Le Nouveau Roi

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COUVERTURE NEYMAR

T E X T E : B R E I L L E R P I R E S ( J O U R N A L I S T E P O U R L E M A G A Z I N E P L A C A R ) - T R A D U C T I O N & A D A P TAT I O N : M A R C E L O M A R T I N S - P H O T O S : V I V I E N L AVA U / D R / © M I G U E L R U I Z - N E Y M A R P O R T E U N M A I L L O T N I K E

LE NOUVEAU ROI SON FUTUR SEMBLAIT SE DESSINER DU CÔTÉ DE MADRID, MAIS C’EST À BARCELONE QU’IL A DÉCIDÉ DE POSER SES VALISES APRÈS AVOIR MARQUÉ DE SA PATTE TOUTE UNE ÉPOQUE DU FOOTBALL BRÉSILIEN. VOICI L’HISTOIRE DE NEYMAR, L’ENFANT « DIFFÉRENT » DE SANTOS QUI S’APPRÊTE À CONQUÉRIR LE MONDE SOUS LES COULEURS DU BARÇA, APRÈS AVOIR DOMPTÉ UNE TERRE DE FOOTBALL, LE BRÉSIL.


COUVERTURE NEYMAR

U

n peu plus d’un mois après son quatorzième anniversaire, un gamin frêle échange quelques passes sur l’un des terrains de Valdebebas (le centre d’entraînement du Real Madrid, ndlr) avec Ronaldo et Roberto Carlos, stars brésiliennes des Galactiques du Real Madrid. Fin mars 2006, alors que les prémices du printemps arrivent en Espagne, Neymar rend sa première visite à l’Europe au sein d’un club qui se dessine comme sa future maison. Encore hypnotisé par cette intime rencontre avec ses idoles de jeunesse, le gamin reçoit une belle accolade de la part de Fernando Martín, récemment nommé président du club. Un signe qui montrait que l’affaire était pliée. Neymar allait signer au Real !

mots : « J’ai écouté mon cœur. Et mon cœur appartient à Barcelone. » Malgré tous les efforts fournis afin qu’il signe au Real, Ribeiro savait que les yeux de son client brillaient pour le club catalan. « Au moment d’entrer au Camp Nou, cela a été une émotion inexplicable », déclare Neymar. « Être applaudi par tous les supporters… J’ai eu du mal à ne pas pleurer. Être à Barcelone, c’est la réalisation du rêve d’un gamin qui s’est toujours imaginé jouer là-bas. Je n’ai pas choisi ce club pour des motifs financiers car mon père m’a appris que le bonheur était au-dessus de tout. Pour que je sois heureux, Barcelone était ce qu’il manquait à ma carrière. » Les petits cadeaux du club madrilène offerts lors de la première visite de Neymar à Madrid n’ont donc pas suffi à faire chavirer son cœur. Ce printemps-là, en 2006, il a même eu le privilège d’assister à deux matches des Galactiques en tribune d’honneur du stade Santiago Bernabéu. Avec les joueurs brésiliens, la magie d’un stade est en théorie infaillible. À titre d’exemple, en 2002, avant de s’engager en faveur de l’AC Milan, Kaká avait posé le pied sur la pelouse madrilène à l’occasion d’un match commémorant le centenaire du club. Le milieu avait alors 20 ans, et Wagner Ribeiro était aussi son agent. Lors de cette rencontre, Kaká a marqué un but qu’il n’allait jamais oublier : le Real était en lui ! Jusqu’à ce qu’il porte le maillot blanc sept ans plus tard, suite à l’un des transferts les plus chers de l’histoire du club. Alors, pourquoi « l’effet Real Madrid » n’a pas fonctionné sur Neymar ? Sans doute à cause d’un

du jeune joueur, sachant que la FIFA n’autorise pas les transferts de mineurs de moins de 18 ans. Au-delà de cet âge, Pérez était prêt à payer près de 50 000 euros au père de Neymar et à son agent pour clore les négociations. Un montant presque mille fois inférieur aux 57 millions que le Barça a déboursés pour lui fin mai. Dans le même temps, le mandat de Pérez touchait à sa fin et il renonçait à la présidence du club, peu avant l’arrivée « actée » de Neymar. En dépit de l’intérêt de Fernando Martín, successeur de « Florentino », la nouvelle direction a préféré ne pas dépenser une telle somme pour un joueur aussi jeune. L’enchantement de Neymar s’est alors transformé en frustration. De retour au Brésil, il prolonge donc son contrat avec Santos, l’équipe pensionnaire du Vila Belmiro, le surnom du stade du club qui l’a vu évoluer depuis ses douze ans.

