Les fêtes de l'Eternel - Jean-Marc Thobois

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JEAN-MARC THOBOIS

Les fêtes de l’Éternel

L’ombre des choses à venir dans le calendrier divin

©2009, Emeth Éditions

CLC–BP 9–F-26216 Montélimar Cedex emeth@clcfrance.com – www.emeth-editions.com

ISBN : 979-10-97546-34-2 (papier) / 979-10-97546-35-9 (epub)

Les versets bibliques sont tirés de la Bible version Colombe.

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Diffusé au Canada par CLC Canada

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Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, totale ou partielle, par voie électronique, mécanique ou autre, ainsi que tout enregistrement ou photocopie, sont interdits sans le consentement préalable de l’éditeur.

Couverture : Jennyfer Val / Adobe Stock

Texte adapté par Aurélie Lalire

Dépôt légal : mai 2024

Impression n°xxxxxxxxx (avril 2024) • IMEAF

Mots clefs : alliance, christianisme, fête, Israël, judaïsme, juif

JEAN-MARC THOBOIS

Les fêtes de l’Éternel

L’ombre des choses à venir dans le calendrier divin

À

mes parents, Pierre et Agnès Thobois

Table des matières

Table des matières 5
Préface ........................................................................................7 Les fêtes bibliques .......................................................................9 Le shabbat ................................................................................19 Pessah : Pâque............................................................................35 Shavouot : Pentecôte ..................................................................51 Tisha Béav ................................................................................63 La fête des Shofars .....................................................................69 Yom Kippour .............................................................................79 Souccot......................................................................................89 Hanoucca ................................................................................105 Tou Bi Shevat ..........................................................................119 Pourim ...................................................................................127

Préface

Comme l’écrit si bien Jean-Marc Thobois dans son introduction, quelle importance le sujet de ce livre peut-il avoir pour le chrétien ?

Il suffit de s’interroger sur le titre de ce livre lui-même pour commencer à discerner la bonne réponse à cette question.

En effet, si en lisant le titre Les fêtes de l’Éternel, vous comprenez « Les fêtes juives », votre interprétation risque de vous entraîner subrepticement vers une séparation entre les branches naturelles et les branches greffées de l’olivier que l’on trouve dans l’épître aux Romains. Après tout, si les Juifs ont leurs fêtes, les chrétiens ont les leurs et il n’y a pas vraiment de rapport entre elles !

Dès lors, ce livre peut vous aider à mieux comprendre la théologie sournoise du remplacement qui a gangrené peu à peu l’Église au point de lui faire croire qu’elle avait remplacé Israël dans le cœur du Créateur.

Si en lisant le titre de ce livre, vous comprenez « Les fêtes bibliques », votre curiosité peut éventuellement vous inciter à l’ouvrir. Vous serez amené à chercher à comprendre en quoi ces fêtes sont plus bibliques que d’autres et quel est l’intérêt pour un chrétien de creuser dans la Bible pour en comprendre le sens caché.

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Vous y découvrirez alors les secrets que l’Éternel veut dévoiler à son peuple (Juifs et non-Juifs) pour que chacun puisse se situer dans le calendrier de Dieu.

Les fêtes deviendront alors pour vous des indicateurs, en quelque sorte, pour comprendre le plan prévu de toute éternité. Plan de salut, plan de rédemption, plan d’enlèvement de l’Église et plan d’établissement du Royaume.

En revanche, si en lisant le titre de ce livre, vous comprenez « Les fêtes de l’Éternel », alors vous êtes sur la bonne voie ! Un peu comme dans le jeu d’enfant où nous cachions un objet quelque part et les participants devaient le chercher. Pour les guider, il suffisait de leur donner quelques indications comme « Tu es froid ! » ou bien « Tu es chaud ! » quand on s’approchait de la cachette convoitée.

Ces célébrations qui ponctuent l’année juive sont en effet des rendez-vous de l’Éternel avec son peuple et cachent des liturgies parfois surprenantes, des mystères de Dieu pour notre temps.

Le Seigneur nous attend à Pessah pour nous révéler son amour, manifesté par le sacrifice parfait de Yeshoua. Un peu plus tard dans l’année, il nous donne d’autres rendez-vous. Allons-nous nous préparer pour courir à sa rencontre lors des prochaines invitations ?

C’est là le contenu de ce livre, qui arrive au bon moment. C’est le temps où l’Église s’interroge sur les racines de sa foi. Les fêtes juives, bibliques de l’Éternel veulent vous aider à mieux saisir le sens du message divin.

Alors, merci à Jean-Marc Thobois d’avoir apporté, par ce livre, l’éclairage indispensable pour comprendre le sens caché des fêtes de l’Éternel. Que l’Esprit Saint vous accompagne à travers ce livre pour préparer votre cœur à la rencontre du Seigneur qui revient bientôt.

Les fêtes de
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l’Éternel

Les fêtes bibliques

Les fêtes bibliques 9
Calendrier des fêtes juives.

Quelle

importance ce sujet peut-il avoir pour le chrétien ? Selon certains en effet, « nous ne sommes plus sous la loi mais sous la grâce », par conséquent toutes ces questions rituelles « évoquées » dans l’Ancien Testament ne nous concernent plus.

D’autres pourront craindre, en abordant la lecture d’un tel ouvrage, qu’on cherche à « judaïser », à revenir sous la loi. Toutes ces raisons pourraient entraîner de nombreux chrétiens à se désintéresser totalement d’un pareil sujet.

Pourquoi donc écrire au sujet des fêtes de l’Éternel ? Nous lisons dans Colossiens 2.16-17 que ces fêtes, tout comme les autres rites décrits dans la Torah, étaient l’ombre des choses à venir, et la réalité est dans le Messie.

L’ombre des choses à venir n’est évidemment pas la réalité, mais elle nous conduit vers elle et nous permet de mieux la comprendre. La raison pour laquelle il est parfois difficile de saisir la réalité, c’est que nous n’avons pas percé le sens prophétique des fêtes de l’Éternel. C’est justement ce sens que nous voulons essayer de définir pour parvenir à saisir la réalité contenue dans le Messie. Il n’est donc pas question de revenir « sous la loi », encore moins de « judaïser », mais de mieux comprendre notre foi chrétienne, de mieux comprendre les racines qui nous portent dont parle l’apôtre Paul et, par conséquent, de mieux discerner tout ce qui dans la nouvelle alliance est réalisé par le Messie Jésus.

