Face à la crise, une autre approche de la richesse pour des politiques publiques de mieux être.

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Conseil de Développement de la

LOIRE-ATLANTIQUE

FACE À LA CRISE, une autre approche de la richesse pour des politiques publiques de mieux être

CONTRIBUTION de Patrick VIVERET Février 2010


2 Conseil de DĂŠveloppement de la Loire-Atlantique - Contribution de Patrick VIVERET


Patrick VIVERET De formation philosophique (CAPES) et diplômé de l'Institut d’Études Politiques de Paris, Patrick Viveret fut magistrat à la Cour des Comptes (conseiller maître) où il a été nommé en janvier 1990. Il fut rédacteur en chef de la revue "Faire" de 1975 à 1981 puis de la revue "Intervention" de 1982 à 1985, et de la revue transversale « Sciences culture » de 1992 à 1998.

Bibliographie Auteur de : Attention Illich (Cerf, 1974.) Pour une nouvelle culture politique, en collaboration avec Pierre Rosanvallon (Seuil, 1978.) L’évaluation des politique et des actions publiques, (Documentation Française, 1990.)

Démocratie, passions, frontières (Charles Leopold Fondateur de « L'observatoire Meyer, 1998.) de la décision publique », il est chargé par le premier ministre Pourquoi ça ne va pas plus mal ? (Fayard, 2005.) français, M. Michel Rocard, d'une et co-auteur de : mission sur l'évaluation des politiques de 1988 à 1990. SePour un nouvel imaginaire politique (Fayard, 2006.) crétaire général de la mission pour le centenaire de la loi de Pour sortir des logiques de guerre (La rue d’Ulm, 2008.) 1901 sur les associations, il est ensuite chargé de conduire une mission sur « les nouveaux facteurs de richesse » à la demande du secrétaire d’État à l’ÉconoIl est l’un des initiateurs du projet intermie solidaire. Son rapport désormais publié aux éditions de l’Aube s’intitule national « Dialogues en Humanité ». Il a « Reconsidérer la richesse ». Cette mission également été directeur du Centre internadonnera lieu à une rencontre internationale tional Pierre Mendès France et a participé co-organisée avec le Programme des Na- à plusieurs forums sociaux mondiaux et eutions Unies pour le développement. Il est ropéens. Il participe aux activités de « l’All’un des co-fondateurs du « forum pour liance pour la Planète », est membre du d’autres indicateurs de richesse » (FAIR) Comité de veille écologique de la fondation qui a organisé une rencontre à l’assemblée Nicolas Hulot et du projet « Alliance civique Nationale et au Conseil économique social et pour l’humanité ». environnemental sur les enjeux démocratiques de nouveaux indicateurs de richesse.

Contribution de Patrick VIVERET- Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 3


Sommaire Présentation du conférencier

3

Préalable

5

Mesure et démesure

6

De nouveaux indicateurs au service des politiques de mieux être

9

Monnaie et développement durable

11

Le bonheur, un placement très rentable

12

4 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution de Patrick VIVERET


Préalable

Les comptes et les contes...

L

L’approche entre crises systémiques et politiques publiques de mieux être crée un lien entre deux pôles qui sont généralement plutôt étrangers ; d’un côté la philosophie et les sciences humaines et de l’autre côté la comptabilité, la monnaie et les enjeux économiques.

Pourtant, ces deux milieux ne sont pas si éloignés que ce qu’ils peuvent laisser paraître : derrière des systèmes comptables neutres en apparence, se cachent les grands récits qui structurent les choix de nos sociétés. L’exemple le plus manifeste est celui du PIB*. Derrière ce système de comptabilité, s’inscrit le récit de la reconstruction et de la modernisation industrielle d’après guerre. Ce sont donc les sociétés qui, par les choix qu’elles opèrent, construisent leur système comptable. Ce fonctionnement amène inévitablement certaines activités a être plus valorisées que d’autre, ce qui n’est pas sans conséquences.

