Lettre Europe nº1 - Décembre 2013

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Lettre Commission Europe Edito Exactement six mois. Voici le délai qui nous sépare des élections européennes, au cours desquelles se cristallisera le rapport de force entre les peuples et les appareils austéritaires qui dominent la construction européenne. Cette lettre de la Commission Europe du Parti de Gauche effectue un rapide tour d’horizon des grands enjeux politiques au prisme des luttes, des élections et des analyses de fond. Elle centralise des informations marquantes, fruit d’un travail collectif que cette Commission souhaite partager avec l’ensemble des camarades du parti qui ne travaillent pas déjà en son sein. Elle part d’un constat, celui des coups de butoirs du néolibéralisme et de ses complices sociaux démocrates au pouvoir dans 16 pays de l’UE. Elle fait écho aux mobilisations qui surgissent, en réponse, et se lèvent dans tout le continent. Pour faire contrepoids à l’immédiateté et la concision du communiqué, elle laisse le temps à l’analyse, donne la parole à nos alliés internationalistes, à nos militants, en particulier ceux qui portent nos idées hors de France. Elle met en exergue le rôle que le Parti de Gauche joue dans le continent, comme aiguillon, modèle, partenaire qui dialogue autour de son projet de révolution citoyenne et de bifurcation écosocialiste. Elle partage une vision de la diplomatie et de la coopération fraternelle qui défend le programme du Front de Gauche, caisse de résonance du cri de 4 millions de voix derrière la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2012 et modèle d’alternative radicale au social-libéralisme avec lequel le Parti de Gauche ne transige pas. Première production de ce type par la Commission Europe, cette lettre doit s’installer dans la durée. Elle permet un dialogue entre militants et aimerait fournir des appuis forts concernant les perspectives européennes en cette année cruciale. Pour mettre dehors Barroso et la clique de conservateurs et de sociaux-démocrates qui l’entourent, notre plus grande force est celle de la vérité, des luttes, et de la discussion argumentée ! François Ralle Andreoli et Hadrien Toucel, co-responsables de la Commission Europe Édition, graphisme, contact : Claire Martin Hernandez

Sommaire 1. L’Europe sous la menace libérale

- Cyclone libéral à l’horizon, le GMT s’avance - p.1 - Revers pour les Tories ou feux de paille sous la pluie? - p.2 - La jeunesse grecque dans la tourmente - p.4

2. Argumentaire

- La conférence de Londres de 1953, inspiration pour rayer la dette grecque? - p.6

3. L’Europe des luttes

- Scandale Edward Snowden en Allemagne et mobilisation pour son asile politique - p.7 - Mobilisations dans l’éducation en Europe méditerranéenne - p.8 - Kishantos, ou le combat des producteurs bio hongrois - p.9

4. L’entretien : David Wagner, déi Lénk - p.10 5. Le Parti de Gauche et l’Europe - Le Parti de Gauche en Espagne et en espagnol - p.12 - Les assises franco-belges pour l’écosocialisme, un impact fondateur - p.13 - La diplomatie écosocialiste en Grande-Bretagne : noyaux durs et naphtaline - p.14 - La double militance : entretien avec Thierry Stasica - p.15

6. Dossier : élections en Europe On participé à la préparation de ce numéro : Georges Auspitz, Alan Confesson, Baptiste Deriquebourg, Pierre Durant (PG Benelux), Eleni Ferlet, Bruno Fialho, Tatiana Jarzabek (PG Londres), Guillaume Mariel (PG Italie), Claire Martin Hernandez (PG Espagne), Arthur Morenas (PG Pérou), Mathilde Panot, François Ralle Andreoli (PG Espagne), Antoine Salles, Sylvain Savier (PG Londres), Thierry Stasica(PG Allemagne), Eric Torrebore (PG Australie), Hadrien Toucel, Thomas Van Zwol (PG Benelux), Dimitri Zurstrassen (PG Espagne)

- Élections anticipées au Luxembourg - p.16 Élections législatives en République Tchèque - p.19

- Élections locales au Danemark - p.20

7. Regards d’autres continents

- Veut-on vraiment achever la barrière de corail australienne ? - p.21

Lettre de la Commission Europe du Pôle International du Parti de Gauche

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1. L’Europe sous la menace libérale Cyclone libéral à l’horizon, le GMT avance

Par Antoine Salles Peu d’informations sur le contenu exact des négociations transatlantiques sont accessibles. En effet, bien consciente que les peuples européens pourraient s’élever contre le démantèlement de leurs services publics, l’introduction d’OGM ou l’exploitation forcée des gaz de schiste, la Commission Européenne préfère user de négociations secrètes, caractérisées par un blackout médiatique particulièrement impressionnant.

Les informations qui filtrent sont par contre inquiétantes. La Commission a mis en ligne un document sur ses positions initiales (n’étant disponible qu’en anglais évidemment). Dans ce document illisible s’étale la doxa libérale. Par exemple, on apprend que la Commission voudrait limiter, via ce traité, l’intervention des Etats dans la fixation des prix de l’énergie. Des objectifs environnementaux et sociaux sont bien acceptés par la Commission, mais ils sonnent bien creux lorsqu’on apprend dans la phrase d’après qu’il faudrait à tout prix « laisser le marché fixer les moyens d’y parvenir ». Et on touche carrément le fond avec cette perle : « les normes sociales et environnementales ne doivent pas être utilisées comme une forme de protectionnisme déguisé ». Donc, oui aux vœux pieux, mais non à une vraie protection des travailleurs et de l’écosystème ! Par ailleurs, un certain double langage est mis à jour avec ce document. En effet, récemment, Karel de Gucht, commissaire européen au commerce, a déclaré que du poulet lavé au chlore sur le marché européen

n’était pas un problème puisqu’il y aurait un étiquetage clair qui informe le consommateur. Mensonge encore ! Dans ce document qui présente les positions de la Commission avant la négociation, il est écrit noir sur blanc qu’il faut réduire au maximum le marquage obligatoire, et donc l’information des consommateurs dans un environnement à risque. Mais tout cela, répète la Commission à l’envi, au nom de la sacro-sainte croissance. Et d’agiter comme preuve une étude commandée par elle pour faire la promotion du GMT. Le chiffre avancé est un gain de 0,5% de croissance. Mais lorsqu’on regarde l’étude en question, les choses se compliquent. D’abord, le gain de 0,5% de croissance est prévu par le scénario le plus optimiste de l’étude. Le scénario le plus probable prévoit, lui, un gain d’un peu moins de 0,3%. De plus, on ne parle pas de croissance annuelle du PIB mais d’ici 2027, c’est-à-dire, sur 12 ans (la signature du GMT est prévue pour 2015). Rapportée en taux de croissance annuel moyen, cela fait donc 0,002% (cas optimiste) ou 0,001% (cas probable) de croissance en plus chaque année prévu par l’étude. C’est donc ça, la solution des libéraux pour sortir de la crise : supprimer toutes nos normes sociales et environnementales pour 0,001% de croissance par an. De toutes manières, cette étude est une vaste blague, qui n’a que peu de valeur scientifique. Ce que l’on sait, par contre, c’est que de l’ALENA, traité de libre-échange comparable au GMT signé entre le Mexique, les EtatsUnis et le Canada, a résulté une perte nette d’un million d’emplois aux Etats-Unis 10 ans après sa signature (étude de l’Economic Policy Institute). Nous ne connaissons pas beaucoup donc le contenu des négociations en cours mais nous savons déjà une chose : ce traité est conçu pour les intérêts des multinationales, il est dangereux pour les peuples.

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Revers pour les Tories ou feux de paille sous la pluie?

Par Sylvain Savier Coup sur coup, les hautes juridictions britanniques ont jugé illégales deux mesures anti-sociales du gouvernement Cameron. Il était temps et les militants anti-austérité peuvent se réjouir de ces victoires arrachées de longue lutte. Mais il en faudra bien davantage pour empêcher le bulldozer Tory de finir sa démolition du Welfare-State, d’autant plus que le néolibéralisme se renforce en concédant des victoires à la Pyrrhus.

nonyme de gaspillage que de manque à gagner pour les entreprises en charge de ces privatisations. Les amputations budgétaires sévères dans le NHS sont ainsi la contribution du gouvernement néolibéral au business plan des « entrepreneurs ». Ces derniers prétendront bientôt avoir amélioré le service alors qu’ils l’auront simplement désasphyxié de financement, avec précision, avec parcimonie, on peut même dire “en douce”. Un comble pour les chantres de la concurrence à la loyale ! Les basses manœuvres du ministre à l’égo blessé pour tenter de contourner le verdict vont certainement améliorer aux yeux de ses maîtres sa performance au sein de l’équipe gouvernementale. En revanche l’étau financier qui comprime le NHS continue de dégrader la qualité des soins dispensés au public. Tel est le cynisme sous l’empire duquel procèdent ces agents du néolibéralisme. Qu’est-ce que la loi pour ce ministre sinon un encombrement à contourner? Quelle est son idée de l’intérêt général sinon le siphonage des ressources collectives motivé par une haine de classe ordinaire?

