La Grande Frustration - Quel avenir pour la conception architecturale ?

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LA

FRUSTRATION



BRICE DESPORTES ENSAM LA RÉUNION - 2020 DIRECTEUR D’ÉTUDE - JANE COULON

HABILITATION À LA MAÎTRISE D’OEUVRE EN SON NOM PROPRE


Avant toutes choses, je pense qu’il est bon de vous faire, lecteurs, une brève introduction du contexte dans lequel je me trouve en ce moment et, en partie, dans lequel beaucoup des mémoires de mes pairs seront aussi rédigés. L’état d’urgence sanitaire a été prononcé il y a maintenant deux semaines, la moitié des habitants de la planète sont confinés chez eux, toutes activités économiques sont au ralenti, voire à l’arrêt, le secteur de la construction apparemment au point mort, ou presque, pour les six prochains mois et je viens d’être papa pour la deuxième fois.

CON TEXTE

Ce mémoire, plutôt que de la recherche, sourcée et académique, sera plus de l’ordre de la restitution d’observations et de la réflexion sur mes perceptions passées et à venir quant à l’exercice du métier d’architecte. Aucunes idées très arrêtées ni paroles divines. Des questionnements. Le thème principal sera, de près ou de loin, la conception architecturale et les différents facteurs en influençant la pratique, ainsi que son importance autant au sein de la profession d’architecte que face au grand public.

4




AIRE

EN BREF, RAPIDEMENT

8

PARCE QUE C’EST MON PROJET

10

TT

12

NOUVEAUX OUTILS

14

IMAGE

26

PROCESSUS

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ET APRÈS?

44

CURRICULUM VITAE

48 7


Mon parcours personnel m’a conduit, il y a bientôt 4 ans, à venir m’installer sur l’île de la Réunion avec ma femme et mon premier petit garçon de -6 mois (pré-OPR) à l’époque. Ancien sportif de haut niveau jusqu’à mes 20 ans, un stupide accident m’explosant la rotule gauche me permis alors de sortir brièvement la tête du système dans lequel j’avais jusque là flotté plus ou moins tranquillement durant les 13 années précédentes. Fort de ce temps libre soudain et jusqu’à lors inconnu, j’entame alors, il y a 12 ans, mes études d’architecture en Normandie après deux ans de FAC de physique/biologie et d’anglais plutôt infructueuses. (1)

RAPIDE MENT

Trois années sans heurts (majeurs) s’en suivront et à cela viendra finalement s’ajouter ma dernière année, en quelque sorte, d’étude à l’ENSAN effectuée à l’Université Technique de Brno en République Tchèque dans le cadre du programme ERASMUS. (2)

1. Cette licence, ayant plus comme objectif l’introduction à une profession que l’enseignement d’un métier, m’offrit alors ce que je recherchais: une superbe multidisciplinarité touchant autant à la conception pure des arts plastiques, qu’au pragmatisme des sciences des matériaux en passant par l’empirique réalité des sciences sociales.

12 mois plus tard passés à Rotterdam dans trois agences différentes (3) - la seconde a malheureusement déposé le bilan quelques semaines après mon arrivée - je partais pour Aalborg au nord du Danemark afin d’y effectuer un Master of Science spécialisé en “sustainable architecture”. (4)

2. Avec pour la première fois la possibilité de pouvoir choisir mes sujets, j’eu la chance de pouvoir participer à des cours de structure (avec dimensionnements), d’acoustique (dimensionnement ici aussi) ou même de communication (ou plutôt de vente).

Première année en poche, direction Copenhague pour y trouver du travail. La dernière année n’étant consacrée qu’à la thèse de fin d’études, il m’était possible de travailler à temps plein à raison d’un Skype ou d’un aller-retour de temps en temps à Aalborg pour un entretien avec mon tuteur. (5) Master terminé et de nombreuses heures à vélo sous la pluie, je me retrouve deux ans plus tard avec un contrat HMO et un billet allersimple beaucoup trop cher pour la Réunion. (6)

8


Quelques coups de soleil et un premier dossier de VAP plus tard, on m’invite à m’inscrire en Master à l’école de l’île car après 6 ans d’études et presque 4 ans d’expérience professionnelle, mon diplôme ne vaut finalement pas grand chose. 4 ans d’agence, de travail soir et week-end, d’un autre diplôme (le bon cette fois), d’une famille deux fois plus grande et d’un appartement deux fois trop petit s’en suivront et me voilà enfin prêt à pouvoir m’inscrire à la formation HMONP.

3. Casanova+Hernandez, deux espagnols “dutchisés” deux fois gagnants de l’Europan / DKV, agence d’une cinquantaine de personnes, très prolifique localement / KCAP, agence internationale de plus d’une centaine d’employés, basée également à Zurich et à Shangaï oeuvrant surtout dans des projets à grande échelle. 4. Aalborg University, AAU, département Architecture & Design. Diplôme pouvant ouvrir la voie autant vers l’architecture que l’ingénierie, très prisé nationalement pour son penchant technique à l’approche tectonique et “integrated design”.

En annexe, un CV plus exhaustif.

5. ARROW Architects, agence très orientée business, maintenant d’une vingtaine de personnes et travaillant surtout à l’international / Powerhouse Company, antenne Danoise du siège Hollandais, agence de deux personnes très centrée sur la qualité et le détail architectural (contre-coup plus que nécessaire mentalement après la première agence!) 6. Murielle Plas, architecte libérale oeuvrant surtout dans le public et sur de la réhabilitation.

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Depuis 2012, depuis la Hollande, ma femme et moi avons commencé à participer régulièrement à des concours internationaux de design architectural et de mobilier. (1) Cette collaboration portant ses fruits à plusieurs reprises, nous avons continué cette entreprise jusqu’à maintenant et ce sur des projets de plus en plus complets.

C’EST MON PROJET

Voici ma situation professionnelle actuelle : Dans le cadre de ma mise en situation professionnelle, je suis employé depuis octobre 2019 dans une agence de sept personnes à Saint-Paul réalisant principalement des opérations de logements collectifs ainsi que d’occasionnelles maisons individuelles et équipements publics.

1. Ma tendre moitié sera, je pense, mentionnée à plusieurs reprises dans ce mémoire. Nous sommes pourtant bien deux personnes à part entière avec nos idées, nos réflexions et nos compétences propres. Pas de poisson pilote, donc.

Parallèlement à ça, je travaille également le soir et les week-ends à hauteur d’environ 25h par semaine (depuis octobre dernier, mais à temps plein avant ça) en collaboration, ou non, avec différents architectes pour divers projets personnels tels que: un ecolodge, un village artisanal, plusieurs maisons individuelles sur l’île et à l’international, des études de faisabilité pour des bureaux ou des logements collectifs, des extensions ou du mobilier. À terme, avec l’obtention de cette HMONP, l’objectif est donc bien évidemment de pouvoir me consacrer pleinement et indépendamment à notre structure en France comme ailleurs. La façon dont j’aimerais exercer, et que je m’efforce de mettre en place autant que possible depuis quelques années maintenant, sera énoncée au travers des lignes de ce mémoire.

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MOB

MOB

MOB

MOB

MOB

indeed

Murielle Plas

Powerhouse Company

Powerhouse Company

ARROW

KCAP

C+H


L’agence dans laquelle je suis en ce moment salarié emploie 6 autres personnes dont deux associés. La structure de cette agence, une SAS, est un peu particulière. Deux des employés (quatre très récemment après le départ d’une architecte collaboratrice), dont moi-même, sont salariés d’une entreprise “sœur”: Acid, alors que T&T architecture “n’emploie” que des architectes libéraux sous forme de “cotraitance plus ou moins exclusive et à long-terme”.

T

L’activité de l’agence se concentre principalement sur du logement collectif (4 chantiers à différents stades) avec, de temps à autre, des projets d’équipements (deux en chantier) et de maisons individuelles (une en chantier). Leurs projets sont reconnus à l’échelle régionale pour la qualité de vie qu’ils offrent ainsi que pour leur mise en œuvre. Non satisfaits des différentes normes et pratiques communes en vigueur, l’agence s’applique à repousser les statu quo et absurdités locales en expérimentant au sein de leurs projets, et aussi par le biais de maisons individuelles réalisées par l’intermédiaire de SCIs et destinées à la location. Cette entreprise, au-delà de leur permettre de développer de “nouvelles” façons de construire plus en phase avec le contexte local (1), leur assure une sécurité financière et patrimoniale en cas de cessation d’activité. Forcée ou volontaire.

1. Le patrimoine bâti réunionnais, ainsi que son savoir faire le plus maîtrisé est malheureusement le pavillon de lotissement hermétique, mal orienté et à casquettes en béton inefficaces. Le progrès occidental, quoi.

Installée depuis déjà plusieurs années et grâce à la qualité de ses réalisations, l’agence ne dépend pas forcément d’appels d’offre ou de concours pour survivre financièrement et se voit confier la conception et la réalisation de projets conséquents par des maîtrises d’ouvrages privées de façon régulière. Un afflux à peu près constant de projets de maisons individuelles ne se limitant en général qu’à des permis de construire permet également de maintenir une certaine diversité d’échelle au sein de l’agence.

12



J’ai eu la chance, tout au long de mon parcours, d’intégrer plusieurs types d’agences de toutes tailles, locales et internationales, chacune avec son propre style, ses habitudes de travail et son nombre d’employés. (1)

Comme la plupart des jeunes diplômés, j’ai d’abord été embauché pour découper, coller et surtout dessiner; et ce quelle que soit l’importance de l’agence. Contrairement à un stylo qui reste de toute évidence un stylo où que l’on aille, j’ai été contraint d’utiliser un logiciel de dessin différent à presque tous les bureaux auxquels on m’a demandé de m’asseoir.

OUTILS 1.

Il y a trente ans, tout architecte se devait de savoir comment tenir un stylo et comment l’utiliser de façon adéquate, de l’esquisse jusqu’aux dessins techniques ou d’exécution. Un manque de maîtrise pouvait gravement entraver son habileté à communiquer avec ses clients, les ouvriers ou ses pairs. Cependant, bon analogue, un stylo reste plutôt constant de par sa forme et son fonctionnement, et tant que la main y est formée, n’importe qui peut travailler n’importe où, n’importe quand avec n’importe quoi; avec comme limite toutes prédispositions individuelles et talents innés, bien sûr. La seule limitation devient alors l’esprit et la capacité de l’individu à visualiser l’espace, dans le temps et au travers des relations entre différents volumes quelles que soient leurs formes, échelles ou fonctions. La raison d’être du stylo consiste alors uniquement à transférer une pensée sur une surface, quel que soit le médium, et plus on a le contrôle de l’outil, plus claire est la retranscription.

Extrait d’un article publié sur LinkedIn en 2016.

J’avancerais alors que cela s’applique également à l’inverse: l’incapacité technique de pouvoir représenter certaines formes, complexes en général, comme des escaliers hélicoïdaux par exemple, aura probablement pour effet de les exclure de toutes solutions que l’auteur pourrait être amener à concevoir; et cela consciemment ou inconsciemment. 14


“Quel logiciel de dessin utilisez-vous?” M’a-t-on très souvent demandé lors d’entrevues. AutoCAD? Revit? Archicad? Rhinocéros? SketchUp? VectorWorks? Allplan? Microstation? Avez-vous appris à en utiliser un, vous? Quand? Et pourquoi celui-ci? Avec combien d’entre eux vous considérez-vous à l’aise? Efficace? Maintenant, imaginez un architecte il y a quelques décennies ne pouvant utiliser et lire que des dessins réalisés avec des stylos rouges. Ridicule non? Voilà en quelque sorte où nous en sommes.

2. Le contexte bâti local et habituel de boîtes à chaussure pavillonnaires y est aussi peut-être pour quelque chose…

En y repensant, j’ai toujours plus été porté à dessiner des lignes droites, des angles bien marqués, droits pour faire simple, et je n’ai réalisé qu’il y a quelques années que c’était parce que je ne savais finalement pas vraiment dessiner de courbes ou de formes plus complexes. (2) Mon esprit semblait bridé par mes capacités de dessin limitées même si je n’en étais pas forcément conscient. Tout comme de nombreux logiciels de rendu 3D peuvent être reconnus à partir de leurs images produites, les logiciels de DAO peuvent également souvent transparaître au travers des bâtiments qu’ils ont produits. Pire que cela, la plupart des bâtiments - de leur conception à leur processus de construction - sont souvent un pâle reflet de la connaissance limitée que leurs architectes ont de leur logiciel de DAO. (3)

3. J’ai travaillé pour des gens qui faisaient leurs présentations dans l’espace de dessin d’AutoCAD sans même regarder l’onglet conçu spécialement à cet effet, d’autres construisant leurs façades à la main dans Archicad ou des personnes échangeant des fichiers DWG bidimensionnels entre Revit et Archicad, deux logiciels “BIM”, au sein de la même agence.

