L'Économie au travail - Hiver 2012

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À l’intérieur 2

Coup d’œil sur l’économie

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Orientations économiques

La reprise ne bénéficie pas aux nouveaux Canadiens

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Vue d’ensemble : Les travailleurs étrangers temporaires

Le Workers’ Action Centre s’occupe des travailleurs non syndiqués

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Libre-échange : ne mordez pas à l’hameçon

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Faible hausse des salaires en vue

Indice des prix à la consommation

changements démographiques

Des priorités adaptées pour une population en évolution page 4

Hors des sentiers battus

Quand le salaire minimum ne suffit pas page 8

Tendances Qualité des emplois

Les emplois précaires en hausse Lorsqu’il a présenté les modifications au régime d’assurance-emploi visant à obliger plusieurs demandeurs à accepter des emplois moins bien rémunérés, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a affirmé : « Il n’y a pas de mauvais emploi. Le seul mauvais emploi, c’est de ne pas avoir d’emploi ». Un grand nombre de Canadiens pourraient ne pas être d’accord, notamment ceux qui occupent un emploi mal rému­ néré sans avantages sociaux, offrant une faible sécurité d’emploi, présentant des conditions dangereuses, dont le nombre d’heures est irrégulier, inadéquat ou excessif, et pour lequel ils doivent se déplacer sur de grandes distances. Le gouvernement fédéral tente aussi de prouver que la majorité des emplois créés depuis la reprise sont des emplois à temps plein dans des domaines où les salaires sont élevés. Or, les travailleurs les moins bien rémunérés notamment arrivent encore moins à joindre les deux bouts et l’inégalité augmente. De plus en plus d’emplois offrent une moins bonne sécurité, sont temporaires et à contrat. La moitié des nouveaux emplois créés depuis octobre 2008 sont des emplois temporaires et 90 % sont des emplois d’une durée déterminée ou à contrat. Ces emplois précaires ont augmenté dix fois plus rapidement que le nombre d’emplois permanents. Cette tendance se poursuivra si les gouvernements continuent à mettre à pied les fonctionnaires, à privatiser les services et à embaucher eux-mêmes de

plus en plus d’employés temporaires et de contractuels. Bien que certaines mesures liées à la qualité des emplois aient été renforcées depuis la récession, les tendances à long terme révèlent que les employeurs dépendent de plus en plus d’emplois à temps partiel et moins bien rémunérés en plus des postes temporaires et à contrat. Un nombre disproportionné de ces emplois est occupé par des femmes, des nouveaux immigrants et de personnes provenant d’autres groupes qui revendiquent l’égalité, ce qui a pour effet d’accroître l’inégalité économique et sociale. Malgré ce que prétend M. Flaherty, les mauvais emplois perdurent et la situation d’un grand nombre de Canadiens empire.

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Coup d’œil sur l’économie Pleins feux sur les récentes études et développements économiques

Dépenses publiques Le FMI invite à penser croissance, et non réduction… Dans son éminent rapport Perspectives de l’économie mondiale publié en octobre, le Fonds monétaire international (FMI), traditionnellement conservateur, a conseillé aux pays de mettre l’accent sur les politiques économiques qui stimulent la croissance économique, et non sur la réduction des dépenses. Le FMI a présenté une nouvelle analyse révélant que la réduction des dépenses publiques et leurs conséquence négatives sur l’éco­ nomie contribuent à accroître le fardeau de la dette publique.

…. et le directeur parlemen­ taire du budget est d’accord Dans des rapports distincts présent­ ant des hypothèses plus conservatrices que celles du FMI, Kevin Page, le directeur parlementaire du budget du Canada (DPB), prévoit que la réduction des dépenses publiques aura pour effet de freiner la croissance économique du Canada de près d’un tiers (un point de pourcentage par an) pour les cinq prochaines années, en plus d’entraîner la perte de 125 000 emplois dans les secteurs public et privé. Si l’économie roulait à pleine capacité, le DPB estime que le gouvernement fédéral afficherait un

excédent de 25 milliards de dollars. Dans ces rapports, on souligne également le fait que les gouvernements devraient mettre l’accent sur les politiques stimulant la croissance plutôt que sur les compressions.

