L'Illusionniste N° 375

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’humoriste Alphonse Allais avait écrit un jour : « On devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur. » Pierre Meyer s’est juste contenté d’y transposer le music-hall. En 1996, il a même poussé un peu plus loin le délire en bâtissant un théâtre de mille places à Kirrwiller (450 habitants) bourgade tranquille de l’Alsace profonde. Un acte qui paraissait à l’époque aussi surréaliste que celui de ces planteurs brésiliens qui, en 1896, à cent ans d’intervalle, bâtissaient un opéra luxueux à Manaus en pleine jungle amazonienne. Si l’opéra n’a pas résisté à l’effondrement des cours du caoutchouc et a dû fermer en 1902, le Royal Palace, en revanche, se porte comme un charme. En trente ans d’activités florissantes, il a accueilli plus de 5 millions de spectateurs et sa renommée est aujourd’hui internationale. Car au-delà de l’image incongrue et bucolique de ce bout de Las Vegas transposé en Alsace profonde, au milieu des prés et des vaches, on ne doit pas oublier que la qualité du spectacle et des prestations offertes par Le Royal Palace font jeu égal, voire dépassent, celles de certains établissements au nom plus prestigieux. Une réussite qui est tout à l’honneur de Pierre Meyer lequel a cru jusqu’au bout à son rêve. Un vieux proverbe dit : « Si tu veux que ton sillon soit droit, accroche ta charrue à une étoile ».

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e Royal Palace, le prestigieux music-hall de Kirrwiller; a soufflé ses 30 bougies en mettant un tigre dans son moteur. Avec sa nouvelle revue, « Passion », Pierre Meyer s’offre un nouveau rêve : les fauves sur scène dans des tours d’illusion. Des effets dignes de Las Vegas, inspirés par deux dresseurs d’origine allemande, stars des numéros d’illusion avec des grands félins. Siegfried et Roy avaient depuis accepté de venir à Kirrwiller en spectateur. Désormais, c’est au tour du Royal Palace d’accueillir Gianni Mattiolo. Ce magicien dresseur international est un adepte d’une pédagogie de la récompense, qu’il pratique en excluant toute contrainte avec ses fauves. Grâce à quoi Il peut faire apparaître Storn, un tigre de 200 kg, dans un numéro d’illusion qui se joue à plusieurs mètres au-dessus de la piste. Pensionnaires pour un an, Lucy, la femelle, Tigro et Daisy, ses petits, ainsi qu’Abu, un jeune lion blanc, sont l’attraction de Kirrwiller. Gianni Matiolo, maître des grandes illusions, passionné et amoureux des animaux depuis son plus jeune âge, dirige un parc animalier où il recueille les grands félins maltraités. Il a confié à Michel Arnould, reporter du journal l’Alsace : « Je n’aurais jamais accepté de venir à Kirwiller si Pierre Meyer et sa femme n’aimaient pas les animaux. » Effectivement, ce couple du spectacle adore les animaux, et pas seulement les grands fauves. Les oiseaux les fascinent. À tel point qu’ils ont engagé Marko Karvo, fabuleux magicien, qui présente le meilleur numéro de magie du monde en matière d’apparitions de colombes et de perroquets. Marko Karvo fut d’ailleurs pensionnaire du Lido plusieurs années. La perfection du dressage des oiseaux. La magie a toujours été au cœur

des spectacles du Royal Palace. C’est en 1990 qu’est engagé Dany Lary qui rêve de la folie des grandeurs du spectacle. « Il n’était pas aussi célèbre et tenait beaucoup à se produire au cabaret de Kirrwiller », se souvient Le patron. « Il m’avait promis un numéro inédit chaque semaine si je l’engageais. » Il a tenu sa promesse. Depuis, Dany Lary est devenu une star mondiale de la magie.

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Marko Karvo & Vanessa

LE SPECTACLE Nombre de salariés employés au spectacle : La troupe compte actuellement 34 artistes plus les deux régisseurs. La revue utilise 250 costumes. Le Royal Palace n’en est pas le propriétaire. À la fin de la saison, ils repartent vers d’autres destinations. Le prix d’une attraction : Il varie selon la qualité du numéro entre 450 et 1 200 euros. Pierre Meyer reçoit plus de 1 200 propositions de numéro par an. Plus de 7 nationalités sont représentées : russe, française, biélorusse, italienne, ukrainienne, australienne, bulgare. La sélection est rigoureuse. Les danseurs et les danseuses sont triés sur le volet. Pierre Meyer lui-même assiste aux auditions qu’il organise tous les ans au mois de mars au Royal Palace. Il parcourt également le monde à la recherche des talents rares, écumant les pays de l’Est tels que la Hongrie, l’Ukraine ou la Russie où existent de très bonnes écoles. Récemment, ce chasseur de talents a poussé la curiosité

jusqu’à se rendre à Kuala Lumpur pour superviser une troupe. Il en a ramené 7 danseurs (4 boys ou garçon et trois girls ou filles) ainsi que deux charmantes saxophonistes. « L’excellente réputation du Royale Palace m’a précédé et les jeunes artistes se bousculent désormais pour venir chez moi », explique Pierre Meyer. Pour paraphraser la maxime allemande, on peut dire qu’ « ils sont heureux comme Dieu en France ». Les danseurs reçoivent le même salaire que leurs collègues officiant dans les établissements parisiens. À la différence qu’ils sont nourris, logés, et ne travaillent que 5 jours par semaine contre 6 pour les artistes de la capitale. Si l’on ajoute à cela la douceur de vivre alsacienne, le calme et la beauté du paysage, on comprend mieux que certains ne veuillent plus repartir. D’autant que les artistes bénéficient d’un vrai régime de faveur. Ils ont un accès gratuit au centre de remise en forme et aux discothèques de la région. Les jeunes gens sont logés dans un charmant bâtiment de 38 studios, annexe du Royal Palace et doté d’une magnifique terrasse qui leur permet d’organiser de joyeux barbecues à la belle saison.

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Hommes aux mille mains

Jean Cocteau

Hommes aux mille mains je vous salue. N’êtes-vous pas représentatifs de ce temps et de cet espace qui se mélangent pour nous tromper et nous opposent leurs murs innombrables ?

Hommes aux mille mains ce que vous nous faites croire est plus réel que le réel qui est un rêve. Car dans cette partie vous tenez le rôle du sort et du mystère. Vos mensonges nous émerveillent davantage que notre pauvre Vérité. Hommes aux mille mains je forme des vœux pour que votre Art se lègue, parce qu’il s’adresse à ce que le monde conserve en lui de meilleur. Jean Cocteau (1889-1963) L’enfance. L’ILLUSIONNISTE

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Événement « Passion » au Royal Palace

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Hommes aux milles mains, de Jean Cocteau

© FABRINI

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Cachier de tours, 1re partie

La passe OKDBDD par Philippe Billot

Sandwich à la purse grip de Nourdine

16 Entracte Défilé de mode en origami

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Cachier de tours, 2e partie

Voyage en Okito par Claude Nops La cérémonie des thés de Flavien Bascoul

Équilibres impossibles et lévitation impromptue de Christian Girard

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Dossier Magiciens au siècle des Lumières de Fanch Guillemin Ce nouveau numéro fait, cette fois-ci, la part belle au cahier de tours qui comporte 6 routines. Mentalisme, équilibres impossibles et lévitation impromptue, routines des pièces et des cartes sont au menu sous l’objectif photographique de Philippe Talhouedec Cette revue a été concoctée par Christian Girard, qui m’a proposé d’en être le maître d’oeuvre avec ses amis, Nourdine, Philippe Billot et Flavien Bascoul et votre fidèle serviteur. Les effets présentés sont à la portée de tous et ne comportent pas de difficultés majeures. Vous découvrirez aussi un magnifique dossier historique réalisé par Fanch Guillemin qui traite des magiciens au XVIII ème siècle et plus particulièement du célèbre Pinetti. En passant par l’alsace, je n’ai pas résisté au nouveau spectacle du Royal Palace, où sous la férule de Pierre Meyer, les magiciens Marko Karvo, pensionnaire du Lido et, Gianni Matiolo avec ses fauves se produisent. Cerise sur le gateau, pour le seul plaisir des yeux, un clin d’oeil sur un défilé de mode avec des robes en origami, qui vous rappellera les divertissements réalisés avec l’éventail à transformation. Enfin, un poème célèbre de Cocteau que j’ai souhaité partager avec vous.