feuilleton politico-financier, en dépit des propos du joueur ! En 2006, Florentino Pérez, alors président du

ARGENT GLOIRE ET TROPHÉES Découvert par Santos, le club qui révéla Pelé et Robinho, dans une petite équipe de futsal du littoral de São Paulo, Neymar est devenu célèbre très jeune. Quand il revient de Madrid en 2006, le gamin de 14 ans signe son premier gros contrat et obtient directement deux millions de reais (presque 687 000 euros) de prime à la signature. Quand il jouait dans les catégories inférieures de Santos, il recevait déjà 25 000 reais (8 585 euros) par mois, salaire supérieur à plus de 90% des joueurs professionnels au Brésil. Jeune, il était déjà une star. À 17 ans en 2009, il fait son premier match avec l’équipe première du club. Malgré quelques prestations de très belle facture, ce n’est qu’en 2010 qu’a lieu « l’année Neymar ». Déjà titulaire indiscutable de l’équipe, il réalise son rêve de toujours : jouer avec son idole, Robinho, qui, prêté par Manchester City, réintégrait l’effectif de Santos. L’entente des deux hommes porte ses fruits. Cette annéelà, l’équipe gagne le championnat « paulista » et la Coupe du Brésil. Le pays entier, et principalement les supporters de Santos, sont bouche bée devant l’incroyable capacité du gamin à allier dribbles déconcertants et capacité de finition rare devant le but. Il existait une clameur

club (son premier mandat), invite Ribeiro et le père de Neymar (d’ailleurs un ancien pro qui se faisait également appeler Neymar) à découvrir les installations de Valdebebas. Le plan d’action était simple. Pérez allait offrir maison, voiture et de bons emplois aux parents

populaire pour que Neymar soit convoqué à la Coupe du monde 2010. Mais Dunga, alors sélectionneur du Brésil, n’y prête pas attention. Selon lui, le numéro 11 de Santos n’a pas encore l’expérience suffisante pour disputer un Mondial.

« J’AI ÉCOUTÉ MON CŒUR. ET MON CŒUR APPARTIENT À BARCELONE. ÊTRE ICI, C’EST LA RÉALISATION D’UN RÊVE DE GAMIN. »

UN JOUEUR NOMMÉ DÉSIR Pour ceux qui ont assisté à cette scène et savent à quel point l’équipe madrilène enchante les jeunes pépites brésiliennes, voir Neymar enfiler le maillot du FC Barcelone, sept ans plus tard, est aussi déroutant qu’un dribble du prodige et renforce l’éternelle rivalité qui existe entre les deux géants du football espagnol. Wagner Ribeiro, agent du joueur, était avec lui en 2006 à Madrid. Un an auparavant, il bouclait la venue de Robinho dans la capitale espagnole. Lorsqu’il prit connaissance que le Barça avait soufflé Neymar au nez et à la barbe du Real, il resta sans voix. Pendant sa présentation aux socios, dans l’enceinte du Camp Nou, Neymar, ému, justifiait son choix par ses