Déviance

Victoire? La décision de couper les services d’urgences et de maternité était, selon Jeremy Hunt, ministre de la santé britannique, censée « améliorer la qualité des soins » à l’hôpital de Lewisham, au sud de Londres. Or en août un juge avait statué que ces coupes étaient illégales. Dépensant le denier public sans compter lorsqu’il s’agit de défendre la cause du capital, Jeremy Hunt avait alors fait appel de la décision. Patatra ! Mardi 29 octobre il a de nouveau perdu, la cour d’appel jugeant qu’il n’a pas le pouvoir d’imposer des coupes à cet hôpital, en bon état par ailleurs, dont les finances sont grevées par le remboursement de sommes astronomiques aux investisseurs prédateurs qui s’emploient à ruiner le NHS (National Health Service, service de santé publique) pour mieux le privatiser. L’emblème historique du service public britannique est en effet victime d’un scandale financier visant le consortium privé chargé de construire et rénover ses hôpitaux. Financés par Barclays Private Equity et des hedge funds, certains de ces projets finissent par coûter au contribuable plusieurs fois le prix de l’édifice, rien qu’en intérêts! Pour les idéologues actuellement aux manettes du Royaume-Uni, l’important poste de dépense publique que représentent les services de santé n’est en réalité pas tant sy-

Autre dossier, autre idéologue. Ian Duncan Smith, ministre du travail et des retraites, dont il est dit dans un récent ouvrage que même George Osborne le trouve un peu « thick » (littéralement « épais » mais clairement stupide), cette brute cérébrale donc s’est distinguée par son programme « Back to work » obligeant les bénéficiaires de l’indemnité chômage à effectuer un travail à plein temps et non rémunéré, sous peine de voir leur allocation supprimée. Ne s’apparentant à rien de moins que du travail forcé, le but avoué de ce morceau de bravoure était de réduire la dépense en allocations chômage, alors même qu’au tarif unique de £72 Livres par semaine le régime britannique est déjà le moins « social » d’Europe. Le 30 octobre c’est la Cour Suprême qui rendait son verdict dans une action intentée par Cait Reilly, une étudiante qui en impose par sa pugnacité militante. Bien que la Cour ne soit pas allée jusqu’à estimer que ce programme constituait du travail forcé ou obligatoire, elle a néanmoins décidé qu’il était illégal dans la mesure où le gouvernement n’a pas fourni au parlement ni aux millions de demandeurs d’emploi une information adéquate sur ce projet délirant. On imagine que le gouvernement va devoir à présent rembourser leurs indemnités aux 250.000 personnes qui avaient dû y renoncer, pour un montant total de £130 millions de Livres. Or, le ministre pensait-il atteindre ses objectifs tout en finesse qu’il n’hésite pas à recourir au rouleau compresseur pour autant. En effet, sentant souffler le vent du boulet, Ian Duncan Smith avait pris dès ce printemps les mesures législatives d’urgence et rétroactives pour empêcher ce dénouement.

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C’est ainsi qu’un ministre est accusé en Angleterre, en 2013, de « conspiration en vue de porter atteinte aux droits fondamentaux de l’homme », dans un contrôle judiciaire initié par les avocats des plaignants. Ces victoires sont certes retentissantes dans les médias mais il ne s’agit somme toute que de manches perdues par les néolibéraux sur des aspects techniques. Car la justice ne condamne ni le projet de démantèlement du service public ni la violence arbitraire infligée aux chômeurs, aux pauvres, aux handicapés, aux exclus de toute sorte.

«In it together» Les méthodes inadaptées produisent les échecs attendus. C’est à tel point avéré que c’est dans le Daily Telegraph, média du conservatisme pur jus et du fondamentalisme de marché. « Du coût de la vie aux normes de santé et d’éducation, pratiquement toutes les mesures par lesquelles nous évaluons le progrès économique vont brusquement en marche arrière. » Mais attendus par qui au fait ? On en vient à se demander si tout cela ne relève pas effectivement d’une stratégie du choc suivie d’une trêve stabilisatrice du front. A n’en pas douter le but est bien la capitulation par tout le corps social, de guerre lasse et sans condition, aux exigences du marché. La fin de la grève à la raffinerie de Grangemouth, en Ecosse, donne un exemple probant de la bonne performance globale du projet néolibéral. Les travailleurs rembrayent le 25 octobre à l’usine avec un air soulagé et triomphal. La BBC et David Cameron s’empressent de dresser le portrait d’un dirigeant syndical tyrannique et malhonnête. Quant au premier ministre écossais, Alex Salmond, il aurait promis au syndicat, moyennant l’arrêt de la grève, la nationalisation du site si l’Ecosse acquiert son indépendance en 2016, conformément aux positions du Scottish National Party en matière d’infrastructures publiques. La BBC a gagné; Alex Salmond, a gagné; le représen-

tant local du syndicat Unite a gagné, l’entreprise a gagné. Tout le monde a gagné. We’re all in it together ! Sauf que, comme l’écrit Richard Seymour, « c’est la défaite la plus grave du mouvement ouvrier britannique depuis des années, sans qu’un seul coup ait été porté. Pas une seule concession des propriétaires, en revanche le syndicat consent à tout, du gel des salaires à la fin de l’indexation des retraites sur le salaire final, en passant par la fin sur le site des coordinateurs syndicaux à temps plein » , le tout couronné d’une garantie de non-grève pendant trois ans. Les agendas s’entremêlent, obscurcissent les enjeux et brouillent les grilles de lecture. La résistance s’organise lentement et peine à rassembler la gauche de combat. Difficile dans ces conditions d’imaginer que des feux de paille soient capables d’embraser bientôt une plaine savamment défrichée par un empire tout-puissant. La cohésion sociale n’existant que par sous-ensembles communautaires, chacun s’accommode (ou pas) du régime d’austérité dans son coin, Et lorsque les esclaves cessent de marcher pour leurs maitres, le pouvoir néolibéral sait encore au bon moment donner ce qu’il faut de bride. L’élastique se tend mais ne rompt pas.

C’est la saison des feux d’artifice en Grande-Bretagne, et comme chaque année ceci est affaire de communautés. Les hindous célèbrent Diwali, la fête védique de la lumière; quant aux anglais de souche, ils commémorent Guy Fawkes ou plutôt l’échec de sa tentative de régicide en 1605, la « conspiration des poudres ». Les supermarchés commencent à vendre l’analgésique de la Noël. Il fait 17 degrés un 1er novembre. Time is running out !

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La jeunesse grecque dans la tourmente Par François Ralle Andreoli Le cycle infernal austéritaire s’abat sur tout sur ce que nous avons de plus précieux, à commencer par la jeunesse, l’éducation et la culture. En Grèce certains ont voulu faire d’une anecdote le symbole de cette Europe de toutes les régressions. Il y a un an, l’olivier de Platon, (en fait un arbre qui avait été replanté au même endroit que l’olivier plurimillénaire et avait fait souche) a été coupé pour faire du bois de chauffe, dans le contexte de la crise. Les politiques d’austérité frappent de façon inédite la jeunesse méditerranéenne en renforçant le cycle infernal de la récession - donc du chômage des jeunes - en provoquant le renchérissement des frais universitaires et en sapant les programmes publics d’éducation et de formation professionnelle. En Grèce, les jeunes ont vu leurs conditions de vie se dégrader très vite dans un pays à la dérive : + 27 % d’homicides et + 22% de suicides entre 2007 et 2009, + 57 % de nouveaux cas d’infections par le VIH entre 2010 et 2011, suite aux coupes sombres dans la santé, dans la prévention et avec l’explosion des conduites à risques quand on a perdu l’espoir de trouver une place dans la société.

L’université publique démantelée Le système universitaire est une des principales cibles des restrictions budgétaires suite aux plans d’ajustements soumis à la Grèce par la Troïka. Depuis 4 ans, le budget des universités a été réduit de près d’un quart ! Un plan de restructuration, sinistrement nommé « Athéna », en mars 2013, a mis fin à l’universalité et à la gratuité des universités pourtant inscrite dans la constitution de l’après dictature. On comprend mieux pourquoi les agences de notations et immédiatement dans la foulée la commission européenne considèrent que les constitutions des transitions démocratiques portugaise, espagnole ou grecque sont inadaptées aux réformes « nécessaires ». Peu importe la constitution, les facultés fermeront en Grèce. « Athèna » prévoit la fermeture de 400 départements universitaires et de 4 centres universitaires, ainsi que la privatisation accrue de l’enseignement, ce qui renforcera la difficulté d’accès aux études. En septembre dernier, en signe de protestation contre les suppressions massives de postes, les deux plus prestigieuses universités du pays (l’Université nationale d’Athènes et la Polytechnique d’Athènes où la révolte contre la dictature militaire avait commencé en 1973) ont suspendu leurs activités, après la demande de suppression de plus de 1300 emplois, soit 38% de leur personnel administratif. Comme dans le cas de la fermeture de la chaîne publique de radio-télévision ERT, les mesures ne sont pas qu’économiques. Ainsi, le droit d’asile universitaire a été supprimé en 2011 par la ministre Diamantopolou (du PASOK !) pour permettre à la police d’intervenir dans l’enceinte des universités en cas de mouvements étudiants, tout un symbole pour les Grecs depuis les années 1970.

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L’exil des jeunes grecs, une aubaine pour Mme Merkel Dans ce contexte, il devient difficile pour les plus jeunes d’accéder à l’université. Ceux qui en sortent diplômés sont quant à eux confrontés à un taux de chômage de près de 60% chez les moins de 24 ans et de 28 % dans tout le pays. Les diplômés sont dès lors contraints de choisir l’émigration, à la grande satisfaction des pays d’Europe du Nord qui reçoivent ainsi une main d’œuvre qualifiée dont la formation n’a rien coûté et dont les exigences salariales et syndicales sont moindres. Le rapport allemand Destatis du 7 mai 2013 indique que le solde migratoire grâce aux arrivées d’Europe de l’Est et du Sud est un record depuis 1996 en Allemagne. Le flux de Grecs qui partent chaque année vers l’Allemagne a ainsi triplé. Pas d’El Dorado pour autant, ne pas maîtriser la langue

produit souvent un fort déclassement et le choix d’un emploi pour lequel ces jeunes sont surqualifiés. C’est en tout cas une aubaine démographique : la population allemande décroît depuis 2003 et avec un taux de natalité très bas (1,39 enfant par femme), le pays est incapable d’assurer sans migrations le renouvellement des générations. La ministre du travail allemande Ursula von der Leyen s’est donc cyniquement réjouie publiquement de ces arrivées et estime qu’il faut continuer à répondre à un besoin de 100.000 à 200.000 travailleurs qualifiés par an pour certains secteurs et pallier les départs à la retraite d’une population vieillissante. Peu importent les conséquences pour la Grèce et le fait que ces départs hypothèquent les scénarios de reprise et l’avenir des pays euro-méditerranéens. Il existe d’ailleurs un site de la commission européenne qui facilite la mobilité de l’emploi et ces migrations de main d’œuvre inter-UE : le portail Eures1 dans lequel le nombre de demandeurs d’emplois grecs s’est envolé et où évidemment les principales offres d’emplois proviennent d’Allemagne (300 000 offres) et de Grande-Bretagne (+ d’1 million). Cette situation se répète malheureusement dans toute la Méditerranée. 700.000 espagnols ont quitté leur pays depuis le début de la crise, dont de nombreux jeunes. Des collectifs et mouvements sociaux se créent pour dénoncer cette situation, comme celui des « Jeunes Sans Futurs » ou de http://www.nonosvamosnosechan. net, « on ne part pas on nous expulse » qui cartographie et fédère ces exilés économiques forcés des temps modernes. 1. https://ec.europa.eu/eures

Estíbaliz, 26 ans. Infirmière. Démantèlement de la santé publique. J’habite à Brighton, Royaume-Uni.

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2. Argumentaire La conférence de Londres de 1953, inspiration pour rayer la dette grecque ? Par Hadrien Toucel Inspirateur du plan de Syriza d’une grande conférence européenne sur l’annulation des dettes, l’accord de Londres sur les dettes extérieures allemandes du 27 février 1953 est triplement intéressant. Tout d’abord, idéologiquement, il montre la capacité des pays européens à annuler des dettes publiques lorsque le surplus qu’elles absorbent nuit à l’activité macroéconomique générale – en tous cas, la capacité à les annuler avant que la catastrophe ne commence. Deuxièmement, il révèle les modalités techniques envisageables, car précédemment déjà appliquées, pour y procéder. Enfin, d’un point de vue plus ironique, il rappelle à la République Fédérale Allemande qu’elle doit son décollage économique et sa reconstruction d’après-guerre, en partie, à la restructuration des dettes publiques. Son obsession à faire payer les Grecs confine ainsi à la névrose historique.

Accord sur les dettes extérieures allemandes du 27 février 1953 Pays signataires : Etats-Unis d’Amérique, Belgique, Canada, Ceylan, Danemark, Espagne, République Française, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Grèce, Iran, Irlande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Norvège, Pakistan, Suède, Suisse, Union de l’Afrique du Sud, Yougoslavie, République Fédérale d’Allemagne. Conclusion : 22 pays, dont la Grèce, décident d’éponger 50% de leurs créances vis-à-vis de la RFA, qui peine à se redresser économiquement. La RFA invoque : • 21% du PIB d’endettement (7 fois moins que la Grèce) • Une dette de 29,5 milliards de Deutschmarks (DM) avant l’Accord, composée comme suit : o 13,5 milliards DM antérieurs à la guerre o 16 milliards postérieurs à la guerre A noter La RFA avait déjà reçu 1,17 milliards de dollars par le Plan Marshall (3 avril 1948-30 juin 1952), et 200 millions de dollars par l’USAID, entre 1954 et 1961 (équivalents à 12 milliards de dollars actuels). La RFA obtient les clauses suivantes : • 50% d’endettement annulé : la dette est ramenée à 14,3 milliards de DM par l’Accord : o 7,4 milliards de DM antérieurs à la guerre o 7 milliards postérieurs à la guerre. •

Possibilité de stopper le remboursement en cas de déficit commercial (les créanciers devaient ainsi importer des produits allemands pour se voir rembourser leur dette) ; o Diminution des intérêts des créances d’avant- guerre (taux appliqué au prêt Dawes ramené de

7% à 5%, taux du prêt Young ramené de 5,5% à 4,5%) ; o Droit pour l’Allemagne de rembourser dans sa monnaie nationale l’essentiel de la dette ; •

Plafonnement du service de la dette à 5% des exportations.

Souveraineté supérieure des tribunaux allemands, qui « pourront refuser d’exécuter, au titre du par. 3 du présent Article, la décision d’un tribunal étranger ou d’une instance arbitrale (à l’exception des instances arbitrales instituées par application des dispositions du présent Accord et de ses Annexes) dans toute affaire (…) dans laquelle l’exécution de la décision serait contraire à l’ordre public dans la République Fédérale d’Allemagne ». A noter En 1946, l’Allemagne est condamnée à régler 7 milliards de dollars à la Grèce pour les réparations de l’occupation. Le montant n’est pas réglé par l’Accord de Londres. L’Allemagne a ensuite fait valoir que l’acceptation par la Grèce de la réunification allemande via le Traité de Moscou privait la Grèce de ses réclamations. Cette dette de 7 milliards de dollars s’élèverait désormais, avec les intérêts, à 80 milliards d’euros.

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3. L’Europe des luttes Scandale Edward Snowden en Allemagne et mobilisation pour son asile politique

Par Mathilde Panot L’hebdomadaire Der Spiegel a publié lundi 4 novembre, un dossier demandant au gouvernement allemand l’asile politique pour Edward Snowden, l’ancien agent de la NSA qui a mis à jour le scandale des écoutes des citoyens et gouvernements par les EtatsUnis. 51 personnalités se joignent à cet appel et demandent aux autorités de soutenir Edward Snowden contre la campagne de persécution et l’inculpation d’espionnage dont il est victime. Parmi eux Gregor Gysi de Die Linke, des artistes ou même l’ancien secrétaire général de la CDU, Heiner Geißler. Le magazine y rend public un « Manifeste pour la vérité » du lanceur d’alerte dans lequel il rappelle que « la surveillance massive est un problème mondial qui nécessite une solution mondiale » et qui constitue

une « menace pour la vie privée » mais également pour « la liberté d’expression et l’ouverture de la société ». Il en appelle au « devoir moral de faire en sorte que nos lois et nos valeurs limitent les programmes de surveillance et protègent les droits de l’Homme ». Pour ce faire, il demande « un débat ouvert, respectueux et

éclairé » jusque là empêché par des gouvernements confondus par les révélations qui ont « initié une campagne de persécution sans précédent ». Puis il affirme qu’aujourd’hui, l’opinion publique est prête pour ce débat mondial et que son geste a été utile « puisque des réformes sont proposées pour mieux contrôler [ces dérives] et envisager l’élaboration de nouvelles lois ». Il appelle finalement les citoyens à « lutter contre la rétention d’information sur des questions d’importance vitale pour la société ». Et tandis qu’Edward Snwoden rappelle à la fin de son manifeste que « celui qui dit la vérité n’est pas un criminel », nos gouvernements, à la suite de la France, les autorités allemandes ont fait savoir qu’elles refusaient de lui accorder l’asile politique, l’«Alliance transatlantique rest[ant] de la plus haute importance pour les Allemands », selon le porte-parole du gouvernement Steffen Seibert. Et pire, nos gouvernements reprennent même les négociations sur le grand marché transatlantique comme si les Etats-Unis n’avaient aucunement porté atteinte à leur souveraineté. L’Allemagne, tout comme la France, capitulent devant l’impérialisme états-unien.

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Mobilisation dans l’éducation en Europe Méditerranéenne Grève générale de l’éducation en Espagne Par Claire Martin Hernandez L’ ensemble du secteur de l’éducation espagnol, la «marée verte», reprenait le 24 octobre le flambeau de la lutte, suite à la mobilisation du 9 mai dernier pour une troisième journée de grève convoquée par le Syndicat des Étudiants (collèges, lycées, formation professionnelle et universités) auquel se sont joints pour manifester la Ceapa (parents d’élèves), les syndicats d’enseignants FE-CCOO, FETE-UGT, STES et d’autres organisations telles que Estudiantes en Movimiento et Estudiantes Progresistas FAEST. La grève a également été suivie dans l’Enseignement primaire. Au total, dix millions d’élèves et 800.000 professeurs étaient appelés à se mobiliser contre les coupes budgétaires imposées au secteur éducatif et contre la réforme portée par la LOMCE (Loi Organique pour l’Amélioration de la Qualité Éducative) du très controversé ministre Wert. Les critiques faites à la LOMCE comprennent en particulier le rejet des coupes budgétaires dans l’éducation nationale entraînant la dégradation des conditions de travail, des projets de privatisation, du caractère discriminatoire de cette loi, de la suppression de la nouvelle matière « éducation aux valeurs » remplaçant l’éducation civique et de l’obligation des cours de religion, et de la recentralisation qui engendre un affrontement inutile avec les autonomies. La mobilisation a rencontré un franc succès avec un suivi massif de la grève de la part des enseignants (plus de 70% de grévistes en moyenne sur toute l’Espagne selon le syndicat ANPE). Des centaines de milliers de manifestants répartis sur 70 manifestations dans tout le pays (250.000 personnes à Madrid, 170.000 à Barcelone, selon la centrale CC.OO) se sont rassemblés autour d’un appel commun rendu public qui stipulait que ces mesures incarnent « une véritable attaque de notre modèle social et qu’une société démocratique ne peut admettre sans renoncer à sa liberté et à ses droits. » Les collectifs en grève demandent le report de la lecture parlementaire du texte afin d’obtenir un engagement du Gouvernement en faveur de l’enseignement public, l’ouverture immédiate des négociations du Statut d’Enseignant et un pacte a minima entre l’État et les communautés autonomes.

Grève reconductible dans les écoles grecques Par Baptiste Deriquebourg Depuis le début de la crise, « pour réduire les dépenses publiques» : remplacement d’un départ à la retraite sur cinq pour les fonctionnaires, renvoi des non titulaires, certains titulaires mis en « réserve » un an à salaire diminué, puis au chômage ; baisse de salaire pour tous, donc aussi les profs ; deux heures hebdomadaires de service supplémentaire pour les professeurs, parfois dans un autre établissement que celui où le professeur exerce à l’origine. Au printemps dernier, la visite de la Troïka a eu pour résultat l’engagement de la part du gouvernement de supprimer 15.000 postes de fonctionnaires dans l’année, dont 4300 avant septembre. Le gouvernement a annoncé qu’il taperait sur les enseignants (entre autres : également ERT et employés municipaux) pour cela. D’où une mobilisation début mai, où les professeurs ont voté à des majorités écrasantes (90 à 100% selon régions) une grève générale malgré les menaces de licenciement immédiat de la part du gouvernement (procédure de la réquisition de fonctionnaires, non valide dans ce cas et donc anticonstitutionnelle, mais quand même utilisée, et de façon « préventive »), laquelle grève aurait conduit à l’annulation des examens panhelléniques. La centrale syndicale OLME (FSU-SNES ; contrôlée par PASOK-ND et le SYRIZA, qui a refusé l’épreuve de force) a le lendemain du vote des professeurs retiré son propre préavis de grève, ce qui a eu un écho énorme («syndicats traîtres »). Pendant l’été, 2122 enseignants ont été licenciés (leurs noms sont accessibles sur internet!), avant même le vote de la loi (10 septembre) qui les licencie. Ils enseignaient dans 50 filières professionnelles qui sont supprimées par la même occasion, les élèves étant abandonnés à leur sort, ou invités à poursuivre leurs études dans des écoles privées. Au mois de septembre, les enseignants se lancent dans une grève reconductible, qui dure finalement une petite dizaine de jours – le 25 septembre, les dirigeants de la centrale syndicale OLME (=FSUSNES) annoncent la suspension de la grève, et « la poursuite de la lutte par d’autres moyens ». 250 établissements étaient alors occupés par leurs élèves, occupations qui ont continué un certain temps. A l’heure actuelle, une journée de grève dans l’éducation a eu lieu le 31 octobre, et la participation à la journée de grève générale du 6 novembre. Début octobre, des élèves de Grèce centrale ont été condamnés à des peines de prison ferme pour avoir participé à l’occupation de leur lycée.

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Kishantos, ou le combat des producteurs bio hongrois Par Georges Auspitz Rappel : en régime communiste, il n’y a pas de propriété privé. À la chute du mur, l’État libéral se retrouve à la tête d’un patrimoine dont il ne sait que faire. Les habitations et logements ont été remis à ceux qui les habitaient. En Hongrie, la proportion de propriétaires est particulièrement élevée. En ce qui concerne les terres agricoles, la situation est plus diverses : l’État en est resté propriétaire pour une grande part, d’autant que peu de candidats se présentaient pour exploiter des plus grandes surfaces, faute de moyens financiers. Les terres dont il est question ici sont donc propriétés de l’État Hongrois. C’est pour satisfaire une demande croissante en produits biologiques de la part de l’Allemagne et de la Suisse que s’est mis en place ce projet de Kishantos, à l’aide de capitaux allemands et suisses. Après 20 ans de mise en valeur exclusivement en bio, la terre est aujourd’hui d’une qualité très supérieure. La Hongrie est une terre faite de sable et de marécages. Kishantos se trouve dans le département de Fejér (prononcer “Fèjér”), département qui se trouve au sud de Budapest, à l’ouest du Danube en regardant la carte. C’est dans ce département qu’a été construite de toute pièce, autour d’une aciérie ultramoderne à l’époque, la ville de Dunaujvàros (Villeneuve du Danube), appelée autrefois Sztalinvàros (par analogie Stalingrad). Cette ville a été le symbole de la construction du socialisme en Hongrie. Son histoire mériterait d’être réévaluée. En se dirigeant encore plus à l’ouest, toujours en regardant la carte, on trouve Hantos et Kishantos, “kis” voulant dire “petit”. Toute cette région n’était autrefois qu’un désert de sable, la Puszta, et des marécages, la région se trouvant presque au niveau de la mer. Les noms de lieux à quelques kilomètres autour : Szarvaspuszta (le désert du Cerf), Vilàgospuszta (le désert clair), Mélykùt (le puits profond), Mélykùtpuszta (le désert du puits profond), et ainsi de suite. Kishantos se trouve au bout d’un chemin après avoir quitté la « grande route ». Ensuite, il n’y a que la plaine hongroise. La bail arrivant à échéance, l’État, démocratiquement, morcelle en 10 lots l’ exploitation, en apportant toutes sortes de justifications, et lance un appel d’offre. Les gens de Kishantos ont participé à cet appel d’offre, ils n’ont réussi à décrocher aucun des 10 lots. Parmi les heureux gagnants, on trouve très peu d’agriculteurs. Les énumérer tiendrait de l’inventaire à la Prévert. Ces gens-là se sont donc présentés sur place, le lundi 4 novembre, pour rentrer en possession de “leur bien”. Il faut encore savoir que sur ce domaine il n’y a pas qu’une exploitation agricole. Il y a encore, et presque surtout, un centre de formation supérieure en agriculture biologique, pour assurer la pérennité de ce mode de culture sur ces terres. Mais il y a un arrière-plan politique, car tout l’ensemble est géré par une société par actions sans but lu-

cratif, ils disent “non-profit”, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune distribution de dividendes et les bénéfices sont réutilisés pour le bien de la collectivité. C’est bien entendu cet aspect-là du problème qui les condamne à mort sous le régime Orbàn. L’appel d’offre n’a bien entendu pas été transparent. Pour les pratiques du régime en la matière, voici un exemple : le gouvernement a nationalisé la distribution du tabac, avec ce qu’il faut de justifications en ce qui concerne la santé des mineurs. Il a créé à travers le pays des “boutiques à tabac” (nemzeti dohànybolt) et a lancé un appel d’offres pour l’attribution des licences, toutes attribuées à des membres de son parti. C’est avec ce type de pratiques que les hongrois ne veulent plus entendre parler de nationalisation. Le privé serait un obstacle à ce genre de manipulations. Tout le monde sait, en Hongrie, que l’appel d’offres pour les terres de Kishantos s’est déroulé de la même façon, au regard du groupe hétéroclite des attributaires qui en a résulté. Seule comptait la fidélité au parti au pouvoir. Aucun ne continuera l’agriculture biologique. La bataille est maintenant engagée. La visite des nouveaux locataires, lundi 4 novembre, s’est conclue par un constat de «non transmission des terres». Les gens du terrain sont en train de constituer une troupe capable de se mobiliser sur place en 3 heures, au cas où les nouveaux “propriétaires” reviendraient tenter de prendre par la force ce qu’on ne leur a pas laissé prendre de bonne grâce. Des gens commencent à arriver sur les lieux d’un peu partout, 40 étudiants danois étaient attendus aussi. Par ailleurs, sur le plan juridique, l’appel d’offres est remis en cause devant les tribunaux. Sur le plan financier, les investissements réalisés depuis 20 ans pour obtenir des terres de cette qualité doivent être indemnisés par les nouveaux attributaires. On peut imaginer qu’aucun ne dispose des moyens nécessaires pour se payer un tel joyau.Greenpeace à pris en charge le dossier à bras le corps et va en faire une cause internationale, comme pour la défense des baleines. C’est dire qu’on va encore en entendre parler. Notre intérêt, au Parti de Gauche, est de suivre ce dossier, car on ne sait pas sur quoi il peut déboucher. Kishantos sur Internet Le site des résistants : http://www.kishantos.hu/ Vidéo sur l’accueil des nouveaux locataires des terres : http:// index.hu/belfold/2013/11/04/kishantos/

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4. L’entretien : David Wagner, co-porte-parole de déi Lenk Toutefois, bon nombre d’immigrés de la deuxième génération sont entre temps naturalisés. Ils sont la plupart du temps issus de la classe ouvrière (notamment les Portugais-e-s qui représentent 15 % de la population) et ont plus tendance (selon une étude publiée en 2009) à voter à gauche, voire à gauche de la gauche.

Propos recueillis par Pierre Durant Bonjour David Wagner. À quels facteurs attribuez-vous votre progression aux dernières élections luxembourgeoises (environ 5%)? À votre travail et vos thèmes de campagne comme le logement ? Il y a certainement plusieurs facteurs qui jouent : d’une part, la participation du LSAP (socialistes) au gouvernement avec le CSV (chrétiens-sociaux) et la frustration de certains électeurs socialistes face à la politique qu’ils ont menée, comme la réforme des retraites ou la manipulation du système d’indexation des salaires. Mais nous sommes aussi reconnus comme une force qui met l’accent sur les sujets sociaux, proche des syndicats. Notre profil est “radical et réaliste”, c’est-à-dire que nous voulons aussi bien sortir d’un discours social-démocrate sans pour autant paraître déconnectés des réalités. Nous sommes les seuls à parler des travailleurs, par exemple. Vous êtes en mesure de reproduire ce résultat à l’occasion des élections européennes ? Voire une nouvelle progression ? C’est difficile à dire. Etant donné que le Luxembourg n’envoie que 6 députés à Strasbourg, la barre est assez haute et le réflexe “vote utile” peut jouer en notre défaveur. Néanmoins, nous pensons que nous pouvons faire mieux. Comme il y a eu des élections anticipées, ce seront les premières élections européennes qui n’auront pas lieu en même temps que les législatives. Et comme nous menons un discours différent des autres partis, plus critique envers l’UE, nous pensons être en mesure de nous démarquer. Et nous avons aussi quelques petites idées pour présenter une liste intéressante. Pour l’instant, depuis 2009, nous augmentons d’élection en élection, il y a donc une dynamique positive. Quel est le rôle joué dans votre campagne et dans vos résultats par l’immigration sachant que le Luxembourg compte un nombre important de ressortissants étrangers ? Le problème, c’est que, à l’instar des autres pays d’Europe, les étrangers ne disposent pas du droit de vote au niveau national (seulement aux communales et aux européennes).

