BIKINI AVRIL-MAI 2013

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AVRIL-MAI 2013 #11




ÉDITO

DROIT D’INVENTAIRE Ça y est : Bikini a deux ans. Onze numéros sont parus. Onze parutions dans lesquelles nous nous sommes efforcés de vous raconter ce qui valait le coup d’être raconté. Onze numéros dans lesquels nous avons essayé de vous présenter ce qui compte et ce qui comptera. Un anniversaire est toujours l’occasion d’un bilan, d’un inventaire. Puisque les chiffres ne mentent pas, on a épluché nos productions et tenu les comptes. Alors, deux années de Bikini, qu’est-ce que ça donne ? De quoi a-t-on le plus parlé ? De culture ! Sur les 250 papiers que nous avons écrits, 52 % concernent l’actualité artistique. « Pas assez », diront certains. « Ah ouais quand même », répondront d’autres. Car oui, parmi les avis et critiques que nous recevons, l’une d’elles revient régulièrement : « Ça parle quand même vachement de fête et de picole. » S’il est vrai que le thème reste un classique (coucou les étudiants), il ne représente pourtant “que” 12 % des articles, talonné de près par les sujets conso (9 %) et le sport (8 %). Un cocktail dont les proportions nous semblent bonnes, car en phase avec les attentes et les modes de vie de nos lecteurs. Le meilleur moyen, on l’espère, pour continuer à sortir un magazine qui vous ressemble, qui vous parle, qui vous plaît. La rédaction

SOMMAIRE 6 à 17 WTF : barbus, bière sans alcool, trolls de festivals, vinyles, dames pipi, zombies, sport et fait-divers, pages Spotted, web-tv, featuring, triche à la fac, électro débile, corbeille... 18 à 25 On a eu une stagiaire 26 à 29 Groupie, qui es-tu ? 30 & 31 L’important, c’est les quatre points 32 à 35 « Je pète un câble » 36 à 39 À l’article de la mort 40 à 47 RDV : Fauve, TotorRo, The Value of Art, Superpoze, The 1969 Club et Aline 48 Vide ton sac... Art Rock 50 BIKINI recommande 4

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Directeur de la publication : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Benoît Tréhorel, Brice Miclet / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Photographe : Justin Bihan / Consultant : Amar Nafa / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (Saint-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos lieux de diffusion, la CCI de Rennes, Michel Haloux, Étienne Cormier, Youna Thual, Émilie Le Gall. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - Espace Performance Bât C1-C2, 35769 Saint-Grégoire / Téléphone : 02 99 23 74 46 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2013.



WTF

QUEL BARBU ALLER VOIR ?

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TETRIS, T’ES CONTENT

D’INSPIRATION RELIGIEUSE, FÊTARDE OU CLOCHARDE, LA BARBE A TOUJOURS ÉTÉ UN COMPAGNON FIDÈLE DU MUSICIEN. TROIS BEAUX SPÉCIMENS SONT DE PASSAGE DANS LE COIN. RIEN DE RASOIR, PROMIS.

Mathieu Cesar

Du 26 au 28 avril à Rennes, se déroule la 9e édition du Stunfest, l’un des plus grands festivals de jeux vidéo en France. Au programme : concours internationaux de Street Fighter, concerts de chiptune et une flopée de conférences plutôt pas dégueus. Pour le geek qui sommeille en toi.

WOODKID

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SPRING BREAKERS

Quand l’équipe d’Astropolis retourne sur ses terres d’origine, cela donne Spring. Une soirée organisée dans un lieu assez ouf (le château de Kériolet, bâtisse à l’architecture néo-gothique) pour fêter l’arrivée des beaux jours. À Concarneau, le 8 mai.

« C’EST LA MER NOIRE »

afreeca

Le Sénégalais Nuru Kane vient de sortir Exile, un album sur la liberté, dans lequel on trouve le très bon morceau de blues rock Niang Balo. Un disque qu’il viendra présenter lors de la 16e édition du festival de musiques africaines Complet’ Mandingue à Saint-Brieuc, du 26 avril au 4 mai. 6

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Actuellement, Yoann Lemoine, aka Woodkid (photo), se trimballe avec un chapeau et une barbe de mormon. Une dégaine de merde qui n’entache en rien sa musique. Sorti il y a quelques jours, The Golden Age, son premier album, vient consacrer celui qui depuis 2011 a lâché quelques bombes : Iron, Run Boy Run, son live au Grand Rex (checkez ça sur YouTube). Un son grandiloquent mais grand qui donne envie d’aller faire un tour au Moyen Âge. Idéal si vous aimez ? Les bières d’abbaye Quand et où ? Le 17 mai à Art Rock, le 24 mai aux 3 Éléphants

BREAKBOT

PIERRE HENRY

Vous vous souvenez Les Tontons Flingueurs ? Et la scène à la fin quand Claude Rich présente son fatras musical à Lino Ventura, vous l’avez ? Bon bah Pierre Henry, c’est ça : un maelstrom sonore – cling ! clang ! fuuu ! – rendu célèbre par sa collaboration avec Béjart et surtout par le morceau Psyché Rock, musique de générique du dessin animé Futurama. Bref, un compositeur mythique, considéré comme le papy de la scène électro, avec sa tête mi-Père Noël mi-Werther’s Original. Idéal si vous aimez ? Le Dubonnet Quand et où ? Le 24 mai au festival Sonik à Quimper

Comme Xavier de Rosnay et Gaspard Augé, Thibaut Berland a commencé par toucher sa bille en graphisme. Avant de se lancer dans la musique sous le nom de Breakbot et de marquer l’été 2010 avec Baby I’m Yours. Apôtre depuis 2009 de la secte Ed Banger, celui qui soigne sa pilosité christique a réussi à créer sa propre église au sein de cette communauté de la basse saturée : moins électro, plus pop, plus disco. Idéal si vous aimez ? Le champagne rosé Quand et où ? Le 26 avril au Festival Insolent, le 18 mai à Art Rock, le 19 mai aux Papillons de Nuit


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LE RETOUR DE LA BIÈRE SANS ALCOOL ?

MALGRÉ UN MARCHÉ QUI SE CASSE LA GUEULE, DE NOUVELLES BOISSONS ONT FAIT LEUR APPARITION. BIDE ? « Notre torture, c’est la Tourtel », chantaient les Svinkels. Si les représentants du rap alcoolo-rigolo ont disparu, qu’en est-il de la bière sans alcool ? Celle-ci résiste, tant bien que mal. Dans un contexