Tendances6

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Conseil de Développement de la

Horizon 2030

TENDANCES n°6 -Octobre 2010

Loire-Atlantique

Une distance domiciletravail écartelée, un déséquilibre de commerces et d’emplois au grand dam de la périphérie, une dépendance à la métropole... Aujourd’hui, nos territoires sont dans une impasse : nos mobilités quotidiennes génèrent stress, coûts économiques et écologiques. En cause : un siècle d’automobile et nos choix d’aménagement des villes au sortir de la guerre. Des solutions ? Beaucoup de courage et un peu d’imagination.

Quelle

mobilité mobilité durable

pour les espaces ruraux et urbains ?

U

n mois déjà que la rentrée bat son plein à grands coups de klaxon, de pédales et de bousculade ! Si la fameuse expression « métro, boulot, dodo » symbolise depuis longtemps le quotidien des Parisiens et plus généralement celui des citadins, elle pourrait bien prendre une nouvelle tournure, no-

tamment pour les rurbains : « auto, boulot, dodo ». En effet, la dépendance à la voiture dans les périphéries est devenue symptomatique du déséquilibre croissant de nos territoires. D’un côté, le territoire périphérique des pôles urbains s’est vidé de centaines de milliers de commerces et de millions d’emplois en quelques dé-

cennies. De l’autre, la ville s’étale et son périmètre devient de plus en plus flou. Évidemment mettre la ville à la campagne et inversement relève de l’irrationnel. Sans nouveaux équilibres territoriaux, nous irons droit dans le mur. Alors, comment créer l’équilibre, comment construire une interdépendance des villes et des cam-


Mieux s’informer  « Exode urbain, exil rural », Monde diplomatique, Août 2010 www.monde-diplomatique.fr  www.ville-rail-transports.com  La ville du futur. Rêves ou cauchemars ? www.senat.fr/notice-rapport /2009/r09-510-notice.html

Notes Le Conseil de Développement de la Loire-Atlantique a invité Bruno Marzloff, sociologue et directeur du cabinet Media Mundi, à s’exprimer sur la mobilité durable le 7 septembre 2010. Cette conférence s’inscrit dans le cadre d’une réflexion, intitulée « Loire-Atlantique, horizon 2030 », menée depuis moins d’un an par le Conseil de Développement.

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La métapole est définie par François Ascher comme « l’ensemble des espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d’une métropole ». Metapolis ou l’avenir des villes, 1995

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Le terme « hub » urbain, emprunté au vocabulaire aéroportuaire, désigne un espace au carrefour de flux de biens, de personnes et de services, qui peut s’assimiler à une plate-forme d’échanges urbains.

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pagnes ? Un indice : la mobilité. Depuis sance démographique se situe dans toujours, le couple mobilité-centralité un rapport d’environ 1 à 5. C’est le cas est inséparable. Bruno Marzloff, sociode l’Ile-de-France et des États-Unis delogue et directeur du cabinet Media puis ces 10 dernières années. Mundi l’a bien sûr remémoré, lors de Troisième limite : la part des pollutions la conférence organisée par le Conseil liées aux déplacements ne cesse de de Développecroître. Le transport ment de la Loireest le seul secteur Atlantique le mois dont l’empreinte En 40 ans, la distance dernier1 : « C’est écologique n’a domicile-travail l’organisation des pas diminué demobilités qui fixe puis 10 ans. Tant moyenne pour un la localisation des que l’inflation des salarié est passée de villes. C’est le pardéplacements ne 3-4 km à 30-40 km. cours à pied en sera pas maitrisée, une journée, qui et peu importe les déterminait la paavancées technoloroisse et la commune. C’est le parcours giques, la situation continuera de se à cheval qui délimitait le périmètre corser. des départements ». Aussi après un Enfin, les coûts économiques pour les siècle d’automobile, il est nécessaire ménages comme pour la puissance de comprendre comment la mobipublique explosent. D’un côté, la part lité actuelle redéfinit le territoire. Sans des charges liées à l’habitat et au transcompter que les mobilités pourraient port ne cesse de grimper dans le budêtre mises à contribution pour restrucget des ménages. Souvenons-nous turer les modes de vie et la vie urbaine de la crise des subprimes qui a pris et finalement répondre aux nouvelles naissance dès 2006 dans les postes exigences sociales, économiques et budgétaires habitat et transport. Des environnementales. Mais avant d’aller logements peu chers étaient proposés plus loin, posons le diagnostic. à des ménages non solvables en périphérie. Les budgets de déplacements afférents étaient occultés, consumant Haro sur nos ensuite le peu de solvabilité qu’il resdéplacements : tait à ces ménages. Et d’un autre côté, la puissance publique perd ses moyens stress, coûts d’investir massivement.