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LaPasse La Passeo o.K.K 1

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ien que ce titre ne soit pas très parlant, le mot « passe » indique que nous allons parler technique. Ce que je vous propose n’est rien d’autre qu’une subtilité vous permettant d’effectuer la passe Ovette-Kelly Du Bout Des Doigts. Je ne vous ferai pas l’injure de penser que vous ne connaissez pas la passe Ovette-Kelly. Toutefois, pour ceux qui viennent juste de débuter la magie, sachez que cette technique est un contrôle permettant de contrôler secrètement sous le jeu une

1) Le jeu étant en position de donne en main gauche, prenez-le par le dessus et par ses petits côtés avec la main droite (index recourbé dessus), soulevez-le d’environ 30 centimètres et effectuez une cascade en vous adressant très respectueusement à un spectateur de la sorte : « Monsieur, auriez-vous l’obligeance de me dire stop quand vous voulez, si cela ne vous fatigue pas trop. » Le temps de dire ces mots et… votre cascade est déjà terminée ! Cette astuce va donc amener inconsciemment le spectateur à vous arrêter avant que tout le jeu soit entièrement retombé en main gauche lors d’une prochaine cascade. 2) Reprenez le jeu de la même façon avec la main droite et effectuez une nouvelle cascade. Au stop du spectateur, redressez verticalement la portion retenue par la main droite afin de montrer au public la carte de face. Au moment où vous redressez cette portion, amenez l’index droit juste sous le coin supérieur gauche, en appuyant sur la grande tranche et positionnez l’auriculaire droit juste sous le coin supérieur droit, en appuyant sur la grande tranche droite. Ainsi, vous pouvez enserrer le paquet avec ces deux doigts, ce qui permet d’amener ensuite le pouce droit juste contre la tranche du coin inférieur gauche. Dans le même temps, dites au spectateur : « Veuillez vous souvenir de la carte sur laquelle vous m’avez arrêté, et l’imprimer dans vos neurones (c’est toujours optionnel). »

carte précédemment montrée au milieu. Il est évident que pour les adeptes du saut de coupe que vous êtes, cette technique n’est qu’un pis-aller (et non pas un pis à lait, comme dirait José Bové) mais, si l’on en croit le proverbe, il vaut mieux avoir plusieurs cordes à son arc. À l’origine, la passe se pratique en entourant le petit côté extérieur du jeu à l’aide des trois derniers doigts droits, ce qui n’est pas très esthétique. Voici donc comment effectuer cette même passe, mais du bout des doigts.

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KK. .dd.B.B.d.dDD. . de philippe Billot e dernier lui présenta un effet utilisant la fameuse passe en lui expliquant ensuite que cette technique était extraordinaire. Joe lui demanda alors de quoi il parlait. Stewart lui montra la passe et Joe rétorqua qu’il n’en avait jamais entendu parler et qu’il ne l’avait certainement jamais vendue… Comme quoi, il était déjà inutile à cette époque de demander à un magicien de dater correctement une passe ou un tour. Mais alors, me direz-vous, que vient faire Kelly là-dedans ? Et bien, figurez-vous que lors de la sortie du volume 2 du Tarbell Course in Magic en 1943, on put lire, page 184, une technique de contrôle intitulée Kelly’s Bottom Placement, d’un certain Frank Kelly, qui était en fait la même chose que le Master Move déjà décrit en 1927 ! Quelle surprise ! Et lorsqu’on se rendit compte de cela, on se mit à appeler cette technique la passe O.K. Voilà, vous savez tout, sauf le nom du créateur — mais ce n’est pas Marlo pour une fois, car lui-même pensait qu’il s’agissait d’un certain Jean Irving… sans jamais avoir pu en apporter la preuve. Le Master Move original a été reproduit dans la revue Tops n° 4 d’avril 1944.

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Historique aintenant, croyez-moi ou non mais cette passe qui porte DEUX noms a été créée en fait par un anonyme… Je m’explique : grâce à Stewart James (qu’il ne faut pas confondre avec James Stewart, l’acteur de cinéma qui a aussi fait de la magie), nous savons que cette passe est apparue dans le catalogue Treasure Magic, de Joe Ovette, en 1927, sous le nom de Master Move. Stewart James (selon ses souvenirs, que vous pouvez lire page 396 du livre Stewart James in Print : The First 50 Years, écrit par Allan Slaight en 1989) rencontra Joe Ovette lors du congrès Piff Paff Poof de 1932.

M 3) Maintenant, attention ! Au moment où vous ramenez le paquet sur un plan horizontal, vous effectuez tout simplement un comptage au pouce droit pour relâcher le petit côté intérieur de la carte notée. Ne paniquez pas si, au début, vous relâchez plus d’une carte, ça marche quand même pour la suite. 4) La (ou les cartes) étant séparée(s) au petit côté intérieur du paquet, amenez ce dernier en direction de l’autre portion restée en main gauche qui se déplace également pour venir à la rencontre du paquet tenu par la main droite. 5) Pour mieux dissimuler ce qui va suivre, il est préférable de vous tourner légèrement vers la gauche au moment où les mains se rejoignent afin de glisser la carte séparée SOUS le paquet en main gauche. Les deux photos sont faites de face pour que vous puissiez bien voir l’action. 6) Dès que c’est fait, placez la portion tenue par la main droite au bout des doigts gauches, légèrement décalée vers l’avant. Cette astuce m’a été fournie par Bébel. Vous donnez ainsi l’impression que les deux paquets n’ont pas encore été en contact. 7) Maintenez les paquets dans cette position, le temps de récapituler ce qui a été fait et de dire au spectateur de ne pas oublier sa carte, puis laissez tomber le paquet supérieur sur l’inférieur et égalisez d’une main. Pour le public, la carte notée est perdue au milieu du jeu alors qu’elle est en réalité sous le jeu.

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Sandwich à A

effet À : Trois pièces sont présentées en main droite, deux en argent et une en cuivre. B : La main gauche saisit la pièce de cuivre. C : Il ne reste visiblement que les deux pièces d’argent en main droite tandis que le poing gauche se ferme autour de la pièce de cuivre.

D : Les poings sont serrés et les mains sont tournées paume en bas. E : Geste magique. F : La main droite s’ouvre, dévoilant la pièce de cuivre prise en sandwich entre les deux pièces d’argent ! G : La main gauche s’ouvre, vide, confirmant ainsi le voyage de la pièce et l’absence de pièce duplicata.

de Nourdine

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la Purse Grip B

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Matériel Trois pièces de même taille, deux identiques et une contrastante avec les deux autres, par exemple deux pièces en argent et une en cuivre (ou une pièce chinoise, c’est selon).

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La Purse Grip ou Prise 1

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routine 4

3 : Les pièces reposent en main droite dans le prolongement du majeur, superposées mais étalées vers l’avant, la pièce de cuivre à la naissance de la première phalange. 4 : Les doigts droits saisissent les deux pièces supérieures de l’étalement pour les faire basculer ensemble d’arrière en avant, la racine du majeur droit faisant pivot. 5 : La pile ainsi retournée est insérée en Purse Grip, la pièce supérieure en argent masquant dès lors la pièce de cuivre aux yeux du public. 6 : Voici une prise de vue latérale de la tenue. La pièce inférieure n’est apparente sur la photo que pour des raisons de compréhension, en réalité il faut qu’elle soit invisible (si possible !), la pièce supérieure jouant le rôle d’une sorte de coquille impromptue. Notez qu’en contexte réel les spectateurs ont une vue plongeante sur la main, ils ne peuvent donc voir que la pièce superieure de cette pile de deux.