Bien que manger une soupe avec une fourchette à l’envers soit possible, ce n’est certainement pas la meilleure façon de le faire, surtout si une cuillère est disponible à portée de main. Le problème est que la grande majorité ne prend pas le temps de regarder autour, ne veut même pas de cette soupe en premier lieu et que personne ne leur a montré que la cuillère était là ou comment l’utiliser. Le dessin, la conception architecturale, est un processus itératif et peut donc s’appuyer sur un logiciel de CAO. Ce dernier ne doit par contre pas nécessairement se restreindre à être un outil final axé sur la production de rendus numériques 2D ou 3D. 15


Un logiciel paramétrique, comme Grasshopper par exemple, est conçu pour être itératif et pour avoir un contrôle précis, maîtrisé et intentionnel sur chacune de ces itérations. Cela peut cependant nécessiter de faire un peu de calcul ou de programmation, ce qui pourrait rebuter les “artistes” de la profession. Il faut également avoir une assez bonne connaissance du logiciel pour pouvoir pleinement en profiter. SketchUp, souvent considéré comme enfantin et indigne de la profession, est également un logiciel itératif merveilleusement rapide, mais là encore, il faut le contrôler complètement pour qu’il soit utile de cette façon.

1. Il serait d’ailleurs intéressant de regarder quels logiciels sont utilisés dans quels pays. Cela pourrait en dire beaucoup sur le processus de conception et le rôle de l’architecte dans le projet localement.

Les musiciens doivent s’entraîner des années pour maîtriser leurs instruments, les plier à leur volonté et en faire une extension d’eux-mêmes. Il en va de même pour les artisans, les peintres ou les sculpteurs, alors pourquoi cela ne devrait-il pas s’appliquer également aux architectes et à leurs logiciels de dessin? Les temps changent, les besoins et les demandes changent, la maîtrise totale des logiciels de CAO doit donc maintenant être générale.

modèle paramétrique avec pour objectif l’itération rapide dans la recherche de la forme (“form-finding”) d’un pylône de téléphérique (T&T)

Le logiciel de dessin utilisé à l’agence, tout comme dans de très nombreuses agences en France et en Europe (1), est Archicad. Archicad appartient à une certaine famille de logiciels de dessin, à laquelle se joignent également Revit ou Allplan pour citer les plus connus, étant en mesure de produire des modèles dits “BIM”. Building Information Modeling. Ces modèles sont alors beaucoup plus que de simples concentrés de données géométriques ne produisant que des dessins vectoriels, et permettent d’associer de nombreuses informations supplémentaires à celles-ci. Ces données peuvent aller de la simple définition d’un objet (mur, fenêtre, porte, dalle, etc) jusqu’à ses dimensions, sa position précise dans le modèle, ses interactions avec son environnement, son prix, son fabriquant, sa tenue au feu, sa résistance thermique, etc. 16


laboratoires CAIER, Kazakhstan, ARROW architects - modèle totalement paramétrique


La modélisation se transforme donc peu à peu en une sorte de fichier Excel à interface tridimensionnelle dans lequel ces données internes centrées sur l’objet sont génératrice de forme à la recherche de la plus grande rentabilité possible.

1. Une discussion avec un collègue à propos de la manière dont je pouvais représenter une fenêtre, il me semble sur une opération de logements, l’avait amené à élaborer un peu sur le sujet. Selon lui, la question ne se posait pas vraiment, j’aurais finalement pu dessiner un mouton, du moment que celui-ci était référencé comme la bonne fenêtre, mon travail était fait. “Notre boulot est de prescrire”. Les BET ou les entreprises rentrent dans le détail.

Optimiser. Toujours être en recherche d’optimisation. Tout faire pour ne pas être obligé de reproduire une tâche qui sera réalisée plusieurs fois. Mettre en place des gabarits, des bibliothèques, des favoris, des documents types. Tout ceci ne date par contre pas d’hier et surtout pas de l’arrivée de l’affreux logiciel de DAO. L’architecture de l’objet, du bloc, du composant, l’”objectification” s’est imposée graduellement en parallèle du toujours-plus-vite et du toujours-moins-cher. L’outil informatique ne l’a pas fait apparaître, mais lui a seulement donné plus d’ampleur. La multiplication de normes, réglementations et standards toujours plus précis dans leurs demandes a également eu pour effet de contraindre à la mise en place de “templates” toujours plus gros et toujours plus complets pour y répondre. Là où un détail ou un assemblage se trouvait répété, une salle de bain ou même un appartement, faute de pouvoir répondre aux exigences réglementaires autrement, saute maintenant d’opération en opération sans pouvoir prendre le luxe de se soucier si l’utilisateur ou son contexte y “répond” encore vraiment. En d’autre termes, la boîte à outils a changé d’échelle et ne contient plus de simples éléments techniques plus ou moins complexes avec lesquels composer, mais des entités toujours plus complètes, prédéfinies par la bureaucratie, à assembler en un tout préconçu; tout cela d’ailleurs non sans rappeler les grands ensembles. (1)

18


laboratoires CAIER, Kazakhstan - définition grasshopper


L’équivalent de la RT2012, la réglementation thermique métropolitaine, est la RTAA-dom ici à la Réunion et plus largement dans les autres doms. Cette réglementation couvre plus largement les sujets de la protection solaire, la ventilation naturelle, l’acoustique et l’aération au sein des logements. Plusieurs outils, formules et tableaux types sont mis à disposition par la DEAL afin de faciliter et de promouvoir le respect de cette réglementation. Malheureusement, l’application de ces outils est quasi systématiquement effectuée très tardivement dans l’élaboration du projet (post dépôt de permis de construire). Bien que la cause exacte m’échappe, elle doit en partie découler du processus de conception général, de l’inadéquation entre ces mêmes outils et une quelconque méthode conceptuelle itérative ou encore un refus un peu dogmatique de se pencher sur la “technique” plus en amont du projet. Les chiffres et les données un peu trop pragmatiques ont toujours tendance à donner de l’urticaire aux architectes. En France tout du moins. La conséquence par contre est selon moi très claire: la qualité du projet en souffre.

outil CM original distribué par la DEAL et développé par CEREMA

Un de ces outils permet de calculer le CM (coefficient de masque) des différentes baies et parois du projet. En clair, son degré de protection solaire en fonction de sa taille, son orientation, son type et son contexte (casquette, joues, masques urbains) de façon très simplifiée. Se présentant sous la forme d’un fichier Excel, l’outil fait ce qu’il doit faire: calculer le CM d’un élément, et seulement un. Ni plus, ni moins. Pour ceux d’entre vous ne le connaissant pas, l’interface fait un peu mal aux yeux, même si il est vrai qu’il ne fonctionnerait pas mieux en étant plus attrayant esthétiquement, illogique par certains aspects (notion de °nord et °sud utilisés à tour de rôle par exemple) et, le plus important, impossible à utiliser en cours de conception car très long à modifier. Ce n’est donc qu’un outil de vérification, voire de rattrapage d’oublis et d’imprécisions tardives d’où découlent immanquablement tous rajouts et autres greffes de complexes de protection solaires étrangères au projet. 20


protections solaires - BAIES

VILLA RIV

façade O

DOM

LA REUNION

orientation °N

facade E 0.8

facade N 0.8

facade O 0.8

facade S 1

facade X 0.8

facade E

facade N

facade O

facade S

facade X

paroi

PV02

EM04

FA03-a

FF08

ID

M01

CM:

0.72

EM01-a

EM02

EM03

FA02-a

FB01

FC05

FS04

PV02

EM01

EM02

EM03

FF02

FB01

FC05

FB08

PV02

type

type

type

type

type

type

type

type

289.5 0.55 90 4.4 2.6

289.5 0.55 90 4.4 2.6

289.5 0.25 90 1 2.6

289.5 0.2 90 1.07 0.4

289.5 0.2 90 0.6 2.6

289.5 0.2 90 0.9 2.7

289.5 0.2 90 1.9 1.1

289.5 0.2 90 1 2.1

289.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

289.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

289.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

289.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

289.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

289.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

289.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

289.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

4 0.3 5.08

8.5

0.95

0.13

0.13

0.9 3.8

0.13

0.4

0.6

3.8

12

4.6

2.3 1.83

0.13

5.6 0.35

2.5 1.8 3.8

4.2 2.45

16.6

4.8

1 0.75 3.8

0.13

0.9

4.2 0.43 0.6

5.35 1.1

0.6 SALON 0.82 0.44

CH.P 1 0.25

CH.E-N 1 0.63

CH.P 1 0.52

CH.E-S 1 0.62

CH.i 1 0.33

masques lointains

E

S fenêtres Requis

N

RTAA run 400-600

façade X 270

O

Altitude projet / label

façade N 19.5

0.00 % S

ID type °S albedo Inclinaison [°] L [m] H [m]

289.5

masques protection solaire profondeur prolongation G prolongation D décalage percement profondeur prolongation H décalage percement profondeur prolongation H décalage percement

Casquette façade E

Joue G

Joue D

1.5

SALON 0.81 0.5

position So Cm

S fenêtre

0.41

ID type °S albedo Inclinaison [°] L [m] H [m]

199.5

masques protection solaire profondeur prolongation G prolongation D décalage percement profondeur prolongation H décalage percement profondeur prolongation H décalage percement

Casquette façade N

Joue G

Joue D

ID 109.5

masques protection solaire profondeur prolongation G prolongation D décalage percement profondeur prolongation H décalage percement profondeur prolongation H décalage percement

Casquette façade O

Joue G

Joue D

ID 19.5

masques protection solaire

Casquette façade S

Joue G

Joue D

position So Cm

0.33

So

So

So

So

So

So

So

So

#VALUE!

#VALUE!

#VALUE!

#VALUE!

#VALUE!

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FA02-b

FF03-cel

FF03-gar

FF05

FP01

PV01

FF01

FF03

FF03

FF05

FB03

PV01

type

type

type

type

type

type

type

type

199.5 0.25 90 3 0.5

199.5 0.2 90 1 0.4

199.5 0.2 90 3.6 0.4

199.5 0.2 90 3.6 0.4

199.5 0.2 90 1 0.87

199.5 0.2 90 0.6 0.6

199.5 0.2 90 0.83 2.05

199.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

199.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

199.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

199.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

199.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

199.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

199.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

199.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

5.4 4

0.13

0.13

0.13

0.13

0.13

0.13

0.13

4.6 0.91

0.13

0.13

0.5 1.8 0.9

1.4 1.05 0.78

0.13

1.5 1.22

0.13

0.4 0.73

3.25 1.8 1.5

1.4 1.05 4

SALON 1 0.63

CELLIER 1 0.47

GARAGE 1 0.6

CUISINE 1 0.67

BUR 1 0.62

BUAN 1 0.71

10

SDB.e 1 0.69

0.69

0.63

0.47

0.60

0.67

0.62

0.71

So

So

So

So

So

So

So

So

#VALUE!

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#VALUE!