Impôts Les cadeaux aux riches n’aident pas l’économie et renforcent l’inégalité Une étude récente de l’United States Congressional Research Service révèle qu’« il ne semble pas y avoir de corrélation entre la réduction des taux d’imposition supérieurs et la croissance de l’épargne, des investissements et de la productivité. Les taux d’imposition supérieurs semblent avoir peu ou même aucun effet sur la taille de l’économie ». Ils semblent toutefois « être associés à la concentration croissante des revenus au sommet de l’échelle des salaires ». Publié durant les élections présidentielles, le rapport a mis les répu­ blicains dans une telle colère que ceux-ci ont demandé son retrait.

locaux afin que ceux-ci puissent fournir des services sociaux et réaliser en échange des profits. Ces combines apportent leur lot de problèmes : augmentation des risques pour les organismes, des coûts plus élevés et des mesures incitatives faisant passer les profits avant la prestation de services sociaux de qualité.

Austérité L’Europe s’enfonce dans la récession Des millions de personnes sont descendues dans la rue à la mi-novembre pour prendre part à des grèves générales en Espagne, au Portugal, en Italie, en Grèce, en France et en Belgique afin de protester contre la réduction des dépenses publiques qui a entraîné la perte de millions d’emplois et a plongé l’Europe dans la récession. Parallèlement, la Banque d’Angleterre a lancé la mise en garde suivante : le Royaume-Uni pourrait maintenant s’enfoncer dans une profonde récession.

« Financement social » Les PPP ne sont pas la solution Les conservateurs fédéraux et les te­ nants du libre marché tentent de vendre au public leur nouveau jouet: un type de partenariat public-privé pour les services sociaux. Le « financement social » et les « obligations à impact social » permet­ traient aux banques et aux financiers privés d’avancer des fonds à des ­orga­nisations caritatives et à des organis­mes

L’Économie au travail est publiée sur une base trimestrielle par le Syndicat canadien de la fonction publique pour offrir aux travailleurs et à leurs représentants de l’information accessible, des analyses éloquentes des tendances économiques et des outils pour faciliter les négociations. L’Économie au travail remplace la publication antérieure du SCFP, Le climat économique pour les négociations. Découvrez les éditions de l’Économie au travail en ligne à scfp.ca/economieautravail. Accédez aussi à d’autres liens utiles. Pour s’abonner par courriel ou par courrier à l’Économie au travail, allez à scfp.ca/abonnement À moins d’indications contraires, tout le contenu a été rédigé par Toby Sanger. Veuillez communiquer par courriel (tsanger@cupe.ca) pour toute correction, question, suggestion ou contribution.

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Orientations économiques

Coup d’œil sur les plus récentes tendances économiques Croissance économique

Il faut s’attendre à une plus longue période de croissance lente, le temps que les ménages et les gouvernements réduisent leurs dettes. Le prochain boom économique n’est pas pour demain. On prévoit que le PIB n’augmentera que de 2 % en 2013, remon­ tera légèrement à 2,5 % en 2014 et enregistrera une légère hausse par la suite. Les risques de ralentissement au Canada sont moindres avec la réélection d’Obama aux ÉtatsUnis, mais les risques associés au secteur de l’immobilier persistent à l’échelle nationale.

Emploi

On s’attend à une légère reprise de la croissance de l’emploi en 2013 et en 2014. Cela n’aura probablement pas pour effet de réduire considérablement le chômage.

Inflation

La majorité des observateurs s’attend à ce que l’inflation des prix à la consommation atteigne près de 2 %. L’inflation pourrait toutefois être inférieure en cas de bulle immobilière, de ralentissement économique ou de baisse du prix du pétrole.

Salaires

Les salaires de base augmenteront en moyenne de 3 % pour les grands employeurs non syndiqués en 2013. Au SCFP, la hausse moyenne sera de 2,5 % l’an prochain.

Taux d’intérêt

Aucune hausse des taux à court terme n’est prévue pour la seconde moitié de 2013. Les taux à long terme enregistreront une hausse plus progressive.

