CIERNIAK Thibaut - Quelle est l'identité des zones commerciales ?

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Caractéristiques architecturales et imaginaire collectif :

Quelle est l’identité des zones commerciales ?

CIERNIAK Thibaut ENSASE 2013 Rapport d’études Enseignant Référent: M. BELLO-MARCANO


CaractĂŠristiques architecturales et imaginaire collectif : Quelle est l'identitĂŠ des zones commerciales ?

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CaractĂŠristiques architecturales et imaginaire collectif : Quelle est l'identitĂŠ des zones commerciales ?

TABLE DES MATIERES

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Caractéristiques architecturales et imaginaire collectif : Quelle est l'identité des zones commerciales ?

INTRODUCTION …........................................................................................................ P5 I. NOTIONS GENERALES RELATIVES A L'IDENTITE DES ZONES COMMERCIALES ….............P8 1- Rapport à l'économie ....................................................................................... P9 2- Rapport au site et à l'urbanisme ….................................................................... P11 3- Rapport à l'architecture …............................................................................... P14 II. ETUDE DES CARACTERISTIQUES ARCHITECTURALES ET URBANISTIQUES DE LA ZONE COMMERCIALE DE L'ETUDE DE CAS …..................................................... P18 1- Évolution de l'organisation spatiale de la zone commerciale …........................... P19 2- État des lieux de la zone commerciale ….......................................................... P22 III. ETUDE DU RATTACHEMENT DES USAGERS DE LA ZONE COMMERCIALE DE L'ETUDE DE CAS ET IMAGINAIRE COLLECTIF ........................................................... P26 1- Un rattachement à la zone commerciale ? ….................................................... P27 2- Un imaginaire collectif ? …............................................................................. P30 3- Mise en relation des notions avec le terrain …................................................... P32 CONCLUSION …......................................................................................................... P34 ANNEXES …................................................................................................................. P37 LISTE DES FIGURES ....................................................................................................... P41 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ P43 RAPPORT D'ETUDES ..................................................................................................... P46

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INTRODUCTION

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J'ai toujours été intéressé par les zones commerciales. Ce sont des espaces sur lesquels je me pose beaucoup de questions et j'ai voulu, à travers ce travail, essayer de mieux comprendre ces lieux. Je pense qu'il y a un problème avec les zones commerciales et principalement avec l'uniformisation générale que je constate chaque jour et qui m'amène à penser que ces sites ne sont pas appropriables par les usagers. De plus, ils ne fonctionnent pas correctement vis à vis de leur environnement. J'ai trouvé intéressant de travailler sur un lieu du quotidien, que tout le monde pratique dans la vie de tous les jours. En effet, c'est un lieu qui occupe une place importante dans nos vies et qui n'est cependant pas souvent remis en cause. On se rend bien compte qu'il y a un problème, mais on ne cherche pas à l'expliquer. Ces lieux sont la plupart du temps dénigrés et pourtant, tout le monde les fréquente régulièrement. J'ai donc voulu comprendre pourquoi on ne se sent pas bien dans ces lieux, pourquoi on y reste le moins de temps possible, pourquoi ce ne sont pas des lieux considérés comme agréables. J'avais initialement prévu de travailler sur les solutions apportées à ces problèmes mais il m'a semblé préférable d'effectuer d'abord une étude pour caractériser ces problèmes qui s'est avérée si importante qu'elle est devenue l'objet unique de ce rapport. J'ai donc, à travers des références bibliographiques de milieux différents (urbanistes, architectes, philosophes...), commencé à énumérer ces problèmes. Ils étaient tous d'ordres différents mais avaient pour point commun la question d'uniformisation. Il m'est ainsi apparu que l'identité des zones commerciales allait être le nœud de mon travail, me permettant de toucher à de nombreux domaines à la fois. J'ai concentré mon travail sur la recherche d'une identité des zones commerciales à travers l'étude des caractéristiques architecturales et de l'imaginaire collectif.

Pour questionner l'identité de ces lieux, il faut tout d'abord connaître quelques notions théoriques qui permettent de caractériser les zones commerciales : la première partie est là pour rendre compte de ces idées que des architectes, philosophes, économistes, urbanistes, enseignants-chercheurs, ont pu émettre pour tenter de définir un portrait type de la zone commerciale.

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Dans un deuxième temps, il est nécessaire d'effectuer une étude de terrain pour pouvoir aborder concrètement le sujet et confronter ces idées à la réalité. La partie suivante se concentre sur l'analyse objective des caractéristiques architecturales et urbanistiques d'un cas précis , permettant d'établir une identité matérielle de la zone commerciale. Enfin, la partie finale s'est attachée à l'étude de l'imaginaire collectif lié à ces lieux et le rattachement qui peut exister entre la zone commerciale, le site et l'usager. Cette dernière partie s’appuie sur un questionnaire qui permettra de dresser un portrait de la zone commerciale vue par les usagers. Les conclusions tirées de ce questionnaire seront ensuite mises en relation avec les notions évoquées dans la première partie.

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I. NOTIONS GENERALES

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Dans cette première partie, nous allons tenter de dresser un inventaire des notions générales relatives à l'identité des zones commerciales. Ces notions peuvent se partager en trois catégories principales qui traitent d'une part du rapport à l'économie, d'autre part du rapport au site et à l'urbanisme et enfin du rapport à l'architecture. Nous verrons que beaucoup d'auteurs, qu'ils soient architectes, urbanistes, philosophes ou économistes, ont discuté et établi des thèses et des points de vue particuliers sur les zones commerciales et plus principalement sur leur identité.

1-RAPPORT A L'ECONOMIE

Depuis le milieu du XVIIIème siècle, l'économie de chacun des pays s'est largement mondialisée. Grâce aux nouveaux modes de transports, aux nouveaux moyens de communications et aux nouvelles techniques de production, l'économie nationale est devenue globale. La notion de commerce a totalement évolué, et ce majoritairement depuis la dernière période de mondialisation d'après-guerre. Les villes ont vu la naissance des zones commerciales qui regroupent dans un espace condensé tous les services nécessaires. La mondialisation a permis des coûts de fabrication beaucoup plus faibles et engendré une sur-consommation des pays occidentaux. Les zones commerciales et la grande distribution doivent leur essor à cette globalisation qui a aussi conduit à une uniformisation des besoins, des produits et des marques.1 D'autre part, ce changement économique a occasionné la privatisation de nombreux secteurs d'activité qui appartiennent désormais à des grands groupes ou à des franchises à l'échelle nationale ou même internationale. Dans toutes les grandes villes d'Europe, on trouvera

1 CARROUE Laurent, COLLET Didier, RUIZ Claude, La Mondialisation, Paris, Éditions Bréal, 2006.

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un magasin IKEA, dans la plupart des zones commerciales, on trouvera une enseigne Carrefour, Auchan ou Leclerc. « Ce sont des franchises verticales, hiérarchiques, dans lesquelles le franchisé doit appliquer à la lettre un concept élaboré dans ses moindres détails. »2 Cette uniformisation des firmes et des enseignes qui se transforme en « branding du paysage urbain »3 est la principale caractéristique apportée par les économistes qui nous intéressera dans cette étude. En effet, la standardisation des franchises pose beaucoup de questions dans la recherche d'une identité des zones commerciales. « Les ennemis [de la zone commerciale] sont les habitudes nationales, les marques locales et les goûts régionaux distinctifs ».4

Figure 1 : Carte d'implantation des magasins Carrefour sur le territoire français. (source : www.carrefour.fr)

2 MANGIN David, La ville Franchisée, Formes et structures de la ville contemporaine , Paris, Editions de la Villette, 2004, p109. 3 KLEIN Naomi, No Logo, la tyrannie des marques, Paris, Leméac Éditeur, 2002, p74. 4 Ibid., p207.