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FA01

FA03-a

FB01

FC03

FC05-N

FC05-S

FS02

PV03

FF13

FF07

FB01

FC03

FC05

FC05

FB04

PV03

type

type

type

type

type

type

type

type

109.5 0.2 90 1.5 0.6

109.5 0.2 90 1.27 0.4

109.5 0.2 90 0.6 2.6

109.5 0.2 90 2.8 2.1

109.5 0.2 90 0.9 2.7

109.5 0.2 90 0.9 2.7

109.5 0.2 90 2.9 0.45

109.5 0.2 90 0.9 2.05

109.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

109.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

109.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

109.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

109.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

109.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

109.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

109.5 al. Inclinaison [°] L [m] H [m]

MS1 perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

aucun perso

0.13

0.13

0.13

0.1

0.85 2.3 4.3

0.85 4.5 2.1

0.2

0.13

0.13

4.2

0.85

0.85

0.6

2.3

4.5

5.7 0.35

12.7 1.6

4.2 2 4.3

SDB.P 1 0.44

CUISINE 0.78 0.57

CH.E-N 1 0.68

protections solaires Page 1

0.7 1.4 3.47 SALON 1 0.72

0.50

type

0.62

EM04

S fenêtre

°S albedo Inclinaison [°] L [m] H [m]

0.52

EM04

BUR 1 0.5

position So Cm

0.63

199.5 0.55 90 4.4 2.6

0.35

type

0.72

EM01

S fenêtre

°S albedo Inclinaison [°] L [m] H [m]

0.25

EM01-b

SALON 0.81 0.43

position So Cm

0.36

SALON 1 0.72

0.72

0.44

0.44

0.83 - BAIES 1.1 0.2 0.15

20 1.15 2.1

0.13

4.3 2 2.1

14

0.83 0.7 1

CH.e-S 1 0.59

CH.i 1 0.56

BUR 1 0.69

0.68

0.59

0.56

0.69

So

So

So

So

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profondeur prolongation G prolongation D décalage percement profondeur prolongation H décalage percement profondeur prolongation H décalage percement

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ENTRÉE 1 0.75

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CIRC 1 0.31

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outil général RTAAdom - feuille de calcul des protections solaires des baies

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J’ai donc, au cours des dernières semaines, entrepris de modifier ou plutôt “augmenter” cet outil incomplet en ayant comme objectif principal de pouvoir l’utiliser de façon itérative et dynamique. Il permet maintenant d’évaluer, très tôt dans la conception, plusieurs possibilitées et solutions de façon simultanée. J’en ai également profité pour y intégrer le volet “ventilation naturelle”, étant lui aussi déterminant dans la définition du placement, de la taille et de la quantité d’ouverture à prévoir dans un logement.(1)

1. Étant en général pour l’open source et le partage dans le but de faire avancer les choses et de profiter au plus grand nombre, j’ai proposé à la DEAL de leur fournir le fichier afin qu’ils puissent le diffuser aux intéressés, mais sans retour de leur part pour le moment. Des problèmes de responsabilité, encore, et de garanties se poseraient de toute façon. 2. Ne s’apparente pas au terme architectonique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Architectonique_ (architecture)), mais plutôt à l’approche de Louis Kahn, Kenneth Frampton ou Jørn Utzon et leur relation au matériau.

Le département Architecture&Design de l’Université d’Aalborg, où j’ai effectué mon premier Master, a une approche très centrée sur la collaboration et la multidisciplinarité de l’exercice. La “conception intégrée” (integrated design) est au centre de l’enseignement, luimême promouvant également la tectonique architecturale (2) et l’honnêteté constructive plaçant par exemple la structure et son expression au centre de la conception. Pour arriver à cela, l’emphase est mise sur l’enseignement de connaissances techniques plus poussées (peut-être malheureusement au détriment des sciences humaines, sociale et urbaine, mais là n’est pas la question).

3. Payée par mon employeur, j’ai effectué une formation BIM de trois jours peu après être arrivé sur l’île. J’avais déjà quelques notions, mais jamais vraiment pratiqué, pourquoi pas donc. Sur les trois jours, sans connexion réseau ni internet, nous avons dû passer la moitié de notre temps à parler de Twinmotion, un logiciel (très moyen en terme de qualité) de rendu 3D vendu par la boite de formation, et un quart à débattre de la supériorité d’Archicad (lui aussi vendu par la boite) par rapport à Revit. L’obligation de formation continue pour les architectes, aussi pertinente soit-elle, engendre malheureusement ce genre de pertes de temps occasionnelles sans pour autant permettre de valoriser l’apprentissage autonome d’initiative personnelle.

La conception intégrée est un peu souvent confondue et simplement associée au BIM. Les définitions du BIM sont nombreuses et son spectre plus ou moins étendu en fonction de son niveau d’application, mais cela reste selon moi un processus de gestion, autant au niveau de la conception, de la réalisation, que de l’exploitation - dans son implémentation la plus répandue en ce moment en tout cas. L’acronyme signifie tout de même Building Information Modeling, pas de mention de conception. Le propre du BIM est l’échange et l’exploitation de données insérées dans une maquette numérique partagée. Il est d’ailleurs convenu que l’interface graphique de cette maquette n’est seulement exploitée que très sommairement en début de projet et plus utile à la détection de “clashes” entre les différents domaines techniques qu’à la définition du projet lui même. (3)

4. Pour ramener encore une fois ça aux rendus 3D, je reçois régulièrement des e-mails publicitaires ou vois passer des publications d’”infographistes” locaux offrants des prestations d’images 3D, voire de rendus vidéos. La grande majorité de ces prestataires sont des dessinateurs sans réelles formations en photographie, 22


Le “generative design” ou “parametric design” a quant à lui comme objectif de base de pousser l’itération à son extrême à l’aide d’outils informatiques afin de faire ressortir une solution optimale découlant d’une liste de demandes et critères clairement définies. Souvent décriées car donnant l’impression de confier la conception à la “machine” ou pour sa tendance à générer de la forme gratuitement, cette approche a pourtant de nombreux avantages - et dans de nombreux domaines. Les logiciels les plus utilisés étant relativement récents, leur utilisation se démocratise progressivement et, comme dans beaucoup de domaines, une connaissance approfondie du sujet est bien sûr nécessaire afin de pouvoir en retirer un quelconque avantage. N’importe qui peut taper sur un piano, agiter un pinceau, lancer une simulation thermique ou pointer un appareil photo. L’accès à l’outil et aux formations accélérées, maintenant de plus en plus simple et dans de nombreux domaines, ne rend pas forcément aussi accessible le contrôle de son art. C’est sans un savoir avancé de la discipline que l’outil reste maître de l’opération. (4)

dessin ou même tout simplement artistique ou architecturale et cela transparaît énormément au travers de leur travail. La plupart maîtrise apparemment l’outil et est relativement bien équipée, la qualité “physique” des images est bien là (haute résolution, bibliothèque bien fournie, etc), mais il n’y a malheureusement absolument rien d’autre. Aucune composition, aucune atmosphère, aucune âme. Rien.

rendu 3D réalisé pour un coucours en ligne

Le design paramétrique ne sera donc utile et pertinent qu’en contrôlant et comprenant parfaitement les données entrées, leurs relations avec les différentes contraintes, les demandes, les attentes et les résultats voulus. Suite à ça, le processus d’itérations pourra avoir lieu méthodiquement de façon à pouvoir évaluer les différentes possibilités de façon systématique face aux attentes. Peu de différences en définitive avec un chef de projet évaluant les propositions d’architectes, dessinateurs ou stagiaires face au Projet à part le temps, la rigueur et la “puissance de calcul”. (5)

5. Finch3D, un outil très prometteur développé en ce moment même par un couple d’architectes Suédois (https://finch3d.com/) basé sur grasshopper et quelques uns de ses plug-ins devrait permettre d’automatiser certaines tâches répétitives liées à certaines normes et réglementations et d’aider les architectes à prendre des décisions plus averties dans les premières phases du projet concernant certaines données telles que l’ensoleillement, la lumière naturelle, la volumétrie, l’accessibilité, etc. Le but étant toujours de donner plus de temps et plus de moyen à la conception.

La profession évolue, ses outils avec elle. La conception aidée par ordinateur (CAO) porte de mieux en mieux son nom et sa maîtrise est maintenant impérative. La peur et le scepticisme, commun lors de changements d’habitudes et de façon de faire, engendrés par la conception paramétrique et générative par exemple, rejoint celle que peuvent avoir des ouvriers redoutant qu’un robot leur prenne 23


leur travail. Dans notre cas par contre, l’objet à produire n’est pas une voiture, froide et rationnelle, mais des espaces à vivre, changeants et dynamiques. La matière première de l’architecture est l’humain, dans toute son irrationalité et sa diversité, deux notions pour l’instant totalement étrangère à un ordinateur. Notre cerveau reste la machine la mieux adaptée à la synthèse de paramètres changeants, chaotiques et imprécis, mais pourquoi se priver d’une puissance de calcul annexe pour pouvoir intégrer plus de paramètres à notre réflexion.(1)

1. L’intuition reste centrale dans notre façon de travailler. C’est une des raisons pour laquelle, il me semble, l’architecte est souvent considéré comme un artiste, bien que j’ai toujours du mal avec cette association d’idée. Toutefois, cette capacité à concevoir, à synthétiser, à résoudre, itérer et à ordonner s’apparente bien plus à ce que devrait finalement être, et attention je risque d’en fâcher plus d’un, un ingénieur. Un ingénieur d’espace.

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CONCEPTION INTÉGRÉE

PROBLÈME

ANALYSE

DESSIN

SYNTHÈSE

PRÉSENTATION

diagramme représentant la notion de conception intégrée et son processus de fonctionnement


Depuis quatre ans, depuis mon arrivée à la Réunion, j’ai eu l’occasion de travailler sur une demi-douzaine d’”étude de faisabilité” - de logements collectifs principalement. Sur ce nombre, une, peut-être deux, a été rémunérée (peut-être trop d’ailleurs, j’y reviendrai peutêtre plus tard). On nous répond que c’est malheureux, mais que c’est normal, que ça se fait comme ça, que forcément les promoteurs n’ont pas encore les fonds pour payer les études, le projet n’est pas vendu. Il faut donc attendre, prendre le risque que le projet n’aboutisse pas. De toute façon, ce sont les risques du métier: travailler gratuitement. Ensuite par contre, quand vient le temps, les honoraires tombent, et beaucoup ne se gênent pas. “On a bossé pour rien la fois d’avant, il faut bien rattraper la chose…”

MAGE

Cette pratique de rémunération des études de faisabilité, voire esquisses, voire même avant-projets, à l’obtention du permis ou à la commercialisation, a deux effets majeurs.

1. Jusqu’à en arriver à recevoir des coups de téléphone de particuliers voulant s’assurer que la première visite sur site, voire première proposition est gratuite. Ce ne sont que quelques traits après tout. Du coloriage au mieux.

Le premier est de dénigrer gravement notre travail (1), nos connaissances et nos aptitudes autres que celles d’être en mesure de remplir un tableau de surface. Ensuite, les premières études étant risquées à réaliser (je me demande toujours comment et à quel moment ce risque a-t-il pu nous être transféré), il est quelque part logique que peu de temps ni de moyens y soient accordés. Malheureusement, peu de temps et peu de moyens se traduisent fatalement par peu de réflexion. La conception est alors poussée à l’automatisation, à l’utilisation de solutions préconçues (le système normatif ultra contraignant n’aidant pas), habituelles et généralistes misent en forme le plus rapidement possible avec cette même rentabilité, pourtant tant critiquée, comme seule finalité. Cette conception hâtive et incomplète se fait aussi seul, ce devrait pourtant être facile de partager “rien”, mais personne n’en veut. Les oublis, erreurs ou incompréhensions sont donc sous notre totale responsabilité. Le projet, prématuré dans beaucoup de cas, se trouve 26


alors tardivement jeté à des bureaux d’études à côté de la plaque, car mal informés, et réticents à y toucher, car pas fini et malmené par des clients indécis. Cette indécision est un problème, très frustrant, mais découle selon moi du processus, de la trop faible importance donnée à la conception et de notre communication faite à ce sujet.

2. Cette idée nous est venue d’après le mode de fonctionnement du propriétaire de notre appartement à Rotterdam, M.Vliegenthart. Tout expat est au moins une fois passé par ce vieux monsieur en arrivant. La légende veut qu’il possèderait une centaine de logements achetés en piteux état, rénovés sommairement et loués à bas prix dans toute la ville. Le matelas de clé tapissant le sol de son utilitaire pourrait en effet confirmer le mythe. Afin de pouvoir gérer la grande quantité de demandes et de réparations en tout genre, il n’est disponible que le mardi soir jusqu’à 20h dans un café à côté de la gare centrale. Pas besoin de lui courir après, de remplir son répondeur, qu’il pleuvent ou qu’il neige, il sera toujours là-bas, le mardi soir, pendant deux heures, avec son café.