intérieur brut et la comptabilité nationale n’a pas été simple, malgré un intérêt et un soutien nationale et internationale, le sujet restait tout de même sensible. Pourtant, entre 2002 et aujourd’hui, cette question a progressivement été reconnue comme légitime par quantité d’institutions internationales que ce soit L’OCDE*ou la Banque Mondiale*. Le sujet fait d’ailleurs des émules : de plus en plus de conférences internationales et de colloques s’y intéressent. La nécessité de disposer d’indicateurs prenant en compte les enjeux écologiques, sanitaires et sociaux sont de plus en plus évidents, tout comme la nécessité de s’orienter vers des indicateurs qui permettent aussi de poser la question plus radicale encore du bien être dans nos sociétés.

A l’heure du développement durable, ces systèmes comptables d’après-guerre ne sont plus forcément adaptés aux questions qui sont celles de nos sociétés d’aujourd’hui et de demain. Seul un débat démocratique est de nature à relancer ces questions. Les enjeux de comptabilité, les enjeux d’indicateurs de richesse, et les enjeux démocratiques sont donc intimement liés. Au départ, remettre en cause le produit

* Voir glossaire page 13

Contribution de Patrick VIVERET- Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 5


Mesure et démesure «We are almost blind when the metric on which action is sommes presque aveugles quand le système de mesure sur based is ill-designed»*. «Nous lequel l’action est fondée est mal conçu»

C

ette phrase issue du rapport de Joseph Stiglitz1 résume bien la situation : nos indicateurs macro-économiques actuels sont mal conçus et nous ont rendus aveugles face à une crise prévisible si d’autres indicateurs avaient été pris en compte. Le caractère insoutenable sur le plan écologique de nos modes de production et de consommation était parfaitement repérable, tout comme celui du découplage entre l’économie financière et l’économie réelle. Enfin, le caractère insoutenable du creusement des inégalités sociales à l’échelle mondiale était également

prévisible. Joseph Stiglitz relie donc directement la crise systémique à l’inadéquation des indicateurs macro-économiques. La grande question est de comprendre différemment la nature de cette crise : comment y répondre ? Cette crise étant systémique ; c’est-à-dire qu’elle rassemble plusieurs aspects qui se trouvent aussi bien dans sa phase écologique, sociale, ou financière, il convient de traiter les éléments qui sont communs à cette crise.

1

Economiste américain, fervant opposant au système monnétaire actuel

6 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution de Patrick VIVERET


3 Grands découplages 1. Richesse monétaire et richesse sociale

« Si les mesures sont défectueuses, les décisions peuvent être inadaptées »

L’obsession quantophrénique Parmi ces éléments, l’obsession de la mesure est tout à fait caractéristique de nos sociétés, pour lesquelles le chiffre est un socle sans lequel le sentiment qu’il n’y a pas de réalité apparaît. Cette obsession de la mesure est d’autant plus importante que l’un des aspects fondamentaux de cette crise est au contraire la démesure. Lorsque la démesure s’accompagne d’une obsession de la mesure, nous sommes dans une situation que le sociologue Vincent de Gaulejac2 a appelé « l’obsession quantophrénique». Les chiffres sont omniprésents, ce qui amène une surinformation quantitative et une sous-in-

formation qualitative (sans chiffres, un certain nombre de phénomènes dans le jeu de ressources écologiques ou sociétales n’apparaissent pas.) Cette obsession quantophrénique amène des représentations de la richesse tronquées (des informations clés n’apparaissent pas). C’est ce qu’il s’est produit lors des grands scandales liés aux faillites bancaires, dues le plus souvent à l’absence, sur le plan comptable, d’informations décisives permettant de mettre en évidence les seuils d’alerte concernant les risques de l’entreprise. Ce rapport entre systèmes comptables et enjeux écologiques et sociaux actuels et futurs amène trois grands découplages qui sont occultés, mais repérables via d’autres indicateurs.

