SALLINGER | Revue de presse

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SALLINGER DE BERNARD-MARIE KOLTÈS MISE EN SCÈNE CATHERINE MARNAS

COMPAGNIE DRAMATIQUE PARNAS

REVUE DE PRESSE

PARNAS COMPAGNIEDRAMATIQUEPARNAS direction artistique direction générale administration communication | diffusion

Catherine Marnas Claude Poinas claudepoinas@parnas.fr Fanny Catier fannycatier@parnas.fr Olivier Quéro olivierquero@parnas.fr

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Mercredi 9 janvier 2013

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Hebdomadaire Paris OJD : 35600

24 RUE SAINT SABIN 75011 PARIS - 01 42 44 16 16

big bang Koltès

Surface approx. (cm²) : 850 N° de page : 108-109

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Catherine Marnas remonte avec brio aux origines du théâtre de Bernard-Marie Koltès avec Sallinger, sa première pièce, réputée contenir en germe l'ensemble de son oeuvre.

big bang Koltès

Catherine Marnas remonte avec brio aux origines du théâtre de Bernard-Marie Koltès avec Saliinger, sa première pièce, réputée contenir en germe l'ensemble de son œuvre.

C

'est en 1964, dans un New York "abstrait, nocturne, déconnecté ' que Bernard-Marie Koltès 11948-1989) situe l'action de SaMnger(1977], La pièce qui annonce l'arrivée sur nos planches d'un des dramaturges parmi les plus importants de la fm du XXe siècle. Pour faire entendre pour la première fois la musique si particulière de son verbe, le jeune auteur de 29 ans fait [e choix troublant d'un lieu où les vivants vont visiter les morts et en appelle pour sa scène d'ouverture à une dédicace aux maîtres anciens. D'abord, il y a la pureté virginale de la neige et la qualité du silence régnant dans un cimetière en hiver quand on y pénètre de nuit et par effraction. Puis, alors que les reflets de la lune se mélangent aux lueurs des gyrophares de la ville, c'est un spectre qui apparaît à côté d'un mausolée de pierre blanche Quand on suit dans leur périple les deux jeunes femmes arrivées dans le cimetière en sautant par-dessus le mur, c'est bien évidemment à Hamlet de William Shakespeare que l'on pense, tandis que Carole, la veuve du Rouquin, et June, son amie et confidente, se retrouvent confrontées à l'apparition d'un fantôme, celui du mystérieux Rouquin qui, la veille, s'est suicidé sans dire pourquoi en se jetant par la fenêtre à I heure où I on descend tes poubelles.

reservez

Opening Night, a Vaudeville

chorégraphie MarkTompkins Depuis leur rencontre en 2010 au CCM de Montpellier, le danseui et chorégraphe Mark Tompkms et Mathieu Grenier, acteur, musicien et chanteur, ne se quittent plus Après Black'n Blues, a MmstrelShow, voici un spectacle léger sur la transmission et Le pont entre les générations, présente dans le cadre du festival Faits d'hiver. du 24 au 29 janvier au Theâtre de la Cite internationale Paris XIV tel OH3135D50. wwwfaitsdhiverwm

El Djoudour

24 RUE SAINT SABIN 75011 PARIS - 01 42 44 16 16

chorégraphie Abou Lagraa Evocation de la culture arabomusulmane, cette pièce pour 14 danseurs est traversée de chants sacrés 'Un miroir dans lequel on peut se regarder pour regarder lautre", selon Lagraa. du 16 au 19 janvier au Grand Théâtre de Provence Aix en-Provence, tel 08Z0132B13. www lestheatres net

PARNAS 3611194300509/GGF/OTO/2

Répondant à une commande d'écriture du metteur en scène Bruno Boeglm, Bernard-Marie Koltès a comme feuille de route pour la rédaction de sa pièce Sallinger de s'inspirer de l'œuvre romanesque de l'écrivain américain Jerome David Salmger (1919-2010). 'loeuvre de Salinger n a rien de théâtral • e est un objet littéraire, bien construit pour être lu, précise à l'époque Koltès. Maîs, tiya, en cela et en faisant partie, le drôle d'air avec lequel il le montre, le ton qu'il prend pour dire tout cela, et c'est ce ton-là qui est théâtral ' Comme un diapason donne le la, voilà donc Koltès accordant sa plume à la justesse du ton de Salinger pour cette piece qui réunit tous les thèmes qu'il développera plus tard dans son théâtre Cadrant une Amerique entre guerre de Corée et Viêtnam, il a déjà la volonté de traiter par la marge les grands questionnements de son temps, émaillant ses dialogues des légendaires échappées poétiques de ses monologues ciselés comme de purs

comme un diapason 09/15 le JAN donne la,13 voilà

Hebdomadaire Paris doncOJD Koltès accordant : 35600

sa plume à la justesse

Surfacedu approx. : 850 ton(cm²) de Salinger N° de page : 108-109

Eléments de recherche : CATHERINE MARNAS : directrice artistique et metteur en scène de la compagnie Parnas, toutes citations

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cote jardin

l'enfance de Part

Des enfants travestis en quadras puis en vieillards : une superbe illusion menée par le collectif Geb Squad.

diamants C'est en ajoutant un ' I" au patronyme de Salmger que Koltès ouvre le premier chapitre de sa dramaturgie. Ultime clin d'œil à la Faucheuse alors qu'il se sait condamné à mourir du sida, ce sera en transformant le "s" de Succo en 'z" qu'il conclut son œuvre avec sa pièce Roberto Zucco 11988) pour inscrire dans la légende le visage d'ange d'un senal-killer faisant la une des journaux. Défricheuse attentionnée des premiers travaux de Bernard-Marie Koltès, Catherine Marnas s'avère la metteur en scène idéale pour nous guider dans le labyrinthe de ce mausolée primai, une visite enthousiasmante qui allie délicatesse et pudeur et s'avère une émouvante déclaration d amour à son auteur. Réunissant une équipe de comédiens composée d'acteurs du TNS et de membres de sa troupe, e est à travers le ballet fluide de quèlques éléments de décor se reflétant sur le sombre miroir de son plateau que Catherine Marnas réussit le pan de faire entendre Saltinger comme la boîte de Pandore d'où va jaillir tout le théâtre de Koltès. Un acte de naissance Patrick Sourd Sallingerde Bernard-Marie Koltès, mise en scène Catherine Marnas, Théâtre national de Strasbourg, compte rendu ; le 11 janvier au Theâtre des Salins a Martigues, en tournee jusqu'au 12 février à Gap, Miramas, Alès, Cavaillon, Draguignan PARNAS 3611194300509/GGF/OTO/2

C'est un salon rempli d'enfants et d'adolescents de 8 à 14 ans qui jouent à colin-maillard, dansent et rigolent. Sauf qu'Us ne nous voient pas et sont enfermés dans une cage de verre, une "sorte de pièce sécurisée composée de miroirs sans tain, enfermés* comme des insectes dans un pot de confiture". Dispositif scénique auquel s'ajoutent deux écran;, où sont projetées des vidéos où on les voit, plus jeunes, se présenter, dire leurs rêves d'avenir, dans ce qu'on devine être le début du processus de travail engagé avec eux à Gand, en Belgique, par le collectif germano-britannique Gob Squad. line voix enregistrée les interrompt, leur signale notre présence et le début du spectacle, line enfant s'avance et nous dit qu'elle sait qu'elle vu mourir, comme nous tous, et que ce n'est pas grave. N'empêche qu'une heure durant, ce qu'ils auront à jouer, c'est grandir, grandir au point de vieillir et de mourir, obéir aux instructions de la voix enregistrée et confronter leurs rêves d'enfants à la réalité d'adultes en butte avec la désillusion, les ruptures, le décalage rédhibitoire ou incompatible entre l'espace du rêve et la durée d'une vie. Des enfants travestis en jeunes adultes, en quadras et en vieillards restent des enfants qui jouent, mais l'illusion est assez forte pour que, confrontés avec leur image filmée un an plus tôt et en dialogue avec elle, nous soyons gagnés par rémotion, devenue une surface de projection troublante qui abolit la frontière entre rêel et représentation. C'est drôle, poignant, stupéfiant. Before Your Very Eyes, création de Gob Squad & Campo, le 17 janvier à Saint-Médard dans le cadre du festival Des souris, des hommes