Pleins feux

sur l’immigration et le chômage

La reprise ne bénéficie pas aux nouveaux Canadiens Le taux de chômage chez les Canadiens d’origine européenne a certes baissé attei­ gnant presque 4,8 %, soit le niveau le plus bas enregistré avant la récession d’octobre 2008, mais le taux de chômage chez les Canadiens nés en Afrique, en Asie et en Amérique latine est encore plus élevé qu’il ne l’était il y a quatre ans. Non seulement les personnes nées dans ces régions doivent généralement composer avec un taux de chômage plus haut et des salaires moins élevés que les autres Canadiens, mais leur situation a empiré malgré la reprise. Par exemple, le taux de chômage chez les Canadiens nés en Afrique demeure au-dessus de 13 %, soit près d’un tiers de plus qu’il y a quatre ans.

Le sort des nouveaux immigrants et des jeunes immigrants est encore pire. Le taux de chômage pour l’ensemble des nouveaux immigrants (moins de cinq ans) demeure au-dessus de 13 %. Il est de plus de 25 % pour les jeunes nouveaux immigrants, soit le double d’il y a quatre ans. Le marché de l’emploi est encore moins accueillant pour les femmes qui ont immigré récemment. Comptant déjà parmi les travailleuses les moins bien rémunérées au Canada,

ces femmes doivent composer avec un taux de chômage plus élevé d’environ 25 % que celui de leurs homologues de sexe masculin. Avant que le fédéral n’élargisse la portée du controversé programme pour les travailleurs étrangers temporaires, nos gouvernements n’auraient-ils pas dû déployer plus d’efforts pour s’assurer que des emplois convenables soient à la portée des immigrants qui habitent déjà ici?

Taux de chômage par région d’origine 16 % 14 % 12 % 10 % 8% 6% 4% 2% 0% Canada

Europe

Amérique latine Octobre 2008

Afrique

Asie

Octobre 2012

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Négociations changements démographiques

Des priorités adaptées pour une population en évolution

La population et la main-d’œuvre du Canada changent radicalement. Les baby-boomers prennent leur retraite et le nombre de personnes âgées doublera au cours des 25 prochaines années. La cohorte de jeunes et d’enfants, elle, continuera de chuter. Bien que le taux de chômage demeure actuellement trop élevé, durant les prochaines décennies, la pénurie de maind’œuvre pourrait freiner l’économie canadienne. Nous dépendrons de plus en plus de l’immigration. Par conséquent, pour assurer la croissance de la main-d’œuvre, nous devons mieux comprendre les aspi­ rations et les besoins des groupes sousreprésentés, y compris ceux des peuples autochtones. À travers l’histoire, les travailleurs provenant de différents milieux ont fait l’objet de discrimination en matière d’em­ ploi. Nous devrions toujours nous efforcer de traiter les travailleurs provenant de dif­ fé­rents milieux et ayant des besoins particuliers avec égalité, respect et soutien. La diversité s’accroît et il faut s’adapter. C’est aussi une nécessité au plan économique. Les nouveaux immigrants, les travail­ leurs racisés et les femmes sont beaucoup

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plus à risque d’occuper des emplois précaires avec des faibles salaires et peu d’avantages sociaux . Ils sont également plus susceptibles d’occuper des postes temporaires, à contrat ou à temps partiel qui sont synonymes d’instabilité. Les travailleurs racisés sont sous représentés au sein du secteur public et des milieux de travail syndiqués en général. Ils ne profitent donc pas autant des bonnes conditions et protections offertes aux employés syndiqués du secteur public. Les femmes sont mieux représentées dans la fonction publi­que et les syndicats, mais font toujours face à des disparités en matière de salaire et à des conditions de travail plus précaires dans de nombreux secteurs. Cette situation crée de multiples défis en matière de négociation. Il existe une pression croissante pour que l’on prenne en compte les besoins de ces segments de la population. Cependant, ces derniers étant moins représentés dans le milieu de travail, ils ont souvent moins de poids lorsque vient le temps d’établir les priorités de négociation. Cette sous-représentation peut donc inconsciemment et involontairement contribuer au maintien des obstacles systémiques et faire persister la discrimination. Les syndicats et de nombreux employeurs réalisent des progrès pour ce qui est de reconnaître et de surmonter certains obstacles auxquels sont confrontés différents groupes revendiquant l’égalité comme les femmes, les travailleurs racisés, les Auto­ chtones, les travailleurs LGBTTI et les personnes ayant un handicap. Toutefois, il reste encore beaucoup de travail à faire.

