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CAHIERS

CDF

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État des lieux de la profession en 2014

Dossier remis à Emmanuel Macron, ministre de l'Économie, de l’Industrie et du Numérique en réponse au rapport de l’Inspection Générale des Finances et de son annexe 12


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Sommaire Le Chirurgien-Dentiste de France no 1636 du 23 octobre 2014

La profession dentaire en 2014 ..........................p. 2 1. Données économiques générales 1.1. Données macroéconomiques du secteur 1.2. Structure du secteur 1.3. Analyse économique de la profession 1.4. Niveau des revenus déclarés par les professionnels 2. Activité de la profession 2.1. Actes entrant dans le périmètre d'activités réservées 2.2. Activités annexes exercées hors du périmètre d'activités 2.3. Modes de rémunération 2.4. Conditions d'accès à la profession 2.5. Modalités d'exercice particulières 3. Principaux constats 3.1. Le numerus clausus des études de chirurgie dentaire est contourné par les chirurgiensdentistes titulaires de diplômes étrangers

3.2. Le numerus clausus des études de chirurgie dentaire est-il encore justifié ? 3.3. Les modes de rémunération des chirurgiens-dentistes ne sont plus adaptés à la réalité du secteur 3.4. La réglementation applicable à la détention du capital d'une société d'exercice libéral de chirurgiensdentistes n'est pas cohérente et ne limite pas réellement le nombre de SEL 4. Options de modernisation de la réglementation 4.1. Options spécifiques à la profession 4.2. Options communes à d’autres professions 5. Les propositions de réforme de la CNSD 6. Conclusion


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Préambule État de la profession en 2014 La rentrée s’est faite sur fond de contestation du projet d’Arnaud Montebourg visant à déréglementer certaines professions libérales, au prétexte qu’elles seraient responsables du défaut de croissance de notre pays et de la perte de pouvoir d’achat des Français… le tout s’inspirant d’un rapport de l’IGF tenu confidentiel. Notre profession est bien entendu en première ligne et l’annexe n°12 du rapport de l’IGF (voir le site cnsd.fr) détaille les mesures envisagées à notre encontre, au premier rang desquelles le fractionnement des honoraires de prothèses. La CNSD a immédiatement réagi et participé au mouvement de contestation du 30 septembre sous l’égide de l’UNAPL. La présidente Catherine Mojaïsky et le secrétaire général Thierry Soulié ont été reçus à Bercy où ils ont dû faire œuvre de pédagogie et expliquer une fois encore que la suppression du numerus clausus, la disso-

ciation de l’acte prothétique ou l’ouverture du capital des SEL à des investisseurs non professionnels étaient autant de menaces sur la qualité et la sécurité des soins bucco-dentaires et seraient sans effet sur le pouvoir d’achat des Français. Un document argumentaire exposant clairement la situation de la chirurgie dentaire à l’heure actuelle et répondant point par point au rapport de l’IGF a été remis au ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron. C’est ce document de grande qualité, particulièrement intéressant pour chacun d’entre nous, que nous proposons à votre lecture aujourd’hui.

La rédaction du CDF

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Le Chirurgien-Dentiste de France no 1636 du 23 octobre 2014

État des lieux de la profession en 2014 Réponse de la CNSD au rapport de l’IGF, remise à Emmanuel Macron, ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique. La profession de chirurgien-dentiste est une profession médicale inscrite au livre 1er de la quatrième partie du Code de la Santé. Elle présente des conditions générales d’exercice et d’organisation de la profession identiques à celles des médecins et des sages-femmes qui sont les deux seules autres professions médicales. Les chirurgiens-dentistes disposent du droit de prescription sans restriction dans le cadre de leur activité, d’un Code de Déontologie et d’un Ordre professionnel similaire à celui des médecins. Les chirurgiens-dentistes passent une thèse d’exercice au bout de 6 ans d’études. Des mesures concernant l’exercice des médecins sont souvent transposées aux chirurgiens-dentistes. La chirurgie dentaire s’appelle désormais la médecine bucco-dentaire (norme ISO).

1. Données économiques générales 1.1. Données macroéconomiques du secteur Ces données datent de quatre ans et ne peuvent donc refléter la situation actuelle modifiée par l’augmentation constante des charges, alors que les honoraires sont restés stables. Elles agrègent à la fois les praticiens spécialistes en ODF et les omnipraticiens qui ont une structure d’activité et donc des revenus spécifiques. 2

1.2. Structure du secteur 1.2.1. Démographie de la profession de chirurgien-dentiste Il est opportun de constater que la densité des chirurgiens-dentistes en France est très proche de celle de l’Union Européenne. La démographie a, jusqu’à présent, été régulée par un numerus clausus géré par les autorités gouvernementales et la profession afin d’adapter l’offre à la demande, en raison notamment du coût très important de formation d’un chirurgien-dentiste pour la collectivité (12 000 à 15 000 €par an) qui est supérieur à celui d’un médecin. Dans la pratique, les besoins diminuent globalement en raison du succès de la prévention à porter au crédit de la profession. Le nombre de caries chez le jeune adulte baisse, ce qui tout naturellement diminue les besoins dérivés comme le recours aux prothèses. Ce phénomène commence à se faire sentir dans les zones où le suivi des patients s’est manifesté très tôt. Par contre, des besoins de soins importants fortement liés à des critères socio-économiques demeurent.

1.2.2. Formes juridiques des unités légales L’exercice est majoritairement individuel. Ce type d’exercice a permis, jusqu’à un passé récent, un maillage serré des cabinets den-


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taires sur tout le territoire. Les difficultés économiques vécues par les chirurgiensdentistes depuis une décennie les ont conduits à se regrouper ou à délaisser les zones à faible solvabilité. Cela est dû essentiellement au blocage des soins conservateurs et chirurgicaux qui sont à un tarif opposable souvent éloigné de la réalité des coûts. À noter également que nombre de SEL sont unipersonnelles.