A rff rs

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C'est en 1964, dans un New York "abstrait, nocturne, déconnecté " que Bernard-Marie Koltès (1948-1989) situe l'action de Sallinger (1977), La pièce qui annonce l'arrivée sur nos planches d'un des dramaturges parmi les plus importants de la fm du XXe siècle. Pour faire entendre pour la première fois la musique si particulière de son verbe, le jeune auteur de 29 ans fait le choix troublant d'un lieu où les vivants vont visiter les morts et en appelle pour sa scène d'ouverture à une dédicace aux maîtres anciens. D'abord, il y a la pureté virginale de la neige et la qualité du silence régnant dans un cimetière en hiver quand on y pénètre de nuit et par effraction. Puis, alors que les reflets de la lune se mélangent aux lueurs des gyrophares de la ville, c'est un spectre qui apparaît à côté d'un mausolée de pierre blanche. Quand on suit dans leur périple les deux jeunes femmes arrivées dans le cimetière en sautant pardessus le mur, c'est bien évidemment à Hamlet de William Shakespeare que l'on pense, tandis que Carole, la veuve du Rouquin, et June, son amie et confidente, se retrouvent confrontées à l'apparition d'un fantôme, celui du mystérieux Rouquin qui, la veille, s'est suicidé sans dire pourquoi en se jetant par la fenêtre à I'heure où I'on descend tes poubelles. Répondant à une commande d'écriture du metteur en scène Bruno Boëglin, Bernard-Marie Koltès a comme feuille de route pour la rédaction de sa pièce Sallinger de s'inspirer de l'œuvre romanesque de l'écrivain américain Jerome David Salmger (1919-2010). " L'œuvre de Salinger n'a rien de théâtral. C'est un objet littéraire, bien construit pour être lu, précise à l'époque Koltès. Mais, il y a, en cela et en faisant partie, le drôle d'air avec lequel il le montre, le ton qu'il prend pour dire tout cela, et c'est ce ton-là qui est théâtral. " Comme un diapason donne le la, voilà donc Koltès accordant sa plume à la justesse du ton de Salinger pour cette piece qui réunit tous les thèmes qu'il développera plus tard dans son théâtre cadrant une Amerique entre guerre de Corée et Viêtnam, il a déjà la volonté de traiter par la marge les grands questionnements de son temps, émaillant ses dialogues des légendaires échappées poétiques de ses monologues ciselés comme de purs diamants. C'est en ajoutant un "I" au patronyme de Salinger que Koltès ouvre le premier chapitre de sa dramaturgie. Ultime clin d'oeil à la Faucheuse alors qu'il se sait condamné à mourir du sida, ce sera en

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Mercredi 9 janvier 2013

transformant le "s" de Succo en 'z" qu'il conclut son oeuvre avec sa pièce Roberto Zucco (1988) pour inscrire dans la légende le visage d'ange d'un serial-killer faisant la une des journaux. Défricheuse attentionnée des premiers travaux de Bernard-Marie Koltès, Catherine Marnas s'avère la metteur en scène idéale pour nous guider dans le labyrinthe de ce mausolée primal, une visite enthousiasmante qui allie délicatesse et pudeur et s'avère une émouvante déclaration d amour à son auteur. Réunissant une équipe de comédiens composée d'acteurs du TNS et de membres de sa troupe, c'est à travers le ballet fluide de quelques éléments de décor se reflétant sur le sombre miroir de son plateau que Catherine Marnas réussit le pari de faire entendre Sallinger comme la boîte de Pandore d'où va jaillir tout le théâtre de Koltès. Un acte de naissance. Patrick Sourd

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Dimanche 25 novembre 2012

Coproduction TNS : « Sallinger » ou la violence du passage à l’âge adulte Depuis mardi, les planches du TNS accueillent Sallinger, pièce inclassable de Koltès, mise en scène par Catherine Marnas. Création et coproduction où les comédiens de la compagnie Parnas et de la troupe du TNS s’engagent avec maestria dans une opaque mise en question. La force d’une jeunesse qui dit non. C’est la nuit. Deux femmes descendent des cintres : elles escaladent les grilles d’un cimetière. Pendant que l’une fait le guet, l’autre pleure son mari, le Rouquin. Il s’est suicidé. Les rouages d’une famille bien comme il faut se détraquent alors peu à peu, sous la pression d’un refus qui se répand comme une fissure. Nous sommes à New-York en 1964, à l’aube de la guerre du Vietnam. D’un Salinger l’autre Catherine Marnas s’était déjà attaquée en 1997 à L’Héritage de Koltès. Sallinger, pièce atypique de l’ancienne élève du TNS, est une toile dense tissée dans le choc qui projette l’enfance, un jour, dans la jungle du monde. L’œuvre de l’autre Salinger, – le vrai, celui qui n’a qu’un «l », auteur de L’Attrappe-cœurs - rôde comme l’ombre du Rouquin derrière les rideaux. Car le Sallinger de Koltès est d’abord le travail d’acteur mené par celui-ci sur l’œuvre de celui-là, concrétisé par un texte commandé par le metteur en scène Bruno Boëglin en 1977. De l’un à l’autre, le fil d’Ariane est cette mue complexe entre l’âge tendre et l’âge adulte. La déchirure est métaphoriquement la guerre du Vietnam. Sa présence engluante n’est pas anodine pour Catherine Marnas. Elle est au contraire une raison essentielle de monter la pièce, « un calque à replacer sur notre époque » et sur le fossé entre jeunes et société. Ainsi, le père du Rouquin finira par sortir de son mutisme alcoolisé pour s’adresser au public et appeler la patrie à retrouver le goût du combat. Quel Vietnam nous attend ? Le Rouquin, figure christique aux cheveux longs, est le fils sacrifié. Son apparition est un avertissement : quand la vie pue la mort, le refus est un élan de vie, avant d’être assez fou pour danser parmi les cadavres comme leurs parents. Une question d’équilibre Si les premiers moments sont engoncés dans une déclamation

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Dimanche 25 novembre 2012

rigide, le carcan éclatera sous les débordements de la colère. La scénographie, très réussie, utilise la hauteur, la profondeur, comme on parcourrait les différents niveaux d’une conscience. Du sol aux rideaux, qui constituent l’essentiel du décor, tout semble de verre, pour être brisé. Dans cette cage, la mise en scène est un nerf qui se tend. Tension entre clair et obscur, entre un morne quotidien et l’irréalité du souvenir, entre les vivants attirés par la fin et le spectre du Rouquin, le plus vivant de tous, qui jure, qui rit, qui engueule les endormis. Tension entre le drame et un comique, souvent désespéré, d’enfants déjà prisonniers des questions de grands : la vie, la mort, le sens que l’on peut mettre entre les deux. On est pris dans ce flux sans transition et sans tout comprendre, balloté d’un sentiments à l’autre, et c’est sans doute là la grande réussite de Catherine Marnas : grandir ne nous ménage aucune transition. Dans la vie comme dans la pièce, on est pris au dépourvu, contraint d’y penser après, une fois qu’il est trop tard. Et le fantôme du Rouquin revient, même quand on a franchi le seuil du TNS. Une expérience à tenter jusqu’au 7 décembre, avant que Sallinger n’entame sa tournée dans le Midi en janvier et février, de Martigues à Draguignan. Marie ANTOINE

http://www.rue89strasbourg.com/index.php/2012/11/25/culture/coproduction-tns-sallinger-ou-la-violence-du-passage-a-lage-adulte/

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Vendredi 23 novembre 2012

Sallinger à Strasbourg: le pouvoir d’un mort Catherine Marnas met en scène la pièce de Bernard-Marie Koltès "Sallinger" à Strasbourg. Le deuil ne parvient pas à les unir, il les met en lambeaux. La mort précipite violement ceux qui restent dans la douleur et la culpabilité : le suicide du fils ainé, frère, mari, précède la pièce Sallinger de Bernard-Marie Koltès. Et on rencontre alors Carole, la veuve, avec trop de fards et trop de rouge à lèvre et sa colère dans un cimetière. Elle titube avec ses escarpins rouge sang sur le plateau nu. Elle pleure et la couleur noire coule de son visage. Dans la mise en scène de Catherine Marnas au Théâtre National de Strasbourg, les images sont à une distance calculée, elles se gravent en nous, elles prennent le spectateur aux tripes. A chaque seconde il s’agit de la mort et des cicatrices que les individus s’infligent. Ça ne laisse personne froid. Sallinger est la première pièce du dramaturge français, que lie à Strasbourg beaucoup plus que le nom de la salle dans laquelle la pièce est jouée. Koltès, né à Metz en 1948, était élève de la fameuse école de théâtre et c’est de là qu’il a pris son envol dans le monde du théâtre, accompagné de conseillers éclairés, jusqu’à sa mort du SIDA à 41 ans. Sallinger écrit en 1977, était une commande. Son titre est un hommage à l’auteur américain J.D. Salinger, dont il a un peu modifié le nom. La pièce n’a de commun avec Salinger que quelques ressemblances thématiques. Carole (Marie Desgranges) débarque dans un cimetière dans un New York étranger et inhospitalier. Le Rouquin s’est pris la vie. Elle s’est échouée dans la grosse ville où son mari a été enterré par sa famille. Elle semble sans appui. Tant de choses la séparent de la famille bourgeoise que la perte du Rouquin n’a pas pu les rapprocher. Chacun porte la peine. La mère, le père qui boit du whisky, le frère, la sœur. Aucun réconfort, nulle part, seulement l’autodestruction. Anna, la sœur, est entraînée dans la folie par la mort de son frère. Ici, on attend la consolation en vain Muriel Inès Amat donne une impression frissonnante de la façon dont le disparu a dominé sa vie, en positif comme en négatif. « Qu’est ce qu’elle a que je n’ai pas ? ». Sa jalousie à l’égard de Carole la pousse dans un désespoir hystérique, elle ne trouve aucun réconfort dans la nostalgie de l’enfance. C’est également Anna qui se révolte contre les insinuations de Carole à l’encontre de sa famille. L’une des scènes les plus impressionnantes la figure avec Carole, quand elles découvrent terrifiées l’image identique de