Voici les aspects à améliorer : • assurer le recrutement, la formation, l’avancement et la promotion des groupes revendiquant l’égalité. Adopter des mesures progressistes, comme des plans d’équité en matière d’emploi qui peuvent être mis en œuvre pour surmonter les obstacles systémiques; • créer un milieu de travail sans discrimi­ nation ni harcèlement. Les conventions collectives devraient comprendre des mesures pour lutter contre le harcèlement, la violence et la discrimination de diverses façons, mais elles devraient également comprendre des dispositions qui favorisent et valorisent la diversité; • établir un équilibre entre le travail et la vie familiale ainsi que les responsabilités qui y sont associées, notamment grâce aux congés de maternité et parentaux, aux services de garde d’enfants, aux services aux aînés, aux programmes d’aide aux employés, aux congés pour obligations familiales, aux congés de compassion, aux horaires flexibles, à la reconnaissance des conjoints et des familles, aux jours fériés et aux périodes de congés liés aux diffé­ rents évènements religieux et culturels; • assurer l’équité salariale, établir des catégories et des échelons de rémunération qui ne soient pas discriminatoires, plus particulièrement envers les femmes; • offrir des régimes de retraite, des régimes d’avantages sociaux et des prestations de maladie répondant aux différents besoins, particulièrement à ceux des femmes, des conjoints de même sexe et des personnes ayant un handicap; • veiller à ce que les employeurs respectent leur responsabilité légale de s’adapter aux besoins des travailleurs ayant un handicap. Le SCFP et d’autres syndicats ont élaboré des guides très accessibles comportant de l’information générale, des listes de vérification et des définitions modèles qui, dans le cadre de négociations, peuvent servir à obtenir des conventions collectives plus soucieuses de l’égalité. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec votre conseiller syndical du SCFP.

Jeter un œil à Négocier l’égalité : Un milieu de travail pour toutes et tous à l’adresse suivante : scfp.ca/bargeq


Vue d’ensemble

Les travailleurs étrangers temporaires Tout en réduisant le nombre d’immigrants accueillis au pays à titre de résidents permanents, le gouvernement Harper a élargi de façon spectaculaire le programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada. Or, les travailleurs étrangers temporaires sont particulièrement vulnérables à l’exploitation et à l’abus de la part de leurs employeurs. Afin de venir au Canada, bon nombre de ces immigrants dépensent plus de 10 000 $ pour les services de recruteurs et de conseillers en emploi ainsi qu’en frais de voyage. Cette somme, ils l’em­ pruntent à un taux d’intérêt élevé. Ils sont donc dépendants de leurs employeurs et ont peur que ces derniers les renvoient dans leur pays d’origine. Les barrières linguistiques, le manque d’information sur leurs droits ainsi que la faible surveillance et le peu de respect de la réglementation sur les lieux de travail contribuent à leur situation vulnérable. Le SCFP et d’autres syndicats ont vive­ ment conseillé au fédéral de fournir davantage de soutien à ces travailleurs, mais le gouvernement Harper n’a presque

rien fait, prétextant que ce secteur relève des provinces. Cette année, le gouvernement fédéral a réduit les délais d’approbation et a permis aux employeurs de verser aux tra­ vailleurs un salaire de 15 % inférieur au salaire en vigueur. Alors que le programme fait l’objet d’un examen, les regroupements d’entreprises réclament déjà un accès encore plus rapide à ces travailleurs. Les syndicats devront exercer des pressions accrues pour obtenir des changements positifs pour les tra­ vailleurs recrutés dans le cadre de ce programme.