L’architecte est principalement vu comme une contrainte (signature de permis de construire, respect de réglementations et de normes, Gardien du Beau, du patrimoine, etc). Certains le voient aussi un peu comme un “contremaître plus-plus”, à sa place sur un chantier à surveiller les ouvriers, qu’ils ne fassent pas de bêtises et n’oublient pas de travailler, tout en gérant leurs factures. D’autres pour choisir les couleurs ou le modèle de luminaires, les Beaux bien sûr. Peu pour Dessiner, synthétiser, conclure, élaborer, hiérarchiser, élever, orienter ou même juste accompagner et faire réfléchir. “Nous avons déjà fait notre plan.” “Faites comme vous voulez.”. Deux phrases entendues maintes fois illustrant bien mes propos. Les deux écartant totalement la notion conceptuelle (de conception, pas du Concept avec un grand C) et itérative du projet tout en relayant notre rôle soit à de la simple exécution presque infantile, soit à une sorte de mysticisme désintéressé. En réponse à cela, nous avions commencé en 2016, à Copenhague, à réaliser des consultations hebdomadaires ouvertes à tous et portant sur tous sujets touchant de près ou de loin à l’Architecture, ou au Design plus largement. Nous nous étions alors rapprochés d’un café associatif pour les locaux et la communication dans lequel nous nous trouvions tous les mercredis de 17 à 19h. Pas de rendez-vous, pas de formalités, nous étions juste là, disponibles, pendant deux heures. Libres à n’importe qui de venir nous voir, ou pas, en fonction de leurs besoins.(2) Nous attendant à quelques premières sessions très calmes le temps que l’information circule, les deux heures hebdomadaires ont tout de suite été pleines. Il y avait donc un besoin. Même à Copenhague, 27


la capitale d’un des premiers pays en terme de ratio architecte par habitant (autour de 1/775 à l’époque). En arrivant sur l’île et face à la différence de contexte et de mentalité, nationale d’abord et insulaire ensuite, nous n’avions alors pas envisagé de reproduire l’expérience.(1)

1. J’avais alors participé à une AG de la Maison de l’Architecture au cours de laquelle j’avais fait part de cette expérience alors que l’interrogation était à la communication et à l’organisation potentielle de portes ouvertes. Je m’étais alors fait rire au nez par la majorité des adhérents, dont la majorité était architectes. “pffr et pour quoi faire ?” “travailler gratuitement ?” “avec des particuliers ??” “autre chose à faire”.

Nous avons pourtant, il y a deux ans, repris cette entreprise avec la participation d’une boutique/galerie d’exposition au centre de SaintGilles-les-Bains qui avait quelques tables de disponibles. Les consultations s’organisaient selon le même principe: jeudi de 17 à 19h de manière très informelle, sans rendez-vous, les uns après les autres. Bien qu’ayant à peu près le même nombre d’habitants, se déplacer à la Réunion n’est pas aussi simple qu’à Copenhague, pourtant des gens de Saint-Pierre ou de Saint-Denis étaient là et attendaient leur tour. Il y a donc, ici aussi, un besoin. Ces consultations ont duré un an, les continuer en étant salarié était compliqué, et ont touché un large échantillon plutôt hétérogène de la population. La quasi totalité venait nous voir pour des problèmes, avis ou conseils touchant finalement à la conception de leurs espaces. Le fond, pas la forme. Certains venant avec un besoin de confirmation, ils avaient déjà dessiné ce qu’ils voulaient, repartaient avec beaucoup de questions. D’autres, avec un permis de dessinateur bradé (le permis, pas le dessinateur) prêt à être déposé et avec quelques doutes sur certains aspects, se rendaient compte de la valeur de notre apport et de la réflexion nécessaire à l’établissement d’un projet. On nous a aussi beaucoup demandé pourquoi nous faisions ça. Il y a bien sûr le coup de pub. Forcément, ça fait parler de nous. C’est aussi pour aider les gens, mettre au service d’autrui nos compétences et ne pas les laisser moisir derrière des notices d’accessibilité. Mais surtout, c’est pour essayer d’effacer l’étiquette qui nous colle à la peau. Et finalement, c’est pour apprendre. Parce que passer deux heures, tous les jeudis, à retourner des plans biscornus dans tous les sens pour pouvoir en faire quelque chose avec une mise en contexte d’à peine 10 minutes, c’est du sport.

“les ingénieurs font la structure, les architectes d’intérieur, l’intérieur… Et vous, vous faites quoi ? Les façades ?”

flyer consultations du jeudi

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Et le bonus: voir sur le visage des plus sûrs d’entre eux en arrivant, la réalisation que dessiner un plan n’est en fait pas si simple.

2. Étant assez habile dans la production d’image 3D, mes interlocuteurs, professionnels ou non d’ailleurs, sont souvent amenés à penser, à tort, qu’il ne suffit que d’appuyer sur un bouton et que tout se fait tout seul.

La tendance générale actuelle a la désagréable conséquence de dévaloriser, sciemment ou non, la conception. La mode du DIY (do it yourself) où tout le monde peut s’improviser “designer” en est un bon exemple. L’accès de plus en plus simple à de nombreux outils informatiques, pouvant produire des résultats graphiques “satisfaisants” sans aucune connaissance, n’arrange pas non plus les choses. Le mouvement en pleine croissance des Tiny Houses peut aussi rejoindre cette idée du “jamais-mieux-servi-que-par-soimême, même si la qualité en pâtit” avec ses espaces minimaux, personnalisables à l’extrême et sans attaches ni contexte. La demande de technicité croissante, que ce soit en terme de normalisation administrative ou de mise en œuvre est peut-être d’ailleurs ce qui nous sauve la mise auprès de la maîtrise d’ouvrage potentielle. La sur-complexification aide en effet à garder un monopole sur son domaine d’activité (jargon judiciaire, scientifique, etc). C’est d’ailleurs là que le “mysticisme désintéressé” mentionné plus haut intervient: Quelqu’un ne maîtrisant pas un sujet, aura toujours tendance à penser soit que son application, très complexe, relève de la magie, soit que celui qui le maîtrise le fait sans effort et de façon presque involontaire. (3) Toujours à Copenhague lors de ma recherche d’emploi en France métropolitaine et à la Réunion afin d’effectuer mon HMONP, j’avais principalement dû m’appuyer sur internet pour toutes recherches d’agences locales. Malheureusement sans beaucoup de succès. J’avais en effet trouvé mon emploi par le biais du site de l’ordre régional suite à une annonce de ma part. La culture de la communication (PR en anglais, public relations) ne fait pas parti du quotidien de la majeure partie des architectes français. Leur façon de travailler est peut-être une des raisons qui fait qu’une agence de taille moyenne n’a finalement pas vraiment 29


besoin de se vendre. L’égalité des chances poussée à l’extrême de la loi MOP, les procédures d’appels d’offres ou le côté “pure nécessité” de l’architecte ne poussant pas forcément les gens à choisir un architecte leur convenant vraiment, mais à prendre le premier venu, a pour effet de rendre inutile toute sorte de publicité, marketing ou communication autre qu’un DC1. Le nombre d’imprimantes, de postes de travail et d’agrafeuses remplace toute forme d’identité, graphique ou intellectuelle.

1. N’en déplaise à certains, moi le premier, la présentation est cruciale et joue un rôle très important (prédominant ?) dans la réussite d’un projet. J’ai étudié avec certaines personnes, pas foncièrement mauvaises, mais avec des projets très moyens pour qui les cours de projet se passaient extrêmement bien. Capables de vendre leurs mères, ces personnes pouvaient faire passer n’importe quoi, et ce indépendamment de la qualité de leur travail. À l’inverse, d’autres étaient absolument incapables de véhiculer leurs intentions, si bonnes soient elles, et étaient en permanence au bord du gouffre. Un professeur, il me semble, nous avait d’ailleurs averti que même si notre projet était le meilleur du monde, si nous étions incapables de le vendre, il ne servait à rien.

Cette notion de “branding”, collant peut-être un peu plus à une mentalité anglo-saxonne, va peut-être à l’encontre de l’image de l’Artiste qu’ont les architectes d’eux-mêmes. Le but n’est bien sûr pas de devenir riche, mais d’avoir des clients correspondant à sa façon d’exercer et de pouvoir se construire une image propre au-delà de celles de ses projets. Allant plus loin qu’un simple logo, il me semble que cette attention devrait également se porter sur toutes productions générées par l’agence: dessins, images, plans, emails, site Web, adresses mail (jean.dupont.architecte@orange.fr), bureau, etc. Paradoxalement, la représentation sociale de l’architecte en France le plaçant comme seul créateur du beau ne va pas jusqu’à pousser ces derniers à aller jusqu’au bout de leur art et à l’appliquer à ce qu’ils produisent. Un dossier de permis de construire par exemple est très souvent réduit à son stricte minimum, graphiquement parlant, soit par peur de l’humeur des instructeurs ce jour là, soit en raison de sa trop faible rémunération. Il me semble néanmoins, et je me trompe peutêtre, qu’une présentation soignée et attrayante visuellement serait beaucoup plus efficace.(1) La mise en place de cette identité prend du temps, ou de l’argent si déléguée, et cet investissement n’est pas forcément évident pour tout le monde. Dans cet optique, j’ai entrepris en 2015 de réaliser notre site web à la suite de l’obtention de notre diplôme afin de pouvoir rendre disponible notre travail. Ne sachant que très peu coder, notre objectif était assez ambitieux car nous avions la volonté de nous démarquer 30


en proposant une “agence virtuelle” au sein de laquelle les visiteurs pourraient pénétrer et découvrir à l’aide de lunettes de réalité virtuelle. J’ai donc dû apprendre. Comme pour le reste. La conception de cet espace nous a permis de nous poser certaines questions que nous ne sommes absolument pas amenés à nous poser en temps normal: l’espace doit-il finalement avoir un sol? Des murs? Doit-on garder un semblant de loi de la physique? Nous n’avions absolument aucune contrainte, excepté le fait que nous devions être en mesure d’afficher notre travail et que l’environnement virtuel nous représente. Tout ceci en étant toujours accessible et compréhensible pour les visiteurs. Ce site web m’a par la suite donné l’opportunité d’écrire quelques articles sur notre façon de travailler et de penser.(2) Étant en anglais, une refonte totale de celui-ci aurait été trop fastidieuses, nous nous sommes donc contentés pour le moment d’une page Facebook depuis notre arrivée sur l’île. Avec à peu près deux années de recul, celle-ci, ainsi qu’un simple référencement sur Google, nous amène très régulièrement des appels. Ceux-ci ne concernent pour l’instant principalement que des “petits” projets (villas, extensions, rénovations), dont un, l’ecolodge, nominé au Prix d’Architecture de la Réunion (PAR) cette année. Avec un jury composé de “civils” (personnes lambda sans connaissances architecturales), tout comme le personnel des mairies, les élus ou beaucoup d’autres acteurs du milieu, c’est avec cette partie de la population qu’il est important de travailler, de renforcer la communication. Les architectes ont souvent tendance à rester entre eux (j’en ai même épousé une…) ou avec des plus initiés, et on ne peut pas leurs en vouloir de s’entourer de gens qui les comprennent, mais la réalité est que leur exercice ne dépend pas d’eux, mais bien des “civils”. Il me semble que tant que notre rôle ne sera pas clair, d’abord pour nous-même, ensuite pour les autres, tant que la conception architecturale ne sera pas mise en avant et valorisée, et non vue comme un petit plus ou comme une lubie, la profession ne pourra être considéré comme une nécessité ou un réel bienfait. 31



agence virtuelle - site web indeed - http://indeed.space


La dizaine d’agence dans lesquelles j’ai eu l’opportunité de travailler peut se diviser en plusieurs catégories en fonction de leur exercice de la profession et de leurs approches conceptuelles. Les différences culturelles et économiques dues au fait que ces expériences ont eu lieu durant les 10 dernières années dans quatres pays différents, ne sont bien sûr pas négligeables pour cette évaluation, mais l’internationalisation de la pratique architecturale et la mobilité professionnelle, surtout en Europe, a pour effet de grandement rapprocher les points de comparaison possibles.

1. La grande quantité de projets réalisés ne garantit malheureusement pas une implication ou un suivi constant et équivalent sur la totalité d’entre eux. Passé un certain point, une certaine taille d’agence, une partie des projets deviennent de “l’alimentaire” ne servant finalement qu’à financer les plus intéressants.