Le découplage entre l’expression monétaire de la richesse (dont la forme la plus connue est le PIB), et ce qu’est la richesse en termes de santé sociale d’une collectivité, d’une nation, (exprimée par « l’indice de santé sociale ») a été mis en évidence par des travaux internationaux récents, notamment ceux de la commission Stiglitz. Dans le cas des États-Unis, ce découplage est particulièrement spectaculaire, les deux indicateurs sont complètement déconnectés. Un tel découplage est rendu possible par un certain nombre d’effets écologiques, sanitaires ou sociaux qui ne sont pas comptés négativement, mais positivement dans le PIB. En effet, dans les systèmes de comptabilité nationaux, ce qui importe ce n’est pas la nature des activités mais les flux monétaires et les valeurs ajoutées qui sont générées par ces activités. Un accident, s’il génère des flux monétaires d’indemnisation, va entrer en compte positivement dans le PIB. C’est ce qui explique la progression du PIB, alors même qu’une collectivité connaît des atteintes majeures sur sa santé sociale ou écologique. L’exemple de la Guinée Équatoriale est révélateur. Son PIB est de 28 000 $ par habitants (proche de celui de la Grèce qui est de 32 000 $) grâce à ses ressources pétrolières alors que son taux de mortalité infantile

Richesse monétaire et richesse sociale

Indice de santé sociale et PIB aux États-Unis de 1970 à 1995 150

7000

Indice de santé sociale

P.I.B

5000

100

4000 75 3000

Indice de santé sociale

50

2000

25 0 1970

1000 1975

1980

1985

1990

1995

P.I.B, dollars de 1992, en milliards

6000

125

0

Sources : Fordham institute for innovation in Social Policy; Economic Report of the President

2

Sociologue français représentant le courant de la sociologie clinique

Contribution de Patrick VIVERET- Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 7


Économie spéculative/économie réelle

pour les enfants de moins de 5 ans (pour 1000 naissances) est de 206, contre 4 pour la Grèce. D’où le rappel de la commission Stiglitz : « si les mesures sont défectueuses, les décisions peuvent être inadaptées ». L’observation de ces découplages peut avoir une fonction d’alerte. En France, si l’indice de santé sociale avait été pris en compte, les émeutes dans les banlieues auraient peut-être été prévisibles. De même, à l’échelle mondiale, adopter un autre regard aurait pu aussi permettre d’adopter des attitudes préventives face à la crise économique de fin 2008 .

Ce découplage est au coeur de la crise financière de 2008. Avant la faillite de Léman Brother, sur les 3.200 milliards de dollars qui s’échangeaient quotidiennement sur les marchés financiers, la part correspondant à de l’économie réelle, c’est-à-dire à des biens et des services effectifs, représentait moins de 3% des échanges. Les 97 % restant correspondant à de l’économie spéculative. Cette économie spéculative ne connaît que 2 états : l’euphorie ou la panique. Tout cela aurait moins d’im-

«Un sauvetage financier sans nouvelles règles du jeu n’a aucune valeur.» portance si ces revirements brutaux d’états n’avaient pas d’impact sur l’économie réelle. Ce découplage était donc connu et aurait pu alerter sur la crise de septembre 2008. En effet, seuls les symptômes de la crise sont traités, non les causes. Aujourd’hui l’ensemble des sommes considérables qui ont été mobilisées, notamment par l’argent public pour sauver le système bancaire international, sont en train de recréer de nouvelles bulles spéculatives. Un sauvetage financier sans nouvelles règles du jeu n’a aucune valeur.

3. Enjeux écologiques et modes de croissance Le troisième découplage est le plus connu car l’indicateur utilisé, l’empreinte écologique, a acquis une certaine notoriété au sommet de la Terre de Johannesburg. L’empreinte écologique est un indicateur qui permet de visualiser comment un mode de production et de consommation donnés mobilisent une certaine surface de terre. Des pays comme les États-Unis utilisent 9,8 ha par personne, c’est bien au dessus de la moyenne mondiale équilibrée, qui est de 1,8 ha. C’est ce découplage qui permet de dire qu’il faudrait 5 ou 6 planètes si tout le monde se mettait au mode de production et de consommation américain.

