Biom' #1, automne 2013

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BIOM'

n°1

| automne 2013 | revue de l’association biomimicry europa


● Biomimicry Europa est une association à but non lucratif née en 2006 à Bruxelles et qui se consacre à la promotion du biomimétisme. Devant l’intérêt croissant de nombreux acteurs en France, le Comité Français de Biomimicry Europa est créé en 2010 à Paris (association Loi 1901) en vue de promouvoir le biomimétisme en France. Biomimicry Europa rassemble des profils d’une grande diversité allant des biologistes aux designers et artistes en passant par les métiers de l’ingénieur, de la gestion des entreprises ou des collectivités locales. Tous partagent une même conviction : l’observation des systèmes vivants peut être source d’inspiration pour accélérer les innovations, nous mettant en marche vers une humanité réconciliée avec le vivant et les grands cycles bio-géochimiques de notre planète. ●

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Sommaire

05 Edito Du côté de l'association / Agenda 06 La chronique arbres sauveurs 08 DOSSIER : 10 Chimie durable, quand la chimie se met au vert Des nouvelles de l’association et quelques dates à retenir pour les mois qui viennent...

Une chronique de Daniel Rodary sur le projet Arbres Sauveurs, notre programme humanitaire en Haïti.

Biom’ consacre son premier dossier à la chimie verte avec un article de Kalina Raskin et Damien Dion, suivis d'un focus sur Claude Grison et d'un entretien avec Charlotte Vendrely.

20 Biomiméticiens de demain

Un focus sur des travaux d’étudiants en lien avec le biomimétisme. Dans ce numéro, Thomas Peybernes, étudiant à l’Ecole Polytechnique, nous présente son projet de bio-séquestration bactérienne du CO2.

22 24 La bibliothèque idéale Le veilleur

Olivier Allard nous présente en quelques brèves l’actualité du biomimétisme à travers le monde. A chaque numéro, l'association présente un livre de ce qui pourrait constituer la bibliothèque idéale de Biomimicry Europa. Dans ce numéro, une chronique de Tarik Chekchak sur La Toile de la Vie de Fritjof Capra

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In Fine Dans ce numéro, une BD de Rosemary Mosco sur la photosynthèse, tirée de sa série Bird & Moon BIOM’ | №1 | Automne 2013


Barge rousse en plein vol, photo : Isidro Vila Verde, http://fr.fotopedia.com/items/flickr-2465426536 (CC BY-NC-SA 2.0)

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Edito Gauthier Chapelle

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uand l’élégante barge rousse, échassier arctique, entame son 7e jour de vol battu au cours de sa migration vers la Nouvelle-Zélande, son métabolisme amorce un virage surprenant : après avoir brûlé toutes les graisses accumulées, il commence à fonctionner en « digérant » les protéines de ses muscles alaires, devenus surdimensionnés une fois disparu le poids excédentaire des réserves de graisse accumulées avant le départ. Si nos avions fonctionnaient comme les oiseaux, ils pourraient désosser en vol leur quatrième réacteur pour servir de carburant aux trois autres pour l’ultime partie d’un vol trans-océanique… Cet exemple illustre à merveille la puissance et la versatilité de la chimie du vivant, grande inspiratrice de la chimie verte que présente cette première Newsletter : une chimie qui nous éloignera à terme de l’héritage

(très récent) « Heat (haute température), Beat (haute pression) & Treat (solvants, disons, peu sympathiques) » de la pétrochimie. Et répondra par là-même à un des enjeux majeurs de notre temps : sortir de notre dépendance aux combustibles fossiles, en tant que source finie de matière et d’énergie, pour pouvoir réintégrer le réseau des 10 millions d’autres espèces de la planète branchées sur le soleil, directement ou indirectement, pour synthétiser leurs matériaux (avec le CO2 comme brique principale !). Pouvoir passer d’une économie d’épuisement des stocks à une économie de prélèvement mesuré d’un flux, voilà une fameuse révolution promise par le biomimétisme pour retrouver la compatibilité avec notre chère biosphère !

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Du côté de l’association Depuis fin 2012... Nous avons participé à un certains nombres d'événements : nous étions présents le 30 novembre 2012 à l'UNESCO dans le cadre des Assises du Vivant, organisées par Vivagora. En décembre, Karim Lapp était à la TEDx Bordeaux pour une conférence sur le biomimétisme comme inspiration pour des territoires durables. De même le 21 février 2013, il intervenait à Vélizy-Villacoublay lors de l'événement "Ville biomimétique, ville de demain". Au printemps, Tarik Chekchak est intervenu à Senlis dans le cadre de rencontres sur le biomimétisme avec les lycées Hugues Capet et Aymont d'Inville, avant de participer le 6 juin au 7e congrès MECE à l'Université Paris Diderot avec une conférence sur l'imitation de la nature comme source d'innovation pour le bien-être social.

Partenariat avec la ville de senlis Depuis l'été 2012, Biomimicry Europa est en lien étroit avec la ville de Senlis dans le cadre de la création d'un futur Centre Européen d'Excellence en Biomimétisme (CEEBIOS). L'association fait aussi partie de son comité de pilotage. Par ailleurs nos membres ont conçu et enseignent dans un module de formation professionnelle au biomimétisme.

Assemblée générale 2013 Le 9 avril dernier s'est tenue l'assemblée générale du Comité Français de Biomimicry Europa. Outre le traditionnel bilan d'activités, nous avons accueilli Anouk Legendre, du cabinet d'architecture X-TU, pour un exposé sur les bâtiments et quartiers symbiotiques inspirés du vivant, et Francis Pruche, de la ville de Senlis, qui a fait une présentation du futur Centre Européen d'Excellence en Biomimétisme.

Premières rencontres Mycélium

Le 3 avril dernier a eu lieu la 1er rencontre Mycélium, avec Bernard Alonso pour une conférence sur la permaculture. La 2e rencontre s'est déroulée le 12 juin avec une conférence de Charlotte Vendrely sur les matériaux naturels comme sources d'inspiration, et d'une intervention de Gil Burban sur sa start-up Polypop, qui cultive des matériaux éco-responsables à base de mycélium de champignon.

Interventions à l'automne 2013

Nous avons collaboré à la Fête de la Science de Senlis à travers une exposition en co-production et une dédicace de Gauthier Chapelle suivie d’une conférence. Gauthier Chapelle intervenait également (avec Kalina Raskin) à la SDDX (Semaine du Développement Durable de l'école polytechnique) le 10 octobre, avant d'animer un atelier aux Entretiens de Sologne, événement auquel participait Tarik Chekchak en tant qu'intervenant à une table ronde. De son côté, Michka Mélo intervenait lors Consulté par Afnor Kalina Raskin, Karim Lapp, Pierre-Emmanuel Fayemi des Rencontres CNRS Jeunes à Poitiers les 18 et 19 et Cédric Woudstra, tous membres de Biomimicry octobre. Enfin, les fondateurs de la méthode BioTRIZ Europa, font partie du groupe d'experts travaillant (clés de résolution d’un problème en s’inspirant du auprès de l'AFNOR pour la création d'une norme ISO vivant) ont animé un atelier le 28 octobre au CFI à Paris, en partenariat avec Biomimicry Europa. sur le biomimétisme. BIOM’ | №1 | Automne 2013


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Agenda 12-30 novembre du 21 nov. au 17 déc.

