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LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI:

un rapport mondial

Bruno Roelants, Eum Hyungsik et Elisa Terrasi, CICOPA


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Concernant les auteurs

Bruno Roelants est Secrétaire Général de CICOPA depuis 2002 et de son organisation régionale CECOP CICOPA-Europe depuis 2006. Il a travaillé sur des projets de développement en Chine, en Inde et en Europe de l’Est, et a coordonné le groupe de négociation du mouvement coopératif concernant la Recommandation pour la promotion des coopératives 2002 (n ° 193) de l’OIT. Il a une maîtrise en études du travail. Il a donné des cours sur les coopératives en Italie et est co-auteur de Coopératives, territoires et emplois (2011), ainsi que de Capital and the Debt Trap – Learning from Cooperatives in the Global Crisis (2013). Il a coordonné le rapport Une croissance Coopérative pour le 21ème siècle (2013).

Eum Hyungsik est Analyste de Données de CICOPA depuis 2009. Il a été le coordonnateur de l’élaboration des Standards Mondiaux des coopératives sociales entre 2008 et 2011 et a participé à un projet européen sur la résilience des coopératives à la crise économique en 2012. Il est également doctorant au Centre d’Economie Sociale de l’Université de Liège en Belgique. En tant que sociologue, il a travaillé sur le débat conceptuel et le processus d’’institutionnalisation des coopératives, de l’économie sociale et des entreprises sociales, en particulier en Europe et en Asie de l’Est. Avant de rejoindre CICOPA, il a travaillé comme chercheur et militant dans l’économie sociale et dans le mouvement coopératif de travail associé en Corée du Sud.

Elisa Terrasi est Responsable du Développement et des Etudes de CICOPA depuis 2011. Elle a coordonné la rédaction du rapport Les coopératives batisseuses du développement durable de CICOPA (2013) et du rapport La Résistance du Modèle Coopératif de CECOP – CICOPA Europe. Elle est actuellement en charge du projet Cooproute qui établit un itinéraire européen de la culture coopérative. Elle a précédemment travaillé en Italie sur des questions telles que l’économie sociale, les mouvements sociaux, la lutte contre la discrimination, les migrations et l’identité. Elle est diplomée en anthropologie sociale.

Les coopératives et l’emploi: un rapport mondial a été commissionné pour le Sommet international des coopératives 2014, tenu à Québec du 6 au 9

Copyright © 2014, CICOPA & Mouvement Desjardins.

Octobre 2014

Tous droits réservés ISBN: 978-2-930816-01-2 Dépot légal: D/2014/13.486/2 Conception graphique: Juan Burgos Traduction de l’anglais: Francine Ferret

Il est interdit de reproduire cette publication partiellement ou totalement sans avoir reçu une autorisation préalable de CICOPA ou du Mouvement Desjardins


TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX

5

REMERCIEMENT

7

SOMMAIRE

9

CARTE DU MONDE AVEC LES RÉGIONS ÉTUDIÉES PENDANT LE TRAVAIL DE TERRAIN

10

CHAPITRE 1. INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL

12

1.1.

Objectifs et structure de ce rapport

13

1.2.

Les principales tendances mondiales de l’emploi et du chômage, et comment les coopératives semblent s’être démarquées

14

1.3.

Définitions clés

16

1.4.

Principales caractéristiques et limitations de l’étude

18

1.5.

Considérations méthodologiques

19

CHAPITRE 2. ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

24

2.1.

Définition des catégories clés

25

2.2.

Estimations actuelles au niveau mondial et dans le G20

28

2.3.

2.2.1.

Estimations au niveau mondial

28

2.2.2.

Estimations pour le G20

29

Évolution de l’emploi coopératif dans le temps

32

2.3.1.

Résilience des coopératives à la crise

32

2.3.2.

Évolution de l’emploi depuis 2000 dans quelques pays

34

CHAPITRE 3. L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES 3.1.

3.2.

40

Analyse quantitative

41

3.1.1.

Données générales

41

3.1.2.

Evolution de l’emploi coopératif dans le temps

45

3.1.3.

Contrats et pratiques de travail

49

3.1.4.

Égalité hommes-femmes

50

3.1.5.

Âge

52

3.1.6.

Localisation de l’emploi

53

3.1.7.

Importance de l’emploi par coopérative

54

Analyse qualitative

55

3.2.1.

L’emploi coopératif sous différents angles d’analyse

56

3.2.2.

Les spécificités de l’emploi coopératif telles qu’elles sont vécues par les personnes elles- mêmes

64

3


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

CHAPITRE 4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF 4.1.

Comment les caractéristiques de l’emploi coopératif ont-elles une incidence sur la durabilité des coopératives et vice versa ?

82

4.1.1.

La durée à long terme de l’emploi

82

4.1.2.

L’attitude du personnel et des membres

82

4.1.3.

Éducation et formation

85

4.1.4.

Constitution de réserves financières

86

4.1.5.

Contribution à la formalisation de l’emploi et de l’économie

87

4.1.6.

La coopération entre travailleurs, usagers, producteurs et autres parties prenantes

88

Économies d’échelle

89

4.1.7. 4.2.

Les défis entrepreneuriaux auxquel est confronté l’emploi coopératif

94

4.2.1.

Faire face à l’intensification de la concurrence globale

94

4.2.2.

Combler les faiblesses des compétences de gestion

95

4.2.3.

Relever les défis démographiques et les questions générationnelles

96

4.2.4.

Traiter l’angle mort de la protection du travail

97

CHAPITRE 5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

4

80

100

5.1.

Conclusions

101

5.2.

Recommandations

105

5.2.1.

Politique de l’emploi et statistiques

106

5.2.2.

Entrepreneuriat

108

5.2.3.

Normes du travail, transition vers l’économie formelle, la protection sociale et la lutte contre les pseudo-coopératives

111

5.2.4.

Éducation, formation et recherche sur l’emploi coopératif

112

5.2.5.

Politique de développement

113

BIBLIOGRAPHIE

114

ANNEXE 1 DONNÉES NATIONALES

120

ANNEXE 2 INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN

128

ANNEXE 3 LISTE DES INTERVIEWS

140

PHOTOS

146


LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU 1

Liste des régions cibles

11

TABLEAU 2

Nombre d’emplois au sein et dans le cadre des coopératives dans le monde, par continents et par catégorie

29

TABLEAU 3

L’emploi coopératif dans le G20, par pays et par catégorie

30

TABLEAU 4

Évolution du nombre total de salariés dans les coopératives canadiennes entre 2000 et 2009

34

TABLEAU 5

Changements du ratio d’emploi dans les coopératives canadiennes en regard de l’emploi global entre 2000 et 2008

35

TABLEAU 6

Évolution du nombre de producteurs-membres dans les coopératives canadiennes de production entre 2000 et 2009

35

TABLEAU 7

Évolution de l’emploi dans les coopératives de travail associé et les coopératives multi-sociétaires entre 2000 et 2013

36

TABLEAU 8

Changements du ratio d’emploi dans les coopératives françaises en regard de l’emploi global entre 2008 et 2012

36

TABLEAU 9

Évolution du nombre de producteurs-membres et de salariés dans les coopératives agricoles et de pêche au Japon entre 2001 et 2011

37

TABLEAU 10 Informations générales sur l’emploi coopératif dans 8 régions TABLEAU 11

Nombre de coopératives et leur emploi au Pays basque et en Émilie-Romagne, par secteur

42 43

TABLEAU 12 Emploi dans les coopératives, Kanagawa, par type de coopérative

44

TABLEAU 13 Nombre de coopératives de travail associé, de coopératives de personnes âgées et de collectifs de travailleurs à Kanagawa, par secteur

44

TABLEAU 14 Changements dans l’emploi coopératif et en général au Pays basque de 2006 à 2010

45

TABLEAU 15 Changements dans l’emploi coopératif et en général en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013

46

TABLEAU 16 Changements dans l’emploi dans les coopératives sociales et en général en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013

47

TABLEAU 17 Changements dans l’emploi coopératif à l’exclusion des coopératives sociales en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013

47

TABLEAU 18 Ratio de contrats de travail régulier et temporaire dans les coopératives, par type de coopératives

49

TABLEAU 19 Ratio d’hommes et de femmes dans l’emploi coopératif par type de coopératives

51

TABLEAU 20 Nombre d’emplois coopératifs dans des régions ayant d’importantes zones rurales

54

TABLEAU 21 Nombre de coopératives et d’emplois dans les coopératives au Québec, au Pays basque et en Emilie-Romagne, par taille des coopératives

55

5



REMERCIEMENTS

Les auteurs, qui sont tous trois membres du personnel de CICOPA, souhaitent remercier vivement toutes les personnes qui ont permis la réalisation de cette étude, notamment tout le personnel, les travailleurs-membres et les producteurs-membres qui ont accepté d’être interviewés, et de partager leurs expériences et avis. Parmi les membres du personnel de CICOPA, méritent d’être remerciés pour leur contribution concrète: Helen Robinson pour son assistance minutieuse au fil de toute cette période, Leire Luengo pour son accompagnement courageux dans la conception et la structuration du rapport, et Diana Dovgan pour avoir partagé la pertinence de ses commentaires et réflexions. CICOPA a pu compter sur la collaboration inestimable de ses membres et de ses organisations partenaires de longue date ainsi que de ses contacts locaux pour la préparation du travail sur le terrain, son suivi et le recueil de nombreuses informations contextuelles dans les 10 régions choisies aux fins de cette étude. Les auteurs souhaitent exprimer plus spécialement leur gratitude aux personnes suivantes: Jungdae Na, Université de Hallym (Corée du Sud); Jaeyoung Go, Syndicat national des coopératives agricoles (Corée du Sud); Sunki Kim, Réseau de coopératives Wonju (Corée du Sud); Daejin Kim, Hansallim Youngdong (Corée du Sud); Dongyoung Chang, Coopérative de crédit Balgeum (Corée du Sud); Kyungbae Ji, Institut de recherche pour Gangwon (Corée du Sud); Université Meiji, Michiyo Imai (Japon); Yoshiko Yamada et Takako Tsuchiya, Union japonaise des coopératives de travail associé (Japon); Kitaguchi Akiko et Suzuki Kurato, Fédération nationale du syndicat des coopératives de consommation (Japon); Hyontae Kim, Centre Ritsumeikan d’études coréennes (Japon); Akira Kurimoto, Institut des coopératives de consommation du Japon (Japon); Kobayashi Hajime, Institut japonais de recherche générale sur les coopératives (Japon); Asami Hideaki, Fédération des coopératives de consommation de Kanagawa (Japon); Okada Yuriko, Association de collectifs de travailleurs (Japon); Kawamura Naoko, Fédération de collectifs de travailleurs de Kanagawa (Japon); Youko Snaga, Club Seikatsu de l’Union des coopératives de consommation (Japon); Gianluca Mingozzi et Davide Pieri, Confcooperative Émilie-Romagne (Italie); Roberta Trovarelli, Legacoop Émilie-Romagne (Italie); Giorgio Benassi, Coop Adriatica (Italie); Guido Caselli, Unioncamere Émilie-Romagne (Italie); Javier Goienetxea et Lorea Soldevilla, Confédération basque des coopératives – Konfekoop (Espagne); Santi Merino, Conseil supérieur des coopératives d’Euskadi (Espagne); Javier Marcos, Mondragon (Espagne); Vishwas Satgar, Athish Satgoor et Andrew Bennie, Co-operative and Policy Alternative Center – COPAC (Afrique du Sud); Thulani Guliwe, Department of Economic Development, Gauteng Provincial Government (Afrique du Sud); Mrinal Gaurav, Gauteng Enterprise Propeller (Afrique du Sud); Rebecca Kemble, United States Federation of Worker Cooperatives (États-Unis); Adam Chern, Union Cab (États-Unis); Anne Reynolds, Tom Flory et Lynn Pitman, University of Wisconsin Center for Cooperatives (États-Unis); John E. Peck, Family Farm Defenders (États-Unis); David Erickson, Cooperative Network in Wisconsin (ÉtatsUnis); Christopher P. Roe, CUNA Mutual Group (États-Unis); Walt Laskos, Credit Union National Association – CUNA (États-Unis); Alain Bridault, Fédération canadienne des coopératives de travail - FCCT (Canada); Jean-Pierre Girard, Les Productions LPS (Canada); Joan Lechasseur, Sommet international des coopératives 2014, Québec; Isabel Faubert Mailloux, Réseau de la coopération du travail du Québec (Canada); Aline Sun, Mouvement Desjardins (Canada); Michel Clément, Direction

7


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

du développement des coopératives, Gouvernement provincial du Québec (Canada); Josée Tremblay et Marie-Paule Robichaud Villettaz, Conseil québecois de la coopération et de la mutualité (Canada); Marie Bouchard, Université du Québec à Montréal (Canada); Sybille Mertens, Université de Liège (Belgique-Canada); Manali Shah, Shalini Ben Trivedi, Meenakshi Ben Vyas et Shaik Parveen, Self-Employed Women’s Association – SEWA (Inde); João Marcos Silva Martins, Organização das Cooperativas Brasileiras – OCB (Brésil); Fabiana Bitencourt, Organização das Cooperativas Brasileiras – OCB - de Paraíba (Brésil); Geraldo López, gouvernement de Paraíba (Brésil); Maria Laura Coria, Federación de Cooperativas de Trabajo de la República Argentina – Fecootra (Argentine); Dario Farcy, Confederación Nacional de Cooperativas de Trabajo – CNCT (Argentine); Raul Colombetti, Casa Cooperativa de Provisión Sunchales (Argentine); Osvaldo Petrilli, Federación de Cooperativas de Telecomunicaciones de la República Argentina (Argentine); Alfredo Luis Cecchi, gouvernement de Santa Fe (Argentine). Nous sommes reconnaissants envers Simel Esim, Responsable de l’Unité coopérative du Bureau International du Travail (BIT), pour son appui constant pour cette étude depuis son tout début. Nous souhaitons remercier les personnes suivantes qui nous ont apporté une aide précieuse dans le recueil de statistiques nationales sur un certain nombre de pays: Theodoor Sparreboom, économiste et statisticien au BIT; les Directeurs des régions de l’ACI, à savoir Balu Iyer (AsiePacifique), Sifa Shiyoge (Afrique), Manuel Mariño (Amériques) et Klaus Niederlander (Europe); Carlo Borzaga, Gianluca Salvatori et Chiara Carini (EURICSE); Tran Thu Hang de l’Alliance des coopératives du Vietnam (VCA); Dirk Lehnhoff du DGRV (Allemagne) et Président de Cooperatives Europe; Ge Shuyuan et Hu Xudong de la All-China Federation of Supply and Marketing Cooperatives; Zhang Xiaowu de la All-China Federation of Handicraft Industry Cooperatives; Antesh Kumar de Indian Farmers Fertiliser Cooperative Limited – IFFCO; Evgeny Suzdaltsev de Centrosojuz (Russie); Eduardo Fontenla (Argentine); Albert Vingwe (Zimbabwe); Dolly Goh de SNCF (Singapour); Josephine Barraket, Université de Swinburne (Australie); Melina Morrison, Business Council of Co-operatives and Mutuals (Australie); Juan Gerardo Dominguez Carrasco, Sociedad Cooperativa de Asesores para el Avance Social (Mexique); Ilham Nasai, Dekopin, et Robby Tulus, ex Directeur d’ACI Asie-Pacifique (Indonésie); Dickson Okolo, Directeur Fédéral des Coopératives (Nigéria).

8


SOMMAIRE

Selon l’OIT, le monde souffre d’un chômage sans précédent (plus de 200 millions de personnes), un chômage des jeunes dramatique, un niveau historique de migrations, et une très forte présence de l’emploi informel et précaire. Dans le même temps, le rapport estime que l’emploi coopératif implique au moins 250 millions d’habitants de la planète, à temps plein ou partiel, selon les données provenant de 74 pays couvrant 79% de la population mondiale. 26,4 millions de ces personnes travaillent au sein des coopératives, comme salariés (15,6 millions) ou travailleur-membres (10,8 millions), tandis que 223,6 ​​millions de producteurs organisent leur production dans le cadre des coopératives. La grande majorité de l’emploi coopératif se trouve au sein du G20, où il représente près de 12% de l’ensemble de la population active occupée. En analysant les données à partir d’un nombre limité de pays, l’emploi coopératif semble être demeuré généralement stable à travers les années, et avoir démontré une résilience particulièrement forte à la crise mondiale qui a éclaté en 2007-2008. En dépit de chiffres encore modestes relativement parlant, les coopératives de travail associé et les coopératives sociales ont connu une augmentation très significative de l’emploi.

Une grande partie de l’étude se concentre sur

et une répartition géographique plus équilibrée

le travail de terrain que nous avons effectué

que la moyenne, et que les coopératives ont

dans 10 régions sélectionnées, présentant une

tendance à formaliser l’emploi.

grande diversité en termes d’environnement socio-économique: Gauteng (Afrique du Sud), Ahmedabad (Inde), Gangwon (Corée du Sud), Kanagawa (Japon), Santa Fe (Argentine), Paraiba (Brésil), Wisconsin (États-Unis), Québec (Canada), Pays Basque (Espagne) et Émilie-Romagne (Italie). Ce travail de terrain a confirmé les tendances mondiales de l’emploi coopératif mentionnées cidessus, et certaines régions sont caractérisées par des niveaux encore plus élevés, comme l’Emilie-Romagne avec près de 15% de l’ensemble de la population active occupée. Il a également montré que les conditions de travail (salaires, autres types de rémunération, sécurité au travail, protection sociale, etc.) sont généralement au moins aussi bonnes que celles trouvées dans d’autres entreprises dans des secteurs comparables, et souvent meilleures. En outre, il a révélé que l’emploi coopératif est généralement caractérisé par une durée beaucoup plus élevée

Qualitativement, le travail de terrain a révélé des caractéristiques distinctives de l’emploi coopératif, tel qu’il est expérimenté par les dizaines de personnes travaillant dans ou dans le cadre de coopératives que nous avons interviewées, avec une combinaison de: logique économique, une recherche de l’efficacité, une flexibilité partagée, un sens de la participation, un environnement de type familial, la fierté et la réputation, un fort sentiment d’identité et un accent sur les valeurs. Nous avons trouvé que ce mélange de caractéristiques est à la fois une cause et une conséquence de la viabilité économique des coopératives. Mais nous avons également identifié un certain nombre de défis sérieux qui pourraient affaiblir l’emploi coopératif, en termes de concurrence, de compétences de gestion, de normes du travail et de démographie.

Le rapport formule enfin une série de recommandations dans les domaines de la politique de l’emploi et des statistiques, de l’entrepreneuriat, du travail, de l’éducation et de la recherche, ainsi que du développement, qui visent à renforcer la contribution déjà énorme des coopératives à l’emploi dans le monde.

9


CARTE DU MONDE AVEC LES RÉGIONS ÉTUDIÉES PENDANT LE TRAVAIL DE TERRAIN

JAPON

CORÉE DU SUD

ÉTATS-UNIS

CANADA

KANAGAWA

WISCONSIN

10

GANGWON

QUÉBEC

AFRIQUE DU SUD GAUTENG

ITALIE

ÉMILIE-ROMAGNE

BRÉSIL

PARAIBA

ESPAGNE

PAYS BASQUE

ARGENTINE SANTA FE

INDE

AHMEDABAD


CARTE DU MONDE AVEC LES RÉGIONS ÉTUDIÉES PENDANT LE TRAVAIL DE TERRAIN

Tableau 1 – Liste des régions cibles

PAYS

RÉGION

NATURE DE L’UNITÉ ADMINISTRATIVE

JAPON

Kanagawa

Préfecture

9.0 millions

CORÉE DU SUD

Gangwon

Province

1.6 millions

AFRIQUE DU SUD

Gauteng

Province

12.3 millions

BRÉSIL

Paraiba

État

3.8 millions

ARGENTINE

Santa Fe

Province

3.2 millions

ÉTATS-UNIS

Wisconsin

État

5.7 millions

CANADA

ITALIE

Québec

Émilie-Romagne

Province

Région

POPULATION

7.9 millions

4.4 millions

PRINCIPALE ORGANISATION QUI A APPORTÉ SON AIDE JWCU (membre) KFWC (membre)

COPAC (partenaire)

OCB and UNISOL (membres)

Fecootra and CNCT (member)

USFWC (member) CWCF (membre) et Mouvement Desjardins (partenaire)

Legacoop-ANCPL and Confcooperative (members) Konfecoop

ESPAGNE

Pays Basque

Communauté autonome

2.2 millions

INDE

Ahmedabad

District

6.3 millions

(membre d’un membre) SEWA (partenaire)

11


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

CHAPITRE 1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL


1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL

1.1. Objectifs et structure de ce rapport Ce rapport vise à contribuer à une meilleure compréhension de la contribution des coopératives à l’emploi dans le monde, et en particulier à: A

formuler une définition de l’emploi coopératif et de ses principales composantes;

A

établir une estimation approximative du nombre total d’emplois coopératifs dans le monde et son pourcentage de la population active occupée mondiale;

A

se pencher sur l’évolution de l’emploi coopératif au fil du temps, à la fois au cours de la crise mondiale qui a éclaté en 2008, et sur ​​un arc de temps plus long comprenant la période pré-crise;

A

vérifier les principales tendances de l’emploi coopératif en termes de localisation, à savoir la répartition entre zones urbaines et rurales, petites villes et grandes villes, et régions centrales et périphériques;

A

comprendre les grandes tendances de l’emploi coopératif en termes de sexe, âge, modes de recrutement, gestion des ressources humaines, relations avec les syndicats, inclusion sociale, rôle en termes de formalisation de l’économie, etc;

A

saisir les caractères distinctifs de l’emploi coopératif en tant qu’expérience basée sur des témoignages directs de personnes dont l’emploi est directement lié aux coopératives, et la façon dont ces caractéristiques interagissent avec la viabilité entrepreneuriale des coopératives.

Comme nous pouvons le voir, les objectifs de cette étude sont à la fois quantitatifs et qualitatifs, et nécessitent donc à la fois une analyse globale basée sur la plus grande quantité possible de données fiables, et sur un travail de terrain effectué à la base dans différentes parties du monde.

Dans le reste de ce

chapitre, nous examinons d’abord les principales tendances de l’emploi

et du chômage dans le monde d’aujourd’hui et ​​la façon dont les coopératives s’en sont sorties au cours des dernières années: nous passons ensuite en revue les principales caractéristiques et les limites de l’étude, et nous explicitons enfin la méthodologie que nous avons utilisée.

Le Chapitre 2

présente des estimations quanti t atives de l’emploi coopératif au niveau

mondial.

Le Chapitre 3

analyse les données quantitatives et qualitatives recueillies au cours du

travail de terrain dans 10 régions slectionnées à travers le monde, et tente de conceptualiser les caractéristiques qualitatives clés de l’emploi coopératif.

Le Chapitre 4 examine si et dans quelle mesure ces caractéristiques induisent la durabilité économique des coopératives et vice versa, et analyse les principaux défis qu’engendre la mondialisation pour l’emploi coopératif.

Le Chapitre 5 émet des conclusions et formule une série de recommandations.

13


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

1.2. Les principales tendances mondiales de l’emploi et du chômage, et comment les coopératives semblent s’être démarquées Selon les données les plus récentes de l’Organisation

Espagne (2012) et 55,3% en Grèce (2012)1. En outre,

internationale du travail (OIT), près de 202 millions

l’emploi informel demeure omniprésent et la transition

de personnes étaient sans emploi en 2013 dans le

vers un travail décent est lente et difficile (OIT, 2013b,

monde. Ce chiffre révèle une augmentation de près

p.1). Le chômage des jeunes fait courir le risque d’une

de 5 millions en regard de l’année précédente (OIT,

génération sacrifiée et est, selon le Secrétaire général

2014a). Dans les Tendances mondiales de l’emploi

de l’ONU, Ban Ki Moon, « une épidémie qui représente

2013 de l’OIT, celle-ci met en garde contre la nouvelle

une grande épreuve pour notre époque »2.

poussée du chômage en 2012 et son expansion: « Les régions qui ont réussi à prévenir une nouvelle hausse du chômage ont souvent enregistré une dégradation

Les données de l’OIT révèlent également que l’emploi

de la qualité des emplois, avec l’augmentation de

informel constitue plus de 20 pour cent de l’emploi

l’emploi vulnérable et du nombre de travailleurs vivant

global. Les pays d’Amérique centrale, notamment,

sous ou tout près du seuil de pauvreté » (OIT, 2013a,

affichent des taux d’emploi informel de 70 pour cent,

p.11).

voire plus, et l’Asie du Sud et Sud-Est est loin d’être en reste (OIT, 2014a, p. 13).

Les tendances de l’emploi et du chômage sont directement liées à des niveaux croissants de

La montée du nombre de migrants en quête d’un

pauvreté et d’exclusion, ainsi que de désertification

emploi s’accélère. Ils sont des milliers à lutter pour

économique de régions défavorisées. L’OIT rapporte

une vie meilleure aux portes de la plupart des pays

que, en dépit d’une légère diminution de la pauvreté

industrialisés: ils seraient, selon l’OIT, 232 millions

au travail, «Actuellement, environ 397 millions de

de migrants internationaux dans le monde, soit 3,1

travailleurs vivent dans l’extrême pauvreté; 472

pour cent de la population mondiale, dont plus de 90

millions de travailleurs supplémentaires ne peuvent

pour cent sont des travailleurs et leurs familles3. Les

pas répondre à leurs besoins de base de façon

travailleurs migrants sont de plus en plus objet de

régulière » (OIT 2013a, p. 12) et que les déséquilibres

débat public et servent souvent de porte-étendard

géographiques ont effectivement empiré avec la crise

électoral: la pénalisation des travailleurs migrants

dans les pays développés, en partie à cause de la bulle

en situation irrégulière et leur vulnérabilité face à

immobilière et la surchauffe dans l’immobilier et les

l’exploitation et aux abus appellent des mesures

services financiers avant la crise (2013a OIT, p. 51).

concrètes en matière de gouvernance mondiale (NUDH, 2013; OIT, 2014c).

Le taux de chômage des jeunes a atteint le record

14

historique de 12,6%, soit en chiffres absolus 73,4

De nombreuses études font état d’inégalités entre

millions de jeunes sans emploi en 2013, ou encore

les femmes et les hommes sur le marché du travail:

une hausse de 3,5 millions entre 2007 et 2013, et de

une récente publication de l’OIT intitulée Tendances

0,8 millions entre 2011 et 2013 (OIT, 2013b, p.7). Le

mondiales de l’emploi des femmes révèle que les

chômage des jeunes est particulièrement élevé dans

femmes affichent des taux de chômage plus élevés

l’Union européenne, au Moyen-Orient et en Afrique du

que les hommes et que l’écart s’est creusé entre

Nord. Il atteint, par exemple, 24,8% en Égypte (2010),

2008 et 2012 (OIT, 2012, p. 4). Malgré les progrès dans

29,3% en Jordanie (2012), 35,3% en Italie (2012), 37,6%

l’éducation des filles et des femmes, la ségrégation

au Portugal (2012), 42,3% en Tunisie (2011), 53,2% en

professionnelle demeure un trait dominant, même


1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL

dans les pays industrialisés (OIT, 2014b, p. 2). Par

générés par ces changements seront un enjeu pour

exemple, selon une étude de l’institut Women’s Policy

les décideurs politiques aux différents niveaux. En

Research aux États-Unis, la ségrégation hommes-

dépit de ce constat, des montants bien maigres de

femmes est encore profonde dans ce pays et les

financements publics sont alloués à des mesures

données de 2012 mettent en lumière que seuls six

actives de marché du travail. Dans les pays de l’OCDE,

pour cent de la main-d’œuvre féminine occupent

une moyenne inférieure à 0,6 pour cent du PIB a été

des métiers non traditionnellement féminins contre

affectée à de telles mesures en 2011 (OIT, 2013a, p. 13).

44 pour cent de la main-d’œuvre masculine. La même étude suggère également que la ségrégation professionnelle et l’écart salarial sont inversement corrélés (Hegewisch & Hartmann, 2014).

Il convient de mettre plus fortement en lumière que le travail et l’emploi ont acquis une signification sociétale profonde dans le monde d’aujourd’hui. Selon Aurelio Parisotto, économiste á l’OIT: « Avoir

Au cœur des objectifs de l’agenda de développement

accès à un travail sûr, productif et convenablement

post-2015 figure la promotion d’emplois décents et

rémunéré, ce n’est pas juste une question de gagner

qui s’inscrivent dans la continuité, notamment dans

un revenu. C’est un moyen important pour les

le secteur privé durable. Dans un environnement

individus et leur famille de gagner en estime de soi,

économique marqué par des turbulences, la seule

de renforcer leur sentiment d’appartenance à une

croissance économique semble insuffisante à cette

communauté et d’apporter leur contribution à la

fin. Les chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que les

production. La transition vers un développement

représentants de haut niveau qui se sont réunis à Rio

inclusif et durable sera impossible si des millions

de Janeiro en 2012 ont encouragé « le secteur privé à

de personnes se voient refuser la possibilité de

contribuer au travail décent pour tous et à la création

gagner leur vie dans des conditions d’équité et de

d’emplois pour les femmes comme pour les hommes,

dignité »6. L’augmentation des suicides professionnels

en particulier pour les jeunes, notamment dans le

constatée dans plusieurs pays industrialisés atteste

cadre de partenariats avec des petites et moyennes

de la signification essentielle de l’emploi pour la vie elle-même. Par exemple, une étude menée au

4

entreprises et des coopératives » .

Royaume-Uni révèle qu’un jeune chômeur sur trois a L’expansion de la population en âge de travailler, le déséquilibre environnemental, la rareté des ressources et la progression de l’urbanisation entrainent un processus de changement structurel engendré

par

technologies

l’importance

innovantes,

accordée

l’utilisation

à

des

d’énergies

renouvelables, des technologies plus respectueuses du climat et des modes de production plus durables (OIT, 2012b, p. 1). Par ailleurs, à l’horizon de 2050, l’économie mondiale devra assurer un niveau de vie

envisagé de se suicider 7. Une étude réalisée aux ÉtatsUnis constate qu’une majoration de 10 pour cent du chômage accroît le taux de suicide des hommes de 1,47 pour cent8. Des études réalisées en Italie et en Espagne font état de données similaires9. Ces études font également remarquer que le phénomène est plus sensible parmi les jeunes. Comme nous pouvons le voir, les conséquences de la montée du chômage, du sous-emploi et de l’emploi précaire sur la société et l’économie sont inestimables.

décent à plus de 9 milliards de personnes, dont 70 pour cent vivront en milieu urbain. À cet horizon, une

Dans ce contexte, les coopératives auraient fait

personne sur trois dans les pays à revenu élevé et une

montre d’une résilience remarquable à la crise qui

personne sur cinq dans les pays en développement

a éclaté au niveau mondial en 2008, notamment

aura plus de 60 ans5. C’est pourquoi de nouvelles

dans le domaine de l’emploi. Ce phénomène a été

opportunités de marché pour satisfaire les besoins

souligné publiquement par d’éminentes institutions

15


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

internationales. Dans le message qu’il a adressé

pertinente qui n’est pas seulement durable mais

à l’occasion de la Journée internationale des

aussi opportune »12, les nouvelles coopératives ayant

coopératives en 2013, le Secrétaire général des

tendance à mieux survivre que les autres types

Nations Unies, Ban Ki-moon, a mis en exergue que les

d’entreprises (Birchall & Ketilson, 2009, p. 29).

coopératives « peuvent aider à construire la résilience dans tous les domaines socio-économiques en Le rapport Sur la contribution des coopératives à la

période d’incertitude mondiale »10.

sortie de la crise adopté par le Parlement européen en juillet 2013 souligne leur résilience en termes

Selon Guy Ryder, Directeur général de l’OIT, « les

d’emploi et de survie, et fait valoir que malgré la

entreprises coopératives sont nées de situations

crise, « des coopératives se sont créées dans des

de crise, et se sont révélées aptes à répondre

secteurs nouveaux et innovants, et que les preuves

directement aux besoins de leurs membres. Elles

de cette résilience sont nombreuses, notamment

restent aujourd’hui tout aussi efficaces lorsqu’elles

en ce qui concerne les banques coopératives et

peuvent

concrétiser

leurs

11

idéaux » .

Dans

le

les coopératives des secteurs de l’industrie et des

prolongement, l’OIT déclare que « les entreprises

services

(coopératives

de

travail,

coopératives

coopératives connaissent aujourd’hui un important

sociales et coopératives composées de PME) »13.

essor, s’affirment en tant que solution résiliente et

1.3. Définitions clés

Selon la Déclaration sur l’identité coopérative de l’ACI et la Recommandation sur la Promotion des coopératives, 2002 (N° 193) de l’OIT, une coopérative est « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et environnementaux communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement »14: elle est régie par 7 principes de fonctionnement, à savoir « une adhésion volontaire et ouverte à tous: le contrôle démocratique exercé par les membres: une participation économique des membres: l’autonomie et l’indépendance: l’éducation, la formation et l’information: la coopération entre coopératives: l’engagement envers la communauté »: et elle est guidée par « les valeurs coopératives, à savoir l’entraide, la responsabilité personnelle, la démocratie, l’égalité, l’équité, la solidarité ainsi qu’une éthique fondée sur l’honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et l’altruisme »15.

La signification du terme emploi dans le cadre de cette étude suit la définition qu’en donne l’OIT: « l’emploi englobe tout type de travail, réalisé pour un salaire ou traitement, bénéfices ou gains familiaux »16 et comprend « l’emploi rémunéré » et « l’emploi pour compte propre », compte tenu que « les employeurs, les personnes travaillant à leur propre compte et les membres des coopératives de production [c’est nous qui soulignons] devraient être considérés comme travailleurs indépendants»17.

16


1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL

Cette définition internationale va donc bien au-delà de la seule notion de salariés: elle englobe toutes les activités économiques rémunérées (en espèces ou en nature) quel que soit le statut du travailleur. Elle est également en cohérence avec les normes de l’OCDE18.

La notion d’emploi de l’OIT suit une tendance qui s’est affirmée au fil des quatre dernières décennies: parallèlement à l’aggravation du problème du chômage, l’utilisation du terme « emploi » a été considérablement élargie pour couvrir tous types d’activités humaines permettant aux personnes d’en obtenir des ressources en espèces ou en nature. Contrairement à la tendance perceptible dans la société moderne, à savoir que tous les types d’emploi convergent progressivement vers une relation salarié-employé, nous observons que différentes formes d’emploi telles que celles de producteurs indépendants ou freelance représentent encore une part importante des formes de travail reconnues, et sont même en voie d’expansion. Si ces formes sont de plus en plus englobées dans la notion d’emploi au sens plus large du terme, il est certain qu’elles présentent des traits distinctifs de la notion d’emploi au sens plus étroit du terme (à savoir la relation employeur-salarié).

En application de la définition de l’emploi de l’OIT énoncée ci-dessus, qui inclut les membres de coopératives de producteurs, le terme emploi coopératif utilisé dans l’étude renvoie à l’emploi tant au sein que dans le cadre des coopératives: elle comprend tant les employés et les travailleurs-membres qui travaillent au sein des coopératives que les producteurs-membres qui travaillent pour leur compte et produisent dans le cadre des coopératives (lesquelles leur fournissent des services de transformation, commercialisation et/ou fourniture d’intrants) ainsi que les personnes employées par ces producteurs-membres indépendants.

En effet, les producteurs-membres et leurs coopératives sont mutuellement et directement liés tant en termes de processus de production que de gouvernance d’entreprise: la coopérative fournit habituellement une contribution fondamentale au processus de production du producteur-membre, tandis que les producteurs membres assurent ensemble un contrôle démocratique sur leur coopérative. Nous ne considérons donc pas l’emploi des producteurs membres comme étant indirectement liés aux coopératives.

Trois types principaux de coopératives sont examinés dans le cadre de cette étude en fonction du type de membres qui les contrôlent: A

les coopératives d’usagers dont les membres sont des usagers comme, par exemple, des consommateurs (les coopératives de consommation), des titulaires de comptes (les banques coopératives et coopératives de crédit), des usagers de services d’électricité ou de distribution d’eau (les coopératives d’utilité publique);

A

les coopératives de travail associé19 et les coopératives sociales20, généralement composées en majorité de travailleurs-membres, qui sont à la fois propriétaires et membres du personnel de ces coopératives, à l’exception des coopératives sociales multi-sociétaires (cf. ci-dessous), où les travailleurs-membres peuvent être une

17


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

minorité; les coopératives de travail associé ont pour mission principale celle de créer et maintenir des emplois durables; une partie des coopératives sociales se concentre sur les services à la collectivité (santé, education, services sociaux etc.), tandis qu’une autre partie se spécialise dans l’insertion par le travail de personnes handicappées ou désavantagées; A

les coopératives de production, par l’intermédiaire desquelles des producteurs de biens ou de services (tels que des agriculteurs, des pêcheurs, des conducteurs de taxis, des artisans, etc.) s’organisent ensemble pour la fourniture d’intrants, la transformation et la commercialisation.

A

En outre, l’étude mentionne également les coopératives multi-sociétaires composées de plusieurs types de membres qui participent à la gouvernance de la coopérative.

1.4. Principales caractéristiques et limitations de l’étude

Dans cette étude, qui a duré 15 mois (de juin 2013 à aout

paramètres

pour découvrir les

caractéristiques

2014), nous essayons d’analyser l’emploi coopératif

intrinsèques de l’emploi coopératif en nous servant

dans une perspective intersectorielle et mondiale,

d’une nouvelle approche qualitative. Sur la base

tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif.

d’entrevues de personnes, de leurs avis, commentaires et sentiments exprimés, nous essaierons de dresser

En ce qui concerne le volet quantitatif de l’étude, nous nous proposons d’avancer des estimations plutôt que des données chiffrées exactes, l’enjeu étant dans cette phase de mieux cerner l’échelle de l’emploi au sein ou dans le cadre des coopératives dans le monde.

un tableau de ce que signifie travailler dans ou dans le cadre d’une coopérative et d’identifier les aspects propres à l’expérience coopérative, ainsi que l’incidence de ces aspects sur la durabilité entrepreneuriale des coopératives.

La finalité de ce travail n’est pas de produire une étude statistique même si nous estimons que des études

Cette étude se concentre exclusivement sur les

complémentaires sur les coopératives, fondées sur

coopératives. Nous avons délibérément exclu du

des données quantitatives, devraient être réalisées en

champ de notre travail des formes très proches

partenariat avec des universités et d’autres institutions

d’entreprises telles que les entreprises détenues

de recherche.

majoritairement par leurs salariés ou les mutuelles, de plus en plus regroupées dans les catégories de

En ce qui concerne le volet qualitatif, l’étude prend en considération différents aspects des normes du travail de l’OIT et de la notion d’emplois décents. Nous essaierons cependant d’aller au-delà de ces

18

« l’économie sociale » et de « l’économie solidaire ». Les chiffres auraient été plus élevés si nous avions fait ce choix. Aucune de ces autres formes n’a cependant de normes internationales claires qui gouvernent tous les principaux aspects de l’entreprise et à la


1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL

fois soient partagées et approuvées universellement

calcul de l’emploi indirect est, selon l’OIT, extrêmement

(une caractéristique principale et originale du modèle

difficile à mener à bien de manière fiable 22.

coopératif)21. L’intégration de ces formes proches dans l’étude aurait rendu difficile toute démarcation claire de l’objet de l’étude tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

Autant cette étude tient compte des différentes typologies de coopératives et d’empl oi coopératif, elle ne comprend pas de classification sectorielle de l’emploi coopératif, ce qui aurait d épassé les limites

L’étude

se

concentre

uniquement

sur​l’emploi

de temps de cette étude.

coopératif direct, qui comprend également, selon notre définition basée sur la définition de l’OIT de l’emploi, les producteurs indépendants qui produisent dans le cadre des coopératives, comme nous l’avons expliqué ci-dessus. Elle n’analyse pas les emplois indirects, tels que les emplois à long terme (fourni sseurs, services locaux) induits par la présence de coopératives dans une collectivité, ni les emplois générés par des prêts productifs accordés par des coopérat ives de crédit dans le monde entier. Si nous avions inclus l’emploi indirect, les estimations quantitati ves auraient certainement été plus élevées. Cependant, un niveau beaucoup plus profond et ample d’ana lyse aurait été nécessaire, ce qui aurait dépassé le temps et les conditions fixés pour cette recherch e. En outre, le

Nous avons opté pour un ancrage profond à la base car nous le jugions nécessaire pour dégager un éclairage en profondeur de la réalité concrète de l’emploi coopératif. Par conséquent, une partie substantielle de l’étude se fonde sur du travail de terrain réalisé dans 10 régions sélectionnées présentant des dimensions géographiques et démographiques comparables qui ont été choisies en fonction d’un certain nombre de critères déclinés dans la section 1.5. ci-dessous. Elles peuvent être vues sur la carte p.10 et sont énumérées et brièvement décrite dans le tableau 1 p.11. Une description plus détaillée des 10 régions se trouve dans l’annexe 2.