La définition de ces groupes, surtout basée sur leur démarche conceptuelle, plus que sur leur taille, secteur d’activité ou chiffre d’affaire, reste souple, “flottante”, et un peu généralisée. Loin de moi l’idée de prétendre détenir la vérité absolue, au contraire, cette démarche est avant tout une façon de bien cerner les différents aspects que je voudrai intégrer, ou non, dans mon exercice futur. Le premier extrême est le plus “sonore”: BIG, OMA, MVRDV, Nouvel, Gehry, Libeskind, Zaha, etc. Leur caractéristique la plus représentative est leur capacité à vendre. Ils sont éloquents et très efficaces pour vendre, non pas des produits ou même des services, mais des idées. Hautement conceptuels (de concept cette fois) et souvent de grande envergure, leurs projets sont généralement à l’origine d’innovations techniques. Souvent critiqués pour la gratuité de leurs interventions et le sculpturalisme de leurs œuvres, ce sont eux que beaucoup d’étudiants admirent, idolâtrent même. Toute cette “exubérance” ne signifie pas pour autant qu’il y a de la qualité. Le plus souvent, des phrases métaphoriques et faussement poétiques voire absurdes, des étiquettes fantaisistes ou des schémas trop simplifiés rapidement collés sur la présentation finale, cachent d’énormes vides et finissent mal réalisés ou tout simplement non appliqués. D’un autre côté, pour les projets les plus importants (1), une très grande attention est portée sur la cohérence de l’ensemble du projet, sur son intégrité conceptuelle et au respect de cette ligne directrice. 34


Le poids que leur confère leur renommée, leur marque, leur donne finalement les moyens de pouvoir asseoir leur vision, ainsi qu’une certaine confiance en leur capacité et leur rôle d’architecte. Le second est le plus visible. Ils construisent. Leurs projets sont ceux que l’on voit le plus, ou justement que l’on ne voit pas, le décor urbain qui nous entoure. L’invisible toile de fond qui accompagne notre existence. En opposition au premier groupe, leur principal problème est qu’ils ne dessinent plus, ou presque, et parce qu’ils ne le font plus, ils ont oublié. Pressés par le temps, toujours à la recherche du prochain projet pour pouvoir payer les charges et les employés, la gestion prend le dessus, ce sont plus des managers que des concepteurs. La conception est un muscle et comme les autres, il s’atrophie s’il n’est pas sollicité. L’obsession du toujours moins cher, ainsi que leur caractère “jetable” (disposable) du point de vue de la maîtrise d’ouvrage a pour conséquence fatidique de piller les projets de leur légitimité et cohérence conceptuelle à mesure que leur développement avance. Par frustration, ou résignation, la standardisation de solutions et l’objectification viennent alors nourrir un façadisme générique poussé par un milieu normatif toujours plus contraignant. Entre les deux, faibles en nombre, les plus obstinés, à l’intégrité et à la “foi” solide, s’efforcent doucement de répondre aux besoins et enjeux humains. Pouvant être considérés comme un intermédiaire, ce qui les distingue vraiment, c’est qu’ils pensent. Passant plus de temps à livrer leurs projets, ils se salissent les mains et accordent de l’importance aux détails. Ces entités fonctionnent malheureusement trop souvent dans l’ombre, pas assez “bling-bling” pour être dans tous les magazines et pas assez productives pour être vues dans toutes les rues. Hors de l’ordinaire, leurs solutions (pas forcément plus chères, au contraire) peinent souvent à trouver des clients assez courageux. 35


La loi sur l’architecture de 1977 prévoit deux types de mission: la mission globale et la mission socle.

CESSUS

La première porte bien son nom et rejoint les obligations et le phasage de la loi MOP. La seconde, quant à elle, est (devait être?) le minimum obligatoire pour tous marchés privés qui nécessitent un dépôt de permis de construire et pour tous marchés publics pour lesquels la loi MOP ne s’applique pas. Cette mission socle se limite à une “mission de conception”, ainsi qu’une mission de suivi de conformité architecturale durant l’exécution de l’ouvrage (DCE inclu). La mission de conception s’arrête par contre ici au dépôt de permis de construire n’incluant que l’esquisse et les études d’avant projet, aussi poussées qu’elles puissent l’être avant un permis, tout en laissant de côté la phase PRO. N’ayant pris connaissance de l’existence de cette définition que très récemment, pour des raisons qui m’échappent encore d’ailleurs, on a simplement répondu à mes interrogations que oui cela existait bien, mais que personne ne le faisait vraiment pour des éternels problèmes d’assurance, de responsabilité et, surtout, de rémunération. Questions assurances de côté, il est malheureusement difficile de faire quoi que ce soit contre, cette possibilité de se concentrer strictement sur le projet et sa bonne application sans sombrer dans le babysitting m’avait pourtant semblée intéressante. Cette mission de suivi, de consultance presque, avec pour seul objectif de veiller à l’application du fond sans en gérer la forme, va par contre à l’encontre du processus courant. Cela présupposerait un dépôt de permis à un stade plus avancé ainsi qu’une implication et une communication transversale de la part de tous les acteurs, et ce, bien plus en amont du projet.(1)

1. Une des caractéristiques majeures de notre société est son rapport au temps. Notion abstraite et incertaine (Carlo Rovelli, Reality is not what it seems, 2014), notre perception de celui-ci change à la mesure des “progrès” dans les domaines des transports et de la communication. L’effet principal en découlant peut s’illustrer par une compression perçue de l’espacetemps dans lequel nous évoluons. Les délais, d’étude et de construction, ne sont pas exclus de cette contraction et sont de plus en plus courts. Paradoxalement, en réponse à ça, j’ai pu observer une tendance à détacher, en quelque sorte, la conception d’un seul projet pour l’étaler sur plusieurs. Ce que j’ai pris, de prime abord, pour une autre forme d’optimisation, de réutilisation, voire de fainéantise, était en fait une seule et même réflexion qui, faute de temps, était contrainte de s’étirer sur plusieurs projets.

Ayant eu ces dernières années la possibilité de suivre mes projets en étant en grande partie maître de leur déroulement, j’ai pu confronter l’idéal de la conception intégrée au mode de fonctionnement Réunionnais et plus généralement au phasage d’un projet Français. 36


La très grande responsabilité endossée par les architectes et leur position de “contremaître” dans une mission de base, avec différents bureaux d’études soit en co-traitance, soit en sous-traitance, leur confère très souvent le rôle de mandataire. Cette subordination, réelle ou implicite, a pour effet, il me semble, de détacher les bureaux d’étude du processus initial de création. Une conception intégrée nécessiterait l’implication totale des différents acteurs (bureaux d’études en tous genres, économistes, etc) dès le tout début et de façon horizontale afin que tous soient en mesure de s’approprier le projet dans son ensemble. La situation réelle est malheureusement tout autre, celle dont j’ai été témoin à plusieurs reprises tout du moins. Rarement apporteurs d’affaires, les bureaux d’études se greffent souvent un certain temps après la mise en route de la réflexion en raison d’une réticence, réciproque peut-être et légitime certainement, à s’impliquer dans quelque chose qui n’aboutira peut-être pas. Étant donc en retrait, l’investissement décroît et l’intérêt aussi. Allergiques à l’itération, étrangement, leurs interventions ne se concentrent donc qu’en fins de phases pour n’être finalement que de la vérification ou de la confirmation de solutions à-vu-de-nez, et certainement optimisables, mise en place du mieux que nous le pouvons avec nos connaissances générales.(2)

2. J’ai passé ces deux derniers jours à redessiner la structure en béton d’un bâtiment de bureaux d’environ 4000m2 d’après le premier “retour” fait par le BET structure sur notre esquisse, qui n’avait pas pris la peine de dessiner le joint de dilatation sur ses plans, mais seulement de le mentionner dans un coin de page au R+2. J’ai donc finalement dû déplacer, aligner et rééquilibrer les trames, supprimer une dizaine de poteaux en passant un mur adjacent en voile béton… Le tout m’a finalement fait gagner un peu de surface et quelques places de parking de catégorie B. Conseil du jour: “le mieux est de ne pas dessiner de structure du tout, comme ça ils ne pourront pas laisser le nonnécessaire”. La faute à qui donc? La faute du BET avec son cruel manque d’implication ou la nôtre pour ne pas les avoir impliqués avant? Devoir pondre un plan structure avec pour seule ressource un DWG de chaque niveau ne doit pas être très emballant.

La majorité de mes expériences professionnelles se sont déroulées dans des milieux de conception disons “proactive”. Le but était alors de prévoir le maximum en amont de la réalisation (voire du dépôt de permis ou son équivalent), de dessiner le maximum de détails significatifs afin d’éviter le plus possible les différentes surprises et improvisations maladroites pouvant survenir durant le chantier. Les procédures administratives et la mentalité française font par contre que la pratique locale a plus tendance à s’orienter vers une conception “réactive” et de façon plus linéaire. Le dépôt du permis de construire se faisant très tôt dans le processus, nous sommes contraints d’effectuer beaucoup de choix 37


à un stade où le projet ne fait qu’à peine prendre forme. La maîtrise d’ouvrage, tout comme les banques et les différentes conditions suspensives de compromis, poussent de plus en plus au dépôt de permis de construire sur des esquisses, la tendance est donc aux permis modificatifs tardifs à répétition qui, somme toute, doit considérablement augmenter la charge de travail des services instructeurs tant critiqués pour leur lenteur. L’implantation, la volumétrie, l’aspect extérieur général, voire même le principe constructif, verrouillés aussi tôt a pour effet d’enfermer le projet dans des pré-intuitions ou conclusions incertaines nous obligeant, à partir de là, à ne faire que de la conception de compromis, d’ajustements et de rattrapage, résultant bien souvent en un produit sans colonne vertébrale n’ayant pas pu aller jusqu’au bout des choses.

1. Une tablette en bois avait été rajouté tardivement au niveau de l’appui des fenêtres coulissantes donnant sur la varangue peu avant la livraison des logements en raison de la très mauvaise finition de la part de l’entreprise en charge de réaliser le gros œuvre. Un arrangement avait alors été trouvé avec celle-ci afin de ne pas avoir à reprendre les ouvrages. Tout le monde y gagnait finalement, plus pour l’habitant, pas de pénalité pour l’entreprise et pas de rallongement de délai. Tout ceci grâce à une réaction rapide et intelligente de l’architecte. 2. Une situation de cet ordre s’est récemment présentée sur un chantier assez conséquent - autour de 20 millions d’euros. Le gros œuvre ayant en grande partie terminé sur un des bâtiments du complexe, l’ossature bois pouvait donc être mise en place et les fermes levées. Quelle n’a pas été la surprise de l’ingénieur du BET structure bois quand il s’est aperçu que de face, l’élévation des documents graphiques, les portiques étaient bien conformes à ses dessins, mais que les sections, la profondeur, n’avaient pas été respectées. De 140*140 sur certains éléments, l’entreprise était passée à 140*320. De plus grosses sections à cet endroit ne posent pas vraiment de problème: “On est sûr que ça tiendra au moins”. Ce qui avait l’air de vraiment déranger l’ingénieur était le respect des “règles de l’art”: “Ce n’est pas comme ça qu’on fait”. Son intégrité de charpentier était atteinte. Ce n’était pas “grave”, mais ce n’était pas “bon” non plus. Je n’ai pas souvent vu une telle réaction de la part de quelqu’un d’autre qu’un architecte s’énervant pour que le garde-corps soit conforme aux dessins. La “conception”, à proprement parler, n’est apparemment pas en cause, les plans ont été fait correctement par la