3500 3000 2500 Milliards de dollars US

2. Économie spéculative et économie réelle

Répartition moyenne des dollars échangés sur les marchés financiers

2000

Spéculation Réel

1500 1000 500 0 1974 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 Sources : Bernard Lietaer - Ce graphique porte sur la période précéAnnées dant la faillite de la banque Lehman Brothers

«Seuls les symptômes de la crise ont été traités, non les causes»

L

a résolution de ces problématiques passera par la création et l’emploi de nouveaux indicateurs, de nouvelles approches vers une autre direction. Dorénavant, il convient de travailler sur ce fameux couple mesure démesure. La démesure dans les rapports à la nature est au cœur du défi écologique, la démesure est également au cœur du creusement des inégalités sociales et au cœur

du découplage entre l’économie financière et l’économie réelle. Pour pallier cela, il faut à la fois travailler sur de nouvelles approches en termes d’indicateurs, et de nouvelles approches en termes de réponses au couple mesure/ démesure. En effet, le couple mesure/démesure engendre le couple démesure/mal être, et c’est cet aspect qui nécessite l’intervention de politiques publiques positives.

? Besoin de 5 planètes ?

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De nouveaux indicateurs au service des politiques de mieux être Le PIB sera-t’il bientôt détrôné ? Même si la partie est loin d’être gagnée, de nouveaux indicateurs viennent se frotter à ce géant de la mesure... IDH et ISS Plusieurs avancées importantes concernant les nouvelles approches en termes d’indicateurs se sont produites ces dernières années, notamment sur le plan international. «L’indice de développement humain» (IDH) a été mis en œuvre par le programme des Nations Unies pour le développement, il intègre des éléments tels que l’alphabétisation ou l’espérance de vie à la naissance. Par la suite, ces éléments ont été affinés notamment avec des indicateurs permettant de prendre en compte la question de la participation des femmes, des indicateurs sur la pauvreté humaine, sur la fracture dans l’accès aux nouvelles technologies de l’information etc. Cet ensemble permet d’obtenir un

indice pondéré appelé «indice de santé sociale» (ISS). De même, avec d’autres approches, il est possible de comparer des indicateurs tels que «l’indicateur de progrès véritable», qui soustrait du PIB un certain nombre de destructions, qu’elles soient de nature écologique, sanitaire ou sociale.

De nouvelles approches internationales Au Brésil, il existe le « réseau des villes soutenables », la ville de San Paolo est à l’origine de cette démarche. Les citoyens délibèrent sur ce qu’ils considèrent être des indicateurs clés sur lesquels définir des politiques publiques municipales. Les candidats

à la mairie doivent présenter leur programme en fonction de cela. Ils sont évalués à mi mandat sur la base de ces mêmes indicateurs. Loin de l’aspect technique, la question de nouveaux indicateurs est en lien direct avec les enjeux démocratiques.

L’indice de bien-être économique Cet indice a la particularité de s’intéresser à 4 aspects fondamentaux de la société : les flux de consommation, la pauvreté , la protection sociale et les stocks de ressources. Cet indicateur s’inscrit totalement dans une démarche participative car il touche au quotidien de tous.

Contribution de Patrick VIVERET- Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 9


Un «Dashboard» pour le développement soutenable

De nouveaux indicateurs...

Indice de bien-être économique et PIB par têtes, États-Unis

Au sein des nouveaux systèmes d’indicateurs, il existe « le tableau de bord du développement soutenable». Il s’agit d’une banque de données multiples susceptibles d’être enrichies. Ce tableau exprime de façon graphique un certain nombre de grandes variables. Un code couleur rouge vert et orange indique la situation du pays face aux indicateurs de développement humain. Élaboré de prime abord à l’échelle mondiale, il existe aujourd’hui à d’autres échelles de territoires. Ce qui marque le début de la prise en compte d’indicateurs territoriaux alternatifs aux indicateurs macro-économiques et statistiques classiques.