Quel est l’impact du résultat des communistes du KPL (légèrement en progrès) sur votre résultat ? Pensez-vous possible une évolution des rapports entre vos deux organisations à l’avenir ? Il y a évidemment une concurrence entre déi Lénk et le KPL, mais les dernières élections ont montré que tandis qu’ils stagnent, nous croissons. Nous sommes donc reconnus comme étant la véritable alternative à gauche. Si les rapports entre militants du KPL et de déi Lénk sont souvent cordiaux, il n’en va pas de même au niveau des partis. En fait, nous n’avons aucune relation officielle. Il n’y a ni collaboration, ni conflit. Pour ce qui est des rapports futurs, ce n’est peut-être qu’une question de temps : les membres les plus jeunes du KPL se montrent beaucoup moins réticents que les “historiques”.

Fabienne Lentz et David Wagner, porte-paroles de déi Lenk Pensez-vous que votre résultat reflète une évolution au sein de la société luxembourgeoise notamment parmi les jeunes d’avantage insécurisés (socialement parlant) que leurs parents ? Il est indéniable que les temps ont changé, y compris au Luxembourg. Je suis né en 1979, et lorsque j’ai quitté le secondaire, le chômage était alors encore un phénomène abstrait qui touchait tout au plus 2 % de la population active. 10-15 ans plus tard, le taux a grimpé à 7 % (taux officiel qui ne prend pas en compte les personnes qui se trouvent dans des mesures de réinsertion). En quelques années, les jeunes sont passés d’une sécurité de l’emploi vers l’insécurité. S’y rajoute la baisse du pouvoir d’achat combinée à un marché du logement aux prix prohibitifs. On peut dire que la génération des 20-25 ans ne connaît pas l’époque “dorée” des années ‘80 qu’ont connu leurs parents. En plus, le système néolibéral a très fortement perdu son crédit. Ce qu’il manque, c’est l’alternative, ce à quoi nous travaillons.

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Quel est l’impact de la crise financière de 2008 sur le Luxembourg ? Et son impact électoral ? Le ralentissement de l’économie et l’augmentation du chômage. Si le niveau de vie luxembourgeois est encore plus élevé que chez nos voisins, il décroît sensiblement. Le patronat multiplie les offensives : il veut abolir l’indexation sur les salaires, voire même le salaire minimum. La place financière joue un grand rôle au Luxembourg. Notre économie est fortement axée sur cette dernière, délaissant d’autres secteurs, comme l’industrie (voir la fermeture progressive de la sidérurgie, qui appartient à ArcelorMittal). Il y a certainement un impact électoral, mais qui reste à nos yeux insuffisant : c’est une question qui se pose à l’ensemble de la gauche radicale européenne. Comment se fait-il qu’à une période où le système économique dans lequel nous sommes ait perdu son crédit, que nous ne réussissions pas à toucher davantage les premiers concernées, à savoir le salariat? Quelles erreurs avons-nous commises, voire continuons-nous à commettre? Dans ce contexte, passer de 4 à 5 %, c’est bien, mais c’est loin de correspondre à l’ampleur de ce que nous vivons. Quelle analyse faites-vous de l’apparition des deux nouveaux acteurs politiques sur la scène luxembourgeoise ? Quel impact sur vos résultats ? D’un côté, le Parti des Pirates peut séduire certains jeunes, issus des classes moyennes ou supérieures, en manque de rébellion. Leurs thématiques sur les questions des libertés individuelles sont intéressantes. Il n’en reste pas moins que sur le plan économique, ils sont néo, voire ultralibéraux, rappelant parfois le mouvement “libertarien” aux EtatsUnis. Le problème, c’est que cet aspect ne saute pas (encore, peut-être) aux yeux de leurs jeunes élections. Quant au PID (Parti pour la démocratie intégrale), nous ne pensons pas qu’il puisse survivre longtemps. Il est la création d’un député dissident de l’ADR (droite de la droite), qui, même si lui-même se qualifie de gauche, a un profil flou : tantôt aux accents anticapitalistes, tantôt légèrement ésotérique. Croyez-vous possible un développement du courant anti-européen au Luxembourg ? Que signifie le terme “anti-européen”? Est-ce un scepticisme vis-à-vis de l’institution qu’est l’Union européenne ou est-ce un nationalisme pur et dur? La gauche ne doit pas commettre l’erreur de confondre Europe et

Union Européenne. Cette dernière repose sur des traités qui rendent impossible tout progrès social et démocratique. Nous proposons une “refondation” de l’UE, ce qui va très loin. Mais nous devons encore approfondir la question. Je pense que la Gauche européenne doit discuter plus profondément de la nature de l’UE. Nous avons pendant longtemps été trop naïfs sur cette question. L’UE n’est pas un but en soi. Le danger, ce serait, à mes yeux, que la gauche radicale continue à défendre béatement un projet néolibéral dont plus personne ne veut, tandis que la seule force qui critique ce projet serait l’extrême-droite. Pensez-vous la coalition en cours de formation (DPLSAP-GRENG) durable ? Des tensions et contradictions ne peuvent-elles pas apparaître à moyen terme et la fragiliser (notamment au sein de Dei Greng) ? Nous pensons que cette coalition sera une coalition de démantèlement social. Le DP est clairement un parti néolibéral. Les Verts sont en pleine mutation : un quotidien satyrique les qualifie de “DP vert”. Une nouvelle génération a pris le relais, et elle est composée d’avocats, entrepreneurs “responsables”. Le LSAP dispose au moins encore d’une base syndicale, bien que sa direction souhaite s’en “émanciper”. La tête de liste et futur vice-premier-ministre, Etienne Schneider, actuellement encore ministre de l’Economie, appartient à l’aile libérale du LSAP. Sous ces auspices, hormis quelques réformes sociétales acceptées par une majorité de la population (comme le mariage pour couples de même sexe), nous pensons en effet qu’il n’y a rien à attendre de positif de ce futur gouvernement. A titre personnel, je ne pense pas que ce soit tant les Verts qui souffriront le plus des contradictions à venir, mais bien le LSAP. Quelle est l’évolution des rapports entre syndicats et force de gauche en particulier « Dei Lenk » ? Ces cinq dernières années, ces relations se sont fortement renforcées. A plusieurs reprises, le président de l’OGBL (le principal syndicat, équivalent de la FGTB en Belgique), a dit publiquement que le député de déi Lénk était le seul à défendre les droits des salarié-e-s. Il a même participé de son propre chef à un meeting de solidarité organisé par déi Lénk devant l’ambassade du Portugal, rompant ainsi avec une règle non écrite qui veut que l’OGBL se tienne à l’écart de manifestations de partis politiques. Un grand nombre de cadre intermédiaires voire supérieurs sympathisent avec déi Lénk, s’ils n’en sont pas membres. Un de nos candidats aux législatives était par exemple le responsable du département des transports de l’OGBL.

Retrouvez l’analyse de ces élections page 16

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5. Le Parti de Gauche et l’Europe Le Parti de Gauche en Espagne et en espagnol

Visionner le reportage du Parti de Gauche Madrid sur la conférence de Jean-Luc Mélenchon “Unidos/as contra la Troika!”, aux côtés de Cayo Lara, Coordinateur Général d’Izquierda Unida

Visionner la conférence de François Delapierre et Alberto Garzón, député d’Izquierda Unida, sur “la révolution citoyenne, vers un projet constituant”, organisée par le Parti de Gauche Madrid

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Les assises franco-belges pour l’écosocialisme, un impact fondateur Par Thomas Van Zwol Le Samedi 28 septembre se sont tenues à Bruxelles les premières assises franco-belges pour l’écosocialisme co-organisées à l’initiative du comité PG Benelux avec nos alliés Rood, le Mouvement de Gauche (Belgique francophone) et Vega (Liège). Ce grand moment de réflexion tenu en présence de nos camarades Corinne Morel-Darleux, Gabriel Amard et Jean-Luc Mélenchon, fut un grand succès réunissant plus de 360 participants. «Petit moment historique pour la gauche de ce pays» pour Jean-Luc Mélenchon, cette journée franco-belge et bilingue s’est déroulée dans les locaux de la CSC (plus grand syndicat du pays). Autour de la table : des associations écologistes de Wallonie et de Flandre, les deux plus grands syndicats belges, et des militants venant aussi bien de secteurs critiques du PS et d’Ecolo que des 4 partis organisateurs, qui coopéraient pour la première fois.

La table-ronde syndicale a réuni Jean-François Tamalleni, secrétaire fédéral du syndicat socialiste FGTB et Dominique Cabiaux, vice-président du syndicat CSC Services Publics. Cabiaux a bien résumé la nécessité du combat écosocialiste pour le mouvement ouvrier : «si nous voulons non seulement ré-enchanter un combat syndical qui est aujourd’hui à la peine, si nous sommes déterminés à remettre la question sociale à la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre, c’est-à-dire au premier plan, si nous voulons recréer un rapport de forces favorable aux gauches dans leur diversité, c’est en évitant de mettre le vin nouveau dans de vieilles outres et en acceptant l’évidence qu’il est nécessaire de définir un rapport neuf entre les activités humaines et les éco-systèmes. (…) Nous devons jeter toutes nos énergies dans la bataille pour ne pas sombrer dans une barbarie sociale doublée d’un cataclysme écologique.» Jean-Luc Mélenchon a assuré les conclusions de la journée, rappelant la nécessité d’une bifurcation d’avec le capitalisme. Ces assises ont eu un écho significatif au sein de la gauche radicale belge. Rappelons qu’elle reste aujourd’hui sous les 4% et dominée par un Parti du Travail de Belgique (PTB) historiquement maoïste et qui refuse toute idée d’un Front de Gauche. Il fut le premier étonné de ne pas être sur la scène, ouverte aux forces ayant le combat écologique et socialiste en partage.