Les fêtes de l’Éternel sont décrites dans trois textes essentiels : Lévitique 23, Nombres 28, ainsi que Deutéronome 16.1-16, chapitre 29. Ces fêtes sont dans l’ordre : Shabbat, Pessah (Pâque), Shavouot (Pentecôte), la fête du septième mois : la fête des Shofars, le jour de Kippour et la fête de Souccot1 .

1 NDE : Appelée aussi fête des Huttes, des Cabanes ou encore des Tabernacles.

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À ces fêtes décrites dans ces textes s’en ajoutent deux autres :

• Pourim, qui est intervenue à la fin de la période du premier temple, célèbre la délivrance réalisée par Dieu par l’intermédiaire de la reine Esther et du Juif Mardochée ;

• Hanoucca, c’est-à-dire la fête de l’Inauguration, ou de la Dédicace (ou encore des Lumières). Absente de l’Ancien Testament, elle est citée seulement dans le Nouveau Testament dans l’Évangile de Jean au chapitre 10 verset 22, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.

À cela s’ajoute une dernière commémoration en souvenir de la destruction des deux temples, le 9 av1, les deux temples ayant été détruits, par une étrange coïncidence, le même jour de l’année.

Le sens du mot « fête »

Les fêtes bibliques ne sont pas exactement ce que nous entendons par ce mot dans notre langue française. Elles sont en fait qualifiées en hébreu de moadim, mot qui signifie littéralement : temps mis à part, moment fixé par Dieu pour un rendez-vous avec son peuple, convocation sainte.

En effet, Dieu sanctifie le temps comme il sanctifie l’espace ou des hommes. Ainsi, la terre d’Israël, mise à part par Dieu, devient terre sainte. Jérusalem comprend un degré de sainteté supérieur, et l’emplacement du temple, un degré de sainteté supplémentaire. Car Dieu sanctifie l’espace.

Dieu est celui qui sanctifie les hommes. Ainsi, de tous les peuples de la terre, Israël est mis à part pour être un peuple saint. À l’intérieur de la nation d’Israël, la tribu de Lévi est mise à part comme tribu sacerdotale. À l’intérieur de la tribu de Lévi, les prêtres sont aussi un clan sanctifié et mis à part. Enfin, au sein des prêtres, le

1 NDE : Av est le cinquième mois de l’année juive à partir du mois de nissan.

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Grand Prêtre jouit d’un statut supérieur de sainteté. Dieu est celui qui sanctifie les hommes.

Puis, Dieu sanctifie le temps. Il met à part des moments pour que l’homme cesse ses activités, sorte de ses préoccupations quotidiennes et qu’il se consacre entièrement à chercher Dieu, et à le trouver. Ces temps mis à part et sanctifiés par Dieu sont en relation avec la sanctification de l’espace et des hommes.

Ainsi, à l’occasion de trois rencontres qui forment les moments les plus importants de l’année, à savoir Pessah, Shavouot et Souccot, tout Israélite doit se rendre dans la ville sainte de Jérusalem pour célébrer ce temps mis à part, et cela sous la direction des hommes consacrés et sanctifiés que sont les prêtres.

Certes, on peut rencontrer Dieu en tout temps et en tout lieu, mais il y a des temps favorables où l’homme met son cœur tout entier et ses moyens à rechercher Dieu (cf. Ésaïe 45). Et c’est cette réalité psychologique de l’homme que Dieu a prise en compte en fixant à son peuple des rendez-vous qui ponctuent le cycle de l’année.

« Souviens-toi ! »

Ces rendez-vous divins sont en lien direct avec le calendrier agricole.

Sur sa terre, le peuple juif était un peuple d’agriculteurs, par conséquent sa vie était rythmée par le cycle des saisons. Chaque fête a une résonance à la fois agricole et spirituelle, tant il est vrai que Dieu est le maître des récoltes et qu’il donne la subsistance à son peuple. Chercher Dieu, c’est non seulement obtenir une bénédiction spirituelle mais aussi une bénédiction matérielle, parce que c’est dans la mesure où le peuple d’Israël se conforme à la législation que l’Éternel lui a donnée, la Torah, qu’il sera béni dans ses champs, qu’il sera béni dans ses vignes et que Dieu donnera la pluie en son temps.

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Aller à Jérusalem à l’occasion des fêtes pour y chercher la face de Dieu, la voir et recevoir ainsi sa bénédiction, comme le dit la Torah, est aussi la condition de la bénédiction matérielle. En effet, pour la Bible, bénédiction spirituelle et bénédiction matérielle sont un tout, Dieu voulant le meilleur pour les siens. Dieu veut le bonheur de son peuple, le shalom comme on dit en hébreu, c’està-dire la plénitude, la paix.

Ces rendez-vous de Dieu ont un but pédagogique et mémoriel. La foi biblique repose sur deux certitudes. L’une d’entre elles est que Dieu est intervenu dans le passé pour délivrer son peuple de la servitude de l’Égypte et l’amener dans la terre promise.

Si Dieu l’a fait dans le passé, il peut le faire aujourd’hui et il pourra le faire dans l’avenir. D’ailleurs, le peuple d’Israël attend la grande délivrance finale, qui ne sera qu’une réédition de ce que Dieu a fait au commencement de l’histoire du peuple. Dieu le fera sortir de l’esclavage du péché, de la mort, pour l’amener dans un bonheur parfait.

Dans l’attente de cette rédemption, le peuple d’Israël est un peuple qui se souvient. Israël est le peuple de la mémoire. Il est, de tous les peuples de la terre, celui qui a développé une mémoire phénoménale, avec pour origine le rite et le culte, prescrits par le Seigneur et qui lui permettent de se souvenir à perpétuité.

Pour la Bible, se souvenir, ce n’est pas seulement évoquer un passé mort, c’est faire revivre ce passé, le réactualiser, car Dieu est celui qui était mais aussi celui qui est, c’est-à-dire que ce qu’il a fait hier, il peut le refaire aujourd’hui. Et lorsque je me souviens, lorsque je rappelle les actes de délivrances que Dieu a accomplis dans le passé, je m’attends à ce que le Seigneur les réactualise et les réédite dans mon quotidien, dans mon aujourd’hui.

