La fièvre aphteuse ou la maladie des pieds et de la bouche

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Le point de vue de la vache après 1991 Sans espoir Les autorités sanitaires l’ont décidé : ma vie doit s’arrêter au nom du principe de précaution. Il y a quelques jours, la fièvre aphteuse s’est invitée dans un élevage de porcs à quelques kilomètres de la pâture. Ils ont tous été abattus et notre exploitation a été déclarée à risque car nous sommes dans une région à forte densité d’élevage. Pourtant, aucune d’entre nous ne montre de signes cliniques révélateurs de la maladie et ne laisse transparaître une quelconque dangerosité pour les hommes et les autres animaux sensibles. Une autre option sanitaire aurait pu être la vaccination en anneau autour du foyer infecté mais l’analyse des coûts/bénéfices et les scénarios d’aide à la décision ont tranché : la stratégie de lutte la plus rentable est l’abattage préventif collectif, concept élaboré en avril 2001 au moment de l’épizootie de fièvre aphteuse au Royaume-Uni. Ce soir, l’éleveur s’attarde auprès de chacune de nous, flattant une croupe, murmurant les paroles-souvenirs d’années partagées, appelant certaines par leur petit nom. Jusqu’en 1991, nous recevions préventivement l’injection qui protège. Demain, ce sera celle qui tue et qui nous fera disparaître en tant qu’hôtes hypothétiques du virus aphteux. Le silence remplacera nos meuglements. Après les délais réglementaires, un autre troupeau prendra le relais avec une nouvelle histoire à construire. Dans une dernière pensée, je m’interroge sur la place des indicateurs de l’affectif et de l’émotionnel des éleveurs dans les modèles de simulation socio-économiques.

La vache après 1991

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