La journée, calquée sur les assises françaises, a permis dans un premier temps un échange sur les 18 thèses pour l’écosocialisme en présence de Corinne Morel-Darleux. L’après-midi, 3 tables-rondes se sont succédées : sur les radicalités concrètes, sur le rôle des syndicats et sur le programme de gouvernement écosocialiste.

Les organisateurs réfléchissent maintenant aux suites à donner à ce succès, qui pourraient passer par des réunions décentralisées dans toutes les grandes villes belges début 2014. Le PG Benelux y prendra bien sûr part. D’ores et déjà, rendez-vous est pris pour une 2ème édition des assises fin 2014.

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La diplomatie écosocialiste en GrandeBretagne : noyaux durs et naphtaline

Par Tatiana Jarzabek et Sylvain Savier Au nord du Royaume-Uni, le PG continue d’élargir son réseau écosocialiste à l’international. Et l’écosocialisme dans le berceau de la révolution industrielle est une belle plante qui porte déjà des fruits bien mûrs. « Des idées à l’action » : c’est sous ce titre que s’est tenue le 5 octobre 2013 à Manchester la première édition d’une conférence co-organisée par le PG Londres et nos camarades britanniques, au premier rang desquels on retrouve bien sûr nos compagnons de route Green Left (qui nous avaient Les Wiggan Diggers, héritiers des “niveleurs” fait l’honneur d’envoyer sa porte-parole tique durant le protectorat d’Oliver Cromwell qui cofonda Romayne Phoenix au Congrès de Bordeaux) mais aussi le groupe des « Bêcheux » (‘Diggers’ en anglais), prônant le des groupes plus actifs dans le nord, opiniâtres même, et partage des terres par expropriation des seigneurs ! qui font désormais partie de nos alliés dans la résistance mondiale au capitalisme et au productivisme. Ici aussi Très attachés aux radicalités concrètes qui vont de pair les bonnes questions se posent autour de l’écosocialisme avec une dénonciation acharnée du néolibéralisme, les : Quelles actions de proximité ? Que signifie ce mot « propositions de ces camarades montrent aujourd’hui une démocratie » ?, Qu’est-ce qu’une économie pour les 99% véritable volonté d’aller de l’avant et de redéfinir les enjeux, ? Mais aussi comment remobiliser ceux qui, d’adversité notamment auprès de cette autre gauche britannique qui en désillusions, ont cessé de lutter? Comment s’assurer semble figée dans le temps. du soutien des syndicats qui, bien que financièrement beaucoup plus solides que la plupart des organisations ici C’est en effet dans la naphtaline que nous retrouvons, présentes, sont passés au Royaume-Uni de 16,5 millions de deux semaines après Manchester, la gauche écosocialiste membres dans les années 1970 à 6 millions aujourd’hui, et de l’Alliance for Green Socialism, pour leur conférence sont donc réduits à une course de surplace? Bref comment annuelle à Leeds dans le Yorkshire. Invités à venir y parfaire grandir l’écosocialisme autour de noyaux durs? tager les vues du PG sur l’écosocialisme et la Révolution Citoyenne, nous sommes récompensés du long voyage depuis Londres par la lueur d’espoir s’allumant dans les yeux de ces vieux militants d’une gauche presqu’anéantie. « Comment se fait-il que vous soyez si jeunes, vous autres camarades français ? ». On répond comme on peut, que Thatcher n’est pas passée par la France, ou pas avec la même brutalité, que la lobotomie néolibérale y a commencé un peu plus tard, quoique TINA (“There Is No Alternative”) y fait bel et bien des ravages, mais que le leg de la Révolution Française et du peuple-citoyen est encore vivant.

A propos de noyaux durs, en voici de coriaces. Le PG a noué des liens d’affinité avec les élus municipaux écosocialistes de Wigan, dans la banlieue de Manchester. Connus sous le nom de Wigan Diggers, ils continuent de faire vivre le nom de Gerrard Winstanley (1609-1676), activiste poli-

Le PG donne à ce mouvement le supplément d’âme internationaliste dont il a bien besoin, tout en développant des relations fraternelles avec tous ceux qui veulent en finir avec le néolibéralisme et son productivisme forcené. On n’a pas fini d’entendre parler des Wigan Diggers, de Green Left et de toute cette mouvance anticapitaliste verte connectée aux syndicats et au mouvement citoyen anti-austérité … En France comme à l’international : qu’ils s’en aillent tous !

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La double militance : entretien avec Thierry Stasica (PG Allemagne, Die Linke)

une immense pancarte Die Linke dans mon jardin car j’habite en bordure d’une route à forte circulation. La commune possède aussi un conseil local (Ortsrat) qui est composé de 15 personnes (1 par millier d’habitants). Chacun s’occupe d’un district et remonte les demandes et informations au maire et conseillés. Là aussi nous n’avons qu’une personne.

Thierry tu es militant au comité PG FE -Allemagne-Europe de l’Est mais aussi à Die Linke en quoi consiste ton engagement avec nos partenaires ? Pour ma part c’est essentiellement un militantisme communal comme tout citoyen peut le faire dans sa commune de résidence. Notre commune, actuellement, est socialiste (Maire SPD). Concrèment, en quoi cela consiste-t-il?

Quel est le lien militant que tu as avec la France dans le cadre de ton engagement à Die Linke? Nous sommes jumelés avec la commune de Gisors, en Normandie. Le maire, Marcel Larmanou, est déjà venu à plusieurs reprises. Je me suis proposé de travailler sur ce dossier de jumelage. Notre représentant Die Linke au Orstrat va m’y intégrer. À cela se rajoute la tenue de stands où nous informons nos concitoyens sur telles ou telles actions que nous allons mener ou bien purement informatif de notre programme.

Nous avons un seul représentant Die Linke au conseil municipal (Gemeinderat). Nous avons pour objectif l’année prochaine d’en avoir 2 voire 3. Pour cela, nous cherchons à développer le nombre d’adhérents à travers les associations, les journées de marché (celui d’automne, que nous avons eu en septembre, le marché de Noël que nous préparons pour le 30/11-01/12). Actuellement nous sommes 80 adhérents dont 10 actifs pour une commune de 15000 habitants. Nous organisons une journée découvertes pour un groupe de 20 enfants en été. Bien entendu, pour les élections nationales comme celle de Septembre, nous avons posé des affiches dans toute la ville et distribué des flyers dans les boîtes aux lettres. J’avais fait installer pour cette occasion

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6. Dossier : élections en Europe Élections anticipées au Luxembourg 20 octobre 2013

Par Pierre Durant Alors que la politique au Luxembourg s’est toujours distinguée par une grande stabilité, des élections anticipées ont eu lieu récemment suite à l’éclatement de la coalition social-chrétienne/socialiste.

Résumé des résultats Nom

Voix

Sièges

Score

CSV (droite conservatrice “chrétienne-social”)

-4,3%

-3 sièges

33,7 %

LSAP (travailliste)

-1,3%

- 0 siège

20,3%

DP (libéral européiste)

+3,3%

+4 sièges

18,3%

Verts

-1,6%

-1 siège

10,1%

ADR (ultra-conservateurs)

1,5%

-1 siège

6,6%

Dei Lenk (gauche de gauche)

+1,6%

+1 siège

4,9%

Les raisons des élections anticipeées Résumé RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) « Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg depuis 18 ans et doyen des dirigeants européens, a été contraint à la démission mercredi après la défection de ses alliés socialistes suite à un scandale lié au service de renseignement. Alors que les socialistes avaient déposé une motion demandant la dissolution de la Chambre des députés et l’organisation d’élections anticipées dans les trois mois, Jean-Claude Juncker a annoncé qu’il remettrait sa démission au chef de l’Etat jeudi matin à l’issue d’un conseil de gouvernement.

Espionnage L’affaire à l’origine de cette crise a été révélée en novembre 2012 avec la publication par l’hebdomadaire D’Lëtzebuerger Land du verbatim d’un entretien entre l’ancien directeur du service SREL et le Premier ministre datant de 2007. Au cours de cette conversation, le directeur du SREL, Marco Mille, révèle l’existence de 300.000 fiches individuelles de citoyens et de personnalités politiques. Résultant d’opérations d’espionnage pendant la guerre froide, ces fiches ont été détruites, précise M. Mille. Il dévoile aussi l’existence d’une écoute, datant de 2005 ou 2006, d’un entretien au Palais entre M. Juncker et le chef de l’Etat, le Grand-Duc Henri. M. Mille fait part également à Jean-Claude Juncker d’informations crédibles de ses services sur l’existence de contacts réguliers entre le souverain luxembourgeois et les services secrets britanniques. A la suite de ces premières révélations, une enquête parlementaire est lancée en décembre 2012 au cours de laquelle le Premier ministre sera entendu à trois reprises. Elle confirme l’existence

de plus de 13.000 fiches sur des personnes, des entreprises ou des associations, dans ce pays de quelque 500.000 habitants. Le rapport évoque de graves dysfonctionnements du SREL entre 2004 et 2009, faute d’exercice par le Premier ministre du contrôle dont il a pourtant la responsabilité.

