siècle de photographie en Afrique, des clichés anonymes de la fin du XIXe siècle à SaintLouis (Sénégal) aux travaux du Sud-Africain Zwelethu Mthethwa. Six mois plus tard, le photographe ivoirien Ananias Léki Dago scellait, avec«Afropolitain»,sonretour au pays après dix années passées à parcourir le continent. « Avec ces deux expositions, explique Illa Donwahi, nous avons voulu donner à la photographie ses lettres de noblesse et affirmer que c’est un art à part entière, ce dont beaucoup de personnes n’ont pas encore tout à fait conscience ici. » AU CALME. Début 2014, le plasticien camerounais Bili Bidjocka restituera sa résidence commencée en 2012. Outre ses 1 500 m2 d’exposition, le lieu dispose de trois studios accueillant des résidences d’artiste qui s’ouvriront aux écrivains en 2014. Une petite bibliothèque d’art et un cybercafé sont ouverts à tous. Quelques étudiants de l’Institut national supérieur des arts

et de l’action culturelle (Insaac) voisin ont pris l’habitude de venir y travailler au calme. Grâce à son budget annuel approchant les 200 millions de F CFA (environ 305 000 euros) hors investissements et venant de fonds privés, la fondation emploie dix salariés et multiplie les partenariats (notamment avec Orange et Total) pour développer ses actions. « Notre but est, à l’instar de ce queréaliselaFondationZinsou au Bénin [lire pp. 102-104], de faire découvrir en Afrique des artistes du continent qui ne sont connus qu’à l’extérieur, mais également d’inviter des non-Africains. Nous ne

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nous inscrivons pas dans une démarche identitaire fermée, mais nous voulons montrer que nous faisons partie de l’espace artistique mondialisé sans misérabilisme. » Un point de vue que partage Cécile Fakhoury. À 30 ans, la Franco-Ivoirienne a ouvert en septembre 2012 sa galerie, cube de béton brut disposant de 600 m2 d’exposition sur le boulevard Latrille, non loin des locaux de la Radiodiffusion Télévision ivoirienne (RTI). Un lancementremarqué,avecune exposition d’artistes locaux saluée par la presse internationale, qui invitait les dessins au crayon de Frédéric Bruly

Bouabré à dialoguer avec la jeunesse des toiles d’Aboudia (collectionné depuis par Saatchi). « Mon projet est arrivé au bon moment, affirme-t-elle après un an d’expérience. Pendant longtemps pour se faire connaître, les artistes africains n’avaient d’autre choix que d’aller en Occident. Aujourd’hui, ils veulent revenir sur le continent. La Côte

15000 € pour une toile d’Aboudia: la plus importante vente réalisée par la galerie Cécile Fakhoury en un an d’existence.

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d’Ivoire est en plein chantier. Des cadres reviennent, avec une demande culturelle forte. Il faut pouvoir y répondre. » Illa Donwahi confirme : « Il y a à Abidjan une classe moyenne très large, qui court après les vernissages. » Pour autant, pas encore de visiteurs assidus qui fréquentent les lieux culturels sans un verre à la main et un petit-four en bouche. Alors que les acteurs culturels s’accordent à reconnaître un début de renouveau artistique après une décennie de conflit, il leur faut former un public averti; ce qu’a parfaitementcomprisCécileFakhoury, qui a entamé un travail de

sensibilisation en direction des écoles. Par ailleurs, « les collectionneurs doivent investir dans les artistes du continent, souligne-t-elle. Pour l’instant, je vends autant à des Ivoiriens qu’à des étrangers. Mes clients ont en moyenne moins de 40 ans et sont en général des cadres ouverts sur le monde, qui ont l’occasion de se déplacer à l’étranger et qui rapportent de leurs voyages une vision globale des choses, et de l’art en particulier. » En douze mois, la galerie Cécile Fakhoury a organisé cinqexpositions,avecàchaque fois un budget entre 10 000 et 12 000 euros. Et a permis de 101

OLIVIER

Simon Njami, directeur artistique de la Fondation Charles Donwahi pour l’art contemporain, à Abidjan, devant des photographies de Samuel Fosso.


TENDANCES Culture

faire connaître aux Ivoiriens les couleurs acidulées des photographies de leur compatriote Paul Sika, les toiles cinématographiques du Sénégalais Cheikh Ndiaye, les œuvres entre photomontage et graffiti du Burkinabè Nestor Da.

Sa vente la plus importante ? Une toile d’Aboudia pour 15 000 euros. « On est encore très loin des prix pratiqués sur le marché mondial. Mais on peut parler d’un début de marché africain », constate-t-elle de retour

ZOOM Abidjan fait son marché Signe des temps, le Marché des arts du spectacle africain (Masa) prépare son grand retour après sept années d’absence, du 1er au 8 mars 2014. À la manœuvre, Yacouba Konaté, qui prévoit, avec un budget de près de 2 millions d’euros, de recevoir une quarantaine de compagnies du monde entier. Côte off, on attend une centaine de troupes. Au programme: musique, danse, théâtre

et, pour la première fois, humour et conte, à travers tout Abidjan mais aussi, nouveauté, à Bassam, Bouaké et « pourquoi pas Yamoussoukro », espère Yacouba Konaté qui entend donner au Masa une réelle dimension festivalière avec une dizaine de scènes dans les quartiers de la capitale économique et un village concentré autour du Palais de la culture à Treichville. S.K.-G.i

de Londres où elle a participé à la première foire d’art contemporain africain, organisée du 16 au 20 octobre à la Somerset House. « Ce type d’événements est très important pour nous en termes de visibilité. » Tout comme la biennale sénégalaise Dak’Art, où elle présentera en 2014 dans le in et le off Aboudia, Nestor Da, FrançoisXavier Gbré et Paul Sika, ou la Biennale de Venise, où la Côte d’Ivoire avait pour la première fois son pavillon en 2013. DIVERSITÉ. L’occasion d’exposer aux côtés du « mythe » Frédéric Bruly Bouabré une nouvelle génération, comme le sculpteur Jems Koko Bi, le peintre Tamsir Dia ou le photographe Franck Fanny, choisis selon des critères artistiques… et identitaires. « Dans le contexte actuel, personne ne peut à lui seul représenter la Côte d’Ivoire », explique le curateur Yacouba Konaté, qui tenait à « montrer la diversité ivoirienne ». Une démarche qu’il renouvellera lors du

Marché des arts du spectacle africain (Masa) en mars 2014 (lire encadré). Philosophe et critique d’art, Yacouba Konaté dirige depuis 2008 – avec un budget de plus de 9 000 euros lui permettant d’employer deux salariés – La Rotonde des arts, au cœur du quartier d’affaires du Plateau. Chaque année, il expose au milieu des 275 m2 de la partie basse de la galerie un artiste occidental et un artiste asiatique pour confronter les regards. À l’étage est retracée l’histoire des arts plastiques ivoiriens, avec des œuvres de Christian Lattier, des membres du Vohou-Vohou et des pièces récentes. « Il y a sans conteste une nouvelle émulation, mais soyons honnêtes, tempèret-il, la scène artistique ivoirienne reste conservatrice. La liberté de ton que l’on trouve au niveau de la musique, par exemple, n’existe pas du côté de la peinture. L’école des beaux-arts [Insaac] n’a pas encore fait sa révolution. » n

COTONOU REGARDE VERS L’AVENIR Un musée à Ouidah pour promouvoir l’art contemporain, des ateliers destinés aux enfants : autour de la Fondation Zinsou, plusieurs initiatives construisent la création béninoise de demain. Par Nicolas Michel, envoyé spécial

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urlacartedel’Afrique, Ouidah occupait déjà une place historique. Située à une quarantaine de kilomètres de Cotonou, la capitale économique béninoise, cette bourgaded’environ60000habitants fut autrefois un comptoir majeur de la traite négrière. Depuis novembre 2013, cette tache noire cohabite enfin avec des éclats de couleurs vives, des promesses d’avenir. La 102

Fondation Zinsou a fait le pari d’y ouvrir un musée entièrement consacré à l’art contemporain, dans une vieille bâtisse destyleafro-brésilienrestaurée pour l’occasion. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’oublier ou de passer sous silence l’un des pires crimes commis au cours des siècles. Mais plutôt de se placer dans une dynamique constructive en pariant sur la culture et l’éducation comme moteur

du développement. « On ne construit pas son avenir sans connaître son histoire », soutient la présidente de la Fondation, Marie-Cécile Zinsou, qui milite depuis une dizaine d’années pour la promotion des créateurs béninois contemporains. La richesse et la complexité culturelle du pays sont depuis longtemps connues au-delà de ses frontières. Sans parler de la tradition vaudoue

innervant toute la société, le Bénin exporte sans complexe ses artistes à travers le monde. Qui n’a jamais entendu la voix d’Angélique Kidjo ou vibré sur les rythmes du Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou ? Mais d’autres aussi portent haut l’image de ce petit pays: l’écrivain Florent CouaoZotti, le philosophe Paulin Hountondji, le sculpteur et peintreCyprienTokoudagba,le plasticien Romuald Hazoumé, le dessinateur Hector Sonon, l’acteur et danseur Alougbine Dine… Chacun dans son domaine illustre une vivacité culturelle qui doit beaucoup,

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JEAN-DOMINIQUE BURTON

À Douala, l’art est dans la rue

comme le rappelle l’artiste Dominique Zinkpè, à un certain apaisement démocratique. « On a un avantage comparatif extraordinaire : c’est la règle de droit », s’exclamait ainsi l’économiste Lionel Zinsou, lors de l’inauguration du musée de Ouidah, où est exposée une partie de la riche collection de sa famille. ANONYMAT. En matière

d’arts plastiques, l’installation en 2005 de la Fondation Zinsou en ville est venue compléter et prolonger les activités du Centre culturel français de Cotonou (devenu Institut français), offrant à la scène béninoise une visibilité dont elle ne bénéficiait pas. Outre exposer des toiles du peintreaméricainJean-Michel Basquiat et des œuvres du Béninois Romuald Hazoumé, la Fondation a aidé bon nombre d’artistes à sortir de l’anonymat et, parfois, à professionnaliser leur pratique. Gérard Quénum, Dominique Zinkpè, Tchif, Aston, Kifouli Dossou, Edwige Dakpogan peuvent aujourd’hui se targuer, à défaut d’être reconnus sur le marché mondial de l’art, d’avoir acquis une audience internationale et de pouvoir exposer un peu partout en Europe. Jean-Michel Attal, collectionneur d’art français,

Sortie scolaire au musée d’art contemporain. Les élèves sont accueillis par des guides qui leur expliquent les œuvres.

était présent à l’inauguration du musée de Ouidah : « Les trois jours que j’ai passés ici m’ont passionné. On sent que le Bénin a énormément de potentialités à travers la culture. Et je n’ai pas du tout le sentiment que les artistes se contentent de refaire ce que faisaient leurs grands-parents artistes ! » Si tous les plasticiens rêvent sans doute d’une reconnaissance plus vaste qui leur permettrait de joindre plus facilement les deux bouts, la plupart restent très attachés à leurs racines. Romuald Hazoumé aurait pu depuis longtemps s’installer en Europe ou aux États-Unis. Il a décidé de rester à Cotonou, dans le quartier de Fidjrossè. « Je vis ici, dit-il. Le peu que je gagne, je le ramène ici. On ne doit pas toujours regarder l’Occident et attendre qu’il

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de la collection de la famille Zinsou est exposé au musée de Ouidah. Les œuvres seront changées deux à trois fois par an.

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fasse quelque chose pour nous.Toutcequenousfaisons en tant qu’artistes, c’est pour la communauté. » Il n’est pas seul dans ce cas. Le plasticien Tchif a monté son propre lieu de création à Cotonou tandis que Dominique Zinkpè a décidé de créer son centre d’art à Abomey, capitale des roisduDahomeyetvillenatale de Cyprien Tokoudagba. Il y travaille à la réalisation d’une route de l’art de 9 km, en coopération avec les populations. En 2011, c’est à Cotonou que le centre culturel polyvalent Artisttik Africa a ouvert, sous l’impulsion du metteur en scène Ousmane Aledji. Toute cette effervescence a débouché sur la création, en 2010, d’une biennale d’art contemporain intitulée Regard Bénin. La seconde édition, deux ans plus tard, a permis de réunir un beau panel d’artistes, même si des dissensions entre ces derniers et les organisateurs débouchèrent sur une violente scission qui semble avoir eu raison, pour l’heure, de l’avenir de la manifestation. Actions élitistes? Réservées aux initiés ? Non. La plupart des démarches culturelles se veulent ouvertes à la jeunesse. « Notre public le plus habituel a entre 8 et 15 ans », affirme Lionel Zinsou. Pour ■ ■ ■

Un géant de 12 m tout en matériaux de récupération (La Nouvelle Liberté de JosephFrancis Sumégné), un pylône fait de marmites empilées et signé Pascale Marthine Tayou (Colonne Pascale) : en deux décennies, Douala s’est enrichi d’une collection d’œuvres d’art publiques plus insolites les unes que les autres. Et l’édition 2013 des Salons urbains de Douala (SUD), en décembre, est l’occasion d’en dévoiler de nouvelles. L’événement est organisé tous les trois ans par Doual’Art, l’un des centres d’art contemporain les plus dynamiques du continent. Dotée d’une salle d’expositions de 300 m2, cette structure consacre néanmoins une grande partie de son action à l’espace urbain. Créée en 1991 par Marilyn Douala Manga Bell, son époux, le FrancoMalgache Didier Schaub, et le plasticien Yves Makongo, elle permet aux artistes de produire sur la place publique des œuvres qu’elle offre à la municipalité. Financé sur fonds privés (50000 euros de budget annuel, 250000 euros pour le festival, souvent versés par des fondations comme les néerlandaises Hivos et DOEN ou l’italienne Lettera27), Doual’Art pallie ainsi l’absence d’offre culturelle dans une municipalité qui n’a pas de budget qui lui est consacré. Par Clarisse Juompan-Yakam I

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TENDANCES Culture

toucher les adultes, la Fondation a, de fait, choisi d’utiliser la médiation des enfants. Dans lacapitale économique, un bus fait tous les jours la navette entre les écoles et les lieux d’exposition. Sur place, les gamins sont pris en charge par des guides capables d’utiliser des concepts simples pour expliquer des œuvres parfois complexes. Et si la fondation s’est fait connaître essentiellement par ses expositions, elle a mis en place un réseau de « minibibliothèques » accolées à des structures ouvertes auxjeunes.Ceslieuxinstallés dans des locaux mis à disposition gracieusement par les ■■■

« Nous ne pouvons rien attendre d’un État qui, aujourd’hui, a tendance à nous bloquer. Ce sont même les individus qui devraient nous aider qui nous empêchent d’aller jusqu’au bout. » Il est vrai que certaines attitudes laissent perplexe. Comme pour clore la biennale en demi-teinte de 2012, le ministère de la Culture n’a pas hésité à faire détruire une œuvre monumentale de l’artiste sud-africain Bruce Clarke, construite près de la Porte du non-retour, à Ouidah. Comme dans beaucoup d’autres pays, le gouvernement ne montre guère de goût pour la culture.

« LES TROIS JOURS QUE J’AI PASSÉS ICI M’ONT PASSIONNÉ ! » S’EXCLAME UN COLLECTIONNEUR FRANÇAIS. autorités sont aujourd’hui au nombre de quatre, à Fidjrossè, Agla, Akpakpa et Gbégamey. « On vient d’une culture qu’on ne peut pas nous enlever, souligne Romuald Hazoumé. Je ne suis pas Jeff Koons, je n’ai pas cent artisans à ma disposition, mais je peux contribuer à ce qui se passe pour apporter un plus à nos enfants et pouvoir participer à leur éducation. Accompagner un projet comme celui du musée de Ouidah, c’est essentiel. » GOÛT. Ce qui n’empêche pas la plupart des acteurs culturels de se montrer circonspects quant à l’action de l’État. Hazoumé est sans doute le plus remonté : 104

« L’État a trop de charges, regrette Claude Akotome, le directeur du musée de Ouidah. Il ne s’intéresse que très peu à la culture et son budget est limité. Mais la laisser disparaître, ce serait se sacrifier. » Lors de l’inauguration dudit musée, seul l’ancien ministredelaDéfenseIssifou Kogui N’Douro avait fait le déplacement. Peu importe, pour Lionel Zinsou: « On n’a pas à attendre de l’État qu’il prenne toutes les initiatives. C’est à la société civile de le faire, c’est le rôle de tous les citoyens. » Même si « la plupart des dirigeants de la société civile courent aussi après le pouvoir », comme dirait avec un sourire gouailleur Romuald Hazoumé… n

DAKAR, NOUVELLE VAGUE L’effervescence artistique, qui manque de lieux pour s’exprimer, investit hôtels et friches industrielles. Par Mehdi Ba, à Dakar

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akar, ville phare de la cultureenAfriquede l’Ouest. À la pointe occidentale de la presqu’île du cap Vert, c’est d’ailleurs un véritable phare, celui des Mamelles, qui éclaire la porte du temple culturel où la nouvelle vague dakaroise a pris ses aises. Dans les ruelles ensablées du quartier du même nom débute le « Soho sénégalais », qui se poursuit dans la commune limitrophe de Ouakam. Les photographes y côtoient les stylistes et les chorégraphes. Les designers y ont leur demeure à deux pas des ateliers de peintres. Et les soirées privées dans les villas ou sur les terrasses brassent une faune arty venue des quatre points cardinaux, qui s’exprime indifféremment en wolof, en anglais, en français, en espagnol ou en néerlandais etdontlecompteurafficheune moyenne d’âge de 25 à 30 ans. Cet univers en mouvement perpétuel, où les artistes entremêlent leurs disciplines respectives à travers des performances et des festivals métissés, a sa grand-messe: les soirées DJ du jeudi aux Petites Pierres. Nichée cité Comico, à Ouakam, cette structure créée par un couple de jeunes Français se définit comme une « maison d’édition de projets artistiques ». Œuvrant à la détection, à l’appui à la création, à la production et à la promotion d’artistes ou d’événements, Les Petites Pierres drainent chaque semaine le

gotha de la nouvelle scène dakaroise, mixant slameurs et VJs, designers et graffeurs, photographes et sculpteurs. « On bosse ensemble, on essaie de s’entraider », résume le styliste Baay Sooley, créateur de la marque Bull Doff et ancien danseur du Positive Black Soul, qui, à 40 ans, fait figure de vétéran. ÉNERGIE. Face à ce bouillonnement, artistes venus d’ailleurs et Sénégalais de la diaspora ont, sans hésiter, posé leurvaliseàDakar.«J’yaiperçu une énergie, une ébullition, quelque chose en devenir », résume Clothilde Marchais,

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concerts, spectacles de danse ou pièces de théâtre, il héberge aussi la principale salle de cinéma de la capitale. Quant à la galerie d’art contemporain Le Manège, gérée par l’Institut, elle est devenue une référence dans la sous-région. POINTURES. À Dieppeul, au

cœur de Sicap, c’est une friche industrielle qui symbolise le renouveau artistique du Dakar « nouvelle vague ». Sur 2 ha, les treize immenses hangars de l’ancienne Biscuiterie de la Médina ont connu une nouvelle vie au cours du Fesman, fin 2010, où ils ont servi d’espaces d’exposition, de concert ou de débat. Le réalisateur Mo Sow décide alors de s’investir pour dédier ce lieu démesuré à la synergie entre culture, audiovisuel et numérique. Le groupe S’killaz lors de l’une des soirées DJ hebdomadaires des Petites Pierres, à Ouakam.

ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

30 ans, qui anime depuis peu avec Geoff Cressman et Sophie Markl la Loman Art House, un espace d’exposition aménagé dans une luxueuse villa, aux Mamelles. « Quand je suis revenue pour le Fesman [Festival mondial des arts nègres], j’ai ressenti une telle effervescence créative que j’ai eu envie de rester », confirme Ken Aicha Sy. Après quatre ans d’études en France, cette designer sénégalaise de 25 ans est devenue blogueuse culturelle sous le pseudo d’Akya Sy et anime, depuis 2011, la plateforme en ligne Wakh’Art [« parler d’art », en wolof]. En centre-ville, la culture a pris depuis longtemps ses quartiers dans le cadre verdoyant de l’Institut français. Malgré les restrictions budgétaires (– 8 % en 2014), celui-ci affiche une programmation audacieuse où se croisent artistes internationaux et jeunes espoirs sénégalais et africains. Accueillant expositions, performances, débats,

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En 2012, la Biscuiterie fut l’une des révélations du off lors de la biennale Dak’Art. Clarisse Dione, une toucheà-tout naviguant entre design, décoration et organisation d’événements culturels, y avait réuni quatre pointures des arts plastiques : Soly Cissé, Ndary Lô, Cheikhou Bâ et Camara Guèye. L’événement fit grand bruit. Et Clarisse Dione, qui rêve de voir la Biscuiterie devenir le « principal pôle créatif en Afrique de l’Ouest », entend bien récidiver à l’occasion de la biennale 2014. Pour beaucoup d’artistes, l’ancienne usine offre une possible solution à un handicap persistant : la rareté des lieux culturels. Le musée de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) et la Galerie nationale ont « tendance à ronronner », commente un connaisseur. Et la poignée d’espaces d’expositions apparus ces dernières années (le centre d’art Raw Material Company, les galeries Arte, Agora, BooKoo…) ne suffit pas à absorber le potentiel créatif de la capitale, bien qu’une clientèle existe. Alors, en attendant de disposer d’espaces attitrés, les performances s’invitent autour de la piscine de l’hôtel Radisson, dans les locaux de la Sénégalaise de l’automobile (un défilé de la styliste Selly Raby Kane y a défrayé la chronique en 2012) ou dans les lounges huppés des Almadies. Dans un pays à la politique culturelle somnolente, artistes et opérateurs se tournent vers les fondations d’entreprises (Bicis, Orange, Eiffage, Total, Kirène…) et bénéficient de soutiens inattendus, comme celui de la chaîne d’hôtels Onomo, dynamique en matière de photographie. Fin 2013, dans le cadre du « Partcours », y a été exposé

le travail remarqué d’Antoine Tempé et Omar Victor Diop, « Onomollywood ». « À mes yeux, le potentiel créatif est plus important à Dakar qu’à Abidjan, estime Mo Sow. Mais pour les moyens logistiques, ce serait plutôt l’inverse. » n

Rabat en trois lieux • Inaugurée en 2008, la Bibliothèque nationale a pour mission de protéger et de collecter le patrimoine national. Son fonds est constitué de plus de 34 000 titres et 13 486 volumes. Mais elle est surtout un lieu d’accueil : son architecture moderne, son esplanade et son jardin sont une invitation au public. • Voulu par Mohammed VI, lui-même fervent collectionneur, le musée d’art contemporain de Rabat doit accueillir et faire connaître les grands noms de la peinture marocaine. Son architecture, qui emprunte à la fois à l’héritage mauresque et aux classiques néocoloniaux, s’intègre parfaitement dans le paysage de la capitale. • Projet pharaonique, le grand théâtre de Rabat devrait voir le jour en 2015. Dessiné par la célèbre architecte Zaha Hadid, il s’étendra sur 27 000 m2 au cœur de la vallée du Bouregreg et accueillera des salles de répétition et un studio de création. iPar Leïla Slimanii 105


Écrivain franco-congolais, auteur des Lumières de Pointe-Noire (éditions du Seuil)

L’indignation n’a pas de couleur

N

ous sommes entrés dans une ère où le raciste devient – aux yeux de certains – un résistant, un courageux. Nous l’avons fabriqué de toutes pièces, le laissant impunément parader dans les allées de la courtoisie et de la tolérance sous couvert d’une certaine liberté d’expression. Le racisme a toujours existé en France – sans qu’on opère pour autant un amalgame –, mais il trouve aujourd’hui un terrain fertile et se propage à la faveur des principes abstraits censés former le socle de la nation. Et le racisme n’est jamais aussi apparent que lorsqu’il y a un manque d’autorité au sommet de l’État. Comment expliquer, sinon, que les injures essuyées par Christiane Taubira, ministre de la Justice originaire de Guyane, n’aient jamais été proférées sous le règne de Nicolas Sarkozy, qui comptait pourtant Rama Yade et Rachida Dati dans son équipe ? La situation reflète la politique de mollesse actuelle. Chaque fois qu’une personne voit sa qualité d’être humain remise en question, l’indignation devrait aller de soi, peu importe son origine. Il ne s’agit évidemment pas de taxer quelqu’un de racisme parce qu’on s’est disputés et qu’on n’a pas la même couleur de peau. Il existe aussi un racisme entre Noirs, entre Maghrébins, malgré l’apparente aberration d’un tel constat. Regardons comment sont traités certains Haïtiens dans les départements d’outre-mer, ou la condition pitoyable des Noirs au Maghreb – des Noirs qui sont pourtant algériens, marocains, égyptiens ou tunisiens !

Pascal Bruckner dans Le Sanglot de l’homme blanc et la gêne que pourrait engendrer la déconstruction de l’inconscient colonial sur la place publique. La classe politique française n’échappe pas à ce dilemme et se dédouane le plus souvent en blâmant l’extrême droite (le Front national) ou l’aile de la droite qualifiée de « dure », prompte à gagner les voix des Français les plus désespérés en désignant l’autre comme la cause de leurs malheurs. Les réactions des politiques sont par conséquent tributaires des enjeux électoraux, et surtout de l’air du temps – un air pestilentiel. Ainsi, il est sidérant de voir comment le gouvernement français actuel a tergiversé devant ce qui constitue pourtant une atteinte grave et manifeste aux principes élémentaires et fondamentaux pour lesquels cette nation a versé son sang. Les Noirs seraient des singes. Et c’est à ces mêmes « singes » que la France a fait jadis appel pour résister aux Allemands lorsque, occupée, elle a dû trouver de nouvelles bases, notamment à Brazzaville, la capitale de mon pays d’origine [le Congo].

Au Rwanda, les Tutsis étaient traités de cafards, de cancrelats, et massacrés comme tels…

POUR MIEUX COMBATTRE LA HAINE, j’ai toujours utilisé

la seule arme en ma possession et qui, elle, dépasse le crétinisme du raciste: la création. Le raciste ne crée pas, il détruit. Reléguer le Noir au stade de primate rappelle les pages sombres de l’Histoire (génocides, colonisation, guerres tribales, etc.), écrites avec un vocabulaire de « l’animalité » destiné à rabaisser l’autre et à imposer la suprématie d’une pensée prétendument civilisée et civilisatrice. Pendant le génocide rwandais, les Tutsis étaient traités de cafards ou de cancrelats et massacrés comme tels… Au fond, en France, et même en Europe, il y a une crispation générale lorsque la « couleur » est au cœur du débat. L’imaginaire occidental est alors ballotté entre le sentiment de « repentance » que décrit le philosophe 106

ON S’INTERROGE sur la réac-

tion de l’écrivain africain à qui, d’ailleurs, on attribue le rôle de sapeur-pompier. Serait-il le seul à porter le fardeau de la lutte contre le racisme ? Ce serait lui accorder plus de pouvoir qu’il n’en a. L’indignation n’a pas de couleur, et il serait presque aussi raciste de laisser le soin de répondre à une attaque contre les Noirs aux seuls écrivains noirs simplement parce qu’ils sont noirs et, accessoirement, écrivains ! Le contexte actuel nous ramène loin en arrière, comme si nous nous étions trompés de siècle. Ce qui se passe en France est, dans une certaine mesure, un anéantissement du combat que les écrivains de la négritude et, bien avant eux, les intellectuels africains-américains ont mené avec détermination, au péril de leur vie. Un combat humaniste qu’Aimé Césaire résume dans ces vers du Cahier d’un retour au pays natal, qu’il faudrait relire de toute urgence : « Et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force / et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu’a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite. » n

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VINCENT FOURNIER/J.A.

ALAIN MABANCKOU




TENDANCES

MYTHOLOGIE POLITIQUE L’ALPHABET DU RÊVE Panafricanisme, révolutions, citoyenneté : l’écrivain camerounais Patrice Nganang nous livre sa réflexion sur les utopies et les perspectives du continent.

démocratique a détruit bien des tyrannies avec cette phrase si simple, mais qui a pourtant coûté de nombreuses vies : « un homme, une voix ». FRACASSER LE RÉEL. Que

le rêve soit le potentiel qu’a chacun de nous de fracasser le réel est reconnu dans les rues camerounaises, qui ont cette injonction devenue proverbiale : « Faut pas rêver. » Phrase extraordinaire dans un pays dont le premier écrivain, Ibrahim Njoya, aura inventé six versions d’une écriture, le shümum, dans le plus profond de la nuit coloniale, après un rêve des plus épiques qu’il narre dans son ouvrage Saa’ngam : une voix lui aurait demandé de dessiner des formes sur une ardoise, ■ ■ ■ L’AUTEUR • Né en 1970 au Cameroun • Écrivain, professeur de théorie littéraire et culturelle à la State University of New York, à Stony Brook (États-Unis) • Lauréat du Grand Prix littéraire de l’Afrique noire et du prix Marguerite-Yourcenar pour Temps de chien (2001) LINA PALLOTTA POUR J.A.

J’

écris ces lignes devant une image de Bohong, en République centrafricaine, d’un crâne humain abandonné dans la cour d’une maison, après le passage de forces furieuses de la Séléka. Cette image m’oblige à penser à une autre qui, en 2009, s’imposa à moi à Nyamata, au Rwanda, seul crâne sur lequel était inscrit un nom – Patrice – des milliers du charnier du génocide que je visitais. Le particulier de la génération qui est la mienne est que nous sommes nés dans de grands rêves réalisés, mais vivons au voisinage d’extraordinaires cauchemars. Le rêve d’indépendance formulé dans les effroyables ruines de la Seconde Guerre mondiale a si radicalement changé le visage de l’Afrique que, aujourd’hui, un seul pays sur le continent, la République arabe sahraouie, attend encore sa réalisation. Le rêve panafricain, qui est né bien plus tôt, a laissé des institutions qui perdurent et façonné une conscience qui aujourd’hui encore est référence. Le rêve de révolution a secoué de nombreux Africains, avant de disparaître dans les décombres de coups d’État, et de trouver une nouvelle jouvence récemment en Afrique du Nord. Le rêve

• Prix des cinq continents de la Francophonie (mention spéciale) pour Mont Plaisant (2011) • Dernier ouvrage paru : La Saison des prunes (éditions Philippe Rey, 2013)

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109


TENDANCES Mythologie politique

de l’effacer avec de l’eau et de la boire. Naissance thérapeutique de l’écriture dans un pays où chaque brin de réalité a été acquis au terme de combats mortels – la fin des travaux forcés, qui a réuni les premiers syndicats et fabriqué l’armature politique dont le Cameroun dépend encore ; la fin de l’indigénat ; la fin de l’esclavage. Il est des rêves qui n’ont plus besoin d’être rêvés, parce qu’en notre génération née indépendante ils ont trouvé leur matérialisation. Il en est d’autres qui nous sont tombés sur la tête, les pays africains étant devenus des républiques avec l’indépendance, mais pour plonger leurs citoyens dans des tyrannies. ■■■

au chœur incantatoire d’une littérature-monde. Et pourtant, chaque matin, je suis réveillé par des activistes camerounais basés au pays et ailleurs, avec qui, malgré la tyrannie la plus vieille d’Afrique qui a pris notre pays enotage,nousnousorganisons par les réseaux sociaux autour de causes précises. Et pourtant, durant ces trois dernières

années, les citoyens de Tunisie, d’Égypte et même de Libye nous ont montré qu’il est possibledeseréveillerdequarante ans de torpeur et de frapper l’imagination du monde par le sublime de son courage. Et pourtant, la place Al-Tahrir s’est inscrite parmi ce que les Africainsd’aujourd’huipeuvent faire d’osé, et les femmes togolaises nous ont montré que les

AIMÉ MENOBA POUR J.A.

DANGEREUSE. Parce que nous sommes nés dans de grands rêves, notre tâche à nous ne peut qu’être d’œuvrer au vécu effectif de ceux-ci. Tâche plutôt humble, on dirait ; pourtant, la citoyenneté est bien un champ de bataille sur le continent africain. S’il suffit d’y avoir le pouvoir pour s’installer dans le nirvana des intouchables, la liberté d’utiliser sa voix pour parler, ou même pour chanter, est passible de peines d’emprisonnement dans bien

des pays ; celle d’utiliser ses doigts pour écrire est tout aussi dangereuse ; celle d’utiliser ses pieds pour marcher encore plus ; sans parler de celle d’utiliser son sexe selon sa seule volonté. La vie elle-même n’a toujours aucune valeur en de nombreux endroits de notre continent, où l’on meurt encore comme une mouche, où l’on est tué, maintes fois pour rien. Avoir érigé le viol de masse en crime contre l’ hu ma n i t é e t l’e mpl oi d’enfants-soldats sur des champs de bataille en crime de guerre n’a pas encore suffisamment fait reculer le périmètre horrible de l’impunité. Les pièges tendus à la citoyenneté sont autant de fers qui veulent emprisonner le corps de l’Africain et, par la violence, lui arracher un à un ses droits citoyens obtenus avec les indépendances. L’humilité est de mise parce que l’immensité de tout rêve africain se heurtera toujours au voisinage trop proche du cauchemar. Plusieurs fois, des écrivains africains ont réagi devant ce bégaiement du continent par la fuite en avant – en déclarant que la littérature africaine n’existe pas, que l’Afrique elle-même n’existe pas, ou en se joignant

110

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


AIMÉ MENOBA POUR J.A.

tactiques les plus vieilles de l’humanité peuvent être mobilisées pour faire entendre sa voix dans la tyrannie d’un fils. LesSénégalaisnousontfaitvoir que la République se défend avec intelligence et qu’il n’est pas de confort politique dans une tradition démocratique léguée. La chute de Laurent Gbagbo et celle d’Amadou Toumani Touré auront certes clos les années de braise de manière brutale, et la bataille d’Abidjan aura éteint les restes du Parlement [association estudiantine camerounaise d’opposition dont Patrice Nganang était membre dans les années 1990, NDLR] qui a tout de même dramatisé notre prise de conscience politique; ces événements nous auront aussi fait voir qu’il n’est de loi pour quiconque est vivant que le recommencement perpétuel du rêve. Vivre, c’est rêver chaque jour.

L’humilité de mon rêve pour l’Afrique est qu’il est fondé sur les promesses de l’alphabet. La permutation de ses vingt-six lettres – quand il s’agit de l’alphabet latin – résume tous les livres jamais écrits, mais aussi toutes les lois et constitutions, textes qui en réalité sont devenus les fondements de notre humanité. L’apprentissage de l’alphabet demeure la chose la plus partagée sur le continent, et beaucoup d’Africains se sont fait tenir la main par leurs parents pour apprendre à écrire. Car l’instruction n’est

plus seulement un droit, elle est devenue le passage évident de chacun de nous à la vie publique. PARENTHÈSE. Nous atten-

drons longtemps le jour où un film, une peinture ou un air de musique servira de Constitution pour un pays. Ce jour ne viendra sans doute plus, et heureux serons-nous quand nous fermerons définitivement la parenthèse tyrannique qui voulait que la parole d’un guide – d’un osagyefo (« rédempteur ») ou d’un nkunkuma (« chef ») – soit une garantie de stabilité pour tous.

L’IMMENSITÉ DE TOUT RÊVE AFRICAIN SE HEURTE AU VOISINAGE TROP PROCHE DU CAUCHEMAR.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Ci-dessus et en bas à g. : vestiges du comptoir négrier de Bimbia, dans le sud-ouest du Cameroun. Laissé à l’abandon, il a été redécouvert en 1987.

C o m b i e n d ’A f r i c a i n s aurions-nous sauvés de la mort si, avec les indépendances, le respect des Constitutions avait été érigé en principe fondamental, comme cela aura été le cas pour les frontières héritées de la colonisation ? Des millions de vies n’auraient-elles pas été sauvées si les coups d’État avaient été déclarés tabous ? Il n’est pas trop tard pour fonder le futur africain dans le respect des textes. Le rôle fondamental de l’écriture est qu’elle est la condition de possibilité de la République et fait de l’écrivain le concierge de la scène publique à venir. Pour défaire la téléologie de la violence, le respect de l’alphabet s’impose. n 111


54

États à la loupe FICHES PAYS AFRIQUE DU NORD 116 117 118 119 120 121

Algérie Égypte Libye Maroc Mauritanie Tunisie

AFRIQUE DE L’OUEST 124 125 126 127 128 129 130 131 132

112

Bénin Burkina Faso Cap-Vert Côte d’Ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia

133 134 135 136 137 138

Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo

AFRIQUE CENTRALE 144 145 146 147 148 149 150 151

Cameroun Centrafrique Congo RD Congo Gabon Guinée équatoriale São Tomé e Príncipe Tchad

AFRIQUE DE L’EST 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164

Burundi Djibouti Érythrée Éthiopie Kenya Ouganda Rwanda Somalie Soudan Soudan du Sud Tanzanie

AFRIQUE AUSTRALE 168 169 170

171 172 173 174 175 176 177

Lesotho Malawi Mozambique Namibie Swaziland Zambie Zimbabwe

OCÉAN INDIEN 180 181 182 183

Comores Madagascar Maurice Seychelles

Afrique du Sud Angola Botswana

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115 AFRIQUE DU NORD

123 AFRIQUE DE L’OUEST

153 AFRIQUE DE L’EST

SOURCES Environnement, peuplement, langues et religions : Atlas de l’Afrique,

143 AFRIQUE CENTRALE

Les Éditions du Jaguar. Population, croissance démographique (2012) : Banque mondiale, sauf Soudan du Sud (OCDE). Population urbaine (2011) : Rapport sur le développement humain 2012 (Pnud). Espérance de vie (2012) : Annuaire statistique pour l’Afrique 2013 (BAD), sauf Seychelles (Pnud). Alphabétisation (2010) : Banque mondiale, sauf Afrique du Sud, Algérie, Burkina Faso, Cameroun, Éthiopie, Madagascar, Maroc,

179 OCÉAN INDIEN

Sénégal,Togo,Tunisie (Pnud), Congo Djibouti (CIA, 2012), Soudan du Sud (FMI). Indice de développement humain : Rapport sur le développement humain 2012 (Pnud). Taux de change :

167 AFRIQUE AUSTRALE

www.oanda.com. PIB par habitant (2012) : Annuaire statistique pour l’Afrique 2013 (BAD) sauf Soudan du Sud (FMI). Inflation (2012) : Livre de poche des statistiques 2013 BAD, 2013. Investissements directs étrangers (2012) : Cnuced, 2013. Importations et exportations (2011) : OMC, 2012, sauf Liberia (Banque mondiale). PIB et taux de croissance (2010-2014) : FMI.

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

113



AFRIQUE DU NORD

ALGÉRIE 117 ÉGYPTE 118 LIBYE 119 MAROC 120 MAURITANIE 121 TUNISIE 116

Incertitudes

E

ffluves du Printemps arabe, répliques du séisme de la crise de l’euro et gouvernance à vue. Autant d’ingrédients qui font planer de nombreuses interrogations sur l’avenir immédiat des six pays situés au nord du Sahara. Trois d’entre eux, la Tunisie, la Libye et l’Égypte, subissent les contrecoups d’une révolution ayant bouleversé durablement l’échiquier politique ; deux, l’Algérie et la Mauritanie, s’engagent dans une année électorale pour des présidentielles déterminantes. Quant au sixième, le Maroc, il subit les soubresauts de la crise européenne mais aussi d’une délicate cohabitation entre le cabinet royal et un gouvernement à l’assise politique bancale.

Rien de bien réjouissant pour les perspectives économiques. Si les investissements directs étrangers ont progressé au Maroc, ils se sont effondrés en Libye et en Égypte. La Tunisie a vu sa note abaissée à trois reprises par l’agence Moody’s au cours de l’année 2013, ce qui la place dans une position inconfortable face aux marchés financiers. Quant à la Mauritanie, sa croissance de 6,4 % ne lui laisse aucun espoir d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement en 2015. Hormis la notable exception marocaine, l’inflation fait des ravages (plus de 8 % en Égypte et en Algérie). Des performances qu’aggravent évidemment les incertitudes politiques. n

Alger

Océan Atlantique

Tunis

Tanger Fès

Oran

Constantine

Casablanca Rabat Marrakech

Mer Méditerranée

TUNISIE Tripoli

Béchar

Benghazi

MAROC

Alexandrie Le Caire

ALGÉRIE

Tindouf

LIBYE

Sahara occidental

ÉGYPTE Assouan

Nouadhibou

M A U R I TA N I E

MALI

Nouakchott SÉNÉGAL

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

NIGER

TCHAD

SOUDAN 400 km

115


ALGÉRIE

ALGÉRIE BOUTEFLIKA POUR CINQ ANS DE PLUS?