1,6 1,5 1,4 1,3 1,2 1,1 1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 1960

1963

1966 1969

1972

1975 1978 1981

1984

Indice de bien-être

1987

1990 1993 1996

PIB par têtes

Exemple de tableau de bord du développement durable Indice : mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Pays-Bas : Cette carte représente un indice pondéré sur plusieurs indicateurs qui sont ici le année plus récente nombre d’internautes, le taux de chômage des jeunes, le taux d’ordinateurs et de téléInternautes

Taux de phones. La moyenne obtenue permet une classification allant d’excellent à très grave. chômage des jeunes

Mettre en place un partenariat mondiale pour le développement

Finlande Norvège

Ordinateurs Téléphones

Excellent Très bon

Suède

Estonie Bon

Irlande

Lettonie

Danemark

Lituanie

Moyen

GrandeBretagne

Tchéquie : année plus récente Internautes

Pays-Bas

Pologne

Très mauvais

Allemagne

Grave Très grave

Tchéquie France

Mettre en place un partenariat mondiale pour le développement

Ordinateurs Téléphones

Mauvais Belgique

Taux de chômage des jeunes

Slovaquie Suisse

Autriche

Moldavie

Hongrie Slovénie Croatie

Portugal

Acceptable

Roumanie

Bosnie Serbie

Espagne

Bulgarie

Italie

500 km 300 mi Fond de carte : © Daniel Dalet / d-maps.com

10 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution de Patrick VIVERET

Macédoine Albanie Grèce


monnaies fondantes », c’est-à-dire qu’une monnaie qui n’est pas utilisée perd de sa valeur, elle devient donc radicalement anti-spéculative.

Monnaie et développement durable Il existe environ 5000 expériences de monnaies complémentaires et de systèmes d’échange dans le monde, à ce rythme, l’économie pourrait bien avoir un ticket avec la solidarité... Les monnaies complémentaires offrent la possibilité, face aux dysfonctionnements majeurs des systèmes monétaires dominants, de réintroduire des exigences de développement durable ou de développement local.

Le projet « Terra » Certainement l’un des projets mondiaux les plus ambitieux . En remettant sur la table la question d’un système

monétaire international capable de répondre aux crises financières, ce projet s’attaque clairement au double jeu du dollar qui est une monnaie nationale et internationale. La monnaie Terra devra être pleinement cohérente avec le développement durable et notamment permettre des investissements à moyen et long terme (les logiques spéculatives actuelles sont tirées par des logiques de court terme). De plus, elle obéira au « principe des

SOL Engagement Dans des échanges de temps sur des activités répondant à des besoins sociaux sur un territoire Unité: l’heure, Similaire au Time Dollar

SOL Coopération Monnaie fondante d’achat et d’échange au sein d’un circuit d’entreprises et de personnes qui partagent des valeurs communes. Unité: équivalente a l’Euro, Similaire au Regio

Monnaie affectée en SOL Émis par les collectivités territoriales, CCAS … Outil d’aide sociale portant des valeurs de développement humain et soutenable. Similaire au Fureai Kippu

Le Fureai Kippu au Japon et les Time Dollars aux États-Unis Ces deux monnaies solidaires fonctionnent sur le même principe : l’aide à domicile inter-générationnelle. Une personne en aide une autre dans ses tâches quotidienne et pour cela, cette personne va toucher des tickets de solidarité. Ces tickets peuvent être utilisés à leur tour pour solliciter de l’aide en cas de besoin. Ils ne sont pas nominatifs et peuvent donc se donner ou se prêter.

Les Chiemgauer en Allemagne... Équivalente à l’euro, cette monnaie circule dans la région de Chiemgauer. Pour être valable, chaque billet doit être validé tous les trois mois par un timbre correspondant à 2% de sa valeur. Ce principe de monnaie fondante est une taxe pour encourager la circulation de la monnaie. Son principe est simple : les consommateurs échangent 100€ contre 100 Chiemgauer à une association qu’ils veulent soutenir, sans devoir faire de don. Ils peuvent ensuite les dépenser dans des magasins locaux, à parité avec l’euro.