On objectera la parole de Jésus à la Samaritaine en Jean 4.21, 23 :

« 21 L’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. [...] 23 L’heure vient

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– et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité. »

Ce passage est très souvent cité pour prouver que Jésus a aboli toute notion de sanctification de l’espace, du temps et des hommes.

En réalité, on oublie le fait que lorsque Jésus a dit cela, il revenait de Jérusalem où il venait de célébrer Pessah. Il y a donc ici une vision occidentale de l’allégorie, tant il est vrai que pour le judaïsme, pour Israël et donc pour Jésus, l’allégorie n’annule pas le sens premier, les deux choses étant complémentaires. Ces propos de Jésus peuvent être compris à la lumière de ce que disaient les sages d’Israël, à savoir : « Quand tu entres dans le temple terrestre, que ce soit comme si ton âme entrait dans le temple céleste ».

Il existe dans le judaïsme jusqu’à nos jours la notion de kavana, l’intention. Le rite extérieur ne suffit pas, encore faut-il que le cœur soit tout entier consacré dans ce que symbolise le rite pour que ce dernier ait une valeur. Ce sont les pères grecs et latins de l’Église qui, en bons occidentaux qu’ils étaient, ont estimé que l’allégorie annulait la réalité, donc le sens premier. Au nom de cette vision du culte « en esprit et en vérité », ils ont estimé que le culte chrétien devait être entièrement dépouillé de tout rite, de toute manifestation basée sur des symboles, des gestes, des temps, etc. Ainsi, l’habitude fut prise de ne plus célébrer aucune fête. Cette tentation, basée sur une mauvaise compréhension de ce que Jésus appelle le « culte en esprit et en vérité », est récurrente dans l’histoire de l’Église. L’un des objectifs de la Réforme protestante du xvie siècle et de tous les réveils qui l’ont suivie fut le suivant : enlever tout rite, toute tradition et toute liturgie.

Des points de repère pour l’homme

Or, on s’est rendu compte rapidement que l’homme, qui n’est pas un pur esprit seulement mais aussi un corps, avait besoin de points de repère. Il est tout à fait utopique de dire que l’homme

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peut se passer de traditions et que les églises peuvent exister sans traditions. Chaque groupe humain a ses traditions, sa « liturgie », qu’on le reconnaisse ou non.

S’il n’y a pas de liturgie officielle, il y en aura une qui se fera spontanément par la coutume, c’est-à-dire par la tradition.

Après ce désir de « dé-ritualisation du christianisme », les responsables se sont rendu compte que le christianisme perdait ses points de repère. Par conséquent, après un premier temps de déjudaïsation, il a fallu « re-judaïser » le christianisme. C’est ainsi qu’après avoir aboli les fêtes bibliques, on a introduit des fêtes qui ne l’étaient pas. Exemple : la fête de Noël, qui est le pendant de la fête juive de Hanoucca.

On connaît l’interminable querelle relative à la date de Pâque, qui divisa l’Église ancienne jusqu’à la période de Nicée. Le conflit opposait ceux qui pensaient que les chrétiens devaient célébrer Pâque à la même époque que les Juifs, à savoir le 14e jour du mois de nissan et ceux qui, conduits par l’Église romaine, voulaient découpler la Pâque juive et la Pâque chrétienne. Cette tradition, officialisée finalement à Nicée, est encore en vigueur de nos jours, de telle sorte qu’il est rare que la Pâque juive et la Pâque chrétienne coïncident. À partir du moment où l’on découpla les Pâques chrétienne et juive, il en fut rapidement de même pour Pentecôte et Shavouot. Il n’est pas jusqu’aux jeûnes mineurs, qui ne sont plus guère respectés aujourd’hui par la majorité des catholiques, tel que le jeûne de quadragésime ou sexagésime, etc. qui ne soient pas le pendant des jeûnes mineurs qu’on trouve dans le judaïsme.

À partir du ier siècle de l’ère chrétienne, l’Église a voulu devenir le nouvel Israël. C’est la raison pour laquelle elle s’est re-judaïsée, après s’être d’abord dé-judaïsée. Néanmoins, le nouvel Israël était en fait un autre Israël.

De plus, il est tout à fait surprenant de constater que nombre de chrétiens, qui s’en prennent aux fêtes dites « juives », et qui sont

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en fait des fêtes bibliques, au nom du culte « en esprit et en vérité », célèbrent avec faste la fête de Noël par exemple, dont il n’est question nulle part ni dans l’Ancien, ni dans le Nouveau Testament.

Les fêtes bibliques ont aussi un rôle pédagogique : « Tu enseigneras à tes enfants » (Deutéronome 6.7, 11.19). Si l’être humain a besoin de points de repère, l’enfant en a davantage besoin encore. Pour l’enfant, le caractère nouveau des jours consacrés est l’occasion d’une question. C’est ainsi que la mémoire de l’enfant peut se former progressivement, le faisant entrer dans la perspective voulue par le Seigneur.

Enfin, les fêtes ont un sens spirituel et prophétique. Ces fêtes sont tout entières tendues vers l’accomplissement des choses dernières, ce que l’on appelle le tikoun olam, la réparation du monde, qui a commencé lorsque le péché a fait irruption dans le jardin d’Éden. C’est le Messie lui-même qui réparera le monde. L’intervention du Messie au dernier jour aura pour résultat le rétablissement de toutes choses dont parle Pierre (Actes 3 ; Romains 8). Ce rétablissement de toutes choses sera un retour à la situation initiale de l’Éden, ce sera l’époque messianique où ciel et terre se rencontreront. Les fêtes de l’Éternel, notamment la dernière, Souccot, a pour visée l’anticipation du rétablissement de toutes choses.

Le cycle annuel des fêtes, qui commence par la sortie d’Égypte à Pessah, c’est-à-dire le premier acte libérateur de Dieu, est un cheminement dans le temps marqué par des étapes de l’intervention de Dieu, comme la Pentecôte, cinquante jours après, rappelant le don de la Torah au peuple d’Israël, pour aboutir au temps de la rédemption finale avec la dernière fête qui est célébrée dans le calendrier biblique, à savoir la fête de Souccot, la fête des tabernacles, qui marque l’avènement des temps messianiques.

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Les fêtes et le chrétien

Mais, revenons maintenant à la question que nous avons posée au commencement de ce livre. Quel peut être l’intérêt de ces fêtes pour le chrétien aujourd’hui ?