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2- RAPPORT AU SITE ET A L'URBANISME

Le point de vue de l'urbaniste, quant à lui, aborde le thème de la ville sectorisée, une ville où chacun a sa place, où chaque zone a sa fonction. Les secteurs sont d'échelles et de tailles différentes, séparés le plus souvent par des voies de circulations hiérarchisées selon les flux qui y circulent comme l'avait anticipé Le Corbusier 5. « Les villes françaises contemporaines se sont le plus souvent agrandies par couronnes successives, qui correspondent aux franchissements des enceintes (remparts, boulevards, périphériques, rocades) »6. L'urbanisme des zones commerciales en est le meilleur exemple : toujours situées en périphérie des villes, elles sont comme des excroissances de la ville.

Figure 2 : Vue aérienne de la zone commerciale de Villars (42) : une excroissance de la ville. (source : géoportail)

5 LE CORBUSIER, Vers une Architecture, Paris, Champs Arts, 2013 6 MANGIN David, op.cit, p96.

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Une fois le territoire divisé en secteur, il y a des restes, des vides que Rem Koolhaas appellera « junkspace ». Ces junkspaces sont le fruit d' « un patchwork ininterrompu du décousu permanent »7. Dans ce contexte de « suburbanisation anarchique »8, l'espacement entre les objets marque la différenciation qu'il y a entre chaque élément. Les différents secteurs n'ont aucun rapport entre eux mais c'est pourtant « le réseau qui les tient ensemble »9 qui les fait exister. On retrouve un nombre important de ces espaces vides dans les zones commerciales. Situées entre la ville et la campagne, entre une densité urbaine et une trame agricole, elles regroupent un concentré de délaissés de voiries, de voies d'incendies, de réglementations environnementales et de coefficient d'occupation des sols qui transforme l'urbanisme d'une zone commerciale en une juxtaposition de vides et de pleins sans qualité spatiale. Ces vides peuvent être considérés comme des non-lieux 10 : ils ne sont ni identitaires, ni relationnels, ni historiques. Certains mêmes considèrent la totalité de la zone commerciale comme un non-lieu puisque beaucoup ne la voient ni comme un lieu de partage ni comme un lieu de rencontre. Cette sectorisation de la ville amène aussi à l'enclavement de certaines zones et à un urbanisme identique et uniforme dans toutes les régions de France. En effet, les zones commerciales dont nous parlons ici ont toutes les mêmes stratégies d'implantations : « La formule est simple : flux, accessibilité, visibilité, co-présence, capacité d'accueil. »11. Considérée comme de « véritables corridors de boîtes »12, chaque entrée de ville se ressemble en tout point : une grande voie de circulation qui pénètre dans la ville et qui dessert tout le long de l'axe une multitude de commerces. Ces entrées de villes sont souvent considérées comme des « fiasco urbains »13.

7 KOOLHAAS Rem, Junkspace. Repenser radicalement l'espace urbain, Paris, Éditions Manuels Payot, 2011, p84. 8 Ibid, p84. 9 Ibid, p85. 10 AUGE Marc, Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité , Paris, Editions Seuil, 1992. 11 MANGIN David, op.cit, p110. 12 HACHACHE Nora, Développement commercial, à l'aube de l'insertion urbaine , Traits Urbains, oct-nov 2010, n°42, p24. 13 Ibid, p25.

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Figure 3 : Zone commerciale de Plan de Campagne (13) (source : www.urbannews.fr - Crédits photo : Atelier Presse du SCEFEE)

Figure 4 : Zone commerciale d'Orléans (45) (source : Journal du centre – Crédits photo : Daniel Bédrunes)

On peut aussi noté que l'urbanisme moderne s'est libéré peu à peu du contexte historique. La forte croissance des pays développés a fait disparaître l'identité du passé dans les nouvelles zones construites. La ville générique est une ville superficielle qui est « le reflet des besoins actuels et des moyens actuels »14. Selon Rem Koolhaas, c'est une ville anesthésiée où la seule chose à faire est de faire ses courses. L'urbanisme des zones commerciales est un parfait exemple de la ville générique. Sans prise en compte du contexte, elles se veulent principalement fonctionnelles, fluides et accessibles. Une fois dépassées, elles sont détruites et reconstruites à côté, en oubliant totalement ce qu'il y avait avant. L'identité du passé est un frein au développement des zones commerciales. Elles sont totalement indépendantes du contexte et c'est ce qui leur donne ce côté objet posé transposable en tout lieu comme si elles pouvaient se trouver partout et nulle part.

Ces quatre points de l'urbanisme que sont la sectorisation de la ville, les junkspaces, l'uniformisation des entrées de villes et l'oubli du contexte historique sont des notions importantes pour l'organisation des zones commerciales qui vont nous être utiles tout le long de l'étude de leur identité.

14 KOOLHAAS Rem, op.cit, p49.

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3- RAPPORT A L'ARCHITECTURE

Des notions générales concernant l'architecture même des bâtiments de la zone commerciale ont pu être repérées dans de nombreux ouvrages. En effet, beaucoup s'interrogent sur la réelle qualité architecturale des commerces. Ces « boîtes à chaussures »15 ont pour vocation d'être le plus fonctionnel possible. Sans prise en compte du contexte, les bâtiments se positionnent en privilégiant l'accès le plus simple possible depuis l'axe de circulation principal. L'organisation du bâti est souvent très similaire avec un avant et une façade, destinés aux clients qui reflètent l'image du magasin et permettent une visibilité maximale de l'enseigne. De l'autre côté du local, on trouve un arrière, dissimulé, qui se consacre aux livraisons, à l'entretien et au fonctionnement du magasin. Outre cette disposition commune à tous les magasins, l'emploi des matériaux et des formes est quasiment toujours identique ce qui, pour un grand nombre d'architectes, paraît « désastreux »16.

Figure 5 : Zone commerciale de Givros (42) : des boîtes à chaussures juxtaposées (source :géoportail)

15 BLIN Pascale, Groupe 6, Architectures et Urbanisme commercial , Paris, Editions Ante Prima, 2010, p32. 16 VALLERAND Olivier, 2005, Repenser l’espace public commercial nord-américain comme forme urbaine, École d’architecture, Université Laval, Québec, Essai soumis en vue de l’obtention du grade de M. Arch., 45 pages, p14.