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à la bourse explication Pour réaliser cet effet de voyage, vous devez maîtriser la technique de « la prise à la bourse » que nous décrivons brièvement. 1 : Une pièce est positionnée à la racine du majeur. 2 : Pour la maintenir en place, sa tranche est alors pincée de part et d’autre par la pulpe de l’index et de l’annulaire. Dans la routine qui suit, la même prise s’effectuera autour deux pièces au lieu d’une seule. 2

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Photo 15-6-8-4 ter (version avec flèche ajoutée pour décrire le mouvement) 7 : Aussitôt, d’un mouvement naturel de la main droite, faites sauter la pièce qui est près de vous au-dessus de la pile de deux. 8 : Elle se positionne ainsi decalée de moitié vers l’avant de celles tenues en Purse Grip. Ce mouvement convainc le public de ce qu’il ne reste que deux pièces en main droite et par conséquence qu’il y en a une en main gauche. La position finale masque definitivement une éventuelle petite imperfection dans la tenue qui ne dissimilerait pas assez la tranche des pièces inférieures.

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La Purse Grip ou Prise

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Bonus 1 autre présentation : Dans la phase qui suit la fausse prise (photos 11 à 16), simulez un lancer de pièce de la main gauche à la main droite et faites apparaître la pièce de cuivre « à vue » et en sandwich dans la main droite, paume ouverte ! Pour ce faire, la main gauche lance en l’air une pièce imaginaire dont vous suivez des yeux la trajectoire parabolique. Lorsque le regard arrive sur la paume droite où semblent ne reposer que deux pièces d’argent (voir photo 17), effectuez un petit geste de la main droite vers le haut, un peu comme pour retourner une crêpe mais avec moins d’ampleur. Mentalement, il faut vouloir retourner de 180° les deux pièces inférieures uniquement (celles en Purse Grip) ; la troisième (celle du dessus décalée vers l’avant) suivra naturellement le mouvement vers le haut et retombera en fin de course sur les deux autres. Cette impulsion rapide semble faire apparaître instantanément la pièce de cuivre en sandwich entre les deux autres, l’effet est très visuel.

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Bonus 2

sources

Dans sa routine professionnelle, Nourdine enchaîne l’effet décrit plus haut en récupérant secrètement en poche, avec les doigts gauches, une pièce de cuivre supplémentaire. Puis il effectue une fausse prise en retournant les deux pièces en Purse Grip en main droite (comme en photos 12) sauf que l’illusion est encore plus forte puisqu’en fin de mouvement les doigts gauches tiennent visiblement la pièce duplicata). Les prétendues « deux pièces en main droite » sont mises dans la main d’un spectateur. Dans le geste, la pièce de cuivre est mise secrètement en sandwich (comme en photos 18 à 22). Nourdine effectue ensuite une disparition de la pièce de cuivre duplicata qui va être retrouvée dans un endroit impossible, à savoir prise en sandwich entre les deux autres pièces pourtant inaccessibles dans le poing serré du spectateur !

La première description relative aux recherches de Nourdine sur la Purse Grip revisitée figure dans Arcane n° 141 de janvier 2011 sous le titre de « Voyage de quatre pièces main à main ». Nous et les P&P avons donné des sources très complètes dans cette revue à laquelle nous vous renvoyons pour un approfondissement. Précisons brièvement que la Purse Grip [ou « Prise à la bourse » voire « The Morritt Grip » car indûment attribuée à Charles Morritt (1861-1936) qui présentait un « joli tour » avec ladite technique] est, selon les souvenirs de Stanley Collins cités dans le Bobo, une « vieille escroquerie des foires et des champs de courses ».

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à la bourse 13

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9 : Tournez les mains paume en bas tout en fermant les poings. Lors du mouvement, le pouce droit déplace la pièce « libre » pour la maintenir pincée entre la pulpe du pouce et la première phalange de l’index. 10 : Durant la pronation et alors que les doigts commencent à se fermer, les deux pièces tenues en Purse Grip sont libérées. 11 : La gravité fait basculer les deux pièces sur les doigts droits. La pièce de cuivre se retrouve alors au-dessus de cette pile. 12 : Le pouce ramène la pièce pinçée au-dessus des deux autres. 13 : La pièce de cuivre se trouve finalement prise en sandwich entre les deux pièces d’argent. 14 : Fermez les poings puis effectuez un geste magique (en bougeant vos pouces par exemple) ou dites une formule de votre choix. 15: Ouvrez la main droite pour montrer que la pièce de cuivre vient d’apparaître inexplicablement entre les deux autres. 16 : Ouvrez la main gauche pour la montrer vide, ce qui élimine tout doute dans l’esprit des spectateurs.

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Dernières reMarques – La pièce de cuivre, décrite comme de taille identique, peut être plus petite que les deux autres. – La pièce supérieure de celles tenues en Purse Grip joue le rôle d’une sorte de coquille impromptue. – La Purse Grip permettant de montrer deux pièces (ou plus) comme une, elle s’apparente à la levée double en cartomagie. – Nourdine a développé de nombreux effets et variantes à la suite de ses recherches d’applications de la Purse Grip, la routine ci-dessus et les bonus ci-contre n’en sont que quelques exemples.

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FashiOn Origami, est un terme qui signifie « pliage de papier ». Mot composé de Oru (plier) et de kamie (papier). L’origami est un art nippon millénaire dont les usages sont variés mais souvent destinés à la décoration. Un origami peut aussi désigner une figure d’origami, on fait alors la distinction entre celui qui renvoie à l’art et celui qui renvoie à un modèle de papier plié (soit un modèle d’origami). L’histoire de l’Origami a débuté en Chine, avec l’invention du papier par un prêtre bouddhiste. C’était en l’an 538.

Robes e n origami par Mauricio Velasquez Posada

C’est au Japon que le pliage du papier prit son essor. Vers le VIe siècle, cette technique (elle ne possédait pas encore le nom d’origami) était surtout employée pour les offices religieux dans les temples ou à des fins pratiques pour l’emballage. Le papier, qui était considéré comme un matériau précieux, n’arriva en L’ILLUSIONNISTE

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Europe qu’au XIIIe siècle. On avait déjà commencé à plier avant l’arrivée du papier, seulement, on pliait le tissu.


ShOw Naissance d’un véritable art :

jusqu’à aujourd’hui, il n’a cessé de se développer et de conquérir de nouveaux mondes. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que l’origami s’est développé en Europe, grâce au pédagogue allemand Friedrich Fröbel. L’origami était alors une activité enrichissante, qui développait la créativité, le sens du toucher, la précision du geste l’appropriation du matériau.

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nfin reconnu aux alentours de l’an 1000 comme un art à part entière, l’origami se rapprocha alors de sa forme courante. Les premiers modèles traditionnels tels la grue, le papillon, la grenouille firent leur apparition. Il continua à se développer au fil du temps avec des modèles de plus en plus élaborés et de plus en plus nombreux ; il se transmit de père en fils pendant des générations au Japon, ainsi qu’en Chine. Cet art devint si populaire qu’il s’intégra à l’éducation, dès le XIXe siècle. L’art du pliage de papier, ou origami, était enseigné dans les écoles primaires et collèges, notamment afin d’inculquer des notions de géométrie et de symétrie par le pliage. Depuis ces temps

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L’origami est alors devenu un véritable art populaire. Les magiciens se sont appropriés timidement cet art. La création la plus significative est celle de l’éventail à transformation. Sa fabrication permet de réaliser différents objets à partir d’un savant pliage en accordéon. Il est un pur produit de l’art de l’origami et permet des présentations scéniques récréatives et surprenantes. D’autres divertissements visuels, associant pliage et découpage, ont aussi vu le jour. Il s’agit non pas d’origami mais de Shinji Kirigami, un art d’origine obscure qui trouve ses racines également en Chine. Une de ses évolutions les plus populaires se retrouve dans la conception des pop up. Le designer Mauricio Velasquez Posada a conçu un défilé de mode avec de surprenantes robes réalisées sur le principe de l’origami. Il ne manque que les coiffes avec l’éventail à transformation pour couronner le tout.