116

Mer Méditerranée

Alger

Oran

Constantine

TUN.

MAROC

400 km

MALI

LIBYE

ALGÉRIE MAURIT.

NIGER

n

Superficie 2 381 740 km2

n

Population 38,5 millions d’hab.

n

Croissance démographique 1,89 %

n

Population urbaine 73,8 %

n

Espérance de vie 73,4 ans

n

Alphabétisation 72,6 %

n

Indice de développement humain IDH 0,713 Rang 93e sur 187

n

Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 102,85 dinars algériens 1 $ = 77,90 dinars algériens

n

PIB par habitant 5 432 $

n

Inflation 8,9 %

n

Investissements directs étrangers 1 484 millions de $

n

Balance commerciale 26 242 millions de $

n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

198,8

209,3 215,7

219,2

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

2,6 2011

3,3 2012*

3,1

3,7

2013*

2014*

hydrocarbures menacent les équilibres financiers. La diversification demeure donc hélas un vœu pieux. L’année 2014 est aussi celle du football, le sport roi en Algérie. Lors du dernier tour éliminatoire, les Fennecs (surnom donné aux joueurs de l’équipe nationale) se sont qualifiés contre le Burkina Faso pour la Coupe du monde. Avant même l’arrivée de l’été 2014, les Algériens sont déjà saisis par la fièvre brésilienne. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

I

ncontestablement, 2014 sera une sont même devenues des priorités natioannée charnière pour l’Algérie. Sauf nales. Les forces de sécurité algériennes imprévus, les électeurs sont appeont été renforcées dans les lieux stratélés à choisir leur nouveau président au giques, tandis qu’un nouveau projet de mois d’avril. Au pouvoir depuis 1999, loi doit être adopté fin 2013 pour tenter Abdelaziz Bouteflika n’a pas encore fait de protéger l’économie des divers trafics. savoir s’il allait jouer les prolongations ou prendre sa retraite. Âgé de 76 ans, ÉCONOMIE RENTIÈRE. Sur le plan finanvictime d’un accident vasculaire cérébral cier, le pays continue de consolider ses dont il se remet difficilement, Bouteflika réserves de change pour atteindre en fin ne semble pourtant pas disposé à pasd’année 2013 le montant historique de ser la main, bien qu’il 206 milliards de dollars ait reconnu publique(152 milliards d’euros), DIVISÉE, ment que sa génération tiré presque exclusiveavait fait son temps. Son L’OPPOSITION ment des exportations de pétrole et de gaz entourage, en tout cas, DÉMOCRATE – les hydrocarbures fait tout pour qu’il joue représentent 98 % des les prolongations. ET ISLAMISTE Pour assurer son recettes en devises. Si maintien au palais cette manne permet PEINE À d’El-Mouradia, le clan au gouvernement de PRÉSENTER financer les projets de présidentiel peut notamment s’appuyer sur un développement (routes, UN CANDIDAT gouvernement comlogements, chemins de posé en majorité de fer, barrages, centrales CONSENSUEL. ministres fidèles, une électriques…) et de alliance majoritaire au garantir la paix sociale en augmentant les salaires de la foncParlement et une administration qui lui a tion publique et en subventionnant les prêté allégeance. Face à lui, l’opposition démocrate et islamiste demeure divisée produits de première nécessité, elle n’en et peine à présenter un candidat qui ferait fragilise pas moins, à long terme, l’écoconsensus. L’Algérie va-t-elle repartir pour nomie nationale. cinq années avec Abdelaziz Bouteflika Les 500 milliards de dollars injectés ou va-t-elle ouvrir une nouvelle page et depuis l’année 2000 dans les programmes de nouvelles perspectives avec un autre de développement n’ont en effet pas chef de l’État ? C’est le principal enjeu de produit tous les résultats escomptés. l’année 2014. Au lieu de stimuler la production et les investissements locaux ou d’attirer FRONTIÈRES. Si l’activisme des groupes les capitaux étrangers, ces abondantes armés à l’intérieur du pays, sous la banliquidités ont donné naissance à une nière d’Al-Qaïda au Maghreb islamique économie rentière, totalement tournée (Aqmi), est largement maîtrisé – quelque vers les importations. 15000 terroristes se sont rendus aux autoUn échec illustré par ces chiffres : en rités depuis la loi sur la Concorde civile 1999, la facture des produits importés de septembre 1999 –, Alger doit faire face était de 10 milliards de dollars ; quaà deux nouvelles menaces : la prolifératorze ans plus tard, elle devrait avoition de la contrebande (drogue, produits siner la somme stratosphérique de 60 milliards de dollars. L’explosion de alimentaires et monnaies étrangères) et l’insécurité aux frontières tunisienne, ce poste de dépenses et la dépendance libyenne, malienne et nigérienne. Elles presque totale du pays vis-à-vis des

ESPAGNE


ÉGYPTE

ge

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

ARABIE SAOUDITE

ÉGYPTE

u Ro

SOUDAN

300 km

n Superficie 1 001 450 km2 n Population 80,7 millions d’hab. n Croissance démographique 1,66 % n Population urbaine 43,6 % n Espérance de vie 73,5 ans n Alphabétisation 72,05 % n Indice de développement humain IDH 0,662 Rang 112e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 8,25 livres égyptiennes 1 $ = 6,25 livres égyptiennes n PIB par habitant 3 024 $ n Inflation 8,7 % n Investissements directs étrangers 2 798 millions de $ n Balance commerciale — 28 375 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

235,6

256,7

262

275,7

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

1,8

2,2

2011

2012

1,8

2,8

2013*

2014*

la situation économique à moyen terme : « Le développement du canal de Suez et une bonne collecte des impôts peuvent augmenter les recettes de l’État. » Si elles persistaient, les difficultés économiques pourraient ranimer le mécontentement populaire, entraînant de nouvelles manifestations et accroissant l’instabilité politique et sociale. Hosni Moubarak et Mohamed Morsi peuvent témoigner des conséquences. n 117

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

présidentielle ne se dégage, si ce n’est le général Abdel Fattah al-Sissi, commandant en chef des Forces armées, plébiscité par une partie de la population mais qui a indiqué à plusieurs reprises qu’il ne serait pas candidat. Dans ce contexte, les défis auxquels le gouvernement intérimaire doit faire face sont nombreux. Alaa el-Din Arafat, chercheur au Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej), estime que les autorités doivent œuvrer à l’intégration des Frères musulmans dans le processus de transition politique : « Sans cela, leur feuille de route ne pourra pas être appliquée comme prévu. Comment organiser des élections dans les circonstances sécuritaires actuelles, sachant par exemple que la situation à un bureau de vote peut facilement dégénérer [allusion à de possibles actions de sabotage menées par les islamistes] ? » Sur le plan économique, la situation est explosive. Le tourisme, secteur clé, est en AUX URNES. Le pays ne devrait pas berne. L’instabilité politique a également connaître de répit en 2014, une année qui fait fuir les investisseurs étrangers. Selon s’annonce chargée sur le plan politique. la Conférence des Nations unies sur le Les Égyptiens seront appelés aux urnes à commerce et le développement (Cnuced), plusieurs reprises. Une première fois pour les flux d’investissements directs étrangers valider leur nouvelle loi fondamentale, vers l’Égypte n’ont atteint que 2,8 milamendée par une Assemblée constituante liards de dollars (2,1 milliards d’euros) dominée par les libéraux, pour remplacer en 2012, contre 6,4 milliards en 2010. La croissance, qui était de 5,1 % en 2010, a le texte que les islamistes avaient fait passer en force en 2012. chuté à 2,2 % en 2012, Puis pour élire un préselon le Fonds monétaire sident et un Parlement. international (FMI), qui L’INSTABILITÉ Avec la disparition de la prévoit, pour 2014, une A FAIT FUIR scènepolitiquedesFrères légère remontée à 2,8 %, musulmans (première d’un taux LES TOURISTES accompagnée force du pays) et l’affaid’inflation de 10,3 %. blissement subséquent Les quelque 12 milET LES de la mouvance salafiste, liards de dollars d’aides INVESTISSEURS. offerts par l’Arabie saoudifficile de pronostiquer un vainqueur, alors que dite, le Koweït et les Émiratsarabesunisaprès les partis libéraux ne la chute de Morsi ont certes été salvateurs, jouissent que d’une faible assise sociale et peinent traditionnellement à mobilimais ils ne dureront pas éternellement. ser les foules. Aucune figure charismaSelon Alaa el-Din Arafat, il est cepentique capable de remporter une élection dant possible d’améliorer sensiblement

ISRAËL

Port-Saïd Alexandrie Le Caire

r Me

A

vec la destitution par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi à la suite de manifestations appelant à sa démission, une nouvelle période de transition s’est ouverte dans l’histoire révolutionnaire du pays le plus peuplé du monde arabe. Une transition marquée par des niveaux de violence extrêmes, auxquels les Égyptiens sont désormais habitués. Après avoir été éclipsés par les islamistes, les militaires, qui jouent un rôle centraldanslaviepolitiqueetéconomique du pays, sont de nouveau sur le devant de la scène. Ils ont engagé une lutte contre les mouvements jihadistes dans le nord du Sinaï, où les attaques visant les forces de sécuritésontdevenuesquasiquotidiennes. Etlesautoritésintérimairesontorchestréla répression des Frères musulmans, dont le paroxysme aura été la dispersion brutale, en août, de deux sit-in islamistes au Caire, qui a fait plusieurs centaines de morts en une seule journée.

Mer Méditerranée

LIBYE

ÉGYPTE PAS DE RÉPIT EN VUE


LIBYE

118

Tripoli

Benghazi

ÉGYPTE

LIBYE

NIGER

300 km

TCHAD

SOUDAN

n Superficie 1 759 540 km2 n Population 6,2 millions d’hab. n Croissance démographique 0,84 % n Population urbaine 77,9 % n Espérance de vie 75 ans n Alphabétisation 89,21 % n Indice de développement humain IDH 0,769 Rang 64e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 1,63 dinars libyens 1 $ = 1,23 dinars libyens n PIB par habitant 11 586 $ n Inflation 6,9 % n Investissements directs étrangers NC n Balance commerciale 10 000 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

34,7

81,9

70,9

94,3

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

– 62,1

104,5

– 5,1

2011*

2012*

2013*

25,5 2014*

sans écouter les autres régions. Les revendications d’autonomie de la Cyrénaïque, la colère des Amazighs et le repli des populations du Grand Sud (Touaregs et Toubous) renforcent leur marginalisation économique et politique. Pendant quatre décennies, Kaddafi a alternativement utilisé le bâton (répression féroce) et la carotte (alliances tribales, prébendes). De cette dialectique aussi, il faudra sortir. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

I

l y a consensus pour dire que 2013 Cette fièvre a atteint son paroxysme le a été une annus horribilis. Dans une 5 mai 2103 avec le vote de la loi « d’isolation » politique, qui prévoit d’exclure de Libye libérée du joug kaddafiste depuis la vie publique tous les anciens collabofin 2011, l’euphorie postrévolutionnaire rateurs du régime honni. Adopté sous a laissé place à la déprime, et on peut légitimement s’interroger sur l’avenir la pression des milices, ce texte cache du pays. Après les législatives réussies mal une entreprise de vengeance. Sous du 7 juillet 2012, le processus politique le couvert de couper les têtes de l’hydre s’est enrayé : instabilité au sommet de kaddafiste, une allégorie bien commode l’État, poids des milices et règlements de pour retarder l’échéance de la démobilisacomptes forment un cocktail explosif. Fin tion, les groupes armés ont d’abord ciblé 2013, la production de pétrole avait chuté la plus haute autorité du nouvel État. C’est à 250 000 barils par jour, contre près de ainsi que Mohamed el-Megaryef, premier 1,5 million en temps normal, à cause de président du CNG et ancien ambassablocages par des groupes armés. deur de Libye en Inde, a dû démissionner. La situation actuelle est si inquiétante, L’homme avait pourtant pris la tête de notamment à Benghazi, qu’on oublie que l’opposition à Kaddafi en fondant, dès l’« An I » de la révolution du 17 février 2011 1980, le Front national pour le salut de la Libye (FNSL, aujourd’hui Jabha). a été plutôt paisible. Rétrospectivement, certains datent le basculement dans le chaos au 28 juillet 2011, jour de l’assasRÉSISTER. Pour remonter la pente, le pousinat du général Abdel Fattah Younès. voirdoitrépondreàdeuxdéfis.Lepremier: Cet ancien chef d’état-major de l’armée museler les groupes armés qui prolifèrent libyenne avait fait défection et conduit grâce à sa faiblesse. Fin 2011, le Conseil les troupes rebelles dans l’est du pays. national de transition (CNT) s’était montré Dans un pays miné par quarante-deux réticent à utiliser la manière forte pour ans de dictature, la construction d’un démobiliser et désarmer les brigades révosystème parlementaire lutionnaires,abreuvéesde n’est pas un long fleuve munitions et de matériel tranquille. « Adhérer à un durant la guerre. Avec le LES MILICES parti est une trahison ! » recul, cette stratégie a été tonnait Mouammar PROLIFÈRENT, une erreur. Ayant acquis Kaddafi dans son Livre del’influenceetaccumulé PROFITANT DE des ressources, les exvert. Ce rejet a laissé des traces. Aujourd’hui, le rebellessontengagésdans LA FAIBLESSE Congrès national généunjeudechamboule-tout ral (CNG, Parlement) est permanent. Plutôt que DU POUVOIR. tiraillé entre des formade conquérir un pouvoir tions rivales. D’un côté, fragile, ils mettent toute les Frères musulmans du leur énergie à empêcher Parti de la justice et de la construction qu’une véritable autorité émerge. Mais (PJC),del’autre,lespartisansdeMahmoud le Premier ministre, Ali Zeidan, enlevé et Jibril rassemblés en une Alliance des forces détenu quelques heures par des miliciens nationales (AFN) et qui rejettent l’étiquette le 10 octobre 2013, a promis de résister: delibéraux.Aucunedecesdeuxformations « Je ne démissionnerai pas. S’ils veulent n’est majoritaire, puisque 120 sièges sur me stopper, ils devront m’abattre. » Zeidan 200 ont été réservés à des candidats indipeut compter sur l’appui de la population, viduels, aux loyautés indécises. Résultat : excédée par la violence. une foire d’empoigne où dominent le Par ailleurs, Tripoli ne retrouvera pas le chemin d’une transition démocratique régionalisme et les allégeances tribales.

TUNISIE Mer Méditerranée

ALGÉRIE

LIBYE COCKTAIL EXPLOSIF


MAROC

MAROC ET POURTANT, IL TOURNE

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Océan Atlantique

Rabat

Casablanca 400 km

ÎLES CANARIES (Espagne)

Marrakech

MAROC

ALGÉRIE MAURITANIE

MALI

n Superficie 446 550 km2 n Population 32,5 millions d’hab. n Croissance démographique 1,43 % n Population urbaine 57,4 % n Espérance de vie 72,4 ans n Alphabétisation 56,1 % n Indice de développement humain IDH 0,591 Rang 130e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 11,07 dirhams 1 $ = 8,39 dirhams n PIB par habitant 3 107 $ n Inflation 1,3 % n Investissements directs étrangers 2 836 millions de $ n Balance commerciale — 22 776 milliards de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

99,2

96,1

104,8

111,7

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

5 2011

2,7 2012

5,1 2013*

3,8 2014*

Maghreb unifié. Mais, pour la diplomatie marocaine, c’est sur le terrain onusien que se joue la bataille. Elle dispose, avec le travail du Conseil national des droits de l’homme, d’un argument de poids pour défendre sa souveraineté sur le territoire. Enfin, les tensions économiques et sociales restent fortes dans le pays. Sur l’impact de la crise européenne, le déni a laissé la place à une tardive prise de conscience. En attendant le sursaut ? n 119

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

E

n 2013, la chronique politique a été gouvernement a assisté, impuissant, au dominée par un bras de fer. Celui qui retourenforcedelatechnostructureroyale. opposeAbdelilahBenkirane,chefdu Le monarque, doté dès l’été 2011 d’un gouvernement,etHamidChabat,secrétaire cabinet renforcé, a placé ses hommes sur généraldel’Istiqlal,sonancienalliédevenu les dossiers clés. L’ancien ministre délégué son ennemi intime après à l’Intérieur Fouad Ali son entrée en dissidence El Himma fait office enmars.Cettecriseàl’intéAUSSI INFLUENT de bras droit ; Taïeb rieur de la majorité – qui a Fassi-Fihri supervise QUE SECRET, culminéavecladémission, lesAffairesétrangères, le 9 juillet, de cinq des six un domaine réservé; LE CABINET ministres de l’Istiqlal – n’a Ya s s i r Z e n a g u i toutefois pas empêché le DU ROI REVIENT apporte son expégouvernement de foncriencedebanquiersur EN FORCE. tionner. En apparence, du les investissements ; moins. Mais le 10 octobre, les juristes Omar la nomination du cabinet Azziman (Justice, Benkirane II par le roi Mohammed VI a Éducation) et Zoulikha Nasri (Affaires entraîné un soupir de soulagement. sociales) renforcent une dream team aussi influente que secrète. CARBURANTS. Après la réforme constiPar deux fois, le roi a retiré des dossiers tutionnelle de 2011, l’installation, en janà ses ministres, forcés de travailler sous la vier 2012, d’un gouvernement dominé supervision de conseillers. En août, il avait par les islamistes du Parti de la justice et ouvertementcritiquélapolitiqueéducative du développement (PJD) était porteuse du gouvernement; en septembre, c’est sur d’espoir.Cetteéquipedevaitredresserl’écola question des droits et de l’accueil des nomienationale,enbutteauxrépercussions migrants qu’il l’a désavoué. Ces sorties delacrisemondiale.Saprincipaledécision intervenaient après la grâce accordée par aura finalement été l’indexation partielle erreur – puis retirée – par Mohammed VI des prix des carburants pour limiter le à un pédophile espagnol et qui a suscité déficit budgétaire. En 2012, la Caisse de l’indignation populaire. compensation, qui subventionne des proLa cohabitation inavouée entre le Palais duits de consommation courante (farine, et le gouvernement peut-elle se crisper ? sucre, super, diesel, gaz butane), a en effet Le remaniement d’octobre 2013 – qui a fait englouti 54 milliards de dirhams (4,8 milune large place au Rassemblement natioliardsd’euros),soit18%dubudgetdel’État. nal des indépendants (RNI), hier l’un des Capitalisant sur sa popularité, Abdelilah premiers critiques des islamistes – a laissé Benkirane a augmenté les prix à la pompe des traces. La base du PJD a été électrisée en juin 2012 – sans toucher au principe du par les compromis de son chef, Abdelilah prix fixe, avec des subventions variables Benkirane, qui a reconnu l’intervention de pour compenser les évolutions des cours Fouad Ali El Himma dans la finalisation de mondiaux. Mais cela n’a visiblement pas la composition gouvernementale. suffiàallégerlafacture.D’oùlesystèmemis Concernant le Sahara, Rabat est en place en septembre 2013: une subvenconfronté à une pression grandissante tion est maintenue, mais son montant est pour élargir le mandat de la Mission fixe;débloqués,lestarifsdusuper,dudiesel des Nations unies pour l’organisation et du fioul industriel ont immédiatement d’un référendum au Sahara occidental augmenté. De quoi provoquer l’ire des (Minurso) à la surveillance des droits de l’homme. Les attaques d’Alger sur ce dosMarocains. Plombé par des tiraillements sier éloignent encore la perspective d’un internes, affaibli sur son flanc social, le

ESPAGNE

PORTUGAL


MAURITANIE

MAURITANIE « AZIZ » EN ROUTE POUR 2014

120

ALGÉRIE

300 km

Océan Atlantique

MALI

Nouadhibou

M A U R I TA N I E

Nouakchott

SÉNÉGAL n Superficie 1 025 520 km2 n Population 3,8 millions d’hab. n Croissance démographique 2,49 % n Population urbaine 41,7 % n Espérance de vie 58,9 ans n Alphabétisation 58,02 % n Indice de développement humain IDH 0,467 rang 155e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 392,93 ouguiyas 1 $ = 297,61 ouguiyas n PIB par habitant 1 029 $ n Inflation 4,9 % n Investissements directs étrangers 1 204 millions de $ n Balance commerciale 305 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

4,1

3,9 4,2

4,2

6,9

6,4

6,4

2012*

2013*

2014*

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,6 2011*

anti-esclavagistes d’autre part, qui se battent pour l’élimination de cette pratique, considérée comme un crime depuis 2007. Alors que le pays avance à grands pas vers la présidentielle, c’est toute une partie de la population qui se sent exclue des réformes. Pour le chef de l’État, qui a constitutionnalisé le caractère multiethnique de la nation et la criminalisation de l’esclavage, 2014 s’annonce comme une année décisive. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

E

n 2014, Mohamed Ould Abdelaziz Mauritanie), il a confirmé que son pays met le cap sur la présidentielle. participerait à hauteur de 1 800 hommes Le chef de l’État mauritanien doit à la force des Nations unies au Mali, la remettre son fauteuil en jeu. Un scrutin Minusma, à condition que ses troupes crucial pour celui qui est arrivé au pouvoir restent dans les zones frontalières entre à la faveur d’un coup d’État – il a déposé les deux pays. Une décision dans la droite en 2008 le premier président démocratiligne de la politique qu’il mène depuis quement élu depuis l’indépendance, Sidi son accession au pouvoir, avec pour Mohamed Ould Cheikh Abdallahi – avant objectif la sécurisation du territoire. En d’être élu, le 18 juillet 2009. la matière, il n’a pas lésiné sur les moyens. Depuis septembre, « Aziz » a pris les En mettant fin aux zones de non-droit, choses en main. Il a procédé au remanie- il a repoussé les hommes d’Al-Qaïda au ment de son gouvernement, dirigé par Maghreb islamique (AQMI) – même si Moulaye Ould Mohamed Laghdhaf, qui la menace pèse toujours. constitue la plus importante opération de son quinquennat. Un bouleversement COLÈRE. L’économie, elle, continue qui a concerné douze ministères, dont de se porter plutôt bien. Le produit ceux de l’Intérieur, de la Justice et des intérieur brut a progressé de 6,9 % en 2012, contre 3,6 % en 2011. En 2013, la Affaires étrangères. En réalité, les élections législatives et croissance devrait se stabiliser à 6,4 %. municipales, finalement organisées en De bons résultats – malgré la grave sécheresse qui a ravagé le pays – dus à novembre et décembre 2013 après avoir été reportées à plusieurs reprises, se pré- la consolidation du secteur des services, paraient déjà en coulisses. Une possibilité au rebond de l’activité agricole et au de discussions semblait enfin se profiler dynamisme du BTP. L’inflation, qui a entre la majorité et la Coordination de chuté à 3,4 % fin décembre 2012, ne l’opposition démocradevrait pas excéder 5 % tique (COD, opposition en 2013. Il n’empêche, dite radicale). Entre les ces bons résultats ne PRINCIPAL deux camps, le climat est suffisent pas à juguler DÉFI POUR LES des taux de chômage délétère depuis que la de pauvreté élevés. COD a, en 2011, refusé de AUTORITÉS: LA et La Mauritanie pointe à prendre part au fameux « dialogue national » LUTTE CONTRE la 155e place sur 187 au prévu par l’accord de classement 2012 établi LA PAUVRETÉ. par le Programme des Dakar et qui avait abouti à une révision constituNations unies pour le tionnelle, adoptée en développement (Pnud) mars 2012. La Convention pour l’alter- concernant l’indice de développement nance pacifique (CAP, opposition dite humain. Sans doute la plus lourde des modérée) emmenée par Messaoud Ould tâches auxquelles « Aziz », qui a fait Boulkheir, le chef de l’Alliance populaire campagne sur le thème du « président progressiste, y avait, elle, participé. des pauvres », doit faire face. Sur le plan extérieur aussi, Mohamed Si elle s’est faite plus discrète qu’en Ould Abdelaziz a dû réaffirmer sa position. 2011, la colère des Mauritaniens n’a pas Maintes fois sollicité en vue de l’intervendisparu. Celle des Négro-Mauritaniens tion dans le Nord-Mali, il a longuement d’une part, contre les conditions du réservé sa décision. Mais en août, il s’est recensement lancé en mai 2011 pour enfin prononcé. Lors d’une « rencontre doter le pays d’un fichier d’état civil fiable avec le peuple » à Néma (sud-est de la basé sur la biométrie. Celle des militants

MAROC


TUNISIE

A

près l’euphorie de la révolution, juillet, ainsi que l’émergence du jiha2013 a été pour la Tunisie l’année disme armé et du terrorisme ont ébranlé du grand plongeon. Les joutes celui d’Ali Larayedh. politiques et les débats identitaires Face à l’impasse politique, la société civile tente d’instaurer un dialogue natioont pris le pas sur le développement et nal. Patronat et syndicats se sont alliés, la stabilité socioéconomique, princiavec l’appui de la Ligue tunisienne des pales revendications du soulèvement populaire de 2011. De controverses en droits de l’homme (LTDH) et de l’ordre tensions, la transition s’opère difficiledes avocats, pour aplanir les dissensions ment et divise la Tunisie. L’année 2014 et aller vers des élections législatives et semble l’échéance la plus probable pour présidentielle. Une initiative qui n’a pas y mettre fin et légitimer par les urnes les mis fin au blocage, faute, notamment, orientations du pays. d’accord sur un chef de l’exécutif. Mais l’Assemblée nationale constituante (ANC, seule institution directeDINAR. Cette paralysie handicape l’écoment élue par les Tunisiens), paralysée nomie. Si les investissements directs par de profonds désaccords politiques étrangers sont repassés au-dessus de et idéologiques, a peiné à accomplir les leur niveau de 2010, la Banque centrale étapes du processus préélectoral : finaprévoit, comme le Fonds monétaire liser le projet de Constitution et la mise international (FMI), une croissance modeste (+ 3 %) pour 2013 du fait du en place institutionnelle, dont l’orgadéficit de 2 milliards nisation provisoire des d’euros du budget de pouvoirs publics, élabol’État. Augmentations rer un code électoral et FACE AUX désigner les membres du salaire des fonctionEXTRÉMISTES naires, interventions de l’Instance supérieure indépendante pour les pour stabiliser le prix RELIGIEUX, élections (Isie). Pour ce des produits de prefaire, il faudra réexamiLE POUVOIR A mière nécessité, érosion ner les nominations opédu dinar et endettement ÉTÉ LAXISTE. rées par Ennahdha au (48 % du PIB) pèsent sur sein de l’administration, le développement, marrouage essentiel de la ginalisant en particulier machine électorale. Mais aussi rétablir les régions de l’intérieur. un niveau de sécurité satisfaisant. Entre la morosité des marchés interUne économie en panne, un budget nationaux et les problèmes financiers et mal géré, des revendications sociales structurels du pays, le tourisme et la proinsatisfaites : la gestion approximative duction de phosphate, qui contribuaient des affaires de l’État par une troïka au PIB à hauteur de 18 % il y a quelques gouvernementale peu compétente et années, sont en net déclin. Mais le tissu dominée par les islamistes d’Ennaentrepreneurial privé résiste en diverhdha a généré une importante crise sifiant ses marchés à l’export ; sa tâche de confiance. D’autant que l’exécutif a serait plus aisée si le gouvernement se également fait preuve de laxisme face décidait à combattre l’économie inforà la surenchère de violences des extrémelle, évaluée à 30 % du PIB par le FMI. mistes religieux. L’assassinat du leader de Malgré la baisse des notes attribuées gauche Chokri Belaïd, en février 2013, a à la Tunisie par toutes les agences de provoqué la chute du gouvernement de notation, le FMI décaissera, entre 2013 et Hamadi Jebali ; celui du député natio2014, 1,4 milliard d’euros destinés à des réformes économiques censées réduire naliste de l’ANC Mohamed Brahmi, en JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Tunis Sousse

ALGÉRIE

Sfax

Mer Méditerranée

TUNISIE LIBYE 150 km

n Superficie 163 610 km2 n Population 10,8 millions d’hab. n Croissance démographique 0,97 % n Population urbaine 66,5 % n Espérance de vie 74,7 ans n Alphabétisation 77,6 % n Indice de développement humain IDH 0,712 Rang 94e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 2,04 dinars tunisiens 1 $ = 1,55 dinar tunisiens n PIB par habitant 4 130 $ n Inflation 5,6 % n Investissements directs étrangers 1 918 millions de $ n Balance commerciale — 6 105 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

46,4

45,4

48,4 51,5

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,6

3

3,7

– 1,9 2011

2012

2013*

2014*

les disparités, protéger les populations vulnérables, encourager l’emploi et l’investissement. Mais ce sera insuffisant. Pour convaincre les bailleurs, la Tunisie doit améliorer la visibilité sur ses orientations. Il est certain que des élections, qui seraient le temps fort de l’année 2014, pourraient convaincre, mais elles ne seront possibles qu’avec un réel retour de la sécurité et un certain pragmatisme politique. n 121

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

TUNISIE CRISE DE CONFIANCE



BÉNIN 125 BURKINA FASO 126 CAP-VERT 127 CÔTE D’IVOIRE 128 GAMBIE 129 GHANA 130 GUINÉE 131 GUINÉE-BISSAU 132 LIBERIA 133 MALI 134 NIGER 135 NIGERIA 136 SÉNÉGAL 137 SIERRA LEONE 138 TOGO 124

AFRIQUE DE L’OUEST Onde de choc

L

a stabilité de l’Afrique de l’Ouest est très précaire. Certes, grâce à la mobilisation de la France, du Tchad et de la sous-région, le Nord-Mali a été libéré du joug jihadiste. Mais la menace persiste. Et tous les pays de la zone pourraient subir l’onde de choc du conflit, notamment le Niger, menacé de toutes parts. Certains pays connaissent en outre des crises potentiellement ravageuses. Le Nigeria combat Boko Haram. La Guinée est sous tension, malgré l’organisation

des premières législatives depuis plus de dix ans. La Côte d’Ivoire se relève difficilement de la crise postélectorale de 2011. La Guinée-Bissau subit toujours les conséquences du coup d’État de 2012. Tout n’est pas négatif, pourtant. Les pays de la zone connaissent des taux de croissance intéressants. Et des valeurs sûres, en matière économique et/ou démocratique, comme le Ghana, le Sénégal et le CapVert font figure d’exemples à suivre. n

LIBYE

300 km

ALGÉRIE

MALI

MAURITANIE

NIGER

Tombouctou Dakar Banjul

Gao

SÉNÉGAL

Mopti Niamey

GAMBIE

Bissau

Bamako

GUINÉEBISSAU

Conakry Freetown

CAP-VERT

GUINÉE SIERRA LEONE

Ouagadougou

LIBERIA

Praia

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Maiduguri

BURKINA FASO BÉNIN CÔTE D'IVOIRE Yamoussoukro

Monrovia

TCHAD

Zinder

NIGERIA

TOGO GHANA

Lomé

PortoNovo

Accra

Abuja Lagos PortHarcourt

Abidjan

RÉP. CENTRAF. CAMEROUN

Océan Atlantique

123


BÉNIN

BÉNIN OBJECTIF 2016

124

Parakou

GHANA

NIGERIA PortoNovo

Cotonou

150 km

Golfe du Bénin

n Superficie 112 620 km2 n Population 10,1 millions d’hab. n Croissance démographique 2,73 % n Population urbaine 45,6 % n Espérance de vie 56,5 ans n Alphabétisation 42,36 % n Indice de développement humain IDH 0,436 Rang 166e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 801 $ n Inflation 6,7 % n Investissements directs étrangers 159 millions de $ n Balance commerciale — 790 milliards de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

7,3

7,6

8,4

9,1

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,5 2011

5,4

5

4,8

2012*

2013*

2014*

du budget de l’État, basé sur un objectif de croissance de 6 %. Un optimisme alimenté par la relative bonne santé de la filière coton, qui représente toujours 40 % des rentrées de devises et assure un revenu à plus d’un tiers de la population. Si la récolte 20122013 (240 000 tonnes) n’a pas atteint les objectifs avancés par les autorités, elle a néanmoins dépassé de 30 % la production de l’année précédente. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

’année 2013 fut essentiellement qu’il ne dispose pas de cette somme. rythmée par l’affaire Talon, Pourtant, le temps presse. Si la révision inhibant de ce fait les efforts, n’était pas menée à bien en 2014, elle déjà peu perceptibles, de développement. pourrait peser sur l’organisation des légisLe pouvoir a été comme hypnotisé et latives, prévues pour 2015. occupé essentiellement par cette affaire », explique Victor Topanou, politologue. ALLIANCES. À l’approche de ces élections, Annoncée comme l’année de la « refondaon devrait assister à des jeux de positiontion de la République », donc des grandes nement au sein des états-majors et dans réformes, 2013 a effectivement été monoles différentes circonscriptions, avec la formation d’alliances de circonstance. polisée par les tensions entre le président Des candidatures potentielles à la Boni Yayi et son ancien ami Patrice Talon, qui avait contribué au financement de magistrature suprême en 2016 devraient ses campagnes électoégalement se dessiner. rales de 2006 et 2011. Des préparatifs qui donLA LISTE Résiliation des contrats neront une nouvelle passés avec l’homme vigueur au débat autour ÉLECTORALE d’affaires dans les secde la Constitution du teurs cotonnier et por11 décembre 1990. Boni DOIT ÊTRE tuaire, accusation de Yayi a lancé une procéRÉVISÉE. tentative d’empoisondure pour la réformer. Mais l’opposition, qui nement du chef de l’État MAIS QUAND le soupçonne de chersuivie d’une demande d’extradition auprès de la ET COMMENT? cher ainsi à supprimer la limitation du nombre justice française (pays où Talon est exilé) : le Bénin de mandats pour pouvoir a vécu au rythme de ce feuilleton. se représenter – ce que le chef de l’État Pourtant, les dossiers urgents ne a toujours nié –, a prévenu qu’elle ne manquent pas. Sur le plan politique, la resterait pas les bras croisés. liste électorale permanente informatisée Hors du landerneau politique, la vie (Lépi), mise en place à la hâte avant la quotidienne des Béninois, frappés par la présidentielle de 2011, concentre toujours réduction de leur pouvoir d’achat, reste les critiques. Ce dossier « est une cocottemarquée par l’insatisfaction. D’autant minute prête à exploser à la moindre que la lutte contre le trafic de produits incartade », résume le constitutionnapétroliers de contrebande en provenance liste Joël Aïvo. En effet, la Lépi devra être du Nigeria, menée sans mesure d’accomrévisée. Mais quand et comment ? Le pagnement, va avoir des répercussions Conseil d’orientation et de supervision de sur le coût de la vie. l’opération (Cos-Lépi) avance l’échéance Dans le domaine de la santé, les efforts du premier trimestre de 2014. Ce qui du gouvernement pour réduire le coût de permettrait d’envisager l’organisation au l’accès à des soins de qualité grâce à la mise deuxième trimestre des élections locales en place d’un régime d’assurance-maladie et municipales. Celles-ci ont en effet été universelle (Ramu) sont cependant une reportées sine die en mars 2013 faute de source d’espoir. Cette politique devrait toilettage de la Lépi. contribuer à l’atteinte des Objectifs du Mais des points de blocage persistent, millénaire pour le développement (OMD). Dans ce but, les autorités comptent égalenotamment sur la question du financement. L’enveloppe nécessaire est évaluée ment agir pour développer l’accès à l’eau à 9 milliards de F CFA (près de 14 millions potable et à l’éducation. Des programmes d’euros), mais le gouvernement affirme quicontribuerontàl’augmentationen2014

BÉNIN TOGO

«

BURKINA FASO


BURKINA FASO

BURKINA FASO L’ÉNIGME COMPAORÉ

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

NIGER Ouagadougou

GHANA

CÔTE D'IVOIRE

BÉNIN

B U R K I N A FA S O

BoboDioulasso

TOGO

100 km

n Superficie 274 000 km2 n Population 16,5 millions d’hab. n Croissance démographique 2,86 % n Population urbaine 27,4 % n Espérance de vie 55,9 ans n Alphabétisation 28,7 % n Indice de développement humain IDH 0,343 Rang 183e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 643 $ n Inflation 3,6 % n Investissements directs étrangers 40 millions de $ n Balance commerciale — 54 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

10,5

11

12,1

13,2

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

5 2011*

9 2012*

6,5 2013*

6,4 2014*

ouvrant la voie à l’organisation de l’élection présidentielle sur l’ensemble du territoire malien. C’est également là que les différents groupes rebelles armés du Nord se sont réunis durant le second semestre pour trouver un terrain d’entente. Mais en jouant la carte Iyad Ag Ghaly, le Burkina Faso a perdu de son crédit (surtout auprès de la France) lorsque le combattant touareg a lancé l’offensive vers le sud du Mali en janvier 2013. n 125

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

e Burkina Faso est entré en zone l’opposition en repoussant sine die la de turbulences en 2013, et cela mise en place du Sénat. pourrait durer si Blaise Compaoré Autre sujet de préoccupation : la tencontinue de laisser planer le doute sur sion qui a régné tout au long de l’année ses intentions. La Constitution lui interdans les universités. Les étudiants en dit de briguer un nouveau mandat en colère voulaient dénoncer le « chaos généralisé » qui règne dans l’enseignenovembre 2015. Mais fin 2013, le président ment supérieur. Quatre mois plus tard, n’avait pas désigné de dauphin et son des heurts opposaient étudiants et forces entourage plaidait toujours en faveur d’une modification de la loi fondamentale de l’ordre après que l’administration eut afin de lui permettre de se représenter. décidé de fermer sans préavis les cités L’opposition, qui ne veut pas d’un tel et restaurants universitaires durant les scénario, bat le pavé. grandes vacances. Deux ans après la crise sociale et militaire du premier semestre 2011, qui l’a forCOTON. Cette relative agitation politique tement ébranlé, c’est à une crise politique et sociale tranche avec la situation éconoque le pouvoir a dû faire face. En juin et mique du pays, louée par les institutions en juillet 2013, l’opposition a rassemfinancières internationales. La croissance blé plusieurs milliers de manifestants devrait, selon le Fonds monétaire interà Ouagadougou – du jamais vu depuis national (FMI), atteindre 6,5 % en 2013 et l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, 6,4 % en 2014, soit, dans les deux cas, un en 1998 – pour s’opposer à la création demi-point de moins que les précédentes du Sénat, une chambre jugée « budgétiprévisions. Deux facteurs expliquent vore » et perçue comme un moyen, pour cette semi-déception. Tout d’abord, la Compaoré, de modifier la Constitution baisse simultanée des cours mondiaux du coton et de l’or (dont la production sans passer par la voie référendaire. devait atteindre 40 tonnes en 2013 et Dans la foulée, plusieurs mouvements politiques ou citoyens contribuer à hauteur de opposés à une nouvelle 19 % aux recettes budgécandidature du chef de LE POUVOIR A taires), les deux moteurs l’État ont vu le jour, parmi de l’économie nationale. DÛ REPOUSSER La saison cotonnière lesquels le Balai citoyen, lancé par des artistes bur2013-2014 s’annonçait SINE DIE LA kinabè sur le modèle de cependant prometteuse. Y’en a marre (Sénégal). MISE EN PLACE Le Burkina comptait en Historiquement très outre sur une campagne DU SÉNAT. influente, l’Église aussi céréalière exceptiona donné de la voix. Dans nelle. Deuxième raison : une lettre publiée le la guerre au Mali, qui a 15 juillet 2013, les évêques s’interrogent pesé sur l’économie. sur l’opportunité de la mise en place du Elle a également eu un impact sur la Sénat, fustigent « une gouvernance de diplomatie burkinabè. Certes, Blaise plus en plus déconnectée de la réalité » Compaoré a conservé son titre de médiaet dénoncent « la corruption » et « la teur nommé par la Communauté éconopatrimonialisation de l’État ». mique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour résoudre la crise malienne, « Même à Paris, même en Amérique, et Ouagadougou a abrité tout au long une marche n’a jamais changé une de l’année des négociations au sommet. loi », a rétorqué Compaoré le 30 juillet Certes, c’est dans la capitale burkinabè 2013. Pourtant, un mois plus tard, il qu’ont été signés, le 19 juin, les accords a été contraint de donner des gages à