Lorsque nous lisons Éphésiens 2, nous nous rendons compte que la culture biblique n’est pas une culture étrangère pour le chrétien. La culture n’est pas quelque chose de neutre. Mais la culture biblique est la seule qui ait une approbation divine. Toutes les autres cultures sont le reflet de la civilisation qui les a élaborées. Par conséquent, elles sont plus ou moins marquées par le péché. Seule la culture biblique, qu’elle ait été ou non appliquée par le peuple d’Israël, ou qu’elle l’ait été imparfaitement, ne change rien au fait que c’est la seule culture que Dieu reconnaisse, qu’il approuve et qui soit remplie de toute sa sagesse. Certes, il est bien clair et il est bien évident que le non-juif n’est en rien obligé par cette culture, par ces traditions et par ces rites. Il est bien clair, selon l’enseignement du Nouveau Testament, que nous n’avons pas à pratiquer ces choses d’une manière précise comme le peuple d’Israël devait le faire, ne serait-ce que parce que l’essentiel de ces rites ne peut être accompli d’une manière véritable que sur la terre d’Israël. Mais nous avons à apprendre et à comprendre le sens profond, le sens spirituel de ces choses. Nous avons à en comprendre non seulement la signification spirituelle, mais aussi leur sens prophétique, ce qui nous permettra de mieux connaître la culture dans laquelle nous sommes impliqués car, qu’on le veuille ou non, à partir du moment où quelqu’un se tourne vers Jésus, le Messie d’Israël, autant que le Sauveur des nations, il va devoir acquérir un minimum de culture biblique, c’est-à-dire de culture juive, sinon, il va rester étranger à sa foi. Or, dit Paul en Éphésiens 2 : « Vous n’êtes plus des étrangers ni des gens du dehors, mais vous êtes concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu ». En tant que chrétiens des nations, nous sommes greffés sur l’olivier d’Israël et par conséquent sur les racines d’Israël. Notre foi ne peut nous être compréhensible que dans la mesure où

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nous comprenons ce que sont les racines qui nous portent. C’est le but de cet ouvrage, nous aider à mieux comprendre nos racines, donc à porter davantage de fruits.

Dernier point : la position personnelle de Luc sur ce sujet. Il est deux textes clefs, Actes 20.6 et Actes 27.9 où Luc cite deux fêtes : Pessah (Pâque) et le jeûne, c’est-à-dire le jeûne de Yom Kippour. La manière dont Luc cite ces deux fêtes montre qu’il était familier au moins avec l’esprit de ces deux fêtes et qu’elles n’étaient pas pour lui des réalités étrangères, comme c’est le cas malheureusement pour beaucoup de chrétiens aujourd’hui. Luc connaissait parfaitement les rites du shabbat, comme nous le voyons dans ses deux écrits, aussi bien l’évangile que le livre des Actes. Il est intéressant de constater que Luc, le seul auteur non-juif de toute la Bible, avait une connaissance absolument phénoménale du judaïsme de son temps, mais aussi un respect et une grande admiration pour la Torah d’Israël et pour le peuple d’Israël. Est-ce que cet exemple ne devrait pas nous interpeller ? Si ce non-juif, compagnon de Paul, qui s’inscrivait à fond dans la perspective de la théologie de Paul avait une telle attitude, alors cette attitude ne devrait-elle pas être aussi la nôtre ?

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Le shabbat

La table du shabbat - Crédit photo : AdobeStock

La première fête dont il est question dans les textes que nous avons évoqués n’est autre que le shabbat. En lisant le texte de Genèse 2.1-3 et Exode 20.8-11, nous trouvons la mention du shabbat pour la première fois dans la Bible, et nous constatons que le premier à être intéressé par cette notion, c’est Dieu lui-même. C’est lui le premier qui entre dans le shabbat, d’où la nécessité d’en définir le sens. Le premier point à noter, c’est qu’il n’est nulle part question de repos dans le texte original ; le mot shabbat n’a pas ce sens. Ne serait-ce que parce que c’est Dieu qui est intéressé par le shabbat.

Or, en Ésaïe 40.28b, il est écrit : « Dieu ne se fatigue ni ne se lasse ». Il n’a donc pas besoin de repos. Le mot shabbat signifie « cesser volontairement de travailler », alors qu’on aurait pu continuer cette activité.

On cesse donc de travailler volontairement. C’est un peu le sens du mot « grève ». Si aujourd’hui une association est faite entre shabbat et repos, cette association n’est pas dans le texte original.

Un autre sens du mot shabbat est celui d’« être assis » : « Qu’il est bon pour des frères d’être assis ensemble » (Psaumes 133.1). Quand on est assis, on ne travaille pas, du moins dans le sens ancien du terme, ce qui est différent de nos jours. Pour le travail intellectuel ou le travail de bureau, on est le plus souvent assis. Ce n’était pas le cas à l’époque antique. Travailler, c’était pratiquer essentiellement une activité manuelle, donc automatiquement quelque chose qui nécessitait la station debout.

Il existe une signification supplémentaire du mot shabbat, qui signifie « habiter ».

Dieu cesse donc de travailler, de créer. Le septième jour, il arrête son labeur, il se retire pour permettre à l’homme d’agir. En quelque sorte, il laisse place à l’action de l’homme dans ce monde, sur la création qu’il lui a confiée. On trouve l’idée d’une bénédiction de Dieu, car il est écrit : Dieu a béni ce jour et l’a sanctifié. Dans le

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récit de la Genèse, Dieu bénit deux autres réalités. Premièrement, les animaux lors de la création en leur disant : « Soyez féconds, multipliez-vous » (Genèse 1.22a).

On peut faire un parallèle avec l’homme, deuxième réalité que Dieu bénit (Genèse 1.28).

Le shabbat, une bénédiction

Quand l’homme et la femme sont créés, il est dit : « Dieu les bénit » (Genèse 1.28), et Dieu leur donne le même ordre que celui qu’il a donné aux animaux la veille : « Soyez féconds, multipliezvous, remplissez la terre ». Mais il ajoute : « Soumettez-la ». Il y a là une relation avec le shabbat. Le septième jour est un jour béni. Cette bénédiction, nous la trouvons en relation avec l’ordre que le Seigneur a donné à l’homme et à la femme. Dieu se retire de la création pour permettre à l’homme d’agir.

Comme l’homme est l’image de Dieu et que Dieu s’est reposé le septième jour des œuvres qu’il a faites, l’homme doit aussi se reposer le septième jour de ses œuvres.