Plus de travailleurs étrangers temporaires que d’immigrants au Canada 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 0 2001

2006

2011

Résidents permanents (immigrants économiques) Travailleurs étrangers temporaires entrés au pays Travailleurs étrangers temporaires présents au 1er décembre

En première ligne Droits des travailleurs

Le Workers’ Action Centre s’occupe des travailleurs non syndiqués Si votre employeur ne vous verse pas votre salaire, exerce une discrimination à votre endroit, refuse de vous payer les jours fériés ou vous renvoie injustement, à qui ferez-vous appel? Si vous êtes membre d’un syndicat, la réponse va de soi, mais les travailleurs ne bénéficiant pas de la protection d’un syndicat sont beaucoup plus vulnérables. C’est encore plus vrai pour les travailleurs dont la langue maternelle n’est ni le français, ni l’anglais ou pour ceux qui craignent de faire valoir leurs droits de peur d’être expulsés. C’est là que le Workers’ Action Centre de Toronto entre en jeu. Ce centre fournit de l’information et du soutien en treize différentes langues – de l’arabe au tagalog – afin d’aider les travailleurs à connaître leurs droits. Le Workers’ Action Centre offre de la formation aux travailleurs de première ligne en poste dans les organismes communautaires afin qu’ils puissent

fournir l’information adéquate aux membres de leur communauté. Le centre mobilise les travailleurs et les aide à obtenir des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail, que ce soit individuellement ou par secteur. Le Workers’ Action Centre collabore aussi étroitement avec les syndicats et leurs alliés dans la collectivité pour exiger la hausse des salaires minimums, l’amélioration des normes d’emploi, l’application accrue

La coordinatrice du Workers’ Action Centre, Deena Ladd, lors d’une marche en faveur de l’amélioration de l’assurance-emploi, Toronto 2010.

de la loi et l’amélioration des conditions de travail des employés contractuels, des travailleurs temporaires, des travailleurs migrants et des autres travailleurs en situation plus précaire. Le centre se fait un point d’honneur de souligner les victoires, petites ou grandes. « Il est primordial de montrer qu’en se défendant, on fait une différence », a affirmé Deena Ladd, coordinatrice du centre. « Tellement de personnes n’appartenant pas à un syndicat cherchent un endroit où ils peuvent créer des liens. Nous sommes une organisation qui permet aux travailleurs de se rencontrer et de s’impliquer pour changer les choses. Le mouvement ouvrier doit sortir des sentiers battus afin de créer une force nécessaire à l’instau­ ration d’emplois convenables. » « Il faut développer une nouvelle culture d’organisation. Les travailleurs qui ne sont pas membres d’un syndicat doivent aussi faire partie du mouvement ouvrier. »

Visitez le site du Workers’ Action Centre à l’adresse suivante : workersactioncentre.org L’Économie au travail hiver 2012

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Briser les mythes Le libre-échange

Ne mordez pas à l’hameçon Le gouvernement fédéral est atteint de la folie du libre-échange. Actuellement, il y a dix-huit accords de libre-échange différents qui font l’objet de négociations ou de discus­ sions alors que six autres accords ont été conclus au cours des dernières années. Vingt autres accords de pro­ tection des investissements ont été conclus. Les accords les plus importants et les plus controversés sont sans contredit l’Accord économique et commercial global (AECG) Canada-Union européenne et l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) Canada-Chine. Les partisans affirment que ces accords fourniront au Canada des milliards de dollars en nouveaux investissements, des richesses et de la prospérité pour les générations actuelles et futures. De leur côté, les critiques soutiennent que ces accords