Voyage en

Okit

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A - Le magicien place quatre pièces dans la boîte et la recouvre de son couvercle. B - Il la drape d’un foulard. C - L’ensemble est saisit par le dessus. D - Le magicien prend une portion du foulard afin de basculer la boîte vers le bas. Celle-ci est donc à l’intérieur de cette poche improvisée. E - Il secoue les pans du tissu : les pièces traversent le foulard. F - Le foulard est déplié afin de montrer que la boîte est vide.

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explication 3 - Avancez et basculez la main droite devant la main gauche. 4 & 5 - Sous le cache de la main droite, l’annulaire gauche prend appui sur le bord supérieur de la boîte afin de la pivoter d’un demi-tour. 6 - Placez le couvercle (sur le fond de la boîte retournée).

1 - Déposez les quatre pièces dans la boîte. 2 - Placez la boîte sur les secondes phalanges de l’index et du majeur. Saisissez le couvercle avec la main droite paume ouverte vers le spectateur.

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Matériel & préparation G- Une boîte Boston, 5 pièces et un foulard que vous placerez sur le bras, prêt à être déplié convenablement. H&I - La boîte boston est une boîte Okito dont le fond extérieur a été décalé afin de loger une pièce duplicata.

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explication 12 - Si vous le souhaitez, vous pouvez montrer à nouveau que les pièces sont dans la boîte. C’est toute la magie de la Boston ! Pour cela, reprenez le pan supérieur du foulard et relevez-le sur votre manche. 13 - Retirez le couvercle et montrez les pièces, en réalité, il s’agit de la pièce duplicata fixée sur le dessous de la boîte. 14 - Replacez le couvercle et recouvrez comme précédemment le tour avec le pan du foulard.

7, 8 - Drapez le foulard sur la boîte. 9 - Saisissez, entre le pouce et l’index, la boîte avec son couvercle et soulevez l’ensemble. Les pièces resteront dans vos doigts de la main gauche. 10 - Sortez la main gauche des pans du foulard en tenant les pièces à l’empalmage des doigts. 11 - Amenez la main droite devant la main gauche et emboîtez les pièces. Une portion du foulard est prisonnière entre la pile et le fond de la boîte.

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15 - La boîte et les pièces sont pincées entre l’index et le pouce gauche. Profitez de cette prise pour emboîter les pièces convenablement afin qu’elles ne s’échappent pas prématurément. 16 - la main gauche saisit les pans du foulard, de telle sorte que des portions de tissus recouvrent les pièces de part et d’autre de leurs tranches. Cette subtilité permet de

créer une sorte de sac, ouvert à l’arrière, qui doit rester inconnu pour les spectateurs. 17 - Abaissez le sac vers le bas, et balancez-le légèrement. 18 - Libérez les pièces soit en les faisant choir sur la table, soit en plaçant le tout sur la paume du spectateur… Je vous laisse le soin d’imaginer sa surprise.

le retourneMent invisiBle

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Avec la puissance de l’esprit, je ferai aussi des miracles Johann Wolfgang von Goethe — Poésies de Goethe L’Apprenti sorcier, traduction d’Henri Blaze

Cette très jolie et imperceptible passe permet de retourner la boîte durant sa chute au nez et à la barbe des spectateurs. Tenez le couvercle et le corps de la boîte entre le pouce et l’index. Placez l’extrémité du majeur sous le bord extérieur de la boîte. Il servira d’axe. Lâchez la boîte : celle-ci pivotera sur la pulpe de votre pouce et pivotera d’un demi-tour durant sa chute.

reMarques Le choix du foulard est important. C’est lui qui conditionne la réussite du tour. Vous devrez donc vérifier qu’il n’est ni trop fin ni trop épais et que vos pièces s’emboîtent parfaitement malgré la présence du tissu. Si vous ne possédez pas la boîte Boston, une boîte Okito fera aussi l’affaire. Il suffit de ne pas exécuter les paragraphes 12 et 13. Sources : j’ai élaboré cette version de traversée de la matière en étudiant les effets réalisables avec la boîte Okito. Je ne prétends pas être le premier à l’avoir créée. L’essentiel est que les esprits se rencontrent.

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effet et Matériel Un spectateur associe, au hasard, des étiquettes à différents sachets de thé. Le magicien demontre qu’il avait prédit ce choix. 1–Trois sachets de thé différents, de marque Twinings, conservés dans des enveloppes. Parmi une large gamme de produits, j’ai choisi les thés English Breakfast, Finest Ceylan et Earl Grey tout autant pour les couleurs bien distinctes des enveloppes de conservation protégeant les sachets que pour celles des étiquettes, à savoir le bleu, le rouge et le jaune. De plus, l’enveloppe de thé Earl Grey presente la mention « MÉDIUM » écrite en lettres capitales, un mot dont le double sens ajoutera une note de mystère sur le thème de la voyance ou permettra un calembour si votre présentation est humoristique. – Trois étiquettes assorties (soit une bleue, une rouge et une jaune) prelevées au bout de la ficelle de trois autres sachets. – Une prédiction sous la forme d’une note manuscrite indiquant : « Il est de très bon goût de toujours mélanger précisément ces trois thés ». – Une jolie boîte pour ranger tout le matériel necessaire à la cérémonie des thés ainsi qu’un tapis pour la présentation.

introDuction La lecture divinatoire dans les feuilles de thé est un art qui anime les voyants depuis des siècles. Vous qui aimez vivre avec votre temps préférez faire des prédictions directement dans les sachets. Du mentalisme appliqué à une thématique simple, idéal dans un contexte impromptu « autour de la table ». Voici pour exemple un résumé de mon texte introductif à caractère humoristique : « Avez-vous déjà vu un voyant malvoyant ? [J’enfile mes lunettes. Rires du public.] Un ami m’a demandé d’interpréter ses rêves, je n’en ai pas dormi de la nuit. Eh oui, la nuit je vois, certes, mais je vois tout en noir. Même lorsque j’observe les étoiles, je ne vois

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des thés Pour des raisons de compréhension, la photo montre les sachets qui dépassent mais, en conditions réelles, ils doivent évidemment être insérés de façon complète dans les enveloppes.

préparation

2 - Avec des ciseaux, découpez une bande d’environ deux millimètres près du haut des enveloppes de protection (ou effectuez une fente à l’aide d’un cutter) puis intervertissez leur contenu. J’utilise ce moyen mnémotechnique pour me souvenir de ce que renferme chaque enveloppe : – Les poissons (rouges) vivant dans la mer (Le Grand Bleu), le sachet de thé Finest Ceylan rouge est inséré dans l’enveloppe English Breakfast bleue. (Certes, les poissons rouges vivent en réalité en eau douce mais la mnémotechnie s’accommode très bien de ce genre d’incongruité.) – Puisqu’un citron (jaune) est plus petit qu’une Ferrari (rouge) le sachet de thé Earl Grey jaune est inséré dans l’enveloppe Finest Ceylan rouge. – En toute logique, il ne reste plus qu’à insérer le sachet de thé English Breakfast bleu à l’intérieur de l’enveloppe Earl Grey jaune. Rangez le tout dans la boîte : les trois enveloppes contenant les trois sachets intervertis, les trois étiquettes assorties et la prédiction au fond de la boîte.