1.5. Considérations méthodologiques

Dans différentes parties de l’étude, nous avons recours à des méthodes de recherche différentes.

Pour le Chapitre 2 qui traite essentiellement du nombre d’emplois ou d’activités économiques individuelles créés ou conservés au sein ou dans le cadre des coopératives dans le monde, nous avons recueilli toutes les sources de données contenant des informations statistiques sur l’emploi coopératif dans chacun des pays où ces informations étaient accessibles. Notre première source a été l’autorité statistique nationale, les organismes publics nationaux compétents ou les organisations coopératives nationales. Nous avons ensuite puisé dans les travaux de recherche existants sur le sujet. Nous avons, enfin, contacté les organisations coopératives nationales et leur avons demandé les informations et explications pertinentes pour interpréter correctement les données. Au fil de cette démarche, nous avons essayé de

19


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

discerner les données en matière d’emploi au sein des coopératives, telles que les salariés et les travailleurs-membres, d’une part, et l’emploi généré dans le cadre des coopératives, tel que l’emploi de producteurs et d’artisans, et de leurs propres salariés, d’autre part. Ce travail de recueil de données a duré pendant toute la période de recherche. Les résultats sont partiels et portent sur des années différentes selon les pays, sans aller au-delà de la période 2003-2014. Les résultats ne sont donc que des estimations brutes qui ne peuvent être considérées comme des données statistiques. L’établissement de données statistiques sur l’emploi coopératif au niveau mondial exigerait l’existence de politiques publiques qui font actuellement défaut tant au niveau international que dans de nombreux pays.

Cependant, le calcul de ces estimations est insuffisant pour comprendre les spécificités de l’emploi coopératif. À cette fin, nous avons effectué une recherche approfondie sur des régions cibles. Son résultat est principalement utilisé aux Chapitres 3 et 4.

Pour la sélection des régions cibles (voir carte p. 10, le tableau 1 p.11 et l’annexe 2), notre première étape a été de choisir 10 pays où le système coopératif est bien développé quantitativement et diversifié, sans perdre de vue la diversité géographique, économique, développementale et culturelle de ces pays afin de disposer d’un bon échantillon mondial. Parallèlement, nous avons également choisi des pays dans lesquels nous avions des membres ou partenaires nationaux disponibles, et une capacité de communication linguistique. Dans une deuxième étape, nous avons identifié une région dans chacun des pays retenus, où la population locale représente de 1,5 million à 12 millions d’habitants, et où la densité et la diversité des coopératives sont plus importantes en regard d’autres régions du même pays. Tout en essayant de nous en tenir à ce dernier critère, certaines régions ont été retenues pour des considérations spécifiques. Par exemple, nous avons découvert qu’au Japon, les régions où le secteur coopératif est relativement plus important et diversifié présentent des caractéristiques très semblables à celles de la région choisie en Corée du Sud, les deux pays ayant des traditions et des structures coopératives similaires. Pour éviter l’écueil de la similarité, nous avons choisi une autre région au Japon où des types de coopératives urbaines, telles que des coopératives de consommation et de travail associé, se sont fortement développés, à la place des secteurs d’implantation forte et traditionnelle des coopératives, tels que l’agriculture, la pêche et la sylviculture. De même, les régions où les coopératives sont les mieux établies au Brésil présentent des caractéristiques très semblables à celles de la province de Santa Fe, retenue pour l’Argentine, outre qu’elles sont géographiquement très proches. Nous avons donc choisi un état du Brésil qui se situe à l’autre extrémité du pays, où le mouvement coopératif n’est pas encore très fort mais dont le développement est prometteur, alors que son environnement économique et social est bien différent de celui du Sud du pays plus développé.

20


1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL

Ce type de sélection ne prend pas en compte la représentativité au regard du groupe de population qui n’a pu être identifié a priori. Au contraire, notre priorité théorique et pratique étant les coopératives et l’emploi, notre choix pourrait être interprété comme un échantillonnage théorique (Glaser et Strauss, 2008). Cette mention est particulièrement importante parce que nous utilisons cette sélection non seulement pour une recherche approfondie en vue de réunir des données statistiques, mais aussi lors d’entrevues qualitatives de personnes travaillant dans ou dans le cadre des coopératives.

Les visites et les entrevues ont duré environ une semaine dans chacune des régions mentionnées ci-dessus, soit un total de 10 semaines d’octobre 2013 à mars 2014. En tout, nous avons visité, ou eu des entretiens ou des réunions avec 60 coopératives et 13 organisations coopératives dans divers secteurs. 65 interviews individuelles ont été réalisées outre de nombreux autres contacts, réunions et visites de terrain, impliquant des membres du personnel remplissant différents rôles et fonctions, ainsi que les producteurs-membres engagés dans un large éventail de différentes activités économiques. Le travail de terrain a été préparé en amont pendant plusieurs mois dans chacune des 10 régions et le suivi de plusieurs contacts locaux s’est prolongé pendant de nombreuses semaines. Plusieurs centaines de pages de rapports du travail de terrain ont été produites. Les enquêtes ont été menées à bien par les trois auteurs qui se sont partagé ce travail entre eux en fonction surtout de leurs capacités linguistiques et de leur connaissance des pays concernés23. Nous avons également pu compter sur la collaboration de membres de CICOPA ou (comme dans le cas de l’Afrique du Sud ou de l’Inde), de partenaires de longue date de CICOPA qui nous ont fourni des informations contextuelles significatives. Au Québec, le partenariat avec le Mouvement Desjardins a été fondamental.

Dans chacune des 10 régions, nous avons réalisé deux types d’activités de recherche.

En premier lieu, nous avons recueilli des données statistiques sur l’économie régionale en général et les coopératives dans la région. Nous avons généralement eu des difficultés à obtenir des informations quantitatives sur les coopératives au niveau régional. Nous avons donc été appelés à mobiliser toutes les méthodes à la disposition telles que la collaboration avec le mouvement coopératif régional, l’accès aux bases de données statistiques publiques et une conjugaison des deux méthodes.

En second lieu, pour identifier les aspects communs et la diversité de l’emploi coopératif, nous avons mené à bien des interviews qualitatives de personnes travaillant dans ou dans le cadre des coopératives. Sur la base de méthodes d’interviews ethnographiques (Beaud et Weber, 2003), nous avons essayé de comprendre les différentes pratiques de travail dans les coopératives et l’interprétation qu’en donnaient les acteurs eux-mêmes.

21


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Afin de refléter dans toute la mesure du possible les différents aspects, nous avons essayé de trouver des personnes à interviewer qui procèdent d’horizons aussi différents que possible tant du point de vue du type de coopératives dans lesquelles elles sont engagées que de leur profil personnel tels le sexe, l’âge, le statut du travailleur, sa syndicalisation ou non, et les différents types de relations du travail avec les coopératives concernées, etc.

Notre méthode d’interview a été semi-dirigée afin d’empêcher que la représentation du chercheur n’influe sur les personnes interviewées (Alcaras et al. 2009), tout en se concentrant sur des questions d’emploi. Toutes les interviews ont été enregistrées et partiellement retranscrites, notamment ce qui s’y est exprimé sur les spécificités de l’emploi coopératif. À l’exception des cas du Japon et de l’Inde pour lesquels nous avons obtenu l’aide de traducteurs, toutes les autres interviews ont été réalisées dans les langues des régions respectives (italien, espagnol, portugais, coréen, anglais et français).

Certaines des personnes interviewées ont insisté pour conserver l’anonymat le plus strict, alors que d’autres ont préféré ne pas être identifiées, et d’aucunes n’avaient pas d’avis tranché sur la question. Nous avons donc décidé de traiter toutes les personnes interviewées de la même manière, c’est-à-dire en respectant l’anonymat de leur propos. Nous ne mentionnons donc que la région et le secteur d’activité de la coopérative concernée, généralement sans évoquer la fonction de la personne au sein de la coopérative, mais en précisant néanmoins s’il s’agit d’une personne salariée, d’un producteur-membre ou d’un travailleur-membre. Seulement dans le cas des deux groupes de coopératives, Desjardins et Mondragon, nous faisons mention du groupe dans les citations.

NOTES

22

1.

Cf. CIA World Factbook – 22 juillet 2014, www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/fields/2229.html

2.

Cf. article: Ban Ki-moon: Decent jobs for youth are essential to the future we want disponible sur www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_247476/lang--fr/index

3.

Cf. OIT, Migrations de main-d’œuvre: faits et chiffres, disponible sur www.ilo.org/global/about-the-ilo/mediacentre/issue-briefs/WCMS_239651/lang--fr/index.htm (date de parution, le 26 mars 2014)

4.

Cf. L’avenir que nous voulons: document final adopté au Sommet Rio+20, p. 33, disponible sur www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/66/288

5.

Cf. Urbanisation: des faits et des chiffres, p. 5, disponible sur: www.un.org/french/ga/istanbul5/kit2.pdf

6.

Cf. Éditorial de l’OIT publié le 20 mai, Pourquoi l’emploi et les moyens de subsistance comptent, sur www.ilo.org/ global/about-the-ilo/newsroom/comment-analysis/WCMS_213610/lang--fr/index.htm

7.

Cf. Haroon Siddique One in 10 young British have nothing to live for, The Guardian, le 2 janvier 2014: www.theguardian. com/society/2014/jan/02/one-in-10-jobless-yougov-poll

8.

Cf. Dean Baker The Human Disaster of Unemployment, the New York Times Sunday Review, le 12 mai 2012 www.nytimes.com/2012/05/13/opinion/sunday/the-human-disaster-of-unemployment.html?pagewanted=all

9.

Cf. La crisi uccide imprenditori e disoccupati: lo scorso anno si sono tolte la vita 149 persone, La Repubblica,


1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL

le 15 février 2014, sur www.repubblica.it/economia/2014/02/15/news/crisi_suicidi_lavoro-78655798 et Angeles López La crisis y el desempleo golpean a los jóvenes europeos, El Mundo, 18 septembre 2013 www.elmundo.es/ elmundosalud/2013/09/17/noticias/1379444254.html

10.

Cf. l’article Cooperatives can build socio-economic resilience during crises – UN officials, www.un.org/apps/news/ story.asp?NewsID=45353#.U6q_t7HLMoA

11.

Cf. Message de Guy Ryder, Directeur général de l’OIT lors de la Journée internationale des coopératives en 2013, disponible sur www.ilo.org/beirut/media-centre/statements/WCMS_216859/lang--en/index.htm

12.

Cf. Déclaration de l’OIT Cooperative enterprises remain strong in times of crisis parue le 9 juillet 2013, à l’occasion de la Journée internationale des cooperatives: www.ilo.org/newyork/speeches-and-statements/ WCMS_217368/lang--en/index.htm

13.

Cf. Rapport du PE sur 0222+0+DOC+XML+V0//FR

14.

OIT, Recommandation sur la Promotion des coopératives, 2002 (N° 193), art. 2

15.

Ibid., art. 3

16.

http://laborsta.ilo.org/applv8/data/iloce.pdf

17.

http://laborsta.ilo.org/applv8/data/c2e.html

18.

le cadre de l’OIT est “consistant avec le programme des Taux Standardisés du Chômage de l’Organisation pour la Coopération et e Développement Economique, et tous les autres programmes comparatifs qui utilisent les lignes directrices de l’OIT ”. http://laborsta.ilo.org/applv8/data/iloce.pdf

19.

Telles que définies par la Déclaration mondiale de CICOPA sur le travail associé coopératif, adoptee par son Assemblée générale en 2003 et par l’Assemblée générale de l’ACI en 2005, disponible sur www.cicopa.coop/IMG/ pdf/declaration_approved_by_ica_-_en-2.pdf.

20.

Telles que définies par les Standards mondiaux des cooperatives sociales, disponibles sur www.cicopa.coop/IMG/ pdf/world_standards_of_social_cooperatives_en.pdf

21.

Cf. ACI Déclaration sur l’identité cooperative sur http://ica.coop/en/whats-co-op/co-operative-identity-valuesprinciples, intégrée à la Recommandation de 2002 sur la promotion des coopératives (n° 193) de l’OIT sur www.ilo. org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193

22.

Voir Lall S., 1979, The indirect employment effects of multinational companies in developing countries; Genève: OIT

23.

Eum Hyungsik s’est chargé du travail de terrain en Afrique du Sud, Corée du Sud, Japon, Canada et États-Unis; Elisa Terrasi en Italie, Espagne et Inde; et Bruno Roelants au Brésil et en Argentine

www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A7-2013-

23


CHAPITRE 2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE


2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

2.1. Définition des catégories clés Au fil des dernières années, il a été fait état à maintes reprises que 100 millions de personnes dans le monde devaient leur emploi à des coopératives24. Dans ce chapitre, nous essayons de vérifier cette estimation sur la base de données statistiques empiriques et de sonder les possibilités d’une analyse plus approfondie compte tenu que les statistiques sur les coopératives ne sont pas systématiquement produites au niveau mondial, voire qu’un nombre non négligeable de pays ne disposent pas du tout de telles statistiques. Par ailleurs, les informations sur l’emploi engendré par les coopératives est plus difficile à déceler que des données générales sur l’emploi, l’importance de l’emploi assuré par les coopératives n’étant généralement pas pleinement reconnu partout par les autorités responsables des statistiques comme une valeur ajoutée des coopératives.

Nous avons recueilli des données des collectivités publiques, des organisations coopératives et certaines que des enquêtes régionales ont permis d’établir, et avons essayé de parvenir à une estimation au niveau mondial et du G20. Au cours du recueil de ces données, nous avons fait une distinction entre trois catégories, à savoir les salariés de tous types de coopératives, les travailleurs-membres qui sont plus nombreux dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales, ainsi que les producteurs-membres des coopératives de production.

A

En ce qui concerne la première catégorie, la plupart des coopératives ont leurs propres salariés pour réaliser les objectifs et les activités économiques qu’ont définis les membres. Dans ce cas de figure, les coopératives ont recours au même type de forme de travail que d’autres types d’entreprises, à savoir fondée sur la relation employeursalarié. Cette forme de travail est présente dans presque tous les types de coopératives, même dans les coopératives de travail associé où travaillent ensemble des travailleursmembres et non-membres. Ajoutons que ce n’est pas seulement le cas pour les coopératives de premier degré mais également pour les coopératives de deuxième degré, les consortiums et les groupes coopératif ainsi que les fédérations nationales et régionales de coopératives25. Lorsque les informations étaient disponibles, nous avons pris en considération les salariés des filiales qui sont détenues et controlées par des coopératives.

A

La seconde catégorie, constituée par les travailleurs-membres et dénommée travail associé26, constitue une part relativement mince de l’emploi coopératif dans le monde, sans pour autant être insignifiante compte tenu notamment de l’extrême diversité des secteurs dans lesquels cette catégorie s’est développée, de la taille de ces coopératives, de l’environnement dans lequel elles sont implantées (milieu rural/urbain) et des pays. Ces coopératives sont un véritable laboratoire de l’entrepreneuriat et du travail. À cet égard, nous devrions prendre en considération qu’au début de l’industrialisation au 19ème siècle, la relation employeur-salarié ne représentait pas une des formes de travail dominantes. Depuis lors, les personnes ont essayé de créer différentes formes de relations du travail pour éviter la subordination sur le lieu de travail, pour en encourager l’autonomie et la prospérité économique. Ces formes innovantes, bien que pas nouvelles, se sont surtout

25


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

développées dans les coopératives de travail associé. Actuellement, nous ne trouvons pas seulement des modèles d’emploi innovant traditionnels, que représente le travail associé, mais aussi de nouvelles vagues de travail innovant telles que les coopératives sociales, les coopératives multi-sociétaires, les coopératives de communautés, les collectifs de travailleurs au Japon ou les coopératives d’activité et d’emploi en France, qui se sont développées pour répondre à de nouveaux besoins et aspirations. Nombre de ces formes de travail ne sont pas officiellement reconnues en tant que telles. Cependant, nous pouvons observer qu’elles jouissent de plus en plus d’un cadre juridique propre au niveau national au titre de modèle coopératif, les aidant ainsi à sauvegarder leurs spécificités d’emploi tout en bénéficiant de réglementations du travail développées dans d’autres cadres et formes du travail pour créer et maintenir des conditions de travail décentes. A

En ce qui concerne la troisième catégorie, constituée de producteurs indépendants, de nombreuses coopératives jouent un rôle d’interface avec des personnes travaillant en tant que producteurs individuels à leur compte comme, par exemple, des agriculteurs, des pêcheurs, des artisans, etc., ou avec des PME, qui comptent partiellement ou intégralement sur des coopératives pour transformer ou commercialiser leurs produits ou services, ou leur fournir des intrants clés pour leur production. Dans certains cas plus rares, nous avons pu obtenir des données sur des personnes employées par les producteurs individuels ou PME qui sont membres des coopératives. Même si les coopératives n’emploient pas directement ces personnes, elles mettent à leur disposition des outils clé de production leur permettant de réaliser leurs activités économiques et d’accroitre leur compétitivité, contribuant ainsi au maintien et au renforcement de l’emploi sous ces formes de travail. Dans les statistiques officielles sur l’emploi, les informations sur cette catégorie sont exclues du calcul de l’emploi coopératif et les producteursmembres travaillant pour compte propre sont considérés comme des producteurs individuels. Aucun lien n’est détectable entre leur métier et les coopératives. Il convient de souligner que dans de nombreux cas, la coopérative n’est pas la seule entité avec laquelle le membre réalise ses transactions liées à sa production, mais elle est dans la plupart des cas la principale. Dans certains cas, c’est la seule.

Comment mesurer la contribution des coopératives à l’emploi dans cette troisième catégorie ? L’importance de la contribution de la coopérative à l’emploi d’un producteur peut être très variable et correspond souvent à moins d’un équivalent temps-plein (ETP) par producteur-membre, mesuré à l’aune du revenu de ce dernier procédant de ses transactions avec sa coopérative: par exemple, une estimation moyenne de 50% du total des transaction du producteur a été fournie dans le cas des coopératives agricoles en Argentine27, mais les ratios estimés peuvent s’élever à 60% ou 70%, par

26


2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

exemple dans les coopératives de taxis et de transport au Brésil. En Chine, on estime à 58%28 le ratio moyen pour les agriculteurs-membres. Dans certaines régions, comme le Pays Basque en Espagne ou l’Emilie-Romagne en Italie, le ratio peut atteindre 100%. Cependant, nous ne pouvons perdre de vue que plus particulièrement dans l’agriculture, les producteurs travaillent rarement seuls et que les exploitations comptent souvent deux, trois, voire davantage de personnes qui y travaillent (parents ou employés). En tout état de cause, les ratios que nous avons trouvés dans la plupart des cas (50 à 70%, dans certains cas jusqu’à 100%) montrent la relation productive étroite et quantitativement importante qui existe entre le producteur indépendant et sa coopérative. Cette relation confirme notre position dans cette étude selon laquelle nous considérons cette forme d’auto-emploi comme étant directement, et non pas indirectement, une partie de l’emploi coopératif.

Lors du calcul du nombre de producteurs-membres, nous nous sommes attachés à éviter le double comptage, par exemple, en ne comptant que les coopératives agricoles engagées dans la transformation et la commercialisation lorsque les mêmes agriculteurs peuvent être membres d’autres coopératives de production qui leur fournissent des intrants ou des conseils techniques.

Même si l’estimation du nombre cumulé de personnes constituant l’emploi coopératif nous permettra de toute évidence de comprendre le rôle et le poids des coopératives dans l’économie en général, il est également important de distinguer ces trois formes de travail en lien avec les coopératives parce qu’elles illustrent différentes contributions des coopératives au travail et à l’emploi.

Bien que nous ayons essayé de différencier les trois catégories évoquées ci-dessus, il a parfois été difficile d’obtenir des données qui permettent d’opérer cette différenciation. Nous devons donc expliquer les limites de ces estimations:

A

Premièrement, lorsque nous avons pu recueillir des données ventilées par types de coopératives, nous avons essayé d’analyser ce que représente chaque type de coopérative en fonction de ces trois catégories de travail. Pour les coopératives d’usagers, par exemple, nous nous sommes limités à compiler des données sur les seuls salariés. Dans le cas des coopératives de production et de travail associé, nous avons compilé des données sur les salariés et les membres. Cependant, lorsque nous avons utilisé les données déjà compilées sur l’emploi généré par les coopératives, nous n’avons pas toujours pu vérifier le caractère des informations qui devraient inclure des données sur les personnes salariées et les travailleurs-membres29. Dans de tels cas de figure, nous avons introduit ces informations dans les tableaux sous la rubrique « salariés » uniquement.

A

Ensuite, dans le secteur industriel et le secteur des services de plusieurs pays en développement, lorsque nous avons pu obtenir des données claires sur les travailleurs-membres à la différence

27


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

des producteurs-membres, nous les avons considérés comme tels. Cette démarche a induit à considérer comme travailleurs-membres bon nombre de personnes en Inde figurant comme producteurs-membres de coopératives. Ce choix se voit renforcé par notre observation de la situation en Inde, où de nombreux travailleurs de coopératives dans des activités industrielles et artisanales telles que le tissage et le filage à la main ont un statut de producteur-membre mais sont davantage à considérer comme des travailleurs-membres considérant le type d’organisation du travail 30. A

Enfin, dans de nombreux pays, nous n’avons pas pu rassembler d’informations suffisantes sur les producteurs-membres travaillant pour compte propre. Par conséquent, bien que nous disposions de données assez fournies sur cette catégorie en Chine et en Inde, les informations sur les producteurs-membres ayant un statut d’indépendants demeurent largement incomplètes et sont loin de couvrir tous les pays.

2.2. Estimations actuelles au niveau mondial et dans le G20 2.2.1. Estimations au niveau mondial

Comme le révèle le Tableau 2 ci-dessous, selon nos estimations actuelles, qui reposent sur des données incomplètes compilées dans 74 pays sur tous les continents, qui regroupent environ 79% de la population mondiale, l’emploi au sein et dans le cadre

des coopératives concerne, pour le moins, 250 millions de

31

personnes dans le monde , correspondant à 8,73% de la population active occupée mondiale32. Ce nombre est sensiblement plus élevé que les 100 millions d’emplois qui avaient été estimés au début des années 1990 et qui a été relayé dans et en dehors du mouvement coopératif depuis lors. De ce chiffre global, près de 26,4 millions de personnes travaillent au sein des coopératives, dont 15,6 millions sont des salariés de coopératives et 10,8 millions sont des travailleurs-membres. L’emploi dans le cadre des coopératives concerne 223,6 millions de producteurs individuels ou PME dans le secteur de l’agriculture, de la pêche, de l’industrie, de l’artisanat, des transports, etc., leur grande majorité étant dans le secteur de l’agriculture.

Géographiquement, les pays asiatiques présentent les chiffres les plus élevés. Les chiffres impressionnants de Chine et d’Inde permettent d’estimer que l’emploi coopératif, quelle qu’en soit la forme, est beaucoup plus répandu en Asie que dans d’autres continents. Les pays européens, pour lesquels la disponibilité des données est meilleure, semblent également se caractériser par un taux élevé d’emploi coopératif, alors que les pays du continent américain sont légèrement mieux positionnés dans la catégorie des travailleurs-membres.

28


2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

TablEAU 2 Nombre d’emplois au sein et dans le cadre des coopératives dans le monde, par continents et par catégorie

CATÉGORIE 1 CONTINENTS

SALARIÉS

CATÉGORIE 2

CATÉGORIE 3

TRAVAILLEURS-

PRODUCTEURS-MEMBRES

MEMBRES

(Y COMPRIS LEURS SALARIÉS, QUAND DONNÉES DISPONIBLES)

TOTAL

EUROPE (31)

4.627.853

1.231.102

10.132.252

15.991.207

AFRIQUE (13)

1.467.914

237

5.715.212

7.183.363

ASIE (14)

7.734.113

8.200.505

204.749.940

220.684.558

AMÉRIQUE (15)

1.762.797

1.409.608

3.048.249

6.220.654

OCÉANIE (1)

26.038

N.D.

34.592

60.630

TOTAL

15.618.715

10.841.452

223.680.245

250.140.412

Les chiffres par pays peuvent être retrouvés dans l’annexe 2

2.2.2. Estimations pour le G20

Le G20 représente une part substantielle de l’économie mondiale (85% du PIB mondial) et de la population du monde (64%). Estimer le niveau de l’emploi généré par les coopératives dans le G20 en général est donc très pertinent.

L’estimation totale de l’emploi coopératif dans le G20 est légèrement supérieure à 234 millions, soit la grande majorité des emplois ainsi générés dans le monde. Presque 20 millions de ces emplois sont des emplois au sein des coopératives, qui se ventilent en 10,7 millions de salariés et 9,2 millions de travailleurs-membres. Les emplois générés dans le cadre des coopératives sont proches des 214 millions.

Le ratio de l’emploi coopératif, tant au sein des coopératives (salariés et travailleurs-membres) que dans le cadre des coopératives (producteurs-membres), en regard de l’emploi global est particulièrement élevé en Chine (21,22%), en Corée du Sud (11,21%), en Inde (10,68%), en Italie (10,90%) et en Turquie (10,35%). Dans l’ensemble du G20, le ratio de l’emploi coopératif en regard de l’emploi global est de 11,65%.

29


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

TableAU 3 L’emploi coopératif dans le G20, par pays et par catégories

PAYS

ARGENTINE AUSTRALIE*

CATÉGORIE 2

SALARIÉS

TRAVAILLEURS-MEMBRES

(A)

(B)

(ET LEURS EMPLOYÉS QUAND DONNÉES DISPONIBLES)

87.486

177.568

112.086

Pas de données

34.592*

26.038

CATÉGORIE 3 PRODUCTEURS-MEMBRES

(C )

BRÉSIL

296.286

259.035

1.114.467

CANADA

155.427

5.490

520.000

CHINE

2.090.000

650.000

160.000.000

FRANCE

564.012

21.679

928.000

ALLEMAGNE

890.133

Comptés avec les salariés

1.700.000

INDE

1.215.627

6.845.701

31.291.714

INDONÉSIE

473.604

Pas de données

Pas de données

ITALIE

1.042.490

703.879

749.441

JAPON

571.117

19.986

4.827.104

MEXIQUE

41.184*

Pas de données

Pas de données

RUSSIE

235.000

Pas de données

1.100.000

ARABIE SAOUDITE

Pas de données

Pas de données

Pas de données

AFRIQUE DU SUD

Pas de données

Pas de données

Pas de données

CORÉE DU SUD

123.482

1.141

2.642.826

TURQUIE

98.968

Pas de données

2.463.026

ROYAUME UNI

236.000

5.234

158.438

ETATS UNIS

967.080

55.140

854.700

EU

1.582.846

500.310

5.496.373

TOTAL

10.696.780

9.245.163

213.992.767

* Information partielle

30

CATÉGORIE 1


2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

TableAU 3 L’emploi coopératif dans le G20, par pays et par catégories

COUNTRY

TOTAL NUMBER OF ALL COOPERATIVE EMPLOYMENT (A+B+C)

RATE OF EMPLOYMENT IN COOPERATIVES

RATE OF ALL COOPERATIVE EMPLOYMENT

(A, B)

(A, B, C)

REFERENCE

OUT OF 2012 TOTAL EMPLOYED POPULATION (%)

OUT OF 2012 TOTAL EMPLOYED POPULATION (%)

YEAR

ARGENTINE

377.140

1.69

2.40

2008

AUSTRALIE*

60.630

0.23

0.53

2011

BRÉSIL

1.669.788

0.59

1.76

2011

CANADA

680.917

0.92

3.89

2009

CHINE

162.740.000

0.36

21.22

2013

FRANCE

1.513.691

2.22

5.87

2010

ALLEMAGNE

2.590.133

2.29

6.47

2012

INDE

39.353.042

2.15

10.51

2009-2010

INDONÉSIE

473.604

0.43

0.43

2012

ITALIE

2.495.810

7.63

10.90

2011

JAPON

5.418.207

0.94

8.64

2009-2014

MEXIQUE

41.184

0.08

0.08

2007

RUSSIE

1.335.000

0.33

1.87

2013

CORÉE DU SUD

2.767.449

0.50

11.21

2011-2014

TURQUIE

2.561.994

0.40

10.32

2012

ROYAUME UNI

399.672

0.82

1.36

2010

ETATS UNIS

1.876.920

0.72

1.32

2007+2011

EU

7.579.529

2.10

7.63

2009-2010

TOTAL

233.934.710

0.99

11.65

ARABIE SAOUDITE AFRIQUE DU SUD

* Information partielle

31


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

2.3. Évolution de l’emploi coopératif dans le temps

Si les estimations mentionnées ci-dessus sont d’un intérêt majeur, elles ne révèlent en rien une augmentation ou une diminution de l’emploi coopératif dans le temps. Nos données sur l’évolution diachronique sont encore plus rares mais nous essaierons d’analyser les éléments que nous avons pu recueillir. Nous nous concentrerons en premier lieu sur la résilience des coopératives à la crise mondiale qui a éclaté en 2008, plus précisément dans le domaine de l’emploi, et tenterons ensuite de percevoir l’évolution de l’emploi coopératif depuis 2000 dans les quelques pays sur lesquels nous avons trouvé des informations à cet égard.

2.3.1. Résilience des coopératives à la crise

Un exemple typique de cette résilience se trouve en

Cette tendance anticyclique est également consignée

Italie où, selon EURICSE, dès 2008, les coopératives

dans le Rapport annuel de la coopération en Italie

33

représentaient 10% du PIB et 11% de l’emploi .

produit par l’institut de recherche italien CENSIS. Selon le CENSIS, l’emploi dans les coopératives en

Le second rapport d’EURICSE, publié en 2013 et intitulé La coopération en Italie pendant les années de crise, analyse le développement des coopératives depuis 2008 et essaie d’identifier, dans la mesure du possible, comment la réaction des coopératives à la crise s’est différenciée de celle des autres types d’entreprises. L’analyse fait observer qu’au cours de la crise, notamment au fil des premières années, les modèles de croissance des coopératives ont été sensiblement différents de ceux des autres formes d’entreprises et la tendance vaut pour tous les types de coopératives. Au cours de la période 20082011, on peut parler d’une fonction anticyclique des coopératives italiennes, qui semble être due presque

Italie a augmenté de 8% entre 2007 et 2011 alors qu’il connaissait un recul de 2,3% dans tous les types d’entreprises. En 2012, l’emploi dans les coopératives italiennes connaissait une croissance de 2,8%, soit 36.000 nouveaux emplois créés par rapport à 2011, portant le chiffre total des emplois dans le secteur à 1.341.000 (il s’agit d’emplois créés au sein des coopératives qui n’incluent pas les emplois de producteurs-membres travaillant pour leur compte propre). Les emplois dans les coopératives sociales ont connu une véritable envolée entre 2007 et 2011, avec une croissance de 17,3%, une tendance qui devait se confirmer en 2012, avec une augmentation de 4,3% (CENSIS, 2012)35.

intégralement à la différence dans la structure de la propriété: « La fonction anticyclique des coopératives

En France, les coopératives de travail associé et

est surtout attribuable à leurs objectifs et à leurs

multi-sociétaires (dénommées sociétés coopératives

structures de propriété conçus pour satisfaire les

d’intérêt

besoins de leurs membres et non pour rémunérer les

croissance nette de l’emploi de 4% par rapport à

34

investissements de détenteurs de parts » .

32

collectif)

enregistraient

en

2013

une

l’année précédente et de 12,5% par rapport à 2009.


2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

Parmi ces emplois, 40% ont été créés dans des 36

financières (Birchall, 2013) examine la contribution

coopératives existantes et 20% dans des start-ups .

des coopératives financières lors du contrecoup

Selon des données récentes, le taux de survie de ces

de la crise de 2007-2008 et au cours de la période

coopératives après 3 ans était de 82,5% alors qu’il

actuelle d’austérité: si les banques détenues par leurs

était de 66% pour toutes les entreprises françaises,

investisseurs tendent à être plus instables compte

et de 66,5% au terme de 5 années alors qu’il était de

tenu de la nécessité de maximiser les bénéfices de

37

50% pour l’ensemble des entreprises françaises .

leurs actionnaires, les banques coopératives font un meilleur usage de leurs avoirs, pourtant plus limités,

Comment pouvons-nous expliquer la résilience des coopératives à la crise ? Les enquêtes réalisées par CICOPA et CECOP-CICOPA Europe sur les coopératives de travail associé et les coopératives

et accordent des crédits, notamment aux petites et moyennes entreprises, qui ont des retombées positives sur la création et le maintien de la richesse et de l’emploi local.

sociales dans le monde, et de façon plus détaillée en Europe, laissent apparaître que la résilience

Dans l’article David contre Goliath – les coopératives

des coopératives est due largement à leur forte

et la crise mondiale39, Claudia Sanchez Bajo suggère un

tendance à produire des stratégies innovantes

certain nombre d’explications pour les coopératives en

du point de vue organisationnel, social, technique

général en distinguant une approche à court et à long

et de gestion à trois niveaux: au niveau micro, les

terme. À court terme, les coopératives 1) reposent sur

travailleurs-membres prennent rapidement des

les membres et sont donc plus enclines à identifier

décisions face à la crise et elles sont légitimes parce

de nouvelles activités pour faire face aux pertes et

qu’adoptées démocratiquement; méso, la création

difficultés; 2) assurent une plus large diffusion des

et le développement de groupes horizontaux et

informations par des instances démocratiques et

d’entités mutualisées, telles que des institutions

consultatives indépendantes des pouvoirs exécutifs;

d’accompagnement

des

3) disposent de mécanismes de prise de décision

consortiums et des fédérations sont des facteurs

participative qui leur permettent de prendre des

fondamentaux compte tenu que de nombreuses

décisions dures sans sacrifier leur légitimité; 4)

entreprises coopératives ne pourraient avoir accès

conjuguent la flexibilité et le maintien de l’emploi (au

à des services similaires ou à un soutien financier

fil du temps, dans le type de fonction, la gestion, le

hors du système coopératif et seraient plus que

déploiement d’autres unités, les compensations, etc.);

probablement beaucoup plus affectées par la

5) construisent des réserves communes qui assurent

crise actuelle; macro, un régime juridique national

leur longévité et leur transmission aux générations à

efficace pour les coopératives prévoyant des

venir. Par ailleurs, dans une perspective à long terme,

dispositions précises propices au développement

les coopératives 1) répondent plus efficacement aux

des

entreprises,

38

de telles entreprises .

besoins de la communauté; 2) mettent en œuvre des mesures de restructuration dans le cadre d’une

Une étude récemment publiée par l’OIT et intitulée Résister à la récession: le pouvoir des coopératives

pratique normalisée; 3) ont un ancrage territorial et ont plus tendance à rechercher l’efficacité sur place qu’à délocaliser.

33


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

2.3.2. Évolution de l’emploi depuis 2000 dans quelques pays

Tournons notre regard vers une sélection de pays qui disposent de données depuis le début des années 2000 et constatons les tendances à l’œuvre. Ces pays sont le Canada, la France et le Japon.

Canada

Le Tableau 4 révèle un taux de croissance de l’emploi positif et relativement stable dans les coopératives

TableAU 4 Évolution du nombre total de salariés au sein des coopératives canadiennes entre 2000 et 2009

2000 Nb total de salariés

2001

2002

143.555 145.276 144.330

2003

143.085

2004

2005

146.502 151.025

2006

2007

151.569

152.880

2008

2009

155.253 155.427

Source: Industrie Canada, 2013

En même temps, nous ne devons pas perdre de vue qu’au cours de cette période, l’emploi global au Canada a connu une croissance substantielle (de 14.764,2 millions en 2000 à 17.125,8 millions en 2008).

Du coup, le ratio d’emploi au sein des coopératives par rapport à la population active employée du Canada a connu un léger déclin relatif comme en atteste le Tableau 5 ci-dessous.

34


2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

TableAU 5 Changements du ratio d’emploi au sein des coopératives canadiennes en regard de l’emploi global entre 2000 et 2008

(%)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total des emplois dans les coops/nb total d’emplois

0.97

0.97

0.94

0.91

0.92

0.93

0.92

0.91

0.91

Source: Sur la base des données d’Industrie Canada, 2013 et www.laborsta.ilo.org

Le Tableau 6 atteste d’une légère baisse absolue du nombre de producteurs-membres qui, au Canada, comprend aussi les travailleurs-membres. Ces derniers ne sont cependant, au Canada, que quelque 7.35040: leur nombre n’a donc pas d’incidence significative sur les chiffres mentionnés ci -dessous. Notons encore qu’une part importante de ces producteurs-membres se trouve dans le secteur agricole et que l’emploi dans ce secteur au Canada est, en général, en recul dans des proportions similaires41.

TableAU 6 Évolution du nombre de producteurs-membres dans les coopératives canadiennes de production entre 2000 et 2009

2000 Nb total de producteurs membres

2001

581.000 590.000

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

501.000

504.000

467.000

535.000

609.000

611.000

602.000

538.000

Source: Industrie Canada, 2013

35


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

France

Le développement de l’emploi dans les coopératives françaises de travail associé a enregistré une croissance stable et significative entre 2000 et 2013 comme le révèle le Tableau 7.

TableAU 7 Évolution de l’emploi dans les coopératives de travail associé et les coopératives multi-sociétaires42 entre 2000 et 2013

EMPLOI

2000

32.297

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

33.493 34.773

34.773

35.272

36.485

36.625

39.772

41.448

40.064

40.138

40.494

42.150

43.676

Source: CG Scop

L’emploi, toutes coopératives confondues, en France, dont les données ne sont disponibles que depuis 2008, a augmenté plutôt modestement mais cette majoration devrait être interprétée comme une tendance positive à la lumière de la crise profonde de l’emploi en France.

TableAU 8 Changements du ratio d’emploi dans les coopératives françaises en regard de l’emploi global entre 2008 et 2012

Nb total de salariés dans les coops/nb total de salariés

Source: CoopFR, 2014

36

2008

2010

2012

4.2%

4.4%

4.5%


2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

JapOn

Le Tableau 9 met en lumière un recul général des producteurs-membres et des salariés des coopératives agricoles et de pêche au Japon. À l’instar du Canada, la cause en est probablement la baisse de l’emploi dans le secteur primaire.