Il existe une autre vocation de l’homme, celle de dominer sur la création. Sa domination est limitée : il ne peut dominer ni sur le jour, ni sur la nuit, ni sur le cycle des saisons, ni contrôler sa propre vie. Bien des réalités de ce monde sont incontrôlables par l’homme, mais il va exercer une domination sur ses œuvres à lui, sur ce qu’il crée, c’est-à-dire sur le fruit de son travail.

Le shabbat est donc le jour où l’homme va dominer sur l’œuvre de ses mains et non pas être dominé par elle. C’est particulièrement vrai depuis la chute. Depuis que le péché est entré dans le monde, l’homme est devenu esclave de son travail, de la nature et ce n’est pas dans la lutte continuelle avec son environnement qu’il va pouvoir subsister. La relation entre l’homme et la nature est conflictuelle, ce qui le conduit bien souvent à être esclave de l’œuvre même de ses mains.

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Cette réalité est particulièrement vraie de nos jours, où l’homme est souvent esclave de son emploi du temps, de ses impératifs professionnels, des machines censées être à son service. Le shabbat est le jour où l’homme sort de cette domination, sort de cet esclavage et redevient un homme libre pour dominer sur l’œuvre de ses mains et ne plus être dominé par elle. Il peut alors en disposer, en jouir ; c’est le sens profond du shabbat. L’homme redevient véritablement ce que Dieu l’a appelé à être, c’est-à-dire roi de la création, celui qui domine sur la création.

Un jour saint

Il est dit au verset 3a : « Dieu bénit le septième jour et le sanctifia » (Genèse 2.3a). Sanctifier, dans notre langue moderne, signifie une perfection morale. Or, dans le texte original, cela signifie simplement mis à part pour être consacré à Dieu. Ainsi le shabbat est le premier des moadins, des temps mis à part pour rencontrer Dieu. C’est un moment saint, séparé, mis à part, qui devient par conséquent radicalement différent des autres moment de la vie quotidienne.

C’est pourquoi, il faut cesser de se préoccuper de son travail, de sa manière de vivre ordinaire et se consacrer au Seigneur, comme il est écrit en Ésaïe 55.6 : « Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve ; Invoquez-le, tandis qu’il est près. » Dieu sait que l’homme est souvent prisonnier de ses préoccupations, de ses soucis, de ses activités qui lui voilent sa face et l’empêchent de le chercher. D’où la nécessité de sanctifier des temps pendant lesquels l’homme peut sortir de ses préoccupations habituelles pour se tourner vers Dieu. Cette rencontre avec le Seigneur constitue une adoration. « Adorer Dieu », en hébreu, se dit de la même manière que « travailler ». On pourrait dire que celui qui adore Dieu, travaille pour Dieu. On peut aussi traduire ce mot par « service ». C’est justement ce qui est proscrit par le livre de l’Exode ; il faut cesser le jour du

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shabbat tout travail servile qui rapporte quelque chose, qui est en rapport avec l’économie de ce monde-ci.

En revanche, il est possible de faire un travail gratuit qui n’a aucun intérêt pour l’homme par rapport à cette vie-ci. C’est le propre du travail pour Dieu, comme disait Satan : « Est-ce d’une manière désintéressée que Job craint Dieu ? » (Job 1.9). Tout le message du livre de Job démontre que celui-ci sert Dieu pour rien, simplement par amour pour lui, animé d’un élan vers le Seigneur, bien que cela ne lui rapporte rien. C’est un travail, une activité gratuite. Par conséquent, ce temps mis à part est privilégié pour la rencontre avec Dieu, c’est le temps où l’homme se rend disponible pour cette rencontre.

Temps sanctifié pour Dieu, mais également pour l’autre, car c’est un temps de paix.

Depuis la chute, l’homme n’est plus en paix. Il trouve dans la nature une ennemie à dominer et dans son prochain également. Pour Job, c’est sa propre femme qui devient justement une personne à dominer. Les animaux avec lesquels l’homme vivait en harmonie sont devenus hostiles, et avec Dieu lui-même, l’homme n’est plus en paix.

Le shabbat est le rétablissement provisoire de cette paix. L’homme rencontre Dieu dans une relation qui n’est pas une relation d’utilitarisme, car tout utilitarisme entraîne une certaine violence, un antagonisme, mais justement c’est un temps où l’on peut être aussi en paix avec son prochain, car le shabbat permet la rencontre avec l’autre. La famille peut alors se reconstituer. Le Psaume 133 met bien en évidence ce temps de communion.

Un temps de communion

Que représente cette communion ? Ce sont des moments où l’on prend le temps de vivre. Aujourd’hui, l’homme n’a plus le temps de vivre. Le shabbat, tel que la Bible nous le propose, est

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fondamentalement différent de ce que l’homme appelle loisirs. Notre société moderne a remplacé le shabbat par le week-end, réalité qui peut sembler proche mais qui est totalement différente.

Le shabbat est un temps où la cellule familiale se retrouve, où l’on peut prendre le temps de s’écouter, de dialoguer, ce qui est moins faisable en semaine. C’est un temps pour rencontrer ses frères et sœurs dans une relation véritablement fraternelle.

C’est un moment où s’établit une relation harmonieuse avec la nature qui cessera un jour d’être une réalité que je dois soumettre, à laquelle je dois faire violence, que je dois contraindre pour qu’elle me donne ma nourriture. Dans la tradition, on trouve un texte qui dit ceci : « Le shabbat a été fait moitié pour Dieu, moitié pour l’homme. » C’est idée n’est pas véritablement biblique mais elle tire sa quintessence du message biblique.

Le shabbat, dans la mesure où nous avons rendu à Dieu ce qui lui revient, devient l’occasion de jouir de ce que l’on produit, de faire ce dont on a envie et qu’on ne peut pas réaliser le reste de la semaine. Passer un moment de détente devient possible quand on a donné au Seigneur ce qui lui revient et que l’on a cessé d’interférer avec le monde.

Un temps de gratuité

C’est un temps pendant lequel nous reconnaissons que c’est le Seigneur qui pourvoit à nos besoins. Comme Jésus le disait : « Ne vous inquiétez donc pas, en disant : « Que mangerons-nous, que boirons-nous, de quoi serons-nous vêtus ? Car cela, ce sont les païens qui le recherchent. Or votre Père céleste sait que vous en avez besoin » (Matthieu 6.31-32). Le jour du shabbat, nous nous souvenons que nous n’avons pas besoin de travailler incessamment, parce qu’en fin de compte, même si l’on travaille, c’est Dieu qui donne et nous reconnaissons que tout nous vient de lui.