Exposition sur le biomimétisme, avec, dans ce cadre, une conférence de Michka Mélo le 23 novembre | Bibliothèque Louise Michel, Saint-Joachim

Session de formation qualifiante au biomimétisme | Centre Européen d'Excellence en Biomimétisme de Senlis (CEEBIOS), Senlis

12-13 décembre

Les Assises du Vivant 2013 : quelle bioéconomie dans les territoires ? Articuler innovation technique et innovation sociale pour une économie du vivant soutenable | UNESCO, Paris

15 janvier 2014

La 3e édition des Rencontres Mycélium, sur le thème "Affreuses Bestioles", ou : les bienfaits des bactéries et autres micro-organismes | Le Moulin à Café, Paris 14e

22-23 février

Stage d'initiation au biomimétisme et à la cohérence avec le vivant animé par Tarik Chekchak | Eco-centre Le Bouchot, Pierrefitte-sur-Sauldre

Pour vérifier régulièrement les actualités liées à l'association et au biomimétisme, ou consulter l'agenda de nos événements, n'hésitez pas à vous rendre sur notre site internet www.biomimicry.eu BIOM’ | №1 | Automne 2013


La chronique Arbres Sauveurs Daniel Rodary

Dans son programme « Arbres Sauveurs », Biomimicry Europa coordonne un consortium de partenaires travaillant dans les pays tropicaux (Haïti, Inde, Colombie…), pour planter des arbres "oxalogènes", qui bio-minéralisent du carbone sous forme de calcaire dans le sol. Ce programme de reforestation innovant est une application directe des recherches réalisées par le Pr. Eric Verrecchia (Université de Lausanne), dans une collaboration issue du programme Européen de recherche Co2SolStock développé par Greenloop, cabinet de conseil en biomimétisme partenaire de Biomimicry Europa. En s’inspirant en plus des écosystèmes forestiers naturels, ces plantations sont orientées vers des modèles en «boucles fermées» qui permettent au système de se renforcer et de s’enrichir en permanence, sans apports extérieurs soutenus, pour initier une inversion des cycles de la dégradation des sols, de la perte de biodiversité, de l’épuisement des nappes phréatiques, de l’endettement et de l’appauvrissement des agriculteurs, et de la malnutrition qui en résulte. Le programme est soutenu par la Fondation Yves Rocher Institut de France et la société Jean Hervé pour Haïti, et par le bureau de conseil Inddigo pour l’Inde. La société Bio‑Ingrédients contribue aussi au programme Haïtien. Retrouvez cette chronique dans chaque numéro de Biom, et pour des nouvelles plus fréquentes visitez le blog http://arbressauveurs.wordpress.com

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nous font le plus chaud au cœur, et nous apportent le plus d’espoir. Ces groupes sont en effet au cœur de la réalité du pays, et ce sont aussi eux, et eux seuls, qui peuvent modifier le paysage de leur pays au final. Mieux encore, ils ne nous approchent pas pour demander de l’aide, mais bien pour offrir une possibilité d’expansion au programme grâce à leurs structures (pépinières, technicien agronomes et centaines ou En Haïti, nos deux partenaires Article29 et Sadhana milliers de paysans membres, avec leur champs), étant Forest Haïti sont maintenant connus à travers le pays eux-même intéressés par les retombées potentielles pour leur programme sur le « Chokogou », qui est le de ce type de cultures. nom inventé par Article29 pour décrire le noyer Maya en créole, d’après le goût chocolaté de la boisson qu’on Loin d’un programme d’assistance à des populations peut faire avec les noix maya. Ils sont donc de plus en en détresse, nous essayons donc de continuer à plus contactés par les organisations paysannes locales développer ce programme comme un pilote d’un ou ONG travaillant sur le terrain, qui les approchent modèle réplicable localement, sans aide étrangère ou pour obtenir des graines, des plants et participer aux même au niveau national, mais avec les ressources formations organisées. déjà disponibles sur place. ● Parmi eux, les contacts des « gwoupman peyzan » (associations locales de petits fermiers), sont ceux qui rès de deux ans après l’arrivée des premières graines à Port au Prince, environ 60000 arbres ont été plantés et l’actualité du programme est toujours riche, nous ne pouvons donc en donner qu’un apercu rapide ici. Aujourd’hui nous évoquerons les « Gwoupman Peyzan » !

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Formation Permaculture et Chokogou organisée par Biomimicry Europa avec Article29 et Sadhana Forest, pour un groupe mixte de paysans venus d’Anse-à-Pitres et des localités voisines, Anse-à-Pitres, Novembre 2012. Photo D. Rodary/Biomimicry Europa

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Dossier thématique

Chimie durable Quand la chimie se met au vert Dossier réalisé par Kalina Raskin et Damien Dion Pour ce premier numéro de Biom, le comité français de Biomimicry Europa a décidé de consacrer son dossier thématique à la chimie verte. Pourquoi ? Car sans chimie, pas de vie ! Nous sommes, comme toutes les espèces vivantes, composés de molécules, animées par des centaines de milliers de réactions chimiques... De plus, tous les produits que nous, êtres humains, fabriquons et consommons sont issus de la chimie. Cette chimie humaine omniprésente, a, par son ampleur et les procédés qu'elle emploie, un impact qui n'est pas toujours positif. Penser une chimie plus durable est devenu aujourd'hui incontournable.

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e la cosmétique jusqu'aux nouvelles technologies en passant par les transports, les médicaments ou encore les textiles, la chimie est omniprésente. L'essentiel des produits que nous consommons ou utilisons ont, au moins à une étape de leur fabrication, un lien avec l'industrie chimique. En à peine deux siècles, la chimie de synthèse a permis la création d'une grande diversité de composés en réponse à des besoins humains toujours grandissants. Cependant, malgré les efforts engagés, cette croissance exponentielle a eu des conséquences néfastes considérables sur notre environnement, participant à la raréfaction généralisée de ressources naturelles non-renouvelables, et au relargage de substances toxiques dans les écosystèmes. Dans l'imaginaire collectif, la chimie est perçue comme quelque chose d'inquiétant, d'angoissant, et pour cause ! Certaines catastrophes industrielles ont marqué l'opinion publique, comme la destruction de l'usine AZF en 2001 à Toulouse suite à l’explosion d’un stock de nitrate d'ammonium, ou encore l'explosion en 2005 de l'usine pétrochimique de Jilin en Chine, qui a eu pour conséquence le déversement d'une centaine de tonnes de benzène et de nitrobenzène – produits

hautement cancérigènes – dans la rivière Songhua. Le concept d'une chimie se voulant plus durable, respectueuse de l'environnement – et donc potentiellement aux effets moins néfastes – a émergé dans les années 1990 : c'est ce qu'on a appelé la chimie verte. Basée sur quelques principes simples, elle préconise moins de matières premières fossiles, moins d’énergie utilisée, moins de sous-produits, moins de déchets, moins de toxicité, plus de matières premières renouvelables, plus de catalyseurs1 utilisés et plus de recyclage. Une chimie qui ne renie pas les apports – nombreux – de la chimie de synthèse traditionnelle, mais qui se tourne également vers une autre chimie, aussi ancienne que la vie elle-même : la chimie du vivant.