En France, le projet SOL En France, le projet SOL, encore au stade expérimental regroupe sur une même carte à puce différentes variables. La première correspond au « sol coopération », qui incite les consommateurs à utiliser l’euro dans des activités d’utilité écologique et social de développement local. L’autre est une variable temporelle appelée le « sol engagement » et la troisième permet à des collectivités territoriales de conduire des politiques publiques.

*Diminutif pour Monnaies Régionales

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Le bonheur, un placem Investir dans le bonheur est certainement le meilleur placement qui puisse être fait par les temps qui courent. Trop souvent négligée, cette richesse invisible est pourtant le socle de nos sociétés.

L

’intérêt de ces approches est de travailler sur « les richesses invisibles ». Il s’agit par exemple du capital social énorme que représente l’importance de la vie associative dans un pays et qui va être invisible via les indicateurs macro économiques actuels. Aujourd’hui, la seule partie de la vie associative qui est prise en compte dans le PIB, est la partie monétaire. Avec les indicateurs actuels, l’essentiel de cette vie se situe dans la case de l’inactivité et de l’improductivité. Le principe est le même concernant le patrimoine naturel, les activités domestiques... Tous les éléments liés à la qualité de vie, au sens large du terme, que ce soit la qualité de vie dans le vivre ensemble ou la qualité de vie dans le rapport à la nature ne sont pas pris en compte dans le PIB.

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Une activité fantôme La question des richesses invisibles permet aussi une autre approche de la notion d’activité, qui est directement en lien avec les politiques publiques de mieux être. Aujourd’hui, ce qui est appelé « activité », est une partie extrêmement restreinte du temps de vie humain, puisque cette catégorie de la vie dite « active », n’est liée qu’ à la nature des activités qui génèrent des flux monétaires. Donner la vie, exercer un travail domestique... sont considérés comme de l’inactivité, l’essentiel de la vie associative relève donc de l’inactivité, ainsi que tous les enjeux de formation. Le problème actuel des retraites découle de ce paradoxe. Le rapport entre les actifs et les inactifs va bientôt se trouver déséquilibré. Il y


ment très rentable ! aura moins d’actifs et plus d’inactifs, la solution consiste soit à réduire les pensions servies aux inactifs, soit à revenir sur les acquis sociaux comme l’ âge de la retraite etc. Les bonnes nouvelles de départ comme l’augmentation de l’espérance de vie, le temps de formation plus long, la réduction du temps de travail... sont globalement considérés comme des progressions sociales. A l’arrivée, la situation devient bien moins rose en raison de ce déséquilibre actifs/inactifs. Pourtant, le fameux couple activité/ inactivité n’est pas remis en cause. Car si le capital social d’un pays représenté par la vie associative devenait une richesse à part entière, la donne serait complètement changée. Dans un pays, la vitalité associative est le plus souvent fruit de la motivation de jeunes retraités qui apportent une contribution sociale via des activités qui les intéressent et qui sont socialement ou écologiquement utiles. Repousser l’âge de la retraite revient à perdre l’essentiel de ce capital social.

«Tu fais quoi de ta vie ?» Non seulement ces nouvelles approches changent la donne du débat public, mais également la façon de concevoir la question de l’emploi en redonnant son plein sens à la notion de métier. Le mot métier est un mot très fort. Il n’est pas du tout réductible à des significations telles que job, emploi ou travail. Le mot métier a été forgé par le compagnonnage à partir de deux mots latins «ministère, ministerium : service et mystère, le métier est un ministère mystérieux. En effet, certains métiers transforment la nature via la transformation de la matière, cette matière est au cœur du mystère de l’univers. Quant aux métiers relationnels, ils constituent le cœur du mystère de la relation avec l’autre. Donc le métier se présente sur un axe fondamental qui est l’axe du projet de vie. Il n’est pas dans le registre du « que faisons-nous dans la vie », il est sur la question du « que faisons-nous de notre vie ? ». Le mot travail quant à lui, est issu de tripalium en latin qui