1.2.3. Soldes intermédiaires de gestion par unité légale Les résultats présentés sont surprenants. Si l’on s’en tient au nombre de structures légales mentionnées au 1.1, soit 37 505, la moyenne s’établit à 86 156 euros et non 99 814 € comme présenté dans le tableau, soit une différence de 15,8 %. Si l’on se base sur le chiffre officiel du Conseil national de l’Ordre, alors cette moyenne s’établit à 83 971 €, ce qui représente une différence de 18,9 %. Ces chiffres sont cohérents avec les statistiques des associations agréées. À noter que la forte valeur ajoutée dégagée est normale. Elle est liée à la présence de personnels non médicaux dans les structures (réceptionnistes, assistantes dentaires,…). Ces chiffres sont corroborés par les statistiques de l’Assurance maladie qui font état de 36 874 chirurgiens-dentistes libéraux dont 2 005 orthodontistes. Cette démonstration de la marge d’erreur des calculs présentés (de 15 à 20 %) fait perdre toute crédibilité au rapport de l’IGF. Par ailleurs, ces chiffres seuls ne veulent rien dire. Ils nécessitent un rapprochement avec le temps de travail effectif du praticien qui comporte non seulement le temps médical de présence au fauteuil, mais aussi les tâches d’administration en tant que chef d’entreprise, les tâches de contrôle d’une réglementation très exigeante (radioprotection, déchets, accessibilité, hygiène et asepsie…), les tâches administratives, notamment de relation avec les assurances maladies obligatoires et complémentaires,

de transparence (devis et traçabilité), les temps de formation… Cela peut représenter 30 % de temps qui s’ajoutent à un travail effectif au fauteuil souvent supérieur aux 35 heures, mais aussi à des horaires parfois tardifs perturbant la vie familiale dans une profession qui se féminise de plus en plus. Le temps de travail effectif doit être pris en compte dans les résultats pour pouvoir les comparer à des revenus salariaux : pour ces derniers, temps de travail bien défini, formation prise en charge, et couverture sociale supérieure (maladie, chômage, retraite,…) sont des avantages loin d’être négligeables. Autre critère : la prise de risque pour les capitaux engagés sur la seule tête du praticien. À ce titre, l’Administration publie le dernier décile, mais pas le premier décile. Il serait pourtant instructif et mettrait en évidence les difficultés de la profession notamment pour les jeunes diplômés qui peinent à s’installer en raison des investissements importants. Leurs revenus peuvent être inférieurs au SMIC.

1.3. Analyse économique de la profession 1.3.1. Résultat net comptable déclaré par les unités légales du secteur Le préliminaire de ce paragraphe met en évidence la distorsion de l’analyse, dans la comparaison avec le taux de rentabilité de l’économie française. Comment peut-on comparer les très petites entreprises que sont les cabinets dentaires avec des mastodontes tels qu’Airbus, Veolia, Total… dont les revenus des dirigeants sont inclus dans les charges ? Comme le souligne le rapport, nos structures ne comportent bien souvent qu’un chirurgien-dentiste, dont la valeur ajoutée est entièrement produite par un travail minutieux, autant manuel qu’intellectuel dans la bouche du patient. Personne n’intervient à 3


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sa place, même s’il peut se faire aider dans ces tâches par une assistante qualifiée. Dès qu’il arrête son travail au fauteuil (congés, formation professionnelle, maladie, etc.), la « production » s’arrête. Pour comparer les revenus, il est donc nécessaire de les pondérer en fonction du temps de travail effectif et global englobant le temps consacré à soigner, mais aussi à administrer, gérer et se former. Il en est de même pour la comparaison de revenus dont la moyenne nationale est essentiellement constituée de revenus salariaux, hors rémunération du capital. Pour comparer des choses comparables, il faut pondérer la rémunération du chirurgien-dentiste, en soustrayant la rémunération du capital (rémunération du risque). En prenant comme base le taux moyen de rentabilité de l’économie française qui mesure en fait la rémunération du capital, il faut enlever 8 % au 34,14 % du taux de rentabilité, ce qui ramène le taux de rentabilité lié au travail du chirurgien-dentiste à 26,14 %, et un revenu moyen par unité légale ramené à 64 294 euros.

1.3.2. Moyenne et médiane La différence importante entre la moyenne et la médiane des revenus met en évidence qu’une minorité de revenus élevés tire vers le haut la moyenne, faussant ainsi l’appréciation globale. Il est plus judicieux de se référer à la médiane, ce que ne fait pas le rapport IGF.

1.3.3. Rentabilité des unités légales du secteur Bien évidemment le même défaut d’analyse se reproduit à ce niveau. Au niveau d’un pays, le taux de rentabilité moyenne mesure essentiellement la rémunération du capital, les fonctions de production et de direction étant déduites puisqu’incluses dans la masse salariale, sur la base d’un travail hebdomadaire de 35 heures et son cortège de protection sociale. Rien qu’à elle seule l’assurance chômage représente 6,70 %, qu’il faudrait, en toute logique comparative, déduire du revenu moyen qui s’établit ainsi 4

à 59 986 €, représentant 2,4 fois les revenus moyens. Encore faut-il pondérer cette rémunération moyenne par chirurgien-dentiste par le temps de travail global au-delà des 35 heures communément admise pour comparer avec le revenu moyen en France. À ce stade, nous pouvons dire que le rapport entre revenu moyen du chirurgien-dentiste et revenu moyen en France sera inférieur à 2,40 et vraisemblablement plus proche de 2 que des 4,04 affichés dans le rapport.

1.4. Niveau des revenus déclarés par les professionnels 1.4.1. La mission a appréhendé les revenus des professionnels en distinguant les différents modes d'imposition des structures d'exercice Soit on compare les revenus avec des structures comparables comme les médecins desquels les chirurgiens-dentistes se rapprochent le plus en termes de qualification, de durée d’études et de responsabilités. Soit on compare avec des revenus salariés et dans ce cas il faut pondérer les résultats en excluant les revenus du capital et en tenant compte de certains avantages comme l’assurance chômage, la protection sociale. Si on appliquait la méthode du rapport aux salariés, il faudrait réintégrer aux revenus des salariés le bénéfice de la structure qui les emploie. Une autre incohérence se retrouve avec le risque perte d’emploi. Pour le chirurgiendentiste ce risque est incorporé dans son revenu, alors que pour le salarié ce risque est déduit de son revenu et représente un différentiel de revenus de 6,40 %.