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présentation Présentez la boîte de laquelle vous sortez les trois enveloppes contenant les sachets de thé puis les trois étiquettes assorties. Alignez les trois enveloppes sur la table. Refermez la boîte qui contient encore secrètement la prédiction et posez-la à l’écart. Expliquez que les enveloppes contiennent vos trois thés préférés puis ajoutez : « Mais ce que j’aime par-dessus tout c’est le mélange des trois ». Insistez particulièrement sur cette dernière affirmation dont le signifié aura une fois sur deux une grande importance en fin de routine. Pour cela, intégrez le texte exact de votre prédiction manuscrite dans votre discours : « N’oubliez pas qu’il est de très bon goût de toujours mélanger précisément ces trois thés ». La lecture ultérieure de la prédiction (dans le cas de figure n° 2 expliqué plus bas) sera conforme au mot près à votre texte de départ, ce qui la rendra d’autant plus percutante. Photo 4 : Confiez les trois étiquettes au spectateur qui est alors chargé de les distribuer « comme il le souhaite », une en face de chaque enveloppe. La seule condition qu’il doit respecter est de ne mettre aucune étiquette en face du thé de même variété afin, dites-vous, de « réaliser librement trois mélanges de thés », les trois mélanges « de son choix ». Lorsque le spectateur pose sa première étiquette, faites-lui rapidement remarquer qu’il aurait pu choisir un autre sachet (que vous désignez du doigt) mais n’insistez pas plus, il s’agit juste de mettre en évidence qu’il n’y a pas qu’un unique cas de figure possible. Proposez-lui de changer d’avis puisqu’ « il est encore temps » et qu’ainsi « il n’aura aucun regret ». Que le spectateur modifie son choix ou pas, enchaînez au plus vite pour éviter qu’il n’analyse qu’en réalité il n’existe que deux possibilités. Nous allons détailler séparément ces deux cas.

que des astres, quel désastre. Pas brillant pour un voyant. J’ai pourtant tout essayé, mais le tarot me taraude et le cristal… j’en perds la boule ! J’en avais presque fini par me dire que je ne me voyais pas d’avenir comme voyant et que la divination n’était vraiment pas ma tasse de thé. “Ma tasse de thé”… Mais où avais-je donc l’esprit ? Bien sûr, le thé !, c’était ça mon truc, ma science infuse. Si bien que, depuis, je lis dans le thé, je pressens l’avenir… mais d’une façon moderne : je n’interprète pas les feuilles de thé comme le faisaient les Anciens, je fais des prédictions directement… dans les sachets ! »

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CAHIER

DES TOURS

cérémonie cas De figure n° 1 4 - Le spectateur a distribué l’étiquette rouge en face de l’enveloppe bleue, la jaune en face de l’enveloppe rouge et la bleue en face de l’enveloppe jaune. Grâce à votre système mnémotechnique, vous savez donc que chaque étiquette correspond exactement au sachet contenu dans l’enveloppe qui lui est associée. Expliquez alors que vous aviez prédit cette disposition déterminée par le spectateur : « Vous avez associé très librement ces thés par deux pour créer précisément ces trois mélanges. Ce qui est étrange, c’est que j’avais fait moi-même un choix absolument identique au vôtre. Pour preuve, j’avais glissé à l’intérieur de chaque enveloppe très exactement le sachet de thé correspondant à l’étiquette de votre choix. » 5 - Sortez les sachets de thé un à un pour révéler que la couleur de chaque sachet correspond bien à la couleur de chaque étiquette librement disposée par le spectateur. [Notez que ce cas de figure ne nécessite pas le recours à la prédiction manuscrite restée dans la boîte et ignorée du public.]

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cas De figure n° 2 6 - Le spectateur distribue l’étiquette jaune en face de l’enveloppe bleue, la bleue en face de l’enveloppe rouge et la rouge en face de l’enveloppe jaune. Grâce à votre système mnémotechnique, vous savez qu’aucune des étiquettes ne correspond au contenu de l’enveloppe qui lui est associée. Soulignez alors que, « depuis le début », vous avez beaucoup insisté sur « les trois variétés de thé différentes » et surtout sur le fait que ce que vous aimez par-dessus tout, c’est « le mélange des trois ». 7 - Sortez les thés de leurs enveloppes un à un et faites judicieusement remarquer que la disposition choisie par le spectateur réunit parfaitement chacune des trois variétés de thé. 8 - Pour enfoncer le clou, sortez enfin de la boîte votre prédiction écrite. Le spectateur en découvre le texte : « Il est de très bon goût de toujours mélanger précisément ces trois thés ! ». la cérémonie des thés, flavien Bascoul, octobre 2010. tous droits réservés. coécrit avec christian girard.

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des thés Dernières reMarques Cérémonie des thés est ma version d’un tour qui est habituellement réalisé avec des feuilles cartonnées colorées et des enveloppes de couleur. Il s’agit donc d’un tour à sorties multiples, deux en l’occurrence. – Rappel du premier cas : chaque étiquette correspond exactement au contenu de l’enveloppe associée. Vous êtes donc le premier voyant à faire vos prédictions directement dans les enveloppes des sachets de thé ! – Rappel du second cas : chaque étiquette ne correspond ni à l’enveloppe associée ni au contenu de cette dernière, ce qui permet de réunir aux trois endroits les trois thés différents. Voilà pourquoi vous aviez tant insisté sur le fait que vous adoriez « le mélange des trois ». Le libre choix du spectateur est sans ambiguïté celui vous aviez prédit (pour preuve, la prédiction manuscrite dans la boîte). – Si vous avez une préférence pour l’un ou l’autre des deux cas de figure, vous pouvez subtilement tenter d’influencer le spectateur au moment où il aura posé sa première étiquette. Lorsque vous lui proposerez de changer d’avis, le ton de votre voix et la tournure de votre phrase peuvent plus ou moins l’inciter à le faire. – Une bonne présentation peut aussi orienter non sur les capacités prédictives du magicien mais sur un prétendu sixième sens du spectateur qui lui aurait fait trouver la bonne combinaison.

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Équilib effet

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1 : Un jeu de cartes tient inexplicablement de facon verticale, en équilibre sur les doigts.

explication 2 : La main droite tient le jeu par ses grands côtés. La carte qui est sur la face du jeu est secrètement décalée d’un centimètre vers le bas, le dos de la main fait écran côté public. 3 : Mettez la petite tranche de la carte décalée entre l’index et le majeur gauche. 4 : Abandonnez la carte qui reste pincée et mettez le jeu en appui contre sa grande tranche ou son coin superieur. 5 : Côté public, le jeu tient debout inexplicablement.

Équilibresà la carte 3 e partie - ÉQUILIBRE N° 4

de Christian Girard

revenez à la position initiale... 6 : L’équilibre impossible ne doit être montré qu’un court instant. La main droite vient aussitôt récupérer le jeu. 7 : Les cartes sont saisies par leurs grandes tranches, pouce d’un côté, majeur et annulaire de l’autre.Tournez la main pour amener la face du jeu au contact du dos de la carte pincée. 8 : La carte pincée est « additionnée » sous le jeu. Il ne reste plus de trace du stratagème ayant permis l’illusion d’équilibre impossible. 9 : A New Card Balancing Trick J.A. Jackson.