C’est ici que se distingue deux types d’approches. L’approche “réactive” simple ou celle avec vision - la dernière pouvant se rapprocher de l’approche “proactive” subissant malheureusement son contexte administratif trop lourd et trop contraignant. Cette approche permet, malgré l’obligation de devoir figer la forme de façon prématurée, de lui conférer assez de souplesse afin de pouvoir lui faire suivre le fond et non l’inverse. Le maintien de la vision originelle et l’introduction de cette malléabilité dans sa réalisation amène donc une sorte de conception résiliente réagissant aux embûches, mais ne sortant pas de son tracé, ni de son objectif. Cette élasticité conceptuelle présuppose une grande adaptabilité ainsi qu’une expérience poussée du milieu de la construction, des aptitudes des artisans et des attentes possibles que nous pouvons avoir d’eux. Au delà de la gestion de personnes, du respect de coûts et de délais, le chantier est partie intégrante de cette approche de la conception “réactive”.(1) Jusqu’à maintenant, aucun des projets dont j’ai eu l’occasion de suivre les chantiers, de près comme de loin, n’ont été réalisé de façon vraiment “proactive”. Je veux dire par là que, bien qu’un fichier IFC 38


soit quelques fois produit pour l’économiste ou un bureau d’étude, rien n’est vraiment fait avec l’objectif de synthétiser le projet dans sa totalité avant sa réalisation. Que le budget total de l’opération soit de plusieurs millions ou de quelques dizaines de milliers d’euros, le processus, mis à part le nombre d’échanges administratifs et procédurier, ne change pas vraiment. Les problèmes étaient toujours les mêmes: réservations trop hautes, trop basses ou oubliées; plans “archi”, BET et EXE incohérents; saignées sauvages et intempestives au travers des ferraillages; fils d’eau ou pentes impossibles; retombées de poutres trop basses; etc. C’est dans ces moments-là qu’une bonne maîtrise des acteurs du chantier, des différentes mises en œuvres et que la conception “réactive” prend tout son sens. Bien que la présence de l’architecte soit requise, disons dans le cas où un choix doit se faire entre un énième carottage et une refonte de tout le faux plafond car le chemin de câble est finalement trop près de la dalle et ne passe pas dans la réservation, mon interrogation se situe surtout au niveau de l’absolue nécessité de notre intervention quant à l’application ou non de pénalités, ou au rappel à l’ordre périodique des entreprises pour qu’elles fournissent leurs situations à l’heure et selon le modèle distribué en début de chantier. À plusieurs reprises. Un chantier est, par ailleurs, plein d’imprévus liés à son contexte physique, social, économique et politique, et c’est bien sûr le rôle de l’architecte de s’assurer que le projet conserve son intégrité malgré ces conditions changeantes extérieures.(2)

maîtrise d’œuvre. Mais qui était en charge de réaliser les dessins d’exécutions? Que ce soit par la maîtrise d’ouvrage voulant “faire des économies” ou par la maîtrise d’œuvre ellemême, cette partie de la conception est souvent reléguée aux entreprises, encore et toujours pour des histoires de responsabilités, et peut être une source de changements, d’adaptations ou de déviations du projet si trop peu d’attention y est accordée. La faute à qui donc ? À l’entreprise pour avoir exécuté n’importe quoi? À son bureau d’étude pour avoir (re)calculé n’importe quoi? À la maîtrise d’œuvre pour avoir visé n’importe quoi? À la maîtrise d’ouvrage pour avoir coupé son budget à un endroit précis ? Aux assurances pour terrorisme sociétal? Aux bureaucrates pour leur ignorance? La faute au processus, à la façon de faire et au refus d’y déroger sous peine de devoir donner plus et avoir moins.

Les normes et différentes réglementations sont souvent mises en cause et pointées du doigt pour justifier l’homogénéisation et la pauvreté de la construction. Les normes (NF, DTU, RT, accessibilité, SSI, etc) sont, normalement, légitimes et les organismes les mettant en place, normalement objectifs et consciencieux. “Normalement” car avoir comme objectif de passer les pentes minimales de 15% à 60% pour de la tôle ondulée ne peut absolument pas être fait consciencieusement (en zones 39


tropicales cycloniques selon des études en cours). Mais passons. Dans l’absolu, ces prescriptions techniques ont pour but de garantir un certain niveau de prestation, de sécurité et de confort et je n’y vois aucun problème, mis à part celui qu’a notre société actuelle à vouloir surprotéger et surévaluer les moindres risques. Au cas où.

Autre découverte plus récente: un poteau. Un poteau tout frai coulé à quelques centimètres d’une courte passerelle et d’un mur. Interrogée sur les raisons qui ont pu pousser l’entreprise de gros œuvre à poser un poteau là, sa réponse a tout simplement été “...c’est sur les plans…”. Bien qu’ayant pris quelques libertés quant à la façon dont ce poteau est relié au bâtiment, il est en effet bien sur les plans. Pourtant passée entre plusieurs mains à l’agence, par le BET structure et l’entreprise pour les plans EXE, cette malencontreuse coquille s’est tout de même retrouvée réalisée.

Les réglementations urbaines, quant à elles, partent (pourraient partir?) d’un bon sentiment. Il y a effectivement un besoin de contrôle urbain, ne serait-ce que pour distinguer les zones naturelles des zones à urbaniser, mettre en avant les risques naturels, zones inondables et inconstructibles ou réglementer un tant soit peu la densité bâtie. Le problème réside par contre dans leur étendue et leur application. L’article 11, pour ne citer que celui-là, qui vise à régir l’aspect extérieur des constructions en imposant un certain pourcentage de pentes, un type de clôture, un revêtement de façade ou certaines couleurs, sans autre fondement que de devoir perpétrer bêtement une esthétique jugée acceptable à un moment par une poignée d’intéressés, est un bel exemple. Le patrimoine bâti des dernières décennies nous montre bien que ces règlements subjectifs et arbitraires n’ont eu pour effet que de produire de l’architecture de pastiche, un néo-régionalisme de mauvaise qualité conduisant à l’appauvrissement culturel et intellectuel de toute une nation. Alors que toute contrainte pousse à trouver une solution adaptée et pertinente en stimulant la créativité, si tant est qu’une Conception puisse vraiment avoir lieu, le vrai frein est le manque de moyens. Qu’ils soient financiers, humains, techniques ou simplement de temps, leur manque est bien ce qui fait chuter la conception, son intérêt et la place qu’on lui accorde. En prévision de ce mémoire, j’ai effectué il y a quelques mois un petit sondage sur les réseaux sociaux afin de confronter mon sentiment à la réalité, premièrement, et ensuite pour la comparer à mes ressentis de la situation locale, métropolitaine ou européenne; la Réunion 40


photos de chantiers - T&T architecture


1.

étant un microcosme pour beaucoup de choses. Les questions portaient donc sur la place de la conception dans la pratique des architectes, leur ressenti par rapport à cette proportion et leur sentiment sur la réalité de leur exercice face à leur formation.(1) Verdict: mon sentiment, tout comme les résultats, est partagé.

Les résultats sur la page de droite.

2. Sa communication originale : https:// www.espagno-formations.com/post/evolution-dum%C3%A9tier-d-architecte La totalité de nos échanges se trouvent en annexe.

Lors de ce sondage, j’ai pris contact avec un architecte DPLG du sud de la France et nous avons un peu échangé à ce sujet et sur la direction que devrait prendre la profession pour s’adapter aux changements sociétaux de notre époque.(2) M. Espagno fait partie de l’organisation Architectes d’Aujourd’hui dont le but est de promouvoir les bienfaits de l’intervention d’un architecte auprès des particuliers, en particulier sur le sujet de la maîtrise des coûts d’un projet et ses nombreuses implications juridiques.(3) Fidèle aux principes de son association, mon interlocuteur est convaincu qu’une approche d’abord financière, même juridique, de l’architecture est le seul moyen de “sauver” la profession. Celui qui contrôle les règles, contrôle la partie. Bien que je puisse comprendre le point de vue, j’ai tout de même du mal à y croire, à m’y résigner peut-être, par excès de “romantisme”, naïveté, ou même certainement par manque d’expérience face aux dérives de la pratique et à la disparition graduelle de notre rôle “originel” aux profit d’autres professions de plus en plus spécialisées. Tout ceci bien sûr avec des responsabilités toujours plus grandes dues à notre statut de constructeur dans la législation française (article 1792 du code civil), au même titre que n’importe quelle entreprise de construction. Ses propositions touchent également à la formation, au sein de laquelle il réduirait les enseignements de projet au profit de cours pointus sur l’aspect juridique de la profession afin de pouvoir en maîtriser pleinement les tenants et aboutissants tout en gardant les juristes à l’écart: Le contrôle du projet passe d’abord par la juridiction.

3. “Les Architectes d’Aujourd’hui proposent une amélioration de leur offre pour qu’elle convienne parfaitement aux Particuliers : aujourd’hui, la sécurité financière s’impose à tous.”

La totalité de nos échanges en annexe. 42


Quelle est la taille de votre structure ? 1. 2. 3. 4.

2-5 seul(e) 5-20 >20

Quel est votre secteur d’activité principal? 1. 2. 3. 4. 5.

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Quel pourcentage de votre temps de travail est consacrée au dessin (main, pas main, ordinateur, peu importe)?

MI BLC MOP Bureaux Tertiaire

Avez-vous l’impression d’avoir été formé à exercer un autre métier que celui que vous pratiquez tous les jours ? 1. oui 2. non

10

20

30

40

50

60

70

80

90

Quel pourcentage de votre activité est consacrée aux phases d’études ?

100


Le travail d’un architecte consiste communément à coordonner, gérer (diriger?) une équipe d’acteurs multidisciplinaires, à être le chef d’orchestre en quelque sorte, mais est-ce vraiment ce pour quoi il est formé?

APRÈS ?

Fort de son héritage de l’école des Beaux-arts, son parcours éducatif s’étire sur plusieurs années d’histoire de l’art et de l’architecture, de théorie, de sociologie, d’anthropologie, d’arts plastiques, d’ingénierie (pas trop quand même), de design, d’atelier, de planification urbaine, de paysagisme - et plus encore en fonction de l’école, du pays ou de ses antécédents - mais le management ou la gestion, que ce soit d’humains ou de projets, sont rarement dans cette liste. Pourquoi alors les architectes ont-ils tendance à passer la majorité de leur temps à remplir des formulaires, des candidatures, au téléphone, sur leur chantier à s’assurer que les ouvriers n’oublient pas de mettre leur casque ou tout simplement à s’assurer que le travail des autres est bien fait? À quel point cela bénéficie-t-il vraiment au Projet architectural? Qu’arriverait-t-il si tout ce gain de temps était attribué à sa réflexion et sa conception? Je ne suis pas convaincu que ce rôle de “chef d’orchestre” était ce dont la majorité d’entre eux rêvaient de faire lorsqu’ils ont commencé cette grande aventure, et certainement pas ce à quoi ils ont été formé. Ne vous méprenez pas, je pense que ces tâches sont importantes et doivent être effectuées tout au long du processus fastidieux qu’est la construction d’un bâtiment afin d’avoir le meilleur résultat possible. Mais peut-être pas par des architectes. De combien d’architectes, ou diplômés en architecture, ai-je récemment entendu parler qui arrêtent, qui “en ont marre”, qui “ne font plus d’archi”? Afin de rester dans le parallèle musical, je pense que le rôle sur lequel les architectes devraient plutôt se concentrer est celui du compositeur. Concentré sur le projet, c’est la conception elle-même 44


qu’ils devraient diriger, pas les personnes impliquées dans le processus. Ils devraient tracer la voie à suivre et s’assurer que chaque intervention, et non chaque intervenant, à toute échelle, va dans cette direction et y est intégrée de la meilleure façon possible. Ils devraient se concentrer sur l’organisation, la hiérarchisation et la composition avec un apport, en amont, de tous les différents acteurs afin de s’assurer d’une réponse cohérente à un problème ou une demande bien définie. Conseillés par d’autres, ils devraient être les gardiens de l’intégrité de la conception dans son ensemble, ceux qui maintiennent l’échelle, la proportion et la définition des priorités. C’est en tout cas ce à quoi j’aspire, même si je mesure pleinement sa difficulté d’application et mon optimisme quelque peu naïf. Merci pour votre attention.

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ANNEXES


Août.2012-présent MOB / indeed https://www.facebook.com/MOB.conception/ http://indeed.space/

Oct.2019-présent T&T architecture -La Réunion FR http://ttarchitecture.canalblog.com/

Sept.2016-Mai 2018 Murielle Plas -La Réunion FR

Août.2015-Jul. 2016 Powerhouse Company - Copenhague DK http://www.powerhouse-company.com/ https://www.bessardstudio.com/ Août.2014-Mai 2015 ARROW Architects - Copenhague DK http://arrowarchitects.com/ 48

TT

VITAE


ITAC - village artisanal, La Réunion - en cours APD / Ecolodge Shanti, La Réunion / Villa Rivière, La Réunion - en cours PRO / Villa 2J, La Réunion - en cours PC / Villa Becs Roses, La Réunion / Villa Papangue, La Réunion / Villa Soui Mine, La Réunion / Faisabilité - Entrée de ville Saint-Paul, La Réunion / Esquisse - cabinet médical / Extension - sous-sol, piscine, La Réunion / Extension - sous-sol, piscine, bungalow, La Réunion - en cours ESQ / Réaménagement villa, La Réunion - en cours ESQ / Planification urbaine, Kazan, RU - en cours APS / Villas, construction paille, Kazan, RU - en cours APS Design d’une cabane de jeux, USA - Finaliste / Extension maison individuelle + piscine et terrasse, RE - réalisé / Ecomoduls, design et production d’habitations préfabriquées écologiques, LV - en cours / Nospiedumi, création d’un parc municipal, Vilani, LV / Järfälla Login Gate Competition, SE / City Under the Roof - régénération urbaine, Kraslava, LV - 1ère place, en suspend / Rénovation bureau - organisation d’espace, DK / Holcim Awards - villes durables / DEUVO event space, USA - réalisé / PLY, mobilier en contreplaqué - en production / Candela, design de luminaire - en cours / B&O, stand pour écouteurs audio - 3ème place réalisé / Glass House Collection, IT - Mention Honorable / Europan 2013 - intervention urbaine, NL / Opportunity Detroit - complexe multifonctionnel, USA / Workplace of the future - concept de transformations d’espace / Nikolas Belveder - belvédère, RU 3MAR - logements collectifs, FAISA / BRDG - maison individuelle, ESQ-PC / BBR1 - interieur bureaux, APS / MALARTIC - interieur bureaux, APS / MDRL - maison individuelle, ESQ-APS / TELM - téléphérique urbain, CON / MOULIN JOLI - logements collectifs, FAISA / ZBRO - bureaux, ESQ-PC / BE90 - logements collectifs, FAISA / RSLR - logements collectifs, PC-PRO / GRVL - logements collectifs, APD / UFRS - université Saint-Pierre, DET / CFLL - CFA Saint-Denis, DET Aéroport de la Réunion Rolland Garros, - mission design de réhabilitation + concours extention, CON / Lycée Hôtelier La Renaissance - réhabilitation, PRO-DET / Usine à Gouzous - galerie et atelier d’artiste, PRO-DET / Opération mixte à Saint-Paul - commerces, bureaux, logements, ESQ-PC / Remise en état et création d’une couverture - TEAT plein air, ESQ / Portes de l’océan, CON