Aux origines de la chimie verte Une rétrospective historique permet de saisir ce virage écologique. Tout au long du XXe siècle, l'industrie chimique n'a cessé de se développer, de s'étendre, libérant de manière non-contrôlée une quantité non négligeable de substances souvent toxiques dans les airs, les eaux et les sols. La prise de conscience relativement récente de l'étendue et des effets de cette

1. Un catalyseur est une substance qui permet, par sa seule présence, l'accélération des réactions chimiques.

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La chitine, qui compose l'exosquelette des insectes ou encore les carapaces des crustacés, est un matériau à la fois souple, résistant, auto-cicatrisant et biodégradable qui protège de l'humidité tout en restant perméable à l'air (photo : Agnolina, licence créative commons CC-BY-SA-3.0)

pollution a peu à peu imposé la nécessité de changer le mode de développement de l'industrie chimique, s'insérant dans une réflexion plus générale sur l'impact des activités humaines sur l'environnement.

de substances dangereuses ». Une chimie reposant sur la « loi des 4R » : réduire, remplacer, réutiliser, recycler. Cela a abouti en 1998 à la création des douze principes fondateurs de la chimie verte, énoncés par les chimistes L'un des événements fondateurs de cette prise de américains Paul Anastas et John C. Warner : conscience est le Sommet des Nations Unies sur l'Homme et l'Environnement qui eut lieu à Stockholm 1 - Prévenir : Limiter la pollution à la source plutôt que en 1972, et qui marqua pour la première fois la prise de devoir investir dans l’assainissement ou l’élimination de conscience, au niveau global, de notre impact des déchets. sur la planète. En 1987, la Commission Mondiale 2 - Économiser la matière : Optimiser le dosage de sur l'Environnement et le Développement publiait toutes les matières premières utilisées au cours du son rapport « Our common future », où était défini process menant au produit fini. le concept de développement durable, avant que les 3 - Concevoir des synthèses chimiques moins États-Unis ne votent, en 1990, le « Pollution Prevention dangereuses : Mettre en place de nouveaux Act » qui, plutôt que de miser sur le traitement des procédés utilisant et créant des substances faiblement déchets produits, favorise la réduction à la source toxiques (voire non toxiques) pour les humains et sans de ces déchets pour prévenir la pollution. L'année conséquence sur l'environnement. suivante, l'agence américaine pour la protection de 4 - Concevoir des produits chimiques plus sûrs : l'environnement (« U.S. Environmental Protection Conjuguer efficacité maximale et toxicité minimale. Agency » ou EPA) lançait la première initiative de 5 - Réduire l'utilisation de solvants polluants et recherche en chimie verte en proposant la définition d'auxiliaires de synthèse : Trouver autant que possible suivante : « la chimie verte a pour but de concevoir des alternatives à ces substances souvent toxiques. des produits et des procédés chimiques permettant 6 - Améliorer l’efficacité énergétique : Minimiser les de réduire ou d'éliminer l'utilisation et la synthèse besoins énergétiques des procédés chimiques par la

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mise au point de méthodes de synthèse à température et pression ambiantes 7 – Privilégier les matières premières renouvelables : Éviter les matières fossiles 8 – Éviter les dérivés chimiques : Privilégier des voies de synthèse qui ne nécessitent pas de produits dérivés, ceux-ci pouvant générer des déchets. 9 - Utiliser la catalyse : Favoriser l'utilisation de réactifs catalytiques, plus efficaces et minimisant les risques en terme de manipulation et de toxicité. 10 - Concevoir des substances non-persistantes : Favoriser les substances ayant une bonne biodégradabilité. 11 - Mettre au point des méthodes d'analyse en temps réel : Gérer et contrôler le process en temps réel pour prévenir les éventuelles pollutions. 12 - Développer une chimie fondamentalement plus sûre : Limiter les risques d’accidents chimiques (rejets, explosions et incendies...).

En 2005, le Groupe de réflexion stratégique sur l’avenir de l’industrie chimique en France à l’Horizon 2015 établissait un ensemble de propositions en faveur d'une chimie durable, prônant l'usage de produits respectueux de l'environnement et de matières premières renouvelables, des procédés propres des conditions énergétiques optimisées, la limitation des solvants traditionnels ou encore le suivi analytique en temps réel des réactions chimiques. Enfin, il est important de noter l'application en 2007 par le parlement européen de la directive REACH (« Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals ») dont le principe est simple : c'est désormais aux industriels de fournir les preuves toxicologiques que leurs produits sont sûrs, et non plus aux pouvoirs publics de prouver qu'ils sont nocifs. Dans cette optique, les industriels doivent analyser les substances qu'ils fabriquent ou importent, exploiter ces données pour évaluer les risques liés à leur utilisation puis définir et recommander des mesures appropriées de gestion des

Focus sur les activités du Pr. Claude Grison Une nouvelle filière verte à économie circulaire qui réconcilie l’écologie et la chimie Des études récentes ont révélé l’adaptation remarquable de certaines plantes, et en particulier des légumineuses associées à des bactéries pour se développer sur des sols fortement pollués en éléments métalliques. Ces plantes sont des hyper-accumulatrices de ces éléments polluants qu’elles extraient du sol. Alors qu’elles étaient à l’origine considérées comme des déchets dangereux du fait de cette efficace phytoextraction, l’équipe du Professeur Claude Grison, à l’université de Montpellier 2, a récemment mis au point un procédé innovant de valorisation de ces plantes extraordinaires pour un nouveau domaine de la chimie verte : la catalyse écologique. En effet, les catalyseurs bio-sourcés produits à partir de ces plantes hyperaccumulatrices sont constitués d’espèces chimiques originales et rares, que la métallurgie ne sait pas produire. Souvent supérieurs aux catalyseurs classiques de la chimie, ils permettent la synthèse de nombreuses molécules d’intérêt (secteurs pharmaceutique, cosmétique, alimentaire…) dans des conditions douces. Ce travail constitue donc un fort levier de la reconstruction environnementale et socio-économique de sites ravagés par des activités industrielles et minières. ● http://www.cefe.cnrs.fr/substances-naturelles-et-mediations-chimiques/claude-grison

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risques. Cette directive européenne, qui a marqué une avancée majeure en matière de sécurité et de sûreté chimique pour la santé et l'environnement, n'a fait que faciliter ces dernières années les projets ayant recours à la chimie verte, montrant que l'industrie chimique a désormais tout intérêt à abandonner progressivement la chimie de synthèse traditionnelle, au profit d'une chimie plus douce, durable et viable au niveau écologique. Il aura tout de même fallu de nombreuses décennies – et nombre de directives, de réglementations et de congrès – pour passer de la simple prise de conscience à des décisions concrètes et applicables. Et nous n'en sommes encore qu'au début : selon Paul Anastas, 5 à

poussent au développement de solutions alternatives pour limiter la dépendance aux ressources fossiles. L'usage des plantes, de la biomasse, pour la fabrication de nombreux produits chimiques est un axe essentiel de la chimie verte. Les végétaux ont en effet l'avantage d'être renouvelables, ce qui permet de réduire la dépendance aux matières premières fossiles et les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, en substituant une chimie basée sur les « hydrocarbures » (pétrole, gaz naturel, charbon) par une chimie basée sur les « carbohydrates » (plantes, bois, etc.), il est par exemple tout à fait possible de remplacer le pétrole par le végétal dans nombre de procédés de l'industrie chimique. Dès lors, beaucoup de