et pollution

« En 50 ans, la mobilité générale mesurée en distance parcourue a été multipliée par dix. Rien de dramatique puisque dans le même temps, nous avons fait évoluer la productivité des déplacements. Mais cela a donné lieu à une série d’externalités négatives qu’il faut considérer », explique Bruno Marzloff. Quatre grandes limites sont palpables. Tout d’abord, le stress des déplacements est devenu maladif. Invraisemblable ? Et pourtant, selon plusieurs études en 2010, c’est le cas de nombreux salariés, notamment ceux des périphéries, qui supportent de longs trajets domicile-travail. En 40 ans, la distance domicile-travail moyenne pour un salarié est passée de 3-4 km à 30-40 km. Résultats : des modes de vie compromis, un repli sur soi inévitable... Deuxième limite : le découplage entre l’étalement de la métropole et la crois-

Bourgs fantômes versus métapole Alors que la périphérie et l’espace rural s’interrogent sur les moyens de pallier leurs carences, « les métropoles se posent la question de l’urbain rampant et du gigantisme qui dissout la ville d’hier, de ce que François Ascher appelait la métapole2 » souligne le sociologue. Comment nos territoires en sont arrivés là ? Nos choix d’une civilisation automobile, renforcés par ceux d’une massification des équipements, des usages et des réseaux de la ville, à la fin de la guerre, ont transformé les villes françaises. Trois carences urbanistiques ressortent clairement : l’absence de centralités périphériques fortes, la carence des hubs3 et la faiblesse des liaisons intercités. Comment les combler ?

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Renforcer l’urbanité des périphéries, penser « centralités » Aujourd’hui, les services ou les biens qui ne peuvent pas être obtenus sur nos lieux de vie sont souvent recherchés ailleurs. Résultat : des espaces affaiblis en périphérie qui se vident de leurs services et commerces du quotidien. Cette logique doit s’inverser, pour que les périphéries puissent renforcer leur urbanité et leur attractivité. « Qu’il s’agisse de bureaux de poste, de gare, de commerce, de lieux de vie…, il faut d’abord penser centralités : comment les renforcer, voire les créer de toutes pièces ? » martèle Bruno Marzloff. La recherche de centralités est fondamentale. Mais qu’est-ce exactement ? Les centralités se fabriquent autour d’ancrages forts, qui encouragent les fréquentations, donc les échanges et le commerce. Un bureau de tabac ou une épicerie qui sert de bureau de poste, c’est le début d’une centralité qui pourra se solidifier au fil du temps avec l’émergence de nouvelles offres.

Mailler le territoire Mailler le territoire est devenu capital. Cela passe par une organisation cohérente de la circulation sur le territoire ou encore par des palliatifs à la voiture individuelle : comme favoriser le covoiturage, l’autopartage, le transport à la demande, les taxis collectifs, encourager la marche ou bien même l’usage des vélos sur de plus longues distances.

Plein phare sur les pistes à suivre En résumé, deux pistes de réponses s’offrent à nous : d’une part, la recherche de centralités périphériques et de renforcement des fonctionnalités locales, d’autre part la consolidation d’un maillage interurbain de transports publics, couplé avec des formes de mobilités alternatives. Mais ces chemins resteront sans issue, si certaines conditions ne sont pas mises en oeuvre.

Créer de la concertation interterritoriale Aujourd’hui l’emprise de la métropole sur les façons de penser le territoire est souvent irrésistible. Les découpages administratifs hérités de l’ère révolutionnaire et napoléonienne bornent encore nos territoires, bien qu’ils ne correspondent plus à la réa-

lité, ni aux mobilités quotidiennes. Il faut pouvoir s’affranchir de ces frontières. « Il faut créer de la concertation interterritoriale, qui permet de servir le jeu des échelles de mobilité » ajoute le directeur de Media Mundi. Autrement dit, il s’agit d’encourager les maillages intraterritoriaux entre les cités périphériques, en termes de transport, de déplacement des gens, d’offres de biens et de services.

Encourager un quotidien à distance Ce qu’il faut entendre par quotidien à distance, c’est le commerce à distance, qui se développe désormais à la vitesse grand V et évite au bout du compte des déplacements inutiles, ainsi que le travail à distance. D’ailleurs, notre utilisation des téléphones mobiles ou d’internet, pour ne citer que deux exemples, fait déjà de nous des télétravailleurs. 

« Il faut créer de la concertation interterritoriale, qui permet de servir le jeu des échelles de mobilité » Bruno Marzloff

mobilité

durable VISION FUTURE

de la Loire-Atlantique

Aujourd’hui

Demain ?