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CA HIER

DES TOURS

res impossibles 3

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4

reMarques et sources – En écartant l’annulaire et l’auriculaire gauche, vous pourrez donner l’illusion d’un équilibre du jeu sur deux doigts seulement (à savoir l’index et le majeur, ceux-là mêmes qui effectuent la pincée de la carte servant d’appui). – Les angles semblent mieux couverts si la carte est pincée par son petit côté inferieur, comme dans ma description ci-dessus. Philippe Billot a trouvé dans la revue Magic de Stanyon, (volume 1, n° 6 de mars 1901, page 43) l’origine de cette illusion décrite par J. A. Jackson sous le titre de « A New Card Balancing Trick » (voir l’illustration originale ci-dessous). Si le principe reste le même,

on y trouve cependant trois différences notables avec ma version : – La béquille d’appui était alors constituée non d’une seule mais de plusieurs cartes. – Ces cartes étaient pincées le long des grands côtés. – La pincée s’effectuait avec l’annulaire et l’auriculaire. Photo 12, « A New Card Balancing Trick », J. A. Jackson. – J’ai trouvé de mon côté la déscription de l’effet « d’une carte qui tient en équilibre sur le dos de vos doigts » par Jean Merlin dans Mad Magic n° 18, décembre 1978, p. 16 (ou dans la réédition 2007 : Mad Magic, tome II, p. 92, C.C. Edition), sous le titre Équilibre de carte. Une facon astucieuse et originale d’utiliser un faux-pouce.

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cing alan B d ar ew C AN

son Jack . A . J Trick


Équilibres impossibles et effet 10 : Un étui de cartes tient par son coin inférieur en équilibre sur un seul doigt. Attention, l’image photographique bidimensionnelles écrase l’illusion de profondeur, en réalité, le jeu se détache nettement de la main d’une bonne dizaine de centimètres. explication 11 : Des doigts droits, tenez l’étui par ses grandes tranches, pouce d’un côté, index et majeur de l’autre, puis posez-le par l’un de ses coins inférieurs sur la phalangette de l’annulaire gauche. Le dos de la main droite faisant ecran côté public, pliez secrètement le majeur gauche qui fait office de béquille d’appui.

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Levitation impromptue - 2e VERSION effet A : Une carte lévite au-dessus de vos mains. explication B : Mettez la carte en main gauche et pliez le majeur de façon à ce qu’elle repose sur le dos de la phalangette. Pour parfaire l’illusion, comblez le vide occasionné par l’absence du majeur gauche en positionnant votre pouce droit de telle sorte qu’il prenne, pour un spectateur ayant une vue plongeante, la place du doigt manquant.

Dernières reMarques L’illusion de lévitation ne doit durer qu’un instant fugace pour résister à l’analyse. La photo A laisse apercevoir en partie la racine du pouce droit pour des raisons de compréhension. En réalité, un spectateur regardant par au-dessus dans l’angle adéquat pour l’illusion ne doit pas voir cette portion charnue. Seule l’extrémité du pouce droit dépasse visuellement de la carte et se substitue au majeur gauche.

A

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B


Lévitation impromptue Équilibresà la carte -

équilibre N° 5

reMarques Cette façon de procéder (équilibre sur un coin) est le petit plus que j’apporte à « l’équilibre impossible 3 » décrit dans l’Illusionniste n° 371 pages 28 et 29. Cet effet, qui doit être fugace pour provoquer l’étonnement, peut être réalisé avec un étui (plein de préfèrence) ou avec tout autre objet approprié. Avec un peu de pratique, il est possible de réaliser cet effet avec un jeu de cartes (sans étui) et d’une seule main (auquel cas il est plus aisé de se servir de l’autre coin inférieur des cartes car naturellement plus proche de l’annulaire lorsque le paquet est en tenue de donne). Les équilibres impossibles 1, 2 & 3 sont décrits dans l’Illusionniste n° 371.

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sources 1/ Lévitation impromptue, Christian Girard, L’Illusionniste n° 371, pages 30 et 31, mars 2010. Outre la description détaillée de l’effet figurant en fin d’article, plusieurs sources relatives à des lévitations basées elles aussi sur le principe d’un doigt faisant office de support invisible. Pour cet effet de lévitation nommé plus généralement « La Carte flottante », Philippe Billot (que je remercie) a trouvé deux autres références très pertinentes auxquelles nous vous renvoyons ci-après. 2/ O – C – I, John Samapaga, Magical Arts Journal (MAJ) vol. 1, n° 1, pages 7 et 8, août 1986. Cette lévitation de toute beauté nécessite trois cartes dont une qui peut être choisie et deux ayant secrètement une découpe particulière, leurs formes évoquant respectivement les lettres O, C et I (d'où le nom du tour). Photo D : lévitation OCI John Samapaga : 3/ The Impromptu Floating Card, Sid Fleischman et Bob Gunther, Genii (The Conjurors’ Magazine), vol. 8, n° 5, page 167, janvier 1944. Dans cette version, si les doigts sont certes croisés au départ, c’est bien l’un d’entre eux (le majeur droit en l’occurrence) qui va en définitive jouer le rôle de support invisible. Photo E : lévitation Fleischman et Gunther tous droits réservés, christian girard, février 2011. L’ILLUSIONNISTE

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Magiciens duSiècle desLumières PAR

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FANCH G UILLEMIN


LA MAGIE MODERNE Le Grand Édit sur la Magie, décrété par Louis XIV en 1682, relègue la sorcellerie au rang des superstitions, ouvre la voie au Siècle des Lumières, et met fin aux bûchers où périrent jadis des escamoteurs comme Trois Échelles ou Desbordes. Le moderne abbé Bordelon se moque des charlatans dans des ouvrages comme « Les tours de maistre Gonin », 1713. Mais en revanche, son confrère l’abbé Fiard – en retard sur son temps – publiera encore plusieurs livres accusant, entre autres, le ventriloque Saint-Gille et l’illusionniste Pinetti, d’avoir passé un pacte avec Satan. L’art de l’escamotage se répand dans la bonne société et est enfin enseigné par des manuels de qualité comme le chapitre entier des tours de gibecière, dans l’édition de 1725 des « Récréations mathématiques et physiques » d’Ozanam, le manuscrit de BrièreDumartherey, 1732, le traité complet de Carlo Antonio : « Trésor des jeux », 1759, les articles du Chevalier de Jaucourt, dans « L’Encyclopédie » de Diderot, 1751 à 1772, les magnifiques livres de Guyot, 1769 à 1774, les brochures d’Augier, Préjean, Mailly, etc. Et surtout « Le Testament de Jérôme Sharp », de Decremps, 1785, exceptionnel ouvrage contenant les explications des tours et des passes de Pinetti, qui seront reprises dans « l’Encyclopédie de Panckouke » que découvrira, trente ans plus tard, RobertHoudin avec émerveillement...

« Ce Comus dont les tours de passe-passe tracassent nos philosophes… n’est pas sorcier à coup sûr, et cela me suffit ! » Diderot, 12 août 1762. Lettre à Sophie Volland. Le problème, avec ces modernes faiseurs de prestiges, c’est qu’on ne sait effectivement pas encore trop où les classer, comme le remarque aussi notre confrère magicien et ami François Bost, maître de conférences à l’université de Paris-X Nanterre et brillant chercheur sur l’histoire de notre art. Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’apparaîtront les termes : « prestidigitateur » et « illusionniste »... Ne faisant plus appel aux forces occultes et lucifériennes, mais à l’adresse manuelle, à la mécanique et aux pouvoirs secrets des sciences naturelles en plein développement, ces curieux opérateurs trouvent facilement leur place dans les cabinets de physique, très à la mode à cette époque, et dont le Musée de Georges Proust poursuit aujourd’hui la tradition. Les récentes découvertes, en optique et en particulier sur le magnétisme et l’électricité, permettent des effets inattendus dont Comus sera justement l’un des maîtres. Comus : « le Physicien du Roy » « Le fameux Comus, classé parmi les escamoteurs, était un savant distingué de l’école de Volta et de Galvani. La pauvre MarieAntoinette raffolait de lui. À son passage en 1777, Joseph-II, empereur d’Autriche, déclara qu’il n’avait rien vu de plus curieux que Comus... » alexandre Dumas : « les Mille et un fantômes » , 1849. Nicolas Ledru, dit Comus (1731-1807) fut nommé par Louis XV « Maistre de Physique des enfants de France », puis « Physicien du Roy » tout court, sous Louis XVI. Son spectacle brillant et varié attirait les foules. Diderot y assista le 12 septembre 1762, au Petit Théâtre des remparts à Paris, et en fit un commentaire très positif, en particulier du tour de « la petite sirène » plus élaboré que celui du « cygne ou du canard éduqué », et qu’expliquera Guyot en 1769. La même année, en 1762, Jean-Jacques Rousseau met en scène, dans « L’Émile, ou de l’Éducation », un escamoteur-pédagogue présentant « le canard éduqué », avec une explication amusante mais simpliste, L’ILLUSIONNISTE