1.4.2. Répartition des revenus déclarés de l'ensemble des professionnels Les tableaux 6 et 7 laissent perplexes sur


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la valeur des chiffres bruts, compte tenu des remarques faites en supra. Il faut insister sur la grande hétérogénéité des exercices et sur la part non négligeable (25 %) de chirurgiens-dentistes au revenu bien inférieur à la moyenne.

1.4.3. Répartition des revenus des professionnels exerçant leur profession dans une unité légale unipersonnelle imposée à l'impôt sur le revenu Le graphique 5 cumule revenu du capital et revenu du travail, ce qui n’a que peu de sens lorsque l’on veut comparer les revenus du travail du chirurgien-dentiste avec d’autres revenus du travail.

1.4.4. Analyse des revenus des associés d'entreprises imposées à l'impôt sur les sociétés, d'après un échantillon de dossiers individuels Même constat, mais pourquoi faire ici l’amalgame entre revenu du capital et revenu du travail, alors que ce n’est pas le cas lorsque l’on compare avec les salariés du CAC 40, y compris les dirigeants ? La courbe amalgame omnipraticiens et spécialistes orthodontistes, alors que les statistiques professionnelles montrent que les revenus varient du simple au double. De quoi fausser les statistiques et bien évidemment les conclusions.

1.4.5. Enseignement de l’Observatoire conventionnel national Les représentants de l’UNCAM, de l’UNOCAM et de la CNSD se sont réunis le 20 juin 2014 dans le cadre de l’Observatoire conventionnel national pour analyser les statistiques de l’année 2013 sur le plan de la démographie, de l’évolution de l’activité des chirurgiens-dentistes libéraux et de l’accès aux soins. Sur le plan démographique, si les effectifs des chirurgiens-dentistes libéraux sont en légère baisse au cours des 10 dernières

années (-0,2 % par an), nous notons une stabilisation en 2012 avec une légère remontée en 2013 sous l’effet du flux migratoire des praticiens étrangers. En revanche, les effectifs des spécialistes ODF croissent régulièrement de 1,6 % par an. Mais cette relative stabilité au niveau national cache des disparités au niveau local qui s’accroissent notamment dans les zones à faible attrait, justifiant d’autant les mesures incitatives inscrites dans la Convention dentaire. Sur le plan de l’activité, la même différenciation doit être faite entre omnipraticiens et spécialistes ODF. Pour les premiers, le volume d’actes augmente de 0,5 % et les honoraires totaux (base de remboursement et entente directe) de 0,7 %, lorsque pour les seconds, les augmentations respectives sont de 2 % et de 4,6 %. Bien entendu, ces évolutions sont à pondérer en fonction de l’augmentation des effectifs, mais aussi de la population française. Au final, l’Observatoire a pu conclure à une évolution stable des honoraires entre 2012 et 2013, signant ainsi une très grande sagesse des chirurgiens-dentistes dans l’évolution de leurs honoraires, en contradiction totale avec les conclusions de l’Inspection générale des finances. L’Observatoire a pu constater que les chiffres d’affaires moyens des omnipraticiens sont inversement corrélés à la densité des chirurgiens-dentistes. Ainsi, le département des Alpes-Maritimes est le département dont le chiffre d‘affaires moyen est le plus faible, mais il est aussi connu pour des honoraires moyens des actes à honoraires libres au-dessus de la moyenne, de même que Paris qui suit de près. Qui dit chiffre d’affaires, dit bénéfice, le taux de charges étant incontournable. Ces constats contredisent les analyses de l’Inspection générale des finances et les idées reçues : c’est dans les départements à forte densité que l’on trouve les honoraires les plus élevés mais aussi les revenus les plus faibles. 5


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Ils se caractérisent également par une fréquence des actes également inférieure à la moyenne nationale, conséquence de la forte démographie professionnelle. Ainsi, paradoxalement et contrairement à ce que veut démontrer le rapport, les régions à forte démographie professionnelle pratiquent des honoraires élevés, mais ont des revenus faibles.

2. Activité de la profession 2.1. Actes entrant dans le périmètre d'activités réservées Rien n’interdit aux chirurgiens-dentistes de fabriquer une prothèse pour leur patient. Cela rentre dans leur champ de compétences. Le recours à un prothésiste n’est donc pas obligatoire. D’ailleurs certains cabinets réalisent en interne leur propre prothèse. D’autres utilisent la Conception et Fabrication Assistée par Ordinateur (CFAO) pour réaliser des prothèses directement au fauteuil. La directive européenne 93/42 relative aux dispositifs médicaux, notamment dans son article 2, n’interdit nullement au chirurgiendentiste d’être fabricant, ni de sous-traiter en tant que fabricant à un prothésiste dentaire.

2.2. Activités annexes exercées hors du périmètre d'activités Ce rapport date un peu et ne prend pas en compte les nouvelles dispositions réglementaires. Une directive européenne limite en effet l’utilisation de produits de blanchiment des dents efficaces (à fort taux de concentration) aux seuls chirurgiens-dentistes et médecins.

2.3. Modes de rémunération 2.3.1. Les honoraires des actes remboursables effectués par les chirurgiens-dentistes sont partiellement réglementés La Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) est applicable depuis le 1er juin 2014. Il n’existe pas de secteurs 1 ou 2, mais des chirurgiens-dentistes conventionnés ou non conventionnés. L’avenant n° 3 à la Convention nationale des chirurgiens-dentistes acte le passage en CCAM à périmètre de remboursement constant, mais reconnaît l’obsolescence des bases de remboursement qui doivent évoluer vers 6


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une valeur économique viable avec le concours des financeurs UNCAM et UNOCAM.

pour leur patient. Ils assument d’ailleurs seuls la responsabilité de l’intégralité du traitement prothétique.

La Convention nationale des chirurgiensdentistes distingue deux catégories d’actes. Les soins conservateurs et chirurgicaux sont opposables. Les soins prothétiques et orthodontiques sont à entente directe, c’est-àdire que les honoraires sont libres. Tous ces actes sont caractérisés par des bases de remboursement totalement obsolètes en raison de l’insuffisance de leur revalorisation depuis la dernière grande réforme dentaire qui date de 1978.