Police secrète Sous la direction de M. Mille, reconverti depuis dans la sécurité privée, le service de renseignement a procédé à des écoutes illégales d’hommes d’affaires. En 2007, des agents avaient mis en place une mission sous le prétexte du contre-terrorisme, alors qu’il s’agissait d’aider un oligarque russe à régler, contre une commission de 10%, un différend commercial. Informé de ces faits, Jean-Claude Juncker demandera l’arrêt immédiat de la mission mais ne prendra pas de sanctions disciplinaires contre les responsables du service. Le rapport d’enquête reproche également à M. Juncker et au SREL de ne pas avoir alerté la justice en 2006 lors de la révélation d’un compte de 150 millions de dollars au Luxembourg de l’ancien président du Congo, Pascal Lissouba. Il épingle les achats, avec des rabais allant jusqu’à 30%, puis la revente de grosses berlines allemandes par des membres du SREL à des fins privées, ainsi que l’organisation de missions à l’étranger totalement étrangères aux objectifs du service de renseignement. Le rapport dénonce des “agissements du SREL dignes d’une structure de police secrète”, en évoquant notamment la surveillance du procureur général d’Etat et les accusations de pédophilie lancées à son encontre. »

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Partis en présence CSV : parti social-chrétien (conservateur) LSAP : parti socialistes DP : parti libéral ADR : parti de « droite de la droite », issu d’une revendication sur les retraites (obtenir pour les salariés du secteur privé les mêmes retraites que les travailleurs du secteur public), ce parti est aujourd’hui à considérer comme conservateur-populiste. KPL : parti communiste luxembourgeois. De tendance « néo-stal », s’affiche aujourd’hui aux côtés du PTB et autres PC orthodoxes. Déi Lénk : mouvement unitaire de gauche créé en 1999 par des dissidents du PC (Neue Lenk), des membres du PC (KPL), des trotskystes, des dissidents du PS et des Verts et des non-organisés. Dès sa fondation il permet à la gauche «de gauche » de retrouver un élu. Suite à un raidissement identitaire, le PC quitte le mouvement. Dès lors en 2004, une liste KPL réapparait aux côtés de la liste « déi Lénk ». L’élu de 1999 est alors perdu. Cela n’empêche pas déi Lénk de poursuivre son travail. Ce qui lui permet de retrouver un élu aux élections de 2009. Déi Lénk est membre du PGE. Parti Pirate : à comparer au parti pirate allemand. Première participation aux élections de 2013. PID : parti pour la démocratie intégrale, créé par un dissident de l’ADR. Première participation aux élections de 2013.

Analyse des résultats par parti - Le parti du premier ministre subit effectivement un revers. Cependant, comme on peut le constater, s’il est effectivement tombé sous son résultat de 2009 et 2004, il est encore au-dessus de ses résultats de 1989, 1994 et 1999. Vu son important nombre de sièges, il devrait mener une opposition rude. L’implication de ce parti dans les abus de pouvoir constatés dans les affaires liées aux services de renseignement peuvent sans doute expliquer ce résultat. - Le parti libéral est un des deux vainqueurs du scrutin. Il retrouve un score comparable à ses scores des années 80 et 90. L’image de Xavier Bettel, jeune bourgmestre de Luxembourg Ville et aujourd’hui premier ministre semble lui avoir été bénéfique. - Le parti socialiste continue lui sa chute, chute entamée dès 1984. Ils en sont aujourd’hui à leur minimum historique. Les années de participations gouvernementales aux côtés des conservateurs ont sans doute joué, la politique menée par ce gouvernement ne se distinguant pas des politiques menées en Europe (manipulation de l’index, réforme des retraites, austérité). Aujourd’hui en coalition avec les libéraux et des verts (positionnés plus à droite que nombre de leur équivalents européens), on peut se demander s’ils ne s’apprêtent pas à vivre de nouvelles déconvenues. - Les verts subissent eux aussi une chute de près de deux points, les ramenant à leur résultats des années 90. Faut-il mettre cela en parallèle avec l’apparition du Parti Pirate dont les thématiques ont pu croiser celles des Verts Luxembourgeois, qualifiés par certains de « libéraux verts » ? Par ailleurs, leur faible opposition face aux politiques austéritaires menées par le gouvernement peuvent également expliquer ce résultat.

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- Le parti communiste stagne retrouvant un résultat proche de ses résultats précédents, c’est-à-dire très faible. - Le PID, nouveau parti, ne rencontre pas le succès. A 1,5 %, son fondateur ne retrouve pas son siège de député. Et l’on peut imaginer une disparition rapide de cet acteur. - Le parti pirate, pour une première élection, peut se targuer d’un résultat encourageant. Pour autant, sans élu, sa visibilité demeurera faible. - Déi Lénk est l’autre vainqueur des élections (avec les libéraux) avec une progression de 50 % de leurs voix et un deuxième siège de député. Résultat important tenant compte du fait que, outre la présence du KPL qui, incapable de décrocher le moindre siège, conserve cependant son pouvoir de nuisance (on peut légitimement penser qu’en absence de liste KPL les électeurs de ce dernier viendraient gonfler le score de déi Lénk leur offrant probablement un siège supplémentaire), ces élections ont également vu apparaitre deux nouveaux partis susceptibles de s’attirer les suffrages « contestataires » (le parti pirate et le PID) ! En présence de cette concurrence, le score de déi Lénk est d’autant plus appréciable. Il s’explique par un travail sérieux (parlementaire et de terrain) et ininterrompu depuis 1999. Ainsi qu’une très bonne communication.

Analyse globale La coalition gouvernementale a clairement été sanctionnée, chacun des deux partenaires perdant 3 % ! Explication à trouver dans le scandale des services de renseignement mais également dans la politique austéritaire menée par cette coalition. Globalement, la droite perd du terrain (58,6%, -2,5%). Au sein de ce camp, les libéraux gagnent mais ne compensent pas seuls les pertes des conservateurs et de la droite populiste. A gauche, il y a également perte mais limitée (36,9%, -1,2%). La perte des socialistes et des Verts (et la stagnation du PC) n’est pas compensée par la progression de déi Lénk. Pertes de gauche et de droite qui se sont faites au profit des deux nouveaux petits partis (pirates + PID). Dans l’ensemble donc peu de changement, l’électorat penchant encore très majoritairement à droite (sans même parler du positionnement très centriste voire libéral des partis verts et socialistes). En ce qui concerne le PGE, la bonne nouvelle est évidemment que la Lénk réalise une belle progression. Progression qui suit d’ailleurs celle intervenue lors des récentes élections communales. Sachant comment la Lénk a pu profiter de l’unique siège qu’elle avait, on peut imaginer qu’elle tirera grand profit d’un député supplémentaire. Les résultats européens de déi Lénk seront à surveiller. Ils pourraient confirmer les derniers résultats mais également les amplifier, ses positions sur l’Europe étant celles du PGE et par conséquent très différentes de celles du reste de l’échiquier politique (hormis le PC). Scrutin européen qui aura la particularité cette année de ne pas être « pollué » par un scrutin national et ses enjeux (compte tenu des élections anticipées). Le nouveau gouvernement est constitué d’un attelage libéral-socialiste-verts. Au sein de cette coalition, les libéraux sont clairement en position de force face à deux partenaires affaiblis (en voix et/ou sièges) lors du dernier scrutin. La politique austéritaire devrait donc être poursuivie sinon amplifiée. Socialistes et verts devraient essayer de compenser cela par des réformes « sociétales », profitant là du renvoi des conservateurs dans l’opposition. Face à ce gouvernement, déi Lénk se retrouve dans le rôle de la seule opposition de gauche ! Il n’est donc pas exclu qu’elle tire profit de cette situation en exploitant les contradictions internes à ce gouvernement. En tout état de cause, le terrain politique semble propice à son renforcement.

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Élections législatives en République Tchèque 25 et 26 octobre 2013

Bilan

Coup de projecteur sur l’ANO

Par Hadrien Toucel Marquées par la plus faible participation électorale en République Tchèque depuis les premières élections libres post-communistes (59 % contre 63 % de participation en 2010), elles témoignent de trois dynamiques importantes à l’œuvre dans le pays, et nous permettent de tirer quelques enseignements. D’abord, l’échec, ici comme dans l’Allemagne voisine, de la social-démocratie. Le faible résultat du ČSSD, qui continue à s’enfoncer (-12% de suffrages depuis 2006) croise la remontée du KSCM (parti communiste de Bohème-Moravie), lequel gagne de nouveaux électeurs pour la première fois depuis 2002. La différence ne relevait pas tant des programmes de réforme (imposition progressive ou annulation de la restitution des biens du clergé partagés par les deux) que de la défiance exprimée à l’égard de la social-démocratie, son double discours et ses jeux d’appareil. Ainsi, le KSCM maintient sa position spécifique en Europe Centrale et Orientale, seul parti héritier direct d’un régime du bloc de l’Est (qui revendique désormais des positions très progressistes, notamment sur les questions LGBT) électoralement influent et en hausse. Derrière l’échec de la social-démocratie, l’ODS (droite conservatrice classique) risque de disparaître du jeu politique avec 7.5% (contre 35% il y a encore 7 ans !). Sa dissolution ou désintégration, sous le choc, n’est pas à exclure. Surprise et grand vainqueur du scrutin, le parti de droite ANO, créé par un milliardaire, qui fait son irruption sur la scène politique, sur une critique radicale des gouvernements sortants. De même, Usvit Demokracie (« Aube de la démocratie »), créée par un autre milliardaire, agglomère dans un populisme difficile à cataloguer les revendications de démocratie directe et d’expression référendaire, mais en même temps, a été épinglée plusieurs fois pour propos racistes ou xénophobes (« personnes non-adaptables » pour cibler les Roms). Finalement, en remontant à 2006, on distingue nettement un effondrement du bloc tripartite autour duquel tournait la vie politique tchèque, et une démarginalisation du KSCM (sans trop extrapoler dans l’autre sens, car la constitution de partis mineurs et éphémères est un processus courant en République Tchèque). La grande question est la suivante : l’ANO va-t-elle juste remplacer les conservateurs traditionnels (ODS), ou y a-t-il un basculement dans la composition et le programme de la droite majoritaire en République Tchèque vers un « berlusconisme du Danube » incarné par l’ANO ?