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bien éloignée de l’ingéniosité et de la sophistication de ce truc qui émerveillerait encore les spectateurs d’aujourd’hui, comme il intrigua réellement alors l’astucieux Diderot. Comus opéra aussi dans divers autres théâtres et à la cour d’Angleterre, où il présenta différents appareils de navigation de son invention, qui furent adoptés avec succès par la Royal Navy. Se consacrant de plus en plus à la recherche, son nouveau statut fut accepté par les sociétés savantes de l’époque. Les dictionnaires le classent d’abord comme « physicien... pratiquant aussi l’escamotage », alors que ce fut l’inverse, au siècle suivant, pour RobertHoudin qui n’eut pas cette chance d’être reconnu à part entière par la communauté scientifique. Comus fut un précurseur dans le domaine de l’application médicale de l’électricité pour soigner les maladies nerveuses, et y travailla officiellement avec son fils médecin : le docteur Ledru, lequel deviendra un familier d’Alexandre Dumas, autre passionné de magie.


Pinetti

un grand

L

e sieur Pinetti attire un monde prodigieux de la plus haute volée. Ses tours sont aussi variés que surprenants ; et s’il n’était pas étranger et qu’il s’énonçât plus facilement dans notre langue, il séduirait infiniment... » Bachaumont, critique théâtral : « Mémoires secrets », 1784. Giuseppe Pinetti de Willedal de Merci (1750-1805 ?) naquit en Toscane. Professeur de mathématiques et vrai magicien professionnel à part entière, il va triomphalement parcourir l’Europe de long en large, pendant vingt ans, de l’Italie au Portugal, de l’Angleterre à la lointaine Russie, drainant les foules enthousiastes dans les théâtres les plus prestigieux, et éblouissant les nobles et les monarques dans les Cours les plus somptueuses de son temps... Le XVIIIe siècle connut de fameux aventuriers comme Casanova, Mesmer, Cagliostro, le « comte » de Saint-Germain, ou le chevalier Goudar, tricheur légendaire, qui jouèrent parfois au charlatan et pratiquaient tous, plus ou moins secrètement, l’art de l’escamotage... Pinetti, lui, se présente en artiste moderne. Ce n’est pas un scientifique comme Comus dont il reconnaît la valeur de savant, mais un homme cultivé, élégant et plein de talent. En avance sur son temps, il a pris conscience du rôle important de la publicité dont il use habilement pour annoncer ses spectacles, attiser la curiosité, la confiance, la sympathie et l’intérêt, et se mettre en valeur. Avec son épouse, il propose déjà un programme éclectique, dont de très nombreux articles de presse du temps font l’éloge, avec des tours que beaucoup de magiciens actuels pensent avoir seulement été créés au XIXe siècle : La carte choisie clouée au mur d’un coup de pistolet... Les anneaux enclavés... La seconde vue... Les cartes montantes ... La pièce volante... L’oranger magique... La montre brisée et réparée... Le petit Turc automate... Le billet brûlé retrouvé dans un fruit... Le castelet où l’on pose une boule qui sort par la porte choisie par le public...

pinetti, selon robert-Houdin « Robert-Houdin was not given to indue praise of other conjurers... » S.W. Clarke : Annals of conjuring , 1924. Dans ses « Confidences et révélations », 1868, Robert-Houdin présenta, sans preuve aucune, Pinetti comme « un homme indigne...déloyal...et lâche... », une sorte de saltimbanque de foire vulgaire et malhonnête. Décrivant sa mise en scène, il parle aussi gentiment de « ses oripeaux et ses ornements surannés… » ! Robert-Houdin n’est pas tendre envers ses confrères ; et c’est effectivement le moins qu’on puisse dire. Ses prédécesseurs n’auraient été selon lui que de pouilleux charlatans de rue, tous vêtus d’extravagantes robes étoilées et de chapeaux pointus, et usant de tables aux tapis descendant jusqu’au sol afin d’y dissimuler un compère. Il aurait été le premier à se présenter en scène, dans une tenue simple et correcte, et à donner enfin ses lettres de noblesse à l’illusionnisme en opérant dans un théâtre bourgeois, et à deux

Pinetti et son matériel magique. Affiche publicitaire en 3 volets. Collection Marteret

reprises à la Cour de France et d’Angleterre. Quand on voit les portraits d’époque de Comus et de Pinetti, et qu’on lit les témoignages de leurs contemporains, on est bien loin de l’image caricaturale que Robert-Houdin nous a longtemps imposée. Une gravure de 1816 montre aussi le magicien suisse Comte en stricte tenue de soirée, opérer devant Louis XVIII et sa Cour ; et les tables de Pinetti n’avaient pas de tapis. Robert-Houdin écrit aussi avoir « inventé » la seconde vue... que Pinetti présenta à Londres au siècle précédent. Un autre Italien, Giovanni de Jasonne, l’effectuait déjà avec son jeune fils, 350 ans plus tôt ! Notons que le journaliste Jules Vallès déclara, dans un intéressant article sur le sujet, que le principe de la seconde vue aurait été enseigné à Robert-Houdin par le comédien anglais Sir Lepsom. (Le Figaro, 20 juillet 1865)

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REPORTAGE

illusionniste moderne

Il est vrai que Comus et Pinetti ont eu le tort de ne pas rédiger de Mémoires. Leur carrière bien remplie ne leur en a sans doute pas laissé le loisir, ou peut-être ne possédaient-ils pas les qualités littéraires requises ; et l’on doit reconnaître que Robert-Houdin avait un vrai talent d’écrivain. Magicien professionnel durant seulement six à sept ans, il modernisa et imagina de nombreux tours. Il fut aussi un mécanicien exceptionnel créant et perfectionnant d’ingénieux mécanismes. Il fut un chercheur scientifique compétent. Enfin, il sut s’imposer à la postérité – comme « père de la magie moderne » – par ses ouvrages populaires et souvent réédités. Son rôle, contesté plus tard par Houdini, fut récemment glorifié par le producteur de cinéma C. Fechner, dans de luxueux livres très documentés et magnifiquement illustrés. Le critique américain,

Jamy Ian Swiss, dans la revue Genii, de mars 2001, a cependant déploré que l’auteur ait seulement présenté Robert-Houdin comme une star sainte et lumineuse, n’offrant que ses côtés positifs indéniables, et qu’il ait gommé ou délibérément omis toutes les ombres qui auraient pourtant donné au portrait plus de relief et d’humanité. Il n’en reste pas moins que malgré leurs faiblesses et leur ego, Houdini au XXe siècle, Robert-Houdin au XIXe, et Pinetti au XVIIIe furent tous trois de grands illusionnistes... comme d’autres encore, parfois tombés dans l’oubli, mais qui ont aussi contribué au développement de notre Art dont les origines remontent à la nuit des temps... Nota : Avec mes remerciements sincères à la famille Marteret, à François Bost, à Volker Huber, à Stefane Laurens et à Xavier Belmont.