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Nous cessons de dire comme le peuple d’Israël risquait de le faire : « Ma force et la vigueur de ma main m’ont acquis ces richesses » (Deutéronome 8.17). Nous reconnaissons que tout est don de Dieu et nous lui rendons grâces pour ses dons et ses bienfaits. Le shabbat est donc en relation avec la grâce.

Il nous est donné gratuitement des choses et nous devons agir de la même manière vis-à-vis de nos frères.

Jésus agissait le jour du shabbat pour faire gratuitement des choses qui étaient profitables aux autres. Il demandait : « Est-il possible de faire du bien ou de faire du mal le jour du shabbat ? » Tu peux faire du bien à ton prochain, il n’y a pas de meilleur jour pour agir de cette manière-là. Il s’agit d’une façon d’honorer le shabbat en agissant gratuitement pour le prochain. C’est un jour de grâce et de miséricorde, le jour où Dieu donne, au lieu de gagner.

Ni ton bœuf, ni ton âne…

Nous arrivons maintenant à la notion de repos. Pour comprendre cette idée, il faut reprendre une étude du professeur Henri Baruk (1897-1999), neuro-psychiatre, spécialiste des maladies mentales, qui avait constaté que les maladies mentales évoluaient souvent par cycle de sept jours. Il avait fait le rapprochement entre la prescription du repos hebdomadaire et l’évolution du psychisme humain. En soignant ses malades, il était arrivé à la conclusion que l’homme avait besoin d’un arrêt hebdomadaire tous les sept jours, ce septième jour étant le plus propice au ressourcement psychique et spirituel. Le professeur Baruk a fait une constatation intéressante en lisant les dix paroles d’Exode 20.8-10 : « Souviens-toi du jour du shabbat, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le shabbat de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi. »

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Le repos n’est pas seulement pour l’homme mais pour les animaux également. Il faut que toute la nature, toute la création s’arrête ce jour-là pour que le repos soit profitable. Le professeur Baruk s’est élevé contre la tendance du monde moderne à déplacer le repos au dimanche, pour faire en sorte que le samedi, toutes sortes de gens travaillent. Une exception peut être faite pour les gens qui travaillent dans les services de santé, mais pour ce qui est du travail servile, on constate que de plus en plus de magasins ouvrent le dimanche, fonctionnent en cycles, où des personnes ont un jour de repos, tel le lundi, tel autre le mardi… Cela n’est pas véritablement du repos. Si une personne se repose pendant que les autres travaillent, il n’y a pas de véritable repos, c’est toute la nature, toute la société qui doit s’arrêter de travailler en même temps.

Le professeur Baruk s’est également élevé contre les longues périodes de congé qui sont le propre de nos civilisations. Pendant un temps, la tendance était un arrêt de 4 à 5 semaines de congés d’affilée. Quand les gens rentraient, ils n’avaient plus envie de travailler, ils avaient désappris le travail et finalement le repos n’avait pas joué son rôle. Il comportait trop de loisirs, de vacances au mauvais sens du terme. On remplace des activités fébriles et frénétiques par d’autres qui ne le sont pas moins. Il n’y a pas de véritable ressourcement, de véritable repos.

Le professeur Baruk préconisait, comme le fait la Bible, un arrêt des activités pour une période d’une semaine maximum, mais de façon plus fréquente, ce qui permet davantage de ressourcement spirituel, physique et psychique.

On peut, dans l’ordonnance du shabbat, dégager un double aspect. Tout d’abord un aspect universel, car tous les peuples sont concernés par ces ordonnances. Nous retrouvons ce thème dans Ésaïe 56.6-7a, où il est dit : « Et les étrangers qui s’attacheront à l’Éternel pour le servir, pour aimer le nom de l’Éternel, pour être ses serviteurs, tous ceux qui garderont le shabbat, pour ne pas le profaner, et qui demeureront fermes dans mon alliance, je

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les amènerai sur ma montagne sainte et je les réjouirai dans ma Maison de prière. »

De plus, des textes comme Exode 31.12-17 nous donnent de l’ordonnance du shabbat un second aspect, à savoir qu’il n’a été donné qu’à Israël. Cette marque appartient au peuple d’Israël au même titre que la circoncision.

À partir de ces textes, les rabbins sont allés jusqu’à dire que les païens n’avaient pas à respecter le jour du shabbat. Comment comprendre cette contradiction ?

Quelle signification pour les non-juifs ?

Les ordonnances spécifiques à Israël n’ont pas à être suivies par les autres nations.

Ainsi, le respect du shabbat le samedi concerne le peuple d’Israël et pas les non-juifs. Ce qui est demandé, c’est de garder un septième jour. La tradition occidentale ayant privilégié le dimanche, il n’y a aucune raison de ne pas s’y conformer. En effet, si nous reprenons l’étude du professeur Baruk à laquelle nous faisions allusion, ce qui importe est de nous reposer un jour sur sept. Il est vrai que ce qui avait été prescrit au peuple d’Israël devait être un signe pour les nations. Quelle est la valeur de ce signe ?

Il faut d’abord savoir que le jour commence le soir et non pas le matin, comme dans la tradition occidentale. Cette manière de faire comporte une raison spirituelle profonde. La Bible dit : « Il y eut un soir et il y eut un matin : ce fut un jour » (Genèse 1.5b). Puis : « Il y eut un soir et il y eut un matin : ce fut un deuxième jour » (v. 8b), et ainsi de suite jusqu’au septième jour. Par conséquent, le jour commence le soir. Le jour du païen, qui commence le matin et finit le soir, va de la lumière aux ténèbres, c’est-à-dire de ce qui est positif à ce qui est négatif. Le jour du païen est semblable à sa vie, qui va de la lumière de sa naissance aux ténèbres de sa mort. Le jour biblique va des ténèbres à la lumière, il va du soir

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au matin. Il commence quand vient le soir, mais les ténèbres n’ont pas le dernier mot. Au travers de cette nuit-même, on va vers le matin ; c’est cela le jour dans la Bible. C’est pourquoi le shabbat, comme tous les autres jours de la semaine, commence la veille au soir, c’est-à-dire le vendredi à la tombée de la nuit. Quand le soleil est couché, c’est le moment où toute la famille se rassemble et pratique le kidoush shabbat, la sanctification du shabbat, car le Seigneur a béni ce jour et l’a sanctifié.