Le Brésil se fait éliminer en quarts de finale par les Pays-Bas. Dunga est démis de ses fonctions. Mano Menezes, son remplaçant, sélectionne Neymar pour la première fois. Et pour ses débuts sous le numéro 11 (qui était celui du légendaire « goleador » Romario), Neymar marque de la tête son premier but lors d’une victoire 2-0 des siens face aux Etats-Unis en amical. En quelques touches de balle, Neymar prouve qu’il est « différent », un terme communément utilisé par les commentateurs sportifs locaux pour définir un joueur au-dessus de la moyenne. Si l’uniforme auriverde lui va à ravir, il fait pourtant face à ses premières turbulences au sein de Santos. Après que le technicien – Dorival Júnior – l’empêche de tirer un penalty, l’attaquant perd ses nerfs, profère de nombreuses insultes à son encontre et se met même à se battre avec ses coéquipiers. L’entraîneur demande alors la mise à l’écart du joueur, mais la direction du club ferme les yeux. Dorival finira limogé de ses fonctions. Cet épisode a pourtant des conséquences pour le petit prodige : en guise de sanction, Mano Menezes ne le convoquera pas pour deux matches amicaux de la sélection. Sa conduite insolente fera même réagir le roi Pelé : « Il doit être plus mature. Il doit plus jouer pour les supporters que pour lui. » Ce dernier, tout comme la presse, n’a pas toujours été tendre avec lui, même encore de nos jours. Neymar lui, la joue zen : « Si je marque beaucoup de buts, les gens en réclament encore plus. Ils disent alors que je suis gourmand et individualiste. Si je participe au jeu et fait des passes, ils disent que je ne suis pas décisif. C’est difficile de plaire à tout le monde. Heureusement que Dieu m’a donné le don de jouer au foot, mais également beaucoup de patience. » La rédemption viendra avec l’arrivée de Muricy Ramalho à Santos. Le nouveau technicien parvient à s’entendre avec le joueur et celuici montre alors un bien meilleur comportement. Cela se ressent grandement sur le terrain. En 2011, il est sacré meilleur buteur de la Copa Libertadores (Ligue des champions d’Amérique du Sud). Il marque un des deux buts en finale face à Peñarol et aide l’équipe à s’adjuger la compétition pour la troisième fois. Un trophée que Santos ne gagnait plus depuis l’ère Pelé, en 1963. « La victoire en Copa Libertadores m’a marqué. Jamais je n’oublierai, mais ce n’est que le début. Parce que mon ambition est de jouer et de gagner les meilleurs championnats du monde », disait Neymar début 2013. Avant de signer un contrat de cinq ans avec le club catalan, l’ancien numéro 11 de Santos était aussi dans le collimateur de Chelsea en 2010, qui avait à l’époque

formulé une offre de 35 millions d’euros. Par la suite, il est devenu la cible affichée de Barcelone et du Real Madrid, deux clubs qui ont multiplié les négociations avec le père du joueur et Wagner Ribeiro pour l’attirer dans leurs filets. Mais deux freins existaient à sa venue en Europe : Santos ne voulait pas le vendre, et Neymar voulait rester au pays. Lors d’une mise en scène assez atypique pour le football brésilien, Luis Alvaro de Oliveira Ribeiro, le président de Santos, annonçait la prolongation du contrat de Neymar le 9 novembre 2011. Cette date marquait la fin des spéculations. Neymar allait jouer à Santos pour au moins une année de plus. Au-delà des buts et des titres, sa décision de rester est devenu un vrai symbole pour le foot brésilien. Le pays est depuis des décennies habitué à vendre ses meilleurs éléments, mais là, dans une conjoncture économique très favorable, le Brésil prouvait qu’il était capable de conserver ses jeunes pépites. Neymar a renversé la logique du marché et a même inspiré toute une nouvelle génération de joueurs brésiliens. « En parvenant

des défenseurs. Dès sa promotion en équipe première de Santos, Neymar prend douze kilos de masse musculaire, pour atteindre un poids de 65 kilos. L’objectif de Barcelone est de faire en sorte que Neymar soit plus puissant et atteigne la barre des 70 kilos, une philosophie à l’opposée de celle des préparateurs de Santos. « Le gain de masse musculaire a été totalement naturel, c’est uniquement dû à sa croissance », affirme le préparateur physique du club, Ricardo Rosa. « Ce qu’on a fait pour que Neymar grossisse ? Rien. On n’a jamais voulu changer le cours naturel de la croissance de son corps. » Une formule gagnante, donc, malgré le fait d’avoir été le joueur de Santos qui affichait le plus de kilomètres au compteur, trois années de suite, Neymar a toujours présenté une capacité incroyable de récupération. Il n’a jamais subi de blessure musculaire et n’a jamais été mis sur le banc afin d’être préservé. « Il a une génétique privilégiée. C’est un cas très rare ! », s’exclame Rosa. L’entraîneur Muricy Ramalho est d’ailleurs tout à fait d’accord avec cette analyse. Pour lui, le corps de Neymar ne nécessite pas de travail musculaire spécifique : « S’il gagne trop en muscles, il perdra en agilité. Il est très bien comme il est actuellement. » Doté d’un métabolisme hors normes, Neymar n’est pas pour autant infaillible. Au Brésil, comme à l’étranger, il s’est attiré les foudres d’une bonne partie des supporters adverses, mais aussi des arbitres. Son péché mignon ? Il se laisse facilement tomber ! Un joueur « cai-cai », disent les Brésiliens, soit un simulateur. Voici la réputation que l’attaquant traîne derrière lui au pays : certains de ses plongeons sont même très théâtraux. « Neymar a l’air d’une petite fille, il s’écroule beaucoup trop souvent. Il n’a pas besoin de ça pour se faire remarquer », déclarait à son sujet João Marcos, joueur du club de Ceará et protagoniste d’une dispute avec Neymar lors d’une rencontre où ils ont failli en venir aux mains. Entre janvier 2010 et décembre 2012, Neymar a été le joueur le plus averti de Santos : 55 cartons jaunes au total. Chiffre supérieur à celui des défenseurs de l’équipe, et très peu commun pour un attaquant. Vingt-huits de ces cartons ont été distribués pour simulation, ou réclamation d’une faute non-sifflée sur lui. Mathieu Valbuena n’a qu’à bien se tenir… Lors des Jeux de Londres, l’attaquant a vécu un véritable choc. Les Britanniques ne l’ont pas lâché d’une semelle. À chaque chute de Neymar, les spectateurs le huaient. En quarts de finale, contre le Honduras, Crisanto a été expulsé pour une faute sur le Brésilien lors de la première mi-temps. Conséquence ? Neymar a été