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confèrent trop de pouvoirs aux entreprises, entravent les pouvoirs des gouvernements sur les plans social, environnemental et éco­ nomique et n’offrent aucun avantage aux travailleurs et aux citoyens. Qui a raison? Économie, emplois et salaires En s’appuyant sur une étude europé­ enne, le gouvernement fédéral prétend que la conclusion de l’AECG CanadaUnion européenne entraînera une augmentation du produit intérieur brut (PIB) de 12 milliards de dollars, soit environ 1 000 $ par famille. Toutefois, rien ne démontre que cet argent reviendra aux familles au lieu de venir gonfler les profits des entreprises. Ces conclusions ont en effet été obtenues en utilisant des modèles économiques « d’équilibre général » irréalistes qui ne tiennent pas compte du chômage, de l’inégalité des revenus et d’autres oublis du genre. À l’aide de données fiables, l’économiste des TCA, Jim Standord, a plutôt calculé que l’AECG entraînerait une détérioration de notre balance commerciale pouvant aller jusqu’à 46 milliards de dollars, une diminution du PIB pouvant aller jusqu’à 50 milliards de dollars et des pertes d’em­ plois pouvant atteindre 152 000 postes. Ces résultats correspondent à ce que l’on a observé par le passé, soit que la balance commerciale du Canada s’est détériorée à la suite de la conclusion de la plupart des accords de libre-échange. Bien que les investissements des entreprises canadiennes à l’étranger aient augmenté, quantité de ces derniers constituent en fait des investissements financiers dans des paradis fiscaux étrangers.

Des études indépendantes sur les accords de libre-échange ont révélé un effet malheureusement faible, négligeable ou négatif sur les emplois et les salaires, et ce, dans tous les pays. Toutefois, il est clair que l’augmentation du commerce et la mondialisation accrue ont contribué à la hausse des profits et à la réduction de la part du revenu national générée par les travailleurs. Il en résulte donc une augmentation de l’écart entre les revenus. Prix Le principal argument en faveur du libre-échange consiste à dire qu’il entraîne la baisse du prix des marchandises importées. Or, le Canada bénéficie déjà de tarifs relativement plus bas pour la plupart de produits importés – moins de quelque pour cent pour la plupart des catégories. Cependant, au lieu de réduire les prix, l’AECG envisagé avec l’Europe entraînera la hausse des prix des médicaments sur ordonnance. Les sociétés pharmaceutiques demandent actuellement au Canada de prolonger la durée des droits de monopole attachés aux brevets jusqu’à 21 ans et il semble que le gouvernement Harper acceptera, bien que sa propre analyse démontre que cela coûtera entre 795 millions et 2 milliards de dollars de plus par année. Ces coûts seront assumés par les gouvernements provinciaux, les régimes d’avantages sociaux des employés et les Canadiens. Services publics et souveraineté Le terme « accord de libre-échange » porte à confusion. On devrait plutôt parler d’« accord sur les droits des entreprises étrangères » parce que la réduction des tarifs à l’importation représente seulement une infime partie de ces accords. Les principaux éléments comprennent le renforcement des droits des investisseurs et des sociétés en restreignant les pouvoirs des gouvernements, en conférant aux sociétés des pouvoirs accrus quant à l’accès au marché, au contrôle des brevets et de la « propriété intellectuelle » et en donnant aux sociétés étrangères le droit de nous poursuivre en justice pour pertes de profits attribuables aux changements apportés aux politiques gouvernementales. Ce qui inquiète le plus, ce sont les restrictions qu’imposent les accords commerciaux et d’investis­sements au gouvernement dans sa capacité de Suite à la dernière page


Indice des prix à la consommation

Inflation modérée, mais hausse des coûts des services publics L’inflation a connu une croissance modeste au cours des derniers mois, se traduisant par une hausse du taux annuel moyen de seulement 1,2 % de juillet à octobre. Malgré l’augmentation des prix des produits alimentaires, l’inflation a été tempérée par la baisse des prix des vête­ ments, des chaussures, du gaz naturel et des prêts hypothécaires. Au cours des neuf premiers mois de l’année, l’inflation s’est maintenue en moyenne à 1,7 % au Canada, affichant des taux inférieurs en Colombie-Britannique et en Alberta (1,4 %) et plus élevés au Québec et dans le Canada atlantique (environ 2 % ou plus). Les ménages en Alberta, en Ontario et en Nouvelle-Écosse ont connu des hausses vertigineuses du prix de l’électricité cette année, tandis que les tarifs rattachés à la consommation d’eau ont grimpé de plus de 5 % en moyenne dans toutes les provinces, à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard, du Québec et du Manitoba. L’augmentation des frais de scolarité a atteint une moyenne de 3,7 % à la grandeur du pays en septembre et de plus de 5 % en Ontario et en Saskatchewan. L’inflation devrait s’établir en moyenne à 1,7 % en 2012, pour grimper à 1,8 % en 2013, puis à 2 % en 2014.