Biennale de Venice, IT - recherche conception / Villa C, FR - ADP-PRO / Villa Taarbæk, DK - ADP-PRO et conception détails / Villa Hadsund, DK - rendus 3D, ADP-PRO et détails / Toit bloc urbain, DK - ESQ-APS / Micro habitation, DK - rendus 3D, ESQ-APS / Façade immeuble urbain, DK - ESQ-APS CAIER laboratoires, KZ - ADP, recherche façade, rendus 3D / Green Hall 2, LT - ADP-PRO, recherche façade, rendus 3D / Green Hall 3, LT - ESQ-APS, recherche esthétique / S7, LT - analyses, ESQ-APS, recherche façade, modélisation 3D / H+M+H Istanbul, TR analyses, ESQ-APS / O Istanbul, TR - analyses, ESQ-APS / TELLI beauty shop, KZ - rendus 3D, ADP-PRO et conception détails


Avr.2013-Jul.2013 KCAP - Rotterdam NL http://www.kcap.eu/ Fev.2013-Avr.2013 DKV - Rotterdam NL Août.2012-Fev.2013 Casanova+Hernandez - Rotterdam NL http://www.casanova-hernandez.com/ Avant 2012 Apside Architecture - Valence FR Atelier d’Architecture Bedrossian - Valence FR

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OZ nature urbaine, FR - communication, design paysager, rendus 3D stanbul Goztepe, TR- planification urbaine, modélisation 3D NEO Brussels, BE - modélisation 3D, massing Cluster 4 K-50, RU - design paysager, rendus 3D / Woningbouw vlek 3 kanaleneiland, NL - recherche façade, rendus 3D Woonhuis Lyon, FR - ESQ-APS, APD-PRO, détails et communication avec le client / S1309-Leo Kannercollege Leiden, NL - graphics Piraeus Cultural Coast Master Plan, GR - design paysager, rendus 3D / Container Port Urban Study, SG - chef de projet, esquisse / APS, graphics, rendus 3D / Public Library, KR - ESQ-APS, rendus 3D / CO2 Neutral Social Housing Blocks, BE - ESQ-APS, rendus 3D Jardins de Metis, CA - graphics, rendus 3D / Jinzhou dining set, CN - conception, rendus 3D

Aéroport Carcassone - Immeuble bureaux Clichy - Bureaux+usine Despesse - Villa Permis de construire pour habitats individuels and extensions - Reconversion d’église - Logementscollectifs


Bonjour, Tout d’abord, merci pour votre (ton ? Ce sera peut-être plus simple que l’on se tutoie) texte. Je suis en ce moment en train de rédiger mon “mémoire” dans le cadre de ma HMONP dont le thème principal est la conception architecturale, sa pertinence, sa disparition, sa légitimité ou encore son abandon. Pour donner un peu de contexte, je travaille depuis à peu près 7 ans dont la moitié en Hollande et au Danemark et l’autre partiellement à mon compte à la Réunion. Tout ceci est donc une partie de mes réflexions et en aucun cas des opinions bien arrêtées. Réflexions d’ailleurs un peu délicates à discuter pendant ladite HMO... Tu mentionnes à la fin de ton document la formation conduisant au métier d’architecte et son décalage par rapport à celuici, allant jusqu’à proposer de faire passer la conception en second plan afin d’orienter la formation sur plus de technique, juridique, commerciale, management, … (“le métier d’architecte”). Au cours de ma formation, je suis passé par 4 écoles: la première en Normandie, la seconde en République Tchèque, la troisième au Danemark et la quatrième à la Réunion (cette dernière avec le programme français, mais différente par son contexte). En effet, je confirme, dans sa globalité l’enseignement ne correspond pas au métier d’architecte tel que tu l’annonces, il ne correspond pas ou peu au rôle de chef d’orchestre tant mis en avant par la majorité. Ton texte m’a interpellé, même si je comprend et soutient la grande majorité des revendications face aux problèmes évoqués. La conception, pour moi, est à faire revenir sur le devant et très fortement. Comme tu le dis, la multiplication des rôles, des compétences et des acteurs fait que la profession se perd, s’égare et se trouve happée, grignotée et finalement souvent dénigrée tout en conservant son historique “main-mise” et toutes les responsabilités qui vont avec. Reprendre la conception en main pleinement (EXE comprises, en collaboration avec BET ou artisans) et prendre le rôle du compositeur plutôt que celui du chef d’orchestre (pour rester dans le milieu musical) permettrait vraiment, et c’est là que tu te contredis il me semble, de regagner l’estime, la reconnaissance et la considération de la création architecturale, de trouver une responsabilité normale et d’embrasser sa mission de conseil pleinement. D’après mon expérience, les architectes ne dessinent pas (plus ?). Pour différentes raisons, cette tâche est déléguée aux dessinateurs/projeteur/stagiaires/architectesDE et la conception se passe là: dans le dessin, dans l’itération (je ne crois pas vraiment au “de toute façon c’est moi qui lui dit quoi faire, quelle direction prendre”). L’architecte, patron, gestionnaire, passe donc la majorité de son temps, au téléphone, à répondre à des torrents de mails, sur le chantier à faire du baby-sitting d’ouvriers et à prospecter pour pouvoir avoir de quoi payer ses dessinateurs. Se concentrer sur la conception, composer, ne nous mettrait pas en touche, au contraire je pense, mais nous donnerait plus le rôle de “grand vizir”, gardien du projet, que celui de chef de garnison. Nous serions quand même obligé d’avoir une connaissance très large et multidisciplinaire, juridique, technique et économique, mais il ne nous reviendrait pas la gestion et l’application de la logistique très chronophage et très éloigné de ce pourquoi la grande majorité des architectes se sont lancés dans ces études. Contracté par celui-ci, notre rôle de conseil auprès du maître d’ouvrage serait conservé, et peut-être plus clair et plus défini. Plus près du Penseur (mastermind), rien ne nous empêcherait de mettre la main à la pâte sur les chantiers ou en poussant l’innovation avec la production de prototypes, au contraire, et cela toujours en faveur de la conception avec le projet (sa forme, son budget, son empreinte écologique et sociale, son contexte, ses utilisateurs, etc) comme objectif final, pas sa mise en œuvre. Dis-moi ce que tu en penses. Bonne journée,


Bonjour Brice, on se tutoie bien sûr - j’ai été formaté comme ça et je n’arrive pas à vouvoyer les architectes... Je réponds à chaud, au fil de l’eau. Le problème de fond est bien celui-là : Vers où nous dirigeons-nous ? et vers où devrions-nous nous diriger ? Actuellement, nous sommes issus du 19° siècle, où l’architecte était le patron absolu et incontesté de l’opération. Il pouvait l’être : les techniques de construction étaient simples (un mur, 2 enduits, et c’est fini) donc connues et maîtrisées, les entreprises obéissantes, les règlements a minima donc, eux aussi connus et maîtrisés. Et pas de déontologie ; l’architecte pouvait vendre les travaux. En fait, il faisait ce qu’il voulait. Tout cela a changé, mais le Code Civil continue de façon anachronique à nous maintenir dans la catégorie des “constructeurs” (dans le sens juridique du terme, pas que CMI). C’est intenable et incompatible avec la maîtrise d’oeuvre indépendante des architectes. Or c’est cette indépendance qui nous caractérise, qui fait qu’on est irremplaçable. Plus d’indépendance : je ne donne pas 10 ans - pas 5 ans à la profession pour disparaître. Nous deviendrions alors une BET comme les autres, en charge de la partie administrative du permis et c’est tout : fini les architectes ! Les architectes qui vendent des contrats globaux font un mal énorme à la profession, car ils contribuent à nier notre profession, à la faire disparaître, d’abord dans l’esprit des gens, puis ce sera dans la réalité. Donc, une seule entité ne peut plus maîtriser la technique. Cette maîtrise doit donc être logiquement répartie à chaque spécialiste que sont chaque entreprise. Donc elle ne doit plus reposer sur les architectes. Eh oui, si l’on veut être vraiment indépendant, on ne doit pas être dans le même panier que les entreprises, ni être co-responsable de leur travail (conception technique et réalisation) ce qui nous y place, évidemment. Par contre, la dimension juridique de l’opération est énorme, et elle ne peut pas être dévolue à des seuls “juristes” car il faut synthétiser plusieurs paramètres : juridiques, techniques, architecturaux, etc. Un “juriste et rien d’autre” ne peut pas le faire. Cette dimension juridique est celle dont nous devons nous emparer, et tout de suite : j’ai déjà commencé à voir quelques BETJuristes ! ils essaient de créer une nouvelle mission piquée aux architectes : après les BET techniques OPC, SPS, ECONOMISTES, et même AMO (incroyable !), la mission “juridique” va apparaître. Il faut que ce soit nous ! Je n’ai jamais dit que nous devions abandonner la conception, évidemment. Au contraire. Et pour garder un peu de pouvoir, nous ne pouvons pas nous contenter de cette niche. En perdant la maîtrise d’oeuvre (travaux) et le juridique, nous n’aurons plus aucun pouvoir pour imposer nos idées, donc notre conception. Nous deviendrons de simples exécutants aux ordres des autres, maîtres d’ouvrage (tu sais que certains archis appellent leurs clients des... “donneurs d’ordres” ! quelle folie, quelle aberration), BET qui conseilleront effectivement les clients, bref, le cauchemar. Donc quelle mission idéale pour moi ? Etre l’auteur de la partition et le chef d’orchestre qui fait jouer la musique : - pas responsable des fausses notes des uns et des autres (comme le médecin n’est pas responsable d’une faute du pharmacien), - gestionnaire de l’opération, personne au-dessus de lui, et donc avec de réelles compétences juridiques, comme doivent l’être tous les vrais patrons, tous ceux qui gèrent. Ce n’est que si nos sommes réellement à la tête de l’opération que l’on aura des chances d’imposer (gentiment...) notre conception architecturale, pour le plus grand bénéfice de nos clients et de l’intérêt public. Et donc, pour cela, dans notre formation, nous devons apprendre = - les techniques de construction bien mieux que nous le faisons : pour commander, il n’est pas indispensable de savoir faire, mais il est indispensable de savoir de quoi l’on parle.