« NEYMAR A L’AIR D’UNE PETITE FILLE, IL S’ÉCROULE BEAUCOUP TROP SOUVENT. » JOÃO MARCOS, JOUEUR DE CEARÁ à le garder, on assurait la poursuite du “spectacle” », confirme le président de Santos, fier de son élève. « Neymar était l’artiste, la star qui a fait se lever les foules et nous a procuré beaucoup de gloires. Il a été un vrai symbole pour le football brésilien. » UN JOUEUR PAS SI EXEMPLAIRE Lors de la Coupe du monde U20 en janvier 2011, avant de gagner la « Libertadores », Neymar a officiellement été « présenté » à Barcelone. En fait, c’est à ce moment-là que le club blaugrana a commencé à étudier plus concrètement le parcours de l’attaquant, meilleur buteur du tournoi avec neuf buts. Le Brésil a été sacré champion, garantissant au passage sa participation aux Jeux olympiques de Londres. De leur côté, les Catalans étaient maintenant certains que le gamin n’était plus seulement une promesse, mais une véritable pépite en pleine progression. Le plus notable était la capacité physique du joueur, au faible gabarit, à détruire les défenses adverses avec sa vitesse, mais surtout sa propension à ne jamais se blesser malgré la hargne


conspué par une grande partie du public de St. James Park le reste du match. Mais c’est au Brésil que Neymar a expérimenté la plus improbable des déconvenues : être ridiculisé par ses propres supporters. Lors d’une opposition amicale face à l’Afrique du Sud, le 7 septembre dernier, il simule, presque inconsciemment, à deux reprises, après des tentatives de débordement. Il se fait copieusement siffler et se fait même surnommer « pipoqueiro », une appellation que les locaux décernent aux joueurs absents lors de matches importants. Neymar en est ressorti très marqué. Pour sa défense, il est aussi le

jouer sur le côté que dans l’axe, tant qu’il est près des buts adverses. Moi je suis totalement satisfait de son rendement. » Face à cette pression, le désormais ex-joueur de Santos se dit imperturbable : « La pression ne m’affecte pas. Depuis petit, je rêve de jouer en sélection et d’être l’idole des foules. Je me sens prêt pour n’importe quel défi. Je me suis toujours préparé en ce sens. Des équipes comme la France, l’Italie ou l’Allemagne sont très bonnes au marquage et ferment rapidement les espaces. Et cela rend plus difficile notre jeu, à base de une-deux à une touche

Alves). Des maillons essentiels du passé, comme Ronaldinho Gaúcho et Kaká, ont été zappés de la liste pour la Coupe des Confédérations, ce qui fait de Neymar l’un des joueurs les plus expérimentés de cette équipe à seulement 21 ans. « Il manque quelqu’un qui endosserait toutes les responsabilités avec Neymar. Ronaldinho serait idéal, mais « Felipão » ne lui fait pas confiance », juge l’ex-milieu de terrain Rivellino, champion du monde avec le Brésil en 1970, au Mexique. « Neymar est la star, on attend tous monts et merveilles de lui. Aujourd’hui, la sélection dépend

joueur qui a subi le plus de fautes lors des championnats brésiliens 2011 et 2012. « Je saute et plonge même parfois pour me défendre, afin que les défenseurs adverses ne me blessent pas », affirme-t-il, sans plus de détails. Du côté de Santos, le club attribue justement sa capacité à ne pas se blesser au fait qu’il tente d’éviter tout contact en plongeant.