Table 9 Évolution du nombre de producteurs-membres et de salariés dans les coopératives agricoles et de pêche au Japon entre 2001 et 2011

PRODUCTEURS-MEMBRES (AGRICULTURE)

PRODUCTEURS-MEMBRES (PÊCHE)

SALARIÉS (AGRICULTURE)

SALARIÉS (PÊCHE)

2001

5.202.171

267.381

263.342

15.642

2002

5.149.940

260.286

257.645

15.251

2003

5.098.862

252.330

248.015

14.950

2004

5.045.472

244.335

240.435

14.230

2005

4.988.029

232.414

232.981

13.756

2006

4.931.853

225.363

227.729

13.836

2007

4.877.364

217.516

226.008

13.647

2008

4.816.570

205.843

224.063

13.177

2009

4.762.961

189.590

223.329

13.140

2010

4.707.348

178.465

220.781

13.052

2011

4.655.215

171.889

215.807

12.478

Source: www.e-stat.go.jp

37


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Nous pouvons conclure de ce qui précède:

A

qu’il est difficile d’affirmer que l’emploi dans les coopératives en général a augmenté ou diminué au cours de la dernière décennie dans les pays mentionnés mais nous pouvons dire que les chiffres sur l’emploi coopératif présentés dans la section 2.2. ne permettent pas de conclure à une fluctuation importante mais plutôt au maintien d’une tendance stable;

A

nous pouvons cependant avancer quelques premières hypothèses sur les tendances de l’emploi à long terme sur la base des données qui précédent: a

le ratio de l’emploi coopératif en regard de la population active occupée totale semble s’être grosso modo maintenu pendant les 12-13 dernières années;

a

on note un lent recul du nombre de producteurs-membres et de salariés dans le secteur primaire dans les pays industrialisés;

a

nous observons une croissance de l’emploi substantielle dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales, particulièrement importante dans certains pays caractérisés par une forte présence de coopératives, comme l’Italie et la France; ceci pourrait être en passe de devenir une tendance plus large.

38


2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE

NOTES 24.

Selon un recent courier électronique de Hüseyin Polat, fonctionnaire au sein de l’unité de l’OIT, actuellement en retraite, Yves Regis, feu Président de CICOPA, a été le premier à proposer cette estimation lors d’un séminaire de l’OIT à Genève, au début des années 1990. Yves Regis aurait alors évoqué cette estimation de l’emploi coopératif en considérant l’emploi au sens large du terme, tel qu’il est défini au Chapitre 1 (à savoir en incluant les producteurs membres indépendants)

25.

Une coopérative de premier degré compte principalement des membres qui sont des personnes physiques à l’exception des coopératives de PME. Une coopérative de deuxième degré est composée de coopératives de premier degré. Un consortium est une forme spécifique de coopérative de deuxième degré, plus répandue en Italie: il peut comprendre des coopératives de deuxième et de troisième degré. Un groupe de coopératives (qui peut comprendre des coopératives de premier, deuxième et troisième degré) est caractérisé par une gouvernance horizontale entre les coopératives de premier degré. Ces groupes peuvent être plus ou moins intégrés, et se voir déléguer démocratiquement par les coopératives de premier degré des compétences plus ou moins étendues à des niveaux plus élevés du groupe

26.

CICOPA (2005), Déclaration mondiale sur le travail associé coopératif, cf. www.cicopa.coop

27.

Communication d’Eduardo Fontenla, spécialiste des coopératives agricoles en Argentine

28.

Communication de Ge Shuyan, All China Federation of Supply and Marketing Cooperatives

29.

C’est particulièrement vrai pour l’Europe, continent pour lequel nous avons surtout utilisé les données du Rapport du CIRIEC

30.

Nos observations ont été effectuées au cours du projet CICOPA Inde entre 1992 et 1999, et pendant le travail de terrain pour cette étude en mars 2014. Compte tenu du type de processus de production qui est partagé entre le tisserand et les coopératives, les tisserands se trouvent souvent dans une situation intermédiaire entre être travailleurs-membres et producteurs-membres

31.

Comme évoqué antérieurement, il convient de rappeler que ce nombre ne représente pas des équivalents temps-plein (ETP). Nous savons que même lorsqu’il s’agit d’emplois générés directement, il ne s’agit pas toujours de travailleurs à temps-plein

32.

Données sur l’emploi coopératif dans 74 pays / population active occupée dans 161 countries (source: ILO Laborstat). Parmi les 178 pays cibles de notre étude, dont les populations sont supérieures à 300.000, 17 sont exclues du système Laborstat du BIT

33.

Ce ratio comprend tant l’emploi dans les cooperatives que celui dans le champ d’activité des coopératives

34.

Citation de la synthèse en anglais sur www.euricse.eu/en/node/2494. Le document intégral (en italien) est disponible sur http:// issuu.com/euricse/docs/rapporto_coop_euricse?e=4821371/6437802#search

35.

Le rapport ajoute que chaque coopérative emploie en moyenne 17,2 personnes, à savoir 5 fois plus que la moyenne des autres types d’entreprises. La contribution la plus significative des coopératives à l’emploi global vient du secteur des services (23,6% de l’emploi total en Italie), notamment des services de santé et des services sociaux (49,7%), des services de transport et de la logistique (24%), ainsi que des services d’accompagnement des entreprises (15,7%)

36.

Communiqué de presse de la CG Scop 2013: dynamisme et pérennité économique pour les Sociétés coopératives et participatives, voir www.les-scop.coop/sites/fr/espace-presse/Bilan_chiffre-2013

37.

Cf. communiqué de presse CG Scop 2013: dynamisme et pérennité économique pour les Sociétés coopératives et participatives, disponible en français sur www.les-scop.coop/sites/fr/espace-presse/Bilan_chiffre-2013

38.

CICOPA (2012) Une analyse qualitative de la situation économique des membres de CICOPA, 2012, sur www.cicopa.coop/A-qualitative-analysis-on-the,1196.html: CECOP CICOPA-Europe (2012) La résilience du modèle coopératif, sur www.cecop.coop/The-study-The-resilience-of-the

39.

Cf. ici: www.unrisd.org/80256B3C005BE6B5/search/8248A910D859F210C1257BAB002F52E2?OpenDocument

40. À savoir 6.858 travailleurs-membres au Québec en 2010 selon les données du Ministère du Développement économique, de l’innovation et de l’Exportation + 475 travailleurs-membres dans le Canada anglophone en 2013 selon les donnés de la Fédération canadienne des coopératives de Travail (CWCF)

41.

Au Québec, la baisse de la population agricole a été de 6,2% depuis 2001: voir www.statcan.gc.ca/ca-ra2006/agpop/qc-eng.htm

42.

Les données sur les coopératives multi-sociétaires ne concernent que les coopératives membres de CG Scop

39


CHAPITRE 3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

3.1. Analyse quantitative

Dans ce chapitre, nous nous concentrons sur les 10 régions où nous avons effectué le travail de trerrain. Cellesci peuvent être vues sur la carte p.10. Davantage de données sur chacune d’entre elles se trouvent à l’annexe 2.

3.1.1. Données générales

Nous avons compilé des données statistiques sur différents aspects de l’emploi coopératif dans 8 des 10 régions étudiées, c’est-à-dire toutes les régions à l’exception de la provinnce de Gauteng en Afrique du Sud, où nous n’avons pas pu rassembler suffisamment de données fiables au cours de la durée de l’enquête, et du district d’Ahmedabad en Inde, où nous nous sommes concentrés sur le groupe SEWA de coopératives de femmes. Ces données proviennent de statistiques officielles, de chambres régionales du commerce et de l’industrie, d’organisations coopératives, d’enquêtes et de coopératives individuelles. S’agissant de données partielles, il est raisonnable de considérer cette partie de l’étude davantage comme un effort de formulation d’hypothèses que comme des informations tout à fait représentatives. Pour compléter ces données, nous avons également recours à des données disponibles sur l’emploi coopératif de la région française du Nord Pas-deCalais (Van Gheluwe, J.-L. 2008).

En Émilie-Romagne, le ratio d’emploi généré au sein des coopératives en regard de l’emploi global (à savoir la population économiquement active moins les chômeurs enregistrés comme tels) est de 8,84%, un ratio impressionnant, et emboîtent le pas à cette région le Pays basque avec 6,24%, Santa Fe et le Québec avec 2,29% et 2.24% respectivement, Gangwon et Wisconsin avec environ 1% alors qu’il est de quelque 0,5% à Kanagawa et Paraíba.

Si nous y ajoutons les personnes dont l’emploi est assuré dans le cadre des coopératives, à savoir celui des producteurs-membres travaillant pour compte propre ainsi que leurs employés, ces ratios changent carrément, passant de 0,94% à 22,88% à Gangwon: le ratio du Wisconsin grimpe de 0,81% à 3,08% alors que celui d’Émilie-Romagne passe de 8,84% à 14,93%. Au Pays basque, en revanche, où la présence des coopératives est particulièrement importante dans l’industrie, les finances et la distribution, sous forme de coopératives de travail associé plutôt que de coopératives de production, l’augmentation est moins significative, de 6,24% à 7,35%. Cette même observation est valable pour le Québec43.

41


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

TablEAU 10 Informations générales sur l’emploi coopératif dans 8 régions

SALARIÉS (A)

PAYS BASQUE 1) ÉMILIEROMAGNE 2) KANAGAWA 3)

PARAIBA 4)

QUÉBEC 5)

SANTA FE 6) WISCONSIN 7)

GANGWON 8)

TRAVAILLEURSMEMBRES (B)

PRODUCTEURS (C)

38.126

10.040

(27.54%)

(57.36%)

(15.10%)

70.592

100.749

118.000

(24.40%)

(34.82%)

(40.78%)

18.059

5.113

90.067

(15.95%)

(4.52%)

(79.54%)

2.746

4.206

3.570

(26.10%)

(39.97%)

(33.93%)

85.092

5.044

41.455

(64.66%)

(3.83%)

(31.50%)

13.222

7.560

55.900*

(17.24%)

(9.86%)

(72.90%)

23.434

500

65.200

(26.29%)

(0.56%)

(73.15%)

(4.64%)

-

EMPLOI COOP TOTAL (A+B+C)

(A+B)

18.304

7.156

EMPLOY TOTAL DANS LES COOPS

147.078 (95.36%)

NB TOTAL D’EMPLOIS DANS LA RÉGION (D)

RATIO D’EMPLOI DANS LES COOPS EN REGARD DE L’EMPLOI TOTAL DANS LA RÉGION

RATIO DE L’EMPLOI COOPÉRATIF EN REGARD DE L’EMPLOI GLOBAL DANS LA RÉGION

56.430

66.470

904.400 (2012)

6.24%

7.35%

171.341

289.341

1.937.630 (2011)

8.84%

14.93%

23.172

113.239

4.682.800 (2012)

0.49%

0.72%

6.952

10.522

1.656.000 (2011)

0.42%

0.64%

90.136

131.591

4.032.200 (2013)

2.24%

3.26%

20.782

76.682

906.618 (2001)

2.29%

8.46%

23.934

89.134

2.878.300 (2013)

0.81%

3.08%

7.156

154.234

674.000 (2014)

1.06%

22.88%

* Dans le cas des coopératives agricoles et laitières de Santa Fe, nous avons pris en considération une estimation du nombre de travailleurs agricoles. Cette agriculture étant très intensive et concentrée dans de grandes exploitations agricoles, la plupart des exploitations engagées dans les coopératives étudiées emploient des travailleurs agricoles.

1) KONFEKOOP, 2013; www.eustat.es; 2) Unioncamere Emilia-Romagna, 2013; www.legacoopemiliaromagna.coop; Confcooperative Emilia-Romagna, 2013; www.istat.it; 3) www.e-stat.go.jp; données fournies par l’Union japonaise des coopératives de travail associé (JWCU); Fédération de collectifs de travailleurs de Kanagawa, 2013; Union japonaise des coopératives de consommation (JCCU), 2013; Réseau coopératif de Kanagawa, 2012; 4) OCBParaíba – Rapport de 2013 (sur la base de données couvrant un tiers des coopératives membres de l’OCBParaíba), www.ibge.gov.br; 5) www.economie.gouv.qc.ca, données fournies par le Groupe Desjardins, www.bdso. gouv.qc.ca; 6) données élaborées par CICOPA et recueillies au cours de la recherche de terrain, www.santafe. gov.ar; 7) USDA, 2003; USDA, 2012; données élaborées par CICOPA et recueillies au cours de la recherche de terrain, www.bls.gov; 8) stat.kosis.kr; Fédération coréenne des coopératives de crédit de proximité, 2013; données élaborées par CICOPA et recueillies au cours de la recherche de terrain.

42


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

Soulignons également qu’au Pays basque et en Émilie-Romagne, l’emploi dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales (dans lesquelles prédominent les travailleurs-membres) est nettement supérieur au nombre de salariés dans d’autres types de coopératives. Au Pays basque, quelque 70% de l’emploi dans les coopératives est occupé par des travailleurs-membres qui sont également présents dans la plupart des autres types de coopératives qui ne sont pas des coopératives de travail associé44.

L’examen du nombre de coopératives et des emplois par secteur révèle que les coopératives dans ces régions sont présentes dans presque tous les secteurs, même si certains secteurs ont un plus grand nombre de coopératives45.

TableAU 11 Nombre de coopératives et leur emploi au Pays basque et en Émilie-Romagne, par secteur

AGRICULTURE

INDUSTRIE

CONSTRUCTION

SERVICES

NOMBRE DE COOPÉRATIVES

26

340

143

727

NOMBRE D’EMPLOIS

154

20.897

1.242

25.903

NOMBRE DE COOPÉRATIVES

653

727

676

4.187

NOMBRE D’EMPLOIS

10.867

26.944

8.429

125.101

PAYS BASQUE

ÉMILIE-ROMAGNE

Sources: Mondragon Unibertsitatea, 2013: Unioncamere Emilia-Romagna, 2013

Dans d’autres régions très rurales, les coopératives de production et les banques coopératives sont plus créatrices d’emplois46. Les coopératives de crédit sont particulièrement présentes au Québec, Wisconsin et Gangwon. C’est un mouvement qui s’est organisé pour promouvoir la coopération entre les personnes, contrer la pauvreté et l’isolement de régions éloignées, et en raison d’autres facteurs, alors que ces régions étaient pauvres et faiblement industrialisées.

Dans le cas de Kanagawa, essentiellement urbain, les coopératives de consommation représentent la part la plus importante de l’emploi coopératif. Les collectifs de travailleurs, qui peuvent s’assimiler à des coopératives de travail associé développées par des coopératives de consommation pour valoriser la participation des membres aux activités des coopératives, représentent 4.000 emplois, notamment des femmes qui étaient auparavant femmes au foyer. Aux côtés des coopératives de travail associé et de personnes âgées, ces collectifs de travailleurs jouent un rôle de plus en plus important dans la prestation de services aux personnes âgées et la revitalisation de la collectivité locale.

43


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

TableAU 12 Emploi dans les coopératives, Kanagawa, par type de coopérative

TYPE OF COOPÉRATIVE

ANNÉE DE RÉFÉRENCE

NOMBRE D’EMPLOIS

COOPS DE CONSOMMATION 1)

2012

10.315

COOPS AGRICOLES 2

2011

6.548

COOPS DE PÊCHE 2

2011

192

COOPS SYLVICOLES 2

2011

160

COOPS FINANCIÈRES 3)

734

COLLECTIFS DE TRAVAILLEURS 4)

2012

4.467

COOPS DE PERSONNES ÂGÉES 5)

2013

195

COOPS DE TRAVAIL ASSOCIÉ 5)

2013

561

1) JCCU, 2013; 2) www.e-stat.go.jp; 3) Réseau coopératif de Kanagawa, 2012; 4) Fédération des collectifs de travailleurs de Kanagawa, 2013; 5) données fournies par JWCU

TableAU 13 Nombre de coopératives de travail associé, de coopératives de personnes âgées et de collectifs de travailleurs à Kanagawa, par secteur VENTE AU PARTICULIER COOPS DE TRAVAIL ASSOCIÉ

SERVICES ALIMENTAIRES 1

ÉDUCATION SOINS 3

COOPS DE PERSONNES ÂGÉES COLLECTIFS DE TRAVAILLEURS

CULTURE ET DIVERTISSEMENTS

13

6

11 10

11

18

108

14

Sources: Fédération des collectifs de travailleurs de Kanagawa, 2013: données fournies par JWCU

44

AUTRES SERVICES


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

3.1.2. Evolution de l’emploi coopératif dans le temps Dans les 10 régions étudiées, nous n’avons trouvé des données pertinentes sur plusieurs années consécutives qu’au Pays basque et en Émilie-Romagne.

PAYS BASQUE

L’emploi dans les coopératives au Pays basque a connu une véritable envolée entre 2000 et 2002, une augmentation plus réduite entre 2002 et 2008, et un recul important après la crise économique, entre 2008 et 2010. Si nous comparons les fluctuations de l’emploi dans les coopératives et en général, nous constatons que l’emploi dans les coopératives n’a pas été moins touché par la crise économique. Le ratio d’emploi coopératif est, cependant, demeuré relativement stable malgré l’aggravation de la situation économique.

TableAU 14 Changements dans l’emploi coopératif et en général au Pays basque de 2006 à 2010 2006

2008

2010

Emploi dans la coopération (A)

49.760

50.359

48.196

Emploi en général (B)

961.000

987.100

948.900

A/B

5.18%

5.10%

5.08%

Sources: Mondragon Unibertsitatea, 2013: www.eustat.es

Soulignons qu’une part importante de l’emploi coopératif au Pays basque est généré par le groupe Mondragon47, et que la réduction de l’emploi dans ce groupe s’est réalisée dans une large mesure par l’application de mesures de redéploiement des travailleurs et de mise en retraite ou en préretraite, sans pertes sèches d’emplois (Sanchez Bajo & Roelants, 2013, p.p. 203-204).

45


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Émilie-Romagne

L’emploi au sein des coopératives (à l’exclusion des producteurs-membres pour compte propre) a connu une courbe ascendante stable jusqu’en 2012 avant de légèrement reculer en 2012-2013. Par rapport au nombre total d’emplois, le ratio d’emploi dans les coopératives a baissé en 2011, ce qui ne signifie pas qu’en chiffres absolus, ce nombre d’emplois soit moindre mais que le nombre total d’emplois a augmenté plus rapidement que le nombre d’emplois dans les coopératives. Par ailleurs, malgré le recul de l’emploi dans les coopératives en 2012-2013, le ratio d’emploi dans les coopératives par rapport à la population active occupée totale de la région était à la hausse. Au cours de ces deux années, le nombre d’emplois dans les coopératives a décliné mais moins fortement que l’emploi en général.

TableAU 15 Changements dans l’emploi coopératif et en général en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013

Emploi coopératif (A)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2008 2013

2008 2013

166.244

165.506

165.696

167.888

172.217

171.341

3.1%

-0.5%

-2.12%

-1.59%

Emploi total (B) 1.979.560 1.955.630 1.942.490 1.974.540 1.968.860 1.937.630 A/B

8.40%

8.46%

8.53%

Sources: Unioncamere Emilia-Romagna, 2013: www.istat.it

46

8.50%

8.75%

8.84%


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

La tendance observée dans les coopératives sociales est encore plus claire. Entre 2008 et 2013, pendant la crise économique, l’emploi a augmenté constamment en chiffres absolus dans les coopératives sociales. Le ratio d’emploi des coopératives sociales par rapport au nombre total d’emplois a été constamment en hausse également.

TableAU 16 Changements dans l’emploi dans les coopératives sociales et en général en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2008 2013

2012 2013

Emploi dans les coopératives sociales (A)

34.170

35.884

36.599

37.333

38.156

38.372

12.3%

0.6%

Nombre total d’emplois (B)

1.979.560

1.955.630

1.942.490

1.937.630

-2.12%

-1.59%

A/B

1.73%

1.83%

1.88%

1.974.540 1.968.860 1.89%

1.94%

1.98%

Sources: Unioncamere Emilia-Romagna, 2013: www.istat.it

Le tableau est différent lorsqu’on soustrait le nombre d’emplois dans les coopératives sociales du nombre total d’emplois dans les coopératives. Le Tableau qui suit atteste d’une chute relativement importante de l’emploi dans les coopératives autres que sociales en 2009, 2010 et 2013, même si le niveau de l’emploi dans ces coopératives a connu une augmentation nette (plus modeste que dans les coopératives sociales) pendant la période 2009-2013 dans son ensemble. Cette baisse a été compensée par une hausse de l’emploi dans les coopératives sociales. Une partie de cette baisse est due à des pertes d’emploi et même à quelques fermetures d’entreprises dans des cooperatives de travail associé dans le secteur de la construction caractérisées par un plus bas niveau d’internationalisation que d’autres coopératives dans ce secteur.

TableAU 17 Changements dans l’emploi coopératif à l’exclusion des coopératives sociales en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013

Changement dans l’emploi coopératif à l’exclusion des coopératives sociales

2009

2010

2011

2012

2013

-2.452

-525

1.458

3.506

-1.092

Source: Calculs effectués sur la base de données d’Unioncamere Emilia-Romagna, 2013

47


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Nous pouvons induire de ces données: A

que les coopératives en Émilie-Romagne ont fait montre d’une meilleure résilience à la crise en termes d’emploi que l’emploi en général;

A

qu’il y a eu un tassement de l’emploi dans les coopératives, à l’exception des coopératives sociales, en 2009, 2010 et 2013; cependant, en 2012, alors que le nombre total d’emplois était en recul, l’emploi das les coopératives, sans prendre en considération les coopératives sociales, augmente;

A

une bonne part de la résilience de l’emploi dans les coopératives de la région résulte de la croissance incessante de l’emploi dans les coopératives sociales.

Ces données sur l’évolution en Emilie-Romagne et au Pays Basque confirment celles faites au Chapitre 2, section 2.3, sur les tendances au niveau macro, où nous avons vu que qu’une importante raison de la stabilité et de l’augmentation de l’emploi coopératif, dans quelques pays clé, réside dans l’augmentation conséquente de l’emploi dans les coopératives de travail associé et des coopératives sociales.

48


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

3.1.3. Contrats et pratiques de travail Le ratio entre contrats de travail régulier et permanent, d’une part, et contrats de travail temporaire, d’autre part est très variable selon le type de coopératives. Cette variabilité ne semble pas être directement influencée par des caractéristiques des coopératives, mais plutôt par leurs activités économiques. Comme nous pouvons l’observer dans le Tableau 18 ci-dessous, les coopératives qui offrent le plus grand nombre de contrats de travail régulier sont essentiellement les coopératives financières et d’utilité publique48. Les coopératives de consommation affichent un ratio plus élevé de travailleurs temporaires, en raison des pratiques du travail dans le secteur de la vente en gros et au détail, dans lequel les entreprises recourent à un nombreux personnel de vente et de livraison.

TableAU 18 Ratio de contrats de travail régulier et temporaire dans les coopératives, par type de coopératives

RÉgion Wisconsin Québec

1)

2)

Nord Pas-deCalais 3)

Type of coopératives

Régulier (%)

Temporaire (%)

Commercialisation agricole

90.86

9.14

Finance

89.65

10.35

Tous types confondus

86.17

13.83

Wisconsin

1)

Utilité publique

85.68

14.32

Wisconsin

1)

Crédit, credit agricole

74.66

25.34

Wisconsin

1)

Autres

66.06

33.94

Wisconsin

1)

Approvisionnement et services agricoles

63.21

36.79

Tous types confondus

58.16

41.84

Kanagawa 5)

Sylviculture

52.63

47.37

Wisconsin

Alimentation

39.37

60.63

Kanagawa 6)

Consommation

21.73

78.27

Kanagawa 5)

Agriculture

4.42

95.58

Pays basque

4)

1)

1) USDA, 2003; 2) données fournies par le Groupe Desjardins; 3) Van Gheluwe, J.-L. 2008; 4) Mondragon Unibertsitatea, 2013; 5) www.e-stat.go.jp; 6) JCCU, 2013.

Nous avons également constaté que le traitement et les conditions de travail des travailleurs temporaires dépendent dans une large mesure des conditions nationales. Par exemple, les travailleurs temporaires dans les fermes des producteurs-membres des coopératives agricoles semblent jouir de meilleures conditions contractuelles et de protection sociale dans la région italienne d’Émilie-Romagne que dans la région argentine de Santa Fe.

49


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

En général, les pratiques du travail dans les coopératives diffèrent peu de celles dans d’autres entreprises engagées dans les mêmes activités. Cependant, lors des entrevues, de nombreuses personnes ont insisté sur l’identité coopérative dans des pratiques du travail qui se construisent probablement dans la tension entre les pratiques de travail dans les entreprises en général, d’une part, et l’identité coopérative, d’autre part, comme nous le verrons dans la section consacrée à l’analyse qualitative plus avant dans ce chapitre.

Si les coopératives des secteurs qui ont des pratiques du travail bien réglementées ou normalisées peuvent aisément se référer à d’autres entreprises du même secteur, les coopératives de travail associé et multisociétaires, qui ont des relations du travail fondamentalement différentes de la relation classique employeursalarié, doivent généralement construire leurs propres pratiques du travail. Il est important pour ces formes coopératives de disposer de leur propre statut juridique qui réglemente les aspirations d’autogestion de leurs travailleurs-membres, leur permettant de décider de leurs propres conditions de travail, qui sont cependant assorties de contraintes institutionnelles pour les protéger.

3.1.4. Égalité hommes-femmes Les données partielles recueillies lors du travail sur le terrain révèlent que l’équilibre hommes-femmes dans l’emploi coopératif semble plus influencé par l’activité professionnelle que par le caractère coopératif de l’entreprise en tant que telle.

Le Tableau 19 appelle une première observation, à

les coopératives financières occupent un ratio

savoir que les trois types différents de coopératives

élevé de femmes. Cette tendance est confirmée

japonaises

par le Québec, le Nord Pas-de-Calais et certaines

caractérisées

travailleurs-membres

par

la

comptent

présence une

de

majorité

de

production

de

Kanagawa

et

absolue de travailleuses. Outre que les collectifs de

Gangwon qui ont intégré des services financiers

travailleurs sont nés d’initiatives de femmes au foyer

dans le cœur de leur métier. Troisièmement, il semble

dans le cadre de coopératives de consommation,

que les coopératives de production ont relativement

la présence importante de femmes en leur sein

moins de travailleuses que les autres types de

est imputable aux activités de soins auxquelles

coopératives. Enfin, il est intéressant de noter que les

ils se consacrent, et qui ont été progressivement

coopératives de consommation japonaises occupent

reconnues comme une nouvelle source d’emploi,

une main-d’œuvre masculine importante, mais

notamment

Par

cette caractéristique est plus de nature japonaise

ailleurs, le niveau relativement bas des salaires et la

que coopérative. Bon nombre de coopératives

flexibilité des horaires de travail de ces coopératives

de consommation ayant développé des services

semblent peu convenir à ceux qui sont les soutiens

de livraison à domicile, nous pouvons supposer

dans

les

pays

industrialisés.

49

50

coopératives

financiers des ménages . En outre, la plupart des

qu’un nombre important de ces salariés masculins

travailleurs de ces coopératives au Japon ont plus

sont des livreurs. Par contre, la coopérative de

de 50 ans (coopératives de travail associé: 74,5%

consommation italienne Coop Adriatica compte 75%

et collectifs de travailleurs: 78,4%). Deuxièmement,

de femmes dans ses effectifs.


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

TableAU 19 Ratio d’hommes et de femmes dans l’emploi coopératif par type de coopératives

Région

Forme de travail

Type de coopérative

Hommes (%)

Femmes (%)

Kanagawa 1)

Travailleursmembres

Coopératives de personnes âgées

7.69

92.31

Kanagawa 2)

Travailleursmembres

Collectifs de travailleurs

9.63

90.37

Salariés

Services financiers

27.07

72.93

Kanagaw a1)

Salariés + Travailleursmembres

Coopératives de travail associé

30.30

69.70

Nord Pas-deCalais 4)*

Salariés

Services financiers

50.70

49.30

Nord Pas-deCalais 4)*

Salariés

Autres (consommation, artisanat, vente au particulier, etc.

52.90

47.10

Salariés + Travailleursmembres

Principalement des coopératives de travail associé et multisociétaires

53.70

46.30

Kanagawa 6)

Salariés

Agriculture (services financiers)

59.53

40.47

Gangwon

Salariés

Agriculture (services financiers)

62.46

37.54

Nord Pas-deCalais 4)*

Salariés + Travailleursmembres

Coopératives de travail associé

68.70

31.30

Kanagawa 8)

Salariés

Consommation

80.37

19.63

Nord Pas-deCalais 4)*

Salariés

Agriculture

82.00

18.00

Salariés

Pêche (services financiers)

83.65

16.35

Salariés

Sylviculture

94.38

5.63

Québec

3)

Pays basque

Gangwon

5)

7)

7)

Kanagawa 6)

* Le ratio d’hommes et de femmes dans le cas du Nord Pas-de-Calais se fonde sur les travailleurs permanents uniquement. 1) Données fournies par JWCU; 2) Fédération des collectifs de travailleurs de Kanagawa, 2013; 3) données fournies par le Groupe Desjardins; 4) Van Gheluwe, J.-L. 2008 5) Mondragon Unibertsitatea, 2013 6) www.e-stat. go.jp 7) stat.kosis.kr 8) JCCU, 2013

Les caractéristiques de l’activité professionnelle sont aussi sociologiquement liées. L’OIT rapporte à cet égard que, bien que l’agriculture africaine est principalement gérée par les femmes50, les membres des coopératives agricoles de ce continent ont tendance à être de façon prépondérante des hommes51.

51


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

SEWA, Coopératives de femmes Par définition, la prédominance des femmes est absolue lorsque les coopératives sont nées d’un mouvement de femmes tel que SEWA (Self-Employed Women’s Association – Association de femmes indépendantes) au Gujarat, en Inde. Depuis sa création en 1972, SEWA soutient les droits du travail et les activités économiques des femmes en assurant leur protection légale et leur accès à des services de base. Il s’agit d’une approche intégrée qui conjugue un syndicat de travailleurs et un mouvement coopératif qui regroupe 105 coopératives de femmes et plus de 100.000 membres au Gujarat. Elles se déclinent en catégories dont les principales sont des coopératives agricoles, laitières, de vente, de crédit, de services et d’artisanat.

3.1.5. Âge Nous ne disposons que de données partielles relatives à l’âge pour la province de Gauteng (Gauteng Provincial Government, 2013), pour Kanagawa (données fournies par JWCU, Kanagawa Workers’ Collective Fédération, 2013), pour la province du Québec (données fournies par le Groupe Desjardins) et pour le Pays basque (Mondragon Unibertsitatea, 2013) dont nous pouvons tirer les conclusions suivantes: A

Les informations soumises par le Groupe Desjardins au Québec et les informations sur les coopératives en général au Pays basque ne mettent en lumière aucune spécificité qui différencierait ces données relatives à l’âge de celles d’autres entreprises.

A

Les coopératives de travail associé et de personnes âgées et les collectifs de travailleurs au Japon répondent aux problèmes sociaux d’une société vieillissante. Ces coopératives offrent des formes alternatives de travail à des personnes âgées.

A

Les informations sur les coopératives de Gauteng révèlent le poids important des personnes âgées dans l’emploi coopératif. Il semble que de nombreuses coopératives en Afrique du Sud répondent aux besoins d’emploi de personnes âgées qui travaillaient avant dans le secteur informel.

52


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

Les coopératives ne semblent donc pas présenter des écarts significatifs d’âge par rapport aux autres entreprises, sauf lorsqu’elles se proposent plus précisément d’essayer de satisfaire des besoins générés par l’âge.

3.1.6. Localisation de l’emploi Au Pays basque et en Émilie-Romagne, l’emploi dans les coopératives de travail associé prédomine. Il est bien réparti entre grands centres urbains, plus petites villes et banlieues mais est plus important dans l’industrie que dans les services.

Le développement du mouvement des coopératives de crédit au Québec et au Wisconsin a contribué non seulement à structurer des secteurs financiers forts dans ces régions, mais aussi à développer l’économie régionale et, par conséquent, l’emploi. En outre, ces systèmes de coopératives de crédit ont créé un nombre élevé d’emplois directs décentralisés: le siège du Conseil mondial des coopératives d’épargne et de crédit, de la Credit Union National Association (CUNA) et du Groupe mutuel CUNA se trouve à Madison, Wisconsin, et ce dernier emploie 1.700 personnes. Le Groupe des caisses Desjardins au Québec emploie plus de 40.000 personnes (2013) dans la seule province de Québec, dont un bon nombre de personnes dans des caisses situées dans de petites villes, et la distribution de l’emploi est remarquablement homogène dans les régions du Québec52. La province rurale de Santa Fe en Argentine est terre d’accueil du siège de la coopérative d’assurance Sancor Seguros (une spin-off de la coopérative laitière Sancor). Elle compte 1.887 emplois directs dans une très petite ville et est en interaction intense avec l’agriculture, démontrant ainsi que les régions rurales et l’agriculture ne constituent pas un handicap pour le développement de l’emploi coopératif dans d’autres secteurs. Au Wisconsin et à Santa Fe, les coopératives d’utilité publique qui fournissent l’électricité, l’eau et les services de télécommunication aux zones éloignées sont également d’importantes créatrices d’emplois dans de petits centres urbains et en milieu rural. Les coopératives de SEWA au Gujarat sont implantées en milieu urbain et rural. Le modèle décentralisé de l’emploi coopératif est significatif pour le développement local et constitue un facteur de prévention de la désertification économique et du dépeuplement de zones éloignées.

53


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

TableAU 20 Nombre d’emplois coopératifs dans des régions ayant d’importantes zones rurales

Québec

1)

Wisconsin Santa Fe

2)

3)

Gangwon

4)

Coops de production

Coops financières

22.132 (26.01%)

40.248 (47.30%)

13.355 (56.99%)

6.125 (26.14%)

8.335 (63.04%)

2.487 (18.81%)

5.659 (79.08%)

1.178 (16.46%)

Coops d’utilité publique

Autres

Total

22.712 (26.70%)

85.092

1.683 (7.18%)

2.271 (9.69%)

23.434

2.000 (15.13%)

400 (3.03%)

13.222

319 (4.46%)

7.156

1) www.economie.gouv.qc.ca; données fournies par le Groupe; 2) USDA, 2003 3) données élaborées par CICOPA au cours de sa recherche sur le terrain; 4) stat.kosis.kr; Fédération coréenne des coopératives de crédit de proximité, 2013; données élaborées par CICOPA sur la base de sa recherche de terrain.

3.1.7. Importance de l’emploi par coopérative

Deux caractéristiques peuvent être induites du Tableau 22. A

La taille des coopératives est un facteur à prendre en considération dans l’évaluation de la création d’emplois: plus elles sont grandes, plus elles contribuent à la création d’emplois. Au Québec, alors que 60,78% des coopératives n’ont pas de salariés53, 15 grandes coopératives ou groupes coopératifs assurent 74,11% de l’ensemble de l’emploi coopératif, dont la plupart est assuré par le Mouvement des caisses Desjardins et deux grandes coopératives agricoles54.

A

Il semble que les types de coopératives ont une incidence sur l’importance de l’emploi. Dans le cas des petites et moyennes coopératives, l’emploi dans les coopératives de travail associé et les coopératives sociales semble y être plus substantiel comme le révèlent le Pays basque et l’Émilie-Romagne, régions dans lesquelles prédomine d’ailleurs ce genre de coopératives. Cependant, même en ce qui concerne les coopératives de travail associé et sociales, ce sont les plus grandes qui sont les plus grandes créatrices d’emplois55.

54


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

TableAU 21 Nombre de coopératives et d’emplois au sein des coopératives au Québec, au Pays basque et en EmilieRomagne, par taille des coopératives

Québec

1)

Taille des coopératives

0~4

5~49

50~299

300+

Nombre de coopératives

1.735

460

141

15

73.80%

19.57%

6.00%

0.64%

697

7.930

14.707

66.729

0.77%

8.81%

16.33%

74.11%

Taille des coopératives

0~5

6~50

51~200

200+

Nombre de coopératives

607

499

102

38

48.72%

40.05%

8.19%

3.05%

1.795

8.787

9.949

27.665

3.72%

18.23%

20.64%

57.40%

Taille des coopératives

0-5

6-49

50-249

250+

Nombre de coopératives

3.328

1.718

414

119

59.65%

30.79%

7.42%

2.13%

3.118

30.180

42.191

95.852

1.82%

17.61%

24.62%

55.94%

Nombre d’emplois

Pays basque

2)

Nombre d’emplois

ÉmilieRomagne 3)

Nombre d’emplois

1) Données fournies par la Direction du développement des coopératives, Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation; données fournies par le Mouvement Desjardins; 2) Mondragon Unibertsitatea, 2013; 3) Unioncamere Emilia-Romagna, 2013.

3.2. Analyse qualitative

Dans cette section, qui se fonde sur des interviews de personnes travaillant au sein ou dans le cadre de coopératives, nous essayons d’identifier les spécificités de l’emploi coopératif dans les 10 régions étudiées. Dans la première partie, nous examinons les conditions de travail et la gestion des ressources humaines, le recrutement, les salaires, etc. Dans la seconde partie, nous essayons de comprendre ce que pensent des spécificités de l’emploi coopératif les personnes qui travaillent au sein ou dans le cadre des coopératives. Sur la base de ces interviews, nous essayons d’identifier les caractéristiques de l’emploi coopératif en nous référant à la perception, la compréhension, l’évaluation et la comparaison qu’en expriment les personnes concernées en regard de l’emploi dans d’autres types d’entreprises.

55


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

3.2.1. L’emploi coopératif sous différents angles d’analyse Conditions de travail et gestion des ressources humaines (RH) Selon nos propres observations pendant le travail de

découvert que la gestion des RH dans les coopératives

terrain dans les 10 régions sélectionnées, les conditions

n’est pas imposée unilatéralement par la direction mais

de travail dans les coopératives semblent généralement

plutôt construite par des interactions entre la direction

respecter les normes du travail mentionnées dans la

au nom des membres, d’une part, et les travailleurs qui

Recommandation sur la promotion des coopératives,

ont des relations particulières avec les membres, d’autre part. Par exemple, nous avons perçu des différences

56

2002 (n ° 193) de l’OIT .

importantes entre la gestion des RH des salariés dans les coopératives d’usagers et celles de travailleurs dans La plupart des interviews révèlent que les conditions

les coopératives de travail associé et les coopératives

de travail et la gestion des RH dans les coopératives

sociales. Certaines coopératives d’usagers dépendent

sont influencées dans une large mesure par celles qui

principalement des transactions avec leurs membres et,

prévalent dans le même secteur économique et dans des

par conséquent, la performance de ces coopératives est

entreprises de taille similaire, mais aussi, dans une moindre

étroitement liée au maintien et au renforcement de la

mesure, par les spécificités des coopératives. S’il est vrai

relation avec les membres. Si ceci peut être qualifié de

que la gestion des RH semble similaire à celle d’autres

marketing dans d’autres types d’entreprises, il semble

types d’entreprises, il convient d’observer que son mode

que la double nature du statut des membres en tant

57

de mise en œuvre dans les coopératives est différent .

que parties prenantes (en l’occurrence, usagers) et

Quel que soit le type de coopérative, que la priorité soit

propriétaires introduise un type original de relation entre

accordée à la personne est généralement considéré

les propriétaires et les salariés. Par conséquent, la marge

comme une spécificité de la gestion coopérative des

disponible pour l’amélioration des conditions de travail

RH par les personnes interviewées qui occupent des

est, en général, fonction de cette relation humaine entre

fonctions différentes dans l’entreprise. Elle est parfois

les usagers-membres et les salariés. Cette marge est

perçue comme une forme de relations personnelles plus

également renforcée par les liens d’amitié, de parentalité

conviviale sur le lieu de travail. Elle est parfois assimilée

et de voisinage qu’entretiennent les usagers-membres

à un plus grand respect mutuel et un plus grand égard

et les salariés dans leur vie quotidienne au sein de leur

pour les autres. Plus directement, les coopératives sont

communauté. Par contre, les coopératives de travail

souvent définies comme des organisations économiques

associé doivent résister à une dure concurrence sur le

qui valorisent les personnes. Dans les coopératives, il

marché sans pour autant disposer de clients fidèles

semble que la valorisation des personnes soit considérée

dont disposent les coopératives d’usagers, et ont

comme une priorité ou, tout au moins, comme ayant la

donc peu de marge additionnelle d’amélioration des

même importance que la valeur économique58.

conditions de travail par rapport à leurs concurrents59. Certaines coopératives de travail associé, notamment

Cependant, bien que confrontées à une concurrence féroce sur les marchés en perpétuelle mutation et à la nécessaire adaptation de leurs pratiques de travail à celles d’autres entreprises dans les mêmes secteurs, les modes de gestion des RH dans les coopératives présentent une forte diversité, jusque dans les relations entre travailleurs et autres parties prenantes. Nous avons

56

dans des secteurs émergents tels que les services aux personnes, subissent les mêmes difficultés imposées par le marché à tous les types d’entreprises. Nous avons cependant découvert plusieurs stratégies adoptées par les coopératives pour dépasser ces difficultés qui permettent non seulement d’engranger des succès économiques mais de valoriser les conditions de travail et la gestion des RH.