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Vendredi 23 novembre 2012

l’autre en robe de tulle noir dans la solitude du cimetière. Leslie (Fred Cacheux), le frère du Rouquin, invoque le disparu, un esprit brillant à qui on promettait un avenir radieux, et libère sa colère dans les éclairs lumineux au rythme des pulsations de musique électronique. Koltès rappelle le Rouquin, un revenant moqueur, comme une dernière épine pour les siens. Un tel artifice, un fantôme qui pousse les autres dans leurs derniers retranchements, est caractéristique chez Koltès. Antoine Hamel, comédien de la troupe du TNS, qui joue dans cette coproduction avec la Compagnie Parnas de Catherine Marnas, brille dans cette œuvre de jeunesse de Koltès, quand il surgit avec son costume vert turquoise et sa chevelure de feu dans les vies de ceux qu’il a blessé. Il noie les survivants sous les railleries alors qu’ils ne peuvent pas même se soutenir les uns les autres. Ici, on attend la consolation en vain, en premier lieu parce que la prochaine perte se dessine déjà. Uniforme et casque militaire font d’ores et déjà de Leslie un mutilé : le Rouquin s’est suicidé la veille de la guerre du Vietnam. L’espace sur le plateau noir est réduit. Une balustrade comme une ligne horizontale argentée, un siège comme le seul point de repos, même s’il ne donne de soutien à personne. À la performance intense de la troupe d’acteurs, les costumes (Dominique Fabrègue) ajoutent, dans des couleurs exquises de tulle et de satin iridescent, une force suggestive. Et devant ce tapis Catherine Marnas joue avec Koltès la mélodie sombre de la solitude, de la soif d’amour et du renfermement sur soi. Bärbel NÜCKLES

http://www.badische-zeitung.de/theater-rezensionen/sallinger-in-strassburg-die-macht-eines-toten--65952858.html

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Mardi 18 décembre 2012

Sallinger Sous la direction de Catherine Marnas, les comédiens de la Compagnie Parnas et ceux du Théâtre national de Strasbourg interprètent Sallinger, de Bernard-Marie Koltès. Une création en clair-obscur et en demi-teinte. Tout commence par une invitation faite à Bernard-Marie Koltès par Bruno Boëglin : écrire une pièce à partir d’un atelier d’acteurs organisé autour de l’œuvre de J. D. Salinger. C’était en 1977. Koltès accepte, rajoute un « l » au nom de l’écrivain américain et donne naissance à Sallinger, texte qui préfigure à la fois le style et les grandes thématiques des pièces ayant, quelques années plus tard, fait le succès du dramaturge. Langue flamboyante qui surgit comme des éclats de monde, questions de l’isolement, de la différence, de la violence, de la jeunesse, de la recherche de l’amour, des troubles intimes… Tout est là, enfoui au cœur d’une famille new-yorkaise du début des années 1960 – famille dont l’un des fils, Le Rouquin, vient de se suicider (Antoine Hamel). Sa femme (remarquable Marie Desgranges), sa sœur (Muriel Inès Amat), son frère (Fred Cacheux), son père (Franck Manzoni), sa mère (Bénédicte Simon) et deux amis (Olivier Pauls et Cécile Péricone) font face au vide laissé par cet être singulier, ainsi qu’aux tourments d’une Amérique sur le point de s’engager dans la guerre du Vietnam. Des vagues de langage qui déferlent Fidèle de l’écriture de Bernard-Marie Koltès depuis le milieu des années 1990 (Sallinger est le cinquième texte du dramaturge qu’elle met en scène), la fondatrice de la Compagnie dramatique Parnas crée un spectacle qui navigue, avec fluidité, entre clair et obscur, dérision et gravité, existences désenchantées et échappées fantasmagoriques. Dans Sallinger, les parois du réel sont sans cesse trouées par les arêtes de l’ailleurs et de l’imaginaire. C’est ainsi toute l’étrangeté d’un monde profondément ambivalent qui demande ici à s’exprimer, toute la force de vagues de langage déferlant, d’amas de mots venant empiéter sur la matière du quotidien. Or cette forme de puissance débordante manque quelque peu à la représentation conçue par Catherine Marnas. Une représentation bien sûr de bonne facture, qui rejoint le « théâtre populaire et généreux » que revendique la metteure en scène, mais qui peine à rendre compte des fulgurances traversant de part en part le théâtre de Bernard-Marie Koltès. Manuel Piolat Soleymat

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Blog Vendredi 23 novembre 2012

Un fantôme nommé désir Carole est triste. Son mari, le Rouquin, s'est suicidé la veille. Elle grimpe par dessus la muraille du cimetière la nuit pour être sur la tombe de son grand amour sous la pluie. C'est ainsi que commence Sallinger, une des premières pièces de Bernard-Marie Koltès, créée au Théâtre national de Strasbourg par Catherine Marnas, avec cinq acteurs de la troupe permanente du TNS et trois comédiens de sa troupe, la Compagnie Parnas. « Peu montée, Sallinger (avec deux ll) est sans doute la plus atypique et la plus énigmatique des pièces de Bernard-Marie Koltès : se déroulant aux États Unis, non pas dans un lieu hors du monde comme peut l’être le hangar de Quai Ouest ou de Dans la Solitude des champs de coton, mais glissant sans frontière d’un univers familial — une famille de l’Amérique moyenne avec salon, rideaux aux fenêtres, fauteuil et guéridon — à des lieux fantastiques — mausolée éclairé par la lune, champ de bataille exotique, New York abstrait, nocturne déconnecté... » écrit Catherine Marnas. Un aller-retour permanent entre l'onirisme et la réalité se traduit par un clair-obscur, troublé de temps en temps par des éclairages stroboscopiques accompagnant un air de rock'n roll déjanté. Il y a du Hopper dans certains tableaux, notamment ceux montrant la famille où le père (Franck Manzoni) semble noyer sa tristesse dans un verre de whisky. La sœur et le le frère du Rouquin (Muriel Inès Amat et Fred Cacheux) se chamaillent mais voient apparaître le fantôme de leur frère mort qui leur tient un discours cynique, revenu d'entre les morts. L'affection est cependant présente, même si elle s'exprime mal. Koltès a écrit ce texte après une tentative de suicide. Cependant, il n'est guère plus noir que le reste de son théâtre. Ce qui est plaisant, c'est une certaine « immaturité » du jeune écrivain par rapport à ses textes postérieurs. « Il y a une énergie folle dans cette écriture, quelque chose qui trace son chemin de manière impitoyable, presque comme si les personnages étaient traversés par les mots qui leur arrivent par flots. On a l'impression par moments qu'ils pourraient ne plus s'arrêter. C'est ce que j'appelle « la langue du débordement » : ils sont débordés par leur inconscient » dit encore Catherine Marnas. L'inconscient étant structuré comme un langage, comme nous le savons depuis papa Freud et oncle Lacan, ici c'est de l'amour qui déborde à travers la souffrance la plus folle qui soit. L'extra-lu-

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Blog Vendredi 23 novembre 2012

cidité du Rouquin (Antoine Hamel) peut faire mal, mais c'est un écorché vif qui n'est pas à sa place dans cette Amérique guerrière, enfant du « flower power », digne représentant de sa génération. La performance physique des acteurs est époustouflante : leurs corps tendus comme des arcs parviennent à nous transporter dans des ailleurs suggestifs dont le funambulisme du Rouquin est la parfaite illustration. « Pour ton arrivée en piste, crains la démarche prétentieuse. Tu entres : c'est une série de bonds, de sauts périlleux, de pirouettes, de roues, qui t'amènent au pied de ta machine où tu grimpes en dansant. Qu'au premier de tes bonds – préparé dans la coulisse – l'on sache déjà qu'on ira de merveilles en merveilles. Et danse ! » (Jean Genet, Le Funambule).