de balle. Mais j’aime affronter ces grandes nations

beaucoup de lui.» Beaucoup trop ? BARCELONE, MON AMOUR À Barcelone, la tendance est qu’il évoluera aux côtés d’Iniesta, Xavi, Fàbregas et Messi. Ils partageront avec lui la tâche d’attaquer et de faire jouer l’équipe. L’attaquant ne pourra pas invoquer la période d’adaptation dans son nouveau club comme excuse : il va devoir concilier ce statut avec celui de joueur-clé de la sélection brésilienne. « Lucas a signé au Paris Saint-Germain et est immédiatement devenu titulaire. Je suis certain que ce sera pareil avec Neymar au Barça », s’exclame Wagner Ribeiro, qui est également l’agent du numéro 29 parisien. L’intéressé, lui, savoure son bonheur : « Le Brésil va me manquer, il n’y a aucun doute là-dessus. Ses supporters, ma famille et principalement mon enfant. Mais je sais que j’ai signé dans l’un des meilleurs clubs du monde. C’est ce qui me motive le plus. Je ne suis pas de ceux qui choisissent leur poste ou leur côté sur le terrain. Ce que je souhaite, c’est être simplement sur la pelouse. À Barcelone, je jouerai même en tant que gardien s’il le faut. » Muricy Ramalho, son ancien entraîneur, est l’un des convaincus du succès de Neymar en Europe. « Il dispose d’une caractéristique géniale bien à lui : avec le ballon, il est capable de changer de direction à tout moment et à très grande vitesse. Il est fantastique », s’enthousiasme le technicien. Pour ceux qui douteraient de la capacité de Neymar a déséquilibrer les défenses européennes, voici la réponse du joueur : « Je ne changerai pas de style de jeu. Je continuerai à jouer près de la surface et à marquer des buts. Ce qui change, c’est la langue. Le foot lui, ne change pas, il est le même à n’importe quel endroit du monde. » Prétentieux, Neymar ? Non ! Plutôt humble, mais néanmoins sûr de lui : « Je suis encore très loin d’être le meilleur joueur du monde. Beaucoup de grands joueurs sont devant moi : Messi, Cristiano

« JE NE CHANGERAI PAS DE STYLE DE JEU. CE QUI CHANGE, C’EST LA LANGUE. LE FOOT LUI, NE CHANGE PAS, IL EST LE MÊME À N’IMPORTE QUEL ENDROIT DU MONDE. »

OBJECTIF COUPE DU MONDE À 21 ans, le meilleur espoir du football brésilien doit se défaire de cette réputation de simulateur et prouver qu’il peut être décisif au sein de la Seleção. « Neymar est un prodige, mais uniquement au Brésil. Il n’a pas encore prouvé qu’il pouvait être aussi bon en sélection et il sait que les arbitres internationaux ne sifflent pas à tout va… Lors de duels à un contre un, il perd un peu en confiance », analyse Tim Vickery, journaliste anglais et correspondant de la BBC au Brésil. Lors du match amical de la France contre le Brésil, on a en effet pu constater que Mathieu Debuchy n’avait pas été surclassé par le phénomène brésilien. Cette année, Neymar a déjà été sifflé deux fois lors de matches amicaux de la sélection – non pas pour des simulations, mais plutôt pour le contenu de ses matches. Jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas toujours souvent été capable de reproduire en sélection ses performances magistrales avec Santos. Et les supporters brésiliens ne lui pardonnent pas. Cela peut-il préoccuper le sélectionneur, Luiz Felipe Scolari, « o Felipão » (Le Grand Felipe), l’homme qui a permis à la sélection brésilienne de décrocher son cinquième titre mondial ? « Non ! Neymar ne peut pas gagner un match seul », répond-il, comme pour mieux évacuer la pression qui pourrait peser sur le joueur à l’approche de la Coupe du monde. « Tout comme à Barcelone, Neymar n’est qu’un joueur de plus de la sélection. Un joueur fantastique, qui peut tout aussi bien