MALI


CAP-VERT

CAP-VERT COHABITATION EXEMPLAIRE

ÎL E S

A

126

D U

Océan Atlantique

50 km

S ÎLE

V E N T

SOU

S- LE- V

ENT

Praia

n Superficie 4 030 km2 n Population 494 401 habitants n Croissance démographique 0,78 % n Population urbaine 63,4 % n Espérance de vie 74,3 ans n Alphabétisation 84,29 % n Indice de développement humain IDH 0,586 Rang 132e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 110,27 escudos 1 $ = 81,90 escudos n PIB par habitant 3 482 $ n Inflation 2,5 % n Investissements directs étrangers 71 millions de $ n Balance commerciale — 878 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

1,9

1,8

2

2,1

1,5

4,4

2013*

2014*

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4

2,5

2011*

2012*

de la croissance : 2,5 % en 2012 (contre 4 % en 2011) et 1,5 % attendu en 2013 (selon le Fonds monétaire international), ce qui ferait du Cap-Vert l’un des rares pays d’Afrique de l’Ouest à stagner sous la barre des 4 %. Couplé à un taux de chômage important (12,2 % en 2011, qui touche notamment 27,1 % des 15-24 ans), ce marasme pourrait bien entraîner des tensions sociales en 2014. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

vec sa discrétion coutumière, dans le rapport 2013 de Reporters sans le Cap-Vert continue d’écrire sa frontières. En mars 2013, ces performances success-story. Considéré comme l’une des démocraties les plus stables encourageantes ont valu au Premier du continent, l’archipel a tourné sans ministre, José Maria Neves, d’être reçu à heurts la page de l’ère Pedro Pires (préla Maison Blanche par le président amésident de 2001 à 2011) ricain, Barack Obama, et demeure un modèle en compagnie de trois L’EUROPE en termes de gouverchefs d’État, Ernest Bai nance. Il est habitué Koroma (Sierra Leone), REPRÉSENTE depuis une décennie aux Macky Sall (Sénégal) et transitions pacifiques Joyce Banda (Malawi). 85 % DES entre les deux princiUne rencontre destinée à ÉCHANGES. pales formations polirenforcer les liens entre tiques, le Parti africain les États-Unis et les pays LA CRISE DE pour l’indépendance africains jugés les plus du Cap-Vert (PAICV) et méritants. À cette occaL’EURO FAIT le Mouvement pour la sion, Barack Obama a DES RAVAGES. notamment salué les démocratie (MPD). Et les élections municipales efforts du Cap-Vert, dont la population a vu qui se sont tenues en 2012 n’ont pas fait exception. Elles ont « en quelques décennies son revenu par donné l’avantage au MPD, qui contrôle habitant passer de quelque 200 dollars désormais treize conseils municipaux à environ 4 000 dollars [2 900 euros] par contre huit pour le PAICV. an actuellement ». Si les deux partis s’opposent sur l’orientation du budget 2013, en particulier TOURISME. Praia reste cependant sur l’augmentation des taxes sur l’eau confronté à des défis, tant structurels et l’électricité, leur cohabitation à la que conjoncturels. S’il dispose d’un réel tête de l’État (le président actuel, Jorge potentiel halieutique, cet archipel volcaCarlos Fonseca, appartient au MPD, et nique dépourvu de ressources naturelles le Premier ministre, José Maria Neves, présente des caractéristiques défavoau PAICV) demeure exemplaire. rables à l’agriculture, et son marché intérieur, peu conséquent, est handicapé par CONFETTI. Année après année, les person morcellement insulaire. Au cours de formances de ce confetti insulaire en ces dernières années, le pays a pu compter matière de développement et de gousur le développement des services (plus vernance donnent lieu à de nombreux de 70 % de son économie), en particulier satisfecit. le tourisme (30 % du PIB), pour consoliEn 2012, le pays s’est classé à la deuder sa croissance. Selon l’Organisation xième place de l’indice Mo-Ibrahim de mondiale du tourisme, le Cap-Vert a ainsi la gouvernance en Afrique (derrière enregistré l’un des meilleurs scores du Maurice), et à la troisième en 2013. Selon continent en termes de fréquentation l’indice de perception de la corruption pour la période 2011-2012 (+ 13 %). établi par Transparency International Mais la situation de dépendance de pour 2012, le Cap-Vert est le deuxième son économie le rend très vulnérable pays africain le moins corrompu, derrière aux aléas de la conjoncture en Europe, le Botswana. Et en matière de liberté de la qui représente 85 % de ses échanges. La presse, il figure en deuxième position des crise économique et financière dans la États les plus respectueux du continent zone euro a donc abouti à un tassement

CAP-VERT


CÔTE D’IVOIRE

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

GUINÉE LIBERIA

BURKINA FASO

CÔTE D'IVOIRE Bouaké Yamoussoukro Abidjan Golfe de Guinée

200 km

n Superficie 322 460 km2 n Population 19,8 millions d’hab. n Croissance démographique 2,29 % n Population urbaine 52 % n Espérance de vie 56 ans n Alphabétisation 56,17 % n Indice de développement humain IDH 0,432 Rang 168e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 1 051 $ n Inflation 2,1 % n Investissements directs étrangers 478 millions de $ n Balance commerciale 5 822 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

24,1

24,7

28,3

31,8

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

– 4,7

9,8

8

8

2011

2012*

2013*

2014*

Ouattara devra aussi mettre l’accent sur la création d’emplois, notamment en faveur d’une jeunesse qui a fait les frais de vingt années de crise politique et sociale. Et répondre aux attentes d’une classe moyenne émergente qui aspire à accroître son pouvoir d’achat. Il a promis d’augmenter les salaires en 2014. Les Ivoiriens attendent la réalisation de cet engagement, qui pourrait doper la consommation et favoriser sa réélection. n 127

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

A

lassane Ouattara a dépassé le Du côté du Parti démocratique de Côte milieu de son mandat. En 2015, d’Ivoire (PDCI), allié du Rassemblement il se représentera devant les élecdes républicains (RDR) d’Alassane teurs pour briguer un nouveau quinquenOuattara, des tensions se font jour. nat. Son ambition : accompagner la Côte Certains cadres se sont déchirés à l’apd’Ivoire jusqu’à 2020 pour en faire un pays proche du congrès du mois d’octobre, émergent. Un pari bien délicat. qui a finalement vu l’ancien chef de l’État Ses trois premières années – plutôt deux Henri Konan Bédié, 79 ans, reconduit à la ans et demi puisqu’il n’a effectivement tête de la formation. Une scission de ce pris le pouvoir qu’à la chute de Laurent parti, dont certains membres envisagent Gbagbo, en avril 2011 – ont été consadéjà un rapprochement avec le FPI, hancrées à rétablir les services de base (eau, dicaperait le président. Mais il y a loin de électricité, centres de santé, écoles…), la coupe aux lèvres. remettre les institutions en marche, relancer la machine économique, remédier aux RECONSTRUCTION. Sur le front éconoproblèmes de sécurité… S’il a en partie mique, le pays a renoué avec une forte atteint ses objectifs, restent notamment croissance : 9,8 % en 2012 selon le Fonds la délicate réforme de l’armée et la réconmonétaire international (FMI), qui estime ciliation des différentes communautés du la progression du PIB à 8 % en 2013 et 2014. pays. Les Ivoiriens se plaignent également Il affiche également une balance comde la cherté de la vie et de la mauvaise merciale excédentaire. redistribution des fruits de la croissance. Et le pays est en chantier. L’État investit Sur le plan politique, le dialogue avec dans les infrastructures (routes, ponts, l’opposition n’a pas encore abouti. Le barrages, centrales électriques, hôpiFront populaire ivoirien (FPI) a boycotté taux, universités…) et compte mobiliser l’ensemble du cycle électoral (législa20 milliards d’euros dans les secteurs tives, régionales et public et privé d’ici à municipales) et réclame 2020. La dette a été très LE DIALOGUE fortement réduite (de toujours avec intransi95 % du PIB en 2011 à geance la libération de AVEC son fondateur, l’ex-pré42 % en 2013 selon le sident Laurent Gbagbo, L’OPPOSITION FMI) et les bailleurs de incarcéré à La Haye. fonds se sont engagés à N’ABOUTIT Ouattara a agi dans le débloquer 10 milliards sens de l’apaisement en d’euros pour la reconsPAS MALGRÉ août en faisant libérer truction. Toutefois, la – dans l’attente de leurs dette publique vis-à-vis LES GESTES procès – plusieurs dirides entreprises a gonflé. D’APAISEMENT. Beaucoup de projets geants. Quelques jours après sa sortie de prison, restent encore dans les Pascal Affi N’Guessan a cartons. Les autorités repris la présidence du FPI et dénoncé sont en train de finaliser l’audit de la dans la foulée l’augmentation de la dette dette privée et ont promis de la régler, du (qui s’est au contraire réduite), la mauvaise moins en partie. « L’objectif est d’accroître gouvernance et le manque de transpale montant total des investissements de rence. Il appelle à la mise en place d’états 12,5 % du PIB en 2012 à 25 % en 2015, généraux de la nation. Un vœu qui n’a que en portant la part du secteur privé à très peu de chances d’aboutir. Le FPI, s’il 65 %-70 %, contre moins de 50 % actuelcompte toujours une base partisane, est lement », explique le Premier ministre, aujourd’hui affaibli. Daniel Kablan Duncan.

MALI

GHANA

CÔTE D’IVOIRE 2014, ANNÉE PRÉÉLECTORALE


GAMBIE

GAMBIE RONGÉE PAR LA PEUR

128

Océan Atlantique

Banjul

GAMBIE

SÉNÉGAL 50 km

n Superficie 11 300 km2 n Population 1,8 million d’hab. n Croissance démographique 3,19 % n Population urbaine 57,9 % n Espérance de vie 58,8 ans n Alphabétisation 49,96 % n Indice de développement humain IDH 0,439 Rang 165e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 38,78 dalasis 1 $ = 29,37 dalasis n PIB par habitant 511 $ n Inflation 4,2 % n Investissements directs étrangers 79 millions de $ n Balance commerciale — 249 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

0,9

0,9

0,9

0,9

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

– 4,3 2011

5,3 2012*

6,4

8,5

2013*

2014*

premier rang de ces « résultats positifs », la réduction de l’illettrisme, l’accroissement du taux de scolarisation en primaire (en particulier des filles), mais aussi des améliorations dans les domaines de la santé, de l’assainissement, de l’accès à l’eau potable et de la protection de l’environnement. Des résultats que le sinistre bilan en matière de droits de l’homme et de libertés publiques, dans un pays rongé par la peur, incite à relativiser. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

a Gambie est revenue sur le devant l’État, qu’ils soient journalistes ou simples de la scène en août 2012 lorsque neuf blogueurs,sontpassiblesdequinzeannées condamnés à mort ont été exécutés d’emprisonnement et d’une amende pousans préavis à la prison de Mile 2, à Banjul. vant aller jusqu’à 3 millions de dalasis (plus Alors que la dernière exécution remonde 62 500 euros). Un texte qui a valu dès tait à 1985, le président Yahya Jammeh le mois de septembre à Fatou Camara, une animatrice de la chaîne publique de venait d’annoncer que les peines capitales prononcées par la justice seraient désortélévisionGRTS,uneincarcérationdontles véritables motifs demeurent mystérieux. mais « appliquées à la lettre ». L’affaire avait provoqué de vives réactions des NÉOCOLONIALE. En2012et2013,cesabus organisations de défense des droits de l’homme, de l’ONU, de l’Union africaine, ont été signalés dans les rapports annuels de la Communauté économique des États sur les droits de l’homme du Foreign and del’Afriquedel’Ouest(Cedeao),del’Union Commonwealth Office britannique et du européenne ou encore du Foreign Office départementd’Étataméricain.Desremonbritannique. À Dakar, elle trances ont également a suscité un émoi partiétéformuléesparl’Union culier, deux des condamTROIS MÉDIAS européenne (UE), princinés exécutés – dont une pal donateur à la Gambie INDÉPENDANTS (à travers le Fonds eurofemme – étant de nationalité sénégalaise. Le péen de développement ONT ÉTÉ président Macky Sall et l’aide bilatérale des a aussitôt fait savoir sa FERMÉS, SANS États membres). Cela désapprobation aux a d’abord entraîné, en EXPLICATIONS. janvier 2013, la rupture autorités gambiennes, qui n’avaient même pas par Banjul du dialogue prévenu la représentation politique avec l’UE – une consulaire sénégalaise. Un an plus tard, reprise de ce dialogue a été annoncée les dépouilles des condamnés n’avaient par Yahya Jammeh en juillet –, puis, en toujours pas été restituées à leurs familles. octobre, le retrait unilatéral de la Gambie Le durcissement du régime gambien du Commonwealth, qualifié d’« institution s’est poursuivi au-delà de cet épisode néocoloniale ». Résultat: le pays est de plus macabre. En décembre 2012, un dignitaire en plus isolé diplomatiquement. religieux qui s’était prononcé publiqueAprès avoir enregistré une nette régresment contre les exécutions, l’imam Baba sion de son PIB en 2011 (– 4,3 %), du fait de Leigh, a été arrêté et détenu en secret mauvaisesrécoltes,laGambiearebondien pendant cinq mois avant de recouvrer 2012, avec + 5,3 %, selon le Fonds monéla liberté. Trois médias indépendants taire international (FMI). Une tendance (Teranga FM, le Daily News et The qui devrait se poursuivre en 2013 et 2014, Standard) ont par ailleurs été fermés sans à la faveur d’une reprise dans l’agriculture explications, en 2012, tandis que de nomet de bons résultats dans le secteur du breux journalistes et militants des droits tourisme. de l’homme ont fait l’objet d’arrestations Selon le Programme des Nations unies arbitraires ou d’intimidations. pour le développement (Pnud), la Gambie En juillet 2013, une nouvelle loi sur l’inprésente un indice de développement formation et la communication est venue humain de 0,439 (inférieur à la moyenne durcir un arsenal répressif déjà considéré subsaharienne, de 0,475), même si l’UE comme liberticide. Désormais, les usagers estime qu’elle a réalisé des progrès signid’internetreconnuscoupablesdediffusion ficatifs dans le domaine des Objectifs du de fausses nouvelles et d’offense au chef de millénaire pour le développement. Au

SÉNÉGAL


GHANA

GHANA LA DIVERSIFICATION, VITE!

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

GHANA

TOGO

Tamale

Kumasi

CÔTE D'IVOIRE

Accra Takoradi 150 km

Golfe de Guinée

n Superficie 238 540 km2 n Population 25,4 millions d’hab. n Croissance démographique 2,17 % n Population urbaine 52,6 % n Espérance de vie 64,6 ans n Alphabétisation 67,27 % n Indice de développement humain IDH 0,558 Rang 135e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 2,49 cedis 1 $ = 1,88 cedis n PIB par habitant 1 467 $ n Inflation 9,2 % n Investissements directs étrangers 3 295 millions de $ n Balance commerciale — 3 183 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

38,8

40,4

45,5

49,9

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

15 2011

7,9

7,9

6,1

2012*

2013*

2014*

explorations ne sont pas aussi prometteurs qu’espéré. Selon les estimations, les capacités de production du Ghana n’atteindront jamais celles du Nigeria ou de l’Angola. Paradoxalement, cette mauvaise nouvelle pourrait être salvatrice : le Ghana, qui n’aura sans doute jamais la possibilité de se reposer sur la seule manne pétrolière, pourrait donc être forcé de l’utiliser comme un levier pour développer ses autres industries. n 129

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

e Ghana a changé de statut. En 2010, mêmes qu’en 2013 : lutter contre la chute il devenait un pays à revenu moyen du cedi (la monnaie nationale), la pauet commercialisait ses premiers vreté énergétique, la hausse des prix du barils de pétrole. Et si les principaux carburant, les lenteurs de la bureaucratie indicateurs économiques et sociaux sont et la corruption persistante. « Le verdict toujours au vert, on attend désormais plus de la Cour suprême doit provoquer un du « bon élève » de l’Afrique de l’Ouest. changement de l’attitude à l’égard des Principalement marquée par le entreprises afin d’agir sur le chômage et de contentieux électoral, 2013 aura été, pour renforcer la confiance dans l’économie », beaucoup d’experts, une année blanche. souligne Imani. Les audiences de la Cour suprême, la Malgré un fort ralentissement en 2012 plus haute juridiction du pays, devant (à 7,9 %, contre 15 % en 2011), le taux laquelle le Nouveau Parti patriotique de croissance devrait rester au-dessus (NPP, opposition) a contesté la victoire des moyennes continentale et régionale. Mais la dette publique continue de John Dramani Mahama (du Congrès de se creuser. L’amélioration de la gesdémocratique national, NDC) à la prétion macroéconomique et la stabilité sidentielle de décembre 2012, auront politique n’ont pas assez transformé la duré plus de six mois. Cette expérience a sans conteste renforcé la démocratie structure de l’économie, qui reste portée ghanéenne. La décision de la Cour (qui par quelques secteurs forts comme les a validé la victoire de Mahama) a en industries minière et cacaoyère. effet été immédiatement acceptée par le Le Ghana doit développer de nouveaux candidat du NPP, Nana Akufo-Addo, et secteurs mobilisant une main-d’œuvre aucun trouble n’a été signalé. Cependant, abondante, comme l’industrie manufacturière (dont la part dans le PIB a dans leur verdict, les neuf juges ont reculé ces vingt dernières années) et pointé les failles du système électoral. l’agroalimentaire, afin Et si les autorités veulent de relever le défi de éviter de revivre un tel psychodrame, le foncLAPRODUCTION l’emploi et d’offrir de tionnement de la comnouvelles opportuniDU CHAMP tés aux régions rurales. mission électorale devra être modifié. Mais il faudra pour cela PÉTROLIER résoudre un problème SANS ACCROC. Depuis persistant : celui de JUBILEE EST la mort du président l’énergie. « Le secteur DÉCEVANTE. John Atta Mills, le 24 juilrisque de devenir un let 2012, le pays est au frein au développeralenti. La transition poliment économique si des tique s’est déroulée sans accroc, mais réformes ne sont pas mises en place rapiMahama (qui était son vice-président) dement », estime la Banque mondiale. a dû s’imposer à la tête de son parti, Des réformes structurelles sont donc puis mener une éprouvante campagne attendues. Une nécessité renforcée par électorale avant que son élection soit la situation du secteur pétrolier. Car finalement validée par la Cour suprême. si les cadres législatif et réglemenPendant ce temps, nombre de décisions taire (inspirés de la Norvège) donnent importantes ont été retardées, ce qui a fini satisfaction, la production du gisement par peser sur l’économie. Pour le think Jubilee est décevante : 110 000 barils tank ghanéen Imani, à Accra, les défis qui par jour alors que l’objectif était de attendent les autorités en 2014 sont les 200 000. Et les résultats des dernières

BURKINA FASO


GUINÉE

130

SÉNÉGAL

MALI

GUINÉE Conakry Océan Atlantique

Kankan

SIERRA LEONE LIBERIA

200 km

n Superficie 245 860 km2 n Population 11,5 millions d’hab. n Croissance démographique 2,56 % n Population urbaine 35,9 % n Espérance de vie 54,5 ans n Alphabétisation 41,05 % n Indice de développement humain IDH 0,355 Rang 178e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 9 156,83 francs guinéens 1 $ = 6 935,57 francs guinéens n PIB par habitant 539 $ n Inflation 13,1 % n Investissements directs étrangers 744 millions de $ n Balance commerciale — 673 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

5,1

5,6

6,5

7,1

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,9

3,9

2,9

5,2

2011*

2012*

2013*

2014*

d’avoir frauduleusement acquis les permis miniers qu’il détient dans la zone sous la présidence du général Lansana Conté (1984-2008). Si les accusations étaient prouvées, la Guinée pourrait renégocier les contrats, avec à la clé un pactole estimé à 140 milliards de dollars sur les vingtcinq prochaines années. Un feuilleton qui promet d’occuper l’actualité politicoéconomique du pays pendant de longs mois encore. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L’

année 2014 marquera-t-elle la fin plus tard, le 25 novembre, celle-ci validait del’instabilitépolitiquechronique les résultats, entérinant de fait la victoire qui touche la Guinée depuis pludu parti d’Alpha Condé, le Rassemblement sieursannées?C’estcequ’espèrentlesautodu peuple de Guinée (RPG). rités, qui voient dans la tenue des élections L’autre priorité du gouvernement en législatives,le28septembre2013,lafindela 2014 consistera à faire repartir l’économie transition vers la démocratie, après le coup et à rassurer les bailleurs internationaux. d’Étatmilitaire de 2008 et l’élection à lapréCar même si Conakry a obtenu du Fonds sidenced’AlphaCondéen monétaire international décembre 2010. Le scru(FMI) et de la Banque tin était historique: pour mondiale l’allégement POUR LA la première fois depuis de 2,1 milliards de dollars PREMIÈRE plus d’une décennie, les (1,6 milliard d’euros) de Guinéens ont voté afin sa dette publique fin sepFOIS DEPUIS d’élire leur Parlement… tembre 2012 – afin de lui dans un climat plus que permettre de se concenPLUS D’UNE tendu. trer sur la réduction de la DÉCENNIE, En effet, le report à plupauvreté et le soutien à la sieursreprisesdeceséleccroissance –, les résultats LE PEUPLE A tions – faute de consensus se font attendre. entre pouvoir et opposiComme l’année préVOTÉ POUR tion – a entraîné en 2012 cédente, la Guinée est ÉLIRE SON et 2013 de nombreuses classée 178e sur 187 pays manifestations, qui ont selon l’indice du dévePARLEMENT. fait une cinquantaine de loppement humain du morts et des centaines de Programme des Nations blessés. Les partisans de unies pour le développeplusieurs formations d’opposition – dont ment (Pnud). La moitié de sa population l’Union des forces démocratiques de vit en dessous du seuil de pauvreté, et le Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo, tauxd’alphabétisationdesadultesn’estque le candidat malheureux à la présidentielle de 41 %. Il faudra aussi rassurer des invesde2010,etl’Uniondesforcesrépublicaines tisseurs étrangers plus que frileux, même (UFR) de l’ancien Premier ministre Sidya si, dans le classement « Doing Business » Touré – ont affronté les forces de l’ordre. 2014delaBanquemondiale(quimesurela facilité de faire des affaires dans 189 pays), CARENCES. Les résultats proclamés le la Guinée a gagné trois places, pour se 18 octobre par la Commission électohisser au 175e rang. Après avoir connu rale nationale indépendante (Ceni) ont une baisse de régime en 2013, à 2,9 % accordé 53 sièges sur 114 au parti au contre 3,9 % en 2012, la croissance devrait pouvoir (sans compter les formations atteindre 5,2 % en 2014, selon le FMI. alliées), mais ont très vite été contestés. Le pays dispose en outre d’un imporLes observateurs internationaux ont fait tant atout: ses ressources naturelles, avec état d’« irrégularités », d’un « manque d’abondantes réserves de bauxite, d’or de transparence » et d’« importantes ou encore de diamant. Son gisement carences organisationnelles » lors de de fer de Simandou (dans le Sud-Est), l’un des plus importants au monde, fait la consultation. Quant à l’opposition, l’objet d’un contentieux depuis 2011 elle a dénoncé des fraudes massives et entre le président guinéen Alpha Condé a demandé l’annulation pure et simple et le milliardaire franco-israélien Beny des législatives, en déposant des recours Steinmetz. Le premier accusant le second devant la Cour suprême. Près d’un mois

GUINÉEBISSAU

CÔTE D'IVOIRE

GUINÉE VERS UNE STABILISATION?


GUINÉE-BISSAU

GUINÉE-BISSAU DU PAIN SUR LA PLANCHE

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

GUINÉE-BISSAU Bissau

GUINÉE Océan Atlantique

50 km

n Superficie 36 120 km2 n Population 1,7 million d’hab. n Croissance démographique 2,39 % n Population urbaine 44,6 % n Espérance de vie 48,6 ans n Alphabétisation 54,18 % n Indice de développement humain IDH 0,364 Rang 176e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 581 $ n Inflation 2,1 % n Investissements directs étrangers 16 millions de $ n Balance commerciale — 30 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

1

0,9

0,9

0,8

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

5,3

– 1,5

3,5

2,7

2011

2012*

2013*

2014*

rocambolesque de l’agence américaine antidrogue (DEA), alors qu’il finalisait une transaction avec des Colombiens. Extradé vers les États-Unis, il attend son procès, prévu pour la fin de 2013. Dans la foulée, la justice américaine a inculpé (pour les mêmes raisons) le plus haut responsable de l’armée, le général Antonio Indjai, qui fait la pluie et le beau temps dans le pays. Une autre épine dans le pied du futur chef de l’État. n 131

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

A

près deux années d’une crise polides secteurs de la défense et de la sécurité. tique à rebondissements déclenCe projet, qui prévoit de réduire les effecchée par un coup d’État militaire tifs militaires de 12 000 à 3 000 hommes, en avril 2012, en plein entre-deux tours de suscite des troubles dans les casernes. l’élection présidentielle, la Guinée-Bissau Mais la communauté internationale l’a devrait renouer avec l’ordre constitutionérigé en priorité depuis plusieurs années, nel début 2014, à la faveur d’élections dans le but de limiter le poids d’une insgénérales (présidentielle et législatives) titution qui, depuis l’indépendance, reste extrêmement disputées. La plupart des le véritable socle du pouvoir politique. ténors politiques devraient y participer, dont le Premier ministre renversé par le CHOLÉRA. Le nouvel élu devra aussi paciputsch, Carlos Gomes Junior, qui vivait fier les relations entre les partis politiques; jusque-là en exil au Portugal. panser les plaies d’un système éducatif Longtemps incapables de s’entendre, rendu exsangue par plusieurs grèves les principaux partis du pays, signataires des enseignants ; juguler l’épidémie de choléra qui a fait des ravages ces deux du pacte de transition en mai 2012, ont dernières années ; remplir les caisses fini, sous la pression de la communauté de l’État, qui a peiné à payer les salaires internationale, par accorder leurs violons des fonctionnaires en 2013 ; et relancer en avril 2013 pour fixer la date du scrutin au 24 novembre puis pour la repousser, l’économie, durement frappée par la crise. dans une quasi-unanimité, au 16 mars Selon le Fonds monétaire international 2014. Une fois cet écueil franchi, tout (FMI), la croissance a été négative en 2012 est allé très vite. (– 1,5 %), mais elle devrait rebondir en En mai, les deux principales forma2013 (+ 3,5 %), malgré les difficultés de la tions, le Parti africain pour l’indépenfilière noix de cajou (le principal produit dance de la Guinée et d’exportation du pays). du Cap-Vert (PAIGC, Pour se relever, le ANTONIO dont le leader, Gomes pays devrait bénéficier Junior, aurait certainede l’appui de la commuINDJAI: CHEF ment été élu président nauté internationale. En D’ÉTAT-MAJOR juillet, la Banque ouesten 2012 si les militaires n’étaient pas sortis de africaine de développeET… INCULPÉ leurs casernes) et le Parti ment (BOAD) a annoncé de la rénovation sociale un prêt de 480 millions POUR TRAFIC (PRS, dont le dirigeant, de dollars (362 millions DE DROGUE Kumba Yala, est soupd’euros) courant sur les çonné d’avoir joué un cinq prochaines années. AUX ÉTATSrôle majeur dans la prise Le nouveau président du pouvoir par l’armée), devra enfin s’attaquer UNIS. ont signé un accord perau principal fléau qui mettant la mise en place, touche le pays : le trafic début juin, d’un gouvernement de trande drogue. Qualifiée de « narco-État » par sition. Les députés ont ensuite nommé le les États-Unis et considérée comme une magistrat Augusto Mendes à la présidence porte d’entrée des drogues dures sur le de la Commission nationale électorale continent africain, la Guinée-Bissau a et se sont entendus sur les modalités encore fait parler d’elle. Le 3 avril 2013, du processus. le contre-amiral Buba Na Tchuto, l’une des figures de l’armée nationale mais Le futur président aura fort à faire. Dans un contexte de vives tensions politiques aussi un baron de la drogue, a été arrêté et sociales, il devra poursuivre la réforme en pleine mer à l’issue d’une opération

SÉNÉGAL


LIBERIA

GUINÉE

SIERRA LEONE

LIBERIA

I

l y a dix ans, c’est à Accra qu’avait été équipe, sans pour autant en écarter les signé l’Accord de paix global sur le ministres soupçonnés de corruption. Liberia ; le 18 août 2013, c’est aussi Sur le front sécuritaire, l’heure est à la dans la capitale ghanéenne qu’a été céléconsolidation de la paix après les efforts bré le dixième anniverentrepris ces dernières années, même si des saire de ce texte, qui avait LA FORCE mis fin à quelque quaviolences ont régulièretorze années de guerre ment éclaté à la frontière DE MAINTIEN civile (1989-2003). Élue avec la Côte d’Ivoire en 2005, Ellen Johnson entre 2012 et 2013. Le DE LA PAIX Sirleaf a ainsi pu consanombre de réfugiés DES NATIONS ivoiriens arrivés sur le crer son premier mandat territoire après la crise à la réconciliation natioUNIES nale et à la reconstrucpostélectorale de 2010tion du pays. 2011 dans leur pays était A ENTAMÉ Le second, après sa estimé en mars 2013 à SON RETRAIT. 60 000. Ellen Johnson réélection (avec 90 % des voix) en novembre 2011, Sirleaf et son homosemble, lui, axé sur le logue ivoirien, Alassane développement économique et social. Ouattara, ont promis, lors d’une renEn décembre 2012, le gouvernement a contre en octobre 2012, de renforcer leur mis en place l’Agenda for Transformation coopération en menant des opérations (AFT), un programme stratégique sur militaires conjointes. cinq ans qui vise, entre autres, à juguler Le défi sécuritaire est d’autant plus la pauvreté et à investir dans les infrasimportant que la Mission des Nations tructures. Des réformes importantes, unies au Liberia (Minul) est entrée dans comme la décentralisation ou la révision sa phase de retrait au début de 2013. La de la Constitution – qui sera soumise à force de maintien de la paix de l’ONU, référendum en 2015 –, sont aussi lancées. qui compte 10 000 soldats et policiers, devrait réduire son effectif de moitié d’ici NÉPOTISME. Pourtant, la « dame de à 2015. Le pays a d’autre part participé, fer » libérienne essuie de plus en plus pour la première fois depuis la fin de la de critiques, notamment au sein de la guerre civile, à une force internationale : société civile, qui lui reproche de ne il a contribué à la Mission multidimenpas aller assez loin dans sa lutte contre sionnelle intégrée des Nations unies pour la corruption. la stabilisation au Mali (Minusma) à Dès octobre 2012, Leymah Gbowee, hauteur d’une cinquantaine de soldats. colauréate du prix Nobel de la paix 2011 avec Ellen Johnson Sirleaf, a démissionné ESPOIRS. Dynamisée par ses exportade la présidence de l’Initiative pour la tions de ressources naturelles (minerai réconciliation nationale, dénonçant le de fer, bois, caoutchouc) et par les invesnépotisme et la corruption généralisée. tissements directs étrangers, l’économie Quelques semaines plus tard, elle était libérienne a enregistré une croissance de remplacée par George Weah, ex-vedette 8,3 % en 2012 (8,1 % prévus en 2013 et du football et candidat malheureux à la 6,8 % en 2014). Mais celle-ci n’a que des présidentielle de 2005 sous les couleurs effets limités sur la pauvreté (qui touche 84 % de la population, particulièrement du Congrès pour le changement démocratique (CDC). Puis, en mars 2013, la en milieu rural) et l’emploi, dans un présidente remaniait le gouvernement, pays où 70 % de la population a moins avec la volonté affichée de rajeunir son de 30 ans. 132

CÔTE D'IVOIRE

Monrovia Buchanan

Océan Atlantique

100 km

n Superficie 111 370 km2 n Population 4,2 millions d’hab. n Croissance démographique 2,68 % n Population urbaine 48,5 % n Espérance de vie 57,3 ans n Alphabétisation 60,78 % n Indice de développement humain IDH 0,388 Rang 174e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 94,07 dollars libériens 1 $ = 71,25 dollars libériens n PIB par habitant 416 $ n Inflation 6,9 % n Investissements directs étrangers 1 354 millions de $ n Balance commerciale — 2 886 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

1,5

1,7

2

2,2

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

7,9

8,3

8,1

6,8

2011

2012*

2013*

2014*

Depuis la découverte, en janvier 2012, d’une importante quantité de pétrole au large de ses côtes par la société African Petroleum, le Liberia fonde aussi beaucoup d’espoirs sur ce secteur. Des compagnies telles que l’américain Chevron ou l’italien Eni ont déjà acquis des permis d’exploration. Mais les retombées économiques d’une éventuelle production d’hydrocarbures ne sont pas attendues avant au moins sept ou huit ans. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

LIBERIA À L’HEURE DES RÉFORMES


MALI

MALI IBK POUR TOURNER LA PAGE

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

MALI

300 km

MAURITANIE

Gao

Bamako Ségou

BURKINA FASO

GUINÉE CÔTE D’IVOIRE

GHANA

NIGER

TOGO BÉNIN

SÉN.

n Superficie 1 240 190 km2 n Population 14,9 millions d’hab. n Croissance démographique 2,99 % n Population urbaine 35,6 % n Espérance de vie 51,9 ans n Alphabétisation 31,1 % n Indice de développement humain IDH 0,344 Rang 182e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 659 $ n Inflation 5,3 % n Investissements directs étrangers 310 millions de $ n Balance commerciale — 999 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

10,7

10,3

11,4

12,7

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

2,7 2011

– 1,2

4,8

7,4

2012*

2013*

2014*

bénéficier pour cela sur la solidarité des bailleurs internationaux, qui se sont engagés en mai 2013 à verser plus de 3,2 milliards d’euros pour aider le Mali à se relever, ainsi que sur la résilience affichée par l’économie nationale durant la crise. Après une contraction du PIB en 2012 (– 1,2 %), la croissance devrait, selon les estimations du Fonds monétaire international, s’élever à 4,8 % en 2013 et à 7,4 % en 2014. n 133

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

R

econstruireunpaysravagécesdeux Forte de son succès militaire, la France dernières années par une rébellion pousse pour que des élections aient lieu au armée, des intrusions jihadistes, un plus vite afin d’en finir avec le régime de coup d’État militaire, une guerre et enfin transition hérité du putsch de mars 2012. par une défiance atavique entre les difféUn accord (obtenu au forceps par Paris) rentes communautés qui le composent: est signé en ce sens, le 18 juin 2013 à la tâche d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), Ouagadougou, entre le Mali et les groupes le nouveau président malien, s’annonce rebellesduNord,dontleMouvementnatioardue. Il s’en est vite rendu compte, lui qui, nal de libération de l’Azawad (MNLA). La élu triomphalement le 11 août 2013 avec présidentielle est organisée dans la foulée, 77,6 % des suffrages au second tour de la en juillet et août, avant les législatives en présidentielle,faisaitl’objetdenombreuses novembre et décembre. critiques à peine deux mois plus tard. Sa victoire à l’issue d’un scrutin dénoncé RÉCONCILIATION. Pour autant, fin 2013, le par son adversaire, Soumaïla Cissé (qui Nord était loin d’avoir été pacifié en dépit n’a toutefois pas tardé à reconnaître sa de la présence de près de 3 000 soldats défaite), mais jugé satisfaisant par la comfrançaisetdeplusde5000hommes(essenmunauté des observateurs nationaux et tiellement ouest-africains) réunis dans internationaux, a une valeur symbolique: la Mission multidimensionnelle intégrée elle marque la résurrection du Mali. des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma, qui a pris le relais de la Après avoir sombré dans le chaos en Misma le 1er juillet). Après une accalmie, 2012, le pays s’est difficilement relevé. Dans les premiers jours lesattaquessuicidesetles de janvier 2013, une accrochagesentrel’armée offensive lancée par les et les groupes rebelles se APRÈS UNE trois groupes jihadistes sontmultipliésausecond ACCALMIE, LES semestre. L’assassinat, – Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar 2 novembre, de deux ACCROCHAGES lereportersdeRFIasoulevé Eddine et le Mouvement pour l’unicité et le jihad une vague d’indignation ONT REPRIS en Afrique de l’Ouest àtraverstoutlecontinent. DANS LE NORD. Faire la paix avec les (Mujao) – qui occupaient la moitié nord du rebelles du Nord est le pays depuis plusieurs premier chantier d’IBK. Il mois a poussé la France à intervenir à la s’y est attelé dès son élection en nommant demande du président malien par intérim, un ministre chargé de la Réconciliation. DioncoundaTraoré.Le11janvier,lesforces Mais les dissensions qui minent ces spéciales et les avions de chasse français groupes et la colère qui gronde dans le ont stoppé leur avancée. L’opération Serval Sud ne faciliteront pas sa tâche. avaitdébuté.Danslessemainesquisuivent, En 2014, le président et son gouverneplus de 4000 soldats français se lancent à ment devront également mettre en œuvre la conquête du Nord. À leurs côtés, près la décentralisation, réformer une armée de 2000 Tchadiens, 4000 Ouest-Africains en lambeaux, achever de démanteler l’exréunis sous la bannière de la Mission interjunte, redorer le blason de la démocratie nationale de soutien au Mali (Misma) et malienne (et notamment s’attaquer au quelques éléments d’une armée malienne fléau de la corruption), tout en composant en ruines. Rapidement, les villes de Gao, avec la communauté internationale – la France, mais aussi l’ONU. Tombouctou et Kidal sont libérées, puis le château fort d’Aqmi, l’Adrar des Ifoghas, IBK devra en outre s’attaquer à la racine de tous les maux : la pauvreté. Il pourra est nettoyé.