Sallinger de Bernard-Marie Koltès est visible jusqu'au 7 décembre. Le TNS organise par ailleurs un certain nombre d'événements autour du spectacle. Christophe PANZER

http://lueurspaniques.blog.lemonde.fr/?p=291&preview=true

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Mardi 27 novembre 2012 27 NOV 12

Quotidien Prov. avec dim. OJD : 174979

Lumière essentielle

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THÉÂTRE Sallinger au TNS

De Bernard-Marie Koltès, Catherine Marnas dit qu'il est son auteur favori. Sa mise en scène de Sallinger, avec des comédiens du TNS et de la compagnie Parnas, est lumineuse.

A

la veille de la guerre du Vietnam, le Rouquin vient de se suicider, sa famille interroge ce geste alors que le défunt réapparaît à ses proches. Le décor est minimaliste : un pont, une tombe et des fleurs rouges, un fauteuil recouvert d'un tissu rouge dont le père s'extrait en d'étonnantes contorsions, des rideaux qui courent, noirs ou de couleur, pour modeler le plateau. Extérieur nuit, salon, cimetière, champ de bataille. Nous sommes dans un entredeux, le plateau noir brille, donnant à voir des scènes dédoublées. Le dehors (de la ville) empiète sur le dedans, à moins que le dedans du deuil n'envahisse l'espace alentour.

Sculpter le noir Les corps pleurent, chantent, s'agitent, s'effondrent, se reprennent, sombrent, s'endorment, s'emportent, sautent, esquissent des pas de danse. Tour à tour, jamais à l'unisson. Parfois la musique crie, un train passe. « Dans le deuil, il y a une période d'incandescence où tout est plus aigu, où l'on rit, pleure, s'engueule », confiait à quèlques jours de la première Julien Duval, l'assistant à la mise en scène. Du deuil, « de cette douleur que l'on vit seul », Koltès arrive à exprimer ce qu'on n'exprime jamais, une pulsion de vie, soulignait de son côté Catherine Marnas. Alors pour donner corps à ce texte, la même a choisi de PARNAS 1093344300508/GGF/MSK/2

Lumière essentielle

Surface approx. (cm²) : 334

17 RUE DE LA NUEE BLEUE 67000 STRASBOURG - 03 88 21 55 00

«3e sais bien, moi, qu'on ne meurt pas si facilement». (PHOTO PIERRE GROSBOIS)

sculpter le noir (celui de la nuit urbaine, celui de la mort, celui du deuil) avec la lumière qui semble émaner des personnages tous costumes de couleurs estompées et pourtant lumineuses. Et cette nuit qui envahit le plateau semble avaler le flot de paroles qui s'échappent de l'inconscient pour que la lumière soit à nouveau portée sur les endeuillés. « Je ne faisais rien de mes journées que tenter de me détacher des lumières vulgaires pour apercevoir les lumières essen-

tielles ; profession : cherche à apercevoir la lumière essentielle », confie Anna, la sœur du Rouquin, avant de sombrer dans la folie dans un halo tremblant. Habillé de turquoise, le défunt Rouquin, à la crinière flamboyante et au langage cru, les habite tous. Et sa présence posthume laisse des traces bleu turquoise sur les personnages : Leslie a des gants turquoise, la veuve porte avec elle un tissu bleu comme un doudou. La mort n'en est pas moins là en scène finale, brute, alors

que la veuve s'est assoupie. Entre rêve et réalité, flotte le Rouquin. Catherine Marnas espérait que cette pièce soit « une caresse de consolation ». Elle l'est. • CHRISTINE ZIMMER

» Jusqu'au 7 décembre. Du mardi au samedi à 20h. Dimanche 2 décembre à loh. ©03 88 24 88 24. » Projection du documentaire Bernard-Marie Koltès : comme une étoile filante de François Koltès le 3 décembre à 20h au TNS.

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Eléments de recherche : COMPAGNIE DRAMATIQUE PARNAS ou CIE PARNAS ou COMPAGNIE PARNAS : troupe de théâtre à Marseille (13), toutes citations

De Bernard-Marie Koltès, Catherine Marnas dit qu'il est son auteur favori. Sa mise en scène de Sallinger, avec des comédiens du TNS et de la compagnie Parnas, est lumineuse. À la veille de la guerre du Vietnam, le Rouquin vient de se suicider, sa famille interroge ce geste alors que le défunt réapparaît à ses proches. Le décor est minimaliste : un pont, une tombe et des fleurs rouges, un fauteuil recouvert d'un tissu rouge dont le père s'extrait en d'étonnantes contorsions, des rideaux qui courent, noirs ou de couleur, pour modeler le plateau. Extérieur nuit, salon, cimetière, champ de bataille. Nous sommes dans un entredeux, le plateau noir brille, donnant à voir des scènes dédoublées. Le dehors (de la ville) empiète sur le dedans, à moins que le dedans du deuil n'envahisse l'espace alentour. Sculpter le noir Les corps pleurent, chantent, s'agitent, s'effondrent, se reprennent, sombrent, s'endorment, s'emportent, sautent, esquissent des pas de danse. Tour à tour, jamais à l'unisson. Parfois la musique crie, un train passe. « Dans le deuil, il y a une période d'incandescence où tout est plus aigu, où l'on rit, pleure, s'engueule », confiait à quèlques jours de la première Julien Duval, l'assistant à la mise en scène. Du deuil, « de cette douleur que l'on vit seul », Koltès arrive à exprimer ce qu'on n'exprime jamais, une pulsion de vie, soulignait de son côté Catherine Marnas. Alors pour donner corps à ce texte, la même a choisi de sculpter le noir (celui de la nuit urbaine, celui de la mort, celui du deuil) avec la lumière qui semble émaner des personnages tous costumes de couleurs estompées et pourtant lumineuses. Et cette nuit qui envahit le plateau semble avaler le flot de paroles qui s'échappent de l'inconscient pour que la lumière soit à nouveau portée sur les endeuillés. « Je ne faisais rien de mes journées que tenter de me détacher des lumières vulgaires pour apercevoir les lumières essentielles ; profession : cherche à apercevoir la lumière essentielle », confie Anna, la soeur du Rouquin, avant de sombrer dans la folie dans un halo tremblant. Habillé de turquoise, le défunt Rouquin, à la crinière flamboyante et au langage cru, les habite tous. Et sa présence posthume laisse des traces bleu turquoise sur les personnages : Leslie a des gants turquoise, la veuve porte avec elle un tissu bleu comme un doudou. La mort n'en est pas moins là en scène finale, brute, alors que la veuve s'est assoupie. Entre rêve et réalité, flotte le Rouquin. Catherine Marnas espérait que cette pièce soit « une caresse de consolation ». Elle l'est. Christine ZIMMER SALLINGER | REVUE DE PRESSE | page 11


Mardi 20 novembre 2012

La Mort aux trousses La metteuse en scène Catherine Marnas crée Sallinger, avec une partie des comédiens de la troupe permanente du Théâtre national de Strasbourg et de sa propre compagnie Parnas. Dans cette pièce énigmatique et poétique, Bernard-Marie Koltès traverse l’œuvre torturée de Jérôme David Salinger : une famille éclatée entre troubles générationnels autour de la guerre du Vietnam, refus du monde et perte d’un être aimé. Koltès empoigne les thèmes chers à Salinger (refus du passage à l’âge adulte, conflit entre désirs intérieurs et réalité du monde…), sa vraie-fausse désinvolture ou cet “air de rien” qu’il traverse de son écriture à lui, plus sombre… On retrouve cette distance mélangée avec quelque chose de très koltésien : des propos nocturnes, comme des pulsions d’inconscient, des choses se réglant dans un rêve. Anna bousculant son frère en se réjouissant faussement qu’il parte à la guerre et en se lançant dans un superbe plaidoyer d’amour dans la ligne qui suit ! Sa langue du débordement très subtile mêlée à un air de rien presque phatique provoque une drôle de position. Qu’est-ce qui vous pousse à nous confronter à cette histoire sur la jeunesse du milieu des années 1960, sa quête de repères et de raisons de vivre alors que pèse la menace de l’incorporation pour le Vietnam, le conflit générationnel avec leurs parents ? Nous avons oublié quel bouleversement cela a été. Les années 1968 / 70 ont été un vrai choc. Une génération a dit non, refusant d’obéir à l’ordre immuable que véhicule Al, le père, disant que c’est leur tour maintenant et qui ne comprend pas qu’ils ne veuillent pas aller se battre au Vietnam. Les jeunes d’aujourd’hui portent les icônes de ce refus sur leurs t-shirts mais ne se rendent pas compte de ce que ça a été. Cette pièce pose un calque sur le XXIe siècle où le pacifisme n’est plus le même. Contre le Vietnam, les appelés refusaient d’être de la chair à canon. Aujourd’hui c’est beaucoup plus flou : on se pose la question des “guerres justes” comme en Irak, en Syrie… J’interroge cette différence d’horizons et de refus. La pièce est dure, commençant après le suicide du Rouquin, le fils lumineux, le plus brillant de la famille. Suivra celui d’Henry, un ami de son frère Leslie, dans un refus ultime de l’incorporation. Il y a à la fois une grande douceur dans les longs monologues intérieurs des personnages qui jalonnent le texte et une âpreté… Bien sûr qu’une pièce dont la dernière image sera celle d’un homme se tirant une balle dans la tête questionne. Elle parle du deuil, de ce rapport à la mort qui nous est commun à tous, posant