Pour que la chimie du végétal ne devienne pas un nouvel avatar du greenwashing, elle doit se développer au sein de modèles agricoles durables 10 % de la production chimique mondiale peut désormais être qualifiée de « verte ». Si ce pourcentage semble encore bien faible, la tendance devrait néanmoins s'accélérer de manière exponentielle dans les années à venir. On estime ainsi que dans le seul secteur de la chimie du végétal – une chimie dont les constituants sont d'origine végétale, plutôt que pétrochimique et qui ne représente qu'une petite partie de la chimie verte – on passerait d'un chiffre d'affaire mondial de 135 milliards de dollars en 2012 à 340 milliards en 20202.

produits, depuis les cosmétiques jusqu'aux détergents, en passant par les produits d'hygiène, d'entretien et les plastiques, peuvent être fabriqués à partir de matières premières végétales et donc être écologiquement viables, du moins théoriquement. Ce qui apparaît en soi comme une bonne nouvelle est évidemment à nuancer du fait que l'efficacité industrielle, économique et environnementale à grande échelle de ces nouvelles technologies reste encore souvent à démontrer.

On note cependant un engouement fort pour cette chimie du végétal et la R&D s'accélère partout dans le monde. Signe de cet enthousiasme pour les voies Importance de la chimie du alternatives à la pétrochimie, le projet PIVERT (Picardie végétal et du bio-sourcé Innovations Végétales Enseignements et Recherches Technologiques), futur institut d'excellence dans la Malgré toutes ces mesures, l’industrie chimique chimie du végétal, vient d'être sélectionné par l'État, reste encore aujourd'hui fortement dépendante des avec un budget de 220 millions d'euros sur dix ans. ressources non renouvelables. En France notamment, La chimie du végétal est donc un domaine prometteur, elle consomme environ 40 % du gaz naturel de mais qui n'est lui-même pas à l'abri de certaines dérives. l’industrie et 25 % de l’énergie électrique. Mais des En effet il ne faudrait pas que la chimie du végétal préoccupations autant économiques qu'écologiques pousse à une nouvelle agriculture intensive basée sur des 2. Cf. « Le super essor de la chimie verte », par Marc Mennessier, publié sur lefigaro.fr le 24/05/2013 (http://www.lefigaro.fr/sciences/2013/05/24/01008-20130524ARTFIG00549-le-spectaculaire-essor-de-la-chimie-verte.php)

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végétaux exclusivement réservés à l'industrie chimique, et ce, par exemple, au détriment de la production de nourriture – on connaît les nombreuses polémiques liées aux agro-carburants. Ainsi, l’exploitation de la biomasse pour la filière « chimie du végétal » doit impérativement se faire dans le respect des hommes (éventuelles compétitions d’usages avec les cultures vivrières) et de l’environnement (qualité de l’eau, des sols, minimisation des émissions de CO2…). La diversification des ressources renouvelables mobilisables peut être un moyen de minimiser les risques de tensions liées aux compétitions entre les différents usages (alimentation, agro-carburants, chaleur, électricité, urbanisation, chimie… ). Il est donc nécessaire que la chimie du végétal se construise en lien étroit avec les producteurs de biomasse (secteurs agricole et forestier) pour avoir accès à une ressource en quantité et qualité suffisantes pour ses développements alimentaires et non

alimentaires, évitant ainsi au maximum déséquilibres et inégalités. Pour que la chimie du végétal ne devienne pas un nouvel avatar du greenwashing, elle doit se développer au sein de modèles agricoles durables...

La chimie du vivant, une solution viable éprouvée sur 3,8 milliards d'années Toute cette chimie récente, que l'on qualifie de « verte », de « douce » ou de « durable », peut aller encore plus loin, en se rapprochant d'une autre chimie, celle-là même qui s'opère à chaque instant dans notre corps, et qui est aussi ancienne que la vie elle-même : la chimie du vivant. Cette chimie, sélectionnée par l'évolution est économe en énergie, n'utilise que des ressources locales et

La moule n'est pas la seule espèce à inspirer les chercheurs pour créer une colle biodégradable et sans solvant polluant : des chercheurs du Ithaca College et de la Cornell University, aux Etats-Unis, s'intéressent également aux propriétés collantes de la bave d'escargot ! (photo : Tim Norris, licence créative commons CC BY-NC-ND 2.0)

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renouvelables et privilégie des éléments abondants. Ainsi, seuls quatre éléments composent principalement la matière organique : l’hydrogène , le carbone , l’azote et l’oxygène. Ils constituent près de 96 % de tous les matériaux issus du vivant, résultants eux mêmes de l’assemblage de quatre types de molécules principales : protéines, lipides, glucides et acides nucléiques. Cette chimie « naturelle » trouve sa source, pour l'essentiel, dans l'énergie solaire, au contraire de notre chimie traditionnelle, qui repose sur l'exploitation de ressources non renouvelables. La photosynthèse, qui permet aux plantes et à certaines bactéries de synthétiser de la matière organique en exploitant la lumière du soleil est l’un des plus anciens processus biogéochimiques de la terre, mais aussi le plus important. En effet, elle fournit la quasi totalité de la matière organique et de l’énergie nécessaires à l’existence des écosystèmes de la planète. De même en terme de solvants, quand notre chimie exploite une multitude de solvants organiques3 souvent toxiques et difficilement biodégradables (hydrocarbure, trichloréthylène...) le vivant, lui, en utilise un seul, universel : l'eau, dont la

squelettes de milliards d'organismes (ces coquilles et squelettes étant essentiellement constitués de carbonate de calcium), en sont de parfaites illustrations. Ainsi, depuis plus de 3.8 milliards d’années, le vivant crée des conditions propices au vivant. Les molécules produites par les organismes sont « par nature » biocompatibles, c'est-à-dire qu'elles ne nuisent pas au développement de la vie, et qu'elles sont biodégradables. En effet, il existe des toxines et des poisons dans le vivant, mais ils le sont en quantités limitées et sont rapidement assimilés par les écosystèmes. D'autre part, dans le vivant, les déchets d’un organisme sont toujours la matière première d'un autre organisme. On en arrive donc à la question suivante : puisque le vivant, en matière de chimie, est aussi viable, pourquoi ne pas s'en inspirer ? En effet, s'inspirer du vivant pousse à (re)découvrir une richesse de solutions, toutes bio-compatibles, et parfois même plus performantes. C'est la voie qu'a choisi le biomimétisme : puiser dans le vivant des stratégies et s'en inspirer pour créer des solutions durables.