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

Recrutement Lors du recrutement, il semblerait que les coopératives

Une question plus sensible est celle du recrutement de

donnent de l’importance aux compétences et aptitudes

personnel et professionnels expérimentés à des fonctions

professionnelles du personnel et à ses affinités avec

de haut niveau. Lorsque les coopératives se mettent en

la culture coopérative. À l’exception des coopératives

quête de personnel expérimenté et professionnellement

de travail associé, dans lesquelles les travailleurs sont

qualifié, l’écart salarial, d’une part, et l’ignorance de la

recrutés à un double titre, à savoir de travailleurs et de

culture coopérative, d’autre part, deviennent un problème

membres (simultanément ou consécutivement), la plupart

qui peut se convertir en enjeux pour l’identité coopérative.

des coopératives ont recours aux mêmes techniques de

Nous avons pu néanmoins vérifier l’importance pour les

recrutement que celles d’autres types d’entreprises.

coopératives, notamment les grandes coopératives, d’engager des personnes qui aient l’expertise nécessaire

L’officialisation de contrats peut être l’aboutissement de contacts pendant une période longue entre salariés et

pour prospérer dans un environnement de marché en mutation constante.

coopératives. Dans certaines coopératives agricoles, on a souligné que les salariés avaient des antécédents agricoles au sein de leur famille ou dans leur entourage, et qu’ils pouvaient ainsi mieux comprendre la dureté du travail dans l’agriculture60. Dans ces cas, ce n’est pas seulement la compétence professionnelle qui est retenue mais aussi la personnalité qui correspond bien à la culture coopérative et fait souvent partie des éléments d’appréciation d’une candidature à un poste. Il est également vrai que la part la plus importante de l’intégration des salariés à la culture coopérative se réalise après le recrutement, au fil de leur expérience de travail. Ils découvrent et apprennent ce que sont les coopératives dans le cadre de leur travail, lors de différentes réunions et formations.

Transferts de personnel Un trait intéressant décelé dans certains groupes

réseau. Lorsque les salariés de petites coopératives sont

coopératif est un système de transfert de travailleurs

confrontés aux limites de leur ascension professionnelle,

entre les coopératives constituantes du groupe. Le groupe

les réseaux de coopératives peuvent leur fournir de

coopératif Centre Jigyodan du mouvement japonais des

nouvelles possibilités. « Nous avons un grand réseau de

coopératives de travail associé et le groupe Mondragon

80 coopératives, la fédération a de nombreux salariés

en Espagne pratiquent ce type de redéploiement entre

aux différents niveaux d’encadrement. La promotion

coopératives du groupe. Des directeurs aguerris de

professionnelle est donc assurée en interne au sein de

coopératives changent de coopératives au sein d’un même

notre réseau »61.

57


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Salaires et autres genres de compensation Dans la plupart des cas, les salariés sont relativement bien

Des

rémunérés et jouissent de compensations semblables,

pratiquées pour des cadres de haut niveau mais cette

voire légèrement supérieures, à celles octroyées dans

pratique a tendance à susciter la controverse au sein

d’autres types d’entreprises du même secteur d’activité

de la coopérative ou du groupe coopératif. La gestion

et dont la taille est comparable. Cependant, lorsque

étant de plus en plus importante dans les entreprises,

les salaires sont plus élevés que dans d’autres types

nous constatons que les écarts salariaux se creusent,

d’entreprises,

l’explication

qu’en

ont

exceptions

peuvent

cependant

parfois

être

généralement

notamment dans les plus grandes coopératives qui

donnée les personnes interviewées ne réside dans le fait

sont mises en concurrence sur le marché mondial, pour

qu’elles travaillent dans une coopérative mais dans le

attirer et maintenir des cadres de haut niveau dans les

succès économique de leur entreprise coopérative.

coopératives. Les écarts salariaux demeurent cependant plus limités dans les coopératives que dans la moyenne

Une caractéristique propre du régime salarial dans les coopératives est la solidarité entre les salariés, et parfois même avec les membres. Une remarque générale exprimée dans toutes les interviews est l’écart moindre

du monde des entreprises. « Ma rémunération serait nettement meilleure si j’étais gestionnaire d’une banque, un PDG… Je dois travailler trois ans et demi pour gagner ce que d’autres gagnent en un mois ».

dans les coopératives entre les salaires les plus élevés et les salaires les plus bas. Le même régime salarial peut

Dans les coopératives d’usagers et surtout dans celles

être à l’œuvre dans différentes unités du même groupe.

de producteurs, la question semble plus sensible parmi

Cependant, la solidarité ne doit pas être idéalisée. Il y

les membres que parmi les salariés. Dans certaines

a des cas dans lesquels l’enclenchement mécanique

coopératives

d’une solidarité plus intense a été bénéfique pour les

producteurs-membres et les salariés travaillent ensemble

services à la personne effectués par des salariés qui se

à la production et à la vente de leurs produits, l’écart de

sont mis en quête de clients moins compliqués parce

revenus entre les deux groupes peut être problématique.

que leurs salaires étaient fixés sans la moindre prise en

Plus précisément, pour les petits producteurs confrontés

considération de la difficulté du travail. La mise en œuvre

aux difficultés croissantes du marché mondialisé,

de la solidarité dans le régime salarial devrait se réaliser

la rémunération plus élevée des salariés peut être

en tenant compte des différentes conditions internes et

perçue comme une redistribution injuste des résultats

externes.

économiques de la coopérative. Au contraire, du point

de

production

dans

lesquelles

les

de vue des salariés, l’insatisfaction des producteursPar ailleurs, la solidarité salariale peut entraver l’embauche de personnel ayant un profil plus pointu qui peut prétendre à des niveaux de rémunération plus élevés dans les

membres face aux écarts de revenus peut être perçue comme une menace pour les conditions de travail des salariés et une limitation de leur capacité de gestion.

entreprises classiques. « Dans les coopératives, il existe un écart salarial moindre entre la direction et le personnel

Lorsque les salaires du personnel des coopératives sont

ordinaire. Le taux salarial le plus bas est plus élevé que celui

inférieurs à ceux d’autres types d’entreprises dans les

qui prévaut dans la région alors que le salaire supérieur

mêmes secteurs, alors que la taille des entreprises est

dans la coopérative est inférieur à celui en vigueur dans la

similaire, les salariés nous ont dit jouir d’autres types

région… Nous avons donc dans les coopératives de graves

de compensations, matérielles et non-matérielles. Ces

problèmes de rétention du personnel aux fonctions élevées

autres avantages peuvent se décliner, par exemple,

de responsabilité compte tenu du niveau plus important

en conditions plus favorables d’accès pour tous les

63

des salaires supérieurs dans la région » .

58

travailleurs à des régimes de micro-crédit mis à la


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

disposition par des banques coopératives: « Ce sont de

pendant un an ou plus, mais dans les coopératives de

petits services offerts par le consortium aux salariés et

travail associé, l’effort est partagé.

aux membres, comme le prévoit la BCC [banque de crédit coopératif]..., nous avons financé un projet de microcrédit pour les membres des coopératives »64.

Dans certains cas de promotion de coopératives comme instrument politique de lutte contre la pauvreté et le chômage, ou de création de coopératives dans des

Les compensations non-matérielles peuvent inclure

secteurs émergents comme les services aux personnes,

des horaires de travail flexibles permettant un bon

un niveau moindre de rémunération dans les coopératives

équilibre entre la vie professionnelle et familiale, moins

que dans d’autres entreprises du même secteur peut

d’heures

horizontale

devenir un problème chronique. Il semble que le modèle

et conviviale sur le lieu de travail, une gouvernance

coopératif en tant que tel n’apporte pas de solution à

démocratique et participative, une cohérence entre les

ces situations mais valorise plutôt la réglementation du

valeurs personnelles et celles du travail, etc. Par ailleurs,

travail dans ces secteurs66.

supplémentaires,

une

culture

certains salariés plus motivés et engagés dans la mission essentielle de leur coopérative ont semblé accepter de diminuer leur salaire même si les compensations matérielles

et

non-matérielles

étaient

considérées

insuffisantes. Une travailleuse-membre d’un collectif de travailleurs au Japon nous confiait: « Les salaires sont un peu bas, mais en compensation, nous avons le sentiment de contribuer à la société »65.

Parfois, la fierté de travailler dans une coopérative précise compense les conditions de travail relativement médiocres. Une tradition historique ou une présence coopérative dans certaines régions ou certains secteurs d’intérêt général peut induire chez les personnes une vision de la coopérative comme gardienne du bien commun. Il s’agit ici un autre type de motivation du travail au sein de coopératives. Nous pouvons donc supposer

Nous pouvons donc affirmer qu’un équilibre entre salaires

que, dans ces régions, on peut plus facilement trouver

et autres types de compensation est un élément clé de

des personnes mentalement disposées à travailler dans

la satisfaction des travailleurs dans les coopératives.

des coopératives.

En outre, la motivation des travailleurs est également cruciale à cet effet.

Nous avons découvert que la compensation nonmatérielle et une forte motivation sont particulièrement importantes dans les coopératives de travail associé lors de la phase de démarrage au cours de laquelle la rémunération matérielle est toujours incertaine. Dans certains cas, les travailleurs-membres de coopératives de travail associé ne gagnent pratiquement rien au cours de la période initiale jusqu’à parvenir à une certaine stabilisation de leur entreprise. Le capital formé grâce au sacrifice salarial est qualifié de « capital sueur ». La transparence du régime salarial facilite l’acceptation et la mise en œuvre de la contribution des travailleursmembres. Il est vrai que le même phénomène prévaut dans de nombreuses petites start-ups privées dont les fondateurs acceptent de ne recevoir aucun salaire

59


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Protection sociale et sécurité au travail En général, nous avons constaté que le niveau de

assurance-maladie… . SEWA en est le prestataire. Les

protection sociale des salariés des coopératives est

mesures de protection des membres se multiplient

similaire ou supérieur à celui dont bénéficient les

avec le temps et concernant les régimes de pension

salariés dans le même secteur et dans le même pays.

prévus par le gouvernement central, SEWA joue le rôle

La même chose s’applique pour les producteurs-

d’intermédiaire »67.

membres indépendants.

Nous avons également trouvé que le niveau de sécurité au travail des employés est globalement aux normes par rapport aux autres entreprises du même secteur et par pays.

En revanche, une attention plus particulière mérite d’être prêtée au statut des travailleurs-membres et à son impact sur la protection sociale. Le fait que dans de nombreux pays, et plus particulièrement en Amérique latine, les travailleurs-membres ont un statut de travailleurs pour compte propre, engendre des problèmes importants de protection sociale: lorsque des travailleurs transforment une entreprise en crise en coopérative, ils perdent leurs acquis de protection sociale. En Espagne, par contre, l’application des deux régimes existants (salariés ou indépendants) prévoit le même niveau de protection sociale, mais ce n’était pas le cas dans les années 1960 lorsque le groupe Mondragon a créé son propre système interne de protection sociale, Lagun Aro, qui, aujourd’hui, est complémentaire du système national.

Dans certains pays où le niveau général de protection sociale des salariés est relativement bien développé, comme au Royaume-Uni et en Allemagne, sauf notification

contraire,

les

travailleurs-membres

sont souvent considérés comme des salariés et la protection sociale prévue pour les salariés s’applique à tous les travailleurs indépendamment de leur

Dans le cas de SEWA en Inde, où les travailleursmembres sont considérés comme des travailleurs à leur compte propre, ils ont créé leur propre système de protection sociale. « Tous les membres de SEWA sont couverts par une assurance ainsi que leur famille, elle englobe une assurance-accident, une

60

statut de membres. En France, le statut juridique des travailleurs-membres dans les coopératives de travail associé s’assimile largement à celui des salariés avec cependant plusieurs dérogations qui permettent de reconnaître les spécificités des travailleurs-membres tout en leur assurant le niveau de protection sociale des salariés.


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

Relations avec les organisations syndicales Les réflexions qui précèdent permettent de mieux

sein de la coopérative. Par exemple, dans de grandes

comprendre

syndicales,

coopératives, les salariés qui ont un rôle subalterne et

lorsqu’elles traitent de l’emploi coopératif, sont

occupent des fonctions de nettoyage, de cuisine, de

confrontées à un type spécifique d’emploi qui a une

gardiennage, de transport, etc. peuvent avoir un sens

incidence, à la fois objective et perçue, sur la définition

différent d’appartenance à la coopérative et souhaiter

du salarié et de l’employeur. Cette situation spécifique

rejoindre une organisation syndicale pour dépasser le

est différente de celle que ces organisations

désavantage de leur fonction vis-à-vis de l’employeur

rencontrent habituellement, dans la plupart de leurs

et vis-à-vis de salariés de plus haut niveau.

que

les

organisations

activités. La compréhension de l’emploi coopératif par les organisations syndicales, le traitement qu’elles lui réservent, la réaction des travailleurs des coopératives, et, finalement, la relation entre le mouvement coopératif et le mouvement syndical sont influencés par ces éléments.

Dans certains cas, il est apparu que les syndicats de salariés de coopératives n’agissent pas seulement dans l’intérêt de ces derniers mais dans l’intérêt plus général du secteur économique. Le syndicat japonais des salariés des coopératives de consommation organise une campagne pour augmenter les salaires

Parmi les trois catégories différentes de formes

minima de tous les travailleurs des services en vue

du travail que nous avons analysées dans cette

d’améliorer les conditions de travail de leurs membres

étude (salarié, travailleur-membre et producteur-

en valorisant celles de tous les travailleurs des

membre travaillant pour compte propre), la première

services dans le pays.

est, généralement, celle à laquelle se cantonne l’action syndicale mais elle peut s’étendre aussi, dans une certaine mesure, à celle des travailleursmembres dans les coopératives de travail associé. Les producteurs-membres sont parfois syndicalisés également.

Au-delà de leurs diverses perceptions concernant les syndicats et leur rôle de protection, les salariés, travailleurs-membres ou producteurs-membres de coopératives ont des difficultés à comprendre la fonction concrète qu’un syndicat pourrait jouer dans des négociations et le règlement de conflits au sein de

Deux attitudes principales à l’égard des syndicats

leur coopérative.

ont été observées lors des interviews. Dans certaines coopératives, la plupart des salariés sont syndiqués et estiment que leurs intérêts sont bien protégés par les syndicats. Dans d’autres, les salariés expliquent ne pas ressentir le besoin de se syndiquer. Dans ce cas de figure, la coopérative leur donne un sentiment d’appartenance. Comme nous le verrons, les salariés ont tendance à considérer leurs coopératives comme une grande famille et résistent à l’introduction d’un nouvel élément qui pourrait rompre la culture familiale. Cependant, la perception de la nécessité d’un syndicat varie selon les fonctions occupées au

En ce qui concerne les salariés des coopératives, un salarié d’une coopérative agricole en Émilie-Romagne nous a confié: « J’ai toujours été syndiqué mais depuis que je suis dans la coopérative, ma syndicalisation est dépourvue de sens parce que mes personnes de contact sont les membres et si j’ai des problèmes, je les résous directement avec le président de la coopérative. Si les membres ont un problème, ce problème n’est pas celui d’une personne mais de la coopérative. Si les problèmes concernent l’organisation ou les salaires,

61


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

j’en discute avec le président: il soumet le problème

Cependant, précisons que si les travailleurs-membres

au conseil d’administration qui se prononce. N’étant

ne souhaitent pas se syndiquer, leur position n’est pas

pas moi-même un membre, lorsque j’ai un problème

nécessairement antisyndicale. Nous avons entendu de

de travail, j’en parle directement avec le président, qui

nombreux témoignages de positions favorables aux

accepte ou refuse ma proposition ». Il précise: « Ici,

syndicats.

nous n’avons pas de structure syndicale, il n’y a pas de conflit avec un seul employeur. Il n’y a personne avec qui négocier. Le conseil d’administration décide de majorer les salaires de cent euro »68.

Notons également que bon nombre de coopératives de travail associé ont été créées par des syndicalistes et que l’intérêt des syndicats pour ce modèle est grandissant comme réponse à la délocalisation ou

d’une

à la fermeture de sites producteurs d’emplois. Parmi

coopérative agricole dans le Pays Basque: « 90% des

les pays où nous avons effectué le travail de terrain,

membres font partie du syndicat des agriculteurs mais

l’alliance de plus en plus étroite entre syndicats et

il n’y a pas de cohérence entre la représentation des

coopératives de travail associé est particulièrement

membres et du syndicat. Nous travaillons ensemble,

forte au Brésil, en Argentine et au Canada.

Voici

l’exemple

d’un

producteur-membre

nous sommes donc pareils et nos intérêts convergent ! Je ne comprends pas, on a beau m’expliquer, je ne comprends pas. Les dirigeants syndicaux ne sont peut-être pas membres de coopératives. Il y a des conflits entre les coopératives et le syndicat »69.

Les cas de SEWA en Inde, qui est à la fois un syndicat et une organisation coopérative, ou d’Unisol au Brésil, une organisation coopérative qui a été créée sous l’impulsion du syndicat métallurgique ABC, sont très spécifiques, mais ils montrent que des solutions

S’agissant des travailleurs-membres, l’un d’eux, qui

existent pour que organisations coopératives et

travaille dans une coopérative industrielle du groupe

syndicats coopérent plus étroitement que ce qui est

Mondragon explique, par exemple, que dans chaque

souvent le cas.

coopérative du groupe: « Nous avons des organes de représentation: le conseil social. Il n’y a pas de syndicat parce qu’il n’y a pas de conflit entre les propriétaires et le simple personnel. La logique est différente »70.

Enfin, le fait que les salariés, travailleurs-membres ou producteurs-membres de coopératives se syndiquent est également influencé par l’existence ou non de conventions collectives nationales qui règlementent

Il est rare d’en appeler au syndicat pour résoudre une

leurs conditions de travail et sont l’aboutissement

situation de conflit dans une coopérative de travail

de négociations entre le mouvement coopératif et

associé même si les travailleurs-membres jouissent

le syndicat. Parmi les 10 régions étudiées, l’Émilie-

de tous les droits dont est assortie la syndicalisation,

Romagne fait figure d’exception en la matière compte

dont le droit de grève. Au cours de notre travail de

tenu que les confédérations nationales italiennes de

terrain, nous avons relevé un cas de participation à

coopératives sont considérées de plein droit comme

une grève générale de tous les travailleurs-membres

des organisations d’employeurs. Cette situation

d’une coopérative québecoise de travail associé pour

conditionnne nécessairement dans une très large

l’amélioration des conditions de travail de leur secteur

mesure les relations entre le mouvement coopératif

économique sans pour autant combattre la direction

et les syndicats.

de leur propre coopérative.

62


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

Une approche prudente et progressive vis-à-vis de la création d’emplois Une caractéristique digne d’être soulignée que

due à l’embauche de commerciaux.

nous avons observée dans plusieurs coopératives pendant le travail de terrain est la manière extrêmement prudente et progressive par laquelle les coopératives créent de l’emploi. Par exemple, au Paraiba, dans le nord du Brésil, la coopérative laitière Coapecal, basée dans la micro-région rurale du Cariri Est et jouissant de bonnes performances économiques, emploie aujourd’hui 250 employés à temps plein et 100 personnes non salariées à temps partiel travaillant dans la logistique et les transports, et fournit une activité économique à temps plein pour 3 personnes pour chacun des 260 producteurs-membres, le total de ces occupations correspondant à 4% de la population active occupée de la micro-région. La coopérative a été créée en 1997 dans le hangar d’un de ses membres, qui a été successivement agrandi, et sans employés. Toute la production, ainsi que le travail commercial et administratif, étaient alors effectués par le noyau des

producteurs-membres

fondateurs.

C’est

seulement en 2003 que le directeur de Coapecal, lui-même fils d’un producteur qui a co-fondé la

Toujours dans État du Paraiba au Brésil, la coopérative de transports Coopextremo, située dans la ville côtière de João Pessoa, était sur ​​le point de nommer sa première salariée au cours de notre visite sur le terrain en janvier 2014, environ 7 ans après la fondation de la coopérative. Tout le travail administratif, y compris la coordination des travaux de transport, était géré par la présidente et le secrétaire de la coopérative, toux deux transporteurs indépendants avec une camionnette. Ils passaient plusieurs heures par jour à cette tâche et recevaient une compensation professionnelle de la part de la coopérative. Selon le président de la coopérative, la principale raison pour laquelle ils ont décidé d’embaucher leur première salariée est qu’ils ont progressivement étendu leurs activités au tourisme, et ils ne pouvaient plus faire face à la charge de travail en termes de travail administratif. De même, ils n’approuvaient que progressivement l’inclusion de nouveaux membres.

coopérative, a commencé à devenir salarié de celleci après des années de services non rémunérés. Ce travail de terrain patient a créé les conditions pour un grand bond en avant dans la création d’emplois vers le milieu des années 2000, avec 170 emplois à temps plein créés en 2005. La deuxième phase de création d’emplois, entre 2005 et 2013, a connu une nouvelle augmentation de 170 à 250 salariés à temps plein, l’augmentation étant principalement

Cette approche très prudente à la création d’emplois dans la phase initiale est, paradoxalement, une garantie d’un processus de création d’emplois important et parfois rapide par la suite. En même temps, les emplois ou activités économiques qu’ils créent progressivement sont généralement des emplois stables et durables.

63


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

3.2.2. Les spécificités de l’emploi coopératif telles qu’elles sont vécues par les personnes elles-mêmes Comme nous l’avons vu, l’emploi coopératif comprend des diversités. Chaque lieu de travail est conçu en fonction d’aspects institutionnels et structurels, que dictent les réglementations, les secteurs, les structures organisationnelles des différentes coopératives et la position au sein de ces structures. L’emploi coopératif est réalisé par des travailleurs ou des producteurs qui sont, eux-mêmes, façonnés par leur environnement personnel et social, ainsi que par leurs expériences personnelles et sociales, et ils ont des engagements à l’égard de leurs coopératives qui pèsent sur leur propre jugement normatif, la vision qu’ils ont de leur coopérative et de leur profession. On peut dire, en ce sens, que les spécificités de l’emploi coopératif se façonnent par l’action des personnes dans des conditions institutionnelles et structurelles données.

L’appréhension des aspects essentiels de l’emploi coopératif à la lumière des catégories institutionnalisées existantes pourrait reproduire le cadre dominant plutôt que d’éclairer les spécificités de cet emploi. Dans les interviews, nous nous sommes donc efforcés de comprendre les aspects essentiels de l’emploi coopératif tels que les perçoivent ses acteurs. Même si les personnes qui travaillent au sein ou dans le cadre des coopératives n’ont pas toujours conscience de ce lien avec une coopérative, nous avons présumé qu’elles peuvent avoir des idées normatives ou des jugements d’évaluation sur le travail lié aux coopératives.

Nous avons observé que ces idées sont influencées par leur propre rationalité, à savoir la façon dont elles les perçoivent comme bonnes (ou mauvaises). Nous avons suivi la classification de Boltanski et Thevenot (1991) en fonction de différentes logiques de justification construites et mobilisées dans les sociétés modernes occidentales. La notion de logique de justification proposée par Boltanski et Thevenot ne correspond pas à un ensemble permanent de valeurs, mais à une construction historique de l’évaluation de l’importance des valeurs dans une situation donnée. Lorsque les personnes expriment des affirmations normatives ou de valeurs, elles se réfèrent implicitement ou explicitement à des logiques de justification dans lesquelles ces affirmations gagnent en légitimité. Elles considèrent un certain mode de justification de leur situation comme plus pertinent que d’autres.

Dans notre étude, nous avons supposé que la perception qu’ont de leur situation les personnes interviewées est associée à la question de ce que devraient être une coopérative et l’emploi en lien avec une coopérative. Nous avons classé leurs idées sur l’emploi coopératif en 8 logiques de justification 71, ce qui nous a permis non seulement de comprendre leurs idées sur l’emploi coopératif mais aussi de cerner les types d’antécédents normatifs que ces personnes mobilisent pour justifier la spécificité coopérative de leur emploi ou activité économique.

Notons que les personnes pensent différemment en fonction de leur propre logique et des aspects qu’elles souhaitent souligner parce que toute situation peut être interprétée de différentes façons. Par ailleurs, les points de vue des personnes sont toujours, dans une certaine mesure, tributaires des conditions dans lesquelles elles évoluent. C’est pourquoi nous avons analysé comment ces différentes idées sont en lien avec des circonstances précises, telles que le type et la taille des coopératives, la fonction occupée par les personnes interviewées dans les coopératives, les secteurs économiques et les pays.

64


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

Participation Dans la logique de justification de la participation, le

Une condition préalable de la participation est que les

contrôle démocratique, qui est une des caractéristiques

travailleurs « peuvent exprimer librement leur avis »79 et

essentielles des coopératives en tant qu’ « association

« les avis des personnes du bas de l’échelle parviennent

de personnes » (voir définition internationale énoncée

aux oreilles des supérieurs »80. La transparence et

au Chapitre 1, section 1.3. Définitions clé), est élargie aux

les flux d’informations sont également qualifiés de

questions du travail.

condition préalable et de résultat de la participation. « Tous les chiffres de l’entreprise sont accessibles à

La participation est souvent décrite comme une procédure de prise de décision et de travail commun. Exprimer son avis peut être considéré comme une condition préalable à la participation: « Nous discutons ensemble d’où nous allons, de ce que nous allons faire »72, « Nous décidons de tout »73, « Les outils qui vous permettent, de manière presque ‘obligatoire’, d’engager les personnes afin que tout un chacun apporte sa contribution »74. Dans de plus petites coopératives, « nous pouvons vraiment faire ce que nous voulons… Nous pouvons réaliser des choses… C’est une grande possibilité pour nous de grandir, de nous développer »75. Certaines personnes interviewées comparent cette situation à celle d’entreprises privées classiques dans lesquelles « tout ce qu’elles peuvent faire c’est poser des questions »76. Si leurs supérieurs « refusent, elles ne peuvent rien y faire »77. Les travailleurs y « sont juste invités à exécuter »78.

tous les membres »81. « Il y a moins de possibilité de corruption au sein même de la structure »82. Par ailleurs, la participation exige d’assumer sa responsabilité. « Se limiter à insister ce n’est le style des coopératives. Insister, discuter et réaliser par nous-mêmes, ça c’est le style des coopérative »83. Cette pratique exigeante alourdit parfois le travail et les travailleurs ont tendance à en faire trop. Leur travail « ne se termine pas lorsque les travailleurs ont fini de s’entretenir avec leur client. Il y a plus … de travail supplémentaire »84 à effectuer pour participer à plusieurs comités, à des réunions formelles et informelles. C’est la raison pour laquelle nous pouvons trouver des employés ordinaires, notamment dans les coopératives de travail associé, qui « ne sont pas intéressés par l’appartenance à la coopérative ou par l’exercice des droits en tant que propriétaires »85. « Certaines personnes finissent surmenées, d’autres laissent courir »86. En guise de solution, un dirigeant

65


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

d’une coopérative de travail associé insiste sur le fait

La participation des travailleurs peut conduire à des

qu’ « il est important d’expliquer, il faut que les personnes

échanges et à une prise de décision collective sur les

87

niveaux salariaux. Un travailleur-membre d’une coopérative

comprennent qu’elles font partie de la coopérative » .

d’ingénierie dans le Wisconsin nous a précisé: « Nous avons La participation n’est pas synonyme de liberté de faire ce que l’on veut. Elle est limitée par les contraintes objectives qui pèsent sur l’entreprise. Pour plus de jugement et d’efficacité dans la participation, les conditions du marché et les capacités internes doivent être suffisamment comprises par les membres et les travailleurs. Sinon, « cette liberté peut conduire les personnes à faire ce qu’elles veulent, et ça ne fonctionne pas, l’entreprise périclite »88. Les règles relativement strictes

d’application

dans

les

coopératives

et

groupes coopératifs peuvent parfois sembler être en contradiction avec la liberté et la participation mais il est important de comprendre que ces règles sont élaborées par les membres pour développer leur entreprise.

nos propres critères pour décider des salaires, à savoir l’expérience, les qualifications, les fonctions… nous utilisons une espèce de formule qui se fonde partiellement sur ce que nous avons fait dans le passé, sur la performance de la personne, sur la valeur de sa contribution à l’entreprise. Nous discutons beaucoup de ces aspects. – Q: Avez-vous un département des RH qui traite de ces questions ? – R: Oui, nous avons notre directrice des RH. Et elle ne décide pas seule, il y a un comité qui est responsable, qui travaille pour elle. Je crois qu’il y a 6 personnes dans ce comité… Le comité ne décide pas. Il formule des recommandations, des suggestions et les soumet au conseil d’administration. Le conseil d’administration décide. - Q: Donc, logiquement, tout le monde connaît le montant du salaire des autres ? R: Oui, c’est très transparent. – Q: C’est normal ? R: Non, ce n’est pas le cas dans une entreprise privée où vous n’êtes au courant de rien. Vous n’avez aucune idée du salaire de votre voisin de travail. Ici, tous les membres sont au courant… il n’y a pas de secret »89.

Une

travailleuse-membre

d’une

coopérative

de

consommation au Pays basque ajoute: « La principale différence quand on travaille dans une coopérative c’est qu’on peut participer, on a le sentiment d’apporter des idées. Dans les entreprises non-coopératives, les choses sont plus carrées, il n’y a pas de participation, vous ne pouvez pas changer ou améliorer les choses »90.

Famille

66

La logique de justification de la famille signifie que les

ils connaissent beaucoup de gens. Par conséquent,

personnes qui travaillent au sein ou dans le cadre de

« ils essaient toujours de faire de leur mieux pour les

coopératives perçoivent leur occupation comme s’ils la

personnes »91, et ce n’est pas seulement vrai entre salariés

partageaient avec leur famille ou leurs amis parce que le

mais également entre les salariés et les usagers-membres,

travail se réalise dans une communauté au sein de laquelle

ou entre les salariés et les producteurs-membres. « De


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

nombreux salariés ont certains de leurs meilleurs amis qui travaillent ici ou qui sont leurs clients »92.

Une coopérative de crédit coréenne permet à ses nouveaux salariés de participer à des services de prise de contact, de visite de leurs membres dans le cadre d’un programme d’apprentissage pour connaître les membres. Ce type de programme renforce l’intégration des salariés à la vie de la coopérative dans laquelle les membres et les salariés semblent appartenir à la même famille ou être liés de liens d’amitié plutôt que de développer des relations commerciales entre clients et prestataires de services.

Se connaître est perçu comme un point de départ de l’entraide qui peut, à son tour, signifier que si certaines activités de la coopérative ou du groupe coopératif ne vont temporairement pas bien, elles peuvent être compensées par d’autres activités plus florissantes. « Si certaines activités sombrent dans le rouge, d’autres peuvent

coopérative fonctionne bien, tout va pour le mieux. Mais si elle ne fonctionne pas bien, c’est également beaucoup plus grave ». La situation est différente de celle « d’une entreprise non-coopérative qui lorsqu’elle ne fonctionne pas bien fait porter la responsabilité par l’employeur »101.

éponger leur déficit »93. On appelle ce genre de culture « l’esprit d’entraide »94, « une sorte de camaraderie… de 95

96

solidarité » , et « la coopération » .

Ce sentiment d’appartenance à une famille a une incidence sur la manière de percevoir l’identité de l’employeur ultime. Pour les salariés de coopératives de

Les personnes travaillant dans ou dans le cadre de coopératives ont souvent le sentiment d’appartenir à quelque chose de plus large. C’est en fait une réalité lorsque ce sentiment d’appartenance génère des relations plus étroites entre les travailleurs et leur coopérative. « Ils font mieux partie prenante de l’entreprise »97 et « de quelque chose de plus large »98. Lorsqu’ils « sont invités à devenir membres, ils ont le sentiment d’appartenir à la coopérative »99, et « partagent un niveau d’accord général sur la mission à essayer d’accomplir: les travailleurs et les membres sont unis »100.

production, les employeurs ultimes sont la communauté des producteurs pour compte propre, alors que dans les coopératives d’usagers, dans lesquelles les membres sont plus nombreux, l’employeur ultime est la communauté environnante dans son intégralité. En outre, dans de nombreux cas, les salariés ont le sentiment d’avoir la mission d’élargir l’employeur collectif en s’efforçant de recruter de nouveaux membres et en dynamisant les membres existants. Un livreur d’une coopérative de consommation au Japon nous a déclaré: « Généralement, nous pensons que notre travail est d’initier les membres pour qu’ils soient véritablement membres et qu’ils s’engagent dans le mouvement coopératif »102. Le

Il ne s’agit pas d’une simple question de sentiment mais d’une appartenance véritable à une réalité. Le sentiment d’appartenance favorise des relations plus étroites entre travailleurs et coopératives. « Pour les membres, si la

directeur, qui représente l’employeur collectif, peut les gratifier pour leur investissement personnel dans la coopérative et apprécier leur valeur professionnelle, parce qu’il représente un employeur à long terme, ancré dans la proximité (une collectivité qui va au-delà du

67


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

périmètre des membres et comprend la collectivité

Romagne nous a confié: « Personnellement, … lorsque je

dans un sens plus général, passée, présente et future).

sais que la personne qui me rémunère travaille toute la

Une salariée d’une coopérative de consommation en

journée pour moi à trier des déchets, je me sens encore

Émilie-Romagne a connu un problème après son congé

plus encouragé. Celui qui se sacrifie pour travailler là

de maternité: « Je suis revenue alors que personne ne

me paie et j’ai du respect pour lui. Rien que de penser

pouvait prendre soin de mon bébé. Je me suis donc

que mon salaire est payé par une personne qui travaille

adressée aux directeurs en expliquant ma situation et

toute la journée au milieu de détritus me pousse à me

que j’étais disposée à tout abandonner, pour reprendre

surpasser »104.

éventuellement un travail de simple salariée…, ‘ je peux aller où vous voulez mais j’ai des obligations, je dois me libérer à 5 heures pour reprendre mon fils à la crèche’. Ils m’ont répondu: ‘Tu rêves? Pourquoi abandonner les efforts que tu as fait pendant toutes ces années?’ »103.

Pour les travailleurs-membres, l’employeur, c’est nous, les travailleurs-membres, mais même dans ce cas-ci, ils ont le sentiment qu’ils sont partie intégrante de la collectivité environnante. Un travailleur-membre d’une coopérative de Mondragon nous donnait cette réponse:

Pour les simples salariés de coopératives de travail

« Qu’y-a-t-il de spécial dans le travail coopératif ?

associé, les employeurs sont des collègues de travail,

R: Faire partie d’un projet qui crée de l’emploi et de la

qui sont également des travailleurs-membres. Un simple

richesse dans notre environnement »105.

salarié d’une coopérative de travail associé en Émilie-

Le dénominateur commun est que l’employeur n’est jamais une personne physique ou morale sans visage, éloignée, mais est presque toujours local et collectif, et généralement composée de gens simples. Cela ne peut que peser sur la perception du travail et le comportement sur le lieu de travail, ainsi que sur les formes de médiation qui sont nécessairement différentes de celles d’autres lieux de travail.

Le revers de la médaille de cet environnement familial est que les salariés se plaignent parfois d’avoir des difficultés à « déconnecter » du travail lorsqu’ils rentrent chez eux ou lorsqu’ils se retrouvent dans la communauté. Un salarié d’une coopérative de crédit d’Émilie-Romagne répondait ainsi à nos questions: « Q: Avez-vous beaucoup de travail ? Vous sentez-vous sous pression ? R: Oui, c’est l’avantage et le désavantage de travailler avec des personnes. Il y a des personnes avec lesquelles au fil des années, j’ai tissé une relation de respect et de confiance mutuelle dont je suis

68


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

fier. Cependant, c’est un défi de travailler dans une communauté où vous connaissez tout le monde. Vous essayez invariablement de faire de votre mieux pour les personnes. Parfois, il est difficile de déconnecter lorsqu’on quitte le bureau. Vous devenez un point de référence, les personnes dans la rue vous connaissent. Si vous êtes en congé, vous ne pouvez pas vous rendre au marché du village »106.

Économie Une des logiques de justification utilisées par les

une occasion d’augmenter le nombre de leurs clients

personnes pour qualifier les spécificités de l’emploi

ou de mieux commercialiser leur production. Pour des

coopératif est la composante de l’économie. Nous

conducteurs de taxis indépendants, la coopérative est

avons trouvé deux types de discours sous cette

l’occasion « d’accroître sensiblement le nombre de

logique.

clients »110.

Pour

certaines

une

Compte tenu de la grande diversité de l’emploi

désavantage

coopératif, il est difficile de qualifier l’emploi au sein

économique. Une personne a regretté « ne pas jouir

ou dans le cadre des coopératives d’économiquement

de nombreux avantages que ne peut se permettre une

bon ou mauvais. Il est plus important de souligner que

coopérative car ce sont des ‘coûts auxiliaires’ que la

la composante économique de l’emploi coopératif

coopérative

personnes,

semble

travailler

constituer

un

dans

107

coopérative ne peut pas assumer »

. Un jeune salarié

n’est qu’un des aspects que les travailleurs prennent

disait sur le ton de la plaisanterie que son emploi lui

en considération, et qu’elle perd de son importance

108

fournissait: « un salaire bon marché… »

.

lorsque d’autres compensations entrent en ligne de compte. « Parce que j’adore mon travail, qu’il est

D’autres estiment, par contre, que leurs emplois « sont considérés plus sûrs et plus stables »109. En milieu rural, le salaire des salariés qui travaillent dans les coopératives est souvent parmi les meilleurs. Pour les producteurs-membres qui travaillent dans le cadre d’une coopérative, celle-ci est souvent perçue comme

concret, il ne s’agit pas seulement d’argent »111. Un travailleur-membre d’une coopérative industrielle au Pays basque nous disait: « La rémunération peut être variable mais ce n’est pas la même chose de recevoir une rémunération variable dans une compagnie dont les propriétaires sont ceux qui en bénéficieront directement »112.