du football, ça me permet de me frotter à ce qu’il se fait de mieux. » Les sélections que cite Neymar seront probablement qualifiées pour la prochaine échéance mondiale. Elles constitueront un obstacle de taille et risquent de contrarier l’objectif principal du joueur : gagner la Coupe du monde chez lui, devant les supporters brésiliens. Comment y parvenir ? Le néo-Catalan, lui, approuve à 100% le discours de « Felipão ». Comme en 2002, Scolari joue la carte de l’union sacrée entre population et joueurs. « L’union entre l’équipe et les supporters est très importante, encore plus sachant que la compétition aura lieu au Brésil », affirme Neymar. La synergie n’a pourtant pas encore opéré. À seulement six mois de la Coupe des Confédérations, Scolari a remplacé au pied levé Mano Menezes, remercié par la fédération brésilienne. Cette valse des entraîneurs est très loin d’enthousiasmer les supporters. Pourtant, les résultats se sont vite faits ressentir avec un parcours brillant jusqu’à la finale, et une victoire 3-0 contre l’Espagne pour finir en apothéose. Autres signes : le match nul 2-2 face à l’Angleterre et la victoire 3-0 face à la France, début juin. Seuls trois joueurs du groupe de 2010 sont toujours présents (Júlio César, Thiago Silva et Daniel

CE QU’EN PENSENT SES COMPATRIOTES

NEY MAR

FOOTBALLEUR 2.0

NEYMAR

FACTS

Avec 138 buts, il est le meilleur buteur de l’histoire de Santos, après « l’ère Pelé ». « Le Roi » en a marqué 1 091. Neymar compte 28 buts avec le Brésil, 17 d’entre eux marqués en matches amicaux. La crête iroquoise de Neymar a déjà atteint 10 centimètres de hauteur. Cosme, son coiffeur officiel, fait payer 15 euros à tout ceux qui veulent copier la coupe du joueur.

CRIS (ancien joueur de l’OL, de 2004 à 2012) « Neymar est le meilleur joueur du pays pour beaucoup de Brésiliens. Il a tout pour devenir aussi légendaire que Pelé, Zico ou Ronaldo. Ça dépend évidemment de lui, mais aussi des partenaires qui l’entoureront. On sait qu’il est en train de devenir l’un des meilleurs et pour franchir une nouvelle étape, il fallait qu’il aille en Europe. Et c’est là qu’il devra prouver ses qualités au monde, comme l’ont fait ses prédécesseurs. Il va avoir sa chance, à lui de ne pas la gâcher. »

SELEÇAO « Le Brésil doit prouver qu’il ne joue pas uniquement avec son histoire de quintuple champion du monde (sic), mais que l’équipe actuelle est capable de pratiquer un football moderne, de gagnants. On doit renouer avec l’essence de notre football, à base de toucher de balle et d’audace dans le jeu. Voilà le Brésil que les supporters veulent voir à la Coupe du monde. »

DEMETRIUS FERREIRA (ancien joueur de l’OM, de 2004 à 2006) « Neymar est aujourd’hui la référence brésilienne, c’est le meilleur joueur en activité. Il fera partie des meilleurs du monde dans les prochaines années. Je ne sais pas s’il peut devenir aussi légendaire que Ronaldo ou Romario, mais il a les capacités pour le devenir. Déjà, à Barcelone, les supporters se souviendront de lui. »

SON ANNÉE PRÉ-COUPE DU MONDE CRIS (ancien joueur de l’OL, de 2004 à 2012) « Pour moi, il n’y a pas de doutes, c’était le bon choix de signer maintenant. Il va jouer dans une grande équipe. Cette année pré-Coupe du monde en Europe ne peut lui être que bénéfique, il va acquérir l’expérience qu’il lui faut avant d’affronter ce Mondial. Et je pense que dans un an, cela portera aussi ses fruits au niveau de la sélection. » ANDRÉ LUIZ (ancien joueur de Nancy, de 2005 à 2013) « Le championnat espagnol ressemble un peu au brésilien, ça joue plus “au ballon”, il y a plus d’espaces… Bien sûr, au début, il va avoir des difficultés parce qu’en Europe, les équipes jouent en avançant et réduisent les espaces, alors qu’au Brésil il y en a beaucoup plus. Mais lui, c’est un phénomène ! Il saura s’adapter. »