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D'autres points de vues se concentrent au contraire sur « l'infinie variété […] qui n'est pas loin de rendre la variété normale, banalisée »17. En effet, chaque enseigne souhaite se démarquer de ses concurrents en ayant une visibilité maximale. C'est pourquoi « l'enveloppe s'identifie à la marque et la marque s'identifie à l'enveloppe »18 pour beaucoup d'enseignes. Cette volonté de démarcation entraîne un rythme soutenu dans l'architecture des entrées de villes : on est sans cesse sollicité par des publicités, des enseignes, des néons clignotants, une débauche de couleurs. Cependant, comme l'a dit Rem Koolhaas, on peut penser qu'à force de vouloir se différencier par rapport au voisin, on en perd de la visibilité et l'acheteur peut se sentir perdu au milieu de cette jungle d'architectures complètement différentes qui, au final, se ressemblent plutôt que se démarquent.

Figure 6 : Enseignes à Las Vegas. (source: R. VENTURI, Learning From Vegas)

17 KOOLHAAS Rem, op.cit, p92. 18 MANGIN David, op.cit, p119.

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Nous avons donc ici deux points de vue qui paraissent à première vue opposés mais qui en réalité peuvent être mis en corrélation. En effet, la volonté des franchises est de vouloir une rentabilité et une visibilité maximale. De ce mélange d'objectifs, on obtient une architecture totalement normalisée et efficace mais qui, pour se démarquer, utilise des procédés de rajouts par dessus ce qu'on pourrait appeler un modèle architectural. Certaines franchises y ajoutent des toits en pentes à tuiles rouges dont l'utilité reste à démontrer (Buffalo Grill ou Courtepaille), d'autres choisissent de recouvrir l'enveloppe d'une peinture bleue très voyante (IKEA) et la plupart positionnent à des endroits stratégiques des enseignes parfois 4 fois plus hautes que le bâtiment.

Figure 7 :Carrefour Saint-Jean-de-Vedas (34) (source : www.julie.free.fr)

Figure 8 : Ikea Noyelles Godault (62) (source : google street)

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Cette idée de rajout pour se différencier amène à la question du rapport entre l'enveloppe et la structure, question récurrente dans l'architecture de la vérité constructive. Dans les zones commerciales, la structure est le plus rationnel possible et on vient toujours la recouvrir d'un bardage créant l'enveloppe du bâtiment. Ce déni de la structure est symbolique d'une volonté de façades « chatoyantes »19 qui appâtent le client, mais est aussi représentatif d'une « superficialité » de la zone commerciale où « il n'y a pas de mur, seulement des cloisons, [...] souvent recouvertes de miroirs ou d'or »20. Le but de l'architecture des bâtiments des zones commerciales est d'abord de séduire le client par une beauté apparente. L'uniformisation du modèle architectural, la prolifération d'éléments-signaux et l'architecture de façade sont des caractéristiques architecturales fortes de la zone commerciale qui vont aider à questionner l'identité des zones commerciales dans la suite de cette étude.

Nous avons donc vu que de nombreuses notions, concernant différents domaines de compétences, ont pu être énoncés à propos des caractéristiques économiques, urbanistiques et architecturales globales des zones commerciales. Ces savoirs vont nous guider dans notre recherche de l'identité des zones commerciales.

19 KOOLHAAS Rem, op.cit, p85. 20 KOOLHAAS Rem, op.cit, p85.

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II. ETUDE DES CARACTERISTIQUES ARCHITECTURALES ET URBANISTIQUES DE LA ZONE COMMERCIALE DE L'ETUDE DE CAS

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Après cette approche théorique, nous allons étudier le cas précis de la Zone d'Activités Commerciales (ZAC) des Bouchardes, à Crêches Sur Saône, en Saône et Loire. Pour commencer, nous allons tenter de comprendre la logique d'implantation des différents commerces de la ZAC.

Figure 9 : Localisation de la zone commerciale des Bouchardes sur la commune de Crêches sur Saône (source : géoportail)

1-EVOLUTION DE L'ORGANISATION SPATIALE DE LA ZONE COMMERCIALE

Cette zone commerciale a vu le jour en 1995 avec la création d'une grande surface Carrefour et d'une galerie marchande

dont la superficie totale atteignait déjà les 10 000

mètres carrés. Disposé au milieu de parcelles agricoles, le bâtiment est largement visible depuis la Route Nationale 6 et est très facile d'accès. Plusieurs phases d'implantation se sont ensuite succédé à cette grande enseigne qui a attiré de nombreux clients et offert à des franchises nationales et internationales la possibilité de rencontrer une nouvelle clientèle. Dans un premier temps, une longue série de magasins et hôtels s'est installée au Nord

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de la Zone en 1997 pour favoriser l'accès de la population maconnaise. Développés autour d'une unique route reliant la RN6 et le bâtiment commercial de Carrefour, ces bâtiments forment une succession de boîtes qui peuvent faire penser à une grande allée bordée d'arbres ou de statues et qui monumentalisent le bâtiment de la grande surface. Dans un deuxième temps, profitant de l'attractivité de la zone, une vingtaine d'industries et d'entreprises se sont implantées en 2000 de l'autre côté de la Nationale, à l'Ouest de la zone. Cette partie de la zone, bien que reliée au secteur principal par un pont qui traverse l'axe majeur, reste encore aujourd'hui séparée et indépendante. La disposition des bâtiments est ici relativement différente, avec une plus grande volonté d'efficacité et d'utilité qui laisse moins de place à la façade et aux enseignes comme on peut le voir sur les autres parties de la zone. En 2003, dix nouveaux commerces se sont insérés dans un secteur déjà très dense. Ces nouveaux bâtiments se sont implantés beaucoup plus anarchiquement dans les vides et les espaces résiduels. Pour continuer, en 2007, un très grand complexe de 20 magasins est venu concurrencer les autres commerces au Sud. Cet ensemble, à l'inverse de tout ce qui a pu être construit auparavant, a le mérite de créer une unité globale et d'instaurer une relation entre les différents commerces. C'est un tout nouveau type d'implantation qui rend uniforme la façade des commerces et qui met en évidence la prise de conscience du problème d'incohérence des zones commerciales. Enfin, aujourd'hui encore, la zone commerciale continue de se développer, cette fois-ci au Nord, avec l'ajout d'une dizaine de commerces. Ici aussi, bien que les bâtiments soient séparées, il y a une volonté d'uniformité entre les différentes architectures : on utilise les mêmes matériaux, les mêmes système constructifs … Cependant on remarque que chaque projet d'extension, malgré cette intention de cohérence, a une volonté de s'identifier et de se différencier par rapport aux autres ce qui nous remémore le problème énoncé précédemment d'une insignifiante diversité. Et l'expansion de cette zone d'activités commerciales ne semble pas avoir de limite puisqu'il existe déjà des nouveaux projets de requalification, dus notamment à la construction d'un nouvel échangeur pour l'autoroute toute proche et à la constante croissance de la zone de chalandise du bassin Mâconnais qui s'élève aujourd'hui à 180000 habitants.