Inflation des prix à la consommation Moyenne janvier Moyenne prévue à juillet 2012 pour 2013* Canada Terre-Neuve et Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique

1,7 %

1,8 %

2,3 % 2,1 % 2,1 % 1,9 % 2,2 % 1,6 % 1,6 % 1,8 % 1,4 % 1,4 %

2,0 % 1,8 % 2,1 % 1,8 % 1,8 % 1,9 % 1,9 % 2,3 % 1,9 % 1,3 %

Sources : Statistique Canada, CANSIM (Tableau 326-0020) et prévisions récentes fournies par les banques TD, RBC et BMO.

Salaires Qui obtient quoi?

Faible hausse des salaires et menaces de gel Les menaces de gel des salaires s’estompent dans la cadre des négociations en cours dans certaines provinces bien que le vent froid ait passablement limité les hausses salariales. La hausse des salaires enregistrée dans le cadre des conventions collectives des grandes organisations conclues durant la première moitié de 2012 a été en moyenne de 1,8 %, soit juste un peu plus que le taux d’inflation moyen de 1,7 % affiché pour l’année. À 2,1 %, les hausses salariales enregistrées dans le cadre des conventions signées dans le secteur privé ont devancé celles du secteur public à 1,7 %. Ce sont encore les industries primaires qui connaissent les plus fortes hausses, avec une moyenne de 3,4 %, suivies par l’industrie de la construction avec 2,7 % et les services publics à 2,5 %. Les travailleurs en Alberta ont connu les hausses salariales les plus élevées, soit une moyenne de 2,9 % jusqu’à maintenant en 2012. Les travailleurs de la ColombieBritannique ont enregistré les hausses les moins importantes, soit 0,3 %.

Toutefois, après deux autres années de gel, les travailleurs du secteur public pro­ vincial élargi de la Colombie-Britannique obtiennent enfin des hausses salariales d’au moins 2 % dans les nouvelles ententes conclues avec un gouvernement qui se prépare aux élections. En Ontario, les hausses salariales moyennes ont été de seulement 0,5 % en septembre, alors que certains syndicats ont consenti à un gel des salaires pendant deux ans. Depuis, la menace du gouvernement provincial d’imposer des conventions collectives n’est plus à l’ordre du jour, du moins à court terme, à la suite de la démission du premier ministre McGuinty. L’année prochaine sera cruciale pour les négociations qui se dérouleront dans le secteur public. Des ententes touchant des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public dans la majorité des provinces sont en effet en cours de négociations. C’est notamment le cas de centaines de milliers de travailleurs en Ontario seulement.

Augmentations salariales moyennes pour 2012 Par secteur Janvier à juillet 2012 Total national

1,8 %

Public

1,7 %

Privé

2,1 %

Par province Terre-Neuve et Labrador Île-du-Prince-Édouard

2,0 %

Nouvelle-Écosse

2,2 %

Nouveau-Brunswick

2,0 %

Québec

1,9 %

Ontario

1,6 %

Manitoba

2,7 %

Saskatchewan

1,2 %

Alberta

2,9 %

Colombie-Britannique

0.,3 %

Source : RHDCC, Rajustements salariaux, octobre 2012 http://www.rhdcc.gc.ca/fra/travail/relations_travail/info_ analyse/donnees/salaires/rajustements_salariaux.pdf

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Hors des sentiers battus Salaires