Neymar est un véritable phénomène sur les réseaux sociaux. Il ne se passe pas un jour où le joueur ne poste pas une photo ou un petit tweet. À l’heure où la communication des footballeurs est parfois ultra-contrôlée, lui s’exprime librement et entretient cette interaction continue avec ses fans. En chiffres, il compte environ 11,8 millions de « J’aime » sur Facebook et 7,2 millions de followers sur Twitter, soit le deuxième Brésilien le plus populaire, après Kaká, dans l’univers 2.0. À titre de comparaison, c’est beaucoup moins que le leader de la catégorie, Cristiano Ronaldo. Le Portugais en est lui à 58,5 millions de « J’aime » et 19,1 millions de followers. L’arrivée de Neymar en Europe devrait rapidement équilibrer la tendance.

NEYMAR...TISTE

Neymar n’est pas qu’un virtuose sur le terrain, il l’est aussi sur papier, ou pas. Voici pour preuve un croquis réalisé par le joueur pour son grand ami Lucas Moura du PSG, lors de la préparation du Mondial U20 en 2011 avec les Auriverdes. Crayon d’Or haut la main !


Ronaldo, Iniesta, Xavi ou Robinho, qui a également été formé à Santos. Mais jouer à Barcelone va me donner l’opportunité d’apprendre avec les meilleurs. » MINE D’ARGENT Retour sur l’hiver 2012. Nous sommes le 3 décembre. Dans un coin de la salle, Neymar est penaud. Il ne peut dissimuler sa tristesse lorsque son conseiller personnel lui annonce qu’il ne recevrait que le « Ballon d’Argent », titre attribué par le magazine Placar au Brésil (équivalent de France Football). C’était une réelle surprise. Quand il est appelé à rejoindre le podium, l’attaquant se retrouve devant Ronaldinho, élu « Ballon d’Or ». Un titre bien spécial lui est cependant également décerné, le « horsconcours ». Soit un trophée indiquant que Neymar faisait l’unanimité auprès de tous les journalistes du magazine. Depuis Pelé, jamais aucun joueur ne s’était vu attribuer une telle récompense. Son attitude presque ronchonne laisse alors place à un large sourire d’enfant. « Je n’arrive pas à y croire. Recevoir un tel prix, qui plus est d’une idole comme Ronaldinho, est quelque chose d’indescriptible », déclare le joueur ce jour-là, le trophée entre les mains. Neymar est ainsi. Timide, taciturne et boutonneux, il paraît plus jeune qu’il ne l’est réellement. Son statut de pop star au Brésil n’est pas du tout proportionnel à l’humilité du joueur. Peu après sa présentation en tant que nouveau joueur du Barça, en prétendant aider Lionel Messi à être encore meilleur et non pas le surpasser pour devenir le meilleur joueur du monde, Neymar faisait preuve de la même simplicité face à l’Argentin qu’en 2011, après la finale du Mondial des clubs entre Santos et Barcelone. Après la défaite de son équipe 4-0, Neymar fit l’éloge de Messi, auteur d’un doublé ce soir-là. C’est à ce moment-là que sont nés un respect et une admiration mutuels entre les deux joueurs, de quoi raviver encore plus la flamme barcelonaise dans le cœur du joueur. Le milieu de terrain Walter Montillo, lui, est un privilégié : il a eu la chance de côtoyer Neymar à Santos et Messi en sélection argentine. Pour lui, aucun doute possible, leur entente sera destructrice. « Neymar est incroyable, il peut gagner un match à lui tout seul grâce à son talent. Messi est lui très intelligent et objectif », décrit Montillo. « Pour moi, Neymar est le numéro 2 mondial vu que Messi est le numéro 1. Je remercie le football de m’avoir donné la chance de partager le vestiaire et de jouer avec ces deux-là. » Au-delà du fait qu’il soit un représentant légitime du beau jeu dans le monde, d’autres

attributs ont converti Neymar en objet de convoitise. Aujourd’hui, il est la plus importante figure marketing du Brésil. Le joueur a d’ailleurs été choisi pour être le portedrapeau de 9ine, une entreprise de marketing sportif lancée en 2011 par l’ex-attaquant Ronaldo. Ce dernier affirme que son client est son successeur : « la star mondiale du football brésilien. » En début de carrière, le jeune néoBarcelonais fait déjà de l’ombre aux meilleurs succès commerciaux du « Fenômeno », c’est dire. Neymar détient pas moins de onze sponsors qui ont fait exploser ses reve-