- la maîtrise des coûts : nous devons maîtriser les prix réellement, au lieu de les subir. Les économistes, c’est nous. Un architecte qui dit “moi, les prix je n’y connais rien, je laisse ça aux économistes”, c’est comme s’il disait “Moi, le dessin je n’y connais rien, je laisse faire des BET de dessin, ce sont eux qui font mes plans”. - le juridique. Avoir une vraie formation juridique, être à l’aise dans les lois, les procédures, les actes juridiques à accomplir. Et connaître autant que possible les divers réglementations, même si c’est en fait impossible à quiconque. Disons le moins mal possible. Quant à la conception architecturale, elle est primordiale dans l’exercice de notre métier - même si les clients, publics ou privés - ne s’en rendent pas compte. Ils ont tort mais c’est comme ça. C’est pour ça que nous devons nous imposer vis-à-vis d’eux, ailleurs que dans la conception architecturale. Si nous ne gardons que cet argument (pourtant le meilleur), nous serons balayés. Et je suis sûr que la conception architecturale ne s’apprend pas à 90% à l’école. L’école doit être une machine à ouvrir les esprits, à libérer l’imagination et les capacités de réflexion et de synthèse, pas une machine à formater les futurs créateurs. Regarde Corbusier qui est parti de l’école des Beaux-Arts en claquant la porte, Wright et tous les autres : ça ne les a pas empêché de devenir de super-créateurs. La création architecturale est une aventure personnelle, en fait. Sa part doit être réduite à l’école, pour justement ne surtout pas formater les futurs créateurs. Je trouve d’ailleurs très décevante l’architecture actuelle, je trouve que ce n’est que du design. Un joli design souvent, mais rien de plus. Donc, pas de l’architecture. Je verrais bien nos années d’études réparties en : - conception architecturale : 10%, c’est-à-dire : ouverture d’esprit, rien d’autre. pas d’architecture imposée aux étudiants. - technique (conception et réalisation et prix) : 40 % c’est le gros morceau; C’est indispensable pour exercer, commander, avoir du poids. - juridique : 25% c’est l’autre gros morceau - divers : 25% histoire de l’art, psychologie et marketing (eh oui, indispensable et très utile), logiciels de dessin et autres, etc. Je vois donc l’architecte futur comme un “gérant” de l’opération, qui a le vrai pouvoir en maîtrisant le juridique, avec une connaissance technique sans lacune importante (mais dont il ne porte pas le surpoids), qui maîtrise les relations avec les entreprises (il faut évoluer aussi sur ce point) et donc qui maîtrise les prix. Tout ça lui donnera le pouvoir, et donc lui permettra de créer vraiment, ce qui est le coeur de notre métier (j’allais dire de notre vocation). Bien confraternellement, JF


Bonjour Jean-Francois, Pas de problème pour la publication sur le blog. Merci pour la réponse, mais il y a toujours quelques points sur lesquels je coince: Je ne suis pas contre l’indépendance des architectes, au contraire, je pense que nous avons perdu de vue ce qui nous différencie vraiment des autres acteurs du bâtiment. Il me semble que l’architecte doit être plus qu’un gestionnaire ou gérant à qui on demande de choisir la couleur des façades de temps en temps. Tu mentionnes quelques fois qu’une seule entité ne peut plus maîtriser la technique. “Cette maîtrise doit donc être logiquement répartie à chaque spécialiste que sont chaque entreprise. Donc elle ne doit plus reposer sur les architectes.”. Pourquoi l’aspect juridique ne peut pas être inclue dans cette “technique”? J’aurais tendance à la ranger dans une des catégories à laisser à ses spécialistes. Concernant la “conception”, nous n’avons peut-être pas la même définition ou les mêmes références. Tu dis ne pas vouloir abandonner la conception, mais propose quand même de n’y attribuer que 10% de notre formation. Il me semble qu’éplucher un texte de loi est à portée de tout le monde, concevoir non. La hiérarchisation, les notions d’échelle, de point de vue, de synthèse, de conceptualisation s’apprennent, se pratiquent et se travaillent. On reconnaît d’ailleurs très bien un architecte, peu importe son age, n’ayant pas fait de conception depuis longtemps. Ne serait-ce qu’en terme de raisonnements ou de façon de penser ou par sa capacité à pouvoir se projeter. Je ne propose pas non plus d’abandonner les chantiers, mais d’y changer un peu notre rôle en limitant tout ce qui à attrait à la gestion, à la surveillance ou au contrôle et en n’étant là qu’en cas de décisions à prendre touchant au projet et non à ses acteurs. Plus de conception aboutirait de toute façon à moins d’erreurs et d’imprévus sur chantier. Ensuite, tu énonces la perte de pouvoir pour imposer nos idées. Ce n’est pas plus de pouvoir qu’il nous faut, mais de la de la reconnaissance et de la confiance en nos capacités et dans la valeur que nous apportons. La conception d’espace. Pas de la gestion de projet. Enfin, il me semble. Conception, donc, selon les besoins et volontés des clients (dans les limites des lois et réglementations en tout genre). “Donneurs d’ordre” est peut-être un peu fort, mais le contrat est bien dans ce sens là et pas dans l’autre. Ça reste leur projet. Nous nous devons par contre bien sûr de remettre en question et conseiller si certaines choses nous semblent aberrantes et c’est là, je pense, que une confiance générale supérieure serait plus efficace qu’un pouvoir fragile reposant sur des connaissances partielles - juridiques ou autres. La grande question est donc: comment mettre la conception plus en avant de notre côté pour pouvoir remonter sa légitimité et donc nous donner le poids nécessaire au contrôle du projet? Concernant les études, ça a peut-être changé (loin de moi l’idée de penser que tu es vieux :)), mais les cours de projet se concentrent bien sur la conception et, mis à part quelques profs butés, sont bien sensés faire réfléchir sans (trop) de formatage. Je suis par contre convaincu que l’école n’est qu’une plateforme et très limitée sans volonté et intérêt personnel certain du côté de l’étudiant. Ce n’est justement qu’à l’école que le programme, la mise en œuvre et les contraintes techniques peuvent être assez souples, voire inexistantes, pour pouvoir vraiment se libérer - si tant est que l’étudiant ne se jette pas sur des “références” à peine le programme parcouru. Architecture actuelle décevante car trop sculpturale ou tape à l’œil: certains et malheureusement les plus bruyants, mais une minorité je pense. Voilà en bref. Bonne soirée,


Je formule plus précisément ce que je pense et ce que je propose. LE PRINCIPE DE BASE Pour le moment encore, un bâtiment est conçu et réalisé pour un lieu unique. Il n’est pas interchangeable facilement, il n’est même pas vraiment transportable. Peut-être le sera-t-il dans le futur ? Mais pas pour l’instant. Il est largement réalisé « à la main », il coûte très cher et il n’est pas facilement modifiable. Tout ceci fait que le client est obligé de s’engager, c’est-à-dire d’acheter, avant la réalisation du produit, du bâtiment. Conséquences de tout ça : - le client ne peut pas tester, vérifier, le produit quand il l’achète (il n’existe pas encore), - faire construire est une aventure, la construction rencontre des aléas, - les intérêts financiers de ceux qui vendent les travaux (les entreprises) sont opposés à celui qui les achète (les clients) = vendre le plus cher possible ce qui revient le moins cher possible à fabriquer, - construire nécessite de multiples compétences, variées et étendues, et cela s’accélère chaque année. Une seule entité (architecte, BET, entreprise) ne peut pas les posséder toutes. Il faut un professionnel, un patron, un metteur en scène, un chef d’orchestre… pour faire travailler tous ces gens ensemble, faire les synthèses et mener l’opération à bon port. Un professionnel qui a le pouvoir. La maîtrise d’œuvre indépendante des entreprises est donc indispensable. Dès qu’on a commencé à construire autre chose que des huttes, je pense par exemple aux pyramides, on a inventé l’architecte (Imhotep, il y a 5000 ans). Indépendant veut dire l’architecte directement au service du client et seulement du client, et non des entreprises. L’architecte est increvable (malgré toutes les attaques) car il est indispensable, il remplit une fonction incontournable. Les tentatives de tuer les architectes (professionnellement parlant) c’est-à-dire les « contrats globaux » (CCMI, ConceptionRéalisation, PPP, etc.) ne peuvent pas réussir, même si elles nous font beaucoup de mal. L’échec des artisans RGE agissant sans architecte le prouve également. L’Etat s’en étonne depuis des années et n’arrive pas à comprendre, c’est pourtant simple, évident… Construction sans maîtrise d’œuvre = échec, il faut un architecte, comme il faut du mortier pour bâtir des briques. LA SOLUTION À VENIR Je constate que la maîtrise d’œuvre actuelle des architectes n’est plus adaptée à l’économie, à la société actuelle. - La technique ne peut plus être portée par une seule entité (l’architecte), - d’abord parce qu’elle est trop étendue, trop de choses à savoir, à maîtriser, - ensuite parce qu’elle est liée à la réalisation et que l’architecte ne peut pas tout contrôler - ne serait-ce que parce que des ouvrages multiples vont être cachés à sa vérification quand les travaux avancent. Les réalisateurs doivent donc être responsables chacun de leurs ouvrages : conception technique et mise en œuvre. Avec un domaine technique moins étendu, chaque entreprise peut maîtriser ses propres « règles de l’art ». L’architecte ne doit donc plus être responsable juridiquement de la technique (conception technique et travaux). Le rendre responsable du travail des autres revient à violer son indépendance, son statut qui justifie son existence. Il y a une erreur dans le Code Civil = nous ne sommes pas des constructeurs. - Le volet juridique d’une opération a lui aussi considérablement grossi, ne serait-ce que par le millefeuilles des réglementations diverses et variées. Or c’est le décideur qui doit maîtriser le juridique, sinon il sera soumis à qui sera le juriste de l’opération. Le vrai décideur, c’est le juriste.


Dans une entreprises, quelle qu’elle soit, il y a 3 départements : - la Production (technique), - le Marketing (relation-client), - la Gestion (la direction et le juridique). Le Marketing oriente l’entreprise, car aller contre ses préconisations, c’est tuer l’entreprise. La Direction décide, en écoutant le Marketing. La Production (technique) suit et obéit. Le pouvoir n’est pas dans la Production, il est chez la Direction et, de fait, il est beaucoup partagé par le Marketing. La Direction peut infléchir, nuancer (un peu) le Marketing, mais elle ne peut pas aller contre le juridique. Le juridique est l’apanage du pouvoir. Les architectes doivent donc être les juristes d’une opération. En outre, eux seuls le peuvent, car un juriste qui ne maîtriserait la construction ne pourrait donner que des informations théoriques, mais ne pourrait pas décider effectivement. Pour décider, il faut une entité qui fasse la synthèse de la création (qu’on pourrait assimiler au marketing, en ce sens que le marketing est tout ce qui concerne les relations avec « les autres », ceux qui ne sont pas en interne, pas les professionnels), de la technique et du juridique. Le seul capable de faire ça, c’est l’architecte. Sinon perdions cet atout décisif, nous serions morts, car nous deviendrions remplaçables. - Actuellement, le client a trop de pouvoir. C’est une erreur, car ce n’est pas son rôle de tout décider. Le succès des CMI est caricatural en la matière : j’ai énormément discuté sur les réseaux sociaux avec des centaines de gens qui font construire, et même davantage. Ils ont conscience que les CMI ne sont pas une bonne solution, pourtant ils signent quand même avec eux ! Pourquoi ? Parce que les CMI mettent en avant le « clé en mains ». C’est-à-dire, en fait, le « je n’aurai rien à faire, rien à décider ». Les clients sentent bien qu’être le décideur n’est pas leur rôle, même si s’adresser à un constructeur est au final une catastrophe pour le client. Le pouvoir doit être détenu par le maître d’œuvre, c’est-à-dire l’architecte, non pas pour assouvir une quelconque vanité, mais parce que c’est la condition de la réussite d’une opération. Pour qu’un navire arrive à bon port, ce n’est pas aux passagers à décider, ni aux marins, c’est au capitaine. Le loi donne trop de pouvoir au client. Il faut lui en retirer une large part et la donner à l’architecte. On pourrait détailler ces pouvoirs. EN CONCLUSION Pour résumer, je vois donc l’architecte de demain (dès demain…) comme étant celui à qui le client confie l’opération, celui qu’il mandate. À l’architecte de décider, de concevoir (le pouvoir ne pourra pas être à 100% chez l’architecte en la matière, il reste une relation et un partage du pouvoir à trouver ici), de mettre sur pied l’équipe de réalisation (BET, entreprises), d’orchestrer le chantier (sans pouvoir être responsable des fausses notes éventuelles). Pour assumer cette direction, il devra obligatoirement avoir les compétences d’un véritable juriste - pas que des notions. Et donc avoir la formation pour ça. En 5 ans d’études, il a le temps de l’acquérir. Je suis sûr qu’il est très possible d’obtenir cela, du moins pour les opérations de taille limitée (pour les grosses opérations, les grands groupes du « bâtiment » ont trop de pouvoir actuellement sur les gouvernements pour lâcher quoi que ce soit, car c’est en fait la « grande finance » qui est derrière). Comme cela correspondrait à un vrai besoin, ça se mettrait en place, forcément, car on ne peut pas aller contre ce qui est la meilleure solution, c’est une loi de la Nature. Il faudrait bien sûr que les architectes soient capables de définir entièrement une vraie mission transformée, sur ce modèle. Après, il faudrait rentrer dans les détails. Ce serait passionnant de le faire.


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