Les honoraires d’un acte prothétique sont constitués d’une part, du prix de la soustraitance du Dispositif Médical Sur Mesure (DMSM) réalisé sur prescription du chirurgien-dentiste par le prothésiste, d’autre part, des honoraires du praticien correspondant aux charges de structures de son cabinet et à la rémunération du chirurgien-dentiste pour le travail médical suivant (exemple d’une ou plusieurs couronnes) :

En fait, les chirurgiens-dentistes ne pratiquent pas de « dépassements d’honoraires ». Ce terme s’applique aux médecins du secteur 2 qui pratiquent des dépassements par rapport aux médecins du secteur 1 qui peuvent pourtant vivre de leur activité. Les chirurgiens-dentistes ne peuvent vivre de leurs seuls soins à tarifs opposables. Les conventions successives signées depuis 1988 (il a y 26 ans) leur ont accordé l’entente directe en raison du choix de l’Assurance maladie de ne pas revaloriser les bases de remboursement de ces actes, déjà incohérentes économiquement parlant à l’époque. Les « dépassements » ainsi cités sont en réalité la part non remboursable des honoraires des praticiens.

2.3.2. Les honoraires des actes dentaires non remboursables sont libres La mise en place de la CCAM a permis de montrer que ces actes sont des actes médicaux reconnus par la Haute Autorité de santé.

2.3.3. Les prix de « revente » des prothèses dentaires sont libres Les chirurgiens-dentistes ne « revendent » pas les prothèses. Ils délèguent simplement à un artisan une des nombreuses étapes d’un traitement complexe qu’ils ont élaboré

• Étude du cas clinique après examen du patient. • Conception et proposition d’une ou plusieurs solutions thérapeutiques en fonction du cas clinique, élaboration d’un plan de traitement, d’un devis. • Préparation (taille) des dents avec des instruments rotatifs tournant à très haute vitesse (400 000 tours/minute) dans la bouche du patient. Ces préparations nécessitent connaissances, haute dextérité et temps de réalisation ; sans elles, la réalisation de la prothèse est impossible. • Réalisation de dents transitoires en direct au fauteuil. Scellement. • Empreinte des dents préparées, désinfection de celle-ci et envoi au prothésiste. • Le prothésiste traite l’empreinte. • Prise de l’occlusion par le praticien et détermination de la teinte des dents. • Fabrication de la prothèse par le prothésiste. • Descellement des transitoires, désinfection de la prothèse, essayage, contrôle de la teinte et de la mise en place correcte de la prothèse, ajustage de l’occlusion et des points de contact, scellement, nouveau contrôle de l’occlusion. 7


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Au vu de cet exemple simple, le chirurgiendentiste intervient prioritairement à toutes les étapes de la confection de la prothèse. Il en est le maître d’œuvre, et à ce titre, va recourir à un ou plusieurs fabricants de dispositifs médicaux sur mesure ou non, pour ses fraises de taille, ses produits à empreinte, ses dents provisoires, et son DMSM, réalisé par un ou plusieurs prothésistes dentaires. De plus, si on suit à la lettre la directive européenne, en définitive, c’est bien le chirurgien-dentiste qui met la prothèse sur le marché car sans son intervention, elle reste à l’état de simple pièce manufacturée que le patient ne peut utiliser directement. Les DMSM ne sont pas du « prêt-à-porter ». Le terme de revendeur est donc impropre.

2.4. Conditions d'accès à la profession 2.4.1. L’accès à la profession de chirurgien-dentiste est réglementé Touchant à la santé publique, il est normal que l’accès en soit réglementé (qualité-sécurité des soins). Comme précisé supra, le numerus clausus s’adapte en fonction des besoins par directive gouvernementale. Il est à noter que les effectifs restent constants.

2.5. Modalités d'exercice particulières 2.5.1. Libre prestation de services Le phénomène de nomadisme médical européen est un phénomène récent qui n’a pas été prévu dans les projections démographiques. La pléthore de praticiens dans certains pays conduit à l’expatriation de ces mêmes praticiens pour des raisons d’attractivité économique.

2.5.2. L'Ordre des chirurgiensdentistes dispose de pouvoirs disciplinaires Il est désormais possible de créer des 8

sociétés d’exercice libérale selon le même schéma que les sociétés commerciales sous le contrôle du Conseil de l’Ordre.

2.5.3. Formes juridiques des structures d'exercices et détention du capital L’Ordre est particulièrement vigilant quant à l’indépendance des chirurgiens-dentistes et au respect des règles déontologiques qui rappellent notamment que la profession ne doit pas s’exercer comme un commerce. Certaines dispositions ont été prises pour permettre certains regroupements ou faciliter la transmission de cabinet.

2.5.4. L'information fournie par le chirurgien-dentiste est encadrée par la réglementation L’affichage des tarifs dans les cabinets est une obligation respectée par les chirurgiens-dentistes. Mais la spécificité de la médecine bucco-dentaire fait que les prestations et les conditions d’exécution ne peuvent être comparées uniquement sur la base des tarifs. L’acte prothétique est un acte global où une part « d’art dentaire » peut s’exprimer, conduisant à des différentiations tarifaires justifiées également par des plateaux techniques plus ou moins fournis. Le simple affichage du tarif ne peut préjuger de la prestation fournie. Le devis légal est un outil de transparence qui s’inscrit dans le cadre de la loi Fourcade, modificatrice de la loi HPST. Son retard de mise en place est essentiellement dû à des raisons techniques. En pratique, le déploiement s’est fait à partir du moment où les éditeurs ont implémenté cette disposition dans les logiciels de gestion de cabinets dentaires et la Commission Paritaire Nationale a réglé les cas particuliers, comme les exercices en société. Il est à noter également que des recours en Conseil d’État ont été portés par un syndicat minoritaire ajoutant ainsi une touche de confusion. Ce devis légal a été adapté à la CCAM.