• Développement d’initiatives en faveur de la mobilité : le réseau de cars Lila, le développement d’un TER Angers-NantesCroisic...

• Le projet tram-train Chateaubriant-Nantes

• L’agglomération nantaise concentre 48 % de la population départementale, à ceux-là s’ajoutent 12 % qui y viennent pour leur travail, leurs courses, leurs loisirs.

• Mobilité et systèmes d’information : quelle articulation, quel avenir ?

• La voiture assure près de 7 déplacements sur 10, contre 2 pour la marche et près de 1 pour les transports collectifs.

• Étalement urbain et maillage du territoire : quel équilibre à venir ?


Développer l’utilisation des systèmes d’information

Pourquoi ? Les acteurs du territoire et les nouveaux acteurs, comme certains moteurs de recherche, contribuent à alimenter les systèmes d’informations, tout comme les usagers, les citoyens, les travailleurs, etc. Ces flux de données révèlent d’autres pratiques du territoire, que celles communément admises. En effet et Bruno Marzloff le rappelle : « Les données, les informations, les services et les réseaux sociaux permettent à l’usager de façonner sa ville ». Ce sont finalement des leviers significatifs pour améliorer la gouvernance d’un territoire. Cependant, il ne faut pas oublier que l’utilisation des systèmes d’information comporte des limites et pose notamment la question de la protection de la vie privée. Et c’est aussi là que réside un des premiers challenges à relever pour nos territoires.

Certaines de ces solutions sont déjà engagées sur le territoire national, et notamment en Loire-Atlantique. Développer des moyens économiques et des infrastructures ne sera pas suffisant... Carburer au courage, à l’imagination et à la créativité : voilà le secret pour ouvrir la voie à des espaces de vie et de mobilité durables.

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« Vélotoroute » !?

Impossible n’est pas anglais, ni danois, ni néerlandais ! Il semble que le vélo ait aussi droit à son autoroute. Des villes comme Londres, Copenhague et Amsterdam développent depuis peu le concept d’« autoroute de vélos ». Le principe est de développer l’usage du vélo hors des limites de la ville centre. Une idée à re-cycler ?

Gares rurales : une remise sur rails

des

IDéES

en marche À la recherche d’un itinéraire optimal

Pouvoir choisir, en quelques clics, son supermarché en fonction des dépenses induites pour y accéder : c’est un pari gagné par l’entreprise américaine Front Seat, le développeur du site internet Transit score. Au-delà des constructions d’itinéraires classiques, ce site propose de mesurer les « accessibilités » et la « vivabilité » d’un espace et de son voisinage, ainsi que le score en budget des ressources urbaines accessibles et des déplacements induits. Plus que de faciliter une lisibilité de la ville et de ses réseaux, l’entreprise de « civic software » s’est lancé le défi de porter un nouveau regard sur la ville et ses pratiques et de faire s’interroger les usagers. Pour cela la transparence des données est et sera indispensable. L’analyse de Front Seat peut être une piste valable ici comme outre-Atlantique. Aux États-Unis, le piège de l’étalement urbain lié à la massification automobile n’est en effet pas très différent de celui de la France. Il ne diffère que par son intensité.

La Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) mène actuellement une réflexion, dans le cadre du projet de la 27e région, sur l’avenir des gares rurales en France. L’objet de leur étude ? La gare de Corbigny en Bourgogne. Comme pour beaucoup de gares rurales, celle de Corbigny semble abandonnée. Une équipe dédiée et les acteurs locaux ont ainsi débattu autour de pistes d’innovations, histoire de lui donner un second souffle. Aujourd’hui l’objectif est de transformer le lieu et de renforcer sa fonction de hub local de mobilité pour le territoire. Cela passe par des actions toutes simples, comme faire revivre l’affichage dans le hall, installer des chaises, des bancs, des tables, un coin bibliothèque. Quelques expérimentations sont également à venir : une location de vélo, l’installation de garages à vélo, la mise en place de pistes cyclables, un système de covoiturage... Et même l’idée de louer ou de prêter le premier étage vide à des petites entreprises, des crèches ou des maisons de santé semble germer.

En savoir plus www.groupechronos.org www.frontseat.org fing.org

Conseil de Développement de la Loire-Atlantique Directeur de la publication : Alain Sauvourel Rédaction : Julie Le Mestre, Jean-Luc Tijou, Bruno Marzloff ll Mise en page et illustration : Julie Le Mestre ll Crédits photos : Fotolia ll Impression : CODELA CODELA - 21 Bd Gaston Doumergue - 44200 Nantes ll tel : 02 40 48 48 00 ll Fax : 02 40 48 14 24 ll Courriel : cdla@codela.fr ll Site web : www.codela.fr/cdla/presentation


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