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Mardi 20 novembre 2012

la question du sens de notre vie. J’aimerais que nous arrivions à ce que ces bulles d’inconscient que sont les monologues des personnages expriment pour nous ce que l’on ne sait pas ou n’ose pas dire. Que cela constitue une grande douceur de consolation entre les comédiens et le public. Dans la vie de tous les jours, nous n’y pensons guère. Ce refoulement crée des abcès, voilà la fonction du théâtre dont parle Artaud, comme le fond d’un étang où il y a des choses en putréfaction. Au bout d’un moment cela fait des bulles crevant à la surface nous soulageant de quelque chose. On ne peut qu’être touchés par les mots que Koltès arrive à poser dans ses monologues sur l’incompréhension mutuelle des êtres, la perte de l’autre mais aussi d’une petite partie de soi. Comment mettre en scène ces moments rares au théâtre ? Il faut trouver l’état de glissement dans lequel placer le spectateur pour qu’il puisse entendre ces mots glissés à l’oreille. On passe du réalisme d’un salon, proche d’un tableau de Hopper, mélange de solitude et d’hyper-réalisme, à l’onirique. Je cherche l’endroit de douceur que vous évoquiez pour toucher cette zone d’inconscient. D’un point de vue scénographique, ancrez-vous la pièce dans les années 1960 ? Nous ne sommes pas dans le réalisme, notamment vestimentaire. Je veux une impression de l’Amérique, quelque chose d’assourdi par le deuil et en même temps d’étrange. Il y aura un pont, car ils sont toujours en équilibre dans la pièce. Cette passerelle métallique en hauteur, assez froide, comme une lame crée une frontière tassant le salon qui se trouve au-dessous. Ils sont coincés dans leur immobilité. La question de la normalité est posée par la mère qui ne comprend pas pourquoi ses enfants n’arrivent pas à se trouver normaux dans ce monde dont ils ne veulent pas… C’est vertigineux car les parents sont eux-mêmes décrits comme à part. Koltès a saisi l’aisance de Salinger car cette question est la sienne : il a fait partie des premiers bataillons à découvrir les camps de concentration. Un choc dont il ne se remettra jamais. L’idée d’avoir vécu le cauchemar et de ne pas pouvoir le comprendre l’enverra en hôpital psychiatrique. Puis, il restera totalement reclus. Sallinger correspond à l’époque où Koltès est membre du PC, même s’il n’a jamais été un militant orthodoxe. Il a cette préoccupation des classes défavorisées, d’où les personnages de Henry et Carole qui dit des choses très belles sur cette famille cultivée qui

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Mardi 20 novembre 2012

se veut originale, « ceux qui ont tout » et qui « peuvent se permettre de gaspiller » alors que nous, qui sommes bêtes, n’avons rien, dit-elle à June. Dans Lignes de failles, vous utilisiez de nombreuses projections vidéos. Allez-vous y avoir recours ici pour rendre l’ambiance de sons et d’images des oiseaux, leurs battements d’ailes finissant comme des mitraillettes, le côté sombre, flottant et fantomatique de la plupart des scènes non réalistes ? Je me le suis interdit ici alors même que depuis 1986, je l’utilise dans mes spectacles. Il y aura une importance bien plus grande de la lumière et du son. La didascalie sonore des oiseaux et du battement de milliers d’ailes terminant comme le bruit de mitraillettes est un défi. La pièce sera sombre mais les comédiens devront être éclairés et rayonner presque de l’intérieur. La lumière et le son devront être musicaux, pour faire palpiter et pulser de manière très précise le rapport qui se créera entre le récit et notre inconscient. Thomas FLAGEL

http://www.poly.fr/la-mort-aux-trousses/

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Blog Vendredi 23 novembre 2012

Are You Experienced ? Ce rappel du titre d'une chanson de Jimi Hendrix symbolise les années 60, moment de la guerre du Vietnam, période historique où Koltès situe sa pièce Sallinger, actuellement visible au TNS dans une mise en scène de Catherine Marnas. C'est Julie Brochen qui a proposé à Catherine Marnas une création sous forme de coproduction : il s'agit d'un travail de troupe avec cinq acteurs permanents du TNS et trois comédiens de la compagnie dramatique du metteur en scène, la Compagnie Parnas. Catherine Marnas entretient une relation passionnelle avec le théâtre de Bernard-Marie Koltès dont elle a monté tous les textes. La pièce est créée à Strasbourg où l'auteur a fréquenté l'École du Théâtre et dans la grande salle qui porte son nom. Étrangement, ses pièces y sont rarement montées. Il s'agit d'un des premiers textes de l'écrivain, commandé par Bruno Boëglin, avec comme thème et obsession le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Catherine Marnas le qualifie d'« oratorio avec des mots à la Rimbaud ». On a envie de citer l'auteur d'« Une saison en enfer » : « On ne part pas. - Reprenons les chemins d'ici, chargé de mon vice, le vice qui a poussé ses racines de souffrance à mon côté, dès l'âge de raison – qui monte au ciel me bat, me renverse, me traîne. La dernière innocence et la dernière timidité. C'est dit. Ne pas porter au monde mes dégoûts et mes trahisons. Allons ! La marche, le fardeau, le désert, l'ennui et la colère. A qui me louer ? Quelle bête faut-il adorer ? Quelle sainte image attaque-t-on ? Quels cœurs briserai-je ? Quel mensonge dois-je tenir ? - Dans quel sang marcher ? Plutôt, se garder de la justice – La vie dure, l'abrutissement simple – soulever, le poing desséché, le couvercle du cercueil, s'asseoir, s'étouffer. Ainsi point de vieillesse, point de danger ». L'intrigue de la pièce tourne autour du suicide du Rouquin, qui apparaît comme fantôme à certains de ses proches. « L'écriture de Koltès parle souvent du deuil, une douleur commune à tout le monde », souligne Catherine Marnas, qui ajoute : « J'aimerais beaucoup que ce spectacle soit comme une caresse de consolation ». Il y a la veuve, inconsolée et inconsolable, les parents, le frère et la sœur. Et le Rouquin, interprété par Antoine Hamel, dans une performance athlétique époustouflante et funambulesque. On n'a d'yeux que pour lui, tant son apparition est magnétique.

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Blog Vendredi 23 novembre 2012

Il y a de la fonction cathartique dans ce théâtre. Koltès a écrit la pièce après une tentative de suicide. Le personnage du Rouquin est l'incarnation des pirouettes propres à l'auteur, à l'opposé d'une vision irénique d'un défunt, magnifié dans le souvenir. Fred Cacheux est Leslie, le frère du Rouquin, un personnage rock'n roll déjanté, solidement interprété. Franck Manzoni campe un père alcoolique qui quitte à peine son fauteuil pour une danse improbable avec son épouse, ici jouée par Bénédicte Simon ; avec Muriel Inès Amat (Anna, la soeur du Rouquin), ils complètent la famille biologique du défunt. Marie Desgranges est Carole, la veuve du Rouquin, qui escalade la muraille du cimetière de nuit pour se retrouver sur sa tombe, et campe magnifiquement l'hystérie de la douleur. Tous les acteurs jouent à la perfection dans une mise en scène hallucinante au décor simple mais signifiant et magique ; la scénographie est signée Carlos Calvo, sublimement mise en lumières par Michel Theuil. L'aller-retour permanent entre le rêve et la réalité désarçonne un peu le spectateur comme le lecteur, mais permet de se plonger dans un onirisme à nul autre pareil. Il faut se précipiter pour aller voir Sallinger à l'affiche jusqu'au 7 décembre. Le TNS organise par ailleurs plusieurs manifestations autour de la pièce (www.tns.fr). Christophe PANZER

http://eurodistrictnews.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/11/23/are-you-experienced.html