renvoie à un instrument de torture. Il est caractérisé par de la dépendance, de la pénibilité, rendue nécessaire par de la lutte pour la survie. Il représente également la possibilité de disposer d’un revenu, d’une protection sociale décente et d’une reconnaissance sociale. Le travail choisi se rapproche du métier alors que le travail contraint revient au sens étymologique du terme. Un SDF en train de faire la manche, cela correspond exactement à la définition du terme de travailleur. Un des grands enjeux à venir est donc la démocratisation du travail choisi. Dans des politiques publiques de mieux être, passer de la logique du travail à la logique du métier, est un enjeu fondamental. Tout être humain est porteur de deux métiers matriciels : un métier de chargé de projets et un métier de chargé de savoir. Le métier de chargé de projets consiste à s’occuper des projets de sa propre vie. La société a tout intérêt à ce que ce métier soit détecté et exercé dans de bonnes conditions, parce qu’une personne qui n’arrive

Contribution de Patrick VIVERET- Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 13


pas à prendre en charge sa propre vie, non seulement se détruit elle-même mais produit des dégâts collatéraux qui peuvent coûter très chers à la société. Concernant le métier de chargé de savoir, il est fondamental car toute personne y compris « défavorisée » est porteuse de savoir, de savoir-faire, de savoir-être. A partir du moment où cette personne se met en situation de pouvoir les exprimer, la revalorisation, l’estime de soi de cette personne la placent dans un cycle positif. Cette nouvelle approche consiste à construire des logiques de métiers d’où vont découler les échanges économiques.

Le mal être : un marché lucratif Les politiques publiques de mieux être s’intéressent à l’être humain dans sa globalité, pas simplement à la période dite d’activité. Ces politiques ont un lien direct avec la crise systémique. En effet, la crise est imprégnée par le couple mesure/démesure, et derrière la démesure se cache le mal de vivre. Selon un programme des Nations Unies pour le développement datant de 1998, les dépenses annuelles concernant l’économie de la drogue et des stupéfiants représenteraient 10 fois les sommes annuelles supplémentaires

qu’il faudrait trouver pour éradiquer la faim, permettre l’accès aux soins de base et à l’eau potable de l’ensemble des êtres humains. Or derrière l’économie des stupéfiants il y a du mal être et du mal de vivre. Le marché de la drogue est un marché du mal être. L’autre exemple que prônait le programme des Nations Unies pour le développement, concernait les dépenses militaires, qui représentaient à l’époque 20 fois (800 milliards de dollars) les sommes qu’il faudrait trouver pour régler le problème de la faim, de l’eau potable, des soins de base etc. De la même façon que le marché de la drogue gère du mal être, les dépenses militaires gèrent de la peur, de la domination et de la maltraitance.

Une enquête récente du centre d’analyses stratégiques (remise à la secrétaire d’État Nathalie Kosciusko-Morizet) met en évidence les cinq clés fondamentales de l’attente des français. Les cinq éléments qui apparaissent correspondent justement à des changements de posture dans la direction du mieux être. 1 : « Sortir des logiques purement égoïstes et individualistes, pour construire des logiques de plus grande solidarité », 2 : « l’être plutôt que l’avoir », 3 : « l’importance des situations relationnelles et affectives » 4 : « le bonheur est dans le quartier » 5 : « au travail la bonne ambiance prime »

Accepter les limites Se poser les questions du mieux être face à ce couple formé par la démesure et le mal être ne relève pas d’une lutte de privilégiés qui serait par ailleurs loin des souffrances du monde. Il s’agit d’attaquer ce qui est à la racine d’une misère artificiellement créée alors même qu’il y aurait de quoi nourrir, loger et soigner les 7 milliards d’êtres humains. Du côté des stratégies de transformation politique, il y a un autre couple à mettre en œuvre, qui est celui de l’acceptation des limites face aux logiques de démesure, du rétablissement de l ’é q u i l i b r e face à des logiques de toujours plus.