ALGÉRIE


NIGER

NIGER LA SÉCURITÉ AVANT TOUT

134

ALGÉRIE 300 km

NIGER

MALI

Agadez

Niamey

BÉNIN

TCHAD

BURKINA FASO

Zinder

NIGERIA

n Superficie 1 267 000 km2 n Population 17,2 millions d’hab. n Croissance démographique 3,84 % n Population urbaine 18,1 % n Espérance de vie 55,1 ans n Alphabétisation NC n Indice de développement humain IDH 0,304 Rang 186e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 F CFA 1 $ = 496,80 F CFA n PIB par habitant 400 $ n Inflation 3,9 % n Investissements directs étrangers 793 millions de $ n Balance commerciale — 1 450 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

6,3

6,6

7,3

8

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

2,2

11,2

6,2

6,3

2011*

2012*

2013*

2014*

nigérien pour une fédération africaine (Moden Lumana Fa), a quitté la coalition au pouvoir, dominée par le Parti nigérien pour ladémocratie et le socialisme(PNDS) d’Issoufou, officiellement pour protester contre sa sous-représentation au sein du nouveau gouvernement. Jusque-là relativement contenu, le match entre les deux poids lourds de la politique nigérienne, qui ont en ligne de mire la présidentielle de 2016, est désormais ouvert. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

esyeuxtournésverssonvoisinmalien secteislamisteBokoHaram,leNigerestpris durant tout le premier semestre de en étau dans un environnement hostile. 2013, le Niger a pris part à l’intervenFaceàcesmenacesextérieures,leprésident tion militaire franco-africaine contre des Mahamadou Issoufou et le gouvernement groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda devraient continuer de privilégier la sécuauMaghrebislamique(Aqmi)danslenord rité, au détriment des secteurs sociaux du Mali, envoyant 650 soldats. Avec près de comme la santé ou l’éducation. 900 km de frontière commune, le pays n’a pas été épargné par les répercussions de URANIUM. SelonleFondsmonétaireinterce conflit. Le 23 mai 2013, en représailles à national (FMI), la croissance économique l’engagement nigérien au Mali, un double du pays a atteint 6,2 % en 2013 et devrait attentat-suicide revendiqué par le groupe se situer aux alentours de 6,3 % en 2014. Si du terroriste algérien Mokhtar Belmokhtar les perspectives à court et moyen termes etleMouvementpourl’unicitéetlejihaden restent globalement positives, les projecAfrique de l’Ouest (Mujao) a fait plus d’une tions pour 2014 et au-delà ont toutefois été trentaine de morts à Arlit et à Agadez, dont révisées à la baisse, notamment à cause dix jihadistes. Une dizaine de jours plus des deux ans de retard pris dans le dévetard, le 1er juin, un commando attaquait loppement de la grande mine d’uranium la prison centrale de Niamey, parvenant d’Imouraren.L’objectifde8%decroissance à faire libérer une vingtaine de détenus, d’ici à 2015, fixé par le plan de développedont plusieurs islamistes radicaux. ment économique et social (PDES) lancé Cette menace terroriste accrue a poussé en 2012, semble donc optimiste. le pouvoir nigérien à renforcer son disposiDans le domaine agricole, la bonne tif sécuritaire. Près d’un dixième du budget récoltede2012apermisdecontenirlesprix national a été consacré à des produits de base. La la sécurité en 2013, sans sécurité alimentaire reste LE PAYS EST compter des dépenses néanmoins menacée par exceptionnelles d’une aléas climatiques PRIS EN ÉTAU les quarantaine de milliards comme la sécheresse deFCFA(unesoixantaine ou les inondations, qui, ENTRE LE en août et septembre de millions d’euros). Le MALI, LA LIBYE 2013, ont causé la mort territoire est ainsi quadrillé par l’armée, qui de dizaines de personnes ET LE NORD bénéficie de capacités et fait plus de 50000 sinisaériennes supplémentrés. De plus, malgré DU NIGERIA. taires. Les responsables d’importants progrès nigériens peuvent aussi dans ce domaine, plus compter sur des drones américains et de2500enfantssontmortsdemalnutrition français basés à Niamey et chargés de entre janvier et septembre 2013. surveillerlapoudrièrejihadistesahélienne. Au niveau international, Mahamadou Contrairement à son voisin malien, le Issoufouamarquédespointsenparvenant Niger n’a pas été inquiété par le retour des à faire libérer les quatre otages français Touaregs combattant pour l’ex-dictateur enlevés à Arlit et détenus depuis plus de libyen Mouammar Kaddafi. Depuis la trois ans par Aqmi. rébellion de 2007-2009, les autorités ont su Sur le plan politique, la situation est pacifier les relations avec la communauté complexe. Le président devra composer touarègue.Mais,coincéentreleNord-Mali, avec le basculement dans l’opposition de encore instable, le Sud libyen, devenu la son ancien allié Hama Amadou, président de l’Assemblée nationale. En août, le parti base arrière de différents groupes terrodecedernier,leMouvementdémocratique ristes, et le nord du Nigeria, bastion de la

LIBYE


NIGERIA

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

TCHAD

Kano Abuja

NIGERIA Lagos Port-Harcourt

CAMEROUN 300 km

Golfe de Guinée

n Superficie 923 770 km2 n Population 168,8 millions d’hab. n Croissance démographique 2,79 % n Population urbaine 50,3 % n Espérance de vie 52,3 ans n Alphabétisation 61,34 % n Indice de développement humain IDH 0,471 Rang 153e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 203,53 nairas 1 $ = 154,16 nairas n PIB par habitant 1 727 $ n Inflation 12 % n Investissements directs étrangers 7 029 millions de $ n Balance commerciale 58 500 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

244 270,2

292

318,5

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

7,4

6,6

6,2

7,4

2011

2012*

2013*

2014*

le gouvernement en position difficile pour son plan anti-insurrectionnel contre Boko Haram en raréfiant le nombre de ses alliés locaux, susceptibles d’apporter sur place un soutien tactique et politique, alors que les relations difficiles avec le Cameroun voisin risquent d’entraver la coopération bilatérale. Sans parler du danger de voir la secte islamiste lancer des attaques vers Abuja et les provinces du Centre. n 135

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

P

récipitées par la scission interveLe choix de son remplaçant aura une nue en 2013 au sein du parti au grande influence sur le rythme des vastes pouvoir, les manœuvres préélectoréformes économiques à venir, car la rales promettent de s’accélérer en 2014, plupart des changements qu’il a initiés avec pour principaux thèmes la gestion l’ont été contre l’avis des élites politiques du secteur pétrolier et la stabilité régioet économiques du pays. L’administration nale. La volonté du président Goodluck fédérale devrait donc rechercher un sucJonathan (chrétien originaire de la région cesseur plus consensuel, alors que Ngozi du delta du Niger) de se représenter en Okonjo-Iweala, la ministre des Finances, 2015 a provoqué une polémique sans entend poursuivre sa thérapie de choc. précédent depuis le Elle prévoit de réduire retour de la démocratie de 10 % les dépenses de LE CASUS au Nigeria, en 1999. Son l’État en 2014. Le gouéventuelle candidature vernement table sur une BELLI? porterait en effet un croissance de 7,4 % pour coup fatal à la règle non cette même année, un LA POSSIBLE écrite qui impose une chiffre qui devra sans CANDIDATURE doute être revu à la alternance entre présidents issus du Nord et pour tenir compte DE GOODLUCK baisse ceux issus du Sud. des frais engendrés par L’actuel chef de l’État l’organisation des élecJONATHAN. est, de plus, loin de tions. D’autant que le faire l’unanimité dans schisme au sein du PDP son propre camp, où beaucoup lui a déjà eu d’importantes répercussions reprochent son inefficacité en matière sur l’économie du pays. de sécurité et de lutte contre la corrupLes sept gouverneurs d’État – majoritaition. Que Goodluck Jonathan perde rement issus du Nord musulman – qui ont les primaires de sa formation, le Parti quitté le parti au pouvoir pour protester démocratique du peuple (PDP), au profit contre une éventuelle candidature de d’un candidat nordiste, et le bruit des Jonathan ont créé leur propre formation, le Nouveau PDP. Mais celle-ci, qui bottes pourraient gagner en intensité n’a pas encore choisi son candidat, ne dans les régions pétrolières. Ce qui ne compte dans ses rangs aucune figure contribuera pas à relancer la production majeure capable de fédérer au-delà de de brut, déjà au plus bas depuis quatre ans du fait du piratage et des tensions son groupe ethnique. Elle devra démonavec les compagnies exploitantes. trer sa capacité à rester unie jusqu’aux échéances de 2015, malgré les efforts du CONFIANCE. Or les fissures apparues au PDP pour étouffer cette dissidence dans sein du parti présidentiel seront sans nul l’œuf. Une tactique qui pourrait bien doute creusées par les débats à venir sur profiter au Congrès des progressistes l’intervention armée contre les islamistes (APC), créé en 2013 par Bola Tinubu, de Boko Haram dans le nord du pays ou l’ex-gouverneur de l’État de Lagos. Les le remplacement, en juin 2014, de Lamido primaires organisées au sein de cette Sanusi à la tête de la Banque centrale. coalition de quatre partis permettront Durant les quatre ans de son mandat de d’en savoir plus sur la menace qu’elle gouverneur, ce dernier a lutté fermement peut représenter pour le PDP. contre l’inflation, tout en soutenant le Quoi qu’il arrive, la majorité va certaisecteur bancaire après son effondrement nement devoir faire face à une importante en 2009. C’est lui qui a redonné confiance vague de défections parmi les responaux investisseurs. sables politiques du Nord. Ce qui mettra

NIGER

BÉNIN

NIGERIA GRANDES MANŒUVRES


136

Saint-Louis

Dakar Thiès

SÉNÉGAL

GAMBIE

GUINÉE-BISSAU

GUINÉE

100 km

n Superficie 196 720 km2 n Population 13,7 millions d’hab. n Croissance démographique 2,92 % n Population urbaine 42,8 % n Espérance de vie 59,6 ans n Alphabétisation 49,7 % n Indice de développement humain IDH 0,470 Rang 154e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 F CFA 1 $ = 496,80 F CFA n PIB par habitant 962 $ n Inflation 2,5 % n Investissements directs étrangers 338 millions de $ n Balance commerciale — 3 367 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

14,5

14,1

15,4

16,6

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

2,6

3,5

4

4,6

2011

2012*

2013*

2014*

français, François Hollande, lui-même passé par Dakar en octobre 2012. Ces divers signaux envoyés par le nouveau régime suffiront-ils à remporter l’adhésion de la population, avant tout préoccupée par son pouvoir d’achat et par l’absence de perspectives professionnelles ? Les élections locales du premier semestre de 2014 devraient offrir à Macky Sall et à son gouvernement une évaluation à mi-parcours. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

e Sénégal expérimente depuis Wade » du premier trimestre 2012 qui a mars 2012 sa seconde alternance contribué à faire élire son rival s’accompadémocratique, à la suite de l’élecgnait d’attentes pour l’heure insatisfaites. tion de Macky Sall. Au président bateleur Après dix-huit mois à la tête du pays, Abdoulaye Wade a succédé un chef d’État comme pour envoyer un signal aux impatients, Macky Sall a procédé, en plus effacé, adepte de la « communication septembre 2013, à un remaniement qui par l’action » et peu porté sur les effets a vu la ministre de la Justice, Aminata d’annonce. Sitôt entré en fonction, Macky Touré, remplacer le Premier ministre, Sall a inscrit parmi les priorités de son gouAbdoul Mbaye. À cet ancien banquier vernement la traque des biens mal acquis au tempérament effacé succédait ainsi et la lutte contre l’enrichissement illicite. la personnalité la plus Une croisade judiciaire charismatique du gouqui s’est rapidement crisL’OPÉRATION vernement précédent, tallisée autour des prinmilitante des droits de cipaux ténors du régime MAINS déchu, collectivement l’homme passée par une soupçonnés de s’être agence de l’ONU avant PROPRES servis dans les caisses de de rejoindre Macky A ÉCLIPSÉ l’État et d’avoir accumulé Sall comme directrice des fortunes indues. de cabinet au début de LES AUTRES sa campagne. Depuis Point d’orgue de cette l’élection de 2012, celle campagne contre la PRIORITÉS. que les Sénégalais surprévarication, la mise en demeure puis le nomment Mimi Touré placement en détention provisoire, en avait occupé le devant de la scène en avril 2013, de Karim Wade, fils de l’ancien tant que figure de proue de la traque des chef de l’État, qui avait cumulé quatre biens mal acquis et de la mise en œuvre, portefeuilles ministériels importants de après des années d’atermoiements, des 2009 à 2012. Soupçonné par la Cour de Chambres africaines extraordinaires charrépression de l’enrichissement illicite gées d’instruire les plaintes déposées à (Crei) d’avoir acquis frauduleusement Dakar contre l’ancien président tchadien un patrimoine estimé à plus de 1 milHissène Habré. liard d’euros, Karim Wade dort en prison Outre l’instauration de la couverture depuis le 17 avril, dans l’attente d’un maladie universelle, dont bénéficient seuéventuel procès. D’autres anciens barons lement pour l’heure les enfants de moins de l’entourage d’Abdoulaye Wade ont de 5 ans, et une croissance économique en été placés sous mandat de dépôt ou font légère hausse (4 % en 2013, selon le Fonds l’objet d’enquêtes préliminaires. monétaireinternational,soitunehaussede 0,5 point par rapport à 2012), le régime issu CHÔMAGE. Si elle prend à bras-le-corps de la deuxième alternance sénégalaise a le problème récurrent de la corruption des faitmontred’undynamisme diplomatique élites politiques au Sénégal, l’opération qui a conduit Macky Sall à être invité à la mains propres impulsée par Macky Sall a Maison Blanche en mars 2013, puis à recelargement éclipsé les chantiers annoncés voir à Dakar Barack Obama en juin. Le chef comme prioritaires par le nouveau préde l’État sénégalais a en outre accueilli le roi du Maroc, Mohammed VI, le président sident. Or pour une population exposée malien par intérim, Dioncounda Traoré, au coût élevé des produits de première le président libanais, Michel Sleiman, et nécessité, aux délestages électriques occasionnels et à un taux de chômage qui son homologue sud-africain, Jacob Zuma. Tout en resserrant les liens avec le dirigeant oscille entre 40 % et 50 %, le « tout sauf

MAURITANIE

MALI

SÉNÉGAL DES ATTENTES ENCORE INSATISFAITES

Océan Atlantique

SÉNÉGAL


SIERRA LEONE

SIERRA LEONE PLACE AUX JEUNES

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Makeni

SIERRA LEONE Freetown Kenema

LIBERIA Océan Atlantique

100 km

n Superficie 71 740 km2 n Population 6 millions d’hab. n Croissance démographique 1,91 % n Population urbaine 39,6 % n Espérance de vie 48,1 ans n Alphabétisation 42,12 % n Indice de développement humain IDH 0,359 Rang 177e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 5 649,44 leones 1 $ = 4 279 leones n PIB par habitant 652 $ n Inflation 11,6 % n Investissements directs étrangers 740 millions de $ n Balance commerciale — 1 358 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

2,9

3,8

4,6

5,4

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

6

15,2

13,3

14

2011

2012

2013*

2014*

développement) et que 53,4 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté. Des efforts doivent donc être entrepris afin d’assurer une meilleure répartition des revenus et une lutte active contre la corruption. Selon le récent rapport de l’organisation Transparency International, la Sierra Leone, où près de 84 % de la population déclare avoir déjà payé un pot-de-vin, est l’un des pays les plus corrompus au monde. n 137

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

e 17 novembre 2012, Ernest Bai et les enfants en bas âge: telles avaient été Koromaaétéréélu,à60ans,président les priorités du premier mandat de Bai de la Sierra Leone pour un deuxième Koroma. Pour le second, il a déclaré lors de et dernier mandat de cinq ans. Un scruson investiture, fin novembre 2012: « Nous tin qu’il a remporté, sous les couleurs du allons maintenant nous concentrer sur la Congrès de tout le peuple (APC), dès le formation et la création d’emplois pour les premier tour, avec 58,7 % des voix. Son jeunes », dont 65 % sont au chômage. Dans principal rival, Julius Maada Bio, candidat ce pays où 42 % de la population a moins du Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP) de 14 ans, un ministère de la Jeunesse a – et ex-chef de la junte militaire qui a dirigé été créé en février 2013. le pays pendant quelques mois en 1996 –, n’a obtenu que 37,4 % des suffrages. AGENDA. Pour relever les nombreux défis Le bon déroulement de cette présiauxquels la Sierra Leone est confrontée, dentielle, couplée avec des législatives, Ernest Bai Koroma a lancé en juillet un des régionales et des municipales, était Agenda pour la prospérité qui constituera, considéré comme un véritable test : le entre 2013 et 2017, la feuille de route pour scrutin était le premier organisé entièrele développement du pays, avec comme ment sous contrôle sierra-léonais depuis principe l’amélioration de la gestion des la fin de la guerre civile (1991-2002). Avec ressources naturelles. Il pourra compter un taux de participation de 87,3 % – et sur une très forte croissance (15,2 % en 2012), due notamment à ses richesses malgré quelques dénonciations de fraudes minières – pétrole, diamants, bauxite, or dans le camp de Julius Maada Bio –, l’élection de Bai Koroma a été saluée par la et minerai de fer, une filière dans laquelle communauté internationale. Si bien que deux sites importants ont été ouverts dans la Sierra Leone fait partie, cette année la province du Nord – et soutenue par les encore, des pays africains ayant le plus secteurs de l’agriculture, des services et de fortement progressé en termes de bonne la construction. Les prévisions sont égagouvernance (aux côtés lementencourageantes du Rwanda, de l’Angola pour les années à venir, et du Liberia) selon l’inle Fonds monétaire LA MOITIÉ DE dice Mo-Ibrahim, qui le international (FMI) LA POPULATION tablant sur une croisclasse 31e (sur 52) dans sa livraison 2013. de 13,3 % en 2013 VIT EN DESSOUS sance Le pays a aussi vécu et 14 % en 2014. le dernier chapitre du Fidèle à sa politique DU SEUIL très long procès – sept d’ouverture de l’écoDE PAUVRETÉ. ans – de l’ex-président nomie, le président libérien Charles Taylor sierra-léonais a signé, pour son rôle dans la en juillet 2013, des guerre civile sierra-léonaise. Condamné contrats avec la Chine pour un nouvel en avril 2012 par le Tribunal spécial pour aéroport international, une ligne de chela Sierra Leone (TSSL) à cinquante ans de min de fer et un ensemble de projets de prison pour crimes contre l’humanité, construction pour un total de 8 milliards celui-ci a vu sa peine confirmée en appel de dollars (environ 6 milliards d’euros). en septembre 2013. Reste que, malgré le fort potentiel Reconstruction du pays, avec une poliéconomique et les richesses minières, tique de grands travaux pour les routes et le pays est toujours en queue de peloton concernant l’indice de développement les réseaux électriques, augmentation des investissements étrangers, mais aussi grahumain (177e sur 187 pays classés par le tuité des soins pour les femmes enceintes Programme des Nations unies pour le

GUINÉE


TOGO

TOGO ET MAINTENANT, LES RÉFORMES!

138

Sokodé

GHANA

Lac Volta

NIGERIA

TOGO Lomé

200 km

Golfe de Guinée

n Superficie 56 790 km2 n Population 6,6 millions d’hab. n Croissance démographique 2,6 % n Population urbaine 38,5 % n Espérance de vie 57,5 ans n Alphabétisation 57,1 % n Indice de développement humain IDH 0,459 Rang 159e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 F CFA 1 $ = 496,80 F CFA n PIB par habitant 550 $ n Inflation 2,3 % n Investissements directs étrangers 166 millions de $ n Balance commerciale — 700 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

3,7

3,8

4,3

4,7

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4,8

5,6

5,5

5,9

2011

2012*

2013*

2014*

de la direction des douanes et de celle des impôts) et de veiller à la santé du secteur financier. La balle est donc dans le camp du gouvernement, qui dans le même temps va devoir livrer bataille contre le chômage des jeunes pour préserver la paix sociale. Représentant 60 % de la population, les moins de 25 ans sont en effet particulièrement touchés par le chômage et le sous-emploi. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L’

année 2013 ne pouvait pas plus président Faure Gnassingbé, l’Union mal commencer. Le 10 janvier, pour la République (Unir), il détient la le marché de Kara était ravagé majorité absolue, avec 62 députés sur 91. par un incendie ; deux jours plus tard, Les résultats du scrutin ont ramené le c’était au tour du grand marché de Lomé, calme sur le terrain politique. Nommé le la capitale. Les deux sinistres ont causé 17 septembre, le nouveau gouvernement des pertes estimées à environ 6 milliards peut donc mettre en œuvre les réformes de F CFA (plus de 9 millions d’euros), structurelles exigées par les bailleurs de fonds internationaux. soit 0,3 % du PIB national. Une catastrophe économique mais aussi sociale, COTON. En 2013, selon le Fonds monéqui a laissé sur le carreau des dizaines taire international (FMI), la croissance de commerçants réduits au chômage. Convaincue de leur origine criminelle, du pays a stagné, se situant à 5,5 %, contre 5,6 % en 2012. Un manque de la justice a inculpé plusieurs commandynamisme dû à des conditions climaditaires présumés, dont l’ancien Premier ministre devenu oppotiques défavorables et à sant Gabriel Agbéyomé des résultats moins bons APRÈS LES Kodjo. L’audition de Jeanque prévu dans le secPierre Fabre, président de minier. Pour 2014, LÉGISLATIVES, teur l’Alliance nationale pour les perspectives de croisle changement (ANC), sance sont favorables, LE CALME EST une figure emblématique grâce à la poursuite du REVENU SUR de l’opposition arrivée programme d’investissements publics (qui en deuxième position LE TERRAIN lors de la dernière prédote notamment le pays sidentielle de 2010, a été de routes) et à la relance POLITIQUE. suivie par la perquisition des secteurs des phosdu siège de son parti. phates, du coton, du Faute de preuves, les magistrats ont fait bâtiment. La croissance pourrait même machine arrière, écartant ainsi le risque avoisiner 6 % de moyenne au cours des d’un embrasement de la rue togolaise. trois prochaines années si les perforEn effet, s’ils ont consumé les marchés mances de l’agriculture continuaient de et causé d’importants dommages aux suivre une courbe ascendante. entrepreneurs, les incendies ont aussi et Le FMI y croit, d’autant qu’il a été surtout contribué à exacerber les tensions convenu avec les autorités togolaises, en politiques. À l’appel du collectif Sauvons septembre 2013, de la mise en place d’un le Togo (CST, qui regroupe plusieurs programme économique qui pourrait partis de l’opposition), des manifestaêtre appuyé à hauteur de 41 milliards tions ont paralysé Lomé, le poumon de F CFA sur trois ans. L’institution de économique du pays. Bretton Woods leur a en outre fortement Opposants et société civile en ont recommandé de consolider la politique profité pour exiger des garanties pour budgétaire, de manière à combler les des élections transparentes. Le poudéficits de financement qui ont subsisté voir a promis des améliorations assez en 2013 et à effectuer des arbitrages convaincantes pour que les opposants cohérents concernant l’élaboration du acceptent de se présenter aux législatives, cadre budgétaire pour 2014. Elle leur a qui se sont tenues le 25 juillet. En dépit également suggéré de renforcer la gestion de ses ennuis judiciaires, Fabre – soudes finances publiques (en particulier de la dette publique), de mettre en place un tenu par ses amis du CST – est parvenu Office togolais des recettes (OTR, fusion à obtenir 19 sièges. Quant au parti du

BÉNIN


UN PAYS ÉMERGENT À L’HORIZON 2020

CÔTE D’IVOIRE

DES INFRASTRUCTURES

Pour bien vivre et mieux travailler

Poids lourd économique de l’Afrique de l’Ouest, et déterminée à le rester, la Côte d’Ivoire modernise ses routes, RÉPUBLIQUE DE

CÔTE D’IVOIRE

voies ferrées, ports et aéroports. L’objectif : des liaisons modernes et bien plus efficaces au service du commerce, de l’industrie et de la population.


UN PAYS ÉMERGENT À L’HORIZON 2020 LA CÔTE D’IVOIRE ENTRE DANS UNE NOUVELLE ÈRE INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE

RÉPUBLIQUE DE

CÔTE D’IVOIRE

II PUBLI-INFORMATION

Abidjan à grande vitesse De l’aéroport au centre ville, la circulation est intense alors même que la nuit est tombée depuis longtemps. Et les travaux d’aménagement de carrefours sur le boulevard Valéry Giscard d’Estaing (le boulevard VGE, dit-on ici) n’arrangent rien. Une fois franchis les 370 m du Pont Houphouët-Boigny, nous voici au Plateau, le quartier des affaires, longtemps surnommé « Manhattan des Tropiques ». En effet, il y a de nombreux gratte-ciels d’une centaine de mètres de haut et ils sont installés sur une large bande de terre bordée d’une lagune. Les immeubles de bureaux sont rénovés et modernisés. De nouveaux logements, hôtels et complexes commerciaux sortent de terre.

© Olivier pour JA

Atterrir à Abidjan aujourd’hui, c’est arriver dans un pays en pleine effervescence. En témoigne le ballet des voitures officielles, des taxis et des navettes d’hôtels dès la sortie de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny. Déjà prêt à accueillir le très gros porteur A380 d’Air France, il vit une phase de modernisation accélérée. Deux aérogares spécialisées (fret et pèlerinages) ont été construites pour fluidifier l’accueil des passagers. En face, les premiers bâtiments de la future ville aéroportuaire sortent de terre. Elle ouvrira 3 700 hectares à de nouvelles activités industrielles et commerciales. Côté trafic international, l’aéroport d’Abidjan s’impose peu à peu comme la plateforme aéroportuaire régionale (un « hub », comme disent les pros du transport). Il sera incontournable dès qu’il aura reçu – au plus tard début 2014 – la certification américaine, qui ouvrira l’accès des États-Unis aux vols partant de Côte d’Ivoire.

De multiples travaux sont également en cours sur la voirie. Dans un an, Le Plateau sera plus moderne et efficace qu’il ne l’a jamais été. Un troisième pont sur la lagune est en construction pour mieux desservir ce quartier stratégique. Il doit entrer en service à la fin de 2014 et contribuera à désengorger les deux autres, sur lesquels transitent quelque 200 000 véhicules par jour. Le futur pont Henri Konan Bédié mesurera 1,5 kilomètre de long mais le chantier s’étale sur 6,7 km pour construire les échangeurs nord et sud avec les voies de circulation actuelle. La première pile du pont a été posée en juin dernier. Il y en aura au total 62. Les travaux de terrassement des chaussées d’accès sont terminés à 80 %. Comme la plupart des chantiers d’infrastructures entrepris par le pays, celuici, d’un coût de 350 millions de dollars, est financé par l’État et par des partenaires privés.


CÔTE D’IVOIRE

Vingt kilomètres par jour

pays veut disposer, au plus tôt, des routes, ports et aéroports qui amélioreront la qualité de vie des Ivoiriens en même temps qu’ils soutiendront une nouvelle ère de croissance forte et durable.

C’est aussi le cas de la modernisation du Port autonome d’Abidjan (PAA). Véritable poumon économique de la Côte d’Ivoire, il représente 90 % de son commerce extérieur et 70 % de ses activités industrielles, soit 40 000 emplois directs et indirects. Premier port d’Afrique de l’Ouest et deuxième en Afrique subsaharienne, après Durban (Afrique du Sud), il traite aussi 70 % des échanges des pays enclavés voisins (Burkina Faso, Mali et Niger). Mais il frôle la saturation. Sa configuration actuelle ne lui permet guère d’augmenter son trafic déjà important, de plus de 11 millions de tonnes de fret et 1,5 million de conteneurs par an. Le PAA bénéficie donc d’importants travaux d’agrandissement, pour plus de 500 millions de dollars, qui feront de lui un ensemble portuaire et industriel unique en Afrique de l’Ouest.

Relier le pays à l’Afrique et au monde

L’ensemble du pays est en chantier. Partout, les routes se modernisent et se construisent. En deux ans, 6 000 km ont été réhabilités, soit une moyenne de 20 kilomètres par jour et une grande partie d’un réseau routier qui a longtemps été considéré comme un modèle en Afrique. Son étendue et son efficacité ont largement contribué au « miracle ivoirien » des années 1960 et 1970, marqué par une croissance économique proche de 10 % par an. Le développement des infrastructures de transport, mises à mal par l’absence d’investissements entre 2000 et 2011, est au premier rang des préoccupations nationales. Le

Les chantiers d’infrastructures les plus significatifs ont pour objectif d’améliorer les relations économiques de la Côte d’Ivoire avec ses voisins et avec le reste du monde. Ils concernent tous les secteurs. - Routes : sont notamment en cours l’axe sud-nord reliant Abidjan à Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo jusqu’à la frontière avec le Burkina Faso ; deux axes vers l’ouest et la frontière du Ghana, depuis Abidjan et le centre-est du pays, ainsi que l’axe sud-nord reliant San Pedro à Man et jusqu’au Mali, et la route côtière d’Abidjan à San Pedro (vers la frontière avec le Liberia). - Ferroviaire : réhabilitation de la ligne Abidjan Ouagadougou (1 156 km), projet de liaison avec Bamako, chemin de fer minéralier reliant San Pedro à Man. La Côte d’Ivoire joue un rôle moteur dans le futur réseau ferroviaire ouest-africain reliant le Bénin, le Niger et le Burkina Faso. - Ports : avec le port d’Abidjan, celui de San Pedro est en cours de modernisation et d’extension. Principale porte d’exportation des produits agricoles (notamment le cacao), il est appelé à un fort développement grâce aux richesses minières de l’Ouest (dans la région de Man, notamment).

Investissements publics massifs Les infrastructures sont essentielles pour le développement économique de la Côte d’Ivoire, qui entend rejoindre les rangs des nations émergentes à l’horizon 2020. Pour y parvenir, le gouvernement a engagé à la fin de 2011 un ambitieux Plan national de développement (PND), qui prévoit plus de 20 milliards de dollars d’investissements sur la période 2012-2015.

III PUBLI-INFORMATION


UN PAYS ÉMERGENT À L’HORIZON 2020

CÔTE D’IVOIRE

CARREFOUR D’ÉCHANGES D’UNE RÉGION DE 300 MILLIONS D’HABITANTS

De multiples partenaires privés

RÉPUBLIQUE DE

CÔTE D’IVOIRE

Ses partenaires au développement (France, Japon, Allemagne, Chine, Inde, pays arabes…) et les institutions financières multilatérales (Banque mondiale, FMI, Banques africaine et ouest-africaine de développement) soutiennent les ambitions de croissance de la Côte d’Ivoire. Un appui massif : en décembre 2012, ces institutions ont mobilisé un total de 8,6 milliards de dollars de financements sur la période 2013-2015 en faveur du pays d’Alassane Ouattara. « Pour réussir, la Côte d’Ivoire ne sera pas seule », a conclu le viceprésident de la Banque mondiale pour l’Afrique. Depuis, de nombreuses entreprises misent sur la Côte d’Ivoire et confirment sa prédiction.

IV PUBLI-INFORMATION

© DR

Pour ce qui concerne les infrastructures et services de transport, l’objectif est bien plus proche : le but du PND est en effet de disposer, dès 2015, d’équipements de base dignes d’un pays émergent. Voilà pourquoi l’ensemble des projets correspondants mobilise près de 40 % des investissements prévus dans le PND, soit 8 milliards de dollars en quatre ans. Voilà pourquoi les chantiers se multiplient dans l’objectif de relier plus efficacement les grandes villes du pays entre elles, les centres de production aux ports et aéroports, sans oublier les liaisons avec les pays voisins : la Côte d’Ivoire entend bien redevenir la plateforme d’échanges commerciaux de toute l’Afrique de l’Ouest. Le carrefour international d’une région de 300 millions d’habitants – autant que les États-Unis.

Tous ceux qui vont à Abidjan aujourd’hui doivent s’y préparer. Dans les hôtels ou les centres de conférence, ils croiseront des Chinois, des Portugais, des Russes, des Marocains, des Américains, des Français... Pour les uns, leurs entreprises de BTP sont associées à tel ou tel chantier. D’autres cherchent du pétrole au large des côtes. Certains font escale ici avant d’aller vers San Pedro, débouché maritime des richesses minières considérables de l’ouest du pays, pour la plupart encore inexploitées. Aujourd’hui capitale économique du premier exportateur mondial de cacao, Abidjan entre dans une nouvelle ère industrielle et commerciale. La ville se prépare à reconquérir sa place de pôle d’excellence d’Afrique de l’Ouest.

Septembre 2013, lancement des travaux de la voie express Abobo-Anyama, par le président Alassane Ouattara.

Au service de la population D’ici à 2015, la Côte d’Ivoire entend investir 4 milliards de dollars dans les infrastructures et services de transport. De nombreux chantiers visent à rendre plus efficace les échanges commerciaux et à soutenir la création de nouvelles activités industrielles et de service. Mais le Plan national de développement comprend également la réalisation de routes destinées à améliorer la vie quotidienne des Ivoiriens. C’est par exemple le cas de la voie express Abobo-Anyama, dont les travaux ont été lancés début septembre. Cette nouvelle liaison de 4,6 km permettra aux 2 millions d’habitants que regroupent ces communes du nord d’Abidjan de se déplacer de l’une à l’autre en seulement cinq minutes, contre 30 minutes actuellement, et d’accéder dans de bien meilleures conditions à l’hôpital et à la gare.

DIFCOM/Creapub - PHOTOS : OLIVIER POUR JA / FOTOLIA SAUF MENTION.

La dynamique engagée par le PND et les ré a l i s a t i o n s concrètes auxquelles il est parvenu ont permis d ’a p p ro c h e r, d è s l a première année, le résultat escompté : la Côte d’Ivoire a enregistré un taux de croissance de 9,8 % en 2012. Tout indique que le taux de 10 % par an sera atteint ou dépassé en 2013 et les années suivantes et que l’objectif de doubler le revenu national d’ici à 2020 sera réalisé.


AFRIQUE CENTRALE

CAMEROUN CENTRAFRIQUE 146 CONGO 147 RD CONGO 148 GABON 149 GUINÉE ÉQUATORIALE 150 SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE 151 TCHAD 144 145

Priorité aux réformes

L

enregistrent des résultats positifs, hormis la Guinée équatoriale, en récession, et la Centrafrique, où la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour. L’Afrique centrale est donc riche, même si ses habitants, eux, sont pauvres. Plusieurs pays de la région figurent en queue de peloton de l’indice de développement humain. La priorité en 2014 devra encore être donnée aux réformes structurelles si ces États veulent montrer que l’émergence n’est pas qu’un slogan. n

Afrique centrale peut dire merci à la nature, qui l’a généreusement pourvue en pétrole et en gaz, notamment. Grâce à ces ressources, la courbe que dessine son PIB commence à effleurer le graal de la croissance à deux chiffres, seuil à partir duquel on peut percevoir un recul de la pauvreté. En 2014, deux pays l’atteindront, selon le FMI : le Tchad et la RD Congo – preuve que le colosse d’Afrique centrale est revenu des enfers. Les autres pays de la zone

MAURITANIE

NIGER

MALI

TCHAD ÉRYTHRÉE Lac Tchad

BURKINA FASO BÉNIN GHANA CÔTE D’IVOIRE

ÉGYPTE

LIBYE

ALGÉRIE

SOUDAN

Abéché

N’Djamena

DJIBOUTI

NIGERIA

ÉTHIOPIE

TOGO

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

CAMEROUN Malabo

Douala

Yaoundé

Bangui SOMALIE

GUINÉE ÉQUAT. São Tomé

SÃO TOMÉ E PRíNCIPE

Libreville Port-Gentil

GABON

CONGO

Brazzaville

Pointe-Noire

SOUDAN DU SUD

Mbandaka

Kisangani

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Goma Bukavu

OUG. KENYA RWANDA BURUNDI

Kinshasa

TANZANIE

Matadi Océan Atlantique Lubumbashi 300 km

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

ANGOLA

ZAMBIE

MALAWI

MOZAMBIQUE

143


CAMEROUN

144

Garoua 200 km

CAMEROUN Douala Golfe de Guinée

RÉP. CENTRAFR.

Yaoundé

GUINÉE ÉQU. GABON n Superficie 475 440 km2

n Population 21,7 millions d’hab. n Croissance démographique 2,54 % n Population urbaine 52,7 % n Espérance de vie 52,1 ans n Alphabétisation 70,7 % n Indice de développement humain IDH 0,495 Rang 150e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 1 290 $ n Inflation 3 % n Investissements directs étrangers 507 millions de $ n Balance commerciale — 1 900 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

25,5

25,3

27,9

30,4

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4,1

4,6

4,6

4,9

2011*

2012*

2013*

2014*

pour un coût de 75 milliards de F CFA (plus de 114 millions d’euros), cofinancé par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Agence française de développement. En 2014, les premiers navires accosteront sur les quais du port en eau profonde de Kribi. D’autres grands chantiers seront livrés. C’est peut-être l’année de l’accélération de la croissance que le pays et ses partenaires appellent de tous leurs vœux. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

P

our la première fois de son hisLes bonnes nouvelles du marché des toire, le Cameroun dispose d’un services ne font pas oublier les efforts Parlement bicaméral. Élus le nécessaires au développement de l’indus14 avril 2013, les sénateurs ont inauguré trie. Le secteur des hydrocarbures fait leur première législature et choisi un l’objet d’une attention particulière, d’auancien vice-Premier ministre de 79 ans, tant que ses perspectives de production Marcel Niat Njifenji, comme président resteront limitées à moyen terme. Dans de la chambre haute. Cette élection a les prochaines années, il faut s’attendre à permis de combler un vide institutionnel voir le pays développer les activités dans qui durait depuis l’adoption, en 1996, de l’aval de la filière, à l’instar du plan de l’actuelle Constitution, qui fait du prémodernisation et d’extension de la Société sident du Sénat le successeur du chef de nationale de raffinage (Sonara). En 2015, à l’État. L’Assemblée nationale a elle aussi l’issue des travaux, dont le coût est estimé été renouvelée, le 30 septembre, par des à 579,3 millions d’euros, la capacité de législatives organisées conjointement production de la raffinerie de Limbé (ouest avec un scrutin municipal. Si cette année du pays) devrait doubler pour passer à électorale n’a pas donné lieu à un profond 4 millions de tonnes par an. renouvellement de la classe politique, elle aura eu le mérite d’insuffler le sang LIQUÉFACTION. L’autre grand chantier neuf dont le pays a besoin pour se donconcerne la valorisation du potentiel ner plus de vigueur sur les chantiers du gazier, dont les réserves s’élèveraient à développement. 157 milliards de mètres cubes. Filiale de En effet, avec une croissance de 4,6 % la Société nationale des hydrocarbures en 2012, selon le Fonds monétaire (SNH) et du français GDF Suez, Cameroon international (FMI), le Cameroun a été LNG achève la construction de son unité moins dynamique que ses voisins et de liquéfaction dans la ville portuaire que l’Afrique subsaharienne dans son de Kribi, pour un investissement global ensemble (4,9 %). En estimé à près de 4 mil2013, la croissance est liardsd’euros.Lechantier restée stable à 4,6 %, au comprend la construcYAOUNDÉ niveau de la moyenne tion d’un gazoduc sousCOMPTE SUR de la Communauté écomarin long de 270 km qui nomique et monétaire les premières LE DYNAMISME permettra de l’Afrique centrale livraisons de gaz naturel (Cemac), alors que le liquéfié (GNL) en 2018. DU SECTEUR PIB de la Communauté Le Cameroun poursuit DES SERVICES. par ailleurs la construcéconomique des États de l’Afrique centrale (Ceeac) tion d’un réseau hydroa, lui, progressé de 5,1 % électrique, mettant ainsi environ. en valeur un potentiel estimé à 20 GW Pour 2014, Yaoundé espère glaner (le deuxième du continent après la quelques points de croissance grâce RD Congo), dont il n’exploite que 6 %… notamment au dynamisme du secteur mais qui lui fournit déjà 95 % de son élecdes télécommunications. Le lancement tricité. Ouvrage phare du programme, le attendu d’un troisième opérateur mobile barrage réservoir de Lom Pangar (30 MW), – la licence a été attribuée au vietnasur le fleuve Sanaga, devrait être livré mien Viettel – va non seulement créer des fin 2014-début 2015. Le chantier, dont emplois, mais aussi, peut-être, favoriser Electricity Development Corporation est le maître d’œuvre, a été confié à China une baisse du prix des communications International Water & Electric Corporation souhaitée par les consommateurs.