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arnaud maïsetti carnets

Mardi 4 décembre 2012

Entre les tombes Tombeau ouvert — on creuse avec les doigts le sol du théâtre qui ne s’ouvrira pas, on le sait bien ; quand le spectacle commence, ce qu’on voit est un plateau tapissé de roses, l’image est affolante de beauté, obsédante dans la noirceur qui ne quittera pas le plateau, oh mais non pas noirceur qui cache les visages des acteurs (toujours si pénible pour moi, et toujours vécu comme de si grande paresse, ces demi-jours sur le plateau dans tant de spectacles aujourd’hui), mais ici noirceur vive, intense, des halos sur les corps et sur les visages ces textures de lueurs qui percent ; il y a donc, quand la pièce s’ouvre, la noirceur et la rose, la terre ouverte sur un corps qu’on vient visiter pour pleurer sur lui la disparition (mais le corps on peut le toucher, on peut le voir, on peut verser les larmes sur lui : le corps est là et absent, et c’est dans cette déchirure que commence la pièce, c’est elle, impossible, qui autorise la parole ensuite à frayer), penser que cette première image rejoue l’autre première image, la toute première du théâtre de Koltès (dans Les Amertumes — il faudrait peut-être dire qu’elle est la pièce ultime de Koltès, cette œuvre de vingt-deux ans), c’est déjà un enterrement qui l’ouvre (c’est aussi la première image du théâtre de Claudel, Tête d’Or s’ouvre comme la terre sur elle), et au fond, à chaque fois, un corps toujours déjà perdu que la pièce ne fera qu’appeler pour mieux poser la question : qu’est-ce qu’on a perdu avec lui, que le théâtre fait revenir, la beauté morte du monde quand elle a quitté notre présent, et creuser la terre ne fait pas revenir le corps, seulement la mort, ou le mort : contre Antigone, la tâche du théâtre, c’est de creuser le sol pour mettre à jour le mort, que son corps pourrisse à la lumière, et au milieu des roses, se décompose lentement devant nous, que la chair se répande, qu’on vienne au milieu d’elle et la goûter, qu’on dise ce qui a été perdu ; cette union première des roses, des larmes et de la chair morte (ô, Genet), fait lever la présence réelle de ce théâtre : le corps mystique d’un « mort de la veille », qui sous nos yeux se relève, viendra nous veiller. Gares — quelques heures plus tôt, départ de Lyon, sous la neige : sur le quai, penser à tous ces quais de gare dans les pièce de Koltès, comme ils ne débouchent sur aucun départ, on n’est toujours que sur un quai (les départs sont ceux que la vie éprouve, et seulement elle, pas de tricherie) ; et sur ce quai de Lyon, croiser la silhouette de Bruno Boëglin, bien sûr, il ne me reconnaît pas, c’était il y a trois ans maintenant la rencontre à Caen dans la grande salle des sous-sols, il se souvient un peu pourtant, son visage dans la lumière blanche : je n’ajoute rien aux nouvelles qu’il me donne, que dire de plus ; dans le trajet qui nous amène vers Strasbourg, est-ce qu’il repense à ce printemps 1977 où il créa la pièce avec sa troupe, texte qu’il avait commandé à cet auteur alors inconnu, parce qu’il cherchait quelqu’un capable d’écrire une adaptation des romans de Salinger que Boëglin et sa troupe aimaient tant, est-ce qu’il repense à ces mois de répétition, les improvisations qui ont donné lieu à un premier spectacle, à partir duquel Salinger [1] fut écrit par Koltès en sa solitude, en partie contre Salinger ? Mais tout cela est loin, si loin — non, à l’échelle d’une vie d’homme, tout cela tient sur le visage, en quelques lignes tracées sur le corps vivant de ceux qui ont l’âge pour dire : j’avais vingt-neuf ans — mon âge (pensais-je). SALLINGER | REVUE DE PRESSE | page 17


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Mardi 4 décembre 2012

Lames de fond — sur le plateau, force évidente du dispositif, cette coursive à quatre mètres du sol qui coupe horizontalement la hauteur du lieu en deux et lui donne une hauteur : en bas, on stationne, en haut, on passe — organisation des vitesses, des flux, des circulations, des passages à vide et des trajets : et ce rideau sous la coursive qu’on tire à toute vitesse comme on tourne une page pour passer d’une séquence à l’autre, et le corps qui parcourt le plateau accompli dans l’espace cet intervalle de temps qu’il faut pour franchir une durée continue, successive, mais dans une temporalité aberrante, accélérée, renversée, arrêtée ; toutes ces coupures magnifiques et complexes que Catherine Marnas depuis des années travaille : les superpositions de strates (de consciences, de significations, de secrets), les empilements de profondeurs qui agitent les surface, les écumes vives des forces, les déplacements de fonds marins qui remuent, ce qu’elle nomme « la langue du débordement » : quand ça nous échappe, et que le corps est là pour ne rien retenir — alors, sur scène, la matérialisation de ces niveaux, qui figurent aussi l’extraordinaire liberté de la dramaturgie mêlant les vivants et les morts, les passés, les futurs, les présents simultanés, et les ailleurs qui ne sont que des façons de rétablir des ici : verticalité des corps, et au milieu de cela, sublime intuition de faire jouer le Rouquin (le mort), comme un funambule, un danseur du vide, toujours en équilibre instable au-dessus d’un précipice qu’il toise, et défie, comme il défie son frère Leslie de monter comme lui en hauteur et de tenir en équilibre — et bien sûr il tombe, parce qu’il s’envole (Zucco, déjà ; Icare, encore). Sal(l)inger — c’est un angle mort de toutes ces années pour moi, je le sais bien, trop bien ; travaillant sur tous les textes, sans doute est-ce celui qui m’a le moins arrêté : je comprends mieux pourquoi aujourd’hui ; bien sûr, c’est le statut de cette pièce, une commande (quand pour moi importe davantage l’incitation intime et intérieure), sur un auteur que Koltès n’aimait pas (quand pour lui la littérature dans ses choix de compagnonnage exige, fondamentalement, implique aussi le choix d’un monde) — mais parce que je récuse absolument la notion même de pièces de jeunesse, et parce que l’auteur est ici tout en armes, et en pleine possession de sa langue, il faudrait se battre contre l’idée d’une pièce appartenant à l’archéologie inavouable de l’œuvre, écrite dans la foulée ou presque de La Nuit juste avant les forêts, et dans la prolongation du roman La Fuite à cheval très loin dans la ville : mais l’angle mort, pour moi, portait peut-être plus essentiellement sur cette manière directe d’écrire la prise de parole du récit sans médiation, de dénuer à l’intrigue la possibilité d’une histoire qui l’enveloppe — ce soir, ce que j’ai compris, c’est combien sur l’acteur Koltès a pu écrire sans différé : proposition superbe de C. Marnas : les personnages livraient les monologues face publi au micro, décrochage qui rehaussait la voix mais leur donnait aussi une intimité plus grande, plus forte dans la voix basse sonorisée — beauté de ces moments — et tournée vers nous, tendant les mains vers nous, les acteurs formulaient ce que le texte ne dit pas : la co-présence de leur voix et celle de la figure qu’ils incarnent — en présence de nous, impression dès lors que tout se retournait, que le théâtre (l’endroit d’où on regarde) se renversait.

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Mardi 4 décembre 2012

Viêt-nam, Corée, Afghanistan, Gaza — la pièce intensément politique, non pas parce qu’elle prend position, mais situe les lieux intérieurs où les positions se prennent, où le monde en soi prend position : 1977-1978, c’est manière de replonger dans l’horreur du Viêt Nam, mais comme pour dire que son horreur est qu’elle ne sera pas sans suite : monologue immense du père (déflagration de ce moment, grande force libérée soudain), sagesse de fou qui revendique la guerre comme moment d’émancipation, et qu’à chaque génération sa guerre, peu importe ce qu’on y perd, un membre, une mémoire, une vie, ce qui compte est bien de perdre, car l’innocence est une menace, comme la virginité, qu’il n’y a aucune raison d’y échapper — aujourd’hui, force est de constater que Koltès n’est plus joué, ou si rarement, et depuis dix ans, mouvement de reflux qui ne semble pas cesser (à l’université aussi) : on l’avait cru miroir de son temps et on s’était trompé ; mais qu’on regarde un peu les jeunesses sacrifiées au nom de l’histoire, les balles perdues, les morts en notre nom, et repenser à ce moment, où le père, devant nous, décrit les opérations militaires comme des lieux d’affranchissement, et courir, courir comme le demande Leslie au début : « courir à perdre haleine ». Adolescence — la beauté puissante du Rouquin, et de l’acteur qui l’incarne, celle de Carole (Marie Desgranges, son bégaiement d’une justesse sidérante), sauve tout : on le sait bien, dès que le Rouquin, que tous présentent comme l’être le plus parfait de la création, ouvre la bouche, il n’en sort que des insultes, un rire arrogant, des paroles blessantes et méprisantes — sa beauté est celle d’une déliaison, qu’en tout il porte sur les choses ; et Carole, penchée sur lui, pleure moins son corps que son absence : deuil, deuil du présent qui manque, deuil du passé qui n’a rien accompli, deuil du futur qui n’arrivera plus — on dit souvent que c’est une pièce sur l’adolescence ; là où Salinger en faisait un moment dans la construction d’une personne (dans une société), Koltès fait de l’adolescence le principe moteur de la survenue de l’art : une force croissante, toujours en avance sur tout, et sur sa propre mort aussi, qu’elle laisse en arrière, si elle arrive, elle n’affecte le corps qu’en retard, comme dans ces dessins animés les personnages qui continuent de courir dans le vide alors que la falaise est loin derrière eux : la force de l’adolescence est sur le visage, et les longs cheveux rouge sang poussés sur la terminaison de l’être comme pour le prolonger infiniment (Leslie cherche tant à caresser les cheveux de son frère, comme pour lui voler son secret), quand les autres ont cheveux rasés (Henri), attachés (Anna, la sœur rangée), cachés sous le chapeau (le père), tirés (la mère) — au Rouquin et à Carole le désordre de la vie, les cheveux longs, en bataille, défaits comme les draps d’un lit qu’on n’occupe que pour l’amour, non le sommeil. La fin — j’étais arrivé essoufflé, deux heures de retard du train, c’est deux heures qu’il me fallait pour arriver juste au moment du début ; à l’entrée de la salle Koltès du TNS, aux premiers balcons, Catherine Marnas est là, qui attend ; quelques mots échangés dans l’essoufflement : et à peine je m’assois, cela a commencé, et jusqu’à la fin, j’assisterai à un second spectacle, en plus de celui qui se joue sur le plateau, c’est le pouls battu du public autour, qui me semble ne connaît pas la pièce, et réagit avec une attention intense, et je découvre de nouveau le scandale (politique, SALLINGER | REVUE DE PRESSE | page 19