S'inspirer du vivant pousse à (re)découvrir une richesse de solutions, toutes bio-compatibles, et parfois même plus performantes molécule est le constituant principal des êtres vivants dont les particularités remarquables ont permis à la vie sur Terre de se développer. Et parce que les organismes se sont développés dans un milieu aux contraintes environnementales imposées, l’évolution a sélectionné des processus de synthèse chimiques performants à température et pression ambiantes, quand la chimie industrielle nécessite des températures élevées et de fortes pressions. Enfin la chimie du vivant est une chimie qui stocke le carbone, puisque cet élément est la brique de base de toutes les molécules produites dans le vivant : le bois, mais aussi les falaises calcaires, qui résultent du dépôt accumulé sur des millénaires des coquilles et

En observant ce qu'il se passe dans la nature, on constate l'existence d'une quantité non négligeable d'alternatives à la chimie classique, comme les éponges Euplectella, capables de produire du verre sous l'eau, qui inspirent les chercheurs du Collège de France4, ou les moules qui produisent une colle protéïnique leur permettant d'adhérer aux rochers5. Cette colle, par nature biodégradable, sans solvant et résistant à de forts taux d'humidité, a d'ailleurs inspiré la création de la colle écologique PureBond, une colle a priori sans formaldéhydes dont se servent certains fabricants de meubles et de panneaux pour produire des contre-plaqués6.

3. Un solvant est une substance, liquide à sa température d'utilisation, qui a la propriété de dissoudre, de diluer ou d'extraire d’autres substances sans les modifier chimiquement et sans lui-même se modifier (Wikipédia). Le terme « solvant organique » se réfère aux solvants possédant des atomes de carbone. 4. http://www.college-de-france.fr/site/laboratoires/laboratoire-de-chimie-des-processus-biologiques.htm#|p=../laboratoires/laboratoire-de-chimie-des-processus-biologiques.htm| 5. http://www.asknature.org/strategy/1052eed7fd56c4933871c04b65b1cafb 6. http://columbiaforestproducts.com/PureBond

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Reproduire la photosynthèse est l'un des enjeux majeurs de la recherche en chimie verte. En effet, maîtriser le processus de photosynthèse permettrait de produire beaucoup d'énergie, et ce, sans rejet de CO2 dans l'atmosphère. (photo : Vera Buhl, licence Creative Commons CC-BY-SA-3.0)

Par ailleurs, des programmes européens ont été lancés afin de tirer profit de la biominéralisation, ce processus par lequel les organismes vivants produisent des minéraux, pour apporter une solution de stockage géologique du carbone atmosphérique, comme le projet CO2SolStock, un programme de recherche en biominéralisation microbienne pour le stockage du carbone, pensé dans une approche biomimétique. Dans le secteur de l'énergie, la chimie inspirée de la photosynthèse est une des pistes les plus prometteuses pour la production d'hydrogène (un possible carburant) et d'autres types de molécules. La photosynthèse, c'est ce procédé qui permet aux plantes de capter la lumière du soleil et le CO2 présent dans l'air pour fabriquer, essentiellement, des glucides. Comme le soulignent les chimistes et chercheurs Marc Fontecave et Vincent Artero, spécialistes de la chimie bio-inspirée, certaines micro-algues sont même capables, dans certaines conditions, d'utiliser l'énergie solaire pour décomposer l'eau en oxygène et hydrogène :

« un véritable tour de force quand on sait que l’eau n’absorbe pas les photons du soleil et que les processus mis en jeu dans cette photolyse sont des processus multiélectroniques très complexes. Pour ce faire, ces microorganismes ont élaboré des systèmes enzymatiques incroyablement sophistiqués et efficaces pour collecter les photons, traduire cette absorption de lumière en énergie chimique et pour catalyser les réactions de transfert d’électrons. Ce qui est remarquable c’est que ces systèmes ont réussi à n’utiliser que des métaux très abondants alors que les dispositifs d’électrolyseurs ou de piles les plus efficaces mis au point par les chimistes et utilisés aujourd’hui nécessitent des métaux nobles comme le platine, très chers parce que peu abondants dans la croute terrestre [...]. On oublie souvent de dire qu’il n’y a pas de futur pour une économie à hydrogène si on ne résout pas ces problèmes de catalyseurs. Par exemple, pour la réduction de l’eau en hydrogène ou pour la réaction inverse, les hydrogénases utilisent du nickel ou du fer. Ces enzymes constituent donc une source d’inspiration fascinante pour le chimiste qui rêve de « copier » le vivant.. »7

7. M. Fontecave & V. Artero, « Chimie bio-inspirée et nanosciences: vers de nouveaux catalyseurs pour la production et l’oxydation de l’hydrogène », La Lettre du Collège de France, n°28, avril 2010 : http://lettre-cdf.revues.org/1042#text

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Maîtriser le processus de photosynthèse est donc un enjeu majeur. Cela permettrait de produire beaucoup d'énergie, et ce, sans rejet de CO2 dans l'atmosphère. Daniel Nocera, ancien chercheur au MIT, est, par exemple, l'inventeur de la première feuille artificielle capable de capter l'énergie émise par la lumière solaire pour être stockée et utilisée ultérieurement. Le dispositif de Nocera est entièrement composé de matériaux disponibles en abondance et peu coûteux, et fonctionne avec de l’eau ordinaire. Si son efficacité réelle n'est pas encore pleinement établie, il s'agit cependant d'une avancée majeure en terme de chimie bio-inspirée. Bien-sûr, quantité d'autres exemples (matériaux auto-cicatrisants, conservation des aliments, pharmaceutique, colorants, adhésifs, dépollution des sols ...) pourraient être cités, tant le vivant recèle de solutions pour qui veut s'en inspirer.

s'inspirer du fonctionnement du vivant. En cela une véritable chimie « biomimétique » est non seulement souhaitable, mais s’avérera bientôt indispensable si l'homme veut continuer à prospérer, en accord avec le bien-être d'un environnement, d'une planète dont il a besoin pour vivre. Car au-delà du fait de trouver des solutions écologiquement viables pour satisfaire des besoins toujours grandissants, il est peut-être temps de s'interroger sur la nécessité même de faire perdurer un modèle sociétal qui vise à toujours consommer plus, et donc produire plus. En effet, une société qui consomme toujours plus de ressources ne peut pas être respectueuse de l'environnement et sera rapidement confrontée au manque, à la pénurie. Alors pourquoi ne pas prendre le problème à la racine et tendre vers une certaine sobriété de consommation et de production ? Lorsque l'on sait l'importance qu'a la chimie dans les cycles de production, un débat sur ces questions ne serait pas inutile, bien que ce ne soit pas le propos ici. Une chimie plus vertueuse Par ailleurs, aller dans le sens d'une baisse globale de Nous sommes ici face à une chimie « vertueuse » la consommation énergétique ne contredit en rien la et surtout viable, qui a fait ses preuves sur plusieurs recherche de solutions innovantes et moins polluantes. milliards d'années. Étant donné l'importance du rôle Par ses qualités propres, la chimie verte peut faciliter, que joue la chimie humaine dans nos vies, et son notamment dans le lien qu'elle entretient avec le impact certain sur notre planète, il est temps, pour biomimétisme, cette direction vers plus de sobriété, accompagner la transition écologique, d'apprendre à vers une société plus durable.●