blème avec ça ! Avec le fait que je m’épile les jambes par exemple. Mais je ne me considère pas comme un métrosexuel. Ça, c’est plus pour Beckham, qui est quelqu’un d’élégant. »

nus l’année dernière. On parle de 14 millions d’euros de recettes. Un record par rapport aux standards du pays. C’est par le biais de contrats publicitaires, qui correspondaient à plus de 90 % des revenus du joueur, que Santos est d’ailleurs parvenu à conserver Neymar au pays. Selon une

glais et d’espagnol. Une semaine avant de débarquer au Camp Nou, il s’adonne même à des leçons intensives de catalan. Le fait d’avoir prononcé quelques mots dans la langue officielle de la communauté lui a d’ailleurs permis d’acquérir le respect immédiat des supporters du Barça. Plus de 56 000 personnes étaient présentes, un record pour la présentation d’un joueur au club. Plus que l’inconnue sur le fait que Neymar puisse étendre sa célébrité construite à Santos sur le sol européen, sur et en dehors du terrain, son succès à Barcelone peut être lié à la façon dont le club catalan reproduira un environnement similaire à celui qui était le sien au Brésil. Le prodige laisse derrière lui un tas d’amis, sa famille – dont un fils de deux ans, Davi Lucca, qui avait l’habitude de l’accompagner aux matches et aux entraînements de Santos. Et puis, il y a sa femme Bruna Marquezini, actrice de « novelas », feuilletons télés typiquement brésiliens, de la plus grande chaîne de télévision du pays. Tout cela sans compter les innombrables cadeaux du président « santista », qui n’a jamais lésiné sur les moyens pour satisfaire tous les petits caprices de « son artiste ». Entre autres, l’emmener piloter une Ferrari sur circuit, ou aller personnellement au McDo lui acheter un Big Mac – son repas préféré –. D’ailleurs, le président n’a jamais sanctionné sa mine d’or qui, à plusieurs reprises, s’est présentée en retard aux entraînements à cause de ses nombreux engagements commerciaux. Neymar, de son côté, préfère ne pas se projeter dans le futur. Il se limite à rappeler son humble enfance et montre toute la gratitude qu’il a envers l’avenir qu’il a choisi : le football. « Quand j’étais gamin, je ne pensais qu’à courir derrière un ballon et rien d’autre. Je n’avais absolument pas la notion de ce que le football pourrait m’apporter. » La destination qu’il a choisi pour continuer à faire la différence ne pouvait être plus appropriée. Si Barcelone est « més que un club », Neymar est certainement plus qu’un simple joueur.

A STAR IS BORN ? En 2011, Neymar a pris part à quelques séances de « media training » et d’orthophonie afin de mieux s’exprimer en public. Au même moment, afin de diffuser son image de la meilleure des façons possibles, il suitdes cours d’an-

NEYMAR DÉTIENT PAS MOINS DE ONZE SPONSORS QUI ONT FAIT EXPLOSER SES REVENUS L’ANNÉE DERNIÈRE. ON PARLE DE 14 MILLIONS D’EUROS DE RECETTES. étude de Esteve Calzada, consultant et ex-directeur marketing du FC Barcelone, Neymar dispose d’un meilleur potentiel publicitaire que Leo Messi, Cristiano Ronaldo et Wayne Rooney car « Neymar est pourvu d’un profil “rebelle”, il est plus complet que les autres. » Ses célébrations de buts tirées des chorégraphies de morceaux populaires au Brésil telles que Tche Tchererê Tche Tche ou Ai se eu te pego, ses coupes exotiques, allant de crêtes iroquoises au blond décoloré, ou encore ses vêtements et bijoux extravagants sont de véritables marques déposées par Neymar. Toutes proportions gardées, il est en quelque sorte le David Beckham brésilien. « Ce qui m’importe est de jouer au foot, marquer des buts et gagner des titres. Mon succès en dehors du terrain n’est que conséquence », affirme pourtant l’attaquant. « Ma seule ressemblance avec Beckham est peut-être ma coupe de cheveux, rien d’autre. Il n’y a pas lieu à d’autres comparaisons. » Et d’en rajouter une couche : « Oui, j’aime m’acheter des vêtements, de bons parfums, de bonnes crèmes pour mes cheveux. Oui, je suis prétentieux. Je n’ai aucun pro-


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