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Mardi 4 décembre 2012

poétique) de la pièce : l’essoufflement aussi à chaque scène ; ainsi jusqu’à la dernière : et j’entends encore les cris dans le public à la dernière image (je ne la dirai pas) ; avoir lu, et pas une seule fois, la pièce guérit malheureusement un peu de la violence du choc, mais pas de sa puissance — si j’ai été si bouleversé par la fin, c’est par ceux qui autour de moi se tenaient dans son ignorance et qui ont vu ce qu’ils auraient voulu refuser, et dans le cri retenu (comme pour crier intérieurement « non pas ça ») le signe peut-être que cette œuvre est encore capable de ce geste rare, de traverser le non en force d’acquiescement : que le non soit un mot capable de oui, au monde qu’on voudrait choisir plutôt que celui qu’on regarde, tous les jours, dans les visages massacrés de tous ceux qui habitent nos villes ; Le Rouquin au téléphone, comme plus tard Roberto Zucco, il ne tient qu’à un fil que leur parole se perde, un fil que le théâtre en équilibre dresse sur une scène de quelques mètres pour dire le monde possible qui se dresse sous notre vertige, le chaos organisé du réel. Never, that order of things is a matteur for bourgeois : and out of that order, cleverness is nothing but a piece of jewelry that the bourgeois whish to wear on their fingers in order thus to dazzle even more the populace… Mots du Rouquin (en anglais, de dos, au téléphone : triple blessure, qu’en rejoignant on ne colmate pas, mais qu’on situe, de nouveau intérieurement) : « Jamais, cet ordre de choses est une affaire de bourgeois : et en dehors de cet ordre, l’intelligence n’est qu’un bijou que les bourgeois veulent porter à leur doigt pour éblouir encore plus le peuple… » Entre les tombes — « si je parle d’un théâtre parmi les tombes » (Genet, texte cité dans le programme) : évoluer parmi les tombes, ce n’est jamais, jamais pour Koltès, par fascination morbide des douleurs vives, mais au contraire la joie de se dresser au milieu d’elles, à vif : force du spectacle de Catherine Marnas, nourrie d’expériences au Mexique où la mort n’est qu’une célébration des énergies vitales, nourrie aussi d’une attention aux moindres soubresauts du texte pour en faire surgir par endroits irrévélés les splendeurs (intense adresse de Leslie, beauté du personnage de Henri, colère fascinante de Anna, et magnétisme fantastique des apparitions du Rouquin) — mais peut-être que les moments de plus puissantes justesses sont les transitions entre les tableaux, non pas liés par ces ridicules noirs de plateau où pendant que le spectateur fait semblant d’attendre, on bricole sur scène pour faire croire au tableau, ici, c’est par flash rapides, qui découpent les mouvements des personnages (souvent Leslie), sur fond de musique rock patiemment déconstruit au fur et à mesure, défaite elle aussi — flashs qui rejouent à distance ceux des Amertumes, l’éclat aveuglant de Zucco, rapidité des lumières intenses et des noirs profonds qui fabriquent des images arrêtés dans leurs mouvements, mouvements qu’on reconstruits mentalement mais qui nous échappent : danse de Leslie, le conteur, au milieu des champs de bataille de l’histoire, funambule lui aussi en déséquilibre instable sur un monde qui bascule sous lui — danse de Leslie qui rétablit en fait dans chacun de ses pas et de ses gestes le monde ajusté à son mouvement vivant. Arnaud MAÏSETTI

http://arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article950

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Mardi 4 décembre 2012

Redécouvrir Koltès S'il est un metteur en scène qui connaît bien l'œuvre de BernardMarie Koltès, dont l'écriture théâtrale contemporaine française est encore et toujours orpheline, c'est bien Catherine Marnas qui s'est directement confrontée aux sept pièces achevées de l'auteur en les mettant en scène, allant même jusqu'à travailler sur des fragments d'autres textes, ici et là en France comme à l'étranger, dans le circuit professionnel, mais aussi dans celui des grandes écoles de théâtre, entretenant avec l'auteur un dialogue constant. Rien d'étonnant si elle revient aujourd'hui sur ce qui est pratiquement la première pièce de Koltès, Sallinger, écrite à peu près au même moment que La Nuit juste avant les forêts, en 1977-78, et que l'auteur composa à la demande de Bruno Boëglin, cet éternel et atypique découvreur qui voulait d'ailleurs, lui aussi, remonter la pièce qu'il avait créée, mais dut renoncer faute de pouvoir trouver la production adéquate (ainsi va l'inénarrable mais impitoyable petit monde du théâtre). Avec Catherine Marnas, accueillie au Théâtre national de Strasbourg de Julie Brochen, pas de problème, c'est bien de l'intérieur qu'elle se saisit de la pièce de Koltès. Et c'est tant mieux, car il est sans doute temps de faire à nouveau le point sur cette écriture si particulière, et si forte, plus de vingt ans après la disparition de son auteur. Fini le temps de la découverte, voici peut-être celui de la réévaluation de l'œuvre. À ce jeu la place de Sallinger est particulière. Koltès s'y exerce encore, n'est pas totalement maître de son art, semble-t-il, et il est vrai que nous avons été – et sommes encore ? – un certain nombre à penser que la pièce recèle quelques imperfections dont les longs monologues par exemple seraient les révélateurs… Or, et c'est le premier mérite de la mise en scène de Catherine Marnas, elle balaye cette idée reçue qui en côtoie une autre suggérant que l'écriture de Koltès aurait vieilli, au prétexte aussi que dans cette pièce il évoque les affres de la jeunesse fracassée à la veille de la guerre du Vietnam au cours des années soixante, soixante-dix. Ce qu'elle nous donne à voir et à entendre est soudainement d'une parfaite cohérence, même s'il est vrai que Sallinger qui renvoie à l'écrivain américain du même nom, mais avec un seul l, se situe entre l'écriture d'un roman, La Fuite à cheval très loin dans la ville et un travail purement théâtral. La pièce, du coup en porte les stigmates. Et puisqu'il est question de fuite dans le titre de son roman, on peut aisément convenir que Sallinger parle également d'une suite de fuites de la part des jeunes protagonistes, et à ce jeu, c'est le suicidé revenu sur terre et sur le plateau comme dans un tragédie de Shakespeare qui apparaît comme le plus vivant parmi les vivants… Tout cela Catherine Marnas et ses comédiens issus de sa compagnie et de la troupe du TNS le donnent subtilement à sentir, dans une atmosphère

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Mardi 4 décembre 2012

nocturne et presqu'apaisante jouant sur le côté intime des choses, loin du bruit et de la fureur, mais aux confins de la mort. On est d'autant plus sensible à la pièce que connaissant désormais toute l'œuvre théâtrale de Koltès, on est heureux d'y voir annoncées toutes les thématiques futures, esquissées dans des formes particulières qui s'affirmeront par la suite. En épousant le rythme du phrasé de Koltès glissant dans un univers entre rêve (ou cauchemar) et réalité, aux frontières de l'inconscient, Catherine Marnas et ses comédiens nous font redécouvrir la pièce de Koltès qui n'a pas toujours été jusqu'à présent servie à sa juste valeur. Jean-Pierre HAN

http://revue-frictions.net/enligne/index.php?post/2012/12/03/Red%C3%A9couvrir-Kolt%C3%A8s