TCHAD

NIGERIA

CONGO

CAMEROUN EN QUÊTE DE VIGUEUR


CENTRAFRIQUE

CENTRAFRIQUE AU BORD DU GOUFFRE

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

CAMEROUN

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

SOUDAN DU SUD

Berberati Bangui

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO CONGO

300 km

n Superficie 622 980 km2 n Population 4,5 millions d’hab. n Croissance démographique 1,99 % n Population urbaine 39,3 % n Espérance de vie 49,1 ans n Alphabétisation 55,99 % n Indice de développement humain IDH 0,352 Rang 180e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 439 $ n Inflation 3,5 % n Investissements directs étrangers 71 millions de $ n Balance commerciale — 120 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

2,2

2,2

2,1

2,2

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,3

4,1

– 14,5

0,2

2011

2012*

2013*

2014*

heures de la prise de Bangui. Le programme Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) va-t-il peser davantage que depuis sa mise en place en 2009? Son renforcement incombe à Jean-Jacques Demafouth, vice-président du comité de pilotage – et ancien ministre de la Défense d’Ange-Félix Patassé. Une étape primordiale pour créer un environnement sécuritaire propice à la tenue des élections. Et éviter un nouveau cycle de violence. n 145

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

A

près un énième coup d’État, la La transition politique, dont le cadre a République centrafricaine a touété défini à Libreville et à N’Djamena, a ché le fond et joue sa survie. Le pour mission de mener à l’organisation 10 décembre 2012, la Séléka, une coad’élections générales début 2015. Mais lition hétéroclite de groupes rebelles, beaucoup de questions restent en suspens. lance une offensive contre le régime du La principale concerne la participation président François Bozizé. Sous la presde Michel Djotodia à ce scrutin. Selon sion des chefs d’État d’Afrique centrale, les accords réglant la transition, lui et les rebelles acceptent dans un premier les membres du gouvernement d’union temps de s’asseoir à la nationale ne peuvent être table des négociations, à candidats. Et si Djotodia DANS LA Libreville, en janvier 2013. a plusieurs fois déclaré Un accord politique sur la qu’il respecterait cette PLUPART DES formationd’ungouvernecondition, certains ment d’union nationale doutent qu’il tienne PROVINCES, parole. est trouvé. Mais, reproIL N’Y Mais pour pouvoir chant au président Bozizé envisager des élections, de ne pas en respecter A PLUS NI il faudra restaurer la les termes, la Séléka reprend son offensive sécurité et l’État de droit. POLICE NI en mars. Bangui, la capiCar la dissolution de la TRIBUNAUX. tale, tombe le 24 mars : Séléka, décidée en sepMichel Djotodia, chef tembre par le président de la coalition rebelle, de la transition, n’a en s’autoproclame président et suspend la rien pacifié le pays. Pour y parvenir, les nouvelles autorités pourront compter Constitution. Le 13 avril, il est élu président sur l’appui de la communauté internade la République par le Conseil national tionale et des États d’Afrique centrale, de transition et, dans la foulée, reconnu par ses pairs d’Afrique centrale. dont l’engagement s’est considérablement accru au fil des mois. Une résolution des ABANDONNÉ. Depuis, la Centrafrique Nations unies a ainsi permis de renforcer sombre. Sur tous les plans (humanitaire, la Mission internationale de soutien à la sécuritaire, économique), la situation est Centrafrique (Misca) et de densifier la catastrophique. Pendant la crise, les étranprésence militaire française. gers ont largement abandonné la capitale, Le plus urgent est de rétablir les capacilaissant derrière eux leurs employés de tés de la police et de la gendarmerie et de maisonauchômage.Nombred’entreprises regrouper les éléments de la Séléka, qui ont mis la clé sous la porte ou réduit la terrorisent et dépouillent la population. voilure.L’Unioneuropéenne(UE)setrouve Le démantèlement des barrages sur la quasiment seule à assurer le financement route menant au Cameroun donnera les des actions humanitaires. moyens aux agents des douanes de préleLes nouvelles autorités dirigent un pays verlesrecettesfiscales.LeFondsmonétaire d’où l’État est quasiment absent. C’était international (FMI) en a fait un préalable déjà le cas avant l’offensive de la Séléka, à son retour dans le pays et à la remise en c’est pire aujourd’hui… La structure admiœuvre d’un programme d’appui. nistrative civile s’est effondrée. Dans la pluAutrechantierindispensableàlareconspart des provinces, il n’y a plus ni police ni truction : l’intégration des troupes de la tribunaux. Les documents officiels ont été Séléka dans la police et la gendarmerie et détruits, et les Centrafricains considèrent la démobilisation des hommes qui se sont que la mémoire de la nation a été effacée. greffés à l’ex-rébellion dans les dernières

SOUDAN

TCHAD


CONGO

146

CAMEROUN 200 km

CONGO

GABON Pointe- Brazzaville RÉPUBLIQUE Noire DÉMOCRATIQUE DU CONGO

CABINDA (Angola)

n Superficie 342 000 km2 n Population 4,3 millions d’hab. n Croissance démographique 2,61 % n Population urbaine 64,1 % n Espérance de vie 57,8 ans n Alphabétisation 83,8 % n Indice de développement humain IDH 0,534 Rang 142e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 3 384 $ n Inflation 5,1 % n Investissements directs étrangers 2 758 millions de $ n Balance commerciale 6 300 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

14,4

13,7

14,3

14,1

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,4

3,8

5,8

4,8

2011*

2012*

2013*

2014*

candidat, en misant notamment sur ses réalisations. L’annonce, en août, du lancement en 2015 de la « municipalisation accélérée » dans la Bouenza et la Sangha, qui permettra de boucler avant la présidentielle la boucle de ce programme destiné à moderniser les départements, n’est-elle pas une manière de souligner les efforts des autorités pour transformer le pays et ainsi de conquérir l’électorat ? n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

E

n 2013, le Congo affiche quelques première, et un défi ! Car, face au risque bons résultats économiques. La de renforcement de la part des induscroissance, estimée à 5,8 % par le tries extractives dans le PIB, les autorités Fonds monétaire international (FMI), n’ont d’autre choix que de mettre en s’appuie sur le pétrole – même si la proœuvre une politique de diversification et d’industrialisation. D’où un train de duction est passée de 114 millions de mesures lancées pour améliorer le clibarils en 2010 à 92 millions en 2012 –, mat des affaires et renforcer le tissu de les activités forestières, les transports, les PME-PMI locales. télécoms et la poursuite du programme d’investissements publics. En février, le pays a été déclaré conforme à l’Initiative MANDAT. Sur le plan politique, les débats pour la transparence dans les industries ouverts en 2013 sur une éventuelle modiextractives (Itie). Confortées par ces sucfication de la Constitution devraient cès, les autorités ont soumis, en juin et s’intensifier. Si Denis Sassou Nguesso juillet, leur économie à l’appréciation reste très discret sur ses intentions, ses de trois agences de notation. Ce tableau partisans ont déjà avancé trois arguments comporte toutefois une ombre, puisque en faveur d’une révision du texte, qui le Congo occupe la 185e place sur 189 interdit au président sortant de briguer dans le classement « Doing Business » un troisième mandat. Lors de l’élection de 2014 de la Banque mondiale. 2009, tous les candidats s’étaient – pour En vue des prochains scrutins, un des raisons très diverses – prononcés recensement administratif a été lancé en ce sens. en juillet pour mettre à jour le fichier La Constitution de 2002 étant verélectoral. Une mesure prise à la suite de rouillée par l’article 185, il faudra passer la concertation politique par un changement de de Dolisie, tenue en mars régime (de présidentiel en l’absence de l’Union LE PRÉSIDENT à semi-présidentiel), panafricaine pour la puis par un référenRESTE DISCRET dum. Si la réforme est d é m o c rat i e s o c i a l e (Upads, dont le congrès, menée à bien, le texte ne SUR SES en juin, a porté Pascal devrait plus comporter Tsaty Mabiala à sa tête). de clause limitative du INTENTIONS Sur le plan diplomanombre de mandats, et POUR 2016. tique, l’année 2013 a vu certaines restrictions, Denis Sassou Nguesso, comme celle de la limite le chef de l’État congod’âge, qui empêchaient lais, intervenir en tant que médiateur quelques personnalités de l’opposition en République centrafricaine et en de se présenter en 2016, devraient être RD Congo, avec des résultats toutefois assouplies. jugés mitigés. Il a en outre accueilli le Mais pour l’opposition, notamment président chinois, Xi Jinping, en mars, l’Upads et l’Alliance pour la République et son homologue ivoirien, Alassane et la démocratie (ARD, que préside Ouattara, en juin. Mathias Dzon), pas question de touQuelles perspectives pour 2014 ? cher à la Constitution. Reste à savoir Côté économie, les projections du FMI si la population la suivra sur ce point. tablent sur une croissance de 4,8 %. Le Seuls les résultats des locales prévues pays entrera dans le cercle des États fin 2013 – si ces dernières se déroulent miniers avec le début de l’exploitation du dans la transparence – pourront le dire. gisement de fer de Mayoko-Lékoumou Nul doute que le pouvoir fourbit ses par le groupe sud-africain Exxaro. Une armes pour positionner au mieux son

RÉP. CENTRAF.

Océan Atlantique

CONGO LA CONSTITUTION EN DÉBAT


RD CONGO

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

GABON

GO

RÉP. SOUDAN CENTRAFRICAINE DU SUD

CON

Kisangani Goma OUGANDA

RWANDA

RÉPUBLIQUE BURUNDI DÉMOCRATIQUE DU CONGO TANZANIE

Kinshasa

400 km

Lubumbashi

ANGOLA

ZAMBIE

MALAWI

n Superficie 2 344 860 km2 n Population 65,7 millions d’hab. n Croissance démographique 2,74 % n Population urbaine 34,8 % n Espérance de vie 48,7 ans n Alphabétisation 66,8 % n Indice de développement humain IDH 0,304 Rang 186e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 1 192,50 francs congolais 1 $ = 903,22 francs congolais n PIB par habitant 261 $ n Inflation 6,4 % n Investissements directs étrangers 3 312 millions de $ n Balance commerciale 1 100 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

15,8

17,2

18,6

20,3

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

6,9 2011

7,2 2012*

6,2 2013*

10,5 2014*

Seko, enterré à Rabat (Maroc), et celui de Moïse Tshombe, inhumé en Algérie, soient rapatriés, « en accord avec leurs familles respectives ». À ceux qui craignent une modification en douceur de l’article 220 de la Constitution pour lui permettre de briguer un troisième mandat en 2016, Joseph Kabila a assuré qu’il respecterait « la lettre et l’esprit de la Constitution dans son ensemble ». n 147

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

e pays s’est « matatisé », comme on plustôtparlacommunautéinternationale, dit à Kinshasa. Le Premier ministre, États-Unis et Grande-Bretagne en tête, sur Augustin Matata Ponyo, a tenté de le Rwanda, lui demandant de cesser tout le remettre sur les rails dès son arrivée à soutien à la rébellion du M23. La diplola tête du gouvernement congolais, en matie congolaise en a aussi profité pour mai 2012. Partisan d’une politique de rallier de nouveaux pays à sa cause. Sous rigueur, cet ancien ministre des Finances l’impulsion de Ban Ki-moon, le secrétaire (2010-2012) a permis à la RD Congo de général des Nations unies, onze États de consolider son cadre la région ont signé, le 24 février, l’accord-cadre macroéconomique. Le taux d’inflation est passé LES REBELLES d’Addis-Abeba dans de 23,5 % en 2010 à 4,4 % lequel ils se sont engaDU M23 ONT en 2013, selon le Fonds gés à « ne pas tolérer ni monétaire international porter assistance ou souÉTÉ DÉFAITS (FMI). Et, à en croire les tien à aucune forme de prévisions de l’institugroupes armés » sur le sol SUR LE tion, le taux de croissance congolais. Un mois plus TERRAIN. atteindra 6,2 % en 2013. tard, l’ONU décidait de Un bémol néanmoins: l’envoi d’une brigade de l’opacité décriée dans la 3000 hommes pour aider signature de certains contrats miniers. Le les FARDC à « traquer et à neutraliser tous FMI a dû suspendre, en novembre 2012, les groupes armés dans l’est du pays ». son prêt de 430 millions d’euros au pays. En retour, la communauté internationale Un nouveau programme reste cependant exigeait des autorités congolaises qu’elles en discussion entre les deux partenaires. engagent des réformes et qu’elles proEn attendant, malgré les efforts du meuvent « la réconciliation, la tolérance gouvernement, les prouesses éconoet la démocratisation ». miques accomplies n’ont pas encore assez Le 4 septembre 2013, Joseph Kabila de répercussions sur la vie quotidienne ouvraitles«concertationsnationales»pour des Congolais. Le pays ferme la marche – officiellement – « renforcer la cohésion » du classement mondial sur l’indice de autour des institutions face aux groupes développement humain publié par le armés.Maiscertainspartispolitiques,dont Programme des Nations unies pour le l’Union pour la démocratie et le progrès développement (Pnud) en mars 2013. social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi et l’Union pour la nation congolaise (UNC) PRESSIONS. La situation sécuritaire, elle, de Vital Kamerhe (deux candidats mals’est nettement améliorée dans la partie heureux à la dernière présidentielle), ont est du pays. Les rebelles du Mouvement boudé l’événement, faute d’avoir obtenu du 23-Mars (M23) ont finalement été des garanties suffisantes du pouvoir. défaits, le 5 novembre 2013, sur le terrain. À l’issue de ces concertations, Joseph Les troupes de la brigade d’intervention Kabila a annoncé un « nouveau départ » des Nations unies, déployées dans le pour la RD Congo. Le chef de l’État a Kivu, ont appuyé les Forces armées de la pris plusieurs mesures, notamment RD Congo (FARDC) dans la reconquête la formation d’un « gouvernement de du territoire national. Dans la foulée, plucohésion nationale », ouvert aussi bien sieurs autres milices locales ont accepté aux membres de la majorité et de l’opde déposer les armes. position qu’à des représentants de la Mais le succès militaire des FARDC société civile. Réconciliation nationale est surtout la conséquence des pressions oblige, il a également souhaité que le diplomatiques exercées quelques mois corps du défunt président Mobutu Sese

TCHAD

Océan Atlantique

RD CONGO UN NOUVEAU DÉPART?


GABON

CAMEROUN GUINÉE ÉQUATORIALE Océan Atlantique

Port-Gentil

P

our le président Ali Bongo Inadapté, l’enseignement public nourrit Ondimba, la route vers l’émerle chômage, qui touche 30 % des moins de gence – l’un des leitmotivs de sa 30 ans, et les instruments de lutte contre campagne pour la dernière présidenla corruption peinent à être véritablement tielle – reste semée d’embûches, mais efficaces. Les carences structurelles du Gabon ont la vie dure. Et la psychose son tracé se précise. Élu en 2009, il a fêté, provoquée par la recrudescence des en octobre, ses quatre ans au pouvoir. crimes rituels en 2013 empoisonne un Si le virulent opposant Bruno Ben peu plus le climat. « Mal-gouvernance Moubamba vaticinait en novembre 2013: généralisée », dénonce une partie de la « La fin de l’État-PDG [Parti démocratique société civile. « Résistances d’un sysgabonais] est pour bientôt », le déclin de la tème difficile à réformer », pondèrent formation présidentielle – hégémonique les experts internationaux. au Parlement à la suite du boycott par l’opposition des législatives de 2011 – n’est pas pour demain. Après le test des ZONE FRANCHE. Ceux des institutions sénatoriales de 2015, l’heure de vérité économiques notent, eux, les progrès sonnera en 2016, année des batailles accomplis. Attendue à 6,6 % en 2013, la présidentielle et législative. croissance conservera un niveau souLa magistrature suprême suscite des tenu en 2014. Facilitation de l’octroi de ambitions qui attisent les rivalités au permis de construire et de la création sein d’une opposition fragmentée et d’entreprise : dans le classement « Doing fragilisent la coalition présidentielle. À Business » de la Banque mondiale, le pays la tête de celle-ci, le PDG tente de se est passé de la 170e place en 2013 à la 163e rénover. D’anciens barons ont été écar(sur 189 pays) pour 2014. À Angondjé, tés de l’exécutif. Mais les près de la capitale, des résistances sont fortes. centaines de logements L’HEURE Du côté de l’opposiont fini par s’élever, et la tion, les états-majors majorité des terrains de DE VÉRITÉ vieillissent, les relèves la zone franche de Nkok peinent à s’imposer, et sont réservés. SONNERA EN les nouvelles formations Encore très présente, 2016, ANNÉE à mobiliser. la France a néanmoins Pour le chef de perdu sa mainmise sur le DU SCRUTIN l’État, les défis restent marché. Le Gabon diverà la mesure des engaPRÉSIDENTIEL. sifie ses partenaires. gements : colossaux. Des Turcs construisent Livraison de milliers de à Angondjé, mais ce sont logements, afflux d’entreprises étrandes Indiens qui réalisent les infrastrucgères : 2013 devait être l’année des pretures à Nkok, sous la supervision du mières concrétisations, elle a été celle singapourien Olam. des grands retards. « Nous progressons Autre priorité, la valorisation des resdans de nombreux domaines. Mais sources brutes. Reprise par le groupe nous sommes loin de nos objectifs », mauricien IBL, l’usine de transformation concédait Ali Bongo Ondimba en fin de poisson de Libreville redémarre fin d’année. Un réalisme auquel répond 2013. À Port-Gentil, des Coréens vont construire une raffinerie de pétrole dont le scepticisme des classes populaires les deux tiers de la production seront confrontées aux difficultés du quotiexportés. dien. Les infrastructures font défaut, le Malgré la diversification, la prétraitement des déchets est en faillite, éminence des hydrocarbures dans les services de santé sont insuffisants. 148

Libreville

GABON Franceville

CONGO 100 km

n Superficie 267 670 km2 n Population 1,6 million d’hab. n Croissance démographique 2,39 % n Population urbaine 86,5 % n Espérance de vie 63,1 ans n Alphabétisation 88,38 % n Indice de développement humain IDH 0,683 Rang 106e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 12 411 $ n Inflation 2,7 % n Investissements directs étrangers 702 millions de $ n Balance commerciale 8 300 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

18,8

18,4

20

21,1

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

7,1

5,6

6,6

6,8

2011*

2012*

2013*

2014*

l’économie a de beaux jours devant elle : en octobre 2013, le onzième appel d’offres pour l’attribution de 42 blocs pétroliers offshore a été un succès. Le gouvernement table sur une production nationale de 500 000 barils par jour d’ici à sept ans. Une manne qui profitera au prochain président. Si Ali Bongo Ondimba veut être celui-là, il sait qu’il lui faudra apporter en 2014 des réponses convaincantes aux problèmes de la population. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

GABON LA LONGUE ROUTE VERS L’ÉMERGENCE


PAZ

GUINÉE ÉQUATORIALE MAUVAISE PRESSE

E

n octobre 2013, à Malabo, une Mais la baisse de la production de brut exposition d’objets ayant appar(passée de 358 000 barils par jour en 2006 tenu eu défunt « roi de la pop » à 304000 b/j en 2012) pèse sur l’économie. Michael Jackson était inaugurée par le Elle a entraîné un recul des investisseprésident de la République en personne, ments massifs dans le BTP, qui portaient la Teodoro Obiang Nguema croissance ces dernières Mbasogo. La pièce maîannées. Conséquence : tresse, un gant incrusté est négative IL EST URGENT laencroissance de pierres précieuses, 2013 (– 2,1 %), selon le avait été achetée en Fonds monétaire interD’AMÉLIORER national (FMI). 2010 pour 200000 dollars LE CLIMAT La bonne tenue des (plus de 150 000 euros) recettes des hydrocarpar Teodoro Nguema DES AFFAIRES: bures permet néanObiang Mangue, deuxième vice-président du moins au gouvernement PLUSIEURS pays et héritier présompde continuer de finanENTREPRISES tif de son père. cer de grands travaux La Guinée équatoriale d’infrastructures dans MENACENT les transports et l’éleca un problème d’image tricité. Ainsi, un accord qu’elle essaie de soiDE QUITTER gner… avec un succès a été conclu en octobre LE PAYS. très relatif. Il en va de avec un consortium de l’exposition comme de sociétés chinoises pour la création, à l’Unesco, l’électrification des villes, du prix Obiang pour la recherche en pour un montant de 1 milliard de dollars. sciences de la vie, doté de 3 millions de Dans les cartons de la présidence, des dollars et torpillé par les ONG : les inimaquettes préfigurent le pays dans les tiatives des autorités de Malabo finissent dix prochaines années. souvent par se retourner contre elles. Aucune n’est en tout cas parvenue à REDISTRIBUTION. Comme d’autres États faire oublier les ennuis judiciaires, en pétroliers du continent, la Guinée équaFrance, de Teodoro Nguema Obiang toriale est confrontée à un problème de Mangue, poursuivi notamment pour redistribution de la richesse nationale. recel et blanchiment. Le combat des années à venir consistera à réduire la pauvreté de manière signifiBRUT. Le pays ne manque pourtant pas cative. L’une des clés pour y parvenir est, d’arguments susceptibles de lui assuselon le FMI, de développer le secteur rer la meilleure des communications. privé – créateur de richesse et pourvoyeur Son potentiel touristique est l’un des d’emplois –, encore embryonnaire. atouts sur lesquels le gouvernement Malabo doit également repenser sa pourrait s’appuyer. Mais il n’est pas le gouvernance et améliorer le climat des seul. Cinquième producteur de pétrole affaires. En effet, en 2013, plusieurs entred’Afrique subsaharienne, la Guinée équaprises ont menacé de quitter le pays, toriale a affiché un taux de croissance à dont le groupe bancaire français Société deux chiffres pendant plus d’une décengénérale, qui détient 52,24 % de Société nie (près de 44 % de moyenne annuelle générale de banques en Guinée équatoentre 1996 et 2005) et un PIB par habitant riale (SGBGE, deuxième établissement du autour de 20 000 euros – même si, dans pays). L’édition 2014 du rapport « Doing les faits, plus de la moitié de la population Business » de la Banque mondiale classe vit en dessous du seuil de pauvreté. le pays au 166e rang sur 189 (un déclin JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Malabo

CAMEROUN

BIOKO Bata

GUINÉE ÉQUATORIALE

Océan Atlantique

GABON 50 km

n Superficie 28 050 km2 n Population 736 296 habitants n Croissance démographique 2,8 % n Population urbaine 39,6 % n Espérance de vie 51,4 ans n Alphabétisation 93,94 % n Indice de développement humain (2012) IDH 0,554 Rang 136e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 32 506 $ n Inflation 4,5 % n Investissements directs étrangers 2 115 millions de $ n Balance commerciale 7 500 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

16,6

17,7

17,1

16,4

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4,6

5,3

– 1,5

– 1,9

2011*

2012*

2013*

2014*

progressif : il occupait la 155e place en 2012 et la 162e en 2013). La Guinée équatoriale est en outre incitée à améliorer son cadre politique pour permettre l’expression de toutes les sensibilités et lever les limitations concernant la participation de la société civile. Ainsi parviendra-t-elle à obtenir son admission à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). n 149

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

GUINÉE ÉQUATORIALE


SAO TOMÉ E PRÍNCIPE

PRÍNCIPE

São Tomé

SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE

A

vec ses 960 km2, l’archipel de São (ADI), avait remporté d’une courte Tomé e Príncipe est à peine plus tête (26 sièges sur 55) les législatives de 2010. Il était évident que la cohabigrand que le plus petit État du tation entre Trovoada et Pinto da Costa continent, les Seychelles. En attendant ne pouvait être de tout repos. D’autant le début – plusieurs fois annoncé – de que le père du premier, l’exploitation de l’or Miguel Trovoada, avait noir, dont les réserves LE DÉBUT DE sont estimées à plus de été le Premier ministre 11 milliards de barils, second entre 1975 L’EXPLOITATION du c’est le royaume du et 1979, année où il fut cacao, première source emprisonné (pour près DES de revenus du pays. de deux ans)… avant 11 MILLIARDS d’être lui-même élu Dans le même temps, la dépendance vis-à-vis président, en 1991. DE BARILS de l’aide extérieure, qui Les prochaines élections législatives contribue à hauteur de DE RÉSERVES auront lieu en 2014. 90 % à son budget, n’a EST ANNONCÉ Permettront-elles à cessé d’augmenter. Et les l’une ou l’autre des deux tiers de la populaDEPUIS… formations politiques tion de cette ancienne colonie portugaise de bénéficier d’une 1997. vivent en dessous du majorité confortable à l’Assemblée ? C’est le seuil de pauvreté. Malgré tous ses handicaps, São Tomé e Príncipe souhait de chacun, car les crises à répéa réussi l’exploit de quasiment éradiquer tition peuvent hypothéquer les réformes le paludisme et d’améliorer la salubrité dont l’archipel a besoin pour amorcer publique. Résultat : l’espérance de vie un tournant décisif. s’est allongée. Afin de sortir la population de la pauvreté, tous les regards sont tournés LIMOGEAGE. Depuis l’instauration du vers la zone pétrolière (offshore), dont multipartisme, en 1990, les chefs d’État l’entrée en production est annoncée successifs, dont les pouvoirs sont limidepuis… 1997. On a pu croire qu’elle tés, ont manifesté un réel respect de la allait débuter en 2014, mais elle ne sera Constitution. Au terme de leurs mandats en fait lancée à grande échelle qu’en (deux au maximum), ils n’ont pas cher2016. La manne ainsi récoltée permettra ché à s’accrocher au pouvoir et se sont d’abord au gouvernement d’améliotoujours soumis au suffrage universel. rer le quotidien de la population. Elle C’est ainsi que le petit archipel a connu modifiera également le statut de São l’alternance et même vu, depuis 2011, Tomé e Príncipe, qui deviendra un pays le retour à la tête du pays – après deux à revenu intermédiaire. À condition, tentatives infructueuses en 1996 et 2001 – toutefois, que les ressources générées de Manuel Pinto da Costa, qui avait déjà par l’or noir soient bien gérées et bien été président de la République de 1975 redistribuées. Ce qui nécessite une réelle (année de l’accession à l’indépendance) volonté politique. à 1990. SECTEUR PRIVÉ. Les capacités des En novembre 2012, São Tomé e Príncipe a néanmoins connu des teninstitutions doivent également être renforcées. Il faut développer les ressions, à la suite du limogeage du Premier ministre, Patrice Trovoada. Son parti, sources humaines et favoriser l’émerl’Action démocratique indépendante gence d’un secteur privé efficace. Les 150

SÃO TOMÉ Océan Atlantique 5 km

n Superficie 960 km2 n Population 188 098 habitants n Croissance démographique 2,65 % n Population urbaine 63,4 % n Espérance de vie 64,9 ans n Alphabétisation 89,19 % n Indice de développement humain IDH 0,525 Rang 144e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 24 234,90 dobras 1 $ = 18 356 dobras n PIB par habitant 1 486 $ n Inflation 9,5 % n Investissements directs étrangers 50 millions de $ n Balance commerciale — 121 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

0,3

0,3

0,2

0,4

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4,9

4

4,5

5,5

2011*

2012*

2013*

2014*

autorités s’y attellent, avec le soutien de leurs partenaires internationaux tels que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque africaine de développement (BAD) ou encore l’Union européenne. Du succès de toutes les actions menées jusqu’à ce jour dépend l’avenir du pays : lendemains qui chantent ou, au contraire, qui déchantent. Le chemin est encore long et les handicaps nombreux. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

SAO TOMÉ E PRÍNCIPE EN ATTENDANT L’OR NOIR


TCHAD

TCHAD MI-FIGUE MI-RAISIN NIGER

BOYCOTT. L’année 2014 sera marquée par

Lac Tchad

N'Djamena NIGERIA 400 km

Moundou CAM.

RÉP. CENTRAFRICAINE

n Superficie 1 284 000 km2 n Population 12,4 millions d’hab. n Croissance démographique 3 % n Population urbaine 21,9 % n Espérance de vie 49,9 ans n Alphabétisation 34,47 % n Indice de développement humain IDH 0,340 Rang 184e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 655,96 francs CFA 1 $ = 496,80 francs CFA n PIB par habitant 1 076 $ n Inflation 7 % n Investissements directs étrangers 323 millions de $ n Balance commerciale 1 900 milliards de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

12,2

12,9

13,6

15,7

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

0,1 2011*

8,9

3,9

10,5

2012*

2013*

2014*

l’occasion rêvée de donner un coup d’accélérateur à la modernisation du pays et de réduire la pauvreté, qui touche de larges couches de la population. Aujourd’hui, si on peut relever un effort quant à la constructiond’uncertainnombred’infrastructures, la manne pétrolière, estimée à quelque 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros) par an, ne profite pas encore à la majorité des 11,5 millions de Tchadiens. Un défi de plus pour le gouvernement. n 151

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR) et à l’époque porteparole de la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC).Une demande rejetée à une écrasante majorité par les parlementaires.

la tenue des premières élections départementales et régionales de l’histoire du pays. Une date est même déjà arrêtée : le 27 novembre. À cet effet, une Commission électorale nationale indépendante (Ceni) paritaire devra être créée. Elle comprendra 17 membres issus de la majorité, 17 de l’opposition et 6 de la société civile. Un problème se posera sans doute, celui de la collaboration de l’opposition. D’autant plus qu’une grande partie boycotte le Cadre national pour le dialogue politique (CNDP), mis en place en 2013 par le gouvernement. L’instabilité gouvernementale figure également parmi les défis à relever. À N’Djamena, les Premiers ministres ne restent jamais longtemps à leur poste, exception faite d’Emmanuel Nadingar, qui GROUPUSCULE. Sur le plan intérieur, le a tenu le cap de mars 2010 à janvier 2013. mois de mai a été marqué, contre toute Mais son successeur, Joseph Djimrangar attente, par une vague d’arrestations. Alors Dadnadji, a démissionné le 21 novembre que l’action du président 2013etaétéremplacépar au Mali bénéficiait du l’économiste Kalzeubet soutien sans réserve de PahimiDeubet.Enmoins AU SOMMET l’opposition, le pouvoir d’un an, son gouverneDE L’ÉTAT, a annoncé, début mai, ment avait été remanié… qu’un « groupuscule » se neuf fois. À l’origine de LA VALSE préparait à déstabiliser cette valse des ministres, le gouvernement. Deux MINISTÉRIELLE une crise profonde entre généraux ainsi que deux la classe politique et le SE POURSUIT. chef de l’État. Idriss Déby députés, Saleh Makki (opposition) et Mahamat Itno croit en effet que ses Malloum Kadre (du parti collaborateurs ne sont présidentiel, le Mouvement patriotique du motivés que par l’enrichissement. Jusqu’à salut), ont alors été arrêtés. Des journaquand cela va-t-il durer ? Bien malin qui listes ont également été interpellés pour pourra le dire. Par ailleurs, dix ans après le début de la « atteinte à l’ordre institutionnel ». L’affaire est allée plus loin puisque le production et de l’exportation du pétrole, gouvernement a demandé la levée de il est possible de tirer un premier bilan. l’immunité parlementaire de deux autres Le lancement, en 2003, de cette activité députés, dont Saleh Kebzabo, leader de lucrativeapparaissaitpourcertainscomme JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

TCHAD SOUDAN

L’

année 2013 a été particulière au Tchad. On pourrait dire mi-figue mi-raisin.LeprésidentIdrissDéby Itno a renforcé sa stature en envoyant son armée en première ligne au Mali. Ce geste de soutien à un pays africain menacé dans son existence en tant qu’État a été apprécié à sa juste valeur par ses pairs du continent. En République centrafricaine, au contraire, N’Djamena, dont on connaît le rôle dans le renversement d’Ange-Félix Patassé par François Bozizé, en 2003, s’est bien gardé d’intervenir. Idriss Déby Itno a laissé tomber son allié d’hier au profit d’un nouveau venu, Michel Djotodia, qui, à la tête d’une coalition baptisée Séléka, a renversé Bozizé en mars 2013. Mais, au vu de la dégradation de la situation à Bangui et de l’impuissance de Djotodia, le président tchadien est de ceux qui doivent, dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (la Ceeac, qui a tenu un sommet extraordinaire dans la capitale tchadienne le 22 octobre), trouver des solutions pour stabiliser la Centrafrique

LIBYE


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AFRIQUE DE L’EST

BURUNDI 155 DJIBOUTI 156 ÉRYTHRÉE 157 ÉTHIOPIE 158 KENYA 159 OUGANDA 160 RWANDA 161 SOMALIE 162 SOUDAN 163 SOUDAN DU SUD 164 TANZANIE 154

Providentiels, vraiment?

A

rrivés au pouvoir à la fin des années 1980 et au début des années 1990, ils formaient une nouvelle génération porteuse d’espoirs. Yoweri Museveni succédait aux dictatures de Milton Obote et d’Idi Amin Dada, Mélès Zenawi renversait Mengistu Haile Mariam, Paul Kagamé s’imposait à la tête du Rwanda après l’un des pires génocides de l’histoire africaine… Une vingtaine d’années ont passé, et les institutions de Bretton Woods louent encore ces dirigeants ayant LIBYE

ALGÉRIE

relancé leurs économies. Mieux, les Occidentaux soutiennent la plupart d’entre eux, considérés comme des alliés dans la guerre contre le terrorisme. Le chaos somalien, qui a trouvé à s’exporter en Ouganda et au Kenya, explique pour partie un certain laisser-faire en matière de droits de l’homme. Pour l’Afrique de l’Est, le défi des années à venir sera sans doute de sortir du piège de « l’homme providentiel » ayant tendance à s’accrocher au pouvoir et à verser dans l’autoritarisme. n ÉGYPTE ARABIE SAOUDITE

Port-Soudan MALI

NIGER

SOUDAN TCHAD

Kassala ÉRYTHRÉE Massawa Asmara

Khartoum El-Obeid

BURKINA

Gondar

BÉNIN GHANA

NIGERIA

TOGO

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE CAMEROUN GUINÉE-ÉQUAT. GABON

Mer Rouge

SOUDAN DU SUD

YÉMEN

DJIBOUTI

Golfe d'Aden Djibouti Berbera Dirédaoua Hargeisa Addis-Abeba Harer Djimma

ÉTHIOPIE

Djouba

SOMALIE

Mogadiscio

OUGANDA KENYA

CONGO

Kampala Lac RÉPUBLIQUE Victoria RWANDA DÉMOCRATIQUE Kigali DU CONGO Bujumbura

Obbia

Kisumu

Kismayou

Nairobi

Océan Indien

Mombasa

BURUNDI TANZANIE

Dodoma

Zanzibar

Dar es-Salaam Mbeya

ANGOLA ZAMBIE 300 km

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

MOZAMBIQUE

153


BURUNDI

BURUNDI OPÉRATION DÉMINAGE

154

RWANDA TANZANIE RD CONGO

BURUNDI Bujumbura

Lac Tanganyika

100 km

n Superficie 27 830 km2 n Population 9,8 millions d’hab. n Croissance démographique 3,19 % n Population urbaine 11,2 % n Espérance de vie 50,9 ans n Alphabétisation 67,16 % n Indice de développement humain IDH 0,355 Rang 178e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 2 002,76 francs du Burundi 1 $ = 1 516,93 francs du Burundi n PIB par habitant 282 $ n Inflation 14,5 % n Investissements directs étrangers 1 million de $ n Balance commerciale — 629 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

2,4

2,5

2,7

2,9

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4,2

4

4,5

4,7

2011*

2012*

2013*

2014*

ceux qui ont été spoliés durant les années troubles. Le Burundi devra surtout revoir les conditions de l’exercice de la démocratie afin que les élections générales de 2015 soient transparentes et régulières, et d’éviter ainsi la répétition du scénario de 2010. Mais le débat est déjà lancé sur une éventuelle candidature de Pierre Nkurunziza, jugée anticonstitutionnelle par l’opposition. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L’

année 2013 aura été riche en montés au créneau pour exprimer leur événements dans ce petit pays mécontentement. Or la part de l’aide pris en étau entre la RD Congo, le extérieure dans le budget de l’État est Rwanda et la Tanzanie. Tout a commencé importante : 53,5 %. en mars, à l’occasion d’un forum réunisLes finances du pays se portent mal, sant le pouvoir et l’opposition organisé notamment à la suite de l’annulation à Bujumbura par le Bureau des Nations d’une aide de l’Union européenne (d’un unies au Burundi – bureau dont le goumontant de 14,5 millions d’euros), insvernement a, depuis, demandé la fercrite au budget 2012. Malgré le coup de meture, jugeant que sa présence n’était pouce d’autres partenaires, à l’instar de plus nécessaire. la Banque africaine de développement Objectif de ce forum : apaiser le cli(BAD) ou de la Banque mondiale, la situamat en vue des élections générales de tion économique reste préoccupante. 2015. Une démarche utile quand on sait En cause : les difficultés de financement qu’en 2010, après le retrait des principales du secteur privé et la corruption. À cet figures de l’opposition de la course à égard, le Burundi occupe la triste place la présidentielle, les craintes de voir le de douzième pays le plus corrompu au pays sombrer dans une nouvelle guerre monde, d’après l’ONG Transparency International. civile s’étaient multipliées. En exil depuis, plusieurs chefs de parti – parmi lesquels Alexis Sinduhije, du Mouvement pour la INCENDIE. Pour faire face aux difficultés solidarité et le développement (MSD), et attirer les investisseurs, les autorités et Pascaline Kampayano, de l’Union avaient rencontré, en octobre 2012 à pour la paix et le déveGenève, les bailleurs loppement (UPD) – sont de fonds, qui s’étaient JUGÉE engag és à inje cter rentrés au pays pour quelque 2 milliards participer à cette réuLIBERTICIDE, nion. Manquaient toud’euros pour permettre LA NOUVELLE tefois à l’appel Agathon la relance de l’économie. Rwasa, leader des Forces Une promesse restée, LOI SUR nationales de libération à ce jour, lettre morte. (FNL), revenu en août, et Le pays pouvait encore LA PRESSE Léonard Nyangoma, précompter sur l’Office MÉCONTENTE burundais des recettes sident du Conseil national pour la défense de (OBR) pour revoir ses LES revenus à la hausse. la démocratie (CNDD), toujours en exil. PARTENAIRES. Ma l h e u r e u s e m e n t , Puis en mai, la classe l’incendie, début 2013, politique burundaise du marché central de s’est retrouvée à Kayanza, à une cenBujumbura, qui constituait l’une de taine de kilomètres de la capitale, pour ses principales sources de revenus, a réfléchir aux améliorations possibles du conduit l’Office à revoir à la baisse ses code électoral avant les scrutins de 2015. ambitions. Contre toute attente, cette bonne Les défis à relever seront nombreux ambiance a été perturbée début juin dans les mois qui viennent. Ils vont de la par le président de la République, Pierre relance de l’économie à la mise en place Nkurunziza, qui a promulgué une loi sur de la Commission Vérité et Réconciliation la presse jugée liberticide. Les parteprévue dans les accords d’Arusha, en passant par la résolution de l’épineux pronaires du Burundi, par le biais de leurs blème des biens et des terres à restituer à ambassades à Bujumbura, sont alors

Lac Kivu


DJIBOUTI

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

DJIBOUTI

Golfe d'Aden

Djibouti

SOMALIE 30 km

n Superficie 23 200 km2 n Population 859 652 habitants n Croissance démographique 1,52 % n Population urbaine 77,1 % n Espérance de vie 58,3 ans n Alphabétisation 67,9 % n Indice de développement humain IDH 0,445 Rang 164e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 231,28 francs de Djibouti 1 $ = 175,17 francs de Djibouti n PIB par habitant 1 399 $ n Inflation 5 % n Investissements directs étrangers 100 millions de $ n Balance commerciale — 418 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

1,2

1,4

1,5

1,6

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4,5

4,8

5

6

2011*

2012*

2013*

2014*

seront dévolus à une marina, le pays étant dépourvu de terminal de croisière. Le petit État séduit de plus en plus les investisseurs. Pékin, notamment, semble être tombé sous le charme. Le fonds d’investissement China Merchants Holdings a ainsi fait une spectaculaire entrée dans le capital de l’Autorité des ports de Djibouti. En décembre 2012, il a acquis 23,5 % des parts pour 185 millions de dollars. n 155

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

Î

lot de stabilité dans une Corne de 2016, à travers la réalisation de quatre l’Afrique tourmentée par les conflits nouvelles infrastructures portuaires, la et les rivalités régionales, le pays construction d’une ligne de chemin de d’Ismaïl Omar Guelleh a connu en février fer desservant le nord de l’Éthiopie et la 2013 des législatives qui s’annonçaient rénovation de celle, historique (elle date à haut risque mais se sont finalement de 1917), reliant sur 780 km Djibouti à tenues sans heurts majeurs. Réunie Addis-Abeba. au sein de l’Union pour le salut natioEn chantier, le port minéralier de nal (USN), l’opposition participait à la Tadjourah devrait permettre, dès 2015, bataille électorale pour la première fois d’évacuer près de 4 millions de tonnes de potasse éthiopienne, acheminée depuis l’indépendance. Elle a décroché depuis le gisement géant de Mekele 10 sièges (sur 65) à l’Assemblée nationale, qui reste très largement dominée par le par la nouvelle ligne ferroviaire. Montant parti présidentiel. du projet : 600 millions Pas de quoi, donc, de dollars. Financé par modifier les grandes POTASSE, SEL, China Exim Bank à orientations du pays, hauteur de 50 millions BÉTAIL… LES d’euros, le terminal dépourvu de ressources d’exportation du sel naturelles mais doté PROJETS DE extrait du lac Assal est, d’une position géostratégique exceptionnelle. TERMINAUX SE lui, achevé à Goubet Sa façade maritime lui et devrait entrer en MULTIPLIENT. exploitation au milieu permet de contrôler Bab al-Mandab, porte d’endu deuxième semestre, trée de la mer Rouge et 2014. Les deux autres passage obligé pour les tankers qui transports en projet se situent à Damerjog. portent près du tiers de la consommation Le premier devrait servir à l’exportation pétrolière mondiale. D’où la présence de de quelque 5 millions de têtes de bétail bases militaires étrangères (française, vers la péninsule Arabique ; quant au américaine et japonaise), qui assurent second, il s’agit d’un terminal pétrolier au Trésor public des revenus annuels par où une partie de la production sudde l’ordre de 100 millions d’euros, réglés soudanaise (estimée à 500 000 barils par rubis sur l’ongle. jour) devrait transiter. Mais il en faut beaucoup plus pour lutter contre l’extrême pauvreté qui frappe HISTORIQUE. La réalisation de nouvelles un Djiboutien sur trois, malgré une croisinfrastructures n’exclut pas la rénovasance annuelle de 4,3 % en moyenne sur tion et la modernisation de celles qui les dix dernières années, dont 4,8 % en sont déjà en exploitation. Ainsi, le port 2012. La stratégie de développement à conteneurs de Doraleh devrait être du pays se fonde sur trois piliers : les étendu, et sa capacité de traitement pastélécoms, la finance (qui bénéficie d’une ser de 800 000 à 3 millions de conteneurs législation très attrayante) et le secteur par an, pour un coût de 400 millions des transports et de la logistique. de dollars (financé sur fonds propres Ce dernier, qui attire tout particulièpar son opérateur, Dubai Ports World). rement les investisseurs étrangers, est Quant au port historique de Djibouti, il le principal employeur et le premier devra changer de vocation. Si ses cinq quais seront conservés, trois sont appecontributeur au PIB. Il pourrait bénéficier d’un vaste programme d’inveslés à servir exclusivement aux navires tissement d’environ 5,8 milliards de des marines étrangères mouillant dans dollars (4,2 milliards d’euros) à l’horizon les eaux territoriales. Les deux autres