Efficacité Les coopératives sont considérées par certaines

malades mentaux dans le Wisconsin explique l’avantage

personnes interviewées comme des organisations

de leur structure démocratique, de sa rationalité et de

économiques plus efficaces que d’autres entreprises

son efficacité. Il pense que « le modèle et la pratique

parce qu’elles sont moins hiérarchisées, moins

de la coopérative de travail associé est plus simple et

bureaucratiques et plus agiles dans leur prise de

plus leste, flexible et résilient parce que nous n’avons

décision. Un membre d’une coopérative de travail

pas des strates excessives de bureaucratie, ce qui

associé constituée par des thérapeutes soignant des

est très cher et inefficace »113. Contrairement aux

69


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

préjugés qui laissent entendre qu’un processus de

mode de fonctionnement plus leste et plus efficace

prise de décision démocratique est lent et inefficace,

que « quelqu’un qui viendrait de loin imposer… »114. En

il souligne que la prise de décision des travailleurs-

ce sens, il est intéressant d’observer l’efflorescence de

membres qui se réalise en confrontant différents

formes coopératives dans les professions libérales et

points de vue en tant que prestataires de services,

parmi les entreprises de la connaissance (Westerdahl

gestionnaires et propriétaires peut s’avérer être un

et Westlund, 1998).

Flexibilité Dans la perspective de la stabilité de l’emploi, la

émergente à l’heure où l’autonomie et la liberté

flexibilité peut être mal perçue. Cela vaut pour de

personnelle prennent de plus en plus d’importance, et

nombreuses coopératives comme pour les entreprises

où les nouvelles technologies et la mondialisation de

classiques. Cependant, dans certaines coopératives,

l’économie les encouragent. Cependant, les pratiques

la flexibilité dans le travail est une valeur importante

économiques plus préoccupées par cette logique

pour conjuguer la vie professionnelle et la vie familiale.

de justification ne sont pas toujours suffisamment

Une travailleuse-membre d’une coopérative de travail

institutionnalisées dans le secteur et le champ

associé dont l’objet est la prestation de services de

d’activité, au-delà du périmètre national, ce qui ébranle

soin à des personnes âgées nous a avoué: « Je suis

la sécurité sociale et la protection institutionnelle des

tout à fait satisfaite. Par exemple, lorsque je dois me

travailleurs dans cette situation 116.

rendre à l’école, comme lors de la journée que l’école consacre aux parents, je vérifie juste que je ne dois pas aller chez des clients. Cette heure que je leur

Dans nos interviews, la rationalité de la flexibilité est

consacre n’est pas rémunérée, c’est une sorte de

plus courante dans des secteurs économiques tels

flexibilité qui est une satisfaction personnelle »115.

que la construction, les technologies de l’information et les services aux personnes, ainsi que dans les nouvelles entreprises qui voient le jour dans le

Mais d’un autre coté, la flexibilité dans l’entreprise

contexte de la mondialisation.

a parfois fragilisé les postes des travailleurs en les divisant en un groupe de travailleurs permanents et un groupe de travailleurs à la demande, sans stabilité d’emploi. Comme le suggèrent Boltanski et Chiapello (1999), la flexibilité est une logique de justification

Un dénominateur commun est que la flexibilité que l’on trouve dans les cooperatives est une flexibilité qui est partagée entre travailleurs et membres.

Orientation guidée par les valeurs

70

Comme évoqué antérieurement, de nombreuses

jeunes se lancent dans la création d’une coopérative

personnes ne travaillent pas dans des coopératives

« avec beaucoup d’enthousiasme et peu d’argent ».

pour

économiques.

Pour eux, « travailler dans une coopérative en période

L’enthousiasme et l’engagement à l’égard de certaines

plus favorable permet le partage d’une passion »117.

valeurs sont d’importants vecteurs. Parfois, les

Travailler avec des consommateurs-membres permet

des

raisons

strictement


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

aux salariés de « sentir qu’ils travaillent au milieu du 118

Dans une coopérative médicale en Corée du Sud, un médecin de médecine orientale utilise des

pouvoir » .

instruments qui, pour des raisons d’hygiène, ne peuvent être réutilisés, même si plus il y a recours Les valeurs qui nous ont été transmises sont

et plus se creuse le déficit de la coopérative. « Nous

diverses. Certains ont insisté sur l’épanouissement

n’avons cependant pas le choix parce que les clients

personnel, la coopérative étant le lieu de travail où

sont nos membres ! »121 Il s’agit d’un sentiment

ils peuvent grandir et se développer de manière holistique.

D’autres

ont

souligné

le

caractère

« éthique », « honnête », « correct » du travail dans une coopérative. Par exemple, les coopératives de crédit estiment ne pas se limiter à fournir des services financiers mais entendent « éduquer leurs clients à adopter de meilleures pratiques financières »119. La

particulièrement bien ancré chez les salariés de coopératives d’usagers et de producteurs mais également dans les coopératives de travail associé même si, en l’occurrence, les clients ne sont pas membres. Dans certaines interviews, on nous a confié que les coopératives sont des instruments pour créer un système économique plus digne de confiance et

raison d’être des coopératives étant de servir leurs

économiquement plus juste, un effort dans lequel

membres, elles génèrent du chiffre d’affaires en

certains veulent s’engager.

offrant des services aux membres sans avoir pour motivation première d’engranger des bénéfices. Les innovations techniques et de gestion sont introduites

Parfois, le statut de coopérative peut être une

pour valoriser le service aux membres, pas pour

raison pour augmenter le prix du service comme, par

engranger plus d’argent. Le salarié d’une coopérative

exemple, dans une coopérative de taxis: « Étant en

agricole du Wisconsin nous a dit à cet égard: « Il s’agit

coopérative, nous jouissons d’une assurance-santé,

plus de servir les membres et ensuite de se demander

d’un excellent entretien de nos véhicules et nous

si ce que nous faisons a un sens. Vous savez, j’aime

fournissons un niveau de service de grande qualité »122.

travailler comme le font les autres travailleurs ici,

Si la stratégie de communication est bonne, les

avec comme préoccupation première celle d’assurer

personnes ont confiance dans les coopératives et

120

que les besoins des membres soient satisfaits »

.

en paient volontiers les services. Elles peuvent donc être perçues comme des instruments de création

71


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

d’un système économique plus juste et plus digne de

« Certaines personnes ont des difficultés pour

confiance. Outre les questions sociales directement

travailler, pour sortir, même de chez elles… Vous

traitées par les coopératives, il est intéressant de

savez, c’est facile de les exclure du groupe mais

constater que le lien avec une coopérative est une

notre organisation ne le fait pas, nous essayons de

valeur importante. Cette valeur, travailler pour une

les intégrer, de travailler avec elles, de prendre les

coopérative, devient une source de fierté.

mesures nécessaires à leur intégration au monde du travail et à la société. Nous pouvons constater

Cependant, ce système fondé sur des valeurs peut être plus exigeant. Il semble que « les coopératives doivent en faire plus parce qu’elles sont des coopératives »123. Une de ces exigences ou plutôt un caractère intrinsèque est « qu’une coopérative ne doit pas avoir pour seule priorité son intérêt »124 ou encore « les coopératives ne sont pas obsédées par leurs

qu’elles progressent grâce à l’éducation et à nos encouragements comme, par exemple ‘OK ! Tu peux le faire, faisons-le ensemble.’ Et ce genre de choses peut rendre leur vie bien différente. On les voit s’améliorer. Et ça me motive… alors que lorsque je travaillais [dans une autre entreprise] à des tâches administratives, c’était plus un travail de routine »126.

bénéfices »125. Même certaines personnes peu satisfaites de leur travail dans leur coopérative et à la recherche d’un L’insertion par le travail de personnes en difficultés

autre emploi essaient de trouver un autre emploi dans

gérée par des travailleurs de coopératives requiert

une autre coopérative. Une salariée d’une coopérative

une motivation qui est mue par certaines valeurs.

de crédit en Émilie-Romagne, Italie, insatisfaite de son

Un travailleur-membre d’une coopérative de travail

travail et à la recherche d’un autre emploi nous a dit:

associé à Kanagawa, qui pratique l’insertion de

« Je voudrais travailler dans une coopérative sociale

personnes en difficultés sociales, nous a rappelé:

ou un consortium [de coopératives sociales] » 127.

Réputation Il y a des cas où travailler dans une coopérative

Par ailleurs, dans des pays où les coopératives

est source de fierté. Les coopératives sont parfois

sont

considérées par les personnes locales comme

gouvernementale comme en Afrique du Sud et en

un des meilleurs lieux de travail dans leur région.

Corée du Sud, le terme « coopérative » devient en soi

Elles regroupent des personnes très formées qui

un signe d’opportunité. Le rôle de la communication

travaillent ensemble pour un salaire stable et décent.

et de l’éducation est fondamental dans ces situations.

activement

promues

par

la

politique

Dans certaines régions où les coopératives jouissent depuis longtemps d’une forte reconnaissance, comme en Émilie-Romagne, au Pays basque, au Québec et dans le Wisconsin, la perception des coopératives et de leur culture ne s’arrête pas aux portes des coopératives mais fait partie intégrante de la culture locale, voire du patrimoine local.

72

Les coopératives peuvent aussi être mises sur un piédestal trop élevé et les personnes qui les entourent ont des difficultés à comprendre qu’elles peuvent, au même titre que d’autres, subir les conséquences d’une crise économique, malgré leur


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

résilience. « La Corporation Mondragon a toujours

la sécurité. Bon nombre de personnes confrontées

joui d’une bonne réputation et été considéré comme

à des problèmes dans d’autres entreprises auraient

exportable. Travailler ici signifie avoir un bon emploi,

des difficultés à imaginer que la nôtre pourrait

qui s’inscrit dans la durée et est marqué au sceau de

s’effondrer »128.

Identité L’identité dans les coopératives peut se développer

imposées par ma famille étaient nombreuses ainsi

à deux niveaux: au sein de la coopérative et dans le

que son contrôle mais aujourd’hui, je construis ma

cadre plus large de la collectivité. Il s’agit à la fois de

propre identité, je fais mes propres choix »130. Une

l’identité de la personne, de son identification avec la

salariée d’une coopérative de consommation d’Émilie-

coopérative et de l’identité de la coopérative en soi.

Romagne nous a dit: « Mes attentes à l’égard de l’entreprise est de continuer à être respectée pour ce

Les personnes interviewées ont clairement fait remarquer que leur coopérative avait été un élément fondamental pour l’insertion et la réhabilitation sociale, pour la valorisation de l’estime de soi et la confiance en

que je fais. Je me sens appréciée. J’aime que ce que je fais soit reconnu. L’estime de mon directeur est une gratification », et elle a ajouté « je n’échangerais mon emploi qu’avec celui de mère au foyer »131.

soi. Une ramasseuse de déchêts qui est travailleusemembre d’une coopérative de SEWA en Inde nous a

La forte identification entre la personne et son

confié: « On vous voit comme une simple ramasseuse

travail est également perceptible dans l’expérience

de déchets [forte stigmatisation sociale]. Avant, je

de cette travailleuse-membre d’une coopérative de

n’étais qu’une ramasseuse de déchets, aujourd’hui, je

construction en Émilie-Romagne: « Mon expérience et

129

suis une femme de SEWA »

. Une travailleuse d’une

celle de mon mari, qui travaille dans une coopérative

coopérative de soins à la petite enfance de SEWA

ici à Ravenne, est très positive (…). Toute cette

nous déclarait: « Avant de rejoindre SEWA, j’étais dans

participation, nous la ramenons à la maison. Je parle

une situation très critique due à la maladie mentale de

tellement de mon travail à la maison, des aspects

mon mari. Je me battais beaucoup… Les limitations

sociaux, des activités, de la participation… Cela nous

73


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

appartient tellement que nous ne nous en rendons pas 132

compte »

toujours été plongé. Mon fils suit la même démarche, mais… par exemple, mon fils vit cette philosophie

.

coopérative, c’est ainsi qu’il apprend. »134. Le danger guette bien sûr parce qu’une forte identification doit être bien gérée par une organisation

La composante de l’identité qui consolide le lien avec

du travail adaptée. Un membre d’une coopérative

la communauté au sens large n’est pas étrangère

basque d’éducation nous a dit à cet égard: « Je pense

à la logique de la famille et celle de la réputation

que la motivation et l’engagement dans le projet

que nous avons abordées et qui alimentent la

éducatif demeurent inchangés. Avant, je faisais

culture coopérative. Au fil de leur maturation, elles

également partie d’une communauté. Aujourd’hui, je

peuvent conduire à d’importantes célébrations de la

me sens bien avec le modèle coopératif. Je travaille

communauté, ce qui, à son tour, renforce cette culture

sans aucun doute beaucoup plus qu’avant mais

et le sens de l’identification entre la communauté et la

j’assume aussi plus de responsabilités. Je délaisse un

coopérative. Se valorise ainsi l’identification entre les

peu ma vie de famille, sans parler de mes temps libres

salariés de la coopérative, les travailleurs-membres

et de ma vie sociale, voilà quelque chose que je dois

et les producteurs-membres, d’une part, et leur

133

améliorer, mon travail doit être plus efficace »

.

coopérative, d’autre part. Un producteur-membre d’une coopérative agricole d’Émilie-Romagne nous

Par ailleurs, une reconnaissance plus profonde au sein de la coopérative peut provenir d’un engagement dans des relations plus amicales et plus humaines (comme nous l’avons entendu à plusieurs reprises), fruit d’une forte dynamique de participation. Cette dynamique construit un sens plus aigu de l’identification entre la personne et sa coopérative. Elle peut se transmettre de génération en génération, en donnant à la génération suivante une intégration plus naturelle, une identification au monde des coopératives. « Mon père était un membre. J’ai donc appris dans ma jeunesse à vivre dans un environnement coopératif et j’y ai

74

disait: « Ici, le 1 mai est la Fête des coopératives. Cela représente le fait que vous faites partie de quelque chose, les institutions participent, pas seulement les institutions locales mais aussi au niveau provincial... Toute la communauté locale participe. L’engagement de la communauté est très fort. C’est un moment de vécu social extrêmement fort. Dans les jours qui précèdent et qui suivent, différentes initiatives sont organisées qui marquent la communauté. Des milliers de personnes participent. C’est une grande valeur ajoutée qui est utilisée pour assurer le lien avec les personnes locales, c’est un point de référence de la communauté locale »135.


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

Comment des conditions spécifiques ont-elles une incidence sur les différentes logiques de justification?

Nous partons de l’hypothèse que les caractéristiques de l’emploi coopératif ne sont pas gravées dans le marbre, mais qu’elles sont plutôt une conjugaison de différents aspects de l’expérience de travail au sein ou dans le cadre des coopératives à différents moments, et influencent implicitement la manière dont se conjuguent les différentes logiques de justification.

En ce qui concerne la logique de justification de la participation, la plupart des avis exprimés l’ont été par des travailleurs-membres dans les coopératives de travail associé. Nous estimons que la participation des membres n’est pas suffisamment élargie à d’autres types de parties prenantes, ou pas encore. Nous pouvons cependant constater que certains cadres juridiques permettent déjà à différentes parties prenantes de devenir membres d’une même coopérative, appelée coopérative multi-sociétaire, ce qui génère une nouvelle dynamique de gouvernance qui aboutit à la participation intégrale au sein de la coopérative de toutes les différentes parties prenantes, y compris le personnel de la coopérative 136.

La logique de justification de la famille est répandue dans les différentes formes de coopératives. Si le sentiment d’appartenance est plus courant dans les coopératives de travail associé, se connaître et s’entraider sont des finalités plus souvent évoquées par les salariés de coopératives d’usagers. Nous pouvons induire de cette observation que dans les coopératives d’usagers, une relation étroite entre les usagers-membres et les salariés de la même communauté est un élément important de la gestion des RH et du marketing.

La logique de l’économie est mentionnée explicitement par les membres de coopératives de production. Dans ces coopératives, l’objectif et la motivation des membres sont principalement de nature économique. Plus précisément, compte tenu que les membres y travaillent et contactent les coopératives pour des transactions économiques, l’évaluation qu’ils réalisent de leur travail dans le cadre des coopératives pourrait se concentrer sur le seul aspect économique et non sur d’autres aspects qui pourraient être traités sur leur lieu de travail.

La logique de l’orientation guidée par les valeur est perceptible dans toutes les coopératives. Il est intéressant de constater que de nombreuses déclarations en ce sens proviennent, d’une part, de coopératives étroitement associées aux initiatives de mouvements sociaux et, d’autre part, de coopératives qui collaborent avec la société civile et les mouvements sociaux. L’analyse des motivations du travail dans les coopératives nous donne l’explication du pourquoi ces deux points sont associés aux expériences personnelles et au patrimoine culturel. Certains travailleurs, qui mobilisent une logique d’orientation guidée par les valeurs ont vécu des expériences de mouvements sociaux avant de se tourner vers les coopératives. Certains autres travailleurs ont connu différentes

75


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

expériences et ont été proches des coopératives dans leurs régions, et les connaissaient donc avant de s’y engager. Cependant, pour ces travailleurs, il semblerait qu’il y ait parfois des écarts entre leurs attentes des coopératives dont l’orientation devrait être dictée par leurs valeurs, et la réalité à laquelle ils sont confrontés.

La logique de la réputation est davantage associée à des régions qu’à des types de coopératives. Les opinions sur les meilleurs lieux de travail de la région convergent souvent vers les coopératives relativement importantes en milieu rural. Dans les coopératives d’usagers, sous la pression de la collectivité environnante, notamment dans des petites villes et des régions rurales où les salariés font souvent partie de la collectivité, les coopératives se sentent obligées de conserver leurs salariés, elles le vivent comme une responsabilité. La réputation est un élément plus important dans les régions où le mouvement coopératif a joué un rôle plus significatif dans le développement économique et social de leur territoire. Elle est parfois promue par les gouvernements, dans des régions où les politiques publiques de promotion des coopératives sont plus affirmées.

L’identité semble également être en lien étroit avec la région. Elle est plus tangible là où la culture coopérative régionale est plus fortement ancrée ainsi que dans les coopératives historiques. Elle semble plus forte et plus durable que l’identité d’autres types d’entreprises de la même communauté.

Quant à la flexibilité, elle semble présenter deux aspects différents. D’une part, les nouvelles vagues de coopératives de travail associé, qui ont vu le jour depuis les années 1970, ont été inspirées par la volonté d’autonomie et d’émancipation exprimée par différentes formes de mouvements sociaux. Les coopératives de travail associé et leurs formes innovantes plus récentes, telles que les coopératives multi-sociétaires, les coopératives de proximité et les coopératives françaises d’activité et d’emploi s’inscrivent dans le prolongement de cette inspiration en mettant à la disposition des formes d’organisation flexibles et innovantes: dans ces cas de figure, la flexibilité est plus associée à un type de coopérative. Par ailleurs, avec l’évolution des formes industrielles et la mondialisation grandissante des marchés, la logique de flexibilité est parfois davantage la résultante du caractère des activités économiques qui prévalent dans la coopérative. L’internationalisation croissante des activités économiques de certaines coopératives et de groupes coopératifs soulève des questions d’équité dans les relations avec les partenaires économiques des coopératives et elles peuvent avoir une incidence sur la logique de la flexibilité.

76


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

NOTES 43.

Le nombre de producteurs-membres (41.455) a dû être sous-estimé dans les statistiques officielles (données du ministère québequois du Développement économique, de l’Innovation et des Exportations, année de référence 2010). Les membres de coopératives membres de La Coop fédérée étaient déjà 63.000 en 2013 (La Coop fédérée, Rapport annuel 2013)

44.

En Espagne, les travailleurs-membres ne sont pas seulement présents dans les coopératives de travail associé mais aussi dans d’autres types de coopératives comme des coopératives de consommation. Eroski, la coopérative de consommation la plus importante du Pays basque emploie 38.420 travailleurs dont 12.620 sont des travailleurs-membres. Cf. www.eroski.es/ conoce-eroski/memoria-2012/principales-datos-relevantes-de-2012

45.

En 2008, le groupe coopératif Mondragon s’arrogeait une part de 3,6% du PIB du Pays basque et 6,6% de son PIB industriel (OECD 2011, p. 55)

46.

Parmi les interviews réalisées, une coopérative d’agriculture biologique située dans une très petite ville du Wisconsin a attiré de nombreux travailleurs et généré, indirectement, de nombreux emplois dans cette zone rurale

47.

En 2012, les salariés de Mondragon représentaient 3,7% de l’emploi au Pays basque, soit plus de la moitié du nombre total d’emplois dans les coopératives

48.

Les données chiffrées du Tableau 18 sur les coopératives agricoles reflètent bien le contraste entre Kanagawa et le Wisconsin. Nous pouvons supposer que cette différence révèle les différences de gestion des coopératives agricoles au Japon et aux États-Unis. Une autre observation est que, même si les données du Nord Pas-de-Calais représentent tous les types de cooperatives, 53,3% des emplois se trouvent dans le secteur des services financiers: nous pouvons affirmer que les données du Nord Pas-de-Calais reflètent dans une large mesure l’emploi dans les cooperatives financières

49.

Le jugement ne peut être unilatéral: si les conditions de travail peuvent être qualifiées conventionnellement de mauvaises à l’aune d’une relation employeur-salarié, nous pouvons y trouver des justifications que nous examinerons dans le chapitre suivant

50.

“En ce qui concerne l’agriculture, on estime que les femmes produisent jusqu’à 80% de la nourriture en Afrique. Pourtant, quand il s’agit des intrants et des services agricoles, la part allant aux femmes est maigre: elles ne reçoivent que 7% des services de vulgarisation agricole, moins de 10% de l’offre de crédit pour les petits agriculteurs, et ne possèdent que 1% de la terre”, de OIT (2012) Empower rural Women – end poverty and hunger: the potential of African cooperatives, Brochure du projet CoopAfrica; OIT: Genève, p. 1

51.

30% au Kénya, 40% en Tanzanie and 42% en Ouganda, selon OIT 2012, How women fare in East African cooperatives: the case of Kenya, Tanzania and Uganda; OIT: Genève, p.7

52.

Fédération Desjardins (2014): Portrait de la main d’œuvre du mouvement Desjardins au 31 décembre 2013

53.

La raison peut en être le manque d’activités ou la prestation bénévole des services administratifs de base par les producteursmembres ou les usagers-membres

54.

Données fournies par la Direction du développement des coopératives, Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec

55.

Ceci a été calculé au niveau national par la CG Scop pour la France, où 59% de l’emploi dans les coopératives de travail associé et dans les sociétés coopératives d’intérêt collectif (l’équivalent français approximatif de coopérative sociale) se trouve dans les entreprises de plus de 50 travailleurs; voir www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/

56.

Celles-ci comprennent: la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, 1998 la convention sur le travail forcé, 1930; la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; la convention sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; la convention sur l’égalité de rémunération, 1951; la convention concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952; la convention sur l’abolition du travail forcé, 1957; la convention concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; la convention sur la politique de l’emploi, 1964; la convention sur l’âge minimum, 1973; la convention et la recommandation sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975; la convention et la recommandation sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975; la recommandation concernant la politique de l’emploi (dispositions complémentaires), 1984; la recommandation sur la création d’emplois dans les petites et moyennes entreprises, 1998; et la convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999; voir www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=N ORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193

57.

Selon Richez-Battesti et al., 2013, p. 87

58.

Malgré cette similarité superficielle, cette position affirmée semble être fondamentalement différente de la notion de culture plus humaine du lieu de travail que chérissent de nombreuses entreprises parce que cette notion semble trouver

77


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

son origine dans l’identité même des coopératives en tant qu’associations de personnes, plutôt que dans une stratégie de culture du lieu de travail ou en encadrement du personnel qui, en général, est subordonné en dernière instance aux intérêts financiers des actionnaires

59.

Cf. également Lindenthal (1994), p. 50

60. Employee 2, agriculture service cooperative, Wisconsin, USA 61.

Producteur-membre, coopérative agricole, Québec, Canada

62.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (secteur manufacturier), Pays basque, Espagne

63.

Salarié (directeur), coopérative financière, Gauteng, Afrique du Sud

64.

Travailleur-membre, consortium de coopératives sociales, Émilie-Romagne, Italie

65.

Travailleur-membre, collectif de travailleurs (mutuelle d’assurance), Kanagawa, Japon

66.

Par exemple, le secteur de la construction au Québec est très réglementé par une commission provinciale tripartite composée d’employeurs, de syndicats et de représentants du gouvernement. La formation et la qualification, les niveaux de salaires, les conditions de travail et la sécurité sociale sont régis par cette commission. Les coopératives peuvent ainsi se positionner, pratiquer un coût du travail similaire à celui des concurrents, la compétitivité se fondant sur les aspects plus techniques et de gestion que sur une baisse des coûts du travail. Par ailleurs, les coopératives engagées dans la prestation de services d’intérêt général, dont les principaux clients sont les collectivités publiques, sont souvent très réglementées par le secteur public. Ces coopératives essaient de négocier avec les collectivités publiques, en coopération ou non avec les organisations syndicales (Cardinale, Migliorin et Zarri, 2014)

67.

Travailleurs-membres, coopérative de travail associé (soins à la petite enfance), Ahmedabad, Inde

68.

Salarié, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie

69.

Producteur-membre, coopérative agricole, Pays basque, Espagne

70.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (secteur manufacturier), Pays basque, Espagne

71.

Nous n’avons cependant pas suivi strictement les catégories originales proposées par Boltanski et Thevenot. Sur la base de l’analyse des interviews, nous avons ajouté une logique de justification fondée sur l’identité

72.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (construction), Émilie-Romagne, Italie

73.

Travailleur-membre, collectif de travailleurs (mutuelle d’assurance), Kanagawa, Japan

74.

Ancien travailleur-membre, coopérative de travail associé (techniques d’information), Émilie-Romagne, Italie

75.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (prestation de soins), Kanagawa, Japan

76. 77.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (ingénierie), Wisconsin, États-Unis

78.

Salarié, coopérative de consommation, Émilie-Romagne, Italie

79.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (produits de papier), Paraiba, Brésil

Ibid.

80. Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (prestation de soins), Kanagawa, Japan 81.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (nettoyage, fédération régionale), Kanagawa, Japon

82.

Salarié, filiale (mutuelle d’assurance), Wisconsin, États-Unis

83.

Travailleur-membre, collectif de travailleurs (mutuelle d’assurance), Kanagawa, Japan

84.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (service de santé mentale), Wisconsin, États-Unis

85.

Travailleur-membre 1, coopérative de travail associé (taxi), Wisconsin, États-Unis

86.

Travailleur-membre 2, coopérative de travail associé (taxi), Wisconsin, États-Unis

87.

Travailleur-membre 3, coopérative de travail associé (taxi), Wisconsin, États-Unis

88. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (nettoyage, fédération régionale), Kanagawa, Japon 89.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé (ingénierie), Wisconsin, États-Unis

90. Travailleur-membre, coopérative de consommation, Pays basque, Espagne

78

91.

Salarié, coopérative de crédit, Émilie-Romagne, Italie

92.

Salarié 1, coopérative de services agricoles, Wisconsin, États-Unis

93.

Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (prestation de soins), Kanagawa, Japon

94.

Ibid.

95.

Salarié, coopérative d’assurance, Santa Fe, Argentine


3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES

96.

Salarié, coopérative sociale (repas à empoter, restauration, restaurant), Gangwon, Corée du Sud

97.

Travailleur-membre, coopérative de travail associé ((ingénierie), Wisconsin, États-Unis

98.

Salarié 1, coopérative de services agricoles, Wisconsin, États-Unis

99.

Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (prestation de soins), Kanagawa, Japon

100. Salarié, coopérative d’agriculture biologique, Wisconsin, États-Unis 101. Salarié, coopérative de travail associé (de services divers), Émilie-Romagne, Italie 102. Salariés, coopérative de consommation, Kanagawa, Japon 103. Salarié, coopérative de consommation, Émilie-Romagne, Italie 104. Salarié, coopérative de travail associé (de services divers), Émilie-Romagne, Italie 105. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (secteur manufacturier), Pays basque, Espagne 106. Salarié, coopérative de crédit, Émilie-Romagne, Italie 107. Salarié, coopérative de travail associé (de services divers), Émilie-Romagne, Italie 108. Salarié 2, coopérative de consommation, Kanagawa, Japon 109. Salarié, coopérative laitière, Santa Fe, Argentine 110. Producteur-membre, coopérative de transport (taxi), Paraiba, Brésil 111. Salarié, coopérative de consommation, Québec, Canada 112. Travailleur-membre, coopérative industrielle, Pays basque, Espagne 113. Travailleur-membre 1, coopérative de travail associé (services de santé mentale), Wisconsin, États-Unis 114. Ibid. 115. Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (soins), Kanagawa, Japon 116. Dans le cas de coopératives de la construction, le problème concerne les travailleurs locaux employés temporairement sur des sites de construction. Nous savons cependant que dans de nombreux pays, il n’existe pas de réglementation qui protège les travailleurs de la construction soumis à ce genre de flexibilité qu’impose la nature même de leur activité économique

117. Ancien travailleur-membre, coopérative de travail associé (techniques de l’information), Émilie-Romagne, Italie 118. Salarié 3, coopérative de consommation, Kanagawa, Japon 119. Salarié, filiale (mutuelle d’assurance), Wisconsin, États-Unis 120. Salarié 1, coopératives de services agricoles, Wisconsin, États-Unis 121. Salarié, coopérative de consommation, Gangwon, Corée du Sud 122. Travailleur-membre 2, coopérative de travail associé (taxi), Wisconsin, États-Unis 123. Travailleur-membre, coopérative sociale (soins à la petite enfance), Émilie-Romagne, Italie 124. Salarié 1, coopérative de consommation, Kanagawa, Japon 125. Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (soins), Kanagawa, Japon 126. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (soins), Kanagawa, Japon 127. Salarié, coopérative de crédit, Émilie-Romagne, Italie 128. Travailleur-membre, coopérative de consommation, Pays basque, Espagne 129. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (éboueuse), Ahmedabad, Inde 130. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (soins à la petite enfance), Ahmedabad, Inde 131. Salarié, coopérative de consommation, Émilie-Romagne, Italie 132. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (construction), Émilie-Romagne, Italie 133. Travailleur-membre, coopérative d’éducation, Pays basque, Espagne 134. Producteur-membre, coopérative agricole, Québec, Canada 135. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie 136. En Espagne, les travailleurs-membres de coopératives ne se limitent pas aux coopératives de travail associé. Dans certains autres types de coopératives, les salariés peuvent être membres, travailleurs-membres ou travailleurs-membres. Dans des pays comme la France, le Québec au Canada, l’Italie et la Corée du Sud, il existe des formes juridiques spécifiques de coopératives multi-sociétaires. Celles-ci ont développé un modèle de gouvernance innovant qui permet aux différents acteurs de la collectivité locale de travailler ensemble dans l’intérêt général ou collectif de leur territoire

79


CHAPITRE 4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

Dans la deuxième partie du chapitre précédent, nous avons examiné les traits spécifiques de l’emploi au sein et dans le cadre des coopératives, sur la base de l’analyse des visites et des interviews de personnes réalisées au cours du travail de terrain dans les 10 régions retenues. Nous avons observé une série de caractéristiques de l’emploi coopératif, malgré l’utilisation prédominante soit du statut de salarié classique soit de celui d’indépendant.

Dans ce chapitre, nous examinons comment et dans quelle mesure les caractéristiques de l’emploi coopératif analysées au Chapitre 3 sont propices au développement entrepreneurial et à la durabilité des coopératives, ainsi que les défis qu’affronte l’emploi coopératif dans une économie globalisée et dans un environnement mondial exposé aux crises. Nous nous inspirons ici du matériel réuni lors du travail de terrain et d’études réalisées antérieurement (Roelants et al. 2011; Zevi et al. 2011; Roelants et al. 2012), ainsi que de la connaissance accumulée par le réseau d’entreprises coopératives de CICOPA.

Du point de vue de ce qu’est par essence une coopérative, l’emploi coopératif, et toutes ses caractéristiques que nous avons identifiées dans le chapitre précédent, est difficilement dissociable de l’entrepreneuriat coopératif. Les deux aspects des coopératives en tant qu’ « associations autonomes de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et environnementaux communs » et « dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement »137 sont l’avers et l’envers d’une même médaille. Ce n’est qu’en améliorant leur durabilité économique que les coopératives et les groupes coopératif peuvent assurer la stabilité de l’emploi de leurs salariés et travailleurs-membres à long terme ainsi que les activités économiques des producteurs indépendants qui en sont membres. Réciproquement, compte tenu de la nature spécifique d’un éventail de parties prenantes et de la dynamique des coopératives, la durabilité économique de celles-ci devrait logiquement être directement fonction du mode de contribution des salariés, des travailleurs-membres et des producteurs indépendants à leur entreprise, basé sur leur attitude à son égard. Nous devons vérifier cette hypothèse théorique à la lumière de ce que nous avons observé au cours du travail de terrain et dans nos études antérieures.

81


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

4.1. Comment les caractéristiques de l’emploi coopératif ontelles une incidence sur la durabilité des coopératives et vice versa? 4.1.1. La durée à long terme de l’emploi

La finalité des coopératives, dans la plupart des cas, est de s’inscrire dans la durée: la satisfaction des besoins et aspirations des personnes, qui est au cœur de leur mission, s’inscrit généralement dans la durabilité et le long terme (emploi, production, consommation, logement, utilisation de services de base, etc.). En outre, les parties prenantes auxquelles s’adresse la coopérative ne sont pas des personnes isolées mais aussi des catégories de parties prenantes qui se renouvellent constamment dans la coopérative. Cette rotation lente mais ininterrompue des membres de la même catégorie de parties prenantes tend à générer des stratégies à long terme de l’entreprise qui peuvent, à leur tour, favoriser l’emploi à long terme ainsi que d’autres facteurs. La longévité de l’emploi est une tendance que nous avons pu vérifier dans chacune des 10 régions dans lesquelles nous avons réalisé le travail de terrain, bien que nous n’ayons pas pu étayer notre propos avec des données quantitatives. Il est évident que cette sécurité de l’emploi n’est pas absolue et requiert la durabilité de l’entreprise. Cependant, la perception par les travailleurs et les producteurs d’un emploi ou d’une activité économique stable constitue une base importante de leur attitude vis-à-vis de la coopérative (cf. 4.1.2. ci-dessous). Un salarié d’une coopérative d’assurance à Santa Fe, Argentine, nous disait: « Les personnes font habituellement toute leur carrière dans l’entreprise, vous y trouvez des personnes qui y travaillent depuis 30 ans et plus, et qui continueront jusqu’à l’âge de leur retraite»138.

La même logique anime les producteurs-membres dans une perspective intergénérationnelle. Un membre d’une coopérative agricole en Émilie-Romagne explique comment il a succédé à son oncle en tant que membre et continue à percevoir son engagement dans une perspective familiale: « Dans la prise de décision, le membre continue à refléter la position et les souhaits de sa famille. Je suis officiellement le membre mais la gestion se réalise au niveau familial et c’est, je crois, la plus belle des choses pour maintenir le statut rural »139.

4.1.2. L’attitude du personnel et des membres Les logiques de justification de la participation et de la

d’une coopérative d’artisanat dans une banlieue de

famille, que nous trouvons au Chapitre 3, engendrent

Johannesbourg nous a dit: « Vous détenez votre entreprise,

une attitude qui peut être porteuse de durabilité

vous devez en faire quelque chose, elle grandira, s’élèvera

entrepreneuriale.

vers un autre niveau… » Mais dans une autre entreprise: « Je n’ai pas de responsabilités, je vais au travail tous

Premièrement, l’attitude participative engendre un sens de responsabilité et d’appartenance, tant individuel que collectif. Une jeune femme qui est travailleuse-membre

82

les jours, juste au travail »140. La prise de conscience de la rentabilité de la coopérative à laquelle le travailleur contribue renforce ce sentiment. Un travailleur-membre d’une coopérative industrielle du groupe Mondragon


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

estime que « tous les modèles sont bons mais la

débat et d’un vote: « Lors de l’assemblée générale, nous

coopérative est le modèle qui m’attire le plus parce que

avons été consultés, on nous a présenté les comptes,

ma performance est directement proportionnelle aux

nous avons compris la nécessité de payer et nous avons

résultats engrangés… Les membres de cette entreprise

voté en ce sens »143. La décision démocratique légitime et

sont ceux qui en bénéficient directement le plus »141.

sécurise la mise en œuvre de la mesure.

Par exemple, dans des coopératives qui sont en relation

Si cette attitude est particulièrement bien ancrée chez

tous les jours avec leurs clients, cette attitude donne des

les travailleurs-membres, elle est également perceptible

résultats concrets dans le cadre relationnel, elle valorise

chez les simples salariés, comme le révèle ce salarié

donc la durabilité économique parce que les clients

de la coopérative sociale médicale de Wongju, Corée

sont particulièrement bien traités. Une travailleuse-

du Sud, à qui a été posée la question de la différence

membre d’une coopérative de consommation du Pays

entre travailler dans la coopérative et travailler dans

Basque considère que comparé à un autre hypermarché:

un autre environnement de travail: « C’est différent. Les

« Pour moi, c’est différent, je sens que je fais partie de

compétences ne sont pas différentes mais la mentalité

l’entreprise… Je pense que c’est important lorsque vous

est différente »144. Un salarié d’une coopérative agricole

y travaillez, que vous consentez des efforts pour mieux

dans le Wisconsin aux États-Unis prétend même que

142

servir votre public »

.

« nous parvenons à réaliser le même travail que d’autres détaillants, et même plus, avec moins de salariés » et il

Nous voyons également qu’en période économique difficile, les travailleurs-membres peuvent décider d’une diminution temporaire de leur salaire, de l’abandon d’une partie de la redistribution des excédents, et même du remboursement partiel de l’endettement de la

ajoute que « nous sommes rémunérés au taux barémique le plus élevé »145, ce qui constitue certainement un facteur important de motivation, qui n’est cependant réalisable que grâce à l’attitude même des salariés envers leur rôle professionnel.

coopérative en renonçant à une partie de leurs parts de capital. La femme que nous avons citée ci-dessus nous a

Cette

expliqué que les travailleurs-membres de sa coopérative

personnelle pour atteindre des objectifs qui ont été

ont renoncé à une partie du capital qu’ils détenaient pour

décidés rigoureusement en fonction des nécessités

aider à payer les dettes de l’entreprise. La décision a été

entrepreneuriales, comme en témoigne une salariée

prise démocratiquement, par la voie de la consultation, du

d’une coopérative de consommation d’Émilie-Romagne

mentalité

permet

d’encourager

l’initiative

83


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

concernant l’objectif de sa coopérative «… que je dois

proactive avec des vendeurs dans toute la région du Nord-

réaliser dans le cadre de règles économiques fixes,

Est du Brésil. Cette caractéristique est particulièrement

contractuelles… J’ai toute liberté pour décider de comment

importante dans les coopératives de travail associé

je réalise cet objectif. C’est ma responsabilité. La finalité

qui sont l’aboutissement de la restructuration d’une

est de tirer le meilleur de chaque personne. Dans de

entreprise en crise, comme en témoigne une coopérative

nombreuses entreprises privées, je pense qu’on demande

de travail associé dans le secteur métallurgique à Santa

simplement aux travailleurs de réaliser des tâches

Fe, Argentine, pour laquelle les travailleurs-membres qui

146

. Un tel sens de l’initiative personnelle est un

se limitaient avant au travail de sous-traitance pour la

facteur important de productivité et d’esprit d’innovation

principale entreprise métallurgique locale parviennent

au sein de l’entreprise.

progressivement à diversifier leur clientèle et à développer

précises »

l’emploi qui est passé de 80 personnes, lors de la L’attitude participative du personnel des coopératives

constitution de la coopérative en 1996, à 263 aujourd’hui.

peut également avoir des retombées positives sur la capacité de la coopérative de pénétrer de nouveaux

Un autre constat est que cette attitude du personnel

marchés (par exemple, en trouvant de nouveaux membres

et des producteurs-membres a tendance à enrichir

pour la coopérative de consommation), ou de reconstruire

la confiance que certaines personnes interviewées

les marchés existants (comme lors de la transmission

estiment être une condition fondamentale de la durabilité

d’entreprises sans successeur ou en crise). Par exemple, les

économique de leur coopérative. Par exemple, un

salariés des coopératives de consommation de Kanagawa,

producteur-membre d’une coopérative agricole d’Émilie-

Japon, profitent des livraisons à domicile pour s’allier de

Romagne est convaincu que « le membre doit croire

nouveaux membres et dynamiser les anciens membres.

dans la coopérative: s’il n’a pas confiance en elle, elle ne

Le personnel et les membres d’une coopérative laitière au

grandira pas. – Et comment vous assurer que les membres

Paraíba au Brésil, dont la plupart proviennent de villages

aient confiance dans la coopérative ? – Par la valeur de

reculés, se mobilisent et ont une stratégie de vente très

l’exemple… La transparence, le sérieux, la compétitivité du marché, des règles claires, transparentes et bien décodées. Les conditions de service aux membres doivent être claires »147.