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Dire non à la guerre

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Décembre 2012 34 THÉÂTRE

Dire non à la guerre Sallinger n’est pas un texte facile, et il convient d’y entrer vierge d’attentes. Car Salinger, avec un seul l, l’auteur américain au sujet duquel Koltès devait écrire sa première pièce, en est absent. Du moins apparemment. Autre fait troublant : le personnage principal qui la traverse, le Rouquin, est mort. Et pas comme un spectre Shakespearien : c’est un interlocuteur normal, dansant, coloré et débordant d’une vitalité qui n’anime pas les autres… Une fois cela admis il reste un écueil pour entrer dans ce texte magistral : si Koltès emprunte ici à la dramaturgie classique l’emploi des confidents, il va à contre-courant du schéma dramatique habituel des pièces françaises, en refusant d’exposer l’action. Il laisse sourdre peu à peu l’enjeu réel, son lien avec Salinger, auteur qui décrit le passage à l’âge adulte comme personne, traumatisé par la guerre et sa propre expérience de libération des camps. Le Rouquin, et son frère Leslie, sont en ce sens Salinger, même s’ils ne sont pas écrivains, et ressemblent aussi à Holden de L’Attrape-cœurs. Car dès la première scène c’est l’Amérique va-t-en guerre qui est là, celle qui s’apprête à sacrifier ses fils au Vietnam comme elle l’a fait en Corée, et impose au monde une prétendue normalité totalement schizophrénique. C’est pourquoi les veuves hurlent, les pères se vengent sur leurs fils, les mères pleurent, les frères errent et entrent dans la carrière quand leurs ainés n’y sont plus. Koltès met en mots cette histoire dé-

Sallinger a été créé au Théâtre National de Strasbourg le 20 nov et joué jusqu’au 7 déc

À venir le 11 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Sallinger © Pierre Grosbois

gradée qui bégaye, dans des monologues successifs que viennent interrompre quelques dialogues jamais explicatifs, tandis que l’intrigue, toute en ellipses, retour en arrière et plongées vers l’avant, se dessine dans les monologues et les dialogues avec le frère mort. La mise en scène de Catherine Marnas travaille à rendre ces détours limpides, à éclaircir l’implicite de cette pièce à la forme inattendue, et à faire entendre au-delà du texte les futures guerres américaines, Afghanes ou Irakiennes, comme si Koltès déjà les pressentait. Les plans dramaturgiques sont symbolisés par un découpage de l’espace en profondeur et en hauteur, les personnages caractérisés par leurs costumes, les morceaux de bravoure -le texte en regorge- sont travaillés au millimètre et offerts généreusement à l’avant-scène, pour que tout s’entende. L’ambigüité américaine éclate lorsque le frère et la sœur, la mère et le père, dansent légè-

rement, comme à Broadway, devant la veuve ou sur le champ de bataille. Les comédiens de la Compagnie Parnas -mater dolorosa complaisante, père odieux et pitoyable, confident-repoussoir désespéré- composent des personnages dissociés comme seul Koltès savait les écrire. Les comédiens du Théâtre National de Strasbourg rejoignent la partition parnassienne et incarnent les personnages jeunes en imposant leur talent : la veuve et la sœur hurlent de douleur progressive ou obstinée, la confidente joue un hilarant bon sens de vaudeville, le mort explose d’une joie tapageuse de beatnik, en équilibre sur sa tombe, et le frère impose de sa voix grave la vacuité de son destin de chair à canon. Une fois encore la direction d’acteurs de Catherine Marnas est une démonstration de précision, et d’intelligence dramaturgique. AGNÈS FRESCHEL

le 15 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu le 31 janv La Colonne, Miramas 0810 006 826 www.scenesetcines.fr le 2 fév Le Cratère, Alès 04 66 52 52 64 www.lecratere.fr le 5 fév Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com le 12 fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Homosexuelles au XVIIe siècle

Étonnant que cette comédie soit tombée dans l’oubli durant près de 400 ans ? Non, quand on sait le tabou qui pèse, aujourd’hui encore, sur l’homosexualité féminine. Iphis et Iante, dans un style baroque assez proche des comédies de Corneille, reprend la métamorphose d’Ovide qui voit Iphis, élevée comme un homme, aimer Ianthé désespérément («Quelle est cette passion étonnante, bizarre et nouvelle ? Les dieux devaient-ils me donner des penchants que condamne la nature ?»). Isaac de Bensérade, contrairement à Ovide, situe la «métamorphose» d’Iphis en homme après la nuit de noces, qui est décrite par les deux femmes comme le sommet du plaisir… Sa comédie s’enquiert aussi des élans d’Ergaste pour Iphis dans ses habits d’homme. Puis après la transformation sexuelle du «mari», les dialogues s’attachent à décrire les sensations du corps nouveau, et les conséquences pour le couple de ce changement de genre. Quoi de

plus actuel ? Aujourd’hui, alors que le mariage homosexuel est à la fois légalisé et attaqué, Jean-Pierre Vincent fait redécouvrir cette comédie qui fut rapidement escamotée des scènes. Une création, produite par le Gymnase, avec une troupe de jeunes acteurs, que n’a pas labellisé MP2013. Pourtant le bazar des genres est à son programme. Mais, semble-t-il, pas le texte de théâtre… La grande clameur glamour des Mireilles, un lâcher de Mireille Mathieu chantant «femme amoureuse» en play back, a quant à elle reçu l’approbation de la Capitale européenne. Autre travestissement, plus fun, ironique et distancé… notre culture ? A.F.

Iphis et Iante du 15 au 19 janv Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Sallinger n’est pas un texte facile, et il convient d’y entrer vierge d’attentes. Car Salinger, avec un seul l, l’auteur américain au sujet duquel Koltès devait écrire sa première pièce, en est absent. Du moins apparemment. Autre fait troublant : le personnage principal qui la traverse, le Rouquin, est mort. Et pas comme un spectre Shakespearien : c’est un interlocuteur normal, dansant, coloré et débordant d’une vitalité qui n’anime pas les autres…

Jean-Pierre Vincent © Vincent Lucas

les 25 et 26 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 90 00 56 76 www.theatre-liberte.fr le 29 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Les Mireilles le 12 janv Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net le 11 janv Auditorium de Vaucluse, Le Thor (ré-ouverture) 04 90 33 97 32 www.artsvivants84.fr

Une fois cela admis il reste un écueil pour entrer dans ce texte magistral : si Koltès emprunte ici à la dramaturgie classique l’emploi des confidents, il va à contre-courant du schéma dramatique habituel des pièces françaises, en refusant d’exposer l’action. Il laisse sourdre peu à peu l’enjeu réel, son lien avec Salinger, auteur qui décrit le passage à l’âge adulte comme personne, traumatisé par la guerre et sa propre expérience de libération des camps. Le Rouquin, et son frère Leslie, sont est en ce sens Salinger, même s’ils ne sont pas écrivains, et ressemblent aussi à Holden de L’Attrape-cœurs. Car dès la première scène c’est l’Amérique va-t-en guerre qui est là, celle qui s’apprête à sacrifier ses fils au Vietnam comme elle l’a fait en Corée, et impose au monde une prétendue normalité totalement schizophrénique. C’est pourquoi les veuves hurlent, les pères se vengent sur leurs fils, les mères pleurent, les frères errent et entrent dans la carrière quand leurs ainés n’y sont plus. Koltès met en mots cette histoire dégradée qui bégaye, dans des monologues successifs que viennent interrompre quelques dialogues jamais explicatifs, tandis que l’intrigue, toute en ellipses, retour en arrière et plongées vers l’avant, se dessine dans les monologues et les dialogues avec le frère mort. La mise en scène de Catherine Marnas travaille à rendre ces détours limpides, à éclaircir l’implicite de cette pièce à la forme inattendue, et à faire entendre au-delà du texte les futures guerres américaines, Afghanes ou Irakiennes, comme si Koltès déjà les pressentait. Les plans dramaturgiques sont symbolisés par un découpage de l’espace en profondeur et en hauteur, les personnages caractérisés par leurs costumes, les morceaux de bravoure -le texte en regorge- sont travaillés au millimètre et offerts généreusement à l’avant-scène, pour que tout s’entende. L’ambigüité américaine éclate lorsque le frère et la sœur, la mère et le père, dansent légèrement, comme à Broadway, devant la veuve ou sur le champ de bataille. Les comédiens de la compagnie Parnas – mater dolorosa complaisante, père odieux et pitoyable, confident-repous-

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soir désespéré - composent des personnages dissociés comme seul Koltès savait les écrire. Les comédiens du Théâtre National de Strasbourg rejoignent la partition parnassienne et incarnent les personnages jeunes en imposant leur talent : la veuve et la sœur hurlent de douleur progressive ou obstinée, la confidente joue un hilarant bon sens de vaudeville, le mort explose d’une joie tapageuse de beatnik, en équilibre sur sa tombe, et le frère impose de sa voix grave la vacuité de son destin de chair à canon. Une fois encore la direction d’acteurs de Catherine Marnas est une démonstration de précision, et d’intelligence dramaturgique. Agnès FRESCHEL

http://www.journalzibeline.fr/critique/dire-non-a-la-guerre/12/

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