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Figure 10 : Implantation du magasin Carrefour

Figure 11 : Première phase d'extension au Nord

Figure 12 : Deuxième phase d'extension a l'Ouest

Figure 13 : Phase de remplissage entre les magasins

Figure 14 : Construction d'un complexe au Sud

Figure 15 : Dernière extension en date au Nord

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Le point remarquable à travers cet historique de l'implantation des différents bâtiments de la zone commerciale est le sentiment d'obsolescence : chaque fois qu'une série de commerce construit de nouveaux locaux, les plus anciens commerces paraissaient totalement démodés et, souvent, beaucoup d'entre eux décident de fermer pour déménager dans les nouveaux locaux à quelques dizaines de mètres seulement. Cette absurdité témoigne du besoin constant de renouvellement énoncé par Rem Koolhaas dans la ville générique. Une ville dans laquelle l'identité du passé emprisonne et « fait obstacle »21 à l’efficacité. Le changement continu d'orientation de la zone commerciale, tantôt vers le Nord, tantôt vers le Sud, est lui aussi significatif de la volonté de rentabiliser les commerces. En effet, si à une période, la clientèle la plus intéressante vient des villes et villages du Nord, c'est toute la zone commerciale (les bâtiments, les enseignes, les routes …) qui se tournera vers cette clientèle. L'analyse de l'implantation des bâtiments de la zone commerciale des Bouchardes est révélatrice d'une volonté d'efficacité optimale et de rendement maximum, au détriment du contexte, de l'architecture et des utilisateurs.

2- ETAT DES LIEUX DE LA ZONE COMMERCIALE

Nous pouvons maintenant nous intéresser plus en détail à la composition actuelle de la zone commerciale. L'édifice principal, l'hypermarché Carrefour, est typique de l'architecture des années 90, avec une surface au sol considérable due notamment à l'absence d'étage. Une structure métallique est recouverte de tôles de bardage grises et blanches qui lui donnent un aspect terne. Des lumières rouges tout le long du périmètre du bâtiment viennent affirmer sa grandeur et son horizontalité. Aujourd'hui encore, c'est le bâtiment le plus imposant et le plus important de

21 KOOLHAAS Rem, op.cit, p74.

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toute la zone commerciale et c'est lui qui permet l'attractivité majeure du site. L'intérieur est tout ce qu'il y a de plus banal, avec des faïences blanches sur le sol et les murs. Le bâtiment accueille une longue galerie marchande linéaire sans aucune lumière naturelle, qu'il est nécessaire de traverser pour se rendre au magasin. Cette galerie regroupe des petits commerces et des services qui profitent de l'attractivité de la grande surface.

Figure 16 : Façade Nord du bâtiment

Figure 17 : Galerie marchande

Autour de cet élément majeur, se sont implantés des commerces plus ou moins important, reprenant pour la plupart des franchises nationales ou internationales. On retrouve donc des magasins que tout le monde peut reconnaître par leurs enseignes, leurs couleurs ou par la forme leurs bâtiments. Il s'agit par exemple des restaurants Mcdonald's, Courtepaille, Flunch ou Buffalo Grill et des hôtels Campanille, ou Ibis que l'ont voit un peu partout en France. Mais cela concerne aussi les magasins comme La Halle, Gémo, Darty, Intersport, But, Fly. Ces franchises sont présentes sur la quasi-totalité du territoire français. Elles marquent l'importance de leur réseau et de leur publicité leur permettant ainsi d'être connues de tous. Ainsi, on ne trouve que très peu de franchises locales (quelques commerces de produits locaux et entreprises de services) Ce rapport de force des grandes franchises est révélateur d'une domination du commerce par les grands groupes et d'une unification à l'échelle nationale et mondiale des enseignes présentes dans les zones commerciales.

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Figure 18 : Photo-montage de quelques enseignes implantées sur le site des Bouchardes

L'une des caractéristiques principale de la ZAC des Bouchardes concerne la circulation et l'accès aux commerces. En effet, on compte pas moins de 8 giratoires et plus de 7 km de routes et voies de circulation desservant la totalité du secteur. Cela équivaut à dix fois la distance parcourue sur la Nationale 6 pour traverser la zone commerciale. Bien que l'entrée dans la zone reste simple, une fois à l'intérieur, le parcours se transforme en labyrinthe pour ceux qui n'ont pas l'habitude de le pratiquer. Il faut parfois faire des détours d'1 km en voiture pour relier ce qui n'aurait pris que quelques mètres à vol d'oiseau. La complexité de ce réseau correspond principalement au souhait de fluidifier le trafic et d'éviter les engorgements les jours de fortes affluences comme le samedi. L'importance de la voirie présente sur le site des Bouchardes crée de nombreux vides qui ne seront jamais occupés par des magasins car trop petits ou inaccessibles par les usagers. Ces vides sont cependant très bien entretenus soit par la commune, soit par les responsables d'aménagement de la ZAC. Ces vides n'ont aucune qualité spatiale et ils n'ont pas l'utilité que peuvent avoir certains vides dans des régions très denses. Ils sont juste des résidus inoccupés et dont personne ne fait attention. On trouve dans cette zone commerciale des surfaces considérables de gazon avec quelques plantations qui paraissent bien isolées dans cette prédominance d'asphalte et de métal. Ces vides, qu'on peut apparenter à des junkspaces, mettent en relief l'incohérence entre les différentes constructions, en les séparant plus qu'ils ne le sont déjà.

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Figure 19-20-21: Vides entre les bâtiments qui forment des junkspaces.

L'architecture de tous les bâtiments de la zone des Bouchardes est basée sur un même modèle : des boîtes carrées, parfois de formes différentes selon le cadastre, mais toutes sans exception avec un parking à l'avant et des accès techniques à l’arrière. Sans considération particulière, elles sont le plus simple possible, le moins cher et le plus banal. Seules les enseignes à fort caractère identitaire y ajoutent une touche de couleur ou de texture. Les matériaux sont également simplifiés : de la tôle ondulée sur une structure métallique qui n'a aucun lien avec les matériaux régionaux utilisés traditionnellement.

L'analyse urbanistique et architecturale de la zone commerciale a permis d'en révéler les caractéristiques principales telles que sa logique d'implantation, la présence de grandes franchises nationales et internationales, la circulation particulière, les vides non considérés et l'architecture de boîte. Ces caractéristiques nous permettent d'établir une identification de la zone commerciale des Bouchardes mais ne déterminent pas l'identité de ce lieu. En effet, les composants que nous avons mis en lumière dans cet étude de cas sont récurrents à la majorité des zones commerciales. Le site des Bouchardes n'a pas réellement d'élément urbanistique ou architectural singulier et particulier qui pourrait lui permettre de se créer une identité propre.

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III. RATTACHEMENT ET IMAGINAIRE DES USAGERS

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Après cette analyse des caractérises architecturales de la zone commerciale, nous allons maintenant pouvoir analyser le rattachement à soi, au contexte, et à la ville qu'ont les usagers par rapport au site ainsi que leur perception et l'imaginaire qui est lié à ce type de zone. Ces constats sont tirés des réponses au questionnaire proposé et qui, à partir de comparaisons, de métaphores, de qualificatifs, tentent de décrire une certaine identité de la zone à partir du point de vue des usagers. Réalisée auprès de 11 usagers de la zone commerciale des Bouchardes âgés de 20 à 58 ans et provenant de la commune même ou des villes alentours, cette enquête questionne à travers une dizaine de questions l'opinion des usagers.