Dans certains cas, cette attitude peut anticiper les changements dans les besoins des citoyens, la nécessité de nouveaux services sociaux ou environnementaux. Ceci est fondamental compte tenu que la satisfaction des besoins des personnes est la mission même des coopératives et, par conséquent, leur durabilité économique ne peut être assurée sans prendre constamment en considération cette composante. Par exemple, les coopératives sociales en Italie ont été les premiers prestataires de services sociaux aux patients du SIDA au début des années 1990, lorsque le gouvernement n’assurait pas de tels services. Des salariés isolés mais engagés peuvent anticiper les changements à venir. Une salariée d’une coopérative de

84


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

consommation à Kanagawa, Japon, a postulé pour un

« …c’est une vision importante de l’avenir que je veux

emploi, portée par ses convictions environnementales:

construire… Il est important d’imaginer l’avenir et de

« Lorsque j’étudiais à l’université,… j’étais engagée dans

le relier à son travail au jour le jour. Je suis aujourd’hui

un mouvement écologique. …Ensuite, au cours de ma

responsable d’augmenter le nombre de membres »148. Sa

recherche d’emploi, j’ai rencontré des coopératives de

conviction environnementale pourrait devenir un facteur

consommation. Les coopératives de consommation ne

entrepreneurial fort et innovatif au fil de la prise de

produisent que les déchets inévitables, » ou, du moins,

conscience progressive des membres.

4.1.3. Éducation et formation L’éducation et la formation sont considérées universellement comme une composante clé de la durabilité de l’entreprise et constituent un des principes coopératifs149. Elles sont fondamentales pour que se conjuguent les deux éléments qui sont généralement requis du personnel des coopératives (cf. Chapitre 3), à savoir la compétence professionnelle et la connaissance du mode de fonctionnement des coopératives. Si le recrutement (cf. Chapitre 3) prend la plupart du temps en considération ces deux dimensions, une éducation et une formation adéquates peuvent garantir une meilleure intégration entre elles. Investir dans l’éducation et la formation s’est avéré être un facteur fondamental de la durabilité économique de grand groupes coopératif comme le groupe Mondragon.

Une travailleuse-membre de Mondragon nous a expliqué comment, à l’instar d’autres membres du personnel, elle forme d’autres travailleurs. « Ici, ce n’est pas le patron qui enseigne mais chacun transmet ce qu’il a appris »150.

L’éducation s’est avérée être d’une importance majeure, par exemple, dans les coopératives de crédit de Corée du Sud pour dépasser la crise de 1997 et, ensuite, redevenir durables. Alors que de nombreuses coopératives de crédit ont disparu à cette époque, une coopérative de crédit dont les programmes d’éducation des membres sont meilleurs a surmonté la tempête, grâce en premier lieu à la fidélité de ses membres au fil des années durant lesquelles elle n’a pas pu pratiquer de redistribution des bénéfices. L’importance fondamentale d’un tel programme d’éducation est expliquée par un de ses salariés: « Si de nombreux membres sont des fidèles à tout crin, la plupart des membres nous rejoignent pour des raisons d’opportunité ou de relation personnelle. C’est pourquoi nous essayons de les éduquer sans relâche. Sinon, la confiance s’étiolera… Les finances de la coopérative sont soumises à un processus décisionnel lent pour bien fonctionner. Il est donc difficile pour des coopératives de crédit de se hisser au niveau de la logique bancaire privée. À mon avis, nous ne pouvons pas rivaliser avec la banque privée en matière de développement de produits et de gros investissements… Je suis donc convaincu que l’éducation est l’élément le plus important »151.

S’agissant d’éducation et de formation, l’enjeu n’est pas seulement l’éducation et la formation formelle mais également toute prise de décision qui peut constituer une opportunité importante de former les membres et les salariés. Le filtre coopératif, un outil développé par une coopérative de services funéraires au Québec permet aux administrateurs de la coopérative et à ses salariés de réfléchir à leurs décisions à la lumière de leurs valeurs et principes qu’ils conservent sur une carte (ledit filtre coopératif). Ce simple outil transforme ce processus de prise de décision en une formation coopérative journalière.

85


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

4.1.4. Constitution de réserves financières

La constitution de réserves financières, qui fait 152

, a révélé

fondée sur une attitude proactive et de dévouement

son utilité en temps de crises, et a aidé les coopératives

de la part du personnel, peut être un élément

à tenir pendant plusieurs mois et à conserver leur main-

important dans le processus de renforcement des

d’œuvre jusque dans la phase la plus aiguë de la crise.

réserves financières. Un salarié de la Fédération

Grâce également aux parts de capital détenues par

Desjardins nous confiait: « Nous sommes reconnus

les membres, elles ont joué un rôle fondamental dans

comme étant une des institutions financières les plus

la création d’emplois, compte tenu que les finances

fortes au monde parce que nous disposons d’une

des coopératives échappent aux marchés financiers

forte capitalisation: à la vérité ce que nous disons à

(sauf dans quelques cas exceptionnels et de manière

nos membres est que nous pourrions redistribuer plus

très marginale). Faisons également remarquer que la

mais notre institution financière en serait affaiblie. »

mission des coopératives n’est pas la rémunération du

Les membres sont réceptifs à ce message parce que

capital mais la satisfaction des besoins et aspirations

les caisses Desjardins « sont proches des besoins des

des membres: les membres sont donc plus disposés

membres et les personnes se sentent concernées »153.

à utiliser le capital et les réserves pour assurer la

La durabilité entrepreneuriale de Desjardins repose

durabilité de l’entreprise que comme un but en lui-

largement sur le dévouement de son personnel mais

même, et les effets sur l’emploi des salariés sont

en revanche, le groupe assure une sécurité d’emploi à

positifs, tout comme sur les travailleurs-membres et

ses plus de 40.000 travailleurs seulement au Québec,

les producteurs. Notre travail a également montré

où il est l’employeur numéro un de la province.

également partie des principes coopératifs

86

que l’interaction entre le personnel et les membres,


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

4.1.5. Contribution à la formalisation de l’emploi et de l’économie

Aucun projet entrepreneurial n’est estimé durable économiquement à long terme s’il n’est pas accompagné d’une démarche de formalisation. Seulement si elle évolue dans

l’économie

formelle,

l’entreprise

coopérative peut tisser des partenariats et relations économiques à long terme. En outre, les coopératives requièrent un haut niveau d’institutionnalisation afin de faire fonctionner correctement leur système de gouvernance

démocratique

avec toutes

les garanties nécessaires qui, à leur tour, font partie intégrante du fonctionnement entrepreneurial de base: cette dynamique institutionnalisée ne peut s’ancrer à long terme dans l’économie informelle.

Depuis leur origine il y a deux siècles, les coopératives ont généralement fourni à leurs travailleurs et producteursmembres le niveau de formalisation le plus élevé que leur environnement national leur a permis de réaliser. Nous pouvons voir, par exemple, que dans les coopératives de femmes de SEWA en Inde, la formalisation progressive des emplois et activités économiques des femmes-membres a clairement amélioré la durabilité économique de ces activités et emplois.

Au sein de SEWA, les travailleuses-membres sont officiellement enregistrées dans leurs coopératives, et encouragées à le faire pour bénéficier d’une reconnaissance pleine et entière, et par ailleurs, avoir un travail et des revenus réguliers. Cependant, le statut de travailleuse-membre ou de productrice-membre n’est souvent pas reconnu officiellement. Bien que 90% des travailleurs du Gujarat et pratiquement tous ceux qui travaillent dans les activités dans lesquelles sont impliquées les coopératives de SEWA (récupération de déchets, artisanat, construction, etc.) ne sont pas des travailleurs reconnus officiellement, le problème ne relève plus de SEWA mais d’un niveau plus large, impliquant tous les niveaux de gouvernement. SEWA a assuré le niveau le plus élevé de formalisation de l’emploi que ses attributions, comme celles de ses coopératives, lui permettent d’octroyer: l’enregistrement officiel auprès d’une entreprise reconnue officiellement lorsque c’est possible, ainsi que le travail et les revenus réguliers, autant de conditions qui sont négociés en interne au sein du syndicat de SEWA.

Mais les pays en développement et émergents n’ont pas le monopole de cette tendance à la formalisation. Dans de nombreux secteurs, comme les services sociaux et la construction, la transition vers la formalisation de l’économie et de l’emploi est une lutte ardue, même dans les pays développés, et les coopératives semblent y parvenir dans leur grande majorité. Il s’agit notamment d’un élément important de transparence.

87


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Les coopératives répondent progressivement à de nouveaux besoins d’emploi difficiles à satisfaire dans le système d’emploi actuellement en vigueur, tout en encourageant les personnes à travailler dans l’économie formelle. Les coopératives françaises d’activité et d’emploi aident les personnes à mettre à l’épreuve et à développer leur propre projet entrepreneurial tout en bénéficiant d’un statut de salarié et d’une couverture intégrale de sécurité sociale, et en leur allégeant le fardeau administratif pendant un certain temps. Lorsqu’elles parviennent à convertir leur propre projet en véritable entreprise, ces personnes peuvent quitter ou rester dans la coopérative. Un mécanisme est prévu qui permet aux personnes sans emploi de passer progressivement du statut de chômeur à celui de leur nouvelle activité économique. Ce modèle de coopératives permet à des entrepreneurs individuels de travailler à leur propre projet individuel dans le cadre d’un système collectif et dans l’économie formelle, et est une importante innovation organisationnelle.

4.1.6. La coopération entre travailleurs, usagers, producteurs et autres parties prenantes

88

La tendance actuelle à la création de coopératives

qui en jouissent de tous les avantages de compétitivité

multi-sociétaires, évoquée au Chapitre 3, permet de

et durabilité. C’est un des principes fondamentaux

conjuguer les intérêts de différents types de parties

du groupe Mondragon depuis le début des années

prenantes dans une même coopérative, en disposant

1960. Plusieurs coopératives clés du groupe (banque,

d’une pondération des voix aux assemblées générales

université,

et aux conseils d’administration, qui reflète les

coopératives d’éducation, coopératives agricoles)

différents intérêts engagés, et ce mode coopératif, qui

sont multi-sociétaires et comprennent des membres

est une autre innovation organisationnelle clé, peut

tels que des consommateurs, des étudiants, des

être un élément fort de la durabilité de l’entreprise.

producteurs agricoles et d’autres coopératives. Elles

La structure permet aux coopératives de répondre

intègrent également les travailleurs. Ces coopératives

plus efficacement aux besoins de la collectivité en

ne sont pas de simples coopératives qui réunissent

engageant tous les acteurs clés d’un projet territorial

différentes parties prenantes, disposant d’un nombre

centres

de

recherche

industrielle,


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

de voix pondéré lors des assemblées générales

le recrutement du personnel parmi les personnes

et des conseils d’administration: l’intégration des

qui ont une expérience de gestion dans le cadre du

travailleurs comme leurs membres au sein de toutes

conseil d’administration de la coopérative ou du

les coopératives du groupe (et pas seulement des

groupe coopératif, comme en atteste le Mouvement

coopératives de travail associé) s’est avérée être un

Desjardins au Québec. Une salariée de la Fédération

vecteur important de leur motivation à participer, dont

Desjardins, l’entité qui coordonne le Mouvement, nous

les retombées sur la durabilité des coopératives ont

expliquait qu’elle avait été administratrice d’une caisse

été importantes, ce que nous avons pu vérifier une fois

Desjardins avant d’être engagée comme salariée.

de plus dans le cadre de ce travail de terrain.

Le recrutement parmi les membres, notamment les administrateurs, est une assurance que les candidats

La coopération entre le personnel et les membres peut également prendre d’autres formes, comme

connaissent l’organisation et le travail, et auront tendance à mieux comprendre les membres au service desquels ils seront.

4.1.7. Économies d’échelle Les coopératives peuvent être considérées comme des agents d’économies d’échelle : il s’agit d’une des principales caractéristiques entrepreneuriales qui leur permet de satisfaire les besoins et les aspirations des personnes, en réalisant collectivement ce qui ne peut se faire individuellement ou beaucoup plus difficilement.

Les économies d’échelle des coopératives se caractérisent par un contrôle démocratique et une gouvernance horizontale, et, comme nous le verrons ci-dessous, sont influencées positivement par l’attitude évoquée de la participation des membres et du personnel. En revanche, le renforcement et l’élargissement incessants des économies d’échelle des coopératives sont une des principales raisons de leur durabilité. De telles économies d’échelle peuvent se développer au sein de coopératives, entre coopératives, ou entre coopératives et d’autres acteurs. Elles sont fondamentales pour la consolidation de l’emploi coopératif (de personnes travaillant au sein ou dans le cadre des coopératives) et, vice versa, l’emploi coopératif a tendance à renforcer ces économies d’échelle.

Économies d’échelle au sein des coopératives

Le simple fait de coopérer entre producteurs-

basque en Espagne, qui partagent des équipements

membres d’une même coopérative implique de

agricoles entre leurs membres, tels que le font leurs

partager les outils de production. C’est ce que font

homologues de l’autre côté de la frontière en France.

des coopératives de pêche en Émilie-Romagne en

Ces pratiques réduisent substantiellement les coûts

se se partageant les bateaux de pêche. Il en va de

des producteurs.

même des coopératives agricoles CUMA, au Pays

89


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Au sein des coopératives de production, les

manipuler… L’agriculteur était seul face à un acheteur

salariés doivent assurer à leurs membres le soutien

privé qui avait des contacts avec tout le monde, ce

technologique ainsi qu’une information de bonne

qui lui donnait un meilleur pouvoir de négociation…

qualité et qui soit d’utilisation facile. Un producteur-

Ce n’est pas le cas dans une coopérative, pourquoi ?

membre d’une coopérative agricole en Émilie-

Parce que les règles sont décidées en amont: le

Romagne nous expliquait: « J’ai besoin de toutes les

producteur au sein d’une coopérative sait dès le

informations météorologiques et tout savoir sur les

départ ce que seront ses coûts et ses rentrées »155.

techniques agricoles présentes sur le marché. La

Chaque agriculteur peut donc planifier ses finances,

coopérative peut fournir ces informations. Elle est

éviter l’endettement et mieux assurer la durabilité

comme un instituteur pour l’agriculteur… J’appelle le

économique de son exploitation.

technicien de la coopérative qui me suggère le produit à utiliser au meilleur rapport qualité-prix mais pas parce qu’il doit me vendre un produit (…), et ainsi je peux parvenir à la saison de la récolte sans le moindre problème, et en ayant même économisé »154. Un cercle vertueux se développe donc entre le contrôle démocratique des membres de la coopérative, le dévouement des salariés, la capacité des membres à générer un niveau de production qui assure la durabilité économique de leur exploitation, la durabilité économique de la coopérative elle-même et, enfin, la durabilité de l’emploi des salariés, des producteurs et de leur famille.

Même lorsque des techniciens concurrents peuvent offrir des services spécialisés à un moindre coût, engager ceux de la coopérative peut s’avérer être une stratégie gagnante pour l’agriculteur parce que la coopérative offre une gamme large de services adapté à ses besoins, « c’est comme un faisceau de services… Le résultat de l’opération est toujours meilleur, c’est ce que nous pouvons offrir… nous avons plus à offrir que les détaillants spécialisés d’un secteur »156. Les coopératives peuvent accroître leur échelle lorsque l’environnement économique le permet, comme en Argentine où une importante relance agricole a eu lieu au cours des dernières années. À Santa Fe, une

90

Par contre, avant que la coopérative mentionnée

province d’Argentine qui possède 21% des terres

ci-dessus ne soit établie dans les années 1950,

cultivables et se caractérise par une prédominance

«chaque agriculteur devait négocier le prix avec le

des petites et moyennes exploitations, la coopérative

secteur privé. Cette négociation commerciale n’était

agricole AFA a 10.000 membres dans cette seule

pas toujours facile, l’agriculteur pouvait se faire

province et offre un large éventail de services sur de


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

grandes étendues de terre, tout au long de l’année, et

possible sans une longue tradition de coopératives

dispose d’une capacité d’entreposage de 3.200.000

dans la province, héritée notamment des immigrants

tonnes, d’une logistique de transport impressionnante

italiens. AFA a été créée en 1932 par des agriculteurs

avec ses 220 camions et ses 57 centres principaux

dont les moyens étaient modestes et a développé une

et secondaires qui emploient quelque 1600 salariés

forte culture coopérative avec des membres actifs et

permanents

157

. Une telle expansion n’aurait pas été

le dévouement de ses salariés.

Économies d’échelle entre coopératives

À Kanagawa, Japon, un partenariat s’est créé entre

les coopératives du groupe. Parmi les 10 régions

la coopérative de consommation Club Seikastu

retenues aux fins de l’étude, 3 ont une expérience

et les collectifs de travailleurs (un type spécial de

importante de telles combinaisons entrepreneuriales:

coopérative de travail associé qui, comme nous l’avons

le groupe Mondragon au Pays basque, le Mouvement

vu au Chapitre 3, se caractérise par la présence

Desjardins au Québec et une série de consortiums de

d’une majorité de femmes qui ne sont pas le principal

coopératives en Émilie-Romagne. Dans les trois cas, la

soutien de leur famille mais apportent un revenu

durabilité économique du groupe et des coopératives

complémentaire à la famille et travaillent souvent à

qui le constituent a pu être largement vérifiée lors du

temps partiel). La coopérative de consommation étant

travail sur le terrain malgré la situation économique

un des principaux clients des collectifs de travailleurs,

mondiale

on peut qualifier ce partenariat d’accord de sous-

difficultés plus ponctuelles de coopératives et de

traitance. Mais la relation au fil du temps est continue

certains secteurs d’activité, comme nous le verrons

et doit donc être vue comme un partenariat stable et

ci-dessous dans le cas du groupe Mondragon.

particulièrement

difficile

et

certaines

non une sous-traitance classique. Les collectifs de travailleurs assurent la gestion des points de vente de la coopérative de consommation. Le statut de leurs travailleurs-membres motive ces derniers à offrir des services de bonne qualité à leurs clients-membres de la coopérative de consommation, engendrant ainsi la durabilité des deux associés dans cet accord entrepreneurial.

Lorsque le dévouement des travailleurs et des membres peut se conjuguer dans le cadre d’une entreprise qui compte plus de cent coopératives (Mondragon) ou plusieurs centaines (Desjardins), les effets de ce dévouement et de l’interaction positive sont multipliés. Les données sur ces groupes économiques, leur chiffre d’affaires, leur rentabilité, leur capitalisation, leurs parts de marché, leur création

Le type le plus significatif d’interaction entre

d’emplois et leur longévité, que nous avons pu vérifier

coopératives aux fins d’économies d’échelle est

sur le terrain, sont suffisamment éloquentes158.

incarné par les groupes coopératifs, à savoir des groupes

entrepreneuriaux

caractérisés

par

une

entre

gouvernance

coopératives horizontale,

entre pairs, et une délégation substantielle mais démocratique d’attributions entrepreneuriales par

Ces groupes coopératif doivent cependant parvenir à un équilibre difficile entre la délégation d’attributions démocratiquement décidée par les coopératives du

91


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

groupe, d’une part, et l’autonomie des coopératives

investissement impressionnant dans la gouvernance

membres, d’autre part. Un travailleur-membre d’un

démocratique au niveau du groupe. Par exemple,

consortium de coopératives sociales en Emilie-

Mondragon organise régulièrement des congrès

Romagne, qui regroupe plusieurs coopératives de

auxquels chaque coopérative est représentée et

base engagées dans des services à la collectivité

dispose de voix délibératives proportionnelles au

et dans l’insertion par le travail de personnes

nombre de travailleurs-membres. « Le congrès est le

handicappées et socialement désavantagées, estime

point de rencontre de l’ensemble des coopératives

que « nous sommes une structure très particulière…

et des membres du projet Mondragon. Ce qui est

compte tenu de la délégation de compétences

présenté au congrès fait l’objet d’un processus en

des coopératives au consortium. Je crois que ce

chaine afin que ce qui est débattu inclue tous les

système est une garantie importante de durabilité

ingrédients que chaque travailleur-membre souhaite

pour les coopératives »159. Par ailleurs, un travailleur-

y apporter »161 .

membre de Laboral Kutxa (anciennement Caja Laboral), la banque du groupe Mondragon, nous expliquait que « Mondragon n’est pas une structure verticale, c’est un réseau. Le président ne donne pas d’ordres aux coopératives de Mondragon, il n’a pas de mandat pour dicter ce que les coopératives doivent faire »160. Cet équilibre est l’essence du succès des grands groupes coopératifs. Sans cette délégation démocratique de compétences, ces importants ensembles entrepreneuriaux ne peuvent fonctionner en tant que groupes d’entreprises. Par

ailleurs,

sans

autonomie,

la

dynamique

de chaque coopérative, qui s’enracine dans la localité et dans une activité spécialisée précise, se perdrait et son mode précis d’assurance de la durabilité entrepreneuriale sombrerait également. La conjugaison des deux éléments requiert un

92

Les

groupes

coopératifs

peuvent

également

se doter de mécanismes de solidarité entre les coopératives qui le constituent. Un consortium de coopératives sociales en Émilie-Romagne pratique des transferts de fonds entre coopératives pour résoudre des problèmes temporaires de trésorerie, comme évoqué au Chapitre 3. Comme nous l’avons également vu dans ce chapitre, Mondragon met en œuvre un système qui permet aux travailleurs d’une coopérative en difficulté d’être transférés temporairement ou de manière permanente vers une autre coopérative du groupe, en maintenant donc leur motivation et le savoir-faire organisationnel des coopératives, tout en promouvant fortement la sécurité de l’emploi. Ces mécanismes de solidarité


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

durabilité

de 15 à 9 au cours des dernières années. Le

économique de tout le groupe coopératif et des

Mouvement Desjardins était composé de quelque

coopératives qui le constituent.

1400 caisses au début des années 1980 et 380

renforcent

en

dernière

instance

la

actuellement. Il a assuré que cette diminution Par ailleurs, une fonction complémentaire des groupes coopératifs est d’aider à organiser des fusions entre coopératives qui le constituent, en essayant d’équilibrer, ici aussi, l’efficacité économique et l’ancrage dans la collectivité. Le consortium de coopératives sociales en ÉmilieRomagne mentionné ci-dessus a réalisé une fusion entre les coopératives constituantes, les réduisant

indispensable à sa survie (notamment aux termes des nouvelles normes Bâle 3) ne se fasse pas aux dépens des liens étroits entre les caisses et les régions qu’elles servent, un élément essentiel de sa raison d’être. 1400 points de service ont été maintenus dans toute la province de Québec ainsi que du personnel dans les zones les plus éloignées de la province.

Économies d’échelle par des partenariats avec des entités externes

Le maintien de services de base dans des villages

il a ainsi un emploi à temps plein. C’est également vrai

éloignés est, cependant, très difficile, et Desjardins

avec les services postaux. … avec un peu d’imagination,

consent de grands efforts à cette fin comme nous

nous essayons de nous en sortir. Cela demande de la

l’expliquait un salarié de la Fédération Desjardins, qui

créativité. Ce genre de villages est très répandu au

coordonne le Mouvement: « Lorsque nous fermons

Québec »162. Cette pratique innovative, facilitée par la

un point de service, c’est une tragédie, c’est un lieu

créativité engendrée par l’attitude des salariés et des

d’opérations de trésorerie qui disparaît, c’est la mort

membres, permet à Desjardins de maintenir sa mission

du village ». En même temps, « nous avons des agences

essentielle, celle de fournir des services financiers à

qui réalisent cinq transactions par semaine… Ce n’est

la population du Québec, notamment dans les villages

pas rentable, nous perdons 40.000 dollars par point

les plus éloignés, tout en maintenant la compétitivité

de service de ce genre. Ce n’est viable ». Le Mouvement

du groupe, qui est un des principaux groupes bancaires

trouve des solutions alternatives: « Par exemple, nous

du Canada. En maintenant l’emploi dans des régions

tissons des partenariats avec des municipalités,

très éloignées, le groupe contribue au maintien de la

surtout dans les villages, parce qu’elles ne disposent

vie dans les villages et, donc, au maintien de l’emploi

pas non plus de beaucoup de ressources. S’il s’agit d’un

et à la lutte contre la désertification économique des

petit village, la municipalité a un travailleur à temps

régions les plus éloignées du Québec.

partiel, nous l’engageons pour son autre temps partiel,

93


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

4.2. Défis entrepreneuriaux auxquel est confronté l’emploi coopératif

Les spécificités de l’emploi coopératif, que nous avons identifiées autour de 8 logiques de justification au chapitre 3, sont confrontées à des défis majeurs qui pourraient menacer la capacité des coopératives en termes d’emploi. Par ailleurs, ces spécificités ouvrent de nouvelles possibilités pour les coopératives en répondant aux nouveaux problèmes émergents de l’emploi.

Les principaux enjeux que, selon notre étude, l’emploi coopératif doit affronter dans le cadre de la mondialisation actuelle et sont directement liés à la gestion du travail et de l’emploi sont les suivants.

4.2.1. Faire face à l’intensification de la concurrence globale

Dans une économie mondialisée, les coopératives font face à une concurrence de plus en plus aigue. Pour survivre, de nombreuses coopératives ont développé des stratégies de revalorisation, afin de rester à la hauteur de leurs concurrents. Ces stratégies ont, cependant, engendré un processus de restructuration, notamment dans le domaine de l’emploi. L’intensité des pressions pour restructurer, dans le cadre de la logique de justification de l’économie évoquée au Chapitre 3, aux dépens des 7 autres logiques de justification qui y sont identifiées, est très lourde. Céder à de telles pressions peut nuire à la compétitivité des coopératives à long terme, même si à court terme les améliorations financières peuvent être sensibles.

L’expérience du groupe Mondragon révèle deux aspects intéressants à cet égard. Depuis le lancement de sa stratégie d’internationalisation au début des années 1990, Mondragon a développé activement des activités économiques dans d’autres pays en créant des unités de production proches de lieux d’assemblage de grandes chaînes de production et a fortement souligné que cette stratégie d’internationalisation a été favorable à la création et à la consolidation d’emplois dans le Pays Basque lui-même163. Le débat s’est alors enclenché sur la relation avec les travailleurs de pays étrangers qui ne sont pas membres. Le groupe essaie de trouver progressivement des solutions d’intégration des travailleurs étrangers à son système coopératif.

Le cas de la coopérative Fagor Electrodomesticos, qui est entrée en procédure de liquidation en 2013, révèle que l’échec économique sur un marché mondialisé n’épargne pas les coopératives malgré leur bonne résilience. Mais même dans ces cas extrêmes, le groupe est en train de gagner le pari d’organiser le transfert de la plupart des travailleurs-membres de cette coopérative vers d’autres coopératives du groupe et s’assurer un revenu suffisant grâce à son propre système de sécurité sociale. Fin juillet 2014, 8 mois après le début du processus de faillite de cette coopérative, le groupe avait trouvé des solutions pour 76% de ses travailleurs-membres: des

94


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

1895 travailleurs-membres de Fagor Electrodomesticos, 1050 avaient été transférés vers d’autres coopératives du groupe et 400 solutions individuelles de mise en préretraite avaient été conclues164. Il y a tout lieu de croire qu’une solution interviendra pour les 24% restants de travailleurs-membres de la coopérative avant sa liquidation. Cette expérience illustre le sérieux des défis de la concurrence mondiale et le remède que peut apporter la structuration des différentes logiques en stratégies coopératives précises aux préjudices générés par la logique de l’économie, au profit de la soutenabilité entrepreneuriale à long terme.

4.2.2. Combler les faiblesses des compétences de gestion

Lorsqu’elles donnent trop d’importance à la logique

promue par les politiques publiques peut attirer la

de la famille, de l’orientation guidée par les valeurs

création de coopératives par des personnes qui n’y

et de la réputation, la coopérative s’expose à des

sont pas préparées.

problèmes économiques. Au fil des dernières décennies, les coopératives se sont développées sous l’impulsion forte de mouvements sociaux et avec le soutien des collectivités publiques compte tenu de leurs contributions sociales. Ce phénomène leur a assuré un grand essor dans un grand nombre de pays et a stimulé des notions voisines telles que l’économie sociale et l’économie solidaire, ainsi

La nécessité est donc profonde de renforcer les compétences de gestion et la formation à

l’organisation,

économiques

en

imposés

équilibrant par

le

les

impératifs

marché

et

les

différentes logiques de justification qui caractérisent l’emploi coopératif 165.

que l’entreprise sociale et l’entrepreneuriat social. Mais cet enthousiasme n’est pas toujours épaulé par des compétences de gestion suffisantes. Une culture trop familiale au sein des effectifs et des rémunérations trop généreuses ne peuvent se

conjuguer

harmonieusement

avec

l’intérêt

des membres, l’augmentation des coûts étant excessive et nuisant à la durabilité entrepreneuriale à long terme. Une culture trop axée sur les valeurs peut induire des décisions trop idéalistes que les membres et la capacité économique des travailleurs ne peuvent assumer. Une logique de la réputation

Un ancien travailleur-membre d’une coopérative de TIC en Émilie-Romagne nous déclarait à cet égard: « Que chacun exprime son avis ne veut pas nécessairement dire qu’il ait les compétences adéquates. C’est surtout vrai dans de petites entreprises

pratiquement

personne

n’est

compétent, n’a des capacités de gouvernance nécessaires dans une petite entreprise (…) parce ce que dans de petites coopératives, il n’y a pas toujours de gestionnaire »166. La formation à l’organisation doit corriger cet écueil.

95


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

4.2.3. Relever les défis démographiques et générationnels Un autre défi est celui de la capacité des coopératives, notamment dans les pays industrialisés, à se réadapter aux environnements économiques post-industriels, caractérisés par des modèles de production qui requièrent de nombreuses compétences et un secteur des services qui se développe. C’est un sujet très débattu au sein du groupe Mondragon dont la production industrielle la plus traditionnelle se réalise de plus en plus dans d’autres pays.

Par ailleurs, il semble difficile de trouver de jeunes dirigeants qui partagent un même esprit collectif et un engagement guidé par des valeurs. Comment les coopératives peuvent-elles attirer et engendrer des dirigeants jeunes et dynamiques qui soient capables d’innover dans la tradition coopérative en l’adaptant, et devenir ainsi les vecteurs de leur génération et de l’avenir ? « La question générationnelle est bien réelle. L’âge moyen des membres est de 60-70 ans. C’est un problème grave. Je suis le plus jeune au sein du conseil d’administration. C’est un problème dont nous avons discuté. Le conseil d’administration est confronté à une stratégie politique et, à la lecture de la liste des membres, on se rend compte que ce problème n’est pas une fiction. », nous a confié un producteur-membre d’une coopérative agricole en Émilie-Romagne, qui ajoute: « Il y a des jeunes qui s’engagent dans l’agriculture mais il est difficile de les engager dans les coopératives. Il est difficile de les attirer et de leur communiquer nos principes »167.

Nous pouvons cependant envisager également que les caractéristiques des coopératives puissent être une réponse aux questions générationnelles auxquelles sont confrontées toutes les entreprises. Nous pensons que de nombreuses caractéristiques mises en lumière par les travailleurs des coopératives, notamment des coopératives de travail associé, sont très semblables à celles de nombreuses entreprises innovantes dans des secteurs émergents. Il est fondamental pour le mouvement coopératif d’apporter une réponse qui se fonde sur un modèle entrepreneurial adéquat à ces aspirations nouvelles et innovatrices.

96


4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF

Notons aussi que les coopératives peuvent en soi représenter une réponse aux problèmes générationnels qui sont mentionnés au Chapitre 3. Les coopératives donnent de l’emploi à des personnes plus âgées qui souhaitent encore travailler non seulement pour des raisons économiques mais pour participer à la vie sociale. Le constat en a été fait dans les coopératives de travail associé, les coopératives de personnes âgées et les collectifs de travailleurs au Japon. Dans certains pays et régions, la transition vers la forme coopérative est considérée comme une alternative pour les entreprises dont les propriétaires se retirent sans successeurs pour prendre la relève. Enfin, n’oublions pas les coopératives dans des pays où les jeunes sont particulièrement touchés par la crise comme l’Espagne168.

4.2.4. Traiter l’angle mort de la protection du travail Le rôle d’intermédiaires que jouent certains types de

d’intermédiaires dans la prestation de travail à des

coopératives entre travailleurs ou producteurs et le

tiers sans autre service, ont vu le jour entre le milieu

marché peut engendrer des problèmes importants

des années 1990 et 2012. C’est alors qu’une nouvelle loi

de protection et de sécurité sociale des travailleurs.

sur les coopératives de travail associé a été approuvée

Bon nombre de coopératives sont accusées d’être

interdisant d’utiliser la forme coopérative pour faire de

des instruments de licenciement, d’externalisation et

la simple iintermédiation dans la prestation de travail.

d’exploitation des travailleurs et petits producteurs. Leur développement dans des activités du secteur public et privé dans certains pays s’est accompagné d’une détérioration des conditions de travail dont la cause réside dans la perversion de la forme coopérative et la faiblesse de la réglementation appliquée à ces formes de travail.

Ce problème n’est pas seulement présent au Brésil. Plusieurs autres pays latino-américains sont en proie à ce problème comme la Colombie et il commence à être même perceptible dans d’autres pays où la réglementation des coopératives est bien développée mais où l’emploi précaire est particulièrement élevé comme en Italie ou en Espagne. Outre la perversion

Ce problème est particulièrement aigu au Brésil,

du modèle coopératif en termes d’emploi, c’est le

où des milliers de fausses coopératives de travail

caractère entrepreneurial des coopératives lui-même

associé (mais, à l’époque, légales), jouant le rôle

qui se voit nié à travers ce phénomène.

97


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

NOTES 137. Déclaration sur l’identité coopérative de l’ACI http://ica.coop/en/whats-co-op/co-operative-identity-valuesprinciples incluse dans la Recommandation sur la Promotion des coopératives, 2002 (n° 193) de l’OIT www.ilo.org/ dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193

138. Salarié, coopérative d’assurance, Santa Fe, Argentine 139. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie 140. Travailleuse-membre, coopérative de travail associé (artisanat), Gauteng, Afrique du Sud 141. Travailleuse-membre, coopérative de travail associé (secteur manufacturier), Pays basque, Espagne 142. Coopérative de consommation Eroski, groupe Mondragon, Pays basque, Espagne 143. Ibid. 144. Salarié, coopérative médico-sociale, Gangwon, Corée du Sud 145. Salarié 1, coopérative de services agricoles, Wisconsin, États-Unis 146. Salarié, coopérative de consommation, Émilie-Romagne, Italie 147. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie 148. Salarié 3, coopérative de consommation, Kanagawa, Japan 149. “Les coopératives fournissent à leurs membres, leurs dirigeants élus, leurs gestionnaires et leurs employés l’éducation et la formation requises pour pouvoir contribuer effectivement au développement de leur coopérative. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et les leaders d’opinion, sur la nature et les avantages de la coopération”, Recommandation sur la Promotion des Coopératives, 2002 (N° 193); Annexe, www.ilo.org/dyn/normlex/ fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193

150. Travailleur-membre, coopérative de consommation, Pays basque, Espagne 151. Salarié, coopérative de crédit, Gangwon, Corée 152. Le quatrième principe coopératif stipule que « Les membres allouent des excédents à toutes les finalités suivantes ou à l’une d’entre elles: développer leur coopérative, éventuellement en créant des réserves, dont une partie au moins sera indivisible », voir Recommandation sur la promotion des coopératives, 2002 (n°193) de l’OIT, Annexe

153. Salarié, Fédération des coopératives de crédit, Québec, Canada 154. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie 155. Ibid. 156. Salarié 1, coopérative de services agricoles, Wisconsin, États-Unis 157. Données recueillies lors de la visite de terrain chez AFA à San Genaro, Santa Fe, Argentine 158. Cf. www.desjardins.com et www.mondragon-corporation.com 159. Travailleur-membre, consortium de cooperatives sociales, Émilie-Romagne, Italie 160. Travailleur-membre, cooperative financière, Pays basque, Espagne 161. Interview de José Maria Aldecoa, ex-Président du Groupe Mondragon, réalisée en mars 2002 pour le documentaire produit par CECOP CICOPA-Europe ENSEMBLE – Comment les coopératives résistent à la crise ?, 33’18” à 33’41”, disponible sur: //www.together-thedocumentary.coop/

162. Salarié, Fédération de coopératives de crédit, Québec, Canada 163. Voir le documentaire Ensemble – Comment les coopératives résistent à la crise, 2012, par CECOP CICOPA-Europe, sequence sur Mondragon, see www.together-thedocumentary.coop

164. Courriel personnel de Javier Marcos, Responsable des communications du Groupe Mondragon, le 30 juillet 2014 165. Notons que l’harmonisation n’implique pas d’accorder la même importance à tous les intérêts et toutes les logiques Nous avons rencontré de nombreux cas d’harmonisation arithmétique différente d’intérêts qui paralysent les actions et suscite la méfiance mutuelle. L’harmonisation devrait être la conjugaison de l’action stratégique et du processus participatif. Ce devrait être une compétence essentielle des dirigeants de coopératives

166. Ancien travailleur-membre, coopérative de travail associé (techniques de l’information), Émilie-Romagne, Italie 167. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie 168. see

for example www.thenews.coop/39549/news/co-operatives/co-operatives-create-8000-new-jobs-whileunemployment-hits-record-spain/#.U71C_7HLMoA

98



CHAPITRE 5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS


5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

5.1. Conclusions

Comme nous l’avons vu au Chapitre 2, le mouvement coopératif génère de l’emploi à temps partiel et à temps plein pour au moins 250 millions de personnes dans le monde au sein ou dans le cadre des coopératives, ce qui représente 8,73% de l’emploi dans le monde. 223,6 millions sont des producteurs pour compte propre (essentiellement dans l’agriculture, mais aussi dans les autres activités primaires, ainsi que dans les activités secondaires ou tertiaires), qui exercent leurs activités économiques dans le cadre des coopératives et 26,4 millions sont salariés ou travailleurs-membres travaillant au sein des coopératives. Le G20 est de loin le gisement le plus important de ces emplois: l’emploi coopératif représente presque 12% de la population active occupée de ce groupe de pays. Bien que ces estimations soient probablement inférieures à la réalité, elles sont suffisamment représentatives pour que l’emploi coopératif soit considéré comme un phénomène très significatif au niveau de l’emploi dans le monde, et elles doivent faire l’objet d’études plus approfondies.

Tournons notre regard vers les 10 régions de différents pays du monde retenues pour notre travail de terrain. Un des premiers résultats à souligner, que nous avons vu au Chapitre 3, est le ratio très élevé d’emploi coopératif en Émilie-Romagne, où il représente près de 15% de la totalité de l’emploi, répartis dans pratiquement tous les secteurs économiques. L’Émilie-Romagne est un des plus anciens clusters de coopératives dans le monde et un des plus importants districts industriels en Europe, qui été capable de maintenir sa compétitivité générale malgré la crise économique que connaît l’Italie. Le niveau particulièrement élevé d’emploi coopératif dans la région est de bon augure pour le potentiel d’emploi du modèle coopératif ailleurs dans le monde.