Plus grand vainqueur du scrutin, ce mouvement de droite, dont l’acronyme signifie « Action des citoyens insatisfaits » (et fait un homonyme de « Oui ») s’est clairement inscrit dans une démarche protestataire, sous la férule d’Andrej Babis, milliardaire (fortune estimée à 2 milliards par Forbes), dont la campagne a coûté 70 millions de couronnes. Son programme : politique d’investissements publics, simplification et baisse des impôts (notamment les plus élevés) et de la TVA ; « gouverner la République Tchèque comme une entreprise » ; programme anticorruption (« les politiciens mentent tous » d’après lui [sic]), refus de l’euro et soutien à une couronne tchèque dévaluée. Sa campagne n’a pas hésité à descendre au niveau de distributions de crêpes dans le métro, sur ses deniers personnels. Le personnage : ancien cadre du PC tchèque sous la dictature, soupçonné d’avoir collaboré avec les renseignements d’Etat, Andrej Babis est à la tete d’un consortium d’agro-alimentaire (200 filiales, 28.000 salaries). Une fois l’empire stabilisé, il a investi dans la presse, pour acheter deux journaux (Mlada fronta dnes & Lidove Noviny), puis se lancer en politique.

Perspectives Les premières négociations semblent ouvrir la voie à un gouvernement social-démocrate et chrétien-démocrate, toléré ou porté par l’ANO (avec dans l’opposition, à droite, : ODS, TOP ; KSCM opposition de gauche). La négociation est en tous cas ardue. L’ANO, en position de faiseur de loi, a déclaré vouloir tout faire pour empêcher un « basculement à gauche » (coalition KSCM-ČSSD). Il est d’ores et déjà probable que cette coalition ČSSD- ANO- KDU/ČSL va discréditer le ČSSD : son programme sera

irréalisable. La révision des « restitutions des biens de l’église » et la mise en place d’une imposition progressive (points clés du programme social-démocrate) ne seront pas acceptées, la première par les chrétiens-démocrates, la seconde par l’ANO (en tous cas pas avec une hausse sur les revenus élevés). Un beau suicide de la social-démocratie en perspective... Par ailleurs, les règlements de comptes débutent au sein de la social-démocratie, ce qui va continuer à détériorer sa crédibilité dans la négociation et l’opi-

nion. L’ex-président du ČSSD, actuel président de la République, candidat aux législatives avec un parti personnel qui a obtenu 1.5%, Miloš Zeman, a fait manœuvrer ses partisans au ČSSD pour détrôner son actuel président. Cela a provoqué un tollé. Il est envisageable que Zeman tente ainsi de prolonger l’instabilite gouvernementale (en mettant le bazar !) afin de se maintenir en place via un gouvernement « technique ».

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Élections locales au Danemark 19 novembre 2013

Par Alan Confesson Des élections locales se sont tenues au Danemark le 19 novembre. Elles avaient pour objectif de renouveler la composition des assemblées délibératives de 98 communes et de 5 régions. Les résultats ont été marqués pour une nouvelle percée de l’Alliance rouge-verte, parti membre du PGE et très proche du PG, qui s’est imposée comme la cinquième force politique du pays et la deuxième force à gauche. Les rouges-verts passent de 2,3 à 6,9 % par rapport aux élections locales de 2009. Ils sont maintenant présents dans 79 municipalités contre 10 auparavant, comptent un total de 119 conseillers municipaux (14 en 2009) et 15 conseillers régionaux (1 en 2009). Pour un parti qui n’a pratiquement aucune implantation locale, c’est un franc succès ! L’Alliance rougeverte n’avait encore jamais pu compter sur un maillage d’élus locaux aussi important : leur présence est assurée dans 80 % des communes du Danemark pour les années à venir. Leur résultat national marque une progression par rapport au résultat obtenu lors des élections législatives de 2011 (6,7 %), d’autant plus importante que contrairement aux grands partis, les rouges-verts n’ont pratiquement pas d’implantation locale historique à faire valoir. Ce n’est ni plus ni moins que le meilleur résultat électoral obtenu par ce parti depuis sa fondation en 1989.

L’Alliance rouge-verte obtient son résultat le plus élevé dans la capitale, Copenhague, qui abrite un dixième de la population danoise : avec près de 20 % des suffrages exprimés, ils s’imposent comme la seconde force politique de la ville, derrière les sociaux-démocrates. Dans les deuxième et troisième villes du Danemark, Aarhus et Aalborg, les rougesverts deviennent la troisième force politique derrière les sociaux-démocrates et le principal parti de la droite. De tous les partis, ce sont eux qui enregistrent la plus forte progression. Les résultats indiquent une nette défaite de la coalition au pouvoir, constituée des sociaux-démocrates, du Parti populaire socialiste (SF, situé entre les rouges-verts et les sociaux-démocrates) et de la Gauche radicale (sociaux-libéraux). La compromission du SF dans ce gouvernement a été très sévèrement sanctionnée par les électeurs : leur résultat national est presque divisé par trois. Un contraste saisissant par rapport au record de 2009 (14,5 %), acquis dans l’opposition sur la base de revendications clairement ancrées à gauche. La poussée de la droite reste toutefois assez limitée : tandis que les Conservateurs poursuivent leur érosion, les Libéraux progressent peu et restent nettement devancés par les Sociaux-démocrates. Quant au Parti populaire d’extrême-droite, il franchit laborieusement la barre des 10 % alors que tous les sondages leur attribuaient le double, et ne conquiert aucune mairie.

En nombre de mairies, la droite redevient majoritaire, avec 45 maires libéraux et 13 maires conservateurs contre 36 maires sociaux-démocrates, un maire populaire-socialiste , un maire radical de gauche et 2 maires issus de partis non-parlementaires. Globalement, ces résultats renforcent l’Alliance rouge-verte, qui devient l’un des principaux partis dans le mouvement des travailleurs au Danemark. Il est clair que les électeurs ont récompensé le combat des rougesverts contre les coupes dans les budgets sociaux et, en même temps, pour imposer au gouvernement des avancées sociales parfois significatives, qui ont un impact sur la vie quotidienne des classes populaires. Voilà qui offre des perspectives réjouissantes pour les élections européennes de l’année prochaine !

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7. Regards d’autres continents Veut-on vraiment achever la grande barrière de corail australienne ? tions. Si tout le Bassin de Galilée venait à être exploité, cela participerait de façon massive à l’élévation de la température du globe mais aussi à l’acidification des océans qui sont deux facteurs majeurs de la mise en danger de la Grande Barrière de Corail (qui est, rappelons-le, le plus grand organisme vivant de la planète).

Par Éric Torreborre L’État fédéral vient de donner son approbation. Le projet “Alpha coal mine” pourrait bien voir le jour dès 2015. Ce projet d’extraction de charbon dans l’État du Queensland, Australie, est un des plus grands de la région depuis des décennies. Les deux mines à ciel ouvert du bassin de Galilée, près de la ville d’Alpha, devraient couvrir 67.000 hectares et produire 80 millions de tonnes de charbon par an, durant 30 ans, principalement pour alimenter la demande croissante d’électricité en Asie. Les autorités locales et fédérales sont plutôt favorables à l’entreprise qui pourrait employer 4000 travailleurs durant sa construction et 2000 à la suite de sa mise en service. Sans compter un revenu annuel pour l’Etat de 1,5 milliards de dollars en taxes et royalties. Tout ce qui est au service de la sacro-sainte “croissance” est aussi au service de la société, n’est-ce-pas? Malheureusement, non. Le bilan écologique de cette opération serait catastrophique. Tout d’abord les réseaux acquifères pourraient être durablement touchés tout autour de la mine. Janeice Anderson possède une exploitation de bétail à proximité et s’inquiète de l’évolution des niveaux d’eau dans les nappes phréatiques. Elle dit que ces niveaux pourraient baisser de 5 mètres dans un rayon de 10 kilomètres autour de la mine et mettre en danger sa ferme ainsi que d’autres alentours. Ensuite ce charbon serait acheminé par une voie de chemin de fer de 500 km dédiée et serait expedié par ba-

teau dans le port d’Abbot Point qui deviendrait de ce fait le plus grand port charbonnier du monde juste en face de... la Grande Barriere de Corail. Mais la plus grande menace pour le corail viendrait sans aucun doute de l’immense quantité de CO2 générée par ces exporta-

Heureusement la résistance s’organise localement et internationalement. Tout d’abord les fermiers directement menacés par la mine se sont constitués partie civile pour dénoncer les impacts environnementaux du projet, soutenus par une association de juristes défenseurs des droits de l’environnement. Ils ont été entendus le 25 octobre dernier et une décision devrait être prise d’ici le début de l’année prochaine. Ensuite les Amis de la Terre, ainsi que d’autres associations, ont lancé une campagne contre la Société Générale, un des principaux bailleurs de fonds du projet, pour l’inciter a se retirer. Dans une lettre ouverte au PDG de la Société Générale, Frédéric Oudéa, ils demandent à ce que la Société Générale respecte ses engagements auprès des Nations Unies d’“Investisseur Responsable” et de “Protecteur des sites reconnus par l’UNESCO comme faisant partie du patrimoine mondial de l’humanité”. Les Amis de la Terre rappellent par ailleurs que la banque américaine Citi a déjà pris la décision, en début d’année, de ne plus fournir de conseil financier au consortium GVK-Hancock, promoteur du projet. Rien n’est encore joué et Nicholas Loos, le conseiller de l’État du Queensland, a rappelé que les conditions du développement du projet devaient être d’améliorer la “qualité de vie totale”, “tant maintenant que dans le futur”. Souhaitons que la mobilisation soit assez forte pour que le futur soit réellement pris en compte dans la décision finale.

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