1-UN RATTACHEMENT A LA ZONE COMMERCIALE ?

Dans un premier temps, nous interrogerons plus particulièrement le rattachement à la ville. Il est important de distinguer d'une part les habitants de Crêches sur Saône, et d'autre part ceux ne résidant pas dans la commune. En effet, le rattachement ne sera pas du tout le même en fonction de l'appartenance ou non à la ville. Tout d'abord, on remarque à travers ce questionnaire que la plupart des usagers extérieurs à Crêches réduisent la ville entière à la seule zone commerciale : « Pour moi, Crêches, c'est juste la zone commerciale » (Béatrice, 35ans). Ils n'ont souvent aucune autre expérience de la commune hormis celle de faire ses courses et ne connaissent pas les autres lieux importants de la ville. « Je ne savais même pas que c'était à Crêches » (Marie, 58ans). Pour eux, peu importe que ce soit à Crêches ou ailleurs, l'important, c'est qu'ils puissent y acheter ce dont ils ont besoin sur leur trajet domicile-travail notamment. « Quand je viens ici, ce n'est pas pour aller à Crêches mais pour aller à la zone commerciale » (Hélène, 38ans). Le rapport à la ville est, pour la majorité des usagers extérieurs à la commune, inexistant. Les habitants de Crêches Sur Saône, quant à eux, ne peuvent pas ignorer que la zone commerciale des Bouchardes se situe sur le territoire de leur commune. Cependant, on remarque qu'aucun d'entre eux ne la considère comme une partie intégrante de la ville. « C'est une zone rattachée à la ville » (Gaëlle, 28ans). « On est à Crêches, mais uniquement administrativement, je ne me sens pas particulièrement dans le village » (Patrice, 55ans). Les

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habitants ne reconnaissent pas ce territoire comme assimilé à leur commune mais bien comme une excroissance de la ville qui n'a d'utilité uniquement pour « rapporter de l'argent à la mairie » (Éric, 52ans) On peut donc dire que globalement et pour tous les usages, le lien avec la commune n'existe pas et qu'il n'y a aucun rattachement identitaire à la ville.

Nous pouvons maintenant questionner le rapport au contexte naturel et physique entre la zone commerciale et le site. Il en ressort que quand on cherche à qualifier l'architecture de la zone commerciale, personne ne parle du site. Et quand la discussion est lancée sur le contexte en lui-même, elle se termine assez rapidement : « De toute façon, il y a du bitume partout, alors le contexte, vous savez » (Hélène, 38ans). Pourtant, le site a des caractéristiques bien particulières : d'un côté à la limite des champs, dans une zone inondable, de l'autre à quelques pas du bourg ancien de la ville. Mais il s'avère qu'à l'image des architectes et urbanistes du complexe commercial, les usagers ne prennent pas en compte ces données dans leur vécu de la zone. « On ne se sent pas dans un environnement particulier » (Patrice, 55ans). Seul le nom de la zone commerciale, évocation du hameau disparu, rappelle l'histoire du lieu. La relation au contexte aussi bien naturel que bâti est donc totalement nulle pour les usagers qui ne font pas attention à ce qui les entoure pour se concentrer sur leur seul objectif : faire leurs achats.

En ce qui concerne le rattachement identitaire à la région et à la culture locale, il apparaît que la zone commerciale des Bouchardes ne se démarque pas des autres zones. La région du Mâconnais-Beaujolais, dans la Bourgogne du Sud, est pourtant une source de traditions aussi bien architecturales que sociales. Cependant, les bâtiments n'ont rien à voir avec ce qui peut habituellement se construire dans cette région : « L'architecture n'est pas réfléchie » (Éric, 52ans). De plus, les commerçants locaux sont quasiment oubliés de la zone, alors que, dans le bourg, ils représentent une part importante des magasins et boutiques. « Ce sont les mêmes enseignes qu'on retrouve à Lyon ou à Paris, il n'y a rien de local ici » (Béatrice, 35ans). « Ce sont des grosses enseignes qui mangent les petits commerçants » (Céline, 50ans).

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Les franchises nationales et internationales suppriment toute possibilité d'identité régionale de la zone commerciale et l'uniformisent selon des codes qui ne prennent pas en compte les caractéristiques de la culture locale. Enfin, nous pouvons maintenant analyser le sentiment personnel d'appartenance à la zone des usagers à travers l'appréciation du « sentiment du chez soi ». Les réponses des crêchois et des usagers extérieurs sont semblables, il n'est donc pas intéressant de les séparer. Pour la plupart, ce n'est qu'un « lieu de passage » (Éric, 52ans) qui ne permet pas l'appropriation du lieu comme un « chez soi ». On vient, on fait ses courses et on part. La facilité d'accès, la rapidité aux caisses, la vitesse des déplacements affirment le caractère éphémère de la vie dans cette zone commerciale. Pour d'autres, c'est un problème d'échelle : « Tout ça n'est pas à taille humaine, c'est beaucoup trop grand » (Céline, 50 ans). Un problème d'échelle qui empêche les usagers de se sentir bien, comme chez soi. « Il n'y a pas d'intimité » (Marie , 58ans). Le côté vitrine des magasins et l'ouverture maximale des espaces pour garantir une circulation optimale y sont pour quelque chose. L'atmosphère « qui ne donne pas envie d'y rester » (Jade, 20ans) est un autre facteur de l'impossible adaptation des usagers pour qui la zone commerciale est « un lieu sans vie » (Éric, 52ans). A l'inverse du chez soi où l'on aime se retrouver et passer du temps, la zone commerciale est donc un endroit de passage, où on reste le moins de temps possible et dans lequel l'adaptation et le sentiment de bien-être sont inexistants.

De cette analyse des réponses au questionnaire, on a donc pu ressortir qu'il n'y a globalement pas de lien avec la ville de Crêches sur Saône, qu'il n'y a pas non plus de prise en compte du contexte, que l'identité de la culture locale et de la région sont effacées et qu'il est impossible de s'y sentir chez soi. Toutes ces remarques montrent qu'il n'y a pas de rattachement particulier de la zone commerciale des Bouchardes, ni avec le contexte et la ville, ni avec l'usager lui-même. Cette notion d'île commerciale, totalement indépendante et détachée de tout, empêche de définir une identité de la zone commerciale par rapport au site et aux usagers.

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2-UN IMAGINAIRE COLLECTIF ?