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Les honoraires prothétiques y sont ventilés en trois parties : 1. Le prix de « vente » du DMSM qui est son prix d’achat majoré d’une partie des frais de structure. La formule de calcul permet de démontrer qu’aucun bénéfice n’est réalisé sur ce volet tarifaire. Il est d’autant plus élevé que le prix du DMSM et que les charges du cabinet le sont. 2. Les charges de structure qui sont la part restante des frais de structure qui n’a pas été portée sur le premier poste. 3. Le montant des prestations des soins qui correspond à la valeur ajoutée médicale (revenus + charges sociales + impôts). Ce calcul permet d’ailleurs de mettre en évidence l’insuffisance des honoraires CMU-C non revalorisés depuis 2006 et aujourd’hui « sinistrés ». Certains honoraires s’affichent ainsi avec une prestation de soins négative mesurant la perte sur ces actes. La ventilation des honoraires prothétiques permet ainsi une parfaite information du patient, allant jusqu’à mesurer la qualité du plateau technique justifiant des honoraires plus ou moins élevés. Inversement, le devis légal mettra en évidence le faible prix d’achat du DMSM lorsque sa fabrication est partiellement ou totalement sous-traitée à l’étranger. Par ailleurs, l’UNOCAM, très sourcilleuse sur ces aspects explicatifs du devis, l’a parfaitement accepté et soutenu en signant l’avenant n° 3 à la Convention nationale des chirurgiens-dentistes et une Charte de bonnes pratiques avec la profession.

2.5.5. Réglementation applicable aux prothèses dentaires Le principe de la remise de la documentation visée par le rapport est acté dans la version du devis contenu dans l’avenant n° 3 à la Convention nationale des chirurgiens-dentistes. De plus, la CNSD a mis en place le kit de transparence sur l’origine de la prothèse qui est la préoccupation essentielle des patients.

3. Principaux constats 3.1. Le numerus clausus des études de chirurgie dentaire est contourné par les chirurgiens-dentistes titulaires d'un diplôme étranger obtenu dans l’espace économique européen qui bénéficient de la reconnaissance automatique des qualifications Ce problème de nomadisme des professions médicales n’est pas limité aux seuls chirurgiens-dentistes et concerne aussi les médecins. Il est surtout lié à la formation pléthorique d’étudiants dans d’autres pays qui s’expatrient en raison de l’absence de débouchés. L’ouverture inconsidérée du numerus clausus et l’absence de réglementation européenne sur le sujet vont aboutir au même problème en France, accompagnées d’un envol des dépenses de Sécurité sociale. Il ne faut pas oublier qu’au début des années 2000, un dispositif de départ en retraite anticipé des médecins a été mis en place pour limiter l’envolée des dépenses de santé en réduisant l’offre et donc le nombre de médecins alors pléthorique.

3.2. Le numerus clausus des études de chirurgie dentaire est-il encore justifié ? Le rapport cite plusieurs causes justifiant la limitation de l’accès à la formation : • Une économie administrée par les pouvoirs publics désireuse d’en maîtriser le coût. C’est le cas pour la médecine bucco-dentaire puisque la quasi-totalité des soins conservateurs et chirurgicaux sont opposables. C’est connu, l’augmentation de l’offre se traduit toujours par une augmentation de la demande. Une augmentation des effectifs ne manquera pas d’avoir une incidence sur la consommation de soins d’autant plus que les choix thérapeutiques seraient multipliés et engendreraient des coûts très variables. 9


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• Une durée des études longue qui réduit la visibilité des candidats quant au potentiel du marché de l’emploi et génère des coûts pour les étudiants et pour l’État. C’est le cas pour les étudiants en chirurgie dentaire qui font partie des études les plus coûteuses pour l’État, supérieures à celles des médecins. C’est aussi le cas pour les étudiants : six ans d’études hyper-spécialisées. • Des possibilités de reconversion faibles. C’est le cas pour les chirurgiensdentistes. Quelles possibilités de reconversion auraient-ils en cas de pléthore ? L’hyper-spécialisation professionnelle empêche tout espoir de recon version. Dans le même temps, toutes les études épidémiologiques montrent que les besoins en soins dentaires vont diminuer. • Des risques avérés de demandes induites aux effets non désirés. C’est déjà le cas dans les zones pléthoriques où certaines dérives apparaissent. Le renouvellement des prothèses est, par exemple, plus rapide et plus important dans ces zones que dans les zones sousdotées. • L’organisation par les pouvoirs publics des stages de formation qui suppose une prévisibilité des nouveaux entrants par spécialité. La formation des chirurgiens-dentistes n’est pas seulement théorique. Elle comprend une formation clinique pendant au moins trois ans en centres de soins généralement déficitaires, des stages en milieu hospitalier, des cours communs avec les médecins, un internat qualifiant commun. La suppression du numerus clausus proposée dans le rapport se fonde sur des arguments totalement erronés. Son maintien complété par l’adoption de mesures de régulation pour harmoniser le nombre de praticiens formés et les migrations au niveau européen est au contraire indispensable. 10

3.3. Les modes de rémunération des chirurgiens-dentistes ne sont plus adaptés à la réalité du secteur 3.3.1. La nomenclature des actes dentaires est obsolète C’était exact. Mais elle a été remplacée par la CCAM avec la volonté d’instaurer un catalogue d’actes médicalement justifiés et de les porter à leur juste valeur, ce qui suppose à la fois de définir des bases de remboursement économiquement viables et cohérentes, tant au niveau des soins opposables que des soins prothétiques ou orthodontiques. Seule la première partie de ce travail a été réalisée, le passage s’étant fait à valeur constante, sans modification des bases de remboursement.