● La chimie verte bio-inspirée en quelques mots-clés : de la sobriété, du bio-sourcing, du recyclage, du local, de l'abondant, des températures et pressions modérées, des solutions aqueuses, une catalyse enzymatique, des énergies renouvelables, des produits bio-compatibles, biodégradables et non-toxiques à long terme

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Questions à Charlotte Vendrely Charlotte Vendrely est maître de conférences en biochimie et biophysique à l’Université de Cergy-Pontoise. Elle a créé et est responsable de l’unité d’enseignement interdisciplinaire de biomimétisme dans la formation de biologie de l’université. Elle a travaillé sur les soies d’araignée et ses thèmes de recherche principaux concernent l’assemblage des protéines et les biomatériaux. Qu'est-ce qui vous intéresse, personnellement, dans les biomatériaux ? Pourquoi avoir choisi cette voie ? Je m’intéresse aux biomatériaux pour deux raisons principales : d’abord, le côté assez appliqué du domaine avec des perspectives (plus ou moins lointaines) dans le monde de la santé et puis le côté plus fondamental car pour créer, améliorer des biomatériaux, il faut comprendre comment fonctionne les matériaux vivants et le vivant en général. Aussi la démarche scientifique dans ce domaine est étroitement liée au biomimétisme ! J’ai choisi cette voie car les matériaux du vivant tels que les protéines de soie me fascinent. Et je suis curieuse de comprendre comment des millions d’années d’évolution ont abouti à des matériaux si performants et comment ils pourraient nous être utile. Sur quel(s) projet(s) travaillez-vous actuellement ? Actuellement, mon projet principal porte sur la matrice extra-cellulaire qui est l’environnement (contenant entre autres le collagène) dans lequel nos cellules vivent, et se développent. Ceci, dans le but de comprendre comment il fonctionne et pour l’élaboration de matrices artificielles en tant que biomatériaux. Quels sont les enjeux de la recherche fondamentale en chimie dans le contexte de la transition écologique ? A l'heure actuelle, la recherche en chimie verte se développe de plus en plus. Elle vise à non seulement produire des molécules et matériaux biodégradables mais aussi à partir de précurseurs renouvelables non issus d'énergie fossile et ce, à l'aide de procédés non toxiques pour l'environnement. En quoi vos recherches présentes et passées sur les matériaux bio-inspirés pourraient-elles contribuer à une chimie plus durable ? Les recherches sur les biomatériaux font appel à des principes de développement durable car le biomatériau doit par définition être biocompatible, c'est-à-dire non toxique pour le corps (et éventuellement biodégradable). Quelles sont les applications industrielles en cours ou envisagées ? En chimie verte, il y a notamment des procédés intéressants mis au point pour le traitement des déchets et la production de nouvelles énergies (bioéthanol, piles à hydrogène)... ●

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Cèdre d'Australie (photo : © Tarik Chekchak)

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Biomiméticiens de demain Projet de Bio-séquestration bactérienne du CO2 Projet Scientifique Collectif d’un groupe de six étudiants de l’école Polytechnique1

Thomas Peybernes, étudiant à l’école Polytechnique, nous présente un projet collectif dont il était le responsable. Ce projet se veut une réponse biomimétique à la sur-émission de CO2. Le groupe, également constitué de Cédric Bozonnat, Pauline Choné, Xavier Pierrat, Mathilde Pierre et Marie Rouquette, a ainsi étudié une des voies de transformation du CO2 présent dans l’atmosphère et dissout dans certaines eaux. Il s’agit de sa bio-séquestration par voie bactérienne, c’est-à-dire sa précipitation sous forme de carbonate de calcium (calcaire : CaCO3) assistée par des bactéries. Cette technique a pour avantage d’être un traitement biologique durable et plus respectueux de l’environnement, qui permet de fixer le carbone sous une forme solide non polluante et simple à revaloriser ou à stocker.

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ensibles aux problématiques environnementales et préoccupés par les questions de contrôle et de réduction des émissions de CO2, nous nous sommes intéressés à la séquestration du carbone. Constatant aussi que, pour diverses raisons, des pistes telles que l’enfouissement du CO2 dans certaines nappes phréatiques ne sont pas pleinement satisfaisantes, nous avons voulu explorer les solutions biologiques offertes par l'observation de la nature. Dans le cadre de nos recherches, nous avons découvert le projet CO2solstock2 de l’entreprise Greenloop3, et ainsi rencontré un de nos tuteurs, Caroline Zaoui, qui était coordinatrice du projet. Parmi les stratégies possibles, nous avons choisi de nous concentrer sur la bio-séquestration par voie bactérienne, car elle permet une certaine simplicité expérimentale. Le Laboratoire d’Optique et Biosciences (LOB) de l’école Polytechnique nous a offert un excellent cadre de travail pour nos manipulations, sous le regard bienveillant de notre second tuteur, Hannu Myllykallio, microbiologiste et professeur chargé de cours à l’école.

Notre démarche a d’abord été de rechercher dans un environnement proche (notre campus) des bactéries ayant des propriétés de bio-séquestration. Après diverses phases de sélection nous avons trouvé une bactérie calcifiante qui n’était pas connue et avons analysé son comportement et son efficacité. Nous l’avons baptisée Polytechnicus en attendant son séquençage. Le séquençage du gène ribosomique 16S nous a permis de tracer son arbre phylogénétique et il s’est avéré que notre Polytechnicus ressemblait fortement mais pas exactement à une espèce d’Enterobacter Amnigenus, et que ses propriétés calcifiantes n’avaient jamais été identifiées. Nous avons ensuite comparé notre bactérie à une souche de Pseudomonas Fragii, déjà connue de la littérature pour les mêmes propriétés et il s’est avéré que Polytechnicus était plus performante. Voilà comment nous avons procédé : à partir d’échantillons de sol de notre campus que nous avons incubés dans des milieux nutritifs adaptés, nous avons réussi à sélectionner certains micro-organismes ayant les

1. En deuxième année, les étudiants de l’école Polytechnique doivent réaliser un Projet Scientifique Collectif (PSC), c’est-à-dire un travail de recherche en groupe de cinq ou six élèves sur un sujet libre qui leur permet de mettre leur expérience pluridisciplinaire au profit d’un projet créatif. Il s’échelonne sur 9 mois à raison d’une après-midi par semaine dédiée au projet. 2. CO2SolStock est un projet de recherche en biomineralisation microbienne pour la séquestration du carbone, dans une approche biomimétique (http://www.co2solstock.org/) 3. Greenloop est un bureau de conseil en recherche et stratégie durable (http://www.greenloop.eu/)