Nous allons maintenant nous intéresser à la perception, aux sentiments des usagers et à leur imaginaire lié à cette zone commerciale. Tout d'abord, les remarques les plus récurrentes se font à propos des publicités et des enseignes. En effet, le site des Bouchardes est considéré comme « surchargé et commercial » (Céline, 50ans) où l'on est « submergé par la pub » (Gaëlle, 28ans). Certains comparent la zone commerciale avec le film 99Francs où « la pub est omniprésente et oppressante » (Jade, 20ans). En effet, à l'intérieur de la zone commerciale, on se sent comme dans une forêt de panneaux publicitaires et d'enseignes gigantesques. Non seulement cette surcharge visuelle perturbe le paysage architectural, mais il est la cause d'une théâtralisation de la vie dans ce site. Ces publicités sont des décors en cartons qui donnent à voir une image superficielle et illusoire de la vie pour mettre en scène un produit et favoriser la consommation. Beaucoup d'usagers ressentent cette impression d'être dans un monde virtuel, où l'image règne et où on se sent obliger de consommer. De plus, le système commercial des Bouchardes est, pour certains, composé d'une multitude de contraintes qui obligent à avoir un certain parcours : « Tous les déplacements sont organisés par les panneaux, les routes, les rayons » (Béatrice, 35ans). Ceci amène à une perte de liberté et incite les usagers à avoir un comportement non pas naturel mais artificiel et théâtralisé. En lien avec cette impression de théâtralisation, on note à travers les différentes interviews un problème de correspondance avec le réel. En effet, la zone commerciale ne semble pas avoir de « rapport à la réalité » (Hélène, 38ans). Beaucoup des usagers comparent le site à un film de science-fiction où « rien ne semble réel » (Marie, 58ans) ou à un film qui se déroulerait en « plein désert » (Éric, 52ans). Ces comparaisons soulignent le fait que pour la plupart des sondés, la zone commerciale est un lieu en décalage avec la réalité où domine « un sentiment d'artificiel » (Jade, 20ans). Ces remarques confirment la séparation et la fracture soulignées auparavant entre les usagers et la zone commerciale.

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On note également de nombreuses remarques concernant l'incohérence entre les bâtiments qui sont comparés à « pleins de boîtes à chaussures juxtaposées » (Patrice, 55ans). « Si la zone commerciale était un film, ce serait un film où rien n'est cohérent, où il y a plein de petites histoires qui n'ont rien à voir entre elles » (Myriam, 30ans). Cette comparaison est révélatrice de l'impression qu'ont les usagers de parcourir un patchwork mal organisé. Beaucoup d'entre eux ont cité des exemples d'autres zones commerciales où l'unité était faite entre les bâtiments, où un lien était créé entre les magasins, ce qui semble être pour eux un gage de qualité. Mais cette révélation d'une incohérence urbanistique et architecturale est un nouvel élément qui freine la recherche d'une identité à la zone commerciale. En effet, les bâtiments sont si différents et distants les uns des autres qu'il est impossible d'y voir une globalité et une unité qui devrait être la base d'une identité commune à la zone commerciale.

Enfin, on peut noter que dans l'imaginaire des personnes questionnées, la zone commerciale est le plus souvent rattachée à une idée de « fonctionnalité » (Hélène, 38ans). En effet, dans les adjectifs demandés pour décrire les Bouchardes, « pratique », « utile », « rapide », « efficace » sont ceux qui reviennent le plus souvent. Les pièces de la maison avec lesquelles a été comparée la zone (la cuisine, le garage, le cellier) ont toutes pour caractéristiques d'être des pièces de rangement, de fourre-tout, de pratique, mais surtout pas de repos. On peut donc en conclure que la zone commerciale se réduit pour beaucoup à sa fonction, supprimant toute possibilité d'utilisation autre que celle pour laquelle elle a été construite : la consommation.

Avec l'étude des résultats du questionnaire, on peut conclure qu'il n'existe pas de rattachement particulier entre la zone commerciale et les usagers, que l'univers de la publicité et des enseignes donne une impression de théâtralité, que la zone commerciale n'est pas en lien avec la réalité, que le site est dominé par une incohérence architecturale et urbanistique et enfin que la zone commerciale se réduit à sa seule fonction de commerce. Toutes ses caractéristiques prouvent d'un réel décalage entre la zone et l'usager et ne permettent pas de définir son identité.

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3-MISE EN RELATION DES NOTIONS AVEC LE TERRAIN

Nous avions constaté dans la première partie une uniformisation des franchises dans les zones commerciales qui est bien ressentie par les usagers du parc des Bouchardes. Certains sondés remarquent en effet que les enseignes présentes sur ce site sont implantées un peu partout en France. Cette globalisation efface l'idée d'une identité qui viendrait de magasins particuliers à la zone commerciale et qui donnerait une singularité au site. Nous avons pu distinguer à partir du point de vue théorique et à travers le travail de terrain que l’expérience de la zone commerciale se réduisait à la fonction principale de consommer. En effet, que ce soit d'un point de vue urbanistique et architectural, où le maître mot est « efficacité », ou que ce soit du point de vue de l'usager qui vient ici uniquement pour faire ses courses, la zone commerciale est restreinte à une idée d'utilité et de pratique. La notion urbanistique d'une zone commerciale en excroissance de la ville est aussi validée par l'étude du terrain qui a montré qu'aucun rattachement direct à la commune ne pouvait être établi. On a pu en conclure que l'identité de la zone commerciale ne pourra pas être définie par rapport à son lien avec la ville. La négation du contexte de la « ville générique » a pu être confirmée dans l'exemple de la zone des Bouchardes qui ne prend pas en compte le site sur lequel elle s'implante. Ici aussi, ce détachement par rapport à l'environnement ne facilite pas la recherche d'une identité propre à la zone. Les notions globales en terme d'architecture énoncées dans la première partie ont elles aussi été vérifiées dans la réalité. L'uniformisation du modèle architectural, la prolifération d'éléments-signaux ainsi que l'architecture de façade sont des problématiques qui ont émergé de l'analyse du site et de l'entretien avec les usagers. La standardisation du paysage des zones commerciales est un frein à la quête de leurs identités. Les notions de « junkspace » et de « non-lieu » qui avaient été établies au préalables se sont retrouvées dans l'analyse architecturale du site mais restent absentes des résultats du

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questionnaire. En effet, il apparaît que ces vides, du point de vue des usagers, ne sont pas des éléments caractéristiques de la zone. La notion qui est apparue avec l'étude de terrain et qui n'avait pas été dressée dans la première partie est le rapport à la réalité. En effet, c'est uniquement à travers l'étude du questionnaire que ce sentiment de coupure avec le réel est apparu.

Il est intéressant de noter que l'étude d'un cas concret a permis de valider de nombreuses notions théoriques précédemment citées et d'y ajouter des précisions qui se révèlent importantes pour la recherche d'une identité.

Figure 22: La zone commerciale des Bouchardes dans son contexte paysager.