3.3.2. Cette nomenclature introduit des distorsions sur le marché des soins dentaires La distorsion est induite par un blocage des bases de remboursement de tous les actes dentaires. Les bases de remboursement de la prothèse et de l’orthodontie n’ont pas été revalorisées d’un centime d’euro depuis mars 1988, soit plus de 26 ans. Dès 1988, le constat de l’insuffisance de la valorisation des soins opposables est fait, débouchant sur un plan d’urgence qui n’a été validé qu’en partie avec la Convention de 1997, dont les effets ont été bloqués aussitôt par l’arrêté Aubry de 1998. En 2006, la revalorisation de quelques actes a porté sur 292 millions d’euros sur les 8 milliards de dépenses dentaires constatées à cette date et encore cela a été financé à 50 % par la profession, par la perte d’avantages sociaux se traduisant par une augmentation des cotisations sociales. Dans les faits, l’augmentation de 2006 n’a porté que sur 3,75 % du chiffre d’affaires global de la profession. On est loin des 30 % de revalorisation en moyenne annoncés dans le rapport. Cette augmentation a permis de donner une « bouffée d’oxygène » aux cabinets dentaires situés dans les zones


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défavorisées, « embolisés » par les soins et pénalisés par une faible demande de prothèse. De plus, la hausse constatée par la Cour des Comptes à cette même période correspond à l’augmentation de la prise en charge des patients bénéficiant de la CMU-C. En pratique, cela se traduit par une augmentation du volume des actes et donc par une augmentation du volume des forfaits CMU-C qui sont techniquement, mais à tort, comptabilisés comme des dépassements dans les statistiques de l’UNCAM. Ces faits ont été confirmés par les instances conventionnelles. Cette distorsion provoque la multiplication de zones très sous-dotées où aucun chirurgien-dentiste ne veut, ni ne peut s’installer, car les cabinets dentaires n’y sont pas économiquement viables. Il est à remarquer que les centres de santé délaissent ces zones pour s’implanter de préférence dans les zones surdotées, où ils pratiquent des honoraires souvent proches de ceux de l’exercice libéral, tout en bénéficiant de subventions leur permettant de fonctionner. Il est tout aussi remarquable de voir que des centres « low-cost » déposent leurs bilans. Pour permettre à un cabinet dentaire de vivre des seuls soins conservateurs et chirurgicaux (opposables), il faudrait doubler leur valeur, ce qui nécessiterait 2 milliards d’euros. C’est incontournable si l’on veut maintenir la médecine bucco-dentaire à un haut niveau de qualité et de sécurité. Il est bien évident qu’une fois ce problème réglé, les honoraires des prothèses dentaires pourraient être régulés. C’est ce que propose la CNSD en préconisant une réforme structurelle et structurante.

3.3.3. Les prix de vente des prothèses dentaires se caractérisent par un manque de transparence Une fois de plus, il convient de préciser que

les chirurgiens-dentistes ne sont pas des revendeurs de prothèses. Le devis légal conventionnel est un instrument qui permet une transparence totale et met en évidence le coût de la prothèse mais aussi du plateau technique. Il est probable que les pistes proposées par les auteurs du rapport manquent de pertinence pour l’emploi des prothésistes dentaires et se traduisent par la perte de plusieurs milliers d’emplois. En effet, si le patient devait faire le choix entre une prothèse à 150 euros et une prothèse importée équivalente à 60 euros, il est vraisemblable qu’il choisirait cette dernière le plus souvent de qualité identique. En revanche, le cout lié au plateau technique du cabinet dentaire ne baissera pas et le coût de la prestation médicale restera stable tant que les soins opposables resteront déficitaires. De plus, l’imbrication entre travail du praticien et travail du prothésiste ne saurait se satisfaire d’une dichotomie aussi simpliste et accélèrerait le recours à la CFAO où la prothèse peut être directement effectuée au fauteuil du chirurgien-dentiste. Il a également été montré que les zones pléthoriques engendrent des honoraires élevés pour assurer la survie des cabinets et un revenu décent au chirurgien-dentiste. Il faut définitivement lever une idée reçue : les chirurgiens-dentistes des zones à honoraires élevés ne sont pas ceux qui ont les plus forts revenus. Mais les chirurgiens-dentistes ne peuvent pas s’installer dans les zones défavorisées, malgré les besoins, en raison de la valeur insuffisante des soins opposables qui ne permettent pas d’assurer l’équilibre financier d’un cabinet. Enfin, certaines valeurs du tableau 12 ne reflètent pas la réalité et jettent, une fois de plus, le discrédit sur ce rapport. Ainsi, les prix moyens des prothèses s’établissent comme suit, sur la base d’informations validées par les organismes complémentaires d’assurance maladie : 11


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• Inlay-core simple : 180 € • Inlay-core clavette : 192 € • Couronne métallique : 280 € • Couronne céramométallique monocouche : 402 € • Couronne céramométallique multicouche : 485 € • Appareil dentaire complet : 1 130 € • Bridge 3 éléments métalliques : 782 € • Bridge 3 éléments céramiques : 1 352 € Il faut aussi oublier les fausses estimations, en particulier fiscales, qui consistent à établir un ratio entre prix du prothésiste et honoraires finaux. Le chirurgien-dentiste calcule simplement ses honoraires en ajoutant, au prix d’achat de la prothèse, ses frais de structure et sa prestation de soins. Dans les faits, le devis légal répond aux préoccupations des auteurs du rapport sans qu’il soit besoin de modifier à nouveau la loi.

3.4. La réglementation applicable à la détention du capital d'une société d'exercice libéral de chirurgiens-dentistes n'est pas cohérente et ne limite pas réellement le nombre de SEL de chirurgiens-dentistes dans lesquelles un chirurgiendentiste peut détenir une participation Cette limitation est en cohérence avec le nombre d’exercices possibles par un même praticien. Les investisseurs ne sont pas des philanthropes. La notion de rentabilité est bien leur seule finalité, à la différence d’un chirurgien-dentiste qui, avant tout, exerce un métier médical qu’il a choisi. Nous en avons acquis la preuve avec le système de gestion des « low-cost » tels Dentexia ou Addentis : perte totale d’indépendance pour les chirurgiens-dentistes salariés soumis à des objectifs de productivité et de rentabilité, choix des patients et sélection des seuls traitements rentables. Le distinguo fait entre indépendance capitalistique, d’exercice et professionnelle, fait preuve d’une belle naïveté. Celui qui paie 12

commande. Cela est bien connu et évident au niveau politico-économique : la France est « souveraine », mais c’est le marché qui commande parce qu’il finance le déficit français. Le recours à des sociétés capitalistiques ne vise qu’à une chose : mettre sous dépendance et salariat une profession qui peut générer une forte valeur ajoutée pour le plus grand bien des investisseurs français ou étrangers qui ne manqueront pas de délocaliser leurs sièges et leurs bénéfices dans quelques paradis fiscaux, alors que les chirurgiens-dentistes génèrent des emplois et paient, eux, leurs impôts en France. Il serait stupide de délocaliser les bénéfices et d’appauvrir encore plus les entrepreneurs français. D’autant plus que ces financiers seraient peu enclins à se perdre dans la France profonde, accentuant d’autant plus la fracture entre ville et campagne et accroissant la désertification dans les zones rurales ou périurbaines.