YÉMEN

ÉRYTHRÉE ÉTHIOPIE

DJIBOUTI PLEIN POT SUR LA LOGISTIQUE


ÉRYTHRÉE

SOUDAN

ÉRYTHRÉE

156

YÉMEN

Asmara

L

e 24 mai 2013, l’Érythrée a fêté les violente: elle a lieu le 18 septembre 2001. vingtansdesonindépendance.Fêté? Les auteurs d’une lettre ouverte au préCe n’est pas certain. À en croire les sident (le « Groupe des 15 », composé de personnalités de premier plan) sont qualificatifs dont la presse occidentale enfermés, la presse privée est suspendue affuble ce jeune pays, l’ambiance n’y est et les journalistes envoyés en prison. sans doute guère festive. « Caserne dis« Depuis cette date, l’Érythrée s’est ciplinaire », « Corée du Nord africaine », « dictature », « immense camp de travail enfoncée dans le totalitarisme », écrit forcé », le pays dirigé d’une main de fer par Léonard Vincent. Selon Amnesty Issayas Afewerki depuis International, plus de l’accession à l’indépen10 000 prisonniers poliAFEWERKI dance est sans aucun tiques croupiraient dans doutel’undesplusfermés geôles du régime dans REFUSE TOUTE les d’Afrique. Les journalistes des conditions atroces, occidentaux n’y vont pas, sans contact avec leur INGÉRENCE famille, tandis que la les journalistes locaux – SAUF CELLE, jeunesse est mobilisée sont en prison, quand de force sur les grands ils ne sont pas morts. Et FINANCIÈRE, si l’Érythrée fait parfois chantiers présidenla une en Occident, c’est tiels. Ancien maoïste à DU QATAR. tendance paranoïaque pourévoquerdesdizaines de ses ressortissants, à formé à l’académie milila recherche d’une vie meilleure, qui se taire de Nankin, en pleine Révolution noient au large de Lampedusa. culturelle chinoise, Afewerki s’oppose Père de l’indépendance après des à toute forme d’ingérence étrangère – à l’exception de celle, financière, du Qatar. années de maquis à la tête du Front populaire de libération de l’Érythrée, Issayas Peu de téléphones portables, un internet Afewerki porte une lourde responsabiultrasurveillé et une forte militarisation. lité dans la situation de son pays. S’il a En 2012, il a même fait distribuer des participé, aux côtés de Mélès Zenawi, au kalachnikovs aux chefs de famille dans renversementdu«Négusrouge»Mengistu l’idée de former des milices de quartier… Haile Mariam, en 1991, et obtenu en retour l’indépendance, le chef rebelle n’a conduit DIASPORA. Mais alors que bien des son pays ni à la paix ni à la démocratie. De Érythréens tentent de fuir le pays en 1998 à 2000, les questions frontalières, les rejoignant le Soudan ou l’Éthiopie au querelles sur l’utilisation du port d’Assab péril de leur vie, Afewerki se vante d’avoir et l’introduction d’une monnaie nationale instauré l’école gratuite et obligatoire érythréenne (au détriment du birr éthiopour tous et un accès aux soins garanti pien, utilisé jusque-là) ont entraîné une à l’ensemble de la population. Le chiffre guerre fratricide entre les deux anciens de 7 % de croissance avancé pour 2012 alliés. Bilan : 100 000 morts pour « des par le Fonds monétaire international est arpents de cailloux », comme le soulargement contesté. Malgré quelques ligne Léonard Vincent, auteur du livre richesses minières (or, argent, cuivre et Les Érythréens (éditions Payot & Rivages). zinc), l’économie du pays repose sur son Auretourdelapaix,quelquesvoixsefont agriculture, essentiellement vivrière, et entendre pour réclamer la mise en œuvre sur l’argent de la diaspora. de la Constitution et l’organisation d’élecFace à ce drame silencieux relayé seutions libres. L’autoritarisme du président lement par la petite radio communautaire Erena qui émet depuis Paris, la commuet sa « dérive dictatoriale » commencent nauté internationale reste muette, ne à être contestés. En retour, la purge est

ARABIE SAOUDITE

Mer Rouge

Assab

ÉTHIOPIE

DJIBOUTI 200 km

n Superficie 117 600 km2 n Population 6,1 millions d’hab. n Croissance démographique 3,28 % n Population urbaine 21,8 % n Espérance de vie 62 ans n Alphabétisation 67,77 % n Indice de développement humain IDH 0,351 Rang 181e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 19,89 nafkas 1 $ = 15 nafkas n PIB par habitant 557 $ n Inflation 17 % n Investissements directs étrangers 74 millions de $ n Balance commerciale — 490 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

2,6

3,1

3,4

3,9

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

8,7

7

1,1

1,9

2011*

2012*

2013*

2014*

souhaitant pas voir se répéter un scénario somalien dans une région déjà traversée par de nombreux courants déstabilisateurs. D’autant que la mer Rouge demeure un couloir maritime d’importance pour le commerce international. Un changement peut-il venir de l’intérieur ? En janvier 2013, une brève mutinerie s’est soldée par une nouvelle vague d’arrestations. Âgé de 67 ans, Afewerki ne semble pas prêt à lâcher la barre. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

ÉRYTHRÉE DRAME À HUIS CLOS


ÉTHIOPIE

ÉTHIOPIE DANS LES PAS DE ZENAWI?

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

YÉMEN Golfe DJIBOUTI d'Aden

Addis-Abeba

SOUDAN DU SUD

SOMALIE

Dirédaoua

ÉTHIOPIE KENYA

300 km

n Superficie 1 104 300 km2 n Population 92,7 millions d’hab. n Croissance démographique 2,58 % n Population urbaine 17,2 % n Espérance de vie 59,7 ans n Alphabétisation 39 % n Indice de développement humain IDH 0,396 Rang 173e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 23,83 birrs 1 $ = 18,05 birrs n PIB par habitant 461 $ n Inflation 31 % n Investissements directs étrangers 970 millions de $ n Balance commerciale — 6 021 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

31,4

42,5

47,3

50,4

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

11,4

8,5

7

7,5

2011

2012

2013*

2014*

économie et société) et issus de trois ethnies différentes. Surtout, il a laissé l’opposition s’exprimer dans la rue en juin en faveur de la libération des prisonniers politiques, contre la corruption et contre le chômage, lors de manifestations modestes (entre 4 000 et 10 000 participants), mais jamais vues depuis le drame de 2005. Un signe d’ouverture? Peut-être. Prévues en 2015, les prochaines élections sont encore loin. n 157

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

es hommes providentiels meurent Principal investisseur, l’État se tourne aussi. Ainsi Mélès Zenawi, qui avait de plus en plus vers l’étranger, mais contirenversé la dictature de Mengistu nue de verrouiller plusieurs secteurs Haile Mariam en 1991, puis en deux clés, dont les télécoms et la finance. Il décennies remis son pays sur les rails reste aussi propriétaire des terres, qui de la croissance, est-il mort au pouvoir peuvent être louées mais non vendues. Le ralentissement de la croissance ces le 20 août 2012, à l’âge de 57 ans. Son charisme, son autoritarisme et sa maindernières années et la nécessité de juguler mise sur l’ensemble de la société éthiol’inflation pourraient compliquer la tâche pienne ont un temps fait craindre que du gouvernement. À 8,5 % en 2012, la son décès ne soit suivi d’une période croissance devrait se stabiliser autour de d’instabilité. Il n’en a rien été : le vice7 % en 2013 et durant les quatre années Premier ministre qu’il s’était choisi, à venir, selon les estimations du Fonds Haile Mariam Desalegn, a pris les rênes monétaire international (FMI). et poursuivi dans la même direction. À savoir un modèle de « développement FRACTURE. Mais ce n’est peut-être pas autoritaire » s’appuyant sur un État fort, là l’essentiel. Le succès économique version africanisée des « tigres » ou des est-il forcément gage de réussite ? Le « dragons » asiatiques. système politique actuel n’admet guère En matière d’économie, le succès est les opinions dissidentes, que ce soit au donc indéniable. Avec une croissance Parlement ou dans les colonnes des jourde 11,5 % par an en moyenne entre 2004 naux. En 2005, après les élections légiset 2009, l’Éthiopie s’est latives, Zenawi n’avait imposée comme l’un des pas hésité à faire tirer EN JUIN, pays les plus dynamiques sur les manifestants morts), à pourd’Afrique – même si elle L’OPPOSITION (200 suivre les opposants, est retombée sous la barre des 10 % en 2012. tandis que de nombreux A PU En moins de dix ans, journalistes goûtaient à MANIFESTER. 2,5 millions d’Éthiopiens la prison pour être sorsont sortis de l’extrême des rangs. Et malgré DU JAMAIS VU tis pauvreté et, selon la l’organisation fédérale, Banque mondiale, le DEPUIS 2005. de nombreuses lignes pays serait le seul, avec de fracture – ethniques et le Ghana, à pouvoir religieuses notamment – atteindre les Objectifs du millénaire pour continuent de diviser une société où la le développement à l’échéance de 2015. contestation peut se révéler violente. Les priorités restent aujourd’hui les Malgré les rivalités au sein de la coamêmes que sous Zenawi: investir dans les lition au pouvoir, le Front démocratique infrastructures d’énergie et de transport, révolutionnaire du peuple éthiopien, moderniser le secteur agricole (45 % du (EPRDF, dominé par le Front de libéPIB, 80 % des emplois) et développer ration du peuple du Tigré), Desalegn, l’agro-industrie. Les projets sont ambiqui appartient à une ethnie minoritaire tieux et indispensables : construction de du Sud, a su s’imposer. Notamment en lignes électriques et de plusieurs barrages obtenant la présidence tournante de (dont celui de la Renaissance et Gibe III) l’Union africaine. Moins charismatique pour atteindre une production hydroélecque Zenawi, il a commencé à infléchir le trique de 10 000 MWh en 2015, bitumage style de gouvernance. Il a nommé trois des routes, vaste plan ferroviaire visant vice-Premiers ministres chargés chacun d’un pôle de compétence (gouvernance, à relier les grandes villes entre elles…

Mer Rouge

ÉRYTHRÉE


KENYA

158

ÉTHIOPIE

OUGANDA Lac Victoria

K E N YA Kisumu Nairobi

Mombasa Océan 200 km

TANZANIE

Indien

n Superficie 580 370 km2 n Population 43,2 millions d’hab. n Croissance démographique 2,7 % n Population urbaine 24,4 % n Espérance de vie 57,7 ans n Alphabétisation 87,38 % n Indice de développement humain IDH 0,519 Rang 145e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 111,62 shillings kényans 1 $ = 84,54 shillings kényans n PIB par habitant 952 $ n Inflation 9,6 % n Investissements directs étrangers 259 millions de $ n Balance commerciale — 9 026 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

34,3

40,7

45,3 51,1

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4,4 2011

4,6

5,9

6,2

2012

2013*

2014*

remarquer. Une proposition de loi permettant de condamner des entreprises de presse à des amendes létales, de l’ordre de 170 000 euros, a suscité un tollé général chez les journalistes kényans, plutôt réputés pour leur sérieux mais sans doute un peu trop audacieux : ils avaient osé montrer des militaires pillant les décombres du centre commercial de Westgate, des images « incitant au soulèvement contre les autorités » ! n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

C’

est une situation exceptionnelle: Kirimi Muthaura, ancien directeur de la depuis le scrutin présidentiel du fonction publique. 4 mars 2013, le Kenya est dirigé L’attaque, en septembre, du centre compar un homme poursuivi pour crimes mercial Westgate par des extrémistes contre l’humanité par la Cour pénale Shebab (ayant entraîné la mort de plus internationale (CPI) et qui doit être jugé de 70 civils) est venue renforcer la stature à La Haye à partir de février 2014. Uhuru nationale et internationale du président, Kenyatta, fils de Jomo Kenyatta, le père qui s’est posé en garant de l’unité du pays et en champion de la de l’indépendance – et lutte contre le terrorisme. cornaqué par l’ancien POUR Une position susceptible autocrate Daniel arap faire taire bien des criMoi –, a battu son rival WASHINGTON, de Raila Odinga dès le pretiques en Occident. Le mier tour de l’élection, LE PAYS RESTE Kenya reste considéré avec 50,1 % des voix. par son allié américain UN GARANT DE comme un garant de la Les faits qui lui sont stabilité dans la région. reprochés remontent LA STABILITÉ Si l’on peut, sans trop à 2007. Ils sont liés aux prendre de risque, penaffrontements ayant suivi RÉGIONALE. la précédente présidenser que les deux têtes de tielle (1 300 morts). Alors l’exécutif sortiront sans que le combat électoral dégénérait en grands dommages de leur affrontement violentes rivalités politico-ethniques, politico-médiatique avec la CPI, les défis Kenyatta n’aurait pas hésité à s’appuyer qu’ils vont devoir relever dans les années sur la secte kikuyue des Mungiki pour à venir restent d’importance. L’économie répondre, notamment à Naivasha et à du pays est l’une des plus dynamiques de Nakuru, aux attaques des supporteurs la région, mais elle demeure grevée par kalenjins, dont l’un des chefs était alors une forte corruption et pourrait souffrir William Ruto, ancien ministre controd’une image de marque écornée auprès versé de l’Agriculture. Magie de la polides touristes occidentaux, effrayés par la tique kényane: devenu l’allié de Kenyatta, tuerie de Westgate. Ruto est aujourd’hui vice-président… et En outre, la capacité d’action des actuellement jugé à la CPI ! Shebab représente une menace pour le projet pharaonique que l’État entend CROISADE. Commune, la campagne prédévelopper à partir du port de Lamu : le Lappset Corridor. Cette infrastructure sidentielle de 2013 du couple « Uhuruto » a sans nul doute bénéficié d’un petit gigantesque devrait, d’ici à 2030, offrir coup de pouce nationaliste provoqué au Kenya un port majeur venant épauler par les poursuites de la CPI, institution celui de Mombasa, mais surtout faire qualifiée de partiale et de pro-occidendu pays un hub pétrolier permettant de tale. Une fois élus, les deux hommes ont transporter jusqu’à l’océan Indien le brut lancé une véritable croisade contre ce en provenance, notamment, du Soudan qu’ils considèrent comme une « justice du Sud et de l’Ouganda. Mais avant cette de Blancs », oubliant souvent de préciser infrastructure miraculeuse, un autre chanque le Parlement kényan s’est par deux tier est plus urgent: la mise aux normes de l’aéroport de Nairobi, récemment touché fois refusé à juger les responsables des violences de 2007-2008. Pis, de nombreux par un important incendie. Pourtant, ces derniers temps, c’est témoins intimidés ont renoncé à se présenter devant la CPI, la contraignant à plutôt en matière de mise au pas des abandonner ses poursuites contre Francis journalistes que les députés se sont fait

SOUDAN DU SUD

SOMALIE

KENYA MALGRÉ LA CPI


OUGANDA

OUGANDA DÉRIVES AUTORITAIRES

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Gulu 100 km

RÉP. DÉM. DU CONGO

OUGANDA Kampala Mbarara

RWANDA

Jinja

KENYA

Lac Victoria

TANZANIE

n Superficie 241 040 km2 n Population 36,3 millions d’hab. n Croissance démographique 3,35 % n Population urbaine 16 % n Espérance de vie 54,5 ans n Alphabétisation 73,21 % n Indice de développement humain IDH 0,456 Rang 161e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 3 496,05 shillings ougandais 1 $ = 2 647,98 shillings ougandais n PIB par habitant 665 $ n Inflation 14,6 % n Investissements directs étrangers 1 721 millions de $ n Balance commerciale — 3 472 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

18,2

21,2

22,6

24,7

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

6,2

2,8

2011

2012

5,6

6,5

2013*

2014*

rangs, il y a fort à parier que le président sortant utilisera les mêmes antiennes que durant ces vingt-sept dernières années, s’en prenant tour à tour à l’Armée de résistance du seigneur (LRA) de Joseph Kony, aux homosexuels et aux Occidentaux. La LRA n’étant heureusement plus que l’ombre d’elle-même, on peut s’attendre à de nombreuses diatribes antigays comme aux élégantes piques anti-Occidentaux dont le maître de Kampala a le secret. n 159

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

E

n 2021, l’Ougandais Yoweri Kaguta dérives autoritaires. Cette année, il a ainsi Museveni ne devrait pas pouvoir suscité une levée de boucliers en faisant se présenter à l’élection présidenfermer, durant plus d’une semaine, des tielle. Pour la bonne et simple raison que médiasindépendants(lesquotidiensDaily l’article 102 de la Constitution ne permet Monitor et Red Pepper, et les radios KFM pas à une personne âgée de moins de et Dembe) ayant relayé les déclarations 35 ans ou de plus de 75 ans de briguer le du général David Sejusa Tinyefuza (un poste de chef de l’État. Or l’ex-guérillero ancien proche conseiller et haut gradé des marxiste converti à l’économie de marché, services secrets, réfugié à Londres) accuné en août 1944, fêtera ses 77 ans l’année sant le président de vouloir préparer son du scrutin. Aura-t-il, d’ici là, fait modifier fils, Muhoozi Kainerugaba, à lui succéder. une fois de plus la loi fondamentale? C’est en tout cas un habitué de l’exercice… PROSPÉRITÉ. Des accusations peu créReste qu’avant l’échéance de 2021 viendibles, puisque Museveni n’est absoludra celle de 2016, pour laquelle Museveni ment pas suspect de népotisme: son frère, sera vraisemblablement candidat à sa Salim Saleh, est son conseiller pour les succession. Une nouvelle réélection lui questions de défense, sa femme, Janet, est permettrait de célébrer ses trente années à ministre chargée de la région (aurifère) du la tête de ce petit pays enclavé de l’Afrique Karamoja, sa fille Natasha Karugire est sa de l’Est, qu’il libéra par les armes, en 1985, secrétaire personnelle… Quant à Muhoozi de la botte de Milton Obote. Kainerugaba (âgé de 39 ans), il a connu Fort hostile au multipartisme, qu’il a fini une carrière éclair le propulsant à la tête par accepter contraint et forcé en échange des forces spéciales, chargées notamment de l’absence de limitation du nombre de de la protection du chef de l’État et des mandats, Museveni considère que les gisements pétroliers. formations politiques et leurs querelles Un poste qui n’est pas anodin : le pays représentent une menace pour la stabilité pourraiteneffet commencer àtirerpartide de son pays. Il n’apprécie l’or noir découvert dans d’ailleursguèrequel’onse le sous-sol du lac Albert MUSEVENI réunisse sous les fenêtres à l’horizon 2016 (3,5 milde la State House pour de barils et 1,5 milDEVRAIT ÊTRE liards discuter de politique. Le liardd’eurosparan,selon Parlement ougandais les prévisions). Museveni CANDIDAT a donc adopté, début compte bien être celui À SA août 2013, une loi très par qui la prospérité restrictive en matière de arrivera, même si nul ne SUCCESSION manifestationspubliques. peut prévoir comment la Désor mais, chaque manne sera redistribuée EN 2016. rassemblement d’au étant donné le manque moins trois personnes de transparence entadevra obtenir l’accord de la police, après chant déjà les projets d’extraction. demande écrite soumise une semaine Sur sa route, Museveni devrait trouver avant. « Un coup dévastateur porté à la son éternel rival, l’ancien médecin Kizza libertéd’expressionet de rassemblement », Besigye (57 ans), plusieurs fois arrêté ces selon l’ONG Human Rights Watch. dernières années. Mais aussi l’un de ses exLongtemps salué pour avoir apporté la vice-présidents, Gilbert Bukenya (64 ans), stabilité et la croissance à son pays après qui a d’ores et déjà annoncé son intention les règnes dictatoriaux d’Idi Amin Dada de briguer l’investiture du Mouvement et de Milton Obote, Museveni essuie de de résistance nationale (NRM). Face aux plus en plus de critiques concernant ses voix discordantes venues de ses propres

SOUDAN DU SUD


RWANDA

160

50 km

R WA N D A

Lac Kivu

Kigali

RÉP. DÉM. DU CONGO

BURUNDI

n Superficie 26 340 km2 n Population 11,5 millions d’hab. n Croissance démographique 2,77 % n Population urbaine 19,4 % n Espérance de vie 55,7 ans n Alphabétisation 71,05 % n Indice de développement humain IDH 0,434 Rang 167e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 804,59 francs rwandais 1 $ = 609,41 francs rwandais n PIB par habitant 599 $ n Inflation 7,3 % n Investissements directs étrangers 160 millions de $ n Balance commerciale — 1 312 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

6,4

7,1

7,7

8,5

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

8,2

8

7,5

7,5

2011

2012

2013*

2014*

lacommunautéinternationale,démentant à l’envi tout soutien au M23. La question de sa succession devrait se poser avec de plus en plus d’acuité au cours de l’année, alors que son mandat – qui, selon la Constitution, doit être le dernier – s’achèvera en 2017. Faire réviser la loi fondamentale, comme le réclame de plus en plus bruyamment une partie de l’élite de Kigali, présenterait le risque d’accroître l’isolement international. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

A

u pays des Mille Collines, le Front mondiale), le Rwanda parvient habipatriotique rwandais (FPR), parti tuellement à séduire les investisseurs du président Paul Kagamé, ne étrangers, comme l’a montré en avril 2013 souffre d’aucune contestation. Les élecle succès de son émission obligataire (de tions législatives de septembre 2013, rem400 millions de dollars) sur les marchés internationaux. portées avec plus de 76 % des voix et Le pays reste néanmoins vulnérable 98,8 % de participation, selon les chiffres aux chocs extérieurs : l’essentiel de ses officiels, l’ont à nouveau montré. exportations (qui sont loin de couvrir Sans réelle opposition politique ses importations) est constitué de thé interne, avec une presse fort peu critique et de café, deux produits dont les prix et une quasi-absence de mouvements ont fortement baissé sociaux, le gouverneen 2012. En ces temps ment parvient à appliquer sans encombre son LESACCUSATIONS de restrictions budgéambitieux programme taires, l’État, qui dépend DE SOUTIEN de développement, encore à plus de 40 % de destiné à faire accéder l’aide internationale, a AU M23 ONT le Rwanda au statut de dû faire face à la suspays à revenu interpension des contribuISOLÉ KIGALI médiaire d’ici à 2020. tions de plusieurs pays SUR LA SCÈNE Kigali a remporté des occidentaux en 2012, ce succès remarquables l’a forcé à réviser son DIPLOMATIQUE. qui en la matière depuis le budget. début des années 2000 : En cause, les accula croissance économique a, par exemple, sations de soutien aux rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23, défait atteint 8,3 % en moyenne, l’espérance de vie a progressé d’une quinzaine d’années, depuis) dans la RD Congo voisine, confiret le taux de Rwandais vivant en dessous mées publiquement par les États-Unis et du seuil de pauvreté a reculé de 60 % à le Royaume-Uni, qui comptent pourtant 45 %, selon le gouvernement. parmi les plus fidèles alliés de Kigali. Les tensions avec le pays voisin se sont d’ailJEUNE. Mais ce dernier ne veut pas se leurs accrues fin 2013, obligeant notamcontenter de continuer sur cette voie ment le Rwanda à déployer ses troupes le (nécessaire pour écarter tout risque de long de la frontière après avoir reçu des tensions sociales, dans un pays jeune et obus en provenance de RD Congo. Kigali qui est le plus densément peuplé d’Afrique se sent par ailleurs toujours menacé par la continentale). Il compte accélérer. Pour rébellion hutue des Forces démocratiques les années à venir, il s’est notamment fixé de libération du Rwanda (FDLR, basées comme objectif une croissance éconoen RD Congo), qui, bien que paraissant mique de 11,5 % – qui paraît irréalisable: très affaiblie (pas plus de 1 500 hommes le Fonds monétaire international prévoit selon les experts de l’ONU), a tenté une une moyenne de 7,5 % dans les proincursion sur son territoire fin 2012. Les chaines années –, largement supérieure tensions avec la Tanzanie, qui soutient à la moyenne continentale. Kinshasa, ont par ailleurs éclaté au grand Le gouvernement mise notamment jour en mai 2013. Le Rwanda se rapproche désormais de ses autres partenaires de la sur un rôle accru du secteur privé. Avec Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), ses réformes appréciées par les instituKenya et Ouganda en tête. tions de Bretton Woods (il est le deuNéanmoins, le président rwandais s’est xième meilleur pays du continent pour montré inflexible, voire hostile, vis-à-vis de le climat des affaires, selon la Banque

OUGANDA

TANZANIE

RWANDA GRANDES AMBITIONS


SOMALIE

SOMALIE HASSAN CHEIKH MOHAMOUD L’OPTIMISTE

Hargeysa

ÉTHIOPIE

SOMALIE

T

outes les heures, quelqu’un capitale, grouille d’activité. L’arôme du essaie de m’éliminer. Mais café a remplacé l’odeur de la poudre. » des centaines de milliers de Optimisme béat ? Méthode Coué ? Sans doute un peu. Mais des éclaircies Somaliens sont morts, et si je meurs, s’annoncent néanmoins. L’offensive je ne serai que l’un d’eux. » Celui qui s’exprime ainsi dans le magazine Time conjointe des soldats de la Mission de en mars 2013 n’est autre que Hassan l’Union africaine en Somalie (Amisom), Cheikh Mohamoud, élu président de la de l’armée kényane et des forces éthioSomalie le 10 septembre 2012. Il parle piennes a ainsi permis d’affaiblir durabled’expérience: quarante-huit heures après ment les Shebab. Pourtant, l’arrestation sa victoire, il échappait déjà à un attentat d’un important chef spirituel, Cheikh des islamistes Shebab dans un hôtel de Hassan Dahir Aweys, alors que des pourMogadiscio. Et à peine un an plus tard, parlers lui étaient proposés, pourrait bien le 3 septembre 2013, son convoi était s’avérer contre-productive, divisant le attaqué à l’arme lourde à une centaine clan Hawiye – dont le président et l’islade kilomètres de la capitale… miste sont tous deux membres –, mais Depuis 1991 et la chute du dictateur surtout érigeant de fait le très extrémiste Siad Barré, la Somalie est entraînée dans Ahmed Abdi Godane en principal chef une spirale de violence qui semble ne des Shebab. jamais devoir s’arrêter. Du règne des tribunaux islamistes à celui des Shebab, TRIANGLE. En outre, même si Cheikh de la piteuse intervention américaine Mohamoud se réjouissait (dans la même (« Restore Hope ») de 1992-1993 aux tribune) de voir « les régions qui ont ingérences éthiopienne et kényane dû survivre par leurs propres moyens (« Linda Nchi ») à partir de 2011, des pendant vingt années de guerre civile » participer à « un débat sur leur intéattaques pirates aux attentats de Kampala gration dans un système fédéral », le en Ouganda (le 11 juillet 2010) et de pays reste très divisé. Nairobi au Kenya (le Somaliland, Jubaland, 21 septembre 2013), le Galmudug, Puntland… pays a connu plus de DEPUIS SON vingt années de chaos. autant de régions où le ÉLECTION, EN Mais s’il n’est pas pouvoir central aura mal à asseoir son encore sorti de l’impasse, 2012, IL A ÉTÉ du autorité. Rien qu’au loin de là, son président se veut résolument optiVISÉ PAR DEUX Jubaland, ce sont au moins cinq milices qui miste. Dans une tribune ATTENTATS. se disputent le pouvoir, écrite début 2013 avec la plus puissante étant Catherine Ashton, la celle de Cheikh Ahmed représentante de l’Union Madobe, dont la brigade Ras Kamboni européenne pour les affaires étrangères est venue en aide aux forces kényanes et la politique de sécurité, il s’exprimait en septembre 2012 pour reprendre le ainsi : « Une campagne militaire réusport stratégique de Kismayo. sie a permis d’asphyxier les Shebab. L’existence probable de gisements Quotidiennement, des déserteurs veulent pétroliers ne permettra pas forcément renoncer à la violence et se chercher un d’améliorer la situation. Au large de avenir dans cette nouvelle Somalie. En Kismayo, un « triangle de confusion » 2012, les actes de piraterie ont diminué de quelque 120 000 km2 est revendiqué de 95 % par rapport à 2011. Les Somaliens reviennent d’exil, investissent et aident par le Kenya et la Somalie. Au Puntland comme au Galmudug, nombreuses sont à créer un nouvel État. Mogadiscio, la JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Océan Indien

Mogadiscio

KENYA

«

DJIBOUTI

200 km

n Superficie 637 660 km2 n Population 10,2 millions d’hab. n Croissance démographique 2,86 % n Population urbaine 38,2 % n Espérance de vie 51,5 ans n Alphabétisation ND n Indice de développement humain IDH ND Rang Non classé n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 2 070,67 shillings somaliens 1 $ = 1 568,37 shillings somaliens n PIB par habitant ND n Inflation ND n Investissements directs étrangers 107 millions de $ n Balance commerciale ND n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

ND

ND

ND

ND

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

ND

2011

ND

2012

2013

2014

les firmes pétrolières (BP, Chevron, Shell, Eni, Conoco, Statoil…) qui cherchent à récupérer ou à acquérir des concessions prometteuses. Jeté sur les braises toujours ardentes de la dissension, l’or noir pourrait se révéler bien inflammable. Mais, face au casse-tête, le président ne se décourage pas totalement : « Nous partons de rien. Nous avons tout perdu dans la guerre. Tout a été détruit. Nous avançons dans le noir. » n 161


SOUDAN

162

ARABIE SAOUD.

TCHAD

Port-Soudan

ge ou

ÉRYTHRÉE

Khartoum

SOUDAN RÉP. CENTRAF.

ÉTHIOPIE

SOUDAN DU SUD 400 km

RD CONGO

n Superficie 1 879 358 km2 n Population 37,2 millions d’hab. n Croissance démographique 2,08 % n Population urbaine 33,3 % n Espérance de vie 61,8 ans n Alphabétisation 71,06 % n Indice de développement humain IDH 0,414 Rang 171e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 5,77 dinars soudanais 1 $ = 4,37 dinars soudanais n PIB par habitant 1 128 $ n Inflation 36 % n Investissements directs étrangers 2 466 millions de $ n Balance commerciale 463 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

60,5 66,9

52,5

56,6

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

– 1,8

– 3,3

3,9

2,5

2011*

2012*

2013*

2014*

fois de plus de couper les pipelines. La crise n’a été évitée que grâce à une forte pression internationale et à un voyage de réconciliation du président du Soudan du Sud, Salva Kiir, à Khartoum. Mais les très sensibles questions frontalières, en particulier concernant la région d’Abyei, ne sont toujours pas résolues. Faute d’amélioration des relations avec le pays voisin, la paix ne semble pas près de revenir au Soudan. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

es élections parlementaires et prégouvernement a supprimé les subventions sidentielle prévues pour 2015 vont sur l’essence. La hausse des prix qui a suivi sûrement succéder, au premier plan a poussé des milliers de Soudanais à sortir des préoccupations, aux heurts intenses dans les rues, l’une des pires menaces ayant eu lieu en 2013 à travers tout le pays. qu’El-Béchir ait eu à affronter en vingtBien que le président Omar el-Béchir ait quatreannéesderègne.Lesforcesdesécudéclaré qu’il ne se représenterait pas, rité ont réagi avec brutalité, tuant environ certains membres de sa formation, le deux cents manifestants en quelques jours Parti du congrès national (NCP), ont déjà (selon Amnesty International), tandis que commencé à faire campagne pour qu’il de nombreux autres étaient emprisonnés. revienne sur cette décision. Si El-Béchir n’est pas renversé par un CHOQUÉE. Outre la révolte urbaine, les coup d’État ou poussé vers la sortie par une autorités doivent faire face à plusieurs combinaison de manifestations et d’acrébellions : la guerre au Darfour, qui dure tions rebelles, l’opposition se battra pour depuis plus de dix ans, et les conflits dans la tenue d’élections justes et équitables le Kordofan du Sud et le Nil-Bleu. En – contrairement aux dernières, en 2010. avril 2013, le SRF a obtenu une victoire Sans guère de chances d’obtenir ce qu’elle majeure en attaquant Umm Ruwaba veut. Le NCP n’a peut-être plus la cohésion (Kordofan du Nord), et en tenant pendant d’autrefois, mais le chef de l’État demeure près d’un mois la ville d’Abu Karshola, la figure inoxydable de la politique souà proximité. L’élite de Khartoum a été danaise, tandis que l’opposition, divisée, choquée, la guerre semblant désormais rechigne à rejoindre la molle coalition de à sa porte. Si les rebelles ne sont pas en groupes armés du Front révolutionnaire mesure de renverser l’État, ils poussent le du Soudan (SRF). Ces derniers mois, la gouvernement à dépenser des sommes colère contre El-Béchir s’est néanmoins astronomiques pour mener un combat accrue, alors que le gouvernement devait qu’il ne peut gagner. faire face à des difficultés économiques. De manière prévisible, Khartoum a Dans ce domaine, la santé du pays a en accuséleSoudanduSuddesoutenirleSRF effetdéclinédepuislasécessionduSoudan et, pour une fois, ces accusations semblent du Sud, en juillet 2011. Ce avoir été entendues au dernier a emporté avec sein de la communauté LA LUTTE lui les trois quarts de la internationale. Pourtant, production pétrolière de l’année 2013 a été marCONTRE LES l’ancien État, et les autoquée par quelques prorités ont dû reconnaître grès dans les relations RÉBELLIONS que l’or et l’agriculture entre les deux voisins, A UN COÛT ne peuvent remplacer matérialisés par la visite cette source de revenus. à Djouba en ASTRONOMIQUE d’El-Béchir La croissance redevient avril et par la signature certes positive, à 3,9 % d’accords en mars. Ces POUR L’ÉTAT. en 2013 et 2,5 % en 2014 derniers prévoient la selon les prévisions, mais relance de la production l’inflation est très élevée. Le Soudan est de pétrole au Sud et la reprise des exporhandicapé par les sanctions américaines tations via le Nord. Mais aussi la mise en et par une dette massive, des problèmes place d’une zone démilitarisée de part et qui ont peu de chances d’être résolus vu d’autre de la frontière. Pas suffisant pour son passif politique désastreux. El-Béchir: à peine plus de deux mois plus tard, il reprochait aux Sud-Soudanais de En septembre 2013, suivant l’avis du Fonds monétaire international (FMI), le revenir sur leur parole et menaçait une

ÉGYPTE

LIBYE

rR Me

SOUDAN DES CONFLITS PARALYSANTS


JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

ÉTHIOPIE

SOUDAN DU SUD Djouba RD CONGO

OUGANDA

200 km

KENYA

I

n Superficie 620 000 km2 n Population 10,8 millions d’hab. n Croissance démographique 4,3 % n Population urbaine 18,2 % n Espérance de vie 62 ans n Alphabétisation 37 % n Indice de développement humain IDH ND Rang Non classé n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 5,77 livres sud-soudanaises 1 $ = 4,37 livres sud-soudanaises n PIB par habitant 984 $ n Inflation ND n Investissements directs étrangers ND n Balance commerciale ND n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

18

10,2

11,8

13,8

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

ND

– 47,6

2011

2012*

24,7

2013*

43 2014*

ont été tuées depuis janvier 2013, tandis que 100 000 autres trouvaient refuge dans le bush. Les Nations unies, qui ne sont aujourd’hui plus considérées d’un très bon œil à Djouba, s’inquiètent d’une possible crise humanitaire. Avec un certain cynisme, il est possible de soutenir que le pays en a vu d’autres. Et que deux ans d’existence, c’est peu. Mais c’est aujourd’hui que le gouvernement doit faire les bons choix. n 163

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

mpossible de recenser les articles de Pour l’heure, il est en effet clair que pressealarmistesannonçantqueletout l’enrichissement des quelque 10 millions jeuneSoudan duSud,54e paysmembre de Sud-Soudanais n’est pas vraiment à de l’Union africaine depuis juillet 2011, l’ordre du jour, alors même que le pays court droit vers une faillite économique et est assis sur d’importantes réserves d’or politique.C’estoublierunpeuvitequ’après noir. En devenant indépendant, il a en deux guerres civiles (1955-1972 et 1983effetrécupéré75%dupétroledécouvertau 2005) qui causèrent la mort de plus de Soudan, mais, dans l’attente d’un hypothé2millionsdepersonnesalorsqu’ilnefaisait tique oléoduc le reliant à Lamu (Kenya), il qu’un avec le Nord, le pays est habitué à continue de dépendre de Khartoum pour (sur)vivreavecpresque ses exportations. Les rien. Les capacités de taxesastronomiques résilience comme la exigées par le Nord LES EXPORTATIONS patience des Sudpour acheminer Soudanais ne doivent le brut jusqu’à la DE PÉTROLE mer Rouge et les pasêtresous-estimées. VIA LE NORD différends frontaLe 9 juillet 2013, le liers persistants pays fêtait ses deux CRISTALLISENT ont provoqué, en années d’existence. janvier 2012, une Quelques semaines LES TENSIONS. plus tard, le 23 juillet, décision radicale : le président Salva Kiir Djouba a fermé les limogeait son équipe gouvernementale et vannes, se privant de 98 % de ses revenus. en nommait une nouvelle une semaine Il a fallu des mois de pourparlers, pendant plus tard. Un acte d’autorité assez mal vu lesquels de nombreuses escarmouches à l’extérieur du pays, où l’on considère que plus ou moins graves ont opposé les deux le Mouvement populaire de libération du pays,pourqu’unaccordpermettelareprise Soudan (SPLM) a du mal à quitter ses oridu transit en avril 2013. peauxd’organisationmilitairepourdevenir L’austérité qui en a découlé a eu pour un parti de gouvernement. Il est probable conséquence de ralentir les projets gouverque Salva Kiir ait voulu se débarrasser de nementaux,dansunpaysoùlesinstitutions deux rivaux gênants dans la perspective demeurent très faibles et où les infrastrucde l’élection présidentielle prévue en 2015. turesdebasesontencoreàconstruire.Vaste Suspendus de leurs fonctions, le vice-préde 620 000 km2, le territoire ne compte sident, Riek Machar, et le secrétaire général qu’une centaine de kilomètres de routes du SPLM, Pagan Amum, ne faisaient plus asphaltées. Même la capitale, Djouba, mystère de leurs ambitions. ne peut se targuer ni d’un système de tout-à-l’égout ni d’un réseau électrique COUPS D’ÉCLAT. Sous ses airs débondigne de ce nom. Quant à la population, naires et son grand chapeau noir, Kiir est qui vit essentiellement de l’agriculture et un habitué des coups d’éclat surprenants. de l’élevage, elle n’a quasiment pas accès En 2012, il avait envoyé à 75 fonctionnaires aux services fondamentaux (éducation, une lettre leur reprochant d’avoir détourné santé…) et demeure confrontée à de fré4 milliards de dollars (3 milliards d’euros). quentes flambées de violence. « Nous avons combattu pour la liberté, la Le reclassement des anciens soldats de l’armée de libération et les heurts ethjustice et l’égalité, écrivait-il. Une fois que nous sommes au pouvoir, nous oublions niques récurrents comptent parmi les principaux problèmes que le gouvernece pourquoi nous avons combattu et nous commençons à nous enrichir aux dépens ment devra prendre à bras-le-corps. Dans de notre peuple. » l’état de Jonglei, quelque 1 000 personnes

SOUDAN CENTRAFRIQUE

SOUDAN DU SUD TOUT RESTE À FAIRE

TCHAD

SOUDAN DU SUD


TANZANIE

RÉP. DÉM. OUGANDA DU CONGO RWANDA BURUNDI

164

KENYA Arusha

Dodoma

E

TANZANIE

400 km

ZAMB. MAL.