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CONCLUSION

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En conclusion de cette recherche d'une identité pour les zones commerciales, on peut dire que les nombreuses notions apportées ainsi que la recherche sur le terrain ont permis de démontrer qu'il n'existait pas de réelle identité spécifique à chaque zone commerciale. En effet, on a pu constaté une grande uniformité des enseignes, des architectures, … qui efface le caractère distinctif de chaque site. Toutes les zones commerciales ont les mêmes caractéristiques et suppriment toute singularité ce qui entraîne une uniformisation dans tout le pays et même dans tout l'ensemble du monde occidental. Une zone commerciale n'a donc pas d'identité propre, spécifique, mais une identité commune à toutes les zones commerciales. Cette identité collective est basée sur l'idée d'efficacité et de fonctionnalité qui prédomine sur ces sites et qui régit la totalité du système des zones commerciales. Leur identité se réduit à une efficience maximale qui vient supprimer tout ce qui pourrait lui nuire (le contexte, l'historique, le régionalisme culturel, l'appropriation des usagers …). « Une zone commerciale n'a pas d'identité propre, spécifique, mais une identité commune à toutes les zones commerciales. » Une fois ce problème posé et après la prise de conscience de chacun des acteurs d'une zone commerciale, on peut se demander quelle réaction cette perte d'identité spécifique suscitera. Déjà, on remarque que certaines zones commerciales essayent d'affirmer une identité propre qui pourrait les faire se démarquer des autres et sortir du lot pour être plus visible et appropriable par les gens. C'est le cas par exemple de l'extension du centre commercial Belair à Rambouillet dont la volonté d'être « intégré à l'environnement » est clairement affirmée. L'utilisation de matériaux locaux, la volonté d'insertion dans le contexte et l'attention portée au « patrimoine de Rambouillet »22 deviennent des points forts du nouveau projet et sont mis en avant pour promouvoir les nouveaux commerces. Cet exemple est symbolique d'un retour à l'identité singulière du lieu pour s'affirmer comme une zone commerciale différente des autres. L'autre réaction à cette perte d'identité serait d'oublier complètement la différence qu'il y a entre

22 BATAILLE Nathalie, Dossier de presse de l'Ouverture de l'extension du centre commercial Belair à Rambouillet , Rambouillet, Juin 2007, p8.

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les sites et converger vers une identité commune. Cette attitude d' « acceptation du monde tel qu'il est »23 se sépare de l'identité qui « emprisonne »24 pour être libéré de toute contrainte et ainsi répondre au mieux aux besoins actuels. Les futures zones commerciales devront inévitablement faire face à ce problème d'identité et choisir entre une ré-affirmation de leurs singularités ou une acceptation de l'uniformisation des identités des zones commerciales.

23 KOOLHAAS Rem, op.cit, p71. 24 KOOLHAAS Rem, op.cit, p46.

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ANNEXES

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QUESTIONNAIRE RAPPORT D'ETUDES – ENSASE 2013 – THIBAUT CIERNIAK Ville : Age : Sexe : Fréquence de déplacement : Partie I : Le sentiment de l'usager. 1. Aimez-vous fréquenter la zone commerciale ? 2. Diriez-vous que l'aménagement de ce site a bien été pensé ? 3. Selon vous, est-ce un site agréable à vivre ? Donnez trois adjectifs décrivant vos émotions lorsque vous êtes dans la zone commerciale. 4. Comment qualifiez-vous vos relations sociales ? (solitaire, fermé, accompagné, ouvert à la discussion …) 5. Donnez trois adjectifs pour qualifier les bâtiments, l'architecture de la zone commerciale 6. Comment qualifiez-vous vos attitudes (stressé, calme …) 7. Comment qualifiez-vous vos déplacements ? (aléatoires, réfléchis, rapides, lents ...)

Partie II : L'imaginaire et l'identité.

Pour les usagers habitant à Crêches sur Saône :

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8. Diriez-vous que la zone commerciale fait partie intégrante de la ville, que c'est une zone rattachée à la ville ou que la zone n'a aucun lien avec la ville ? 9. Quelle relation d'appartenance avez-vous avec cette zone commerciale ? (Est-ce un lieu de passage, un lieu où vous prenez votre temps, un lieu de vie, un lieu où vous n'aimez pas vous rendre?)

Pour les usagers n'habitant pas à Crêches sur Saône :

8. Quelle relation faites-vous entre la zone commerciale et la ville de Crêches sur Saône ? 9. Est-ce que votre expérience de la ville se limite à la zone commerciale ou à d'autres lieux de la ville ? 10. Vous sentez-vous chez vous dans cette zone commerciales ? 11. Vous sentez-vous dans un environnement théâtralisé ou vrai, naturel ? 12. Si vous deviez comparer la zone commerciale à un film, lequel choisiriez-vous et quel personnage incarneriez-vous ? (aventure, science-fiction, drame, comédie …) 13. Si la zone commerciale était un être humain, serait-ce plutôt un homme ou une femme ? 14.

Si vous deviez comparer la zone commerciale à votre maison, quels éléments se rapprocheraient des pièces de la maison ?

15. Dessinez en quelques traits ce qu'est pour vous la zone commerciale.

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Quelques dessins des personnes questionnées :

Céline, 50ans

Gaëlle, 28ans

Éric, 52ans

Jade, 20ans

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LISTE DES FIGURES

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Figure Première page : Thibaut CIERNIAK Figure 1 : source : www.carrefour.fr Figure 2 : source : géoportail Figure 3 : source : www.urbannews.fr - Crédits photo : Atelier Presse du SCEFEE Figure 4 : source : Journal du centre – Crédits photo : Daniel Bédrunes Figure 5 : source : géoportail Figure 6 : source: R. VENTURI, Learning From Vegas Figure 7 : source : www.julie.free.fr Figure 8 : source : google street Figure 9 : source : géoportail Figure 10 à 22 : Thibaut CIERNIAK

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BIBLIOGRAPHIE

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Caractéristiques architecturales et imaginaire collectif : Quelle est l'identité des zones commerciales ?

OUVRAGES : AUGE Marc, Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité , Paris, Editions Seuil, 1992. BATAILLE Nathalie, Dossier de presse de l'Ouverture de l'extension du centre commercial Belair

à Rambouillet, Rambouillet, Juin 2007. CARROUE Laurent, COLLET Didier, RUIZ Claude, La Mondialisation, Paris, Éditions Bréal, 2006. HOCHARD Daisy, Architecture et urbanisme commercial, Lille, École d'architecture de Lille, 2000. KLEIN Naomi, No Logo, la tyrannie des marques, Paris, Leméac Éditeur, 2002. KOOLHAAS Rem, Junkspace. Repenser radicalement l'espace urbain, Paris, Éditions Manuels Payot, 2011. LE CORBUSIER, Vers une Architecture, Paris, Champs Arts, 2013. LETANG Pierre, Urbanisme commercial, Paris, Le Moniteur, 1997. MANGIN David, La ville Franchisée, Formes et structures de la ville contemporaine , Paris, Editions de la Villette, 2004. VALLERAND Olivier, 2005, Repenser l’espace public commercial nord-américain comme forme urbaine, École d’architecture, Université Laval, Québec, Essai soumis en vue de l’obtention du grade de M. Arch., 45 pages. VENTURI Robert, Learning from Las Vegas, Paris, Mardaga, 1977.

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PERIODIQUE : HACHACHE Nora, Développement commercial, à l'aube de l'insertion urbaine , Traits Urbains, oct-nov 2010, n°42, p22-29.