En effet, rien en Émilie-Romagne n’est à ce point spécifique qu’il rendrait impossible qu’un ratio semblable n’apparaisse ailleurs. Gangwon en Corée du Sud en est déjà à un ratio de 23% (essentiellement dans l’agriculture) et partage peu de traits communs avec l’Émilie-Romagne, tant du point de vue de la structure économique que des points forts des coopératives respectives. D’autres régions examinées dans le cadre du travail de terrain, comme le Pays basque en Espagne où le ratio d’emploi coopératif est de près de 7% et la province de Santa Fe en Argentine dont le ratio est de près de 9%, affichent elles aussi des taux élevés d’emploi coopératif.

Un autre résultat majeur de cette étude est que l’emploi coopératif se caractérise par une répartition relativement bien équilibrée entre le milieu urbain et le milieu rural (y compris dans d’autres secteurs économiques que l’agriculture) ainsi qu’entre de grandes métropoles et des villes plus modestes. L’exode rural, la migration de populations de villes de dimension moyenne vers de plus grandes métropoles, et la désertification économique de régions périphériques seraient sans doute plus prononcés si les coopératives n’avaient pas encouragé activement la production et l’emploi au niveau local et n’avaient pas développé des économies d’échelle pour les gens ordinaires, dépourvus de moyens. Une grande partie de l’emploi coopératif que nous avons identifié au cours de notre travail de terrain se trouve en milieu rural et dans de petites villes, et pas uniquement dans le secteur agricole. Cette tendance a bien évidemment un impact fort sur la durabilité de l’emploi indirect (prestataires de biens et services, services locaux, etc.), ainsi que sur le développement régional en général.

101


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

L’emploi coopératif se caractérise souvent par

équivalent) et les coopératives multi-sociétaires,

sa longévité qui a également une incidence sur

poussant à la hausse la moyenne de l’emploi

la stabilité de l’emploi indirect et stimule les

coopératif. Cette forte croissance de l’emploi

personnes engagées à dépenser davantage et plus

est dans une large mesure due aux stratégies de

judicieusement, contribuant ainsi à générer une

coopération étroite entre coopératives au niveau

économie locale dynamique et à opérer des choix

méso. Dans un certain nombre d’autres pays

de plus en plus respectueux de l’environnement,

et régions, bien que les coopératives de travail

qui favorisent à terme le développement de cette

associé et les coopératives sociales présentent

tendance.

encore des niveaux d’emploi plus modestes, elles se développent rapidement. Par ailleurs, la

Un aspect spécifique de la durée de l’emploi coopératif est sa résilience, que nous avons observée au cours de la crise mondiale qui a éclaté en 2008. Selon nos constatations, cette résilience a été renforcée par des facteurs propres à l’entreprise, au système coopératif (réseaux, groupes et institutions d’accompagnement mutualisées, etc.) ainsi qu’à une législation et des politiques publiques ciblées.

grande diversité des secteurs économiques dans lesquels les coopératives de travail associé et les coopératives sociales sont engagées en regard d’autres types de coopératives les convertit en terrain de mise à l’épreuve de l’entrepreneuriat coopératif et de l’emploi coopératif en général. D’autres

caractéristiques

non

négligeables

sont l’accélération de l’insertion par le travail de

personnes

handicapées

ou

socialement

désavantagées, à savoir des emplois qui sont Dans l’analyse de l’évolution de l’emploi coopératif depuis le début des années 2000, dans un certain nombre de pays et de régions où les données ont été mises à notre disposition, nous avons constaté que l’emploi coopératif a plus ou moins maintenu au fil du temps son ratio de la population active occupée, un élément significatif compte tenu que de nombreuses personnes ont rejoint entre-temps le marché du travail. Le recul des producteurs pour compte propre dans les coopératives de production du secteur primaire dans les pays industrialisés semble suivre la tendance générale à la baisse de l’emploi dans ce secteur.

particulièrement difficile à créer et/ou à consolider, ainsi que l’intensification des restructurations d’entreprises en crise ou sans successeurs en coopératives de travail associé, maintenant et

consolidant

Lorsqu’elles

ainsi

sont

des

gérées

milliers

d’emploi.

professionnellement,

et avec l’environnement adéquat en termes de services d’appui aux entreprises, ces processus de restructuration ont un taux de survie au terme de 3 ou 5 ans qui est supérieur à celui des entreprises en général, malgré la prise de risques. Elles sauvent de nombreux emplois, en créent de nouveaux grâce à leur croissance renouvelées lorsqu’elles deviennent coopératives. Une attention particulière devrait être consacrée au potentiel important d’emploi des

Soulignons également qu’une des raisons majeures

coopératives de travail associé et sociales, en tant

pour le maintien du ratio d’emploi coopératif depuis

que tel, mais aussi parce qu’une partie de cet emploi

le début des années 2000 dans certains pays clé

concerne des cas très difficiles.

en termes de présence des coopératives, comme la France, l’Italie et l’Espagne, est la croissance importante de l’emploi dans les coopératives de travail associé, les coopératives sociales (ou leur

102

Les

ratios

entre

contrats

permanents

et

temporaires, l’équilibre hommes-femmes et la structure de l’âge sont des dimensions qui suivent


5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

les tendances sectorielles et nationales, sauf lorsque

La protection sociale et la sécurité au travail

les coopératives ont pour mission de répondre

correspondent aux normes en vigueur dans le

précisément à des besoins d’équilibre hommes-

secteur ou au niveau national pour les salariés. La

femmes ou dictés par l’âge comme l’illustrent

protection sociale des travailleurs-membres dépend

bien le mouvement SEWA en Inde, qui développe

du statut que leur octroie la réglementation du

des

l’émancipation

pays concerné. En Amérique latine, les travailleurs-

économique de femmes, ou encore les coopératives

membres ont souvent un statut d’indépendants et

de personnes âgées au Japon, dont la mission est la

jouissent donc d’une protection sociale inférieure

prestation de services à une société vieillissante.

à celle des salariés. Dans d’autres pays, ils sont

coopératives

pour

assurer

considérés comme des salariés et jouissent du La gestion des RH dans les coopératives, même si elle peut paraître suivre les normes conventionnelles, est une conjugaison de ces normes et des pratiques coopératives. Le travail de terrain a notamment révélé une vision plus centrée sur la personne et une importance particulière attribuée à la gestion des relations entre les travailleurs et les autres parties prenantes. C’est la raison pour laquelle, lors du

même niveau de protection sociale. Dans certains pays où les coopératives de travail associé et les coopératives sociales sont une réalité importante, tels que l’Italie, l’Espagne et la France, les travailleurs-membres ont un statut spécial qui leur assure la même protection sociale que les salariés. La protection sociale des producteurs indépendants qui sont membres de coopératives suit dans une

recrutement, les paramètres classiques et l’exigence

large mesure les conditions nationales pour les

pour les candidats à l’emploi de comprendre ou

travailleurs indépendants.

d’apprendre rapidement le mode de fonctionnement des coopératives sont des dimensions indissociables. Dans certains groupes coopératifs, nous avons constaté

que

le

redéploiement

temporaire

ou permanent de travailleurs qui, à partir de coopératives ayant du personnel en excès, sont transférés vers des coopératives qui en manquent a valorisé sensiblement la sécurité de l’emploi. Ces processus exigent un niveau élevé de coordination et une gestion de haut niveau des RH.

Nous avons défini un ensemble de 8 logiques de justification clés, propres à l’emploi au sein et dans le cadre des coopératives. Elles concernent le travail ou l’activité économique, et la conceptualisation de l’employeur et du salarié ainsi que les relations entre les membres du personnel, d’une part, et entre le personnel et la communauté environnante, d’autre part. Ces logiques de justification sont, en l’occurrence: 1) l’importance de la participation sur le lieu de travail; 2) un environnement de travail

Nous avons observé que la rémunération des salariés

de type familial; 3) la raison d’être économique

et des travailleurs-membres est du même ordre

de l’entreprise; 4) la recherche d’une meilleure

de grandeur, voire plus élevée que dans d’autres

efficacité; 5) un type de flexibilité partagée; 6) la

entreprises du même secteur et du même pays, et elle

fierté et la réputation; 7) l’orientation guidée par des

est souvent assortie de compensations matérielles

valeurs pratiquées sur le lieu de travail; et 8) l’identité

ou non-matérielles que les personnes interviewées

par l’identification avec la coopérative. Bien que

estiment très importantes. L’écart salarial est

certaines de ces logiques de justification soient plus

généralement moindre dans les coopératives que

présentes dans certains types de coopératives ou

dans d’autres types d’entreprises, et pose parfois un

dans certaines régions, elles tendent à se conjuguer

problème d’embauche de gérants très qualifiés.

pour créer un ensemble unique qui différencie

103


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

l’expérience de l’emploi coopératif de celle d’autres

de réserves financières saines et un niveau élevé de

salariés ou indépendants qui n’entrent pas dans le

formalisation de l’emploi, qui sont deux éléments

cadre d’entreprises coopératives.

fondamentaux pour une bonne résilience des coopératives en temps de crise et le succès de leurs

Comme nous l’avons expliqué au Chapitre 4, cette

stratégies d’entreprises à long terme.

conjugaison de logiques de justification à l’œuvre présentée

Ces caractéristiques de l’emploi coopératif semblent

comme le résultat d’un examen sociologique ou

être propices à une interaction positive entre le

un simple facteur de qualité de l’emploi, mais

personnel des coopératives, leurs producteurs-

elle est étroitement associée au type distinctif

membres et leurs usagers-membres. Dans certains

d’entrepreneuriat qui prévaut dans les coopératives.

cas, cette dynamique enclenche la création de

Ces 8 logiques de justification tendent à engendrer

coopératives

des attitudes de la part des salariés, travailleurs-

plusieurs parties prenantes au sein d’une même

membres et/ou producteurs indépendants qui

structure de gouvernance comme elles se sont

accordent une importance particulière aux besoins

développées en Espagne, au Québec et en France et,

des clients, à la responsabilité économique, à

dans une certaine mesure, au sein des coopératives

une dynamique de confiance, à l’autonomie et à la

sociales en Italie.

dans

l’emploi

coopératif

n’est

pas

multi-sociétaires

qui

regroupent

capacité d’initiative ainsi qu’à un esprit de pionnier et innovateur; tous ces indicateurs comportementaux ont une incidence positive sur la santé économique de l’entreprise. Assurer de bonnes bases à l’application du 5ème principe coopératif sur l’éducation et la formation

consolide

l’avantage

compétitif

des

coopératives. Ces logiques expliquent par ailleurs le fait que les coopératives favorisent la constitution

Les économies d’échelle sont particulièrement recherchées au sein des coopératives depuis la mutualisation de services jusqu’à la structuration de groupes coopératifs. La dynamique qu’elles insufflent tend

à

renforcer

les logiques

de

justification

de l’emploi coopératif évoquées ci-dessus, et à engendrer de ce fait un cercle vertueux.

Par ailleurs, l’étude a permis de découvrir quatre défis entrepreneuriaux majeurs pour l’avenir proche. Premièrement, comment maintenir l’avantage coopératif, y compris les caractéristiques de l’emploi coopératif mentionnées plus haut, dans une concurrence globale de plus en plus intense ? Deuxièmement, comment construire de solides compétences de gestion, notamment en matière de gestion des RH ? Troisièmement, comment relever le défi démographique et générationnel, s’adapter aux nouveaux paysages post-industriels, à une population vieillissante et au renouvellement générationnel dans les coopératives ? Quatrièmement, à l’heure d’une flexibilité et précarité croissante de l’emploi, le danger d’abuser du modèle coopératif pour échapper aux coûts du travail dans les entreprises en général et mettre en œuvre des accords de sous-traitance sans autonomie entrepreneuriale, doit être évité pour sauvegarder le modèle coopératif, y compris en tant qu’entreprise.

104


5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Les résultats de cette étude renforcent les cinq

chapitre 4 lorsque nous avons discuté comment

piliers (participation, identité, durabilité, capital et

l’emploi coopératif et l’entrepreneuriat coopératif se

cadre juridique) du Plan d’action pour une Décennie

renforcent mutuellement. La nécessité d’un cadre

169

des Coopératives de l’ACI

. La participation et

juridique et de politiques publiques appropriés a été

l’identité ont été identifiées comme 2 des 8 logiques

mentionnée à plusieurs reprises dans l’étude, et est

de justification à travers lesquelles nous avons

un des principaux objets des recommandations dans

caractérisé

la prochaine et dernière section ci-dessous.

qualitativement

l’emploi

coopératif.

La durabilité et le capital ont été mentionnés au

En tout état de cause, le phénomène de l’emploi coopératif est suffisamment significatif, quantitativement et qualitativement, pour que les organisations internationales, les gouvernements, les syndicats, les organisations d’employeurs, les ONG, les universités et le mouvement coopératif lui-même dressent un bilan de l’expérience d’emploi de longue date et de la résilience aux crises mondiales, notamment en matière de maintien et de renforcement de l’emploi, qui caractérise les coopératives. Le mouvement coopératif est parvenu à devenir un employeur clé dans le monde et son potentiel de développement de l’emploi n’a assurément pas encore été pleinement exploité. Les recommandations suivantes ont pour finalité d’accroître ce potentiel afin de répondre aux quatre défis entrepreneuriaux que nous avons évoqué plus haut, et permettre ainsi aux coopératives de répondre efficacement aux besoins de l’emploi au 21ème siècle.

5.2. Recommandations

Compte tenu des difficultés persistantes à se remettre de la récente crise financière, y compris le chômage, la précarité de l’emploi, et l’aggravation des inégalités de revenus, encourager les coopératives qui aident à créer et à conserver l’emploi décent et durable est essentiel. Les recommandations ci-dessous sont le résultat de cette étude que CICOPA a menée pendant 15 mois partout dans le monde et dans différents secteurs coopératifs. Les pays et régions qui suivent les approches recommandées ont tendance à avoir des secteurs coopératifs florissants qui créent et maintiennent l’emploi de manière efficace.

Actuellement, l’interaction entre les différents acteurs, à savoir les organisations internationales, les gouvernements à différents niveaux, les syndicats, les organisations d’employeurs, les organisations de la société civile, les universités et les organisations du mouvement coopératif est fondamentale pour générer le changement. Les recommandations suivantes requièrent donc la coopération de tous ces acteurs qui sont invités à apporter leur contribution spécifique.

105


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

5.2.1. Politique de l’emploi et statistiques Les recommandations ci-dessous sont en concordance avec la Recommandation (n°193) sur la promotion des cooperatives, 2002 de l’OIT, ci après R193 de l’OIT, qui a été approuvée de façon pratiquement unanime entre gouvernements, organisations d’employeurs et syndicats du monde entier et qui établit que “Des mesures devraient être adoptées pour promouvoir le potentiel des coopératives dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, afin d’aider celles-ci et leurs adhérents à… créer et développer des activités génératrices de revenus et des emplois décents et durables” (art 4.(a))170.

Politiques actives du marché du travail

Les autorités publiques devraient inclure l’emploi coopératif dans leurs politiques actives du marché du travail, en coopération étroite avec les organisations coopératives, et notamment:

A

mettre en œuvre des mesures d’information et de formation au modèle coopératif pour les entrepreneurs potentiels et demandeurs d’emploi, pour les comptables et chambres de commerce, ainsi que tous les acteurs qui sont autant d’entrepreneurs ou de demandeurs d’emploi potentiels;

A

octroyer des subsides aux entrepreneurs et demandeurs d’emploi potentiels qui créent ou rejoignent des coopératives comme, par exemple, prévoir le versement des allocations de chômage sous forme d’une somme forfaitaire correspondant à deux années d’indemnités (comme le pago único en Espagne) ou le maintien dégressif de ces indemnités de chômage au cours de la période de création de l’activité économique (comme le prévoient les dispositions dont bénéficient les coopératives d’activité et d’emploi en France), ou encore consentir des investissements publics complémentaires à ceux des membres (comme le prévoit la loi Marcora en Italie). À condition que l’environnement d’appui aux entreprises dans le système coopératif national est suffisamment solide, ces subsides se sont révélés être un investissement plutôt qu’un coût, compte tenu notamment des taxes que la nouvelle coopérative paiera.

Cadre normatif

Les États devraient assurer un cadre normatif adéquat et promouvoir le soutien aux entreprises lors de la création de coopératives, quel qu’en soit le type ou le secteur, en favorisant celles qui génèrent plus d’emplois et investissent dans l’amélioration des compétences, en accord avec la R193 de l’OIT qui établit que “les gouvernements devraient mettre en place une politique et un cadre juridique favorables, conformes à la nature et à la fonction des coopératives et fondés sur les valeurs et principes coopératifs”

106


5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

(Art. 6). Autant tous les secteurs coopératifs sont générateurs d’emploi et devraient être activement promus, une attention particulière devrait être consacrée aux categories suivantes de cooperatives, qui sont caractérisées par un taux particulièrement élevé de génération et de consolidation de l’emploi.

A

les coopératives de production du secteur primaire et des autres secteurs, du ramassage des déchets aux services à domicile en passant par la menuiserie et le commerce, sans oublier les coopératives de professionnels tels que celles entre médecins, personnel infirmier, etc.;

A

les coopératives de travail associé, et plus particulièrement les transmissions d’entreprises aux employés (voir 5.2.2. ci-dessous); et les coopératives sociales, tant pour leur capacité à intégrer par le travail les personnes désavantagées, que pour celle de fournir des services à la collectivité (santé, éducation, environnement, services sociaux, logement, développement local, etc.), notamment les coopératives multisociétaires.

Recueil et gestion de données

Comme pour tout autre politique de l’emploi, les données statistiques sont indispensables pour analyser les tendances nationales et internationales de l’emploi coopératif, et concevoir des politiques publiques adéquates. Les estimations de l’emploi coopératif fournies dans cette étude sont plus que suffisantes pour demander que des mesures soient prises à cet égard. Un modèle d’entreprise qui génère plus de 8% de l’emploi mondial, et près de 12% de l’emploi dans le G20, devrait rapidement devenir l’objet d’études statistiques nationales et internationales.

Les gouvernements devraient progressivement établir des données statistiques consolidées sur les salariés et les travailleurs-membres qui travaillent au sein des coopératives, ainsi que sur les producteurs indépendants de biens et de services qui travaillent dans le cadre des coopératives, en accord avec la R193 de l’OIT qui établit que “Les politiques nationales devraient notamment …chercher à améliorer les statistiques nationales sur les coopératives en vue de leur utilisation pour l’élaboration et la mise en oeuvre de politiques de développement” (Art. 8. 1) (l)). Ces statistiques devraient se ventiler notamment en fonction de l’âge, du sexe, du type de contrat de travail et du ratio entre travailleurs permanents et temporaires. Les pouvoirs publics concernés devraient étudier la longévité de l’emploi coopératif dans le cadre d’études de cas régionaux. Une initiative de ce genre devrait prévoir d’y engager les organisations coopératives, des universités et des instituts de recherche. La classification sectorielle devrait suivre le système ISIC (International Standard Industrial Classification of All Economic Activities) des Nations Unies 171.

Au niveau international, l’OIT devrait consolider des statistiques sur la base des statistiques nationales.

107


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

5.2.2. Entrepreneuriat

Ce deuxième ensemble de recommandations a pour finalité de développer les différents aspects de l’entrepreneuriat qui peuvent être propices à la création et à la stabilité de l’emploi au sein et dans le cadre des coopératives. Elles vont dans le sens de la R193 de l’OIT, qui indique que les coopératives et leurs membres devraient être aidées à “créer et développer des activités génératrices de revenus et des emplois décents et durables”, “ mettre en valeur les ressources humaines et développer la connaissance des valeurs, avantages et bienfaits du mouvement coopératif par le biais de l’éducation et de la formation”, “ développer leur potentiel économique, y compris leur capacité d’entreprendre et leurs aptitudes à la gestion”, “renforcer la compétitivité et accéder aux marchés et aux financements institutionnels” et “accroître l’épargne et l’investissement” (Art 4, (a)-(f)).

Promotion de la participation des salariés, des travailleurs-membres et des producteurs indépendants dans le cadre des coopératives

Les coopératives et leurs organisations devraient investir davantage dans la formation et l’éducation des salariés des coopératives et, notamment, dans les modes d’interaction entre salariés et membres compte tenu qu’il ne s’agit pas d’un coût mais d’un investissement dans la dynamique entrepreneuriale. Les coopératives et leurs organisations devraient, par ailleurs, encourager l’engagement et la participation du personnel, qui ont démontré leur viabilité entrepreneuriale grâce à la meilleure productivité et capacité d’innovation qu’ils entraînent.

Les organisations de coopératives devraient favoriser le développement de coopératives multi-sociétaires qui promeuvent l’intégration, parmi les membres, du personnel, des producteurs, des usagers et des autres parties prenantes. Les gouvernements devraient approuver des législations qui règlementent ces types de coopératives en s’inspirant des cadres juridiques en place dans plusieurs pays où elles ont démontré leurs avantages en termes d’innovation organisationnelle.

Au-delà de la priorité donnée aux salariés de coopératives, aux travailleurs-membres et aux producteursmembres indépendants, une attention plus grande devrait être prêtée à la formation et à l’inclusion d’usagers-membres dans les coopératives d’usagers et multi-sociétaires. Ceci est fondamental pour assurer le succès à long terme de ces coopératives, les usagers-membres renforçant le caractère économique et la capacité de génération d’emplois dans leurs coopératives. Les coopératives d’usagers et leurs fédérations devraient donc se concentrer sur cet objectif clé.

108


5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Promotion d’organisations nationales et régionales de coopératives et de leurs institutions d’accompagnement économique

Les autorités publiques devraient promouvoir la création et le renforcement d’organisations coopératives dans tous les secteurs de l’économie, à même de négocier des politiques publiques et des réglementations, tout en développement un rôle d’accompagnement entrepreneurial, en fournissant de la formation et de l’appui-conseil aux coopératives de base sur des questions juridiques, des informations sur le marché, la planification économique, les questions de l’emploi coopératif, les start-ups, l’innovation, l’internationalisation etc. Le cas échéant, elles devraient également promouvoir des organisations coopératives et des institutions d’appui-conseil entrepreneuriales spécialisées au niveau régional.

Promotion de transmissions d’entreprises aux travailleurs

Pourvu que les politiques publiques et les cadres normatifs appropriés existent, comme la loi sur l’économie sociale et solidaire votée récemment en France, le mouvement coopératif est à même de réaliser efficacement et sur une échelle conséquente des restructurations d’entreprises sans successeurs et d’entreprises en crise qu’il transforme en coopératives. Le potentiel de telles transmissions dépend de l’existence du savoir-faire d’organisations coopératives et de professionnels et d’entités spécialisés. L’accès à ce savoir-faire devrait donc faire partie intégrante des politiques et des partenariats.

La formation et l’information devraient également être mises à la disposition des juristes, des comptables, des juges et des syndicalistes qui sont engagés dans les transmissions d’entreprises.

Promotion des groupes coopératifs

Les organisations coopératives devraient prêter une importance particulière à la constitution de groupes coopératifs, à savoir des groupements horizontaux d’entreprises coopératives, y compris au niveau de la formation et l’éducation impartie aux membres et aux travailleurs à cette fin. Ces regroupements, en permettant des économies d’échelle qui valorisent les capacités entrepreneuriales, génèrent et renforcent l’emploi coopératif. Les cadres juridiques devraient donc en permettre l’avènement et le développement.

Les groupes coopératifs devraient être encouragés à coordonner le redéploiement temporaire ou permanent du personnel d’une coopérative vers d’autres coopératives constituantes du groupe en cas de nécéssité, comme le réalise le groupe Mondragon.

109


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Constitution de réserves et d’instruments financiers non bancaires

La régulation, les politiques et les systèmes privés de promotion de réserves financières dans les coopératives et d’instruments financiers mutualisés entre coopératives (capital propre, prêts et mécanismes de garantie) pour le développement de nouvelles coopératives et de coopératives existantes, devraient être valorisés. Un bon exemple nous est fourni par la loi italienne 59/1992 qui prévoit que 3% de tous les excédents des coopératives soient obligatoirement versés à des fonds destinés au développement de coopératives.

Promotion de l’entrepreneuriat coopératif parmi les jeunes

Des politiques ciblées, ainsi que des mesures et des programmes de soutien en coopération avec les organisations coopératives, devraient encourager l’emploi coopératif et la création de start-ups coopératives parmi les jeunes. L’enjeu n’est pas uniquement de fournir de l’emploi aux jeunes mais aussi d’assurer la relève entre générations au sein des coopératives dans les secteurs traditionnels et émergents. L’entrepreneuriat des jeunes peut aussi soutenir l’innovation et l’adaptation au changement dans les coopératives.

Les organisations coopératives devraient renforcer leur collaboration et leurs partenariats avec des universités et de grandes écoles de commerce pour combler le manque de connaissances des coopératives chez les jeunes.

Promotion de l’entrepreneuriat coopératif parmi les femmes

Des politiques ciblées, des mesures et programmes de soutien en coopération avec les organisations coopératives devraient encourager l’emploi et l’entrepreneuriat coopératifs parmi les femmes, en concordance avec la R193 de l’OIT qui établit qu’ « Une attention particulière devrait être apportée à l’accroissement de la participation des femmes à tous les niveaux du mouvement coopératif, particulièrement au niveau de la gestion et de la direction » (Art. 7. (3)).

Par ailleurs, des mesures et politiques concernant l’emploi à temps partiel, des pratiques tendant à assurer l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, et la non-discrimination devraient s’appliquer en insistant plus précisément sur l’égalité hommes-femmes et l’importance de femmes actives dans toutes les coopératives.

110


5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

5.2.3. Normes du travail, transition vers l’économie formelle, protection sociale et lutte contre les pseudo-coopératives

Normes du travail

L’emploi dans les coopératives devrait respecter les normes du travail établies dans la Recommandation 193 de l’OIT sur la Promotion des coopératives, par l’intermédiaire de politiques nationales adéquates: « Les politiques nationales devraient notamment… promouvoir les normes fondamentales du travail de l’OIT et la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail pour tous les travailleurs des coopératives sans distinction d’aucune sorte » (Art. 8 (1) (a).

Conditions de travail et protection sociale

Les organisations coopératives devraient développer un dialogue avec les organisations syndicales et les pouvoirs publics sur les conditions de travail. Les défis qui se posent actuellement, tels que les conditions d’emploi précaire, les travailleurs intermittents et les bas salaires dans certains secteurs économiques, ne peuvent être relevés par les seules coopératives et exigent une coopération systémique entre tous les acteurs concernés au niveau national.

L’intégration complète et officielle des organisations coopératives au processus de négociation collective, comme c’est le cas en Italie, est d’une importance majeure. Elle permet de négocier en fonction des besoins spécifiques des coopératives.

Les personnes ayant un statut de travailleurs pour compte propre qui travaillent dans ou dans le cadre des coopératives, qu’ils soient travailleurs-membres ou producteurs-membres, devraient être assurés d’un niveau de protection sociale satisfaisant. Les coopératives devraient, le cas échéant, travailler étroitement avec les pouvoirs publics pour construire un cadre juridique approprié prévoyant une protection sociale adéquate.

Les organisations coopératives devraient promouvoir des régimes de protection sociale complémentaires comme l’ont fait SEWA en Inde et Mondragon en Espagne.

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LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Formalisation de l’économie

La croissance des coopératives et le potentiel qu’elles offrent de transition vers l’économie formelle et l’emploi formel devraient être reconnus clairement au niveau national et international, comme le souligne la R193 de l’OIT: « Les gouvernements devraient promouvoir le rôle important des coopératives dans la transformation d’activités qui ne sont souvent que des activités de survie marginales (parfois désignées par les termes «économie informelle») en un travail bénéficiant d’une protection juridique et qui s’intègre pleinement à la vie économique » (Art. 9).

Les pouvoirs publics devraient simplifier les procédures administratives et en faciliter l’accès pour les coopératives, notamment pour les personnes moins qualifiées et plus particulièrement dans des pays où l’économie informelle et l’emploi informel sont largement répandus, voire prédominants.

La lutte contre les pseudo-coopératives

Se limiter à un rôle de simples prestataires intermédiaires de travailleurs à des tiers, en fournissant une maind’œuvre flexibilisée, sans la moindre stratégie économique autonome, tout en le justifiant par l’emprunt de la dénomination de coopérative devrait être illégal en application de la R 193 de l’OIT qui établit que: « Les politiques nationales devraient notamment… faire en sorte que les coopératives ne puissent pas être créées ou être utilisées aux fins de se soustraire à la législation du travail et ne servent pas à établir des relations de travail déguisées et lutter contre les pseudo-coopératives violant les droits des travailleurs, en veillant à ce que le droit du travail soit appliqué dans toutes les entreprises » (art 8 (1) (b)).

5.2.4. Éducation, formation et recherche sur l’emploi coopératif Les systèmes d’éducation nationale devraient promouvoir l’éducation et la formation sur l’emploi coopératif, en accord avec la R193 de l’OIT qui établit que: « Les politiques nationales devraient notamment … promouvoir l’enseignement des principes et pratiques coopératifs et la formation y relative, à tous les niveaux appropriés des systèmes nationaux d’éducation et de formation et dans l’ensemble de la société » (Art. 8. (1) (f). L’éducation et la formation coopératives devrait se concentrer particulièrement sur les études sur l’entreprise et sur la gestion des RH, et devraient être accompagnées par de la recherché dans ces disciplines. Les coopératives devraient développer des pratiques innovatrices en matière de gestion des RH.

112


5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

5.2.5. Politique de développement

Les pouvoirs publics devraient mettre au cœur de leurs politiques de développement régional le modèle coopératif. Le travail de terrain réalisé dans le cadre de cette étude a révélé dans quelle mesure une présence coopérative coordonnée et suffisamment dense a été un facteur essentiel du succès de la transformation économique de régions comme le Québec, l’Émilie-Romagne et le Pays basque. Les efforts consentis en ce sens n’ont jamais été un coût mais un investissement couronné de succès. Un effort particulier devrait être entrepris pour combattre la désertification économique des régions les plus éloignées.

La promotion et le développement des coopératives devraient figurer dans l’Agenda du développement après 2015 et être mis en œuvre par tous les États membres des Nations Unies en tant que vecteur d’un emploi inclusif, stable et durable.

notes 169. ACI, 2012, Plan d’action pour une Décennie des Coopératives, voir http://ica.coop/sites/default/files/media_items/ ICA%20Blueprint%20-%20Final%20-%20Feb%2013%20FR.pdf

170. www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193 171. http://unstats.un.org/unsd/cr/registry/regcst.asp?Cl=27

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119


ANNEXE 1 DONNテ右S NATIONALES


ANNEXE 1 - DONNÉES NATIONALES Liste des données nationales avec sources

Pays

Région du monde /groupe de pays

Employés

Travailleursmembres

Producteursmembres

Afrique du Sud

G20/AF

N.A

N.A

N.A

Algerie

AF

20.000

N.A

Allemagne

G20/EU

890.133

1.700.000

2012

Communication de Dirk Lehnhoff, DGRV

Arabie saoudite

G20/AS

N.A

Argentine

G20/AM

87.486

112.086

2008

INAES, 2008

Australie

G20/OC

26.038

34.592

2010

Australian Bureau of Statistics, 2012

Autriche

UE

61.999

185.000

2010

Comité économique et social européen, 2012

Belgique

UE

13.547

N.A

2009

Comité économique et social européen, 2012

Botswana

AF

998

Brésil

G20/AM

296.286

259.035

1.114.467

2011

Diretriz Nacional de Monitoramento e Desenvolvimento de Cooperativas, SESCOOP, 2012

Bulgarie

UE

41.300

20.000

240.000

2010

Comité économique et social européen, 2012

Canada

G20/AM

155.427

5.490

520.000

2009

Industry Canada, 2013

Chili

AM

N.A

5.098

61.771

2004

Departamento de Cooperativas del Ministerio de Economia de Chile, 2004

160.000.000

2013

Communication de Ge Shuyan, All China Federation of Supply and Marketing Cooperatives; Communication de Zhang Xiaowu, All China Federation of Handicraft Industry Cooperatives

N.A

2009

Comité économique et social européen, 2012

111.358

2012

Confecoop, 2013 Korean Federation of Community Credit Cooperatives, 2013: Korean Statistical Information Service: Portail des cooperatives, Corée

Chine

G20/AS

2.090.000

Chypre

UE

5067

Colombie

AM

126.696

177.568

Année

SourceS

Remarques

CEPES, 2012

Seulement les principals 100 coopératives

Coop Africa, 2009

650.000

386.138

Corée du sud

G20/AS

123.482

1.141

2.642.826

20112014

Costa Rica

AM

17.595

18.201

15.113

2012

Infocoop, 2012

Croatie

UE

3.565

2009

Comité économique et social européen, 2012

Danemark

UE

70.757

2009

Comité économique et social européen, 2012

4.803

99.000

Sauf cooperatives de consommation

121


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Pays

Egypte

Espagne

122

Région du monde /groupe de pays

AF

UE

Employés

Travailleursmembres

866.000

290.797

221.844

Producteursmembres

Année

SourceS

3.617.730

2008

CEPES, 2012; Ministry of Agriculture, Central Department for Cooperatives, donnée non publiée, Central Agricultural Cooperative Union, Technical Affairs, donnée non publiée, Ministry of Agriculture and Land Reclamation, Land Reclamation Division, General Administration of Cooperative, Environmental and Social Services, donnée non publiée

1.174.070

20082012

Comité économique et social européen, 2012; CEPES (site web)

N.A

2009

Comité économique et social européen, 2012

854.700

20072011

UWCC, 2009: USDA, 2012

Estonie

UE

9.850

Etats unis

G20/AM

967.080

Ethiopie

AF

81.651

Finlande

UE

92.600

1.500

167.100

2010

Comité économique et social européen, 2012

France

G20/EU

547.365

38.326

928.000

2010

CoopFR, 2012

Grèce

EU

14.983

713.714

2010

Comité économique et social européen, 2012

Guatemala

AM

N.A

83.541

2008

INACOP, 2011

N.A

2009

Comité économique et social européen, 2012

31.291.714

20092010

National Cooperative Union of India, 2012

N.A

2012

1.732.137

Iran Central Chamber of Cooperatives

187.727

20032005

Comité économique et social européen, 2012

749.441

2011

Hongrie

EU

85.682

Inde

G20/AS

1.215.627

Indonésie

G20/AS

473.604

Iran

AS

2.201.228

Irlande

EU

43.328

Itale

G20/ UE

1.042.490

55.140

115.079

6.781

6.845.701

483.673

703.879

Coop Africa, 2009

Ministry of cooperative (site web)

EURICSE, 2014: CICOPA 2013a Japanese Consumers’ Cooperative Union, 2013: CICOPA, 2013b: Portail des statistiques officielles du Japon: Zenrosai (site web): Rokin bank (site web): Credit union (site web): Shinkin bank (site web)

4.827.104

20092014

4.000

N.A

2011

303.455

1.500.000

440

7.430

2009

Comité économique et social européen, 2012

UE

8.971

10.670

2009

Comité économique et social européen, 2012

Luxembourg

UE

1.933

N.A

Malaisie

AS

N.A

Japon

G20/AS

Jordanie

AS

Kenya

AF

Lettonie

UE

Lituanie

571.117

19.986

141.004

595.500

CEPES, 2012 Coop Africa, 2009

Comité économique et social européen, 2012 2012

Portail official, Malaysia Co-operative Societies Commission

Remarques


ANNEXE 1 - DONNÉES NATIONALES

Pays

Région du monde /groupe de pays

Employés

Malte

UE

Maroc

Travailleursmembres

Producteursmembres

Année

250

N.A

2009

Comité économique et social européen, 2012

AF

34.630

353.494

20082012

CEPES, 2012: Office du Développement de la Coopération (site web)

Mexique

G20/AM

41.184

N.A

N.A

2013

Communication Juan Gerardo Dominguez Carrasco

Mongolie

AS

N.A

6716

11.836

2012

National Statistical Office of Mongolia, 2013

Népal

AS

60.000

700.000

2013

Department of cooperative, 2013

SourceS

Remarques

Information partielle

Communication du Dr. D. A. Okolo, Directeur federal des cooperatives, Gouvernement du Nigeria

Nigeria

AF

100.000

Norvège

Europe Non-UE

22.500

Ouganda

AF

10.524

Panama

AM

N.A

1.833

3.544

2010

IPACOOP, 2013

Paraguay

AM

13.952

567

21.339

2012

Conpacoop, 2012; Collection de données CICOPA 2014

Pays Bas

UE

184.053

806.000

2009

Comité économique et social européen, 2012

Perou

AM

6.902

1.218

***

2008

Ministerio de la Produccion, INEI, 2010

Philippines

AS

259.527

1.218

145.098

2013

Cooperative Development Authority (site web)

Pologne

UE

400.000

5.207

2009

Comité économique et social européen, 2012

Portugal

UE

51.391

85.285

409.594

2009

Comité économique et social européen, 2012

République dominicaine

AM

50.189

3.572

21.801

2009

IDECOOP, 2011

N.A

Eurocoop (site web)

68.909

Seulement cooperatives de consommation

Coop Africa, 2009

Information partielle

Comité économique et social européen, 2012

Republique tchèque

UE

58.178

5.022

Roumanie

UE

34.373

58.497

Royaume uni

G20/UE

236.000

5.234

Russie

G20/Non UE Europe

235.000

Rwanda

AF

8.657

Singapour

AS

14.000

Slovaquie

UE

26.090

Slovénie

UE

3.428

Suède

UE

80.264

1.143.000

2010

2009 158.438 1.100.000

Association des cooperatives agricole de la Republique tchèque (site web) Comité économique et social européen, 2012

2010

Co-operatives UK, 2011

2013

Communication by Evgeny Suzdaltsev, Centrosojuz Coop Africa, 2009 Communication de Dolly Goh, SNCF

1.600

96.552

78.068

275.000

20092010

Comité économique et social européen, 2012

2009

Comité économique et social européen, 2012

2010

Comité économique et social européen, 2012

123


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Pays

Région du monde /groupe de pays

Employés

Swaziland

AF

395

Coop Africa, 2009

Tanzanie

AF

34.949

Coop Africa, 2009

Turquie

G20/AS

98.968

Ukraine

Europe Non-UE

Travailleursmembres

Producteursmembres

2.463.026

Année

2012

54.872

SourceS

Communication de Huseyin Polat, National Cooperative Union of Turkey Eurocoop (site web)

Uruguay

AM

N.A

12.000

20.000

2004

CUDECOOP, 2004

Venezuela

AM

***

476.967

108.529

2004

SUNACOOP, 2006

Vietnam

AS

622.560

51.066

340.699

Communication de Tran Thu Hang, Vietnam Cooperative Alliance

Zambie

AF

6.252

60.000

Coop Africa, 2009

Zimbabwe

AF

403

237

2013

Communication d’Albert Vingwe, Zimbabwe National Cooperative Federation

SOURCES Argentine INAES, 2008, Las Cooperativas y las Mutuales en la Republica Argentina

Australie Australian Bureau of Statistics, 2012, 2012 Year Book Australia

Brésil Diretriz Nacional de Monitoramento e Desenvolvimento de Cooperativas, SESCOOP, 2012, Panorama do cooperativismo brasileiro – ano 2011

Canada Industry Canada, 2013, Co-operatives in Canada in 2009

Chili Departamento de Cooperativas del Ministerio de Economia de Chile, 2004, Las cooperativas en Chile

Colombie Confecoop, 2013, Desempeño Sector Cooperativo Colombiano 2012

124

Remarques

Seulement cooperatives de consommation

Only mining coops


ANNEXE 1 - DONNÉES NATIONALES

Corée du sud Korean Statistical Information Service - kosis.kr Korean Federation of Community Credit Cooperatives, 2013, The Statistics of Community Credit Cooperative Portal site of cooperative in Korea - www.cooperatives.go.kr

Costa Rica Infocoop, 2012, Sintesis IV Censo Nacional Cooperativo 2012

Egypte CEPES, 2012 Ministry of Agriculture, Central Department for Cooperatives, donnée non publiée, Central Agricultural Cooperative Union, Technical Affairs, donnée non publiée, Ministry of Agriculture and Land Reclamation, Land Reclamation Division, General Administration of Cooperative, Environmental and Social Services, donnée non publiée

Espagne CEPES (agriculture) www.cepes.es/socios_en_detalle--82--Cooperativas%20Agroalimentarias%20de%20Espa%C3%B1a CEPES (fishery) www.cepes.es/socios_en_detalle--91--Federaci%C3%B3n%20 Nacional%20de%20Cofrad%C3%ADas%20de%20Pescadores%20%28FNCP%29

Etats unis UWCC, 2009, Research on the Economic Impact of Cooperatives USDA, 2012, Cooperative Statistics 2011

France CoopFR, 2012, Panorama sectoriel des enterprises coopératives – Top 100 des entreprises coopératives 2012

Guatemala INACOP, 2011, Estadisticas del Sector Cooperativo – Diciembre de 2010

Inde National Cooperative Union of India, 2012, Indian Cooperative Movement – A Statistical Profile 2012

Indonesie Ministry of cooperative - www.depkop.go.id/index.php?option=com_phocadownload& view=file&id=377:data-koperasi-2014&Itemid=93

Iran Iran Central Chamber of Co-operatives, Cooperative Involvement in Different Sectors of the Iranian Economy

Italie EURICSE, 2014, La cooperazione italiana negli anni della crisi 2o rapport EURICSE CICOPA, 2013, Data on worker cooperative Europe (internal data)

125


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Japon Portal Site of Official Statistics of Japan - www.e-stat.go.jp CICOPA, 2013, Worldwide data collection on worker, social and artisans’ cooperatives Japanese Consumers’ Cooperative Union, 2013, Co-op Facts & Figures 2012 Zenrosai - www.zenrosai.coop/english/index.php Rokin bank - all.rokin.or.jp/english/documents/03_overview_2011E.pdf Credit union - www.shinyokumiai.or.jp/pdf/keisu1401.pdf Shinkin bank - www.scbri.jp/toukeimokuji.htm

Malaisie Official portal Malaysia Co-operative Societies Commission - www.skm.gov.my/ Gerakan-Koperasi/Statistik-Tahunan-Gerakan-Koperasi.aspx

Mongolie National Statistical Office of Mongolia, 2013, Mongolian Statistical Yearbook 2012

Maroc Office du Développement de la Coopération php?option=com_content&view=article&id=157

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Népal Department of cooperative, 2013, Presentation in the 1st Asia Pacific Cooperative Registars’ Conference

Panama IPACOOP, 2013, Estadísticas del sector cooperativo panameño al 30 de Setiembre de 2010

Paraguay Conpacoop, 2012, Situacion del cooperativismo Paraguay Collection de données CICOPA 2014

Perou Ministerio de la Produccion, INEI, 2010, Las cooperativas en el Peru – Estadisticas economicas y financieras

Philippines Cooperative Development Authority - www.cda.gov.ph/index.php/resources/updates/ statistics/264-statistics-as-of-december-31-2013

République dominicaine IDECOOP, 2011, Estadísticas 2008-2010 del sector cooperativo de República Dominicana

République tchèque Agricultural Association of the Czech Republic - www.zscr.cz/onas/strukturaorganizace/clenska-struktura-149

126


ANNEXE 1 - DONNÉES NATIONALES

Royaume uni Co-operatives UK, 2011, The UK co-operative economy – Britain’s return to cooperation 2011

Uruguay CUDECOOP, 2004, Datos Estadisticos Sobre el Cooperativismo en Uruguay

Venezuela SUNACOOP, 2006, Información sobre el cooperativismo venezolano (2004-2005)

Information régionale CEPES, 2012, The Cooperative Enterprise in the Mediterranean Comité économique et social européen, 2012, L’économie sociale dans l’Union européenne Coop Africa, 2009, Cooperatives in Africa: The age of reconstruction - synthesis of a survey in nine African countries

information sectorielle Europcoop - www.eurocoop.org/fr/?option=com_ content&view=article&id=96&Itemid=161&lang=en

127


ANNEXE 2 INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN


ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES ANNEXE 10 RÉGIONS 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN

Ahmedabad (Gujarat), IndE

POPULATION (2011): 7,214,225 (8ème district sur 640) SUPERFICIE: 8,707 km2 CAPITALE: Ahmedabad

Le district d’Ahmedabad se confond avec la ville du même nom et ses environs. La ville d’Ahmedabad est la capitale de l’état du Gujarat, sur la côte occidentale de l’Inde. Le district d’Ahmedabad est un des 33 districts de l’état du Gujarat, qui compte 5% de la population indienne, 16% de sa production industrielle et 22% de ses exportations. Entre 2001-2002 et 2011-2012, le PIB de l’état a connu un taux de croissance moyen de 10 pour cent par an. Cette expansion de l’économie de l’état est largement due à la croissance du secteur des services et du secteur manufacturier. La production du secteur primaire de l’état occupe une part de 11% de la production du secteur primaire de l’Inde.