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propriétés que nous recherchions (à savoir produire du calcaire grâce notamment à une enzyme, l’anhydrase carbonique qui catalyse de manière très efficace une phase clé du cycle du carbone). Dans un milieu nutritif contenant des ions calcium, notre bactérie produisait effectivement des cristaux dont il a fallu déterminer s’ils étaient faits de CaCO3, ce qui s’est révélé exact, suite à la mise au point de différents tests chimiques simples servant à identifier la nature de ces cristaux. Notre objectif était en fait de créer ce que l’on a appelé un « piège à carbone », un système utilisant Polytechnicus pour séquestrer le CO2 directement à la sortie des usines, et en réfléchissant à un écosystème industriel pour qu’il puisse ensuite être revalorisé. Dans ce contexte il faut donc maintenir en culture notre bactérie dans son milieu en contact avec le CO2 de l'air, mais la principale contrainte reste la source de calcium ionique nécessaire pour que le carbone puisse être fixé. Nous avons donc décidé de nous intéresser à un type d’usine qui rejette beaucoup de calcium : les usines de dessalement d’eau de mer. En effet, même si la composition ionique des eaux de rejet de ces usines n’est pas parfaitement propice au développement de notre Polytechnicus (notamment par la présence d’ions Cl- qui inhibent fortement sa croissance), elles permettent de procurer les éléments nécessaires à la précipitation. Avec nos premiers résultats nous avons déterminé qu’une piscine de natation remplie de notre bactérie stockerait en un an la même quantité de CO2 qu’une forêt de 350 arbres. La comparaison n’a de sens que pour l’ordre de grandeur (aucun intérêt de remplacer

les forêts par des piscines de bactéries...) qui montre une certaine efficacité du processus bien que notre culture n’ait pas réellement été optimisée. En effet, les quantités de calcaire que nous avons obtenues en pratique demeurent très faibles. De nombreux défis restent à relever, notamment l’acidification du milieu, inévitable dans le bilan de précipitation du CO2 en calcaire et que nous pourrions essayer de contrôler par la création d’un écosystème bactérien basé sur la collaboration de nos bactéries avec d’autres microorganismes basifiants par exemple. Un projet Biomimétique ? Les puristes pourraient crier au scandale, ce n’est pas du biomimétisme c’est de la domestication ! En effet nous avons « utilisé » ces bactéries pour leurs propriétés calcifiantes. Cependant l’enseignement biomimétique de ce projet se trouve fondamentalement dans notre démarche. Nous avons montré que notre environnement, même très proche, recèle des organismes ayant trouvé une solution à nos problèmes actuels. De plus notre méthode peut être parfaitement reproduite dans un environnement plus propice à la sélection de bactéries ayant des capacités plus efficaces. Pourquoi pas en les cherchant directement dans les terres calcaires (ce n’était pas le cas de notre campus), ou dans des eaux salées pour qu’elles soient naturellement résistantes aux ions chlorure... Le champ des possibles est vaste ! Une précision aussi, la philosophie de notre projet n’est pas de fournir aux entreprises un prétexte pour pouvoir continuer à polluer mais bien une proposition pour la gestion des émissions inévitables et le stockage de celles du passé. ●

Visualisation à l’œil nu et au microscope x4 de la présence de cristaux de calcaire ans le milieu

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Le veilleur Olivier Allard | www.biomimesis.fr

PROCESSUS DU VIVANT Une technologie d’électrofilature pour produire des organes Inspiré de la manière dont une araignée tisse sa toile une équipe de l’University College de Londres a tissé des vaisseaux sanguins de souris par électrofilature. Les fibres utilisées sont issues d’un bouillon de polymères de silicone non-toxique et de cellules vivantes. Cette technique pourrait permettre de résoudre certains des défis de l’ensemencement de matrice pour des greffons ou fabriquer des tissus biologiques à base de cellules cardiaques pour améliorer le fonctionnement du cœur après une crise cardiaque par exemple. Sampson, S. L., Saraiva, L., Gustafsson, K., Jayasinghe, S. N. and Robertson, B. D. (2013), Cell Electrospinning: An In Vitro and In Vivo Study. Small. doi: 10.1002/ smll.201300804

Important pas en avant dans la maitrise de l’auto-assemblage

ECOSYSTEMES Les principes du biomimétisme appliqués à la conception d’une ville entière au Nigeria

Janvier 2014 marquera les 100 ans de la réunification du Nigéria. La compagnie In/Formal South en collaboration avec Biomimicry South Africa, a été nommé par Smartland International pour développer une approche biomimétique pour le développement d’une infrastructure urbaine appropriée au contexte Des scientifiques de Harvard ont réussi à faire pousser africain. Leur but est de construire une ville qui des structures complexes en forme de nano-fleurs, fonctionne comme un écosystème mature, résilient et composées de sels de baryum et de silicate, en ajustant généreux comprenant une urbanisation en réseau de finement des paramètres simples tel que le pH et la cellules auto-suffisantes et interconnectées. Tous les température des solutions utilisées. Ces scientifiques flux de matières et d’énergie de la ville seront rebouclés espèrent que ces nano-fleurs pourront améliorer grâce aux technologies actuelles les plus en pointe. la compréhension scientifique d’un des secrets de http://biomimicrysa.co.za/projects/abuja-city fabrication de la nature : l’auto-assemblage. Wim L. Noorduin, Alison Grinthal, L. Mahadevan, Joanna Aizenberg, Science 17 May 2013: Vol. 340 no. 6134 pp. 832-837

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PERMACULTURE Depuis octobre 2013, le projet expérimentant la viabilité économique et écologique des techniques d’agroécologie intensive, mené par l’association Fermes d’Avenir, est lancé. Le projet de la microferme de la Boudaisière, située en Touraine, a pour objectif de rendre-compte de l’efficacité de l’agroécologie et en particulier de la permaculture. Les résultats obtenus seront comparés à ceux de l’agriculture conventionnelle suivant des critères économiques, écologiques et sociaux. Une fois l’efficacité de la permaculture démontrée, l’association Fermes d’Avenir s’emploiera à guider tout porteur de projet souhaitant s’engager dans cette voie. Elle mettra à disposition une boîte à outils interactive qui permettra à tout agriculteur ou futur agriculteur de créer sa propre microferme agroécologique. Initié par Louis Albert de Broglie, propriétaire du domaine de la Bourdaisière, et inspirée de la ferme permacole du Bec-Hellouin, pionnière en France, la microferme sera animée par trois paysans dont Maxime de Rostolan, ingénieur et membre actif de l’association Biomimicry Europa, deux experts certifiés en permaculture et maraîchage, Claire Uzan et Gildas Véret et d’un doctorant de AgroParisTech, Kevin Morel, encadré par François Léger, directeur de recherches à l’INRA/AgroParisTech, chef du département SAD-APT, pour la partie collecte et analyse scientifique. Souhaitons un grand succès à ce beau projet de permaculture dont la définition, donné par le site de Fermes d’Avenir, est la conception consciente de paysages et de projets s’inspirant de la nature et visant à créer des écosystèmes humains productifs et durables. www.fermesdavenir.org

COCORICO Une entreprise française d’appareils sanitaires fait du biomimétisme. L’entreprise Nasta a développé un émail autonettoyant inspiré des feuilles de lotus, qui permet de consommer moins d’eau et de limiter l’utilisation de produits chimiques. Elle utilise également une pâte de céramique spéciale qui cuit à 100°C de moins que les autres produits du marché permettant des économies d’énergie de l’ordre de 20 à 30%. Leurs déchets de production sont également recyclé (déchets de plâtre pour le placo-plâtre, la casse céramique comme remblai routier, ...). http://www.nasta-ceramiques.com/#!accueil/mainPage

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La bibliothèque idéale Tarik Chekchak

Directeur du Center for Ecoliteracy à Berkeley en Californie (USA), le physicien Fritjof Capra est surtout connu pour son livre Le Tao de la Physique. Dans La Toile de la Vie, il synthétise les connaissances actuelles sur ce que sont les systèmes vivants en créant des ponts entre la biologie et les sciences de la complexité.