4. Options de modernisation de la réglementation 4 .1. Options spécifiques à la profession 4.1.1. Augmenter la transparence des coûts des soins prothétiques Elle est déjà acquise par le devis légal dont la méthodologie permet justement de répondre aux préoccupations exposées par le rapport. Il n’y a pas lieu de modifier une nouvelle fois la loi qui a déjà provoqué un vent de fronde et de mécontentement que les auteurs ne soupçonnent pas. Quant à la possibilité de toucher des commissions de leur sous-traitant, il convient de rappeler aux rédacteurs du rapport que les chirurgiens-dentistes sont très attachés à l’éthique et à l’honneur de leur profession. Ils se sentent insultés par de tels propos.


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4.1.2. Réformer la prise en charge des soins dentaires par l’assurance maladie

brage démographique devenu indispensable pour des raisons de santé publique.

La solution passe par la réforme structurelle. C’est un des objectifs du passage en CCAM qui doit constituer une étape pour définir des bases de remboursement de tous les actes en cohérence économique. Il n’était nul besoin de fustiger une profession par des démonstrations économiques qui s’avèrent finalement fausses.

En effet, les chirurgiens-dentistes pourraient s’installer dans les zones défavorisées sans avoir la contrainte de rechercher un équilibre financier par les actes prothétiques ou orthodontiques.

Cela ne pourra se mettre en place que par une volonté politique de prendre les bonnes décisions face au vrai problème.

Structure des honoraires des omnipraticiens 2013 Consultations, visites et prévention 10,7 %

Quantité d’actes

Honoraires totaux

Traitements orthodontiques 3,0 % Radios 3,1 %

4.2. Options communes à d’autres professions La nécessité d’un maintien d’un numerus clausus dans notre profession est justifiée par la réduction des besoins induits par l’efficacité de la prévention. Enfin, l’ouverture aux sociétés capitalistiques serait contraire aux objectifs attendus des patients qui privilégient avant tout la dimension des relations humaines et de confiance avec le praticien qui les conseille et les soigne, mais aussi contraire à l’emploi en France, aux objectifs d’aménagement du territoire et de réduction du déficit.

5. Les propositions de réforme de la CNSD Tous les acteurs s’accordent sur la nécessité de restructurer la médecine bucco-dentaire, dont les bases de remboursement des soins opposables et à entente directe, bloquées ces dernières décennies, sont inadaptées à la réalité économique. L’objectif est de rééquilibrer la structure des honoraires des chirurgiens-dentistes particulièrement déséquilibrée, comme le montre le graphique suivant (source UNCAM), et de permettre ainsi à tout cabinet dentaire de vivre de ses seuls soins conservateurs et chirurgicaux, ce qui induirait un rééquili-

Radios 23,6 %

Traitements orthodontiques Soins 0,6 % prothétiques 12,3 %

Soins conservateurs et chirurgicaux 52,8 %

Soins prothétiques 64,7 %

Soins conservateurs et chirurgicaux 25,8 %

Consultations, visites et prévention 3,4%

Sur 100 € d’honoraires générés par les chirurgiensdentistes, 91 € proviennent des prothèses et des soins conservateurs et chirurgicaux (structure identique à 2012).

De plus, cette obsolescence tarifaire provoque une insuffisance de la prise en charge des soins bucco-dentaires par l’assurance maladie obligatoire et complémentaire, laissant à la charge des ménages près de 3 milliards d’euros (en baisse depuis plusieurs années). En effet, les complémentaires fixent leurs prestations en fonction des bases de remboursement de la Sécurité sociale qui ne couvre plus les frais réels depuis fort longtemps. La même erreur s’est produite récemment avec la fixation des prestations complémentaires minimales à hauteur de 125 % des bases de remboursement dans le cadre de 13


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Le Chirurgien-Dentiste de France no 1636 du 23 octobre 2014

l’Accord Cadre Interprofessionnel. Il en est de même, pour l’ACS, où l’appel à concurrence repose sur trois paliers : 125 %, 225 % et 300 %. En réalité, seul le troisième palier commencera à répondre à la problématique d’amélioration de l’accès aux soins dentaires prothétiques et orthodontiques pour ces populations et encore, pas pour tous les actes. Cette situation provoque une déviance du système de prise en charge qui ne joue plus son rôle de mutualisation du risque. Pour améliorer sa couverture complémentaire, le patient doit alors faire appel à des contrats qui s’apparentent plus à de l’auto assurance, limités très souvent par des plafonds annuels de prestations. La solution passe par la définition de prestations complémentaires a minima qui ne sauraient être inférieures aux tarifs CMU-C, à la condition expresse qu’ils soient revalorisés à un niveau économiquement viable pour compenser, là aussi, 8 ans de blocage.