Les coopératives, tous secteurs confondus, sont présentes actuellement dans quelque 99% des villages du pays et 71% des ménages en milieu rural sont membres. Au Gujarat, on dénombre 16.044 coopératives dans plusieurs secteurs comme l’agriculture, la production laitière, la pêche, le crédit, la consommation, le logement, l’industrie, les transports, l’irrigation, l’électricité, etc. Dans l’industrie agricole et laitière, les coopératives jouent un rôle important. La Self-Employed Women’s Association (SEWA), qui organise de nombreuses activités économiques sous forme de coopératives pour des femmes travaillant pour compte propre, a vu le jour au Gujarat en 1972 et a encore 30% de ses membres dans cet état.

Les coopératives sont régies par des législations fédérales mais aussi de l’état du Gujarat, plus précisément la loi de 1961. La mise en œuvre de cette loi est assurée par le Département des coopératives de l’état. 25 sièges de l’association sont répartis dans le district, chacun ayant un bureau qui figure au registre des sociétés coopératives du district.

129


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Pays basque, Espagne

POPULATION (2011): 2,185,405 (7ème sur 19 régions) SUPERFICIE: 7,234 km2 CAPITALE: Vitoria-Gasteiz

Le Pays basque est une communauté autonome du Nord de l’Espagne. La région est très industrialisée et a développé une importante industrie métallurgique depuis la fin du Moyen Âge que justifient ses ressources considérables en fer et en bois. Ces activités économiques ont décliné au cours des crises économiques des années 1970 et 1980, ce qui a permis le développement du secteur des services et des nouvelles technologies. Les industries de service sont également très développées, comme le tourisme et les services financiers. Au cours de la dernière décennie, le Pays basque a su maintenir des taux de croissance non négligeables ainsi que de bons niveaux de PIB par habitant. La région a également mieux résisté à la récente crise financière et économique que les autres régions d’Espagne.

Les premières coopératives ont vu le jour au Pays basque sous forme de coopératives de consommation à la fin du 19ème siècle. Les coopératives de travail associé se sont surtout développées depuis les années 1950, notamment grâce à l’essor du groupe Mondragon, actuellement un des plus grands groupes économiques du pays. En 2012, ce groupe représentait 3,7% des emplois au Pays basque.

Konfekoop (la Confédération basque des coopératives) est une organisation de fédérations sectorielles basques de coopératives (consommation, agriculture, transport routier, travail, éducation, coopératives bancaires). Konfekoop représente 868 coopératives de la région. L’organisme de coopération entre le mouvement coopératif et le gouvernement régional est le CSCE-EKGK (Conseil suprême basque des coopératives) institué par la loi basque de 1982 sur les coopératives. Il a joué un rôle décisif dans la création de fédérations de coopératives.

Une caractéristique de la législation espagnole sur les coopératives est l’importance des compétences législatives déléguées aux régions, « comunidades autónomas ». Les coopératives du Pays basque sont régies par la Loi 4/1993 de la « comunidad autónoma » basque. Bien qu’il n’y ait pas de différences substantielles entre les différentes lois qui régissent les coopératives au sein des « comunidades autónomas », la fiscalité est sensiblement différente suivant les régions.

130


ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN

Émilie-Romagne, Italie

POPULATION (2010): 4,429,766 (6ème région sur 20) SUPERFICIE: 22,446 km2 CAPITALE: Bologne

L’Émilie-Romagne est située au centre-nord de l’Italie. C’est une des principales régions agricoles du pays. L’élevage et la production laitière y sont extensifs, et la région dispose d’une importante industrie de transformation alimentaire et de conditionnement des aliments. La fabrication de voitures et de camions, d’équipements agricoles, de produits chimiques et pharmaceutiques, de céramiques et de vêtements y est également significative. Son modèle économique repose sur des clusters et réseaux de petites entreprises au sein desquels les coopératives jouent un grand rôle. Ce modèle est connu sous le nom de « modèle émilien ». Bologne est un véritable nœud de communications et d’échanges commerciaux entre le Nord et le Sud de l’Italie, et la région dispose de bonnes connexions ferroviaires et autoroutières.

Bien que l’histoire des coopératives remonte, dans la région, au 19ème siècle, leur développement s’est accéléré depuis la Seconde Guerre mondiale grâce à une étroite collaboration entre le gouvernement régional et la société civile, notamment le mouvement coopératif et les organisations syndicales. Tous les types de coopératives (agricoles, de consommation, de pêche, de crédit, d’habitation, de travail associé, sociales, etc.) sont actifs dans la région. Les secteurs dans lesquels les coopératives sont les mieux implantées sont le commerce de détail, la construction, la production agricole, le logement, le secteur manufacturier et les services sociaux. Dans certains secteurs comme l’agriculture, la construction et le commerce de détail, les coopératives prédominent.

Le mouvement coopératif italien est dirigé par des organisations fédérales, comme Legacoop, Confcooperative et AGCI, qui pendant longtemps se sont identifiées à de grandes tendances politiques mais depuis peu coopèrent de plus en plus au sein de l’Alleanza delle Cooperative Italiane (Alliance des coopératives italiennes).

Les coopératives sont régies par le droit national mais le gouvernement régional a développé des politiques publiques en leur faveur. La politique économique du gouvernement régional en faveur des coopératives et des PME a mis en place tout un système solide d’accompagnement pour promouvoir la coopération entre petites entreprises de plusieurs secteurs économiques, dans lequel le modèle coopératif est un outil important de coopération entre entreprises.

131


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Gangwon, Corée du Sud

POPULATION (2012): 1,551,531 (8ème région sur 17) SUPERFICIE: 20,569 km2 CAPITALE: Chuncheon

Située au Nord-Est de la Corée du Sud, Gangwon est une des provinces les moins industrialisées du pays. Quatre cinquièmes de la superficie de la province sont occupés par des forêts qui sont exploitées ainsi que les abondantes ressources minérales. D’autres activités économiques ont pu se développer grâce à l’établissement de centrales hydroélectriques et thermoélectriques. Les eaux y sont riches en poissons. Suite à la fermeture des mines de charbon dans le Sud de la province dans les années 1990, le tourisme est devenu le secteur économique le plus important.

En raison de la situation géographique de la province, tous les types de coopératives du secteur primaire ont connu une croissance florissante qu’il s’agisse des coopératives agricoles, sylvicoles et de pêche. Les coopératives, notamment de crédit, ont reçu un important soutien de l’Eglise catholique sous la dictature pendant les années 1970, comme un instrument pédagogique de démocratisation. Les premières coopératives de consommation de Corée du Sud ont été organisées dans les régions rurales du Sud de la province par des militants défenseurs de la démocratie dans les années 1970 et 1980. Wonju, une ville située dans le Sud de la province, est qualifiée de centre du mouvement coopératif coréen.

La province ne dispose pas d’organisations faîtières. Les premiers secteurs dans lesquels les coopératives ont vu le jour (agriculture, pêche, sylviculture, crédit, notamment de proximité) ont leurs propres fédérations régionales ou un siège régional de leurs fédérations nationales. Les nouveaux types de coopératives émergentes comme celles de consommation, de travail associé et sociales, les deux derniers types ayant été légalement reconnus par la nouvelle loi de 2012 sur les coopératives, n’ont pas encore de réseaux régionaux. Cependant, ces coopératives participent activement au mouvement de l’économie sociale de la province, qui est coordonné conjointement par la société civile et les pouvoirs publics.

Il n’existe pas de législation régionale spécifique sur les coopératives. Récemment, le gouvernement provincial a créé le Centre d’appui à l’économie sociale de Gangwon qui offre différents programmes d’accompagnement des coopératives et d’autres types d’organisations de l’économie sociale telles que des entreprises sociales, villageoises etc.

132


ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN

Gauteng, Afrique du Sud

POPULATION (2011): 12,272,263 (1ère province sur 9) SUPERRFICIE: 18,178 km2 (9ème province sur 9) CAPITALE: Johannesburg

Gauteng est une province du Nord-Est de l’Afrique du Sud. Si c’est la plus petite province du pays, elle compte la population la plus nombreuse et occupe la première place dans les activités économiques du pays grâce essentiellement à la présence de villes telles que Johannesburg et Pretoria, la capitale administrative de l’Afrique du sud. Si l’urbanisation de la province est considérable, elle a conservé un peu d’agriculture, de cultures maraîchères et de production laitière. Les activités minières, industrielles, commerciales et financière que génère sa grande richesse minière ont transformé la province en un centre économique important du pays.

Le secteur coopératif est, depuis le début du 20ème siècle, un vecteur économique bien établi. Se sont tout d’abord créées des coopératives agricoles dominées par les Blancs. Les coopératives agricoles détenues par la population noire ont été promues par le gouvernement dans les années 1970 et 1980 dans le cadre des plans économiques du régime de l’apartheid pour les « homelands ». Outre les coopératives détenues et contrôlées par les Blancs, des organisations syndicales – faisant fi de l’appartenance à une race – ont essayé de développer des coopératives dans les années 1980. À la fin de l’apartheid, les gouvernements tant au niveau fédéral que provincial ont encouragé de plus en plus le secteur en promulguant plusieurs mesures qui lui étaient favorables. La nouvelle loi sur les coopératives, n° 14 de 2005, a stimulé l’enregistrement de nouvelles coopératives détenues par la population noire et par des femmes. Elles ont pris la forme de coopératives de travail associé. En 2009, 20% des coopératives sud-africaines se trouvaient dans la province de Gauteng, la province se hissait au deuxième rang, derrière celle de KwaZulu-Natal qui en accueillait 26%.

Après que fut voué à l’échec l’organisation nationale faîtière des coopératives, le mouvement a été promu par des ONG telles que le Co-operative and Policy Alternative Centre (COPAC) qui est actif sur tout le territoire national mais a son siège dans la province de Gauteng, ainsi que par des organisations sectorielles telles que des coopératives de crédit.

Les coopératives sont régies par le droit national. Le gouvernement provincial met à la disposition plusieurs programmes de soutien aux coopératives par l’intermédiaire de Gauteng Enterprise Propellor (GEP). Ces programmes collaborent étroitement avec des programmes coordonnés au niveau national par le Département du commerce et de l’industrie dans le cadre de la « Integrated Strategy on the Development and Promotion of Co-operatives ».

133


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Kanagawa, JapOn

POPULATION (2010): 9,029,996 (2ème préfecture sur 47) SUPERFICIE: 2,415.84 km2 CAPITALE: Yokohama

Kanagawa est située au Sud de Tokyo, confinée entre la Baie de Tokyo à l’Est et l’océan Pacifique au Sud. La moitié orientale de la préfecture correspond à la région Sud-Ouest de la zone métropolitaine de Tokyo-Yokohama et sa côte orientale représente une partie importante de la zone industrielle de Keihin. L’intérieur de la préfecture est une région agricole de production floricole et laitière pour le marché de Tokyo. Le port de Misaki dans la ville de Miura est un grand centre de pêche de thon et de bonite. Fin des années 1970, la population a considérablement augmenté dans la préfecture sous la pression de l’expansion industrielle et de l’urbanisation.

À l’instar du Japon en général, un mouvement coopératif diversifié et équilibré s’est développé dans la préfecture. Dans le secteur primaire, les coopératives agricoles, sylvicoles et de pêche ont joué un grand rôle en coopération avec les ministères concernés. Les coopératives de consommation et les collectifs de travailleurs, nés des coopératives de consommation, ont connu une croissance rapide et sont particulièrement forts dans la préfecture. Des coopératives de travail associé et de personnes âgées sont également implantées. Il existe deux types de coopératives de crédit et d’autres organisations financières coopératives.

Le mouvement coopératif de Kanagawa a développé des caractéristiques distinctes depuis le milieu des années 1980, comparé au mouvement coopératif japonais en général, avec la création de l’Association de coopération entre coopératives de Kanagawa, qui a été lancée dans le cadre de la coopération entre les coopératives agricoles, de pêche et de consommation. Cette initiative a beaucoup grandi depuis la création du Comité de planification régionale de Kanagawa lors de l’Année internationale des coopératives en 2012 et elle est aujourd’hui en train de devenir le Réseau coopératif de Kanagawa.

Presque tous les types de coopératives au Japon sont régis par la législation nationale en vigueur dans le secteur auquel elles appartiennent. Par contre, les coopératives de travail associé et les collectifs de travailleurs n’ont pas encore de statut légal propre. Il y a peu de programmes de soutien direct aux coopératives mais les coopératives sont considérées comme des acteurs importants par les politiques publiques qui s’adressent à certains secteurs économiques tels que le secteur primaire et le secteur financier.

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ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN

Paraíba, Brésil

POPULATION (2012): 3,815,171 (13ème état sur 27) SUPERFICIE: 56,584.6 km2 CAPITALE: João Pessoa

Le Paraíba est un état du Nord-Est du Brésil qui est beaucoup plus pauvre et moins développé que le Sud industrialisé. Cependant, depuis le début de ce siècle, le Nord-Est a été le témoin d’un développement rapide grâce aux investissements de l’état. À la différence du reste du Nord-Est, la culture de la canne à sucre y est presque inexistante pour des raisons géographiques (relief accidenté). Les secteurs importants de l’économie sont l’élevage, la production textile et l’artisanat traditionnel.

Le mouvement coopératif y est relativement faible, si on le compare avec les états du Sud. Cependant, sa croissance est constante, dans la foulée du développement économique du Nord-Est du pays. Les principaux secteurs dans lesquels s’implantent les coopératives sont la santé, l’industrie, les services, l’artisanat (notamment, traditionnel), l’agriculture et les produits laitiers, ainsi que les transports suivis par le secteur du crédit, des entreprises d’utilité publique et l’éducation.

La principale organisation coopérative du Paraíba est OCB-Paraíba, l’organisation régionale d’OCB, la plus importante organisation de coopératives du Brésil. UNISOL, une autre grande organisation de coopératives du Brésil, est aussi active au Paraíba. Unimed do Brasil, un groupe coopératif de soins de santé dispose également d’une section importante au Paraíba.

Dans le cadre du système d’OCB mais tout en jouissant d’une certaine autonomie, le système SESCOOP se consacre à la formation et est financé par un petit pourcentage prélevé sur les salaires des travailleurs des coopératives. SESCOOP est la version coopérative de SEBRAE destiné aux PME du pays.

Le Brésil a une loi qui régit les coopératives de tous les secteurs. Elle a été approuvée sous le régime militaire, avant que ne soit établie la constitution démocratique dans les années 1980. En 2012, une loi consacrée uniquement aux coopératives de travail associé était approuvée, après 8 années de discussions. Bien qu’il aurait été plus logique de réformer en premier lieu la loi sur les coopératives en général, il a été jugé plus facile et plus urgent d’approuver une loi sur les coopératives de travail associé pour limiter la prolifération de fausses coopératives de travail associé (en réalité, des agences de prestation de travail flexibilisé) qui minait littéralement le champ des coopératives au Brésil.

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LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Québec, Canada

POPULATION (2011): 7, 903,001 (2ème des 13 provinces et territoires) SUPERFICIE: 1,542,056 km2 CAPITALE: Ville de Québec

Le Québec est une province située dans la partie orientale et centrale du Canada. C’est la seule province essentiellement francophone, dont la langue officielle est le français. Le secteur de la connaissance et les industries de pointe, telles que l’industrie aérospatiale, les technologies de l’information et les logiciels, le multimédia occupent une part importante dans l’économie québécoise. Les ressources naturelles comme les mines et forêts représentent une part significative de l’économie. Avec l’agriculture et la pêche, l’industrie agroalimentaire occupe une place non négligeable.

Le mouvement coopératif a joué un rôle fondamental dans l’histoire économique, sociale et politique du Québec. Depuis le début du 20ème siècle, les coopératives de crédit organisées par le mouvement Desjardins et les coopératives agricoles se sont développées en structurant leur propre secteur dans la société québécoise et ont été chefs de file du développement des coopératives en général. Entre 1930 et 1945, des réseaux de coopératives se sont créés dans d’autres secteurs comme la pêche, la sylviculture, la consommation alimentaire, l’achat de fournitures scolaires et les services funéraires. Le développement de coopératives de travail associé et de coopératives de consommation s’est intensifié dans les années 1980 dans certaines régions, en étroite collaboration avec les organisations syndicales. Depuis la fin des années 1980, de nouveaux types de coopératives, telles que les coopératives actionnaires et celles de solidarité voient le jour.

Le Conseil supérieur de la coopération a été fondé en 1940 par les dirigeants de différents syndicats et groupes de coopératives. Il s’est transformé en Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) qui est composé de 17 fédérations sectorielles qui en sont membres à part entière.

Le partenariat de longue date entre le mouvement coopératif et le gouvernement du Québec est un des facteurs du succès du mouvement coopératif dans la province. Au sein de ce gouvernement, la Direction du développement des coopératives du Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation est responsable de l’appui aux coopératives et du respect de la loi qui régit les coopératives au Québec. Le gouvernement du Québec offre plusieurs programmes financiers et un accompagnement technique aux coopératives en partenariat avec le mouvement coopératif. Les coopératives de développement régional, essentiellement financées par le gouvernement, jouent un rôle crucial dans ce soutien technique.

136


ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN

Santa Fe, ArgentinE

POPULATION (2010): 3,194, 537 (3ème province sur 24) SUPERFICIE: 133,007 km2 CAPITALE: Santa Fe de la Vera Cruz

Santa Fe est une province de plaines dans le Nord-Est de l’Argentine. Économiquement, elle occupe la deuxième place, notamment grâce à son développement agricole (10% du PIB de la province) et son industrie (22%). Elle offre un véritable paysage de pampa parsemé de champs de blé, de maïs, de tournesols et de soja. Elle dispose de nombreux ports céréaliers le long de ses principaux fleuves qui rejoignent le fleuve Rio de la Plata pour se jeter dans l’océan Atlantique, au Sud de Buenos Aires. Santa Fe a 21% de terres cultivables. Elles permettent de nourrir un cheptel de 6,5 millions d’animaux. Les principales industries sont associées à l’agriculture: industries agroalimentaires (farine, huile, produits laitiers) et équipements agricoles. L’industrie métallurgique y est aussi importante notamment à Villa Constitución où est établi Acindar.

Santa Fe est la province argentine qui connaît la densité la plus élevée de coopératives. Les premières coopératives y ont été établies dans les premières années du 20ème siècle, souvent par des immigrants italiens qui y ont introduit la notion même de coopérative. Les coopératives sont surtout agricoles, plus particulièrement céréalières, laitières et de soja. Un autre secteur significatif est celui des assurances, avec SANCOR Seguros et La Segunda qui figurent parmi les assureurs les plus importants du pays; ils ont tous deux leur siège à Santa Fe et ont la plupart de leurs membres dans la province. Une caractéristique importante en Argentine en général et à Santa Fe en particulier est le poids des coopératives d’utilité publique engagées dans la distribution de l’eau, de l’électricité et des services de téléphonie. Les premières coopératives de ces secteurs ont vu le jour dans cette province et ils figurent actuellement parmi les plus forts au niveau national. Enfin, les coopératives de travail associé sont en plein essor depuis 2002. Elles sont plus de 700 actuellement.

Il y a 3 confédérations de coopératives dans le pays: Coninagro qui regroupe les coopératives agricoles, Cooperar qui est une confédération intersectorielle et la CNCT qui fédère les coopératives de travail associé. Elles ont leur siège à Buenos Aires. Elles coopèrent de plus en plus ensemble.

Les coopératives en Argentine sont régies par une loi intersectorielle, et sont enregistrées et promues par l’organisme de l’économie sociale INAES du gouvernement central. La province de Santa Fe a également un organisme en charge des coopératives. La plupart des politiques de promotion sont décidées au niveau central.

137


LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Wisconsin, Etats Unis

POPULATION (2012): 5,726,398 (20ème état sur 50) SUPERFICIE: 169,639 km2 CAPITALE: Madison

Le Wisconsin est un des états situés au Nord et centre des États-Unis. Son économie est diversifiée bien que trois secteurs dominent dans des régions précises: le secteur manufacturier dans la ceinture industrielle du Sud-Est, l’agriculture – notamment, la production laitière – dans les 2/3 du Sud de l’état, le tourisme et les loisirs dans le Nord, où les arbres sont toujours verts et les lacs nombreux.

Les coopératives jouent depuis longtemps un rôle important dans l’économie rurale de l’état. La première mutuelle d’assurance urbaine s’y est créée en zone urbaine vers le milieu du 19ème siècle. Au début du 20ème siècle, une part importante de la fabrication de la crème et du fromage était détenue par les agriculteurs organisés en coopératives. Dans les années 1930, les coopératives de services de téléphonie et de distribution de l’électricité ont fourni ces services de base aux régions rurales. Les sièges de Credit Union National Association (CUNA), CUNA Mutual group et du World Council of Credit Union se trouvent à Madison, capitale de l’état. Les coopératives de travail associé, les coopératives de consommation et de logement sont très actives et très proches des mouvements de base. Selon une étude du Centre pour les coopératives de l’Université de Wisconsin, le Wisconsin serait le deuxième état en ordre d’importance à accueillir des coopératives et compterait 2,7 millions de membres.

Le Cooperative Network est une organisation intersectorielle qui représente plus de 600 coopératives du Wisconsin et du Minnesota. Il existe également des réseaux sectoriels et sous-régionaux de coopératives tels que la Dane Cooperative Alliance dans le comté de Dane.

Aux États-Unis, les coopératives ne jouissent pas d’un statut légal identique au niveau fédéral. Les personnes qui souhaitent s’organiser en coopérative dans le Wisconsin peuvent créer une entreprise coopérative aux termes du Chapitre 185 ou une association coopérative sans personnalité morale aux termes du Chapitre 193 des Codes de l’état du Wisconsin.

138


ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN

References

Encyclopedia Britannica - www.britannica.com Wikipedia – www.wikipedia.org

Gauteng Gauteng provincial government, 2007, Co-operatives Development Policy, Johannesburg: Gauteng provincial government DTI, 2012, Integrated Strategy on the Development and Promotion of Co-operatives, Pretoria: the dti Satgar, V., 2007, The State of the South African Cooperative Sector, Johannesburg: COPAC

Québec Canadian Co-operative Association, 2008, Co-ops in Quebec Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, 2013, Rapport d’activités 2012 – Les coopératives et mutuelles, des entreprises pour un monde meilleur, Québec: CQCM

Wisconsin University of Wisconsin Center for Cooperatives, 2007 (revised in 2014), Cooperatives in Wisconsin – The Power of Cooperative Action, Madison: UWCC

Émilie-Romagne Restakis, J. 2007, The Emilian Model – Profile of a Co-operative Economy

Pays basque OCDE, 2011, Examens de l’OCDE sur l’innovation régionale: Pays basque, Espagne Zevi, A., Zanotti, A., Soulage, F. and Zelaia, A., 2011, Beyond the Crisis: Cooperatives, Work, Finance – Generating Wealth for the Long Term, Bruxelles: Publication CECOP Informations soumises par Mondragon Corporation, Incidencia de Mondragon en el Euskadi y Navarra

139


ANNEXE 3 LISTE DES INTERVIEWS


Pays

AFRIQUE DU SUD

COREE DU SUD

Région

Gauteng

Gangwon

Nom de la coopérative

Type de coopérative

Activité principale

Statut de l’interviewé

Sexe

ANNEXE 3 - LISTE DES INTERVIEWS

Age

Tswelelane Bakery

Coopérative de travail associé

Boulangerie

Travailleurmembre

F

senior

Twanano Paper Manufacturing

Coopérative de travail associé

Artisanat, agriculture

Travailleurmembre

F

junior

Hlanganani agricultrural worker cooperative

Coopérative de travail associé

Agriculture

Travailleurmembre

M

moyen

Pretorium trust

Coopérative d’usagers

Crédit

Salarié

M

senior

Nonghyup

Fédération de cooperatives de production

Agriculture, banque

Producteurmembre

M

moyen

Nonghyup

Fédération de cooperatives de production

Agriculture, banque

Salarié

M

moyen

Wonju food cooperative

Coopérative sociale

Restauration

Salariée

F

junior

Wonju medical cooperative

Coopérative d’usagers

Services médicaux

Salarié

M

moyen

Balkeum Credit Union

Coopérative d’usagers

Banque

Salarié

M

moyen

Coopérative d’usagers

Distribution de nourriture biologique

Salarié

M

junior

Coopérative d’usagers

Distribution de nourriture biologique

Salarié

M

junior

Coopérative d’usagers

Distribution de nourriture biologique

Salariée

F

junior

Center Jigyodan Kanagawa Region Office

Fédération régionale de coopératives de travail associé

Fédération régionale

Travailleurmembre

M

junior

Kokoji

Coopérative de travail associé

Soins à la personne

Travailleurmembre

F

moyen

Kanagawa senior cooperative

Coopérative sociale

Soins à la personne

Travailleurmembre

F

moyen

Coopérative de travail associé

Assurance

Travailleurmembre

F

senior

Coopérative de travail associé

Assurance

Travailleurmembre

F

moyen

Seikastu-Club consumer cooperative

JAPON

Kanagawa

Workers’ Collective Mutual Insurance co., ltd

Remarques

Collective interview

Collective interview

141


Pays

ARGENTINE

Région

Santa Fe

Nom de la coopérative

Type de coopérative

Activité principale

Statut de l’interviewé

Sexe

LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Age

SANCOR Lacteos

Coopérative de production

Produits laitiers

Salarié

M

senior

SANCOR Seguros

Coopérative d’usagers

Assurance

Salarié

M

junior

Cooperativa de Provisión de Agua Potable Sunchales

Coopérative d’usagers

Fourniture d’eau potable

Salariée

F

junior

Fecotel

Fédération de coopératives d’usagers

Services de télécommunications

Salarié

M

moyen

Agricultores Federados Argentinos

Coopérative de production

Agriculture

Producteurmembre

F

moyen

FESCOE (Santa Fe Federation of Electricity Cooperatives)

Fédération de coopératives d’usagers

Fourniture d’électricité

Salarié

M

junior

Coopérative de travail associé

Metallurgie

Travailleurmembre

M

junior

Coopérative de travail associé

Metallurgie

Travailleurmembre

M

senior

Coapecal

Coopérative de production

Produits laitiers

Salarié

M

moyen

Taxi cooperative João Pessoa

Coopérative de production

Taxi

Producteurmembre

M

junior

Coop Extremo

Coopérative de production

Transport et tourisme

Producteurmembre

M

junior

Coopapel

Coopérative de travail associé

Papier

Travailleurmembre

M

senior

Women’s handicraft cooperative As Cabritas

Coopérative de production

Artisanat

Producteurmembre

F

senior

Handicraft cooperative

Coopérative de production

Artisanat

Producteurmembre

F

moyen

7 de mayo worker cooperative

BRAZIL

142

Paraiba

Remarques

Interview collectif


Pays

ITALIE

ESPAGNE

Région

EmilieRomagne

Nom de la coopérative

Type de coopérative

Activité principale

Statut de l’interviewé

Sexe

ANNEXE 3 - LISTE DES INTERVIEWS

Age

CMC Ravenna

Coopérative de travail associé

Construction

Travailleurmembre

F

moyen

EVOLUZIONI WEB

Coopérative de travail associé

TIC

Ex-travailleurmembre

M

moyen

COMACER Bagnacavallo

Coopérative de production

Agriculture

Producteurmembre

M

moyen

RAFAR Multiservice

Coopérative de travail associé

Multi-services

Salarié

M

senior

CREDITO COOPERATIVO

Coopérative d’usagers

Banque

Salarié

M

junior

Lavoratori del Mare

Coopérative de production

Pêche

Producteurmembre

M

senior

Coop Adriatica

Coopérative d’usagers

Distribution

Salarié

M

moyen

Consorzio Solco Imola

Consortium de coopératives sociales

Services sociaux

Travailleurmembre

M

moyen

ZEROCENTO

Coopérative sociale

Services sociaux

Travailleurmembre

F

junior

Behi-alde Koop.E.

Coopérative de travail associé

Produits laitiers

Travailleurmembre

M

senior

Mondragon Assembly S.Coop

Coopérative de travail associé

Manufacture

Travailleurmembre

M

moyen

Eroski

Coopérative d’usagers et de travail associé

Distribution

Travailleurmembre

F

moyen

Urkide Koop.E.

Coopérative de travail associé

Education

Travailleurmembre

M

moyen

Laboral Kutxa Koop.E.

Coopérative d’usagers et de travail associé

Banque

Travailleurmembre

M

moyen

Fagor Arrasate Koop.E.

Coopérative de travail associé

Manufacture

Travailleurmembre

M

junior

Garlan S.Coop.

Coopérative de production

Agriculture

Producteurmembre

M

moyen

Arizmendi Koop.E.

Coopérative de travail associé

Education

Travailleurmembre

M

senior

Pays basque

Remarques

143


Pays

CANADA

Région

Québec

Nom de la coopérative

Type de coopérative

Activité principale

Statut de l’interviewé

Sexe

LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL

Age

Desjardins Federation

Groupe de coopératives d’usagers

Banque

Salariée

F

moyen

Constructions ensemble

Coopérative de travail associé

Construction

Travailleurmembre

M

senior

Coopérative funéraire des Deux Rives

Coopérative d’usagers

Services funéraires

Salariée

M

senior

La coop Fédérée

Coopérative de production

Agriculture

Producteurmembre

M

senior

Novaide

Coopérative sociale

Services à la personne

Salariée

M

senior

M

moyen

Coopérative de travail associé

Ingégnérie

Travailleurmembre

Isthumus Coopérative de travail associé

Coopérative de production ETATS UNIS

Wisconsin

Ingégnérie

Salariée

F

moyen

Agriculture

Salarié

M

moyen

Agriculture

Salariée

F

junior

M

senior

M

moyen

Landmark Coopérative de production

Coopérative de travail associé

Taxi

Travailleurmembre

Union cab Coopérative de travail associé

144

Taxi

Travailleurmembre

Remarques


Pays

Région

Nom de la coopérative

Type de coopérative

Coopérative de production

Activité principale

Statut de l’interviewé

Sexe

ANNEXE 3 - LISTE DES INTERVIEWS

Age

Salarié

M

moyen

Produits laitiers, céréales

Collective

Organic Valley Coopérative de production

Coopérative de travail associé ETATS UNIS

Wisconsin

Center Point

Coopérative de

Counseling

travail associé Coopérative de travail associé

Remarques

interview

Produits laitiers,

Salarié

F

senior

M

moyen

M

moyen

céréales

Santé mentale

Santé mentale

Travailleurmembre Travailleurmembre

Santé mentale

Salariée

F

moyen

Assurance

Salariée

F

junior

F

junior

F

moyen

F

moyen

F

moyen

F

moyen

F

senior

Collective interview

Filiale d’une CUNA Mutual

fédération de

Group

cooperatives d’usagers Coopérative de travail associé

Gitanjali

Coopérative de travail associé Coopérative de travail associé

INDE

Manufacture

Manufacture

Manufacture

Travailleurmembre Travailleurmembre Travailleurmembre

Ahmedabad Coopérative de travail associé

Construction

Travailleurmembre

Rachayata coop Coopérative de travail associé Shaishav Balsewa Coopérative de Child care

travail associé

Construction

Soins à l’enfant

Travailleurmembre Travailleurmembre

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PHOTOS


PHOTOS

Page 45

Corporation Mondragon, Espagne par © Lydie Nesvadba

Page 46

Emilia Romagna, Italie par © Ken Welsh

Page 48

Coop Adriatica, Italie

Page 52

SEWA, Inde

Page 53

Cooperativa Telefónica de San Genaro, Argentine

Page 57

Coopnatural, Brésil

Page 59

Union Cab, États-Unis

Page 60

SEWA, Inde

Page 65

Image d’archive de Confcooperative Emilia-Romagna

Page 66

SEWA, Inde

Page 67

Coop Adratica, Italie

Page 68

Corporation Mondragon, Espagne par © Lydie Nesvadba

Page 71

Wonju Medical Cooperative, Corée du Sud

Page 73

Tswelelane Bakery, Afrique du Sud

Page 74

CoopAdratica, Italie

Page 81

Organic Valley, États-Unis

Page 83

Cooperar 7 de mayo, Argentine

Page 84

Wonju Food Cooperative, Corée du Sud

Page 86

Mouvement Desjardins, Canada par © Claude Cote

Page 87

SEWA, Inde

Page 88

Corporation Mondragon, Espagne par © Lydie Nesvadba

Page 90

AFA, Argentine

Page 92

Corporation Mondragon, Espagne

Page 96

Corporation Mondragon, Espagne par © Lydie Nesvadba

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À propos de CICOPA CICOPA, une organisation sectorielle de l’Alliance Coopérative internationale, représente les coopératives industrielles et de services dans le monde entier. Beaucoup de ces coopératives sont des coopératives de travail associé, c’est-à-dire, des coopératives où les membres sont les travailleurs de l’entreprise et qui se caractérisent par un type de relation de travail particulier, appelé “travail associé”, différent de celui des salariés traditionnels ou des indépendants. Une typologie nouvelle et croissante de coopératives représentées par CICOPA sont les coopératives sociales, à savoir des coopératives dont la mission est la production de biens et services d’intérêt général. CICOPA représente également les cooperatives de producteurs indépendants actifs dans l’industrie et les services.

À propos du Mouvement Desjardins Avec ses 45 000 employés, le Mouvement Desjardins est le premier groupe financier coopératif au Canada et le quatrième au monde, avec un actif de 222 milliards de dollars. Il figure parmi les 100 meilleurs employeurs au Canada selon le palmarès établi par Mediacorp Canada. Pour répondre aux besoins diversifiés de ses membres et clients, particuliers comme entreprises, sa gamme complète de produits et de services est offerte par son vaste réseau de points de service, ses plateformes virtuelles et ses filiales présentes à l’échelle canadienne. Considéré, en Amérique du Nord, comme la quatrième institution financière la plus sûre selon le magazine Global Finance et la plus solide selon l’agence d’information financière Bloomberg, Desjardins affiche des ratios de capital et des cotes de crédit parmi les meilleurs de l’industrie. De concert avec l’Alliance coopérative internationale, le Mouvement Desjardins accueillera, à Québec, le Sommet international des coopératives, du 6 au 9 octobre 2014.

9 782930 816012


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