SITES INTERNET : http://www.franchise-magazine.com/avis-des-experts/la-franchise—fait-elle-perdre-leur-identiteaux-centres-villes-147.html, consulté le 22 avril 2013.

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RAPPORT D'ETUDES

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Avant d'intégrer l’École Nationale Supérieure d'Architecture de Saint-Étienne, mon rapport à l'architecture était très vague. Ce n'était pour moi que la réflexion autour de la construction, dont les principaux domaines étudiés étaient les mathématiques et la physique. Il s'est avéré que cette part scientifique s'est réduite à l'avantage des nombreuses autres matières telles que la philosophie, l'anthropologie, ou l'histoire de l'art, des villes et de l'architecture. J'ai trouvé cette variété de domaine très enrichissante. Elles m'a permis une ouverture d'esprit à ce qui se passe autour de moi, à ce qui se passe chez les autres, et à ce qui se passait avant.

Il est vrai dans un premier temps qu'il est indispensable de savoir ce qu'il a été fait auparavant pour pouvoir s'inspirer des architectures plus anciennes mais dont certaines problématiques restent d'actualité. Les cours d'histoire de l'architecture et d'histoire de la ville ont offert une approche globale des millénaires d'architecture qui nous ont précédés et nous ont permis d’acquérir une culture essentielle dans notre travail. Les matières que je qualifie de plus « concrètes » (STA, Urbanisme, …) font partie intégrante du cursus. Je pense même qu'elles sont quelque peu négligées dans la mesure où à la sortie de l'école, nous devrons non seulement pouvoir faire tenir un bâtiment debout pendant des décennies mais aussi répondre aux normes et réglementations en vigueur. C'est le côté le plus terre-à-terre de nos études, pas le plus intéressant certes, mais son utilité n'est pas à démontrer. Je me suis rendu compte lors de stages ou de visite de chantier, que mes connaissances s'avèrent relativement limitées dans les domaines techniques. Je suis un peu inquiet de savoir que dans deux ans, je serai apte à gérer un chantier tout seul. Les autres matières, que je considère moins ancrées dans le champ de l'architecture (anthropologie, histoire de l'art, philosophie, …) m'ont cependant obligé à voir l'architecture selon un autre angle. En effet, j'ai appris beaucoup des rapports entre les Hommes et la ville, les bâtiments, les vides ou d'autres espaces. Même si je ne me se servirai pas concrètement des connaissances que j'ai reçu dans ces domaines, j'ai pu me forgé un point de vue au croisement d'une multitude de savoirs. Mon regard sur les choses qui m'entoure a évolué, sans que je m'en rende compte directement. Cette plus grande ouverture d'esprit, qui je l'avoue était quelque peu enfermé dans l'univers scolaire d'un cursus lycéen scientifique, étend l'horizon de mes questionnements non seulement à l'architecture mais à tous les autres domaines qui lui sont liés.

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Quand j'esquisse un bâtiment, je ne pense pas seulement à l'espace qui s'y crée mais aussi aux habitudes des gens qui vont y vivre, à leurs ressentis par rapport à l'extérieur, par rapport au monde qui les entoure et au monde dans lequel ils vivent. Il faut prendre en compte toutes les caractéristiques des lieux dans lesquels on s'installe et des individus qui vont les fréquenter. Ce ne sont plus des murs que je dessine mais des éléments qui vont prendre part à une réalité beaucoup plus complexe que celle qu'on voit sur le papier. Cependant, je trouve que ces matières qui ne sont pas directement rattachées à l'architecture, bien qu'elles soient indispensables au cursus des études, sont peut-être trop présentes dans nos emplois du temps. Il est en effet regrettable de constater que la même quantité d'heures de cours soient consacrées à ces matières et à l'apprentissage du projet. Je ne remets nullement en cause la qualité de ces cours dont je suis le premier à témoigner d'une importance certaine, mais il est vrai qu'on est d'abord ici pour apprendre à construire de l'espace à travers l'enseignement de la pratique architecturale. Il ne s'agit pas de supprimer ces matières mais de donner l'importance nécessaire et le temps adéquat au projet. En effet, j'ai entendu dire que dans d'autres écoles (ou pour les générations précédentes), l'enseignement du projet se fait sur deux jours entiers. Cette organisation du temps de travail me paraît plus en adéquation avec l'importance du projet et ce notamment avec le nombre croissant d'élèves dans les promotions.

J'ai trouvé l'enseignement du projet pendant ces trois années très approprié à une évolution de nos capacités et de nos connaissances. En effet, le premier semestre, bien qu'il m'ait paru totalement inhumain à l'époque, nous enseigne les bases de la représentation et de la réflexion architecturale. A travers des analyses de bâtiments fondamentaux et d'architectes référents, j'ai appris à voir et à reconnaître les qualités spatiales et matérielles des lieux. Selon moi, le travail au crayon sur papier est indispensable durant la première année. Je pense qu'il construit une réelle relation intuitive entre ce que l'esprit pense et ce que la main dessine. Je suis désolé de voir que certains élèves de premières années aujourd'hui travaillent à l'informatique et qu'il existe des étudiants qui travaillent leurs premières esquisses sur un écran avant de les projeter sur du calque. Pendant mon premier semestre, j'ai souvent critiqué les exigences des enseignants et la

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difficulté du travail. Cependant, avec le recul, je me rends compte à quel point cela m'a permis de renforcer ma volonté de poursuivre ces études. La première année est selon moi l'année durant laquelle on sait si oui ou non les études d'architecture nous correspondent. J'ai trouvé l’enchaînement des semestres tout à fait appropriés à notre progression. J'ai aussi apprécié les différences qu'il existe entre ces semestres. Chaque semestre cible en effet un domaine particulier de l'architecture : On a donc pu réaliser des analyses paysagères, des projets urbains, étudier des bâtiments agricoles, réaliser des logements collectifs ainsi que des bâtiments publics. Cette ouverture d'esprit présente ici aussi de nombreux avantages. En touchant un peu à toutes les catégories de travaux possibles, j'ai pu me faire un avis sur un futur choix de master et même envisager de privilégier ou d'écarter certains domaines pour ma vie professionnelle. J'ai ainsi compris pendant le semestre 5 que l'urbanisme et le projet urbain sont des spécialités qui m’intéressent beaucoup. C'est d'ailleurs aussi pourquoi j'ai choisi une problématique de rapport d'études qui correspond à ce domaine. Cependant, je ne me limite bien à cette branche de l'architecture et je reste tout à fait ouvert aux autres catégories de projet.

En prenant du recul sur ces trois années de licence, on peut dire que le bilan est très positif. Certes, ces études sont difficiles, laissent peu de temps aux loisirs et demandent beaucoup de travail. Mais si j'ai choisi, malgré ces contraintes, de suivre ce cursus, c'est notamment parce qu'il m'offre une ouverture d'esprit maximale, des connaissances théoriques abondantes et une réelle maîtrise de la conception des espaces. J'ai conforter ma volonté de poursuivre ces études, tout en réalisant ce qu'était vraiment l'architecture. Ces trois années de licence m'ont permis d'évoluer, de rencontrer, de partager et d'apprendre.

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