À ce moment-là, un rôle essentiel est joué par la mère de famille. Sur la table sont disposés des éléments importants. Tout d’abord, deux bougies, qui représentent la lumière divine, et sur lesquelles la maman va prononcer une prière de bénédiction. À l’époque de Jésus, c’étaient des lampes à huile.

Le shabbat est le moment où l’on remercie Dieu. Le Seigneur en avait fait la demande au peuple d’Israël, en disant : « Lorsque tu mangeras et te rassasieras, tu béniras l’Éternel, ton Dieu, pour le bon pays qu’il t’a donné » (Deutéronome 8.10), « Quand le Seigneur t’aura donné du repos dans ce pays, tu mangeras, tu te rassasieras, tu te réjouiras et tu béniras l’Éternel ton Dieu pour toutes les bonnes choses qu’il t’aura données. » C’est cela le but du shabbat : se réjouir et remercier Dieu pour les bonnes choses qu’il nous donne.

La table du shabbat est un autel

La table de shabbat comporte une coupe de vin sur laquelle on va annoncer la sanctification de ce jour saint.

Le vin symbolise la joie, plus particulièrement la joie messianique à venir. La raison pour laquelle on a ordre de se réjouir, c’est que le shabbat préfigure le millénium, c’est-à-dire l’époque messianique, qui débutera quand le Messie reviendra. Ce jour-là correspondra au septième jour de la semaine, jour qui ne finira plus. Ce sera un jour éternel où il n’y aura plus ni jour, ni nuit. Un jour où

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les élus, qui auront été sauvés, jouiront d’un shabbat éternel, d’une joie éternelle, ce que la tradition chrétienne appelle le « festin des noces de l’Agneau », représenté par le repas du shabbat.

Ensuite, il y a deux pains tressés, les hallot (pluriel de hallah), pétris avec de la fleur de farine, qui représentent le pain de la terre et le pain du ciel : celui dont on a besoin dans ce monde-ci et pour lequel on a travaillé pendant six jours, et le pain du ciel qui viendra au dernier jour.

Le shabbat est donc le jour de la semaine où le présent et l’avenir se rencontrent. C’est un avant-goût de l’éternité.

Selon une coutume, le père de famille lit le chapitre 31 du livre des Proverbes où il est question de la femme vaillante, « celle qui a plus de valeur que les perles ». Le but est que les enfants apprennent à avoir du respect pour leur mère, ainsi qu’il est écrit : « Honore ton père et ta mère » (Exode 20.12). Ensuite, le père de famille bénit chacun de ses enfants en prononçant la bénédiction des prêtres du chapitre 6 du livre des Nombres : « Que le Seigneur te bénisse et te garde. Que le Seigneur tourne sa face vers toi et te soit favorable. Que le Seigneur fasse briller sur toi la lumière de sa face et te donne la paix » (Nombres 6.24).

Il bénit les filles en leur souhaitant de devenir comme Léa et Rachel qui ont bâti la maison d’Israël, et les garçons en leur souhaitant de devenir comme les patriarches du peuple d’Israël. Enfin, on se souhaite Shabbat shalom, paix du shabbat, car une paix particulière descend ce jour-ci, de telle sorte que les sages ont dit que même si quelqu’un est en deuil, il doit mettre son deuil entre parenthèses ce jour-là. Il n’a pas le droit de se lamenter, il faut qu’il se réjouisse devant l’Éternel son Dieu.

Le lendemain soir, lorsque apparaissent les trois premières étoiles, commence le temps de la havdalah la fin du shabbat, qui signifie la différence entre le shabbat et les jours de la semaine, entre le sacré et le profane. On va se souhaiter Shavouah tov, une

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bonne semaine. Sur la table familiale se trouve une petite boîte qui contient des épices ayant une agréable odeur. Chacun respire ces épices en prononçant une bénédiction et on recommence une semaine profane. Il y a un peu de tristesse à ce moment-là, parce que le shabbat est comparé à une fiancée que l’on a accueillie pendant vingt-quatre heures, et quand l’heure vient de se séparer, on est un peu triste. Mais on sait qu’on la retrouvera un jour, ce sera le mariage où l’on ne sera plus jamais séparé.

Quand arrive le shabbat on chante un chant appelé Lekha dodi, « Viens mon bien-aimé, à la rencontre de ta bien-aimée ». Ce texte tiré du Cantique des cantiques nous fait entrer dans la perspective messianique. La fiancée que l’on attend, c’est le jour du repos du shabbat éternel où le Messie étant venu, le bien-aimé, il n’y aura plus jamais de séparation et le shabbat ne prendra plus jamais fin.

Ce sera le moment où le peuple d’Israël pourra servir Dieu d’une manière définitive et totale.

Le shabbat et la synagogue

Le jour du shabbat, aujourd’hui comme à l’époque de Jésus, on se rendait à la synagogue.

Philon d’Alexandrie évoque la coutume populaire de se rassembler dans ce lieu tous les shabbat pour écouter la lecture de la Torah, assis tous ensemble, environnés par la sainteté de l’endroit. Il évoque aussi ceux qui priaient deux fois par jour dans leur maison et seulement le septième jour se rassemblent dans le lieu saint, où un de leurs anciens leur adresse des paroles de sagesse.

Comme le rappelle Luc, au centre du culte synagogal se trouvait la lecture de la Torah et des prophètes (Luc 4). Luc précise que Jésus s’est levé pour la lecture, puis qu’il s’est assis pour faire le commentaire. La mishna (tradition orale) précise qu’on fait toujours la lecture de la Torah debout et qu’on se rassied pour le drash, c’est-à-dire pour le commentaire. Jusqu’à ce jour, un siège

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spécial est prévu à cet effet, qui porte le nom de « chaire de Moïse », qu’évoquent les évangiles.

On a retrouvé un tel siège dans la synagogue de Chorazin peu après l’époque de Jésus.