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Le Fameux Romain : gravure d’époque. Dictionnaire du Théâtre, A.Pougin -1884 -Collection Fanch Guillemin

D

isparition magique du public... Des escamote urs , comme le Fameux Paysan de Nort-Holland ou aussi le Fameux Romain, parcouraient alors l’Europe, de théâtre en théâtre et au moment des grandes foires, avec des programmes déjà variés. Un article de presse rappelle le passage de l’un d’entre eux, marqué par un fait divers amusant,

public disparaître à leurs yeux et hurlèrent : Ooh ! C’est le meilleur de ses effets. Ce coup-là surpasse tous les autres… » ( Repris dans la Gazette du Connecticut, du 19 juillet 1765, et dans l’édition de 2001 de Annals of conjuring, page 550.)

mais qui aurait pu s’achever en catastrophe meurtrière : « Puy en Velay, 21 avril 1765. Samedi dernier, entre 9 h et 10 h du soir, deux à trois cents personnes assistaient au spectacle d’un magicien italien, dans une grande salle où il exerçait ses talents. Après quelques tours surprenants, il annonça : Maintenant, vous allez voir quelque chose de vraiment extraordinaire… Et à peine ces mots étaient-ils sortis de sa bouche, qu’il survint effectivement un événement dramatique et inattendu qui stupéfia autant le magicien luimême que les spectateurs, car le plancher de la salle s’affaissa soudain accidentellement (...) Deux servantes qui regardaient sans payer, par une fenêtre à l’extérieur, virent brusquement le

« Féeries et grandes illusions Un spectacle brillant accompagné d’une musique harmonieuse... charme l’assistance. Et le merveilleux des artifices de la machinerie ajoute beaucoup d’intérêt à ces pièces... » J.-J. Rousseau : Lettre sur l’Opéra. Les effets spéciaux de la machinerie théâtrale (qu’on désignera seulement au XIXe siècle du nom de « trucs » ) avaient connu leur apogée sous

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Louis XIV, dans les pièces de Pierre et Thomas Corneille, de Molière, de Quinault et de Régnard, mises en musique par Lully. Ces techniques se perfectionnèrent encore au XVIIIe siècle, offrant des illusions parfaites – changements à vue, voleries, apparitions et disparitions… – comme le raconte, avec émotion et enchantement, Valentin Jamerey-Duval dans ses Mémoires, en 1718. Mais cet engouement du public poussa malheureusement les directeurs de salles à négliger le reste – texte, musique et intérêt dramatique – pour ne plus présenter qu’une succession de trucs magiques sans réel lien artistique et sans message. (N’est-ce pas encore souvent le cas aujourd’hui, où quelques illusionnistes reviennent cependant vers une forme plus fidèle au théâtre d’origine et porteur de sens ? ) Quelques auteurs connus, comme Beaumarchais dans Le Tarare, ou J.-J. Rousseau dans Le Devin du village, accompagnèrent avec succès certaines pièces, de féeries et de musiques de Salieri, de M. A. Charpentier et de Jean-Philippe Rameau, sans atteindre toutefois le niveau exceptionnel des maîtres tragédiens du Grand Siècle. Des magiciens itinérants avaient depuis longtemps emprunté à la scène – et vice versa – les grandes illusions les plus pratiques ; et l’on pouvait assister, dans les foires, à l’entresort de « la tête sans corps », du « panier indien transpercé », d’apparitions et disparitions d’enfants et d’animaux sous des gobelets géants, de l’évasion d’un homme ligoté dans un sac, du décapité vivant, et même déjà… de « la femme sciée »: comme le prouve une étonnante gravure découverte par notre ami breton Stefane Laurens qui propose une magnifique exposition avec des tableaux anciens et inédits sur notre Art. (www.toutsurlamagie.com). Magiciens italiens sciant une femme en deux. Gravebroeck : Ian Gan (1731/1807). Musée Correr à Venise. Illustration communiquée par Stéane Laurens. L’ILLUSIONNISTE

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REPORTAGE

Pinetti

C

e fameux tour, souvent effectué par Pinetti, fut illustré par des gravures d’époque comme le frontispice de « La Magie blanche dévoilée » de Decremps, 1784, représentant l’artiste en action. Le magicien faisait choisir une carte et la plaçait avec un clou dans le canon d’un pistolet tromblon. Au coup de feu, la carte apparaissait sur le fond de scène, clouée à la tapisserie. L’effet était plus spectaculaire et magique que celui de la carte collée au plafond par une boulette de poix : tour déjà expliqué dans « La maison des jeux académiques », en 1665, et dont notre contemporain Mickaël Ammar fera encore un grand succès, trois siècles plus tard.... Selon François Bost, grand spécialiste de Pinetti, ce dernier déchirait parfois un coin de la carte, prouvant que la carte clouée était bien la même. Comment procédait-il donc, alors qu’il ne disposait sans doute pas encore de l’intercessor de Gaëtan Bloom ? Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses sur le sujet. En tout cas, la carte forcée et son clou demeuraient évidemment dans la double paroi du canon. La carte duplicata, transpercée d’avance par un autre clou, était cachée au départ derrière l’un des deux miroirs du fond. Un fil solide la reliait à un petit trou dans le décor. Au coup de feu, l’assistant (son épouse?) tirait brusquement, et la carte apparaissait soudain, comme clouée au mur... Ce tour magnifique a été modernisé au XXe siècle. Je l’ai personnellement souvent présenté dans les années 1960, et encore en 2009, au Congrès F.F.A.P. de Vannes, avec François Bost, lors de notre conférence démonstrative sur les magiciens du Siècle des Lumières. On peut en trouver une bonne explication dans le livre du Prof. Boscar (Rémi Ceillier) : Dix séances d’illusionnisme, Paris, Lanore, 1928, en une version d’Ezu Ala. Cette fois, la carte apparaît réellement épinglée à la veste, au dos d’un assistant ou du magicien ; et le spectateur la retire lui-même... (Avec l’utilisation de l’intercessor, c’est un vrai petit miracle.) J’utilise, pour ma part, un révolver d’alarme muni d’un barillet à six cartouches de théâtre, de 6 mm. J’y ai adapté un cône en carton solide renforcé de plastique noir adhésif, et pourvu d’une double paroi intérieure où l’on glisse la carte forcée et une épingle. L’ouverture est alors obturée par un morceau de papier journal maintenu par un élastique. Le gaz produit par l’explosion fait éclater le papier et fumer le canon : ce qui renforce l’effet. (Un simple jouet à amorces n’est pas suffisant !)

La La carte duplicata est préparée de la façon suivante : un fil noir solide d’environ 2 mètres (le mien est du chinois 4000, n° 654, super résistant) est enfilé dans le chas d’une grosse aiguille, en un double brin d’un mètre. On enfonce l’aiguille dans l’étoffe du dos de l’habit, de l’extérieur vers l’intérieur. On dégage les deux bouts du chas de l’aiguille, on les noue et on accroche la boucle A à un bouton de la veste. On passe alors la boucle B extérieure dans l’épingle transperçant la carte (voir figures). La carte avec son double fil est provisoirement placée dans la pochette extérieure de la veste... Avant d’entrer en scène, l’assistant sort la carte, la dispose sous l’aisselle de son bras gauche, et règle la tension du double fil... Il tourne le dos au tireur qui le vise... 1...2...3... Boum ! Au coup de feu, il suffit de lever un peu le bras gauche et de tirer , de la main droite, sous la veste devant le corps, d’un coup sur la boucle nouée. La carte vient se plaquer dans le dos. Des gens m’ont même assuré l’avoir vue voler en l’air ! Le plus remarquable, c’est que dès que le spectateur retire l’épingle, le fil toujours tendu traverse l’étoffe, et il n’y a plus rien à voir... Nota : si vous le présentez seul : c’est le spectateur qui tient le pistolet ; et vous mettez discrètement votre carte en place en remontant sur scène...

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carte au pistolet

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