Quand le salaire minimum ne suffit pas Bien que les salaires minimums au Canada aient connu une hausse au cours des dernières années, ils sont néanmoins inférieurs en termes de dollars réels à ceux enregistrés en 1976 à l’époque du disco. Rares sont ceux qui peuvent se débrouiller avec 20 000 $ par an, alors que c’est ce que donne le salaire minimum pour une année de travail à temps plein dans la plupart des provinces. Au lieu de compter sur les provinces pour élever le salaire minimum à un seuil décent, de nombreux activistes exercent des pressions sur leurs gouvernements locaux et sur les autres employeurs de leur collectivité afin qu’ils s’engagent à payer un « salaire vital », soit le minimum requis pour satisfaire aux besoins essentiels, comme un logement adéquat, de la nourriture et d’autres nécessités. Ces campagnes gagnent du terrain. Une coalition mise sur pied au Royaume-Uni a attiré une attention sans précédent sur la question en faisant de la première semaine de novembre la Living wage week (Semaine du salaire vital). À date, plus de 100 grands employeurs se sont engagés à verser au moins un salaire vital à leurs employés. La coalition a d’ailleurs montré du doigt la reine et le vice-premier ministre qui versent des salaires moindres. En Colombie-Britannique, un certain nombre d’employeurs des secteurs public et privé se sont engagés à verser des salaires vitaux d’au moins 19,14 $ l’heure. Selon certains calculs effectués en 2011, le salaire vital aurait dû être de 17,87 $ l’heure à Toronto en 2012 et de 16,51 $ l’heure à Kingston. Les salaires vitaux adoptés volontairement par les employeurs ne remplaceront pas les salaires minimums décents fixés en vertu de la loi, mais ils peuvent faire une différence. Ils constituent également un excellent outil de mobilisation en vue des négociations, puisqu’ils attirent l’attention sur la question et contribuent à la hausse des salaires pour les travailleurs les moins bien rémunérés de la collectivité.

T.-N. $10.00 I.-P.-É. 10,00 $

Manitoba Vancouver

19,14 $

SASKATCHEWAN

9,50 $

14,12 $

MANITOBA

10,25 $

Victoria

Québec

18,07 $

9,90 $

C.-B. 10,25 $ N.-B. 10,00 $

ALBERTA

9,75 $

Salaire minimum Salaire vital estimé en 2012

ONTARIO

10,25 $

Hamilton

15,12 $

Toronto

17,87 $

N.-É. 10,15 $

Kingston

Suite de la page 6 réglementer, d’élargir les services publics et de promouvoir le déve­ loppement économique local. Même avec les exemptions accordées dans différents secteurs, les politiques environnementales, sociales, économiques et de santé progressistes seront prohibées, comme ce fût le cas pour les règles régissant le contenu local sur l’énergie verte en Ontario. Le plus scandaleux est que ces accords commerciaux et d’inves­ tis­sements peuvent conférer des pouvoirs plus grands aux sociétés étrangères qu’aux entreprises canadiennes. Par exemple, l’APIE permettrait de donner aux entreprises chinoises la capacité de soumettre tout litige avec les gouvernements canadiens à un tribunal étranger d’arbitrage secret qui pourrait imposer sans recours des pénalités de l’ordre de milliards de dollars au Canada, ce qui court-circuiterait notre système judiciaire. Parallèlement, cet accord n’offrirait même pas un semblant de pouvoir de cette nature aux entreprises canadiennes en Chine. Il s’agit d’une reddition extraordinaire de notre souveraineté nationale contre à peu près rien en retour. Pour réaliser des gains dans la négociation de conventions collectives, vous devez faire preuve d’intelligence, user de stratégie, négocier avec intensité et être prêt à vous retirer de la table. Cela vaut aussi pour les accords de commerce international et d’investissements. Malheureusement, en raison de sa propension idéologique à signer rapidement des accords commer­ ciaux et d’investissements avec le plus de pays possible, le gouvernement Harper est prêt à flouer les Canadiens et à vendre le pays aux étrangers.

16,51 $

Sources : Banque de données sur les salaires minimums, Ressources humaines et Développement des compétences Canada et Étude « Enhancing Democratic Citizenship, Deepening Distributive Justice » du Centre canadien de politiques alternatives.

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Briser les mythes Le libre-échange

Pour en savoir davantage, rendez-vous au scfp.ca/aecg


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