Dar es-Salaam

MOZAMBIQUE

n Superficie 945 090 km2 n Population 47,8 millions d’hab. n Croissance démographique 3,04 % n Population urbaine 27,2 % n Espérance de vie 58,9 ans n Alphabétisation 73,21 % n Indice de développement humain IDH 0,476 Rang 152e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 2056,84 shillings tanzaniens 1 $ = 1557,89 shillings tanzaniens n PIB par habitant 628 $ n Inflation 16,1 % n Investissements directs étrangers 1 706 millions de $ n Balance commerciale — 5 685 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

23,9

28,2

31,9

34,9

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

6,4 2011*

6,9

7

7,2

2012*

2013*

2014*

à 1 150 milliards de mètres cubes, situées essentiellement en offshore, ont déjà été identifiées. L’exploitation de la manne devrait se faire à partir du port de Mtwara et impliquerait notamment la construction d’un gazoduc de plus de 500 km jusqu’à Dar es-Salaam. Comme dans bien d’autres pays, la question qui se posera bientôt sera : qui bénéficiera des revenus du gaz ? Tous les Tanzaniens ou bien une infime proportion d’entre eux ? n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

n 2015, le mandat du président de sa bonne réputation auprès des bailJakaya Kikwete arrivera à son terme. leurs de fonds qui contribuent, par l’aide La Constitution tanzanienne ne lui publique au développement, à 28 % de permettra pas de se présenter pour un son budget, la Tanzanie connaît des troisième mandat et il n’envisage pas, troubles politiques sporadiques, autrefois pour l’heure, de se maintenir coûte que à Zanzibar, aujourd’hui sur le continent. coûte au pouvoir : « Oui, je serai à la La réélection de Kikwete en 2010, entaretraite et je serai un homme heureux ! chée de fraudes selon l’opposition, a prodéclarait-il il y a peu. Je me reposerai dans voqué des émeutes durement réprimées. ma ferme, au village, et je n’aurai plus Pour Wilbrod Slaa, le leader du Chadema (Chama cha Demokrasia na personne sur le dos. » Le ton est donné et confirme, jusqu’à un certain point, l’image Maendeleo), « la communauté internapositive dont la Tanzanie tionale croit que la paix bénéficie souvent. règne en Tanzanie. Mais LE PAYS JOUIT Née de l’union ce n’est pas la paix, c’est du Tanganyika et de la peur ! ». En juin, une D’UNE BONNE Zanzibar en avril 1964, grenade tuait quatre la République peut se IMAGE AUPRÈS personnes lors d’un targuer d’une histoire ra s s e m b l e m e nt d u DES TOURISTES Chadema, à Arusha, et moins mouvementée que celle du Kenya, de les intimidations – voire COMME DES l’Ouganda ou du Rwanda pire – à l’encontre des voisins. En instaurant le opposants ou des jourBAILLEURS concept socialiste d’Ujanalistes les plus critiques DE FONDS. maa, le « professeur » semblent se multiplier. Julius Nyerere (président Tout porte à croire que entre 1964 et 1985) a les élections de 2015 offert à son pays, à défaut de la croissance pourraient voir s’éroder encore un peu plus la mainmise de l’ex-parti unique économique, une forte unité. Les tensions tribales et religieuses y sont en effet bien sur la Tanzanie. Mais c’est sans doute la plus faibles qu’au Kenya, par exemple. situation économique qui dictera l’évoSi le système de parti unique a été lution future du pays. aboli en 1995, année des premières élections libres, la formation Chama Cha NICKEL. Signe qui ne trompe pas, la Mapinduzi (CCM) continue de domiTanzanie a reçu, en mars 2013, la visite du ner très largement la scène politique. président chinois, Xi Jinping (en dix ans, Les quatre présidents tanzaniens (Julius le commerce bilatéral avec la Chine a été Nyerere, Ali Hassan Mwinyi, Benjamin multiplié par dix), et, quelques mois plus Mkapa et Jakaya Kikwete) en étaient issus, tard, celle de son homologue américain, et cela ne devrait pas changer de sitôt. Barack Obama. Si la croissance (6,9 % en « Je ne suis pas un faiseur de rois, déclare 2012) est nourrie par les bonnes perforKikwete. Le peuple décidera. J’exercerai mances des télécoms, des banques ou des mon propre droit de vote pour choisir le transports, le pays demeure essentiellecandidat qui aura ma préférence. La seule ment agricole. Le secteur, peu productif certitude, c’est qu’il sera de mon parti. » et limité par le manque d’infrastructures, emploie 80 % de la population active. Mais au-delà des images d’Épinal qui garantissent au pays un confortable afflux Riche en minerais (or, manganèse, nickel, uranium…), la Tanzanie parie de touristes fascinés par les neiges du aujourd’hui essentiellement sur son Kilimandjaro, les plages de Zanzibar ou potentiel gazier. Des réserves estimées les rhinocéros du Ngorongoro, au-delà

Lac Victoria

Océan Indien

TANZANIE KIKWETE VA PASSER LA MAIN


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AFRIQUE AUSTRALE Richesses et inégalités

P

qui connaîtra toutefois des élections à haut risque en 2014). Mais il reste, pour tous ces pays, à faire profiter la population de ces richesses, notamment par la création d’emplois et la diversification de leurs économies. L’Afrique australe continue de battre tous les records d’inégalités. Or même l’Afrique du Sud, pays le plus avancé de la région, qui célèbre en 2014 les vingt ans de sa démocratie, n’a pas trouvé la formule magique. n

latine au Zimbabwe et en Afrique du Sud, diamant au Botswana, pétrole en Angola, cuivre en Zambie, gaz au Mozambique… Rares sont les pays d’Afrique australe qui n’ont pas encore mis au jour de prodigieuses ressources naturelles. Ces découvertes se sont d’ailleurs accélérées ces dernières années, notamment grâce à la stabilisation de la région. La paix a ainsi permis l’arrivée massive d’investisseurs en Angola et au Mozambique (pays

CABINDA

TANZANIE

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Luanda Huambo

MALAWI Lilongwe

ZAMBIE

ANGOLA

Nampula

Lusaka

Blantyre Harare

ZIMBABWE

NAMIBIE Océan Atlantique

AFRIQUE DU SUD 169 ANGOLA 170 BOTSWANA 171 LESOTHO 172 MALAWI 173 MOZAMBIQUE 174 NAMIBIE 175 SWAZILAND 176 ZAMBIE 177 ZIMBABWE 168

BOTSWANA Windhoek

Gaborone

Kimberley

AFRIQUE DU SUD Le Cap

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Beira

Bulawayo

MOZAMBIQUE

Pretoria

Johannesburg

MADAGASCAR

Maputo Mbabane

SWAZILAND Océan Indien

Maseru

LESOTHO Port Elizabeth

Durban

300 km

167


AFRIQUE DU SUD

168

Pretoria NAMIBIE

Océan Atl.

Johannesburg SWAZ.

AFRIQUE DU SUD

LESOTHO Durban

Le Cap

Océan Indien 300 km

n Superficie 1 221 040 km2 n Population 51,2 millions d’hab. n Croissance démographique 1,18 % n Population urbaine 62,4 % n Espérance de vie 53,4 ans n Alphabétisation 88,7 % n Indice de développement humain IDH 0,629 Rang 121e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 11,18 rands 1 $ = 8,47 rands n PIB par habitant 7 289 $ n Inflation 5,6 % n Investissements directs étrangers 4 572 millions de $ n Balance commerciale — 23 559 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

402,2

384,3

353,9

371,2

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,5

2,5

2011

2012

2 2013*

2,9 2014*

Dans sa campagne pour sa réélection à la tête du parti,en2012,JacobZumaavaitmis l’accent sur la nécessité de réformes économiques plus ambitieuses pour réparer les inégalités issues de l’apartheid. Aucune n’a été appliquée à ce jour, ce qui n’empêchera pas le président d’être reconduit à la tête du pays pour cinq ans. Il devrait être épauléparunnouveauvice-président,Cyril Ramaphosa. Reste à savoir si ce dernier pourra donner une nouvelle impulsion. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

e vainqueur des prochaines élecnotamment dans l’est de la RD Congo, où tions générales sud-africaines, qui il est présent sous la bannière des Nations auront lieu entre avril et juillet 2014, unies. Le fiasco de son intervention en ne fait guère de doute. Comme à chaque Centrafrique, en mars 2013 (13 soldats échéance depuis 1994 et l’avènement de tués), a toutefois montré les limites de ses la démocratie, le Congrès national africapacités militaires et de renseignement. cain (ANC) devrait remporter une large Si l’économie du pays demeure, de loin, victoire. Pour autant, ce scrutin est loin la plus puissante et diversifiée du contid’être sans enjeux. D’abord parce que le nent, son dynamisme n’est pas non plus à parti risque de passer, pour la première la hauteur de ses ambitions: la croissance fois, sous la barre des 60 % devrait légèrement s’acdes voix et de perdre le célérer en 2014 (à 2,9 %, LA GÉNÉRATION contre 2 % en 2013), mais contrôle de la province du Gauteng (celle de la capielle reste modeste comDE L’APRÈStale), que lorgne l’oppoparée à la moyenne subsition. Ensuite parce que saharienne (6 % prévus APARTHEID la génération qui n’a pas pour 2014) et à celle des VOTERA POUR pays émergents (5,1 %). connu l’apartheid votera Les talons d’Achille de pour la première fois. Son LA PREMIÈRE la société sud-africaine comportement sera riche d’enseignements pour les FOIS EN 2014. persistent, comme son niveau d’inégalités, années à venir. parmi les plus élevés au Jusqu’à maintenant, les monde, et son système éducatif public, victoiresdel’ANCdevaientaumoinsautant classé 92e sur 122 en 2013 par le Forum à son prestige de parti de la libération et à la fidélité de ses électeurs qu’à son bilan à économique mondial. la tête de l’État. Celui-ci est certes positif par bien des aspects. Une majorité de MARIKANA. La gestion de l’ANC depuis Sud-Africains sait gré au parti au pouvoir 1994, qui repose sur le compromis, semble d’avoir fait reculer l’extrême pauvreté (la s’être grippée ces dernières années. Le part de ceux qui vivent avec moins de chômage ne recule pas: il devrait même 2 dollars par jour est passée de 42,9 % à encore augmenter de 1 point en 2014, à 31,3 % entre 2000 et 2009), notamment 26 %. Les graves crispations qui découlent grâce à l’instauration d’un système de de cette situation sont de plus en plus bourses sociales. La plus grande partie de visibles, avec, pour symbole, les violences la population a accès aux services de base, de Marikana, qui ont coûté la vie à plus et la stabilité du pays, doté d’institutions de 40 mineurs en août 2012 et révélé que démocratiques et fonctionnelles, a été certainsmouvementssociauxéchappaient préservée. désormaisaucontrôle des syndicatsaffiliés L’Afrique du Sud a en outre su s’affirmer au pouvoir. En parallèle, les investisseurs surlascèneinternationalecommeleleader sont de plus en plus frileux et plusieurs d’un continent en plein essor, rejoignant ont menacé de suspendre leurs projets les Bric (un groupe de pays émergents d’investissements, notamment dans les rebaptisé de ce fait Brics: Brésil, Russie, mines et l’automobile, deux des secteurs Inde, Chine, Afrique du Sud) fin 2010, clés de l’économie. puis portant à la tête de la Commission de Face à cette situation, le gouvernement l’Union africaine (UA) son ex-ministre des fait preuve d’un relatif immobilisme, comme s’il ne pouvait trancher entre les Affaires étrangères Nkosazana DlaminiZuma,enjuillet2012.Pretoriajoueenoutre deux extrémités de sa coalition: syndicaunrôlemoteurdanslescrisesducontinent, listes d’un côté, milieux d’affaires de l’autre.

ZIMBABWE BOTSWANA

MOZ.

AFRIQUE DU SUD UN MODÈLE GRIPPÉ


ANGOLA

ANGOLA LE BONHEUR SUR LE PAPIER

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Luanda

ANGOLA

Lobito Océan Atlantique

200 km

Huambo

ZAMBIE

NAMIBIE

n Superficie 1 246 700 km2 n Population 20,8 millions d’hab. n Croissance démographique 3,12 % n Population urbaine 60 % n Espérance de vie 51,5 ans n Alphabétisation 70,14 % n Indice de développement humain IDH 0,508 Rang 148e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 126,19 kwanzas 1 $ = 95,58 kwanzas n PIB par habitant 5 777 $ n Inflation 10,3 % n Investissements directs étrangers — 6 898 millions de $ n Balance commerciale 46 806 milliards de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

104,1

124

133,5

5,2

5,6

6,3

2012*

2013*

2014*

115,2

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,9 2011

l’hémicycle, conservant tout de même sa majorité qualifiée, soit 175 députés sur 220. L’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita, ancien mouvement rebelle) a, lui, grignoté 16 nouveaux sièges, multipliant par deux le nombre de ses représentants à l’Assemblée nationale. Mais il en faudra beaucoup plus pour inquiéter l’indétrônable José Eduardo dos Santos, au pouvoir depuis trente-quatre ans ! n 169

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

D

ésormais, les Angolais sont les de vingt-sept mois qui s’est achevée en Africains les plus heureux. C’est 2012 – et la reprise de la production de ce qu’atteste le « Word Happiness pétrole ont permis à l’Angola de consoliReport 2013 », rapport annuel sur le der sa situation macroéconomique. Son bonheur parrainé par l’ONU. Il mesure, taux d’inflation vient ainsi de retomber sous la barre des 10 %, une première pour la deuxième année consécutive, le depuis une décennie. bien-être des populations du monde en fonction de six critères, parmi lesquels le revenu par habitant, l’espérance de vie LIBRE-ÉCHANGE. Selon les estimations en bonne santé, l’absence de corruption du FMI, et malgré un environnement et la possibilité de faire librement ses mondial morose, les perspectives éconochoix de vie. Placé au 61e rang mondial, le miques du pays sont encore favorables pays de José Eduardo dos Santos détrône pour 2013 (avec un taux de croissance ainsi Maurice, État africain le mieux loti attendu à 5,6 %). Mais l’Angola hésite l’an dernier. toujours à rejoindre le processus d’intéIl faut dire que l’Angola cherche à amégration régionale. Son adhésion à la zone liorer sa gouvernance ; c’est l’objectif du de libre-échange, qui regroupe un grand programme quinquennal mis en place nombre des pays de la Communauté en 2012. Le gouvernement s’efforce de de développement de l’Afrique australe favoriser l’interaction entre l’exécutif et (SADC), a de nouveau été renvoyée à une les forces vives de la nation. Dans cette date ultérieure. Luandaévoque l’échéance optique, un forum national de la jeunesse de 2014, voire 2015, le temps d’apporter a été ouvert le 24 juillet 2013 pour tenquelques « ajustements » au mécanisme ter de résoudre les problèmes auxquels mis en place en 2007 pour renforcer l’intécette tranche de la population se trouve gration économique dans la sous-région confrontée. Notamment le chômage, qui en supprimant notamment, de manière touche 25 % des Angolais, progressive, différents mais essentiellement des obstacles aux échanges jeunes. Des manifestacommerciaux. LE FOSSÉ tions de colère se sont En at t e n d a nt, l e ENTRE RICHES pays est toujours critid’ailleurs multipliées dans les grandes villes qué pour les injustices ET PAUVRES du pays pour dénoncer sociales qui y règnent. l’inaction du pouvoir NE SE RÉDUIT Entre 2000 et 2012, dans ce domaine. l’Indice de dévelopPAS. Réélu en 2012 pour pement humain établi cinq ans, le président par le Programme des dos Santos promet de Nations unies pour le créer de nouveaux centres de formadéveloppement (Pnud) est certes passé tion professionnelle et d’œuvrer pour de 0,375 à 0,508 (soit une hausse de 35 %), multiplier les investissements publics mais il demeure très faible une fois ajusté et privés « dans les secteurs productifs et aux inégalités. Les efforts des autorités de services ». Le Fonds monétaire interpour réduire le fossé entre les riches national (FMI) encourage également les – souvent des proches du tout-puissant autorités à poursuivre les réformes instiMouvement populaire pour la libération tutionnelles et à renforcer la transparence de l’Angola (MPLA, le parti présidentiel) – dans les gestions budgétaire, monétaire et les pauvres ne produisent pas encore et financière. Le prêt de 1,4 milliard de les résultats escomptés. dollars (1 milliard d’euros) accordé par À l’issue des législatives du 31 août l’institution – et débloqué sur une période 2012, le MPLA a perdu 16 sièges dans

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

CABINDA


BOTSWANA

170

ZIMBABWE Francistown

BOTSWAN A

D

Gaborone

AFRIQUE DU SUD

200 km

n Superficie 581 730 km2 n Population 2 millions d’hab. n Croissance démographique 0,86 % n Population urbaine 62,3 % n Espérance de vie 53 ans n Alphabétisation 84,47 % n Indice de développement humain IDH 0,634 Rang : 119e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 10,10 pulas 1 $ = 7,65 pulas n PIB par habitant 7 220 $ n Inflation 7,2 % n Investissements directs étrangers 293 millions de $ n Balance commerciale — 1 390 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

15,3

14,4

15,5

16

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

6,1 2011*

4,2

3,9

4,1

2012*

2013*

2014*

Parti du peuple du Botswana (BPP) –, s’est rassemblée au sein du Parapluie pour le changementdémocratique(UDC)enavril, espérant proposer une alternative. Mais elle peine à rassembler autour de son président, le militant des droits de l’homme Duma Boko, et ses chances paraissent minces. D’autant que l’industrie diamantaire semble accorder sa confiance, et ses financements, à Ian Khama. Celui-ci est bien le favori à sa propre succession. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

ernière ligne droite avant les élecnombreux barrages botswanais n’étaient tions générales d’octobre 2014 pour plus remplis, fin août 2013, qu’à 10 % ou le Botswana, dans un contexte qui 20 % de leur capacité. À l’instar de celui de incite à un optimisme prudent. Le pays Gaborone, rempli à 20,54 % – il alimente a certes connu un ralentissement de sa en eau la capitale, qui a subi une pénurie croissance en 2012, subissant le mauvais en septembre. La compagnie des eaux du état d’une économie mondiale dont il pays a même été contrainte d’appeler les dépend largement à travers le secteur consommateursà l’économie et d’imposer du diamant (un tiers du PIB, 75 % des un rationnement. exportations et 50 % des recettes fiscales). Mais cette tendance ne doit pas cacher les GRÈVES. Bien que le Botswana ait réalisé bons résultats enregistrés par les autres des progrès remarquables en termes de secteurs, dont les revenus ont connu une développement social et humain depuis croissance de près de 10 %. les années 1980, avec un indice de déveUn rebond est donc attendu, compte loppement humain bien au-dessus de la tenu des efforts du président Ian Khama, moyenne subsaharienne (0,634, contre chef de l’État et du gouvernement, pour 0,475),lapauvretéresteunepréoccupation diversifier l’économie. majeure. En trente ans, Ceux-ciontfavorisél’essor le PIB par habitant a été desindustriesmanufactumultiplié par 7,5 et le PIB GABORONE rières, de la construction total par 22 (en dollars INVESTIT POUR constants).Mais,selonles et des services, même si ces secteurs restent pénaNations unies, entre 40 % REMÉDIER À lisésparlemanquedetraet 50 % de la population vailleurs qualifiés, le coût vivraient en dessous du LA PÉNURIE seuil de pauvreté. élevé de la main-d’œuvre D’EAU. En 2011 et en 2012, le et l’étroitesse du marché pays a même traversé intérieur. Trois facteurs une période de contesqui exposent toujours le tation pendant laquelle des grèves ont Botswana à une détérioration de la situation économique mondiale. éclaté dans la fonction publique. Le gouDe nombreux projets sont en cours. vernement a été contraint de lâcher du Dans le domaine du charbon, l’État est lest et d’augmenter les salaires de 3 %. revenu sur sa décision de déclarer un Il a également lancé diverses initiatives moratoire sur les licences d’exploration. sociales à destination des plus pauvres Afin de favoriser les échanges, des études et des sans-emploi. Mais, avec un taux ont été lancées en vue de construire des de chômage élevé (21 % selon le gouverlignes de chemin de fer vers l’Afrique nement, près de 35 % selon l’opposition), du Sud et vers le Mozambique via le le Botswana peine à résorber de fortes Zimbabwe. Le gouvernement cherche inégalités sociales. Tout comme il semble également à investir dans le domaine de désarmé face à l’épidémie de sida qui a l’eau, via le développement d’infrastrucprovoqué un recul de l’espérance de vie, tures et la signature de contrats avec le passée de 61 ans en 1991 à 53 ans en 1997. Lesotho. Après la longue sécheresse qui Les élections de 2014 n’augurent pas avait commencé début 2012, le Botswana de bouleversements politiques, même si envisage ainsi d’acheminer de l’eau afin un vent de changement a soufflé durant d’éviter des pénuries. l’année 2012. L’opposition, représenIl risque en effet d’être l’une des pretée par trois partis – le Mouvement du mières victimes de la crise de l’eau dans Botswana pour la démocratie (BMD), le la région. Selon les données officielles, de Front national du Botswana (BNF) et le

ZAMBIE

ANGOLA NAMIBIE

BOTSWANA KHAMA, FAVORI À SA SUCCESSION


LESOTHO

L’

année 2013 a été celle de la transition. Après des élections contestées en 2007, le Lesotho a pris, en mai 2012, le virage de l’alternance. Avec le soutien de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui dirigeait la médiation entre le gouvernement et les principaux acteurs du scrutin, Thomas Thabane a succédé à Pakalitha Mosisili, Premier ministre depuis quatorze ans. Une passation de pouvoirs historique, le nouveau dirigeant n’ayant réussi à s’imposer qu’à la faveur d’une coalition regroupant quatre partis d’opposition autour de son propre mouvement, All Basotho Convention (ABC). Ce qui augure bien des difficultés en termes de stabilité politique.

entrepris une métamorphose, privilégiant le secteur du textile et de l’habillement (source non négligeable d’emplois et de devises), au détriment d’une économie tributaire de l’agriculture de subsistance et de l’emploi dans les mines et les industries sud-africaines. Une bouffée d’oxygène – certes limitée – pour le Lesotho, qui, malgré le souhait du gouvernement de créer 50000 emplois dans le secteur privé d’ici à 2017, souffre toujours d’un taux de chômage de 40 %. Le pays a pour le moment échoué à diversifier ses produits et ses marchés d’exportation, en dehors des États-Unis, et à exploiter les ressources naturelles dont il est richement doté, notamment l’eau et les diamants. Le maintien des conditions favorables accordées par Washington CHENILLES. Les défis étaient et restent n’étant pas assuré, car il dépend des négonombreux. En 2011 et en 2012, sécheciations entre républicains et démocrates resses, pluies tardives et épisodes de gel au Congrès américain, le gouvernement a prématurés se sont succédé, faisant chuter tout intérêt à trouver d’autres partenaires. de 70 % la production agricole. En février Un accord pourrait ainsi intervenir avec et en mars 2013, c’est une invasion de le Belarus – une rencontre entre les délégachenilles qui a ravagé les récoltes. Selon tions des deux pays a eu lieu en août 2013 – l’ONG Care, 725 000 personnes soufdans les domaines de l’agriculture, de la fraient, fin août 2013, construction, des mines de malnutrition, soit le et des infrastructures. Le tiers de la population. Lesotho est également au UN TIERS D’autant que la croiscentre des négociations DE LA sance économique, qui concernant un projet avait déjà ralenti en 2011, d’acheminement de l’eau POPULATION a poursuivi sur cette tenvers le Botswana, qui dance en 2012. Elle reste pourrait aboutir courant SOUFFRE DE essentiellement liée à 2015. Il profiterait ainsi MALNUTRITION. des investissements de l’investissement minier et à la construction. Gaborone, qui cherche à Ce sont donc logiqueremédieràsesproblèmes ment sur ces secteurs que reposent les de sécheresse en développant ses infrasespoirs à moyen terme. La Banque afritructures, comme les barrages et autres caine de développement (BAD) table sur installations liées à l’eau potable. le dynamisme du BTP et sur les réformes en faveur de la diversification économique DÉPENDANT. Selon les priorités du et de la compétitivité. Ces dernières ont Premier ministre, ces fonds pourraient êtreredirigésverslesdépensesd’éducation commencé à porter leurs fruits. Grâce à et de santé, pour lesquelles le Lesotho l’accès privilégié au marché américain rendu possible par la loi sur la croissance reste dépendant de son voisin sud-africain et les opportunités en Afrique (Agoa, et de l’aide internationale, notamment opérationnelle depuis 2001), le pays a concernant le traitement contre le VIH JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

AFRIQUE DU SUD Maseru

LESOTHO

AFRIQUE DU SUD

30 km

n Superficie 30 350 km2 n Population 2,1 millions d’hab. n Croissance démographique 1,08 % n Population urbaine 28,3 % n Espérance de vie 48,7 ans n Alphabétisation 89,65 % n Indice de développement humain IDH 0,461 Rang 158e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 11,03 lotis 1 $ = 8,35 lotis n PIB par habitant 1 182 $ n Inflation 5,5 % n Investissements directs étrangers 172 millions de $ n Balance commerciale — 1 328 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

2,5

2,5

2,7 2,5

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

5,7

4,5

4,1

2011

2012*

2013*

5 2014*

(dont le taux de prévalence atteint 24 % en zone rurale et plus de 30 % en milieu urbain). Le pays en a cruellement besoin: son indice de développement humain n’a observé qu’une faible augmentation depuis 2005, le plaçant à la 158e place mondiale (sur 187 États classés), et peine à revenir à son niveau de 1990, avant les bouleversements qu’a connus l’Afrique du Sud et qui ont eu de profondes répercussions sur ce territoire enclavé. n 171

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

LESOTHO CHERCHE PARTENAIRES


MALAWI

MALAWI JOYCE BANDA, PROPHÈTE EN SON PAYS?

172

Lac Malawi

M A L AW I

Lilongwe MOZAMBIQUE

ZAMBIE

MOZAMBIQUE Blantyre 150 km

n Superficie 118 480 km2 n Population 15,9 millions d’hab. n Croissance démographique 2,86 % n Population urbaine 15,8 % n Espérance de vie 54,8 ans n Alphabétisation 74,77 % n Indice de développement humain IDH 0,418 Rang 170e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 424,12 kwachas malawites 1 $ = 321,24 kwachas malawites n PIB par habitant 291 $ n Inflation 19,2 % n Investissements directs étrangers 129 millions de $ n Balance commerciale — 1 003 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

5,6 4,2

3,7

4,1

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

4,3

1,9

5

6,1

2011*

2012*

2013*

2014*

budget de l’État était détourné. Le fils de Muluzi, Austin Atupele, qui doit représenter son parti (Front démocratique uni, UDF) lors de l’élection présidentielle, aura du mal à prétendre pouvoir faire mieux que Banda sur cette question. Son autre rival, Peter Mutharika, n’est autre que le frère cadet de l’ancien président Bingu Wa Mutharika, très impopulaire au moment de sa mort. L’espoir est donc encore permis pour Joyce Banda. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

G

ageons que le Fonds monétaire outre l’uranium de Kayelekera, le pays a international (FMI) et les princidélivré des droits d’exploration pour les paux pays donateurs prêteront un terres rares. Le lac Malawi disposerait œil attentif aux résultats sorti des urnes, aussi d’un potentiel pétrolier intéressant, en mai 2014. C’est en effet en grande mais impossible à exploiter tant que le contentieux territorial avec la Tanzanie partie les politiques qu’ils recommandent ne sera pas résolu. qui seront jugées par les électeurs. La Si Joyce Banda a réussi à redorer présidente, Joyce Banda (l’une des deux son image à Washington, Bruxelles et seules femmes chefs d’État du continent, avec la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf), Londres, il en va différemment au pays, où n’en fait pas mystère : sa priorité est de les on lui reproche régulièrement d’être à la satisfaire pour regagner solde des Occidentaux. leur confiance et voir les Aussi a-t-elle trébuché investisseurs étrangers LA PRÉSIDENTE sur la question des revenir. C’est que son droits des homosexuels. EST ACCUSÉE pays est très dépendant Après avoir demandé au des aides extérieures : Parlement de revoir sa D’ÊTRE À près de 40 % du budget loi, particulièrement de l’État en provient. répressive, elle s’est LA SOLDE DES Après son accession heurtée à la réaction OCCIDENTAUX. des chefs religieux et au pouvoir, en 2012 – à la suite de la mort soutraditionnels, qui l’ont daine de son prédécesaccusée de céder à des seur, Bingu Wa Mutharika –, Banda avait « traditions étrangères venues de l’Occirelevé la première partie de son défi, dent ». En janvier 2013, Banda a dû faire prenant les décisions recommandées par marche arrière et annoncer qu’elle laisle FMI : la dévaluation de près de moitié serait les Malawites décider. de la monnaie nationale et l’abandon des La chef de l’État va avoir du mal à ne subventions aux carburants. « À court pas être éclaboussée par le scandale terme, ces réformes ont appauvri certains du « cashgate ». Le 13 septembre 2013, Paul Mphwiyo, directeur du budget au des plus pauvres », a-t-elle reconnu. Pour faire bonne mesure, elle a aussi vendu ministère des Finances, a échappé à une l’avion présidentiel et emprunte désortentative d’assassinat. Il enquêtait, selon mais les lignes commerciales. la présidente, sur la corruption d’une partie de l’élite : des millions de kwachas TABAC. Depuis, l’économie connaît (la monnaie malawite) détournés ont une relative amélioration. Après 5 % été retrouvés, en liquide, au domicile de croissance en 2013, le redressement et dans les véhicules de hauts fonctiondevrait atteindre 6,1 % en 2014. Mais naires, scandalisant la société civile et l’inflation, autour de 20 %, est galopante. les bailleurs de fonds. Après que l’Union Le tabac, qui procure toujours 70 % des européenne a menacé de suspendre ses devises du pays et 30 % de son PIB, reste versements, la présidente a promptement la principale culture d’exportation. Mais réagi en limogeant l’intégralité de son à moins de parvenir à conquérir le margouvernement, dont certains membres ché chinois (des discussions sont en devront faire face à la justice. Banda soutient que la corruption est un cours avec Pékin), Lilongwe va devoir héritage dont elle n’est pas responsable. se préparer à une possible chute de la rentabilité de cette production. Pour C’est sans doute en partie vrai. Ainsi, l’adprendre le relais, le gouvernement tente ministration de l’ancien président Bakili notamment de stimuler le secteur minier: Muluzi avait reconnu qu’environ 30 % du

TANZANIE


MOZAMBIQUE

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

MOZAMBIQUE

ZAMBIE

Nampula

ZIMBABWE

Beira Océan Indien

AFRIQUE DU SUD Maputo SWAZ.

300 km

n Superficie 801 590 km2 n Population 25,2 millions d’hab. n Croissance démographique 2,5 % n Population urbaine 31,4 % n Espérance de vie 50,7 ans n Alphabétisation 56,11 % n Indice de développement humain IDH 0,327 Rang 185e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 38,82 meticals 1 $ = 29,40 meticals n PIB par habitant 617 $ n Inflation 2,7 % n Investissements directs étrangers 5 218 millions de $ n Balance commerciale — 2 702 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

12,6

14,2

14,7

16

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

7,3

7,4

7

8,5

2011

2012

2013*

2014*

a commandé, en septembre 2013, aux Constructions mécaniques de Normandie (CMN, en France) 30 navires pour ses 2500 km de côtes, particulièrement riches en poisson et pour l’instant surtout exploitées par des flottes de pêche étrangères. Autre point d’amélioration: le recul de la misère, le pays restant, malgré une croissance attendue par le Fonds monétaire international à 8,5 % en 2014 (contre 7 % en2013),l’undespluspauvresaumonde. n 173

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

U

n défi majeur attend le stratégique voie ferrée – la seule du pays –, Mozambique, celui de la stabiqui se trouve dans son fief et relie la ville lité. Après les tensions singuliècharbonnière de Tete au port de Beira. rement vives, et parfois meurtrières, de Déjà, le mouvement semble durcir ses 2013, une période encore plus délicate positions. Mi-novembre 2013, son chef, s’ouvrira avec l’élection présidentielle de Afonso Dhlakama, qui a repris le maquis, novembre 2014, que le Front de libération a rejeté la proposition du gouvernement d’entamer des discussions. Toutefois, du Mozambique (Frelimo, au pouvoir depuis l’indépendance, en 1975) peut difficomptant à peine entre 400 et 800 vétécilement perdre – même si la Constitution rans mal équipés, sans soutiens financiers interdit au président Armando Guebuza ou politiques extérieurs (en particulier de briguer un troisième mandat – et que depuis qu’elle a perdu l’appui de l’Afrique la Résistance nationale mozambicaine du Sud), la Renamo, malgré sa capacité de (Renamo) menace de boycotter. nuisance, peut difficilement prétendre à L’ex-guérilla devenue parti d’opposition une victoire militaire. Ou même populaire: dénonce la mainmise économique et poliavec le même dirigeant depuis 1979 et tique du pouvoir sur le pays et réclame une les mêmes structures qu’à l’époque de la réforme de la Commission nationale des guérilla, elle peine à séduire un nouveau public et voit sa base populaire s’effriter. élections, dont les deux tiers des membres sont pro-Frelimo. Elle revendique aussi un meilleurpartagedesrichessesgénéréespar RICHES. Pour bon nombre d’analystes, la l’exploitation des ressources naturelles. Il confrontation en cours n’est donc pas de est vrai que la répartition est parfaitement nature à amoindrir l’intérêt des milieux inégalitaire,privilégiantleSud,plusricheet d’affaires pour le Mozambique, qui amédéveloppé (notamment sur le corridor en liore d’ailleurs son rang au classement directiondel’AfriqueduSud),audétriment « Doing Business », passant, dans le rapdu Nord, très pauvre. port 2014, de la 146e à la Or la filière extractive 139e place (sur 189 États). LA RENAMO est stimulée par la récente En 2013, comme depuis découverte, au large des plusieurs années, le pays MENACE DE côtes, de nouveaux giseest la troisième destinaments de gaz (lire aussi tion des investissements BOYCOTTER pp. 78-81). Le pays abrite directs étrangers (IDE) LE SCRUTIN ET en Afrique australe, derdéjà l’une des plus vastes réserves connues au l’Angola et l’Afrique D’INTENSIFIER rière monde(estiméeàenviron du Sud. Les perspec4200 milliards de mètres SES ATTAQUES. tives économiques cubes), qui devrait rapsont bonnes pour les porter 4,1 milliards d’euprochaines années ; le ros par an en recettes fiscales à partir de Mozambique pourrait atteindre le statut 2025. Des trésors insoupçonnés en 1992 de pays à revenu intermédiaire d’ici à 2025. lors de la signature des accords de paix Bien qu’encore sous-exploités, ses atouts mettant fin à seize années de guerre civile, sont effectivement nombreux : énergie que la Renamo dénonce aujourd’hui. (gaz, pétrole, hydroélectricité), mines Face à un pouvoir intraitable et soup(charbon, titane, or, pierres précieuses, çonné d’enrichissement, la Renamo aluminium), agriculture, sylviculture, pourrait intensifier ses attaques dans pêche et tourisme. le centre du pays, comme à Muxungue Comme pour affirmer son désir de ou à Savane en 2013, ou mettre à exécudiversifier une économie largement tributaire des ressources naturelles, Maputo tion sa menace de s’en prendre à la très

TANZANIE MALAWI

MADAGASCAR

MOZAMBIQUE PRÉSIDENTIELLE À RISQUES


NAMIBIE

S

e tirer une balle dans le pied à Heureusement pour ce parti, l’opposil’approche d’un scrutin majeur. tionn’estpasenresteentermesdedivision. C’est peu ou prou l’exercice auquel La présidence du Rassemblement pour la semble se livrer l’Organisation du peuple démocratie et le progrès (RDP), actuelledu Sud-Ouest africain (Swapo, au pouvoir ment occupée par Hidipo Hamutenya, fait depuis l’indépendance de la Namibie, en carrément l’objet d’une bataille juridique. 1990), alors que se profile la présidentielle La seule figure qui se détache est Mike de novembre 2014. Triomphalement réélu Venaani, qui, à la surprise générale, a pris à la vice-présidence du parti en 2012, le contrôle de l’Alliance démocratique de ce qui faisait de lui le futur candidat, le la Turnhalle (DTA) et avance l’idée d’une Premier ministre, Hage Geingob, cristallise coalition pour mettre fin à la domination la colère de l’aile la plus conservatrice de politique du parti au pouvoir. son parti, bien déterminée à lui barrer la route. Emmenée par de jeunes loups, elle PELOTON. Une gageure, car l’opposition entend imposer son propre candidat, Jerry reste minoritaire. Et les mesures de lutte Ekandjo, un ancien syndicaliste conservacontre la pauvreté et les inégalités ainsi teurprochedutrèspopulaireSamNujoma, que le programme de soutien à l’emploi premier président namibien (1990-2005). dans le secteur privé contribueront à Les prochains mois s’annoncent donc apaiser les tensions sociales, même si particulièrement difficiles pour Hage la Namibie fait face à une sécheresse Geingob, qui se voit reprocher tour à tour majeure et à un chômage persistant (avec son goût immodéré pour les voitures de un taux record de plus de 30 % en 2013). luxe ou la bonne chère et sa proximité Et même si les premières prospections avec les milieux d’affaires, notamment effectuées par le groupe pétrolier brésilien occidentaux. Dans un pays réputé pour sa HRT au large des côtes n’ont pas donné bonne gouvernance (la Namibie est 6e sur les résultats escomptés. 52 États classés par l’indice Mo-Ibrahim Un coup dur pour Windhoek, qui se en 2013), il a été contraint par son propre rêvait en fournisseur régional de pétrole camp de s’expliquer sur le financement après la découverte de réserves estimées de son train de vie, en à 11 milliards de barils particulier depuis qu’il (contre 12,2 en Angola). LES JEUNES a reconnu avoir touché L’exploitation devait plus de 223 000 euros débuter en 2015 et proLOUPS DU d’honoraires pour des pulser la Namibie dans missions de consulting PARTI VEULENT le peloton de tête des auprès de responsables producteurs africains IMPOSER LEUR d’or noir. du nucléaire français lorsqu’il était député. En attendant, son CANDIDAT Geingob, âgé de 72 ans, sous-sol reste riche (diaa également dû rendre mant, gaz, cuivre…). Si POUR 2014. public son bulletin de l’exploitation de la mine santé après avoir été d’uranium de Trekkopje opéré d’un kyste mineur à la tête. a été suspendue par Areva, la société Au-delà de ces faits anecdotiques, ce chinoise CGNPC, qui a racheté les droits qui est réellement reproché à ce candidat du gisement d’uranium de Husab, envià la présidence c’est son appartenance sage toujours de l’exploiter avant 2015. à l’ethnie minoritaire des Damaras. Car La production espérée pourrait placer c’est plutôt au vote de celle, majoritaire, la Namibie au troisième rang mondial. Le pays a cependant pris des mesures des Oshiwambos que la Swapo doit ses visant à pallier sa dépendance au secteur cinq mandats consécutifs. 174

ANGOLA

ZAMBIE

BOTSWANA

Walvis Bay Windhoek

NAMIBIE Océan Atlantique

AFRIQUE DU SUD

300 km

n Superficie 824 290 km2 n Population 2,3 millions d’hab. n Croissance démographique 1,87 % n Population urbaine 39 % n Espérance de vie 62,6 ans n Alphabétisation 88,75 % n Indice de développement humain IDH 0,608 Rang 128e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 11,03 dollars namibiens 1 $ = 8,35 dollars namibiens n PIB par habitant 5 107 $ n Inflation 6,5 % n Investissements directs étrangers 357 millions de $ n Balance commerciale — 1 953 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

12,8

13

12,3

13

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

5,7

5

4,4

4

2011*

2012*

2013*

2014*

extractif, qui représente 50 % des exportations. Ainsi, son premier terminal commercial, le port de Walvis Bay, projette de tripler sa capacité pour la faire passer à plus de 1 million de conteneurs par an et renforcer ainsi sa position dans les échanges locaux et avec les pays voisins, notamment le Botswana, la Zambie et le Zimbabwe, importants exportateurs de diamant, de cuivre et de charbon. Début du chantier en février 2014. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

NAMIBIE LA SWAPO DIVISÉE


SWAZILAND

SWAZILAND PEU D’ESPOIR DE CHANGEMENT

Mbabane

A

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

S WA Z I L A N D

30 km

n Superficie 17 360 km2 n Population 1,2 million d’hab. n Croissance démographique 1,54 % n Population urbaine 21,2 % n Espérance de vie 48,9 ans n Alphabétisation 87,44 % n Indice de développement humain IDH 0,536 Rang 141e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 11,05 lilangenis 1 $ = 8,37 lilangenis n PIB par habitant 3 036 $ n Inflation 8,9 % n Investissements directs étrangers 90 millions de $ n Balance commerciale — 40 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

4

3,8

3,8

3,9

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

0,3

0

0,3

2013*

2014*

– 1,5 2011*

2012*

Mais en l’absence de croissance, l’État reste confronté à une crise budgétaire structurelle, qui avait atteint un pic en 2012, avec un déficit à 6 % du PIB. L’Union douanière d’Afrique australe (qui fournit à l’État l’essentiel de ses recettes) a accordé, début 2013, une dotation deux fois plus importante qu’habituellement à Mbabane. Un sursis que le pouvoir serait bien avisé d’utiliser pour mettre en œuvre le changement. n 175

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

vec ses magnifiques paysages et pays qui provoquerait de nouveaux afflux ses traditions culturelles encore de migrants sur son territoire, quitte à se très ancrées, le petit royaume du satisfaire du statu quo. Le gouvernement Swaziland est un paradis pour les toupeut en outre compter sur le soutien de ristes en quête d’authenticité. Mais une Taïwan, qui lui fournit environ 200 millions de dollars (145 millions d’euros) bonne part de sa population souhaiterait que les choses changent, dans un pays par an. Même si cette alliance l’empêche où le chômage des jeunes dépasse 50 %, d’espérer des investissements d’ampleur l’inflation 7 %, et où la prévalence du sida de Pékin. s’élève à 25 % chez les adultes. En attendant, l’économie stagne: après Les Swazis ont pour l’instant peu d’esune année de croissance zéro en 2013, poir. Le roi Mswati III, dernier monarque l’économie du Swaziland ne devrait guère absolu d’Afrique, n’a montré aucune faire mieux en 2014 (le Fonds monétaire volonté réelle de faire évoluer le système international prévoit + 0,3 %). Le faible politique, malgré ses déclarations en ce dynamisme des économies sud-africaine sens et en dépit des recommandations et européenne, qui constituent 70 % de du Commonwealth et de l’Afrique du ses débouchés, n’aidera pas le royaume à Sud. Comme prévu, relever la tête. Le sucre les élections législacontinue de représentives, organisées en ter le plus important ON COMPTE septembre 2013, n’ont secteur de l’économie 1 OPPOSANT provoqué aucun chan(35 000 emplois directs gement. Il faut dire que près de 300 millions SUR 65 DÉPUTÉS et 10 des 65 députés sont d’euros de revenus en désignés par le roi lui2013), mais ses prix ont À L’ASSEMBLÉE même, et que les autres sensiblement baissé NATIONALE. ne peuvent se présensur les marchés interter sans l’aval des chefs nationaux cette année. traditionnels. Un oppoComme le textile, ce sant, Jan Sithole, est toutefois parvenu à secteur est très dépendant des accords d’accès préférentiel aux marchés amése faire élire après avoir renoncé à porter ricain et européen, ce qui le rend vulles couleurs du Parti démocratique du nérable. Le secteur privé a par ailleurs Swaziland (les formations politiques sont souffert en 2013 de la fermeture de plubannies du Parlement depuis 1973). Mais, sieurs entreprises importantes. seul, il aura peu d’influence sur cette chambre, qui ne fait de toute façon pas Cela n’empêche pas la famille royale et le poids face au Palais. le souverain – qui a pris une quinzième épouse l’année dernière – de mener PACIFIQUE. Les observateurs de la grand train. Mswati III est le quinzième Communauté de développement de monarque le plus riche de la planète, l’Afrique australe (SADC) ont réagi selon le magazine Forbes, avec un patrimollement face à ce scrutin, soulignant moine de plus de 100 millions de dollars. qu’il avait été « ordonné et pacifique ». Soucieux de s’assurer la loyauté de Un signe, sans doute, que des pressions l’élite, il accorde des salaires relativement internationales concertées sur Mbabane confortables aux hommes politiques et ne sont pas pour demain. L’Afrique du aux fonctionnaires, qu’il a augmentés Sud aurait pourtant les cartes en main respectivement de 10 % et 5 % l’année pour imposer des réformes au roi. Mais dernière. Cette politique, associée à une forte répression, lui a pour l’instant évité Pretoria semble surtout préoccupé par la nécessité d’éviter un effondrement du toute réaction menaçante de la société.