Un texte du talmud déclare : « Il ne faut pas se comporter d’une manière frivole dans la synagogue. On ne doit pas s’y réfugier pour chercher un abri contre la chaleur, le froid ou la pluie, mais seulement pour étudier la Torah. »

À l’époque de Jésus, la synagogue était un lieu de prières. Le récit de Luc 4 met en scène Jésus, dans la synagogue de Nazareth, faisant d’abord la lecture de la Torah puis celle des prophètes. La lecture de la Torah, les cinq livres de Moïse, a été instituée bien avant la lecture des prophètes. Le Talmud de Jérusalem le fait remonter à l’époque de Moïse. C’est sans doute à l’époque d’Esdras que cette coutume s’est généralisée. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’on adjoignit à la lecture de la Torah une lecture des prophètes, appelée haftara.

Dans la littérature de l’époque du deuxième temple, le récit de Luc est le plus ancien témoignage qu’on possède de la lecture des prophètes après la parasha, c’est-à-dire la lecture de la Torah. Nous avons un autre témoignage de cette coutume en Actes 13.15, où il est fait mention de la visite de Paul et de ses compagnons à la synagogue d’Antioche de Pisidie, où il prêcha après la lecture de la Torah et des prophètes.

Comme nous l’avons mentionné, on s’assied pour commenter la lecture du jour. Ainsi le Talmud de Babylone déclare : « Celui qui enseigne doit s’asseoir et enseigner aux étudiants qui, eux aussi doivent être assis ». Ce n’est pas le cas lorsqu’on lit la Torah.

Ainsi, en Matthieu 23.2, Jésus déclare : « Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. » Le service synagogal de l’époque de Jésus suivait peu ou prou la liturgie de la synagogue actuelle.

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Les assistants commençaient par des prières chantées, parmi lesquelles le psaume du shabbat : le Psaume 92. Une évocation de la vision d’Ézéchiel où le prophète voit le trône du Seigneur entouré de créatures célestes, les chérubins appelés séroufim, les roues des chars appelées ofnaïm et assimilées à certaines catégories d’anges, les séraphins, etc.

Une prière importante était celle du trisaguion, la proclamation de la triple sainteté de Dieu qu’on trouve au chapitre 6 du livre du prophète Ésaïe : « Saint, Saint, Saint est l’Éternel des armées ! Toute la terre est pleine de sa gloire ! » (verset 3). Venait alors le moment important où l’on ouvrait l’arche sainte, c’est-à-dire l’armoire qui contenait le rouleau de la Torah. Celui qui dirigeait la prière appelait alors un des assistants à « monter à la Torah ». Il s’agissait d’une personne que l’on voulait honorer et qui devenait dès lors ce que l’on appelait « l’époux de la Torah ».

Très vite, la coutume s’établit d’appeler sept lecteurs, coutume toujours en vigueur dans la plupart des synagogues.

La lecture ne pouvait être effectuée qu’à partir de rouleaux écrits à la main sur des parchemins préparés selon des règles très précises, encore en vigueur aujourd’hui.

Toutefois, alors qu’aujourd’hui les cinq livres de Moïse sont toujours rassemblés sur un seul rouleau, à l’époque de Jésus il existait un rouleau pour chaque livre de la Torah ainsi que pour les livres des prophètes, comme l’a démontré la découverte des manuscrits de Qumran.

Depuis l’époque d’Esdras et la lecture publique de la Torah qui eut lieu au retour de l’exil, on avait pris l’habitude d’adjoindre au lecteur un metourgeman, en grec paraclet. Ce personnage avait pour tâche de traduire chaque verset lu en hébreu pour qu’il pût être compris par ceux qui ne maîtrisaient pas bien cette langue.

Cette coutume est à l’origine des targoums (traductions araméennes de la Bible).

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La lecture effectuée, le lecteur, ou à défaut un docteur de la loi, commentait la lecture qui venait d’être faite.

Aujourd’hui, la Torah est divisée en autant de sections qu’il y a de semaines dans l’année, c’est ce qu’on appelle la sidra, ou parasha, (lecture de la semaine) Ainsi on lit toute la Torah en un an.

À cette parasha, on joint une lecture des prophètes qui lui correspond : la haftara.

On pense qu’à l’époque de Jésus, les choses étaient un peu différentes et que le cycle complet de la lecture de la Torah se faisait sur trois ans. On ne peut donc déduire ce qu’était la parasha de la semaine, quand Jésus a lu Ésaïe 61 dans la synagogue de Nazareth.

Dans le livre des Actes, nous constatons que Paul aussi fréquentait les synagogues qui lui servaient de base d’évangélisation, car l’Évangile est d’abord pour le Juif (Romains 1.16).

Le monde antique était constitué d’un réseau serré de synagogues, partout où il y avait un minyan (groupe de dix hommes âgés de plus de treize ans), ce qui n’était pas le cas à Philippe où il n’y avait que des femmes.

En tant que visiteur, Paul était à peu près sûr d’être appelé à « monter à la Torah » et à faire le drash, ce qui constituait pour lui un tremplin extraordinaire d’évangélisation.

Dans la diaspora, peu de Juifs connaissaient suffisamment l’hébreu pour le lire dans le texte, aussi les synagogues dites hellénistiques (qu’on trouvait même à Jérusalem) lisaient la Torah dans l’ancienne version grecque, dite des Septantes. Cette version était aussi comprise par les « craignants Dieu », c’est-à-dire les païens attirés par le judaïsme qui furent souvent les premiers à se tourner vers la foi chrétienne. [...]

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Selon certains, les questions rituelles évoquées dans l’Ancien Testament ne concerneraient pas les chrétiens.

En retournant aux racines hébraïques du christianisme, d’aucuns pourraient penser que l’ on cherche à « judaïser », c’ est-à-dire à s’ éloigner du message de l’Évangile. Il n’ en est rien. L’ objectif de ce livre est de mieux comprendre notre foi chrétienne par l’ étude des fêtes bibliques, appelées à tort « fêtes juives ».

En s’ appuyant sur les traditions juive et rabbinique, Jean-Marc Thobois propose une étude éblouissante des fêtes de la Torah, rendez-vous divins qui marquent le cycle de l’année.

Dieu met à part des temps pour que l’homme cesse ses activités, sorte de ses préoccupations quotidiennes et cherche son Créateur.

Descendant d’une lignée de pasteurs huguenots, Jean-Marc Thobois (1944-2020) a étudié la Bible à Londres, puis l’histoire d’Israël et l’archéologie biblique à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il était également journaliste, historien, pasteur et conférencier.

Culture biblique

ISBN : 979-10-97546-34-2 14.00 € TTC

www.clcfrance.com

Réf. : EMEF030

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