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arler de biomimétisme sans comprendre ce qu’est un être vivant est-ce bien raisonnable ? Première suggestion : régalez-vous de la présence de votre chat, d’un arbre dans le parc où vous aimez vous promener et surtout laissez votre regard d’enfant apprécier ces instants ! Deuxième suggestion : titiller à présent votre cerveau gauche, votre « rationalité » et ouvrez La Toile de la Vie de Fritjof Capra ! (si possible sans que cela soit un prétexte à vous déconnecter de la sensation découverte un peu plus tôt...)

Un système vivant auto-génère par ailleurs ses constituants grâce à des flux constants provenant de son environnement. Capra résume ainsi les trois critères des systèmes vivants : 1- les « pattern d’organisation », configuration des relations qui expliquent les propriétés des êtres vivants et qui sont de nature autopoietiques ; 2- Les processus, activités impliquées dans l’incorporation du pattern ; 3- Les structures, qui sont les incarnations physiques de cette dynamique. Capra décrit brillamment les conséquences de ces changements de paradigmes qui créaient des ponts aux potentiels insoupçonnés entre sciences physiques, chimiques et biologiques. Y disparaît entre autres le concept d’un environnement indépendant auquel il conviendrait de s’adapter et qui a longtemps prévalu pour expliquer l’évolution des espèces. Se dégage plutôt l’importance de la structure permettant de créer une certaine relation au monde unique pour chaque type d’être vivant. On comprend ainsi mieux la majestueuse danse entre émergence de nouvelles propriétés biologiques explicables par les sciences de la complexité (transitions de phase, boucles de rétroaction, etc.) et le rôle d’un environnement agissant sur les structures autant qu’elles agissent sur lui.

Il a été écrit aux USA en 1996 et équilibre raisonnement scientifique pointu – mais accessible – et une chaleureuse perception de notre interdépendance avec le reste du vivant. On y retrouve une remarquable synthèse de ce qui fait, pour la science, qu’un être est « vivant ». La présence d’une membrane, bien sûr (membrane de la cellule, peau, membrane sociale, etc.) mais également sa capacité à produire dans un flux constant ses propres constituants. C’est la théorie de l’autopoïèse de l’Ecole de Santiago présentée par Maturana et Varela. Elle est rapprochée par Capra de la vision de Bateson et il propose lui même une synthèse qui peut se résumer ainsi : Est vivant tout système autolimité, loin de l’équilibre thermodynamique et qui peut être décrit par des équations non linéaires expliquant l’émergence – Capra nous propose, pendant plus d’une centaine de sous certaines conditions – de nouvelles propriétés. pages, une synthèse des perceptions scientifiques de

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Fritjof CAPRA La Toile de la vie, une nouvelle interprétation scientifique des systèmes vivants Editions du Rocher, 2003 la vie et de la complexité des organismes vivants. Son livre permet de sentir notre interdépendance radicale Biomimicry, Innovation inspired by avec la toile de la vie et nous réalisons page après page que nous sommes bien un motif sur cette fabuleuse Nature, de Janine Benyus : livre clé toile. Un motif qui trop souvent coupe les fils dont de notre Bibliothèque Idéale il est lui-même tissé mais ce n’est pas inéluctable et Si il y a bien un livre qu'il faut avoir lu quand on s'intéresse c’est bien là l’invitation du biomimétisme…● au biomimétisme, c'est Biomimicry1, de la naturaliste Janine Benyus. Sorti en 1997 aux États-Unis, cet ouvrage présentait pour la première fois à un large public la démarche du biomimétisme. Contrairement à ce qui avait été écrit jusque-là – dans le secteur de la bionique notamment, où s'inspirer des systèmes vivants vise surtout à la performance technologique – ce livre orientait résolument la bioinspiration vers la durabilité, en faisant un tour d'horizon de projets ayant pour point commun de se préoccuper, entre autres, de recyclage, d'économie d’énergie, et de la réduction, voire de la suppression, des impacts néfastes sur l'environnement. L'auteur a ainsi mené son enquête en explorant un champ large d'activités humaines, de l'agriculture au commerce, en passant par la chimie, la santé, la biologie ou l'informatique, alternant témoignages, rencontres, descriptions d'exemples concrets ou en voie de l'être, tout en érigeant, sur un plan théorique, un certain nombre de principes manifestes de ce que doit être le biomimétisme. Ce qui ressort de ce livre, c'est un formidable sentiment de reconnexion avec la biosphère dont on n'a jamais cessé de faire partie. Un ouvrage fondateur2 pour saisir la philosophie du biomimétisme qui, bien que sorti il y a 16 ans, est encore aujourd'hui d'une redoutable actualité. ● 1. Une version française de l'ouvrage est sortie en 2011 aux éditions Rue de l’Échiquier, avec une préface de Gauthier Chapelle. 2. Littéralement fondateur pour Biomimicry Europa, créé à Bruxelles à l’initiative de Gauthier Chapelle et Raphaël Stevens, tous deux formés initialement par Janine Benyus

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In fine

Photosynthesis, par Rosemary Mosco Rosemary Mosco est naturaliste de formation. Souhaitant transmettre sa passion pour les sciences naturelles, elle réalise Bird & Moon, série de BD humoristiques prenant pour thème la biodiversité. Bird & Moon est publié sur son site web birdandmoon.com

Traduction : ―Ahhhhh... Tu dois être jalouse. ―Pourquoi ? ―La photosynthèse ! Toi tu es obligée de courir partout à la recherche de nourriture, alors que moi j'ai juste à... rester ici au soleil. ―Eh, c'est quoi là-bas ? ―Quoi ? Qu'est-ce que c'est ? Quoi ? Où ça ?? Reviens ici et..... Et merde.

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● Biom' est édité par le Comité Français de Biomimicry Europa 99 rue des Poissonniers 75018 Paris | www.biomimicry.eu | info@biomimicry.eu Directeur de publication : Tarik Chekchak Responsable rédactionnel et éditorial : Damien Dion Comité de rédaction : Tarik Chekchak, Damien Dion, Chloé Lequette, Kalina Raskin Conception graphique et maquette : Damien Dion et Chloé Lequette Ont collaboré à ce numéro : Olivier Allard, Gauthier Chapelle, Tarik Chekchak, Damien Dion, Rosemary Mosco, Thomas Peybernes, Kalina Raskin, Daniel Rodary Visuel de couverture : Chloé Lequette ISSN : en cours ●

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Biomimicry Europa | www.biomimicr y.eu


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