L’idéal, pour une meilleure mutualisation du risque, serait donc de fixer des bases de remboursement à un niveau économiquement viable, tant pour les soins opposables que pour les soins à entente directe. Compte tenu de la situation financière de l’assurance maladie obligatoire qui ne pourra aller au-delà de l’enveloppe budgétaire actuelle, il sera nécessaire de trouver le financement auprès de l’assurance maladie complémentaire et d’adapter le ticket modérateur en fonction. Par ailleurs, le rapport d’activité 2013 du Fonds CMU fait état d’un coût annuel par bénéficiaire de 25,78 € pour le ticket modérateur, de 50,95 € pour les forfaits CMU-C prothèse dentaire et de 8,27 € pour l’orthodontie, soit en moyenne 7 € par mois et par bénéficiaire. C’est la démonstration que la mutualisation d’un panier de soins dentaires sur une large population est possible pour un coût relativement modique et, dans tous les cas, à la portée des assureurs complémentaires eu égard aux cotisations ou primes demandées. Qui plus est, le niveau de prestations offert par cette complémentaire d’État est très largement supérieur à celui de la majorité des contrats complémentaires. De même, le rapport 2013 de la DREES sur la situation financière des organismes complémentaires fait état de frais de gestion estimés à 20,80 % pour les mutuelles, 39,10 % pour les sociétés d’assurances et 17,90 % pour les institutions de prévoyance. Certaines sources citent 25 % de frais de gestion, alors que l’assurance maladie n’en dépense que 3,4 %. Ainsi, sur 32 milliards de primes ou cotisations encaissées, entre 6,2 milliards (source DREES) et 8 milliards d’euros partent en frais de gestion qui se nourrissent en grande partie de la concurrence effrénée entre complémentaires liée aux bases de remboursement inadaptées du buccodentaire.

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La fixation de bases de remboursement viables économiquement permettrait d’améliorer l’accès aux soins des patients, leur donnerait une meilleure visibilité des prestations complémentaires, permettrait une meilleure mutualisation du risque et diminuerait les frais de gestion des complémentaires qui, en se calquant sur les bases de remboursement, seraient ainsi dispensées de développer des systèmes de gestion spécifiques et fort coûteux. Ces sommes seraient mieux employées à améliorer la prise en charge des soins bucco-dentaires qui, de toute façon, ont un coût incompressible, sauf à diminuer la qualité ou la sécurité de ces soins. Il y a dans les frais de gestion des organismes complémentaires un vrai gisement qui permettrait de redonner véritablement du pouvoir d’achat aux Français.

6. Conclusion Ce rapport de l’IGF, bâti sur des hypothèses fausses, fait preuve d’une grande méconnaissance de notre profession médicale. Tout d’abord, l’amalgame fait entre omnipraticiens et spécialistes ODF biaise dès le départ les conclusions. Ce sont les spécialistes ODF qui tirent la moyenne des revenus vers le haut et les omnipraticiens qui sont visés par les préconisations du rapport sur les actes de soins prothétiques. À l’évidence, les auteurs du rapport ont du mal à appréhender l’exercice libéral qui ne tombe pas exactement dans les schémas économiques convenus. Certaines distorsions comparatives entre l’économie traditionnelle et l’économie de nos très petites entreprises libérales sont à mettre en exergue. En particulier, le temps de travail n’est jamais évoqué, alors qu’il ne fait aucun doute que le niveau des revenus est aussi la conséquence du temps de travail qui est largement supérieur à la norme admise des 35 heures, mais aussi la compensation du différentiel existant dans la protection sociale.

En tenant compte de tous ces paramètres, le niveau des revenus moyens des chirurgiens-dentistes n’est certainement pas quatre fois supérieur au niveau des revenus moyens des Français, mais plus proche de deux, ce qui, somme toute, est en cohérence avec le niveau d’études, de qualification et de responsabilité des chirurgiensdentistes. Le rapport de l’IGF fait essentiellement trois préconisations : - La première concerne les actes prothétiques et les besoins de transparence Cette préconisation est déjà satisfaite par l’application du devis légal voulu par le Parlement qui ventile, selon une méthode comptable incontestable, les honoraires prothétiques en une partie prothétique, charges de structure et valeur ajoutée médicale. Aller au-delà poserait des problèmes de responsabilité dans l’exécution de l’acte prothétique, faciliterait l’exercice illégal et favoriserait l’importation des prothèses dentaires étrangères, détruisant un peu plus l’emploi en France. - La seconde concerne l’ouverture du capital des sociétés d’exercice L’outil de travail doit rester entre les mains des professions médicales pour des raisons d’éthique et d’indépendance d’une profession médicale, de préservation de la qualité des soins et d’accès aux soins sur tout le territoire. Les tentatives détournées d’ingérence des financiers dans la profession, par l’intermédiaire de pseudo « centres de santé », sont catastrophiques en termes de qualité des soins et de santé publique. De plus, non soumises à la déontologie des salariés médicaux qu’elles emploieraient, elles pourraient tout se permettre, entraînant des dérives mais aussi des conflits d’intérêts selon le détenteur du capital. Quoi qu’il en soit, les objectifs financiers et la politique de soins pourraient être définis par des non médicaux, peu préoccupés de santé publique. 15


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Le Chirurgien-Dentiste de France no 1636 du 23 octobre 2014

- Le troisième concerne la suppression du numerus clausus La démonstration a été faite de la règle singulière où la pléthore de praticiens, loin de faire baisser les prix, les maintient bien au contraire à un niveau élevé tout en diminuant les revenus moyens du praticien. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas dans les régions où les tarifs sont les plus chers que les praticiens ont les revenus les plus élevés. Une fois de plus, le rapport tombe dans le piège de la politique de revenus qui a conduit à la situation actuelle, désastreuse pour l’accès aux soins des patients. C’est au nom de cette politique de revenus que les tarifs sont restés bloqués ces dernières décennies. Résultat : les soins opposables sont déficitaires et les chirurgiens-dentistes n’ont pas d’autres solutions que de répercuter

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l’augmentation régulière des charges et obligations sur le seul secteur resté libre, et, au final, se voir affubler du vocable péjoratif de revendeur de prothèse. Non, les chirurgiens-dentistes ne sont pas des commerçants. Non, les chirurgiens-dentistes ne veulent pas faire les frais de l’incurie des responsables politiques des 26 dernières années. Oui, ils tiennent plus que tout à la médicalité de leur profession, à l’accès aux soins de leurs patients et à la qualité des soins qu’ils prodiguent. Mais, échaudés par des promesses jamais tenues, ils n’accepteront aucune modification de leur exercice, sans au préalable une réforme structurelle et structurante de leur exercice.


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Confédération Nationale des Syndicats Dentaires 54 rue Ampère 75017 Paris Tél. : 01 56 79 20 20 - Fax : 01 56 79 20 25 www.cnsd.fr Contact CDF : cdf@cnsd.fr


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