14 Conseil de Développement de la Loire-Atlantique - Contribution de Patrick VIVERET

Toutefois, cette acceptation des limites ne se fera que si il y a par ailleurs un supplément positif dans l’ordre du mieux être et de la qualité de vie. En effet, le simple fait de poser des limites, sans réel traitement ni perspective positive, ne sert à rien. Il est nécessaire de sortir de la démesure et de la course à « l’avoir » pour se tourner vers une société du mieux être, qui permettrait de poser les problèmes « d’avoir » pour les 3 milliards d’êtres humains qui vivent avec moins de 1 ou 2 dollars par jour, ou pour les parties de nos populations dans nos propres sociétés qui sont confrontées à des situations de pauvreté ou de misère.

« Les dépenses annuelles de l’économie de la drogue représentent 10 fois les sommes annuelles supplémentaires qu’il faudrait trouver pour éradiquer la faim, l’eau potable et les soins de base. »


Pour des politiques publiques de mieux être

C

Cette question de la sobriété heureuse n’est pas une espèce d’utopie lointaine, elle devient l’élément structurant, non seulement de nouvelles politiques publiques du temps de vie mais aussi l’élément structurant d’une nouvelle approche entrepreneuriale de l’économie elle-même. Les acteurs de l’entreprise sont les plus cohérents sur l’analyse des risques et l’impossibilité de continuer l’économie de la croissance insoutenable ainsi que sur les moyens de remobiliser leur personnel autour d’activités motivantes et intéressantes. Ils ont conscience que cette question de la réorientation vers la question du mieux être est une réorientation également décisive. A suivre...

Glossaire

WEB Cliquez sur les liens ci-dessous (version PDF) pour accéder aux informations. Le rapport Stiglitz : http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/ documents/rapport_francais.pdf

Les monnaies complémentaires : http://www.sol-

reseau.org/IMG/pdf/MC_et_SOL_-_objectifs_enjeux_-_ Lille_4_5_octobre_2007.pdf

Le projet Terra (en anglais) : http://www.terratrc.org/ Le FMI : http://www.imf.org/external/french/index.htm L’indice de développement Humain : http://hdr.undp. org/fr/statistiques/indicateurs/idh/

L’indice de santé social : http://www.imf.org/external/ french/index.htm

L’indice de bien-être économique : http://www.csls.ca/ reports/labmktfrench.pdf

Le PIB : http://fr.wikipedia.org/wiki/Produit_ int%C3%A9rieur_brut Le sommet de la terre de Johannesburg : http://www. sommetjohannesburg.org/

Le programme des Nations Unies pour le développement : http://www.undp.org/french/

La Banque mondiale : désigne deux institutions internationales • la banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) • l’Association internationale de développement (IDA), Créées pour lutter contre la pauvreté, elles apportent des aides, des financements, des conseils, aux États en difficulté. Produit Intérieur Brut : valeur totale de la production interne de biens et services dans un pays donné au cours d’une année donnée par les agents résidant à l’intérieur du territoire national. OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques. Il s’agit d’une organisation internationale d’études économiques, dont les pays membres ont en commun un système de gouvernement démocratique et une économie de marché. FMI : Le Fonds Monétaire International est une institution regroupant 186 pays, dont le rôle est de « promouvoir la coopération monétaire internationale, de garantir la stabilité financière, et de faciliter les échanges internationaux, et de faire reculer la pauvreté La Commission Stiglitz : Officiellement intitulée « Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social », cette commission a été mise en place en janvier 2008. Le but de cette commission est de développer une « réflexion sur les moyens d’échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives » et d’élaborer de nouveaux indicateurs de richesse. Source : Wikipédia

Contribution de Patrick VIVERET- Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 15


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Les contributions du Conseil de Développement de la Loire-Atlantique Directeur de la publication : Alain Sauvourel Rédaction : Céline Philiponet, Jean-Luc Tijou ll Mise en page et illustration : Céline Philiponet ll Crédits photos : Fotolia ll Impression : CODELA CODELA - 21 Bd Gaston Doumergue - 44200 Nantes ll Tel : 02 40 48 48 00 ll Fax : 02 40 48 14 24 ll Courriel : cdla@codela.fr ll Site web : www.codela.fr


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