MOZAMBIQUE

AFRIQUE DU SUD


ZAMBIE

ZAMBIE GARE À LA SURCHAUFFE

176

TANZANIE

MALAWI

ANGOLA

Ndola

ZAMBIE

Lusaka

NAM. BOTSWANA

MOZ. ZIMBABWE

200 km

n Superficie 752 610 km2 n Population 14,1 millions d’hab. n Croissance démographique 3,19 % n Population urbaine 39,6 % n Espérance de vie 49,4 ans n Alphabétisation 71,21 % n Indice de développement humain IDH 0,448 Rang 163e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 6 735,95 kwachas zambiens 1 $ = 5 101,95 kwachas zambiens n PIB par habitant 2 003 $ n Inflation 6,5 % n Investissements directs étrangers 1 066 millions de $ n Balance commerciale 1 823 milliards de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

19,2

20,6

22,2

23,8

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

6,8

7,2

6

6,5

2011

2012

2013*

2014*

Quant à l’opposition, elle paraît aujourd’hui très affaiblie. Le Mouvement pour la démocratie multipartite (MMD, au pouvoir jusqu’en 2011) est en perte de vitesse. Son rival, le Parti uni pour le développement national (UPND), de l’homme d’affaires Hakainde Hichilema, attire les transfuges, jusqu’à l’ex-président Rupiah Banda lui-même. Dans ce climat, il sera difficile aux adversaires du PF de présenter un front uni en 2016. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

M

algré une baisse relative des prix plus de 5 000 emplois. À cela s’ajoutent du cuivre (après les records de de coûteuses promesses de campagne, 2011), la mamelle de l’économie comme l’augmentation de 200 % accordée zambienne continue de bien se porter : la aux salariés du secteur public. production de ce métal devrait atteindre Jusqu’à maintenant, le gouvernement 850 000 tonnes en 2013, approchant des a eu peu de raisons de revoir ses prorecords nationaux, après l’augmentagrammes à la baisse : alléchés par la protion des capacités de production dans messe de taux de croissance élevés (6,5 % les mines de Kansanshi, sont prévus pour 2014, Lubambe et Muliashi. Et après 6 % en 2013), les il n’est pas exclu que les AUGMENTATION investisseurs continuent prix remontent prochaid’affluer, lui permettant DES SALAIRES, un accès facile au crédit. nement, pour peu que la demande de la Chine (qui L’émission obligataire de CHANTIERS: consomme environ 40 % 750 millions de dollars de la production monlancée début 2012 a L’ÉTAT diale) augmente. ainsi attiré une demande DÉPENSE TROP. quinze fois supérieure à Legouvernementzambien estime toutefois ne l’offre. Mais la multiplipas tirer assez de bénécation des emprunts a fices de cette activité et s’est lancé dans fait croître la dette, attendue à 37 % du une campagne contre l’évasion fiscale PIB fin 2013, et le pays n’est pas à l’abri du – un problème également dénoncé par la surendettement (phénomène qu’il avait Banque mondiale et le Fonds monétaire connu entre 1975 et 1990) si les cours international. Lusaka a ainsi amélioré ses du cuivre venaient à chuter davantage. contrôles sur les multinationales opérant dans le pays, qui doivent désormais LOBBY. Sur le front politique, le possible fournir une foule de documents sur leurs renoncement du président Michael Sata clients, leurs fournisseurs et leurs opéraà briguer un nouveau mandat en 2016 (il tions financières notamment. aura alors 79 ans, et sa santé est souvent Les comptes de l’État zambien sont en décrite comme fragile) pourrait ouvrir effet menacés de déséquilibre. Ainsi, en les hostilités quant à sa succession. Un 2013, le déficit a atteint 7,8 % du PIB, alors proche du chef de l’État, Wynter Kabimba, que l’objectif était de 5 %. Le secrétaire au secrétaire général du PF, est donné favori. Trésor, Fredson Yamba, a dû annoncer la Mais cet homme issu d’une minorité baisse des dépenses de l’État en 2014. En ethnique serait contesté, selon certains avril, le gouvernement avait déjà réduit les analystes, par le lobby des Bembas, majosubventions sur les engrais (qui passent ritaires dans le parti. Le ministre de la de 75 % à 50 % du prix du sac de 50 kg Défense, Geoffrey Bwalya Mwamba, et, de fertilisants), ainsi que celles sur les dans une moindre mesure, celui des carburants. Sports, Chishimba Kambwili, et celui Depuis 2011, le gouvernement du Front des Finances, Alexander Chikwanda patriotique (PF) n’avait pas lésiné sur les Bwalya, sont cités parmi ses membres dépenses, notamment concernant les proles plus influents. La décision de Sata de jets d’infrastructures routières, ferroviaires mettre fin aux enquêtes pour corruption et énergétiques. Lusaka prévoit ainsi de contre Kabimba et Mwamba visait sans débourser 5,6 milliards de dollars (environ doute à désamorcer la tension entre les deux hommes. Mais elle a affaibli, au 4 milliards d’euros) sur cinq ans pour son programme Link Zambia 8000, qui vise passage, la crédibilité de sa lutte contre à construire 8 000 km de routes et créer la corruption.

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO


ZIMBABWE MUGABE FAIT DE LA RÉSISTANCE

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

Harare

ZIMBABWE Bulawayo

BOTSWANA

AFRIQUE MOZAMB. DU SUD

200 km

Océan Indien

n Superficie 390 760 km2 n Population 13,7 millions d’hab. n Croissance démographique 2,7 % n Population urbaine 39,1 % n Espérance de vie 52,7 ans n Alphabétisation 92,24 % n Indice de développement humain IDH 0,397 Rang 172e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 1,32 dollar du Zimbabwe 1 $ = 1 dollar du Zimbabwe n PIB par habitant 659 $ n Inflation 5,1 % n Investissements directs étrangers 400 millions de $ n Balance commerciale — 888 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

8,9

9,8 10,5

11,3

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

10,6 2011

4,4 2012*

3,2

3,6

2013*

2014*

à la volatilité des prix des matières premières. Dans l’agriculture, les perspectives ont été revues à la baisse, et le secteur devrait se contracter légèrement. La croissance du secteur minier est quant à elle freinée par la baisse des cours mondiaux. Selon l’agence de statistique nationale, les exportations (dont le tabac et les minerais constituent la majeure partie) ont ainsi légèrement diminué au cours des six premiers mois de 2013. n 177

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

E

n février 2014, Robert Mugabe va 2000 (qui avait vu l’expropriation sans pouvoir entrer dans la neuvième compensations de fermiers blancs et une décennie de sa vie avec l’esprit chute vertigineuse de la production), le serein. L’année 2013 a été bonne pour gouvernement pourrait se concentrer sur le doyen des présidents africains. Les la relance de ce secteur, qui contribuait élections générales, attendues depuis autrefois à faire du pays le « grenier » de 2008, ont finalement été organisées en l’Afrique australe. Mais il semble plutôt donner la priorité à la poursuite de sa juillet, et il les a remportées haut la main. politique d’« indigénisation », laquelle Malgré les critiques de l’opposition, qui exige que toutes les entreprises étranne reconnaît pas les résultats, et des Occidentaux, qui pointent notamment gères (minières et bancaires en particulier) l’étrange précipitation avec laquelle a cèdent au moins 51 % de leur capital à été organisé le scrutin, Harare n’a pas des Zimbabwéens noirs, avec le risque été inquiété outre mesure, notamment d’effrayer un peu plus les investisseurs grâce au soutien de l’Union africaine et étrangers. de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). MENU FRETIN. Bien que Mugabe appelle Mugabe a donc obtenu une majorité publiquement à une politique de toléconfortable au Parlement (son parti, la rance zéro en la matière, la Commission Zanu-PF, a obtenu 160 des 209 sièges en anticorruption, dont les pouvoirs sont jeu) et un nouveau mandat de cinq ans. très limités, est accusée de se concentrer Surtout, le président n’est plus contraint sur le menu fretin plutôt que sur les gros par l’accord de partage de pouvoir qui poissons. La transparence des recettes l’obligeait à faire une liées à la production de place au Mouvement diamants laisse à désipour un changement FINI L’ACCORD rer : elles enrichiraient démocratique (MDC) surtout une partie de DE PARTAGE l’élite, faisant cruellede Morgan Tsvangirai. Le tout sans lâcher grandment défaut à la relance DU POUVOIR. chose sur les réformes d’une économie qui en démocratiques auxaurait bien besoin. LA ZANU-PF quelles il s’était engagé. Une croissance de DIRIGE SEULE. 4,4 % a certes été enreAinsi, l’ouverture du secgistrée en 2012, mais teur audiovisuel n’a pas été menée à son terme, et l’optimisme s’est, depuis, la télévision d’État conserve son monoestompé: les prévisions pour 2013 ont été pole. Malgré les quelques gestes faits en révisées à la baisse, à 3,2 %, et les chances direction des Occidentaux, Mugabe et ses d’une reprise plus vigoureuse en 2014 proches restent visés par des sanctions sont faibles (la croissance devrait rester internationales. en deçà des 4 %). Avec Patrick Chinamasa, PourleMDC,cesélectionsontétédésasun très proche de Mugabe, au ministère treuses. Son leader, Morgan Tsvangirai, des Finances, Harare affirme pourtant est désormais contesté jusque dans ses pouvoir améliorer le sort de la majorité des rangs, où on lui reproche d’avoir été trop Zimbabwéens grâce à son programme de conciliant. Le parti pourrait connaître des « transformations socio-économiques ». dissensions internes avant les prochaines Mais les projets d’investissements élections, prévues pour 2018. sont ralentis du fait de la fragilisation des Pour la Zanu-PF, il s’agit maintenant de banques et de la réduction des entrées de parvenir à gérer le pays. Après la réforme capitaux. Le pays est par ailleurs vulnéagraire chaotique du début des années rable aux chocs externes, et notamment

ZAMBIE

MALAWI

ZIMBABWE



OCÉAN INDIEN

COMORES 181 MADAGASCAR 182 MAURICE 183 SEYCHELLES 180

Tana en point de mire

E

président, qui héritera d’un pays rendu exsangue par la crise politique et miné par la corruption, sera ardue. Pour le reste, c’est le calme plat dans l’océan Indien, où aucune élection d’envergure n’est prévue avant 2015. Les Seychelles poursuivent leur évolution en douceur vers une économie de marché. Maurice résiste tant bien que mal (et en se tournant vers l’Asie) à la crise internationale. Quant aux Comores, elles tentent avec difficulté de sortir des cercles vicieux de la dette et de la présidence tournante, un système qui pourrait très bientôt les replonger dans une crise insulaire. n

ncore une fois, Madagascar a été au centre de toutes les attentions en 2013. Et rien n’indique qu’il en ira différemment en 2014. Si la classe politique de la Grande Île a enfin réussi à taire ses divergences, ce qui a permis l’organisation d’une présidentielle promise par le régime de transition depuis quatre ans, la pacification de la vie politique est loin d’être assurée. Le clivage entre les partisans de Marc Ravalomanana et ceux d’Andry Rajoelina, qui ont placé leurs candidats respectifs au second tour de ce scrutin, est toujours très vivace. La mission du futur

Victoria

TANZANIE

SEYCHELLES

Océan Indien

COMORES ZAMBIE

Moroni Dzaoudzi MALAWI

Antsiranana (Diégo-Suarez)

Mayotte (FRANCE) Mahajanga Canal de Mozambique

ZIMBABWE

Antananarivo

MOZAMBIQUE

Toamasina (Tamatave)

MADAGASCAR Fianarantsoa

MAURICE Saint-Denis

Port-Louis

La Réunion (FRANCE)

Toleara (Tuléar) 300 km

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

179


COMORES

NGAZIDJA (GRANDE COMORE) Moroni

COMORES

A

près deux années d’une apathie de la Convention pour le renouveau des plutôt rare aux Comores, tant sur Comores (CRC), le principal parti d’oppole front politique que social, la sition, de connaître de graves dissensions. En jeu : les élections législatives qui température est montée d’un cran dans l’archipel ces derniers mois. Les prémices doivent être organisées en 2014 et, surd’une nouvelle période de turbulences, tout, la présidentielle, prévue pour 2016. dans laquelle le pays pourrait s’engouffrer Le spectre d’une nouvelle crise politique en 2014, sont réapparues dès le premier est d’autant plus présent que le flou règne semestre de 2013. autour de ce second scrutin. Le système Il y eut d’abord ce coup d’État avorté. de présidence tournante adopté en 2001 Entre le 19 et le 21 avril, les autorités ont étant arrivé en bout de cycle, on ne sait déjoué ce qu’elles ont appelé dans un toujours pas de quelle île devra être oripremier temps « une tentative de déstaginaire le prochain chef de l’État. bilisation » en procédant à l’arrestation de plusieurs mercenaires africains et de DETTE. Danscecontexte,lasituationéconoleurs présumés complices comoriens (des miquedupayssembleêtreleseulîlotdestahommes d’affaires, des sous-officiers et bilité,malgrésafragilitéstructurelle.Letaux des politiciens) qui s’apprêtaient à passer de croissance du PIB, qui devrait atteindre à l’action. Leur plan, selon la version offi4 % en 2014, contre 3,5 % en 2013, selon les cielle, consistait à assassiner le président estimationsduFondsmonétaireinternatioIkililou Dhoinine avant de placer leurs nal (FMI), est en constante augmentation hommes à la tête du pays. Quinze perdepuis 2007. Surtout, les Comores, qui ont sonnes ont été incarcérées et un mandat atteint le point d’achèvement de l’Initiative d’arrêt a été lancé à l’endroit du cerveau en faveur des pays pauvres très endetprésumé de l’opération, un Français qui tés (PPTE) en décembre 2012, ont vu en 2013 leur dette annulée à hauteur de 96 % grenouille dans le milieu du mercenariat par le FMI et la Banque depuis trente ans. Il y eut ensuite, le mondiale, et à 85,5 % par RIEN NE VA 28 juin, la démission le Club de Paris. Pour ce contrainte du ministre faire, Moroni s’est engagé PLUS ENTRE des Transports, Rastami dans une vaste réforme Mouhidine, empêtré de la fonction publique LES ALLIÉS dans une affaire de qui devrait aboutir à la D’HIER, suppression d’un grand pots-de-vin révélée par la presse – démission nombre de postes, ce qui DHOININE rapidement suivie d’un pourrait attiser les tenremaniement gouvernesions sociales, même si ET SAMBI. mental, le 13 juillet. lesgrèvesontétéraresces Enfin, au milieu de deux dernières années. l’hiver austral, les Comoriens ont assisté L’archipel a également obtenu un à l’implosion de leur classe politique. accord de réaménagement de sa dette L’alliance au pouvoir a volé en éclats en auprès de la France à la suite de la preaoût, lorsque Ahmed Abdallah Sambi, le mière visite officielle de Dhoinine à Paris, prédécesseur et ex-mentor de Dhoinine, a en juin. Le président comorien et son officiellement rompu avec lui et a annoncé homologue français ont signé à cette sa volonté de « renouer avec le pouvoir ». Il occasion une « déclaration sur l’amitié lui reproche notamment de s’être allié avec et la coopération » censée refonder les relations entre les deux pays, malgré ses anciens opposants. Quelques jours plus tard, c’était au tour du parti Orange, les tensions persistantes autour de la membre de la mouvance présidentielle, et départementalisation de Mayotte. 180

Océan Indien

NDZUANI

Mutsamudu (ANJOUAN)

MWALI (MOHÉLI)

Dzaoudzi

MAORÉ (MAYOTTE) (France)

30 km

n Superficie 2 230 km2 n Population 717 503 habitants n Croissance démographique 2,44 % n Population urbaine 28,1 % n Espérance de vie 61,5 ans n Alphabétisation 74,94 % n Indice de développement humain IDH 0,429 Rang 169e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 491,97 francs des Comores 1 $ = 371,80 francs des Comores n PIB par habitant 814 $ n Inflation 5,6 % n Investissements directs étrangers 17 millions de $ n Balance commerciale — 252 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

0,6

0,6

0,7

0,7

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

2,2

3

2011

2012

3,5 2013*

4

2014*

En 2014, les Comores, qui soignent également leur amitié avec les États du Golfe, devraient en outre obtenir le rééchelonnement des dettes contractées auprès de plusieurs fonds arabes ainsi que de la Banque islamique de développement (BID). Les sommes ainsi dégagées devraient être injectées dans les secteurs sociaux, notamment dans l’éducation et la santé, qui sont en piteux état. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

COMORES LE SPECTRE D’UNE NOUVELLE CRISE


MADAGASCAR

COMORES

MADAGASCAR

L’

année 2014 sera-t-elle celle du Il aura fallu plusieurs semaines de négorenouveau pour Madagascar? La ciations, la réactivation du Groupe international de contact (GIC, en sommeil réponse à cette question dépend de nombreux paramètres, parmi lesquels depuis plus de deux ans), et finalement la figure avant tout l’identité du vainqueur de promesse de sanctions pour que la Cour électorale spéciale invalide les dossiers la présidentielle – dont le premier tour a eu des trois candidats controversés et que lieu le 25 octobre 2013 et dont le second ceux-ci l’acceptent, bon gré mal gré. tour, fixé au 20 décembre, doit opposer Hery Rajaonarimampianina et Robinson Cette intrusion de la communauté interJean-Louis –, mais aussi le déroulement nationale a été fortement critiquée dans l’île. Elle a provoqué la du scrutin et l’acceptation colère des partisans des des résultats par les canPAUVRETÉ, candidats concernés et didats. La tenue de cette même, en septembre, à élection, censée mettre TRAFICS: un terme à la crise poliAntananarivo, une vague tique qui secoue le pays d’attentats à la bombe LE BILAN DE depuis près de cinq ans, artisanale, sans gravité. LA TRANSITION Pour les médiateurs, est en soi un événement. Annoncée dès la prise de notamment l’Union afriEST pouvoird’AndryRajoelina caine, il était néanmoins en mars 2009, elle fut sans intolérablequeRajoelina, CALAMITEUX. cesse repoussée en raiconsidéré comme étant son des revirements de l’auteur d’un coup d’État, la classe politique malgache, et ce malgré participe à cette élection. Et tout aussi les innombrables médiations menées par impensable que la transition perdure. Le bilan de ces cinq années de régime la communauté internationale. d’exception est en effet calamiteux. Le pays SECONDS COUTEAUX. Rien qu’en 2013, est gangrené par la corruption, l’insécurité le scrutin a été reporté à trois reprises. Il et les inégalités. Les trafics en tout genre avait été fixé au mois de mai, après que (bois de rose, zébus, or, êtres humains…) MarcRavalomananaetAndryRajoelina,les ont explosé. Les scandales politico-finandeuxprincipauxprotagonistesdecettecrise ciers se sont multipliés. Selon la Banque également perçus comme les deux points mondiale, en 2013, plus de 92 % de la de blocage essentiels, avaient annoncé population vit avec moins de 2 dollars (respectivement en décembre 2012 et par jour (10 points de plus qu’en 2008) janvier 2013) leur décision de ne pas se et le revenu par habitant est retombé au présenter, conformément à la volonté des niveau de celui de 2001. Selon le Fonds médiateurs de la Communauté de dévemonétaire international (FMI), le taux de loppement de l’Afrique australe (SADC). croissance devrait atteindre 2,6 % en 2013 Puis il avait été repoussé au mois de juillet. et 3,8 % en 2014. Des chiffres convenables Les Malgaches s’apprêtaient alors à voter au regard de la récession qui a suivi la pour des seconds couteaux. chutedeRavalomanana,maisbienendeçà Mais l’annonce surprise, en avril, de des années précédentes (7,1 % en 2008). la candidature de Lalao Ravalomanana, Malgré la fin, en 2009, des aides internal’épouse du président déchu tout juste tionales (qui représentaient la moitié du budget), les fonctionnaires ont toujoursété rentrée d’exil, suivie de celles de Didier Ratsiraka, de retour lui aussi d’un long exil payés à temps et le déficit budgétaire est resté stable. Rajoelina a en outre mené à en France, et d’Andry Rajoelina – malgré terme en 2013 bon nombre de ses « chansa promesse de ne pas se présenter –, a une nouvelle fois interrompu le processus. tiers présidentiels » : hôpitaux, routes, JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

300 km

Toamasina Antananarivo

Océan Indien

MAURICE LA RÉUNION (France) n Superficie 587 040 km2 n Population 22,3 millions d’hab. n Croissance démographique 2,8 % n Population urbaine 33,2 % n Espérance de vie 66,9 ans n Alphabétisation 64,5 % n Indice de développement humain IDH 0,483 Rang 151e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 2 942,92 ariarys 1 $ = 2 229,03 ariarys n PIB par habitant 451 $ n Inflation 6,4 % n Investissements directs étrangers 895 millions de $ n Balance commerciale — 1 316 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

9,9

10,1

10,5

11,2

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

1,8

1,9

2011*

2012*

2,6

3,8

2013*

2014*

stades, etc. Mais tout cela n’a été possible qu’engrevantlesbudgetsd’investissement. Le retour à l’ordre constitutionnel devrait permettre à la Grande Île de retrouver une place le concert des nations et de bénéficier des aides de l’Union européenne et des États-Unis. Mais le futur président aura bien d’autres dossiers à gérer en urgence, à commencer par le retour de Marc Ravalomanana, toujours en exil en Afrique du Sud. n 181

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

MADAGASCAR UNE ÉLECTION ET ÇA REPART?


MAURICE

MAURICE TRAIT D’UNION ENTRE L’ASIE ET L’AFRIQUE

182

Océan Indien

MAURICE Océan Indien

n Superficie 2 040 km2 n Population 1,3 million d’hab. n Croissance démographique 0,42 % n Population urbaine 41,8 % n Espérance de vie 73,5 ans n Alphabétisation 88,51 % n Indice de développement humain IDH 0,737 Rang 80e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 38,97 roupies 1 $ = 29,52 roupies n PIB par habitant 9 709 $ n Inflation 4,1 % n Investissements directs étrangers 361 millions de $ n Balance commerciale — 2 584 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

11,2

11,5

11,9

12,7

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

3,8

3,3

3,4

4,4

2011

2012

2013*

2014*

a annoncé qu’il était atteint d’un cancer (un choc pour les Mauriciens, très attachés à cette figure emblématique de la scène politique) et qu’il cédait son titre de chef de file de l’opposition à son adjoint, Alan Ganoo. En fin d’année, totalement remis, il a cependant annoncé son retour au premier plan. Il n’y aura pas de scrutin en 2014, mais la bataille pour les élections générales de 2015 a déjà commencé. n JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

V

oilà cinq ans que l’économie maufaire de l’aéroport un hub pour la région », ricienne, fortement dépendante a indiqué le Premier ministre, Navin Ramgoolam. de l’environnement extérieur, est menacée par la crise financière internatioMaurice cultive aussi sa réputation de nale et la récession de la zone euro. Cinq temple du libéralisme. Comme les années ans que le pays résiste pourtant plutôt précédentes, le pays a trusté les places bien. Le taux de croissance, bien qu’inféd’honneur dans les différents classements rieur de plus de deux points à l’avant-2008, du genre : 1er de l’indice Mo-Ibrahim, 20e reste positif (3,4 % en 2013, selon le Fonds (et 1er africain) au classement « Doing monétaire international, FMI) et devrait Business » 2014 de la Banque mondiale, même augmenter en 8e (et 1er africain) pour 2014 (4,4 %). Si les piliers l’Indice de la liberté historiques de l’éconoéconomique établi par PORT-LOUIS Heritage Foundation… mie nationale (pêche, CULTIVE SA « Avec un climat des tourisme, production sucrière) s’en sortent affaires stable, Maurice RÉPUTATION difficilement, et si les soutient un environneinvestissements du secDE TEMPLE DU ment entrepreneurial dynamique. Les obsteur privé restent faibles LIBÉRALISME. tacles au libre-échange (ils devraient croître de 1,9 % en 2013, selon le sont faibles, et les opéragouvernement,aprèsune tions commerciales sont baisse de 2,5 % en 2012), les nouveaux secsoutenues par des règlements efficaces », teurs explorés par les Mauriciens depuis juge la fondation. quelques années (commerce internatioParallèlement, le chômage, qui touche nal, technologies de l’information et de particulièrement les jeunes, continue la communication, services financiers) d’augmenter : de 7,8 % en 2011, son taux sont en pleine expansion. est passé à 8,1 % en 2012 et à 8,7 % au premier trimestre de 2013. La situation AÉROPORT. Pour alimenter cette croissociale, marquée par la recrudescence du sance, Port-Louis ne se contente plus de trafic et de la consommation de drogue, commercer avec les économies europar de nombreux faits divers sanglants et péennes à croissance lente et a entrepris par des inondations meurtrières (11 morts de diversifier ses marchés d’exportation. en mars), reste tendue. Les investisseurs mauriciens ont, en 2013, Le dynamisme économique tranche prospecté un peu partout sur le continent, avec l’atonie du monde politique. Affaibli jusqu’en Afrique de l’Ouest. Le gouvernepar l’étroitesse de la majorité (36 députés, ment a quant à lui multiplié les accords de contre 33) qui le soutient au Parlement coopération avec l’Asie (essentiellement depuis que le Mouvement socialiste la Chine et l’Inde) et l’Afrique (Tanzanie militant (MSM) a quitté la coalition au et Zambie). Maurice entend devenir le pouvoir en 2011, Navin Ramgoolam (du trait d’union incontournable entre les Parti travailliste) n’a mené aucun chantier deux continents. Depuis 2013, la compad’envergure. La réforme du code électoral, gnie aérienne nationale, Air Mauritius, qu’il promet depuis deux ans, n’a toujours propose trois vols directs hebdomadaires pas été enclenchée. vers la Chine. En septembre, les autorités Quant à l’opposition, elle a été quaont inauguré une nouvelle aérogare de siment paralysée en 2013 par l’éloignel’aéroport international (le plus gros proment temporaire de son leader, Paul jet jamais réalisé dans l’île). « Ce nouvel Bérenger, patron du Mouvement militant emblème cadre avec la stratégie visant à mauricien (MMM). En janvier, Bérenger

Port-Louis

10 km


SEYCHELLES

SEYCHELLES BIENVENUE AUX « NOUVEAUX RICHES »

JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014

SEYCHELLES Île Silhouette

(Archipel central)

Victoria

Île La Digue

Océan Indien

MAHÉ 10 km

n Superficie 450 km2 n Population 87 785 habitants n Croissance démographique 0,39 % n Population urbaine 54 % n Espérance de vie 72,6 ans n Alphabétisation 91,84 % n Indice de développement humain IDH 0,806 Rang 46e sur 187 n Monnaie (parité au 1er janv. 2013) 1 € = 16,32 roupies des Seychelles 1 $ = 12,36 roupies des Seychelles n PIB par habitant 10 014 $ n Inflation 7,1 % n Investissements directs étrangers 114 millions de $ n Balance commerciale — 267 millions de $ n PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

1,1

1,3

1,4

1

n Taux de croissance (en %, à prix constants)

5 2011

2,9 2012*

3,3

3,9

2013*

2014*

pendant que l’on étudie les différentes possibilités », a rétorqué le ministre des Affaires étrangères, Jean-Paul Adam. Sur le plan politique, c’est le calme plat. L’élection présidentielle est encore loin (2016), et la succession de James Michel n’estpasunenjeupourlemoment.Seulfait notable: la création, en août, d’un nouveau parti d’opposition, Seselwa United Party, par Ralph Volcere, un transfuge du New Democratic Party de James Mancham. n 183

* ESTIMATIONS (OCTOBRE 2013)

L

a galèreseychelloises’esttransformée même coup évolué: alors que les clients en bateau de croisière voguant len« traditionnels » (venus d’Europe) se font tement mais sûrement vers de nouplus rares, les Russes, les Chinois et les veauxhorizons.Cinqansaprèsavoirfrôléla Arabes sont de plus en plus nombreux. banqueroute,l’archipelapoursuivien2013, Avec plus de 200000 visiteurs en 2012, le sans véritable accroc et à coups de petites tourisme reste le moteur de l’économie réformes,samuelibéraleentaméeen2009. (environ 30 % du PIB). La croissance est jugée satisfaisante en 2013 (3,3 %, selon les estimations du Fonds NAVIRE DE GUERRE. Si les Seychelles vont monétaire international) et devrait être mieux, c’est aussi parce que le spectre de supérieure en 2014 (3,9 %). Le chômage la piraterie s’est éloigné. Les incursions des (3,7 %) a été relativement maîtrisé, et la malfaiteurs somaliens dans les eaux terridette extérieure a continué de se réduire. toriales, nombreuses en 2009, ont été rares Le pays fait ainsi figure de modèle éconoen 2013, si bien que les pêcheurs peuvent miqueenAfrique.Commeen2012,ilestau désormais prendre la mer sans craindre pied du podium: 4e à l’indice Mo-Ibrahim d’être arraisonnés. En quelques années, sur la bonne gouvernance, il est le 6e État l’archipel est devenu (avec Djibouti) l’épisubsaharien(au74e rangsur189pays)dans centre de la lutte contre la piraterie. Un le classement « Doing Business » 2014 de centre régional de coordination du renseila Banque mondiale, qui évalue le climat gnement contre ce phénomène a été créé à des affaires. Victoria en février 2013, Malgré les réformes et pas une semaine ne du secteur public et la s’écoule sans qu’un L’ARCHIPEL libéralisation de l’éconavire de guerre euroA ACCUEILLI nomie,lapopulationn’a péen, américain ou ne mouille pasmontrédesignesde PLUS DE 200000 asiatique dans le port de la capimécontentement.Ilfaut tale. Le pays accueille dire que la plupart des TOURISTES acquis sociaux hérités enoutredanssesgeôles EN 2012. du passé ont été préun grand nombre de servés. Le pays est cité pirates somaliens. en exemple dans les Cetactivismeadonné secteurs de la santé et de l’éducation. On des idées à la diplomatie seychelloise, par note toutefois la montée d’un sentiment ailleurs en pointe dans la défense des inténationaliste,voirexénophobe,liéàl’arrivée rêts des petits États insulaires et impliquée de travailleurs immigrés venus d’Asie de dans les tentatives de résolution de la crise plus en plus nombreux (principalement malgache (l’archipel a accueilli deux têtedans la construction) et au féroce appétit à-tête entre Marc Ravalomanana et Andry foncier d’investisseurs arabes et russes. Rajoelina). Le président James Michel a La mue du système économique seyannoncé en juillet que son pays briguerait chellois s’est en effet accompagnée d’une (sous réserve de l’approbation de l’Union ouverturedébridéeaux«nouveauxriches». africaine) un siège non permanent au Victoria a ainsi développé des relations Conseildesécuritédel’ONUen2017-2018. étroites avec la Chine, l’Inde, la Russie Cette année, les autorités ont surtout dû et plusieurs émirats du Moyen-Orient. gérer le cas de Sakhr el-Materi. En avril, le refus de Victoria d’extrader le gendre de Symbole de cette nouvelle diplomatie des affaires: la compagnie nationale, Air l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali, réfugié dans l’archipel, a provoqué la Seychelles, ne dessert plus directement l’Europe, laissant ce soin aux compagnies colère de Tunis. « On ne lui a pas accordé du Golfe. La population touristique a du l’asile, on lui a octroyé un permis de séjour

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Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (54e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION

SEIDIK ABBA

Chère souveraineté

A

Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédaction en chef : Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com)

ddis-Abeba, samedi 25 mai 2013. Le président français, FrançoisHollande,profiteducinquantenairedel’Union africaine pour annoncer la tenue, les 6 et 7 décembre à Paris, du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique. Dans les couloirs, les protestations fusent aussitôt : « C’est une attitude néocoloniale inacceptable », « C’est une convocation, nous n’irons pas! » Cette posture d’intransigeance serait sans doute digne de soutien si ceux qui l’adoptent ne faisaient pas preuve d’autant d’incohérence. Comment, en effet, s’ériger en héraut de l’indépendance et de la souveraineté africaines, se rebeller contre toute ingérence extérieure réelle ou supposée… et appeler au secours l’ancienne puissance coloniale dès qu’il faut faire face à une menace ? Audébutdesannées2000,leCameroun,enpleindifférendfrontalier avec le Nigeria au sujet de la presqu’île de Bakassi, suppliait la France d’engager des troupes à ses côtés. Quelques années plus tard, le même État s’insurgeait contre les interventions de Paris dans l’affaire Thierry Michel Atangana, ce Franco-Camerounais détenu depuis plus de quinze ans à Yaoundé, tempêtant, sans rire: « C’est une atteinte grave à notre souveraineté nationale! » Mais le pays de Paul Biya n’a pas le monopole de l’incohérence entre le discours souverainiste et la réalité de la dépendance. Ce maln’affected’ailleurspasquelespouvoirsenplace.Lesopposants africains qui dénoncent dans leurs diatribes enflammées le soutien de Paris ou de Londres au « régime corrompu » de leur pays n’hésitent pas à tout tenter, lorsqu’ils passent dans ces capitales, pour être reçus à l’Élysée, au Quai d’Orsay ou au Foreign Office.

Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune

Dans le domaine économique, la situation n’est pas meilleure. Bangui, Bissau, Niamey, Kampala ou Tunis peuvent dénier à Paris, Lisbonne, Madrid et Londres tout droit d’avoir une opinion sur la conduite de leurs affaires et revenir le lendemain solliciter qui une annulation de dette, qui une aide budgétaire pour payer les fonctionnaires ou supporter d’autres dépenses de souveraineté. Bien plus grave : même collectivement, les États africains ne font guère mieux. Le nouveau siège de l’Union africaine lui a été offert par la Chine, qui l’a construit pour 200 millions de dollars (147 millions d’euros), et le budget de l’organisation continentale est alimenté à près de 77 % par des contributions extérieures.

S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : regie@jeuneafrique.com

Pourtant,l’Afriquenemanquepasd’argent.L’Algérien’a-t-elle pas prêté 5 milliards de dollars au Fonds monétaire international en octobre 2012 ? La Guinée équatoriale n’a-t-elle pas débloqué 3 millions de dollars pour la création, en 2008, d’un prix de l’Unesco pour la recherche en sciences de la vie ? L’Angola n’at-il pas pris d’importantes participations dans des entreprises publiques portugaises en difficulté ? L’argument de l’indigence ne peut donc être avancé pour justifier ces incohérences. En sortir a un coût. Il faut le payer ou se taire. n

Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Michael Pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros, Louisa Yousfi Rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Ryadh Benlahrech, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Trésor Kibangula, Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Fanny Rey, Laurent de Saint Périer, Tshitenge Lubabu M.K. ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Patrick Seale; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette : Marc Trenson (directeur artistique), Emeric Thérond (premier rédacteur graphiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Valérie Olivier ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Trésor Kibangula, Mathieu Olivier, Benjamin Roger et Nicolas Teisserenc Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chefs de produit : Hélène Constant, Maty N’Dome ; abonnements : Carole Mazurier avec: AMIX, Service abonnements Jeune Afrique 326, rue du Gros Moulin, BP 10320, 45200 Amilly. Tél. : 33 2 38 90 89 53. E-mail : abonnement-ja@jeuneafrique.com l

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JEUNE AFRIQUE • HORS-SÉRIE N° 35 L’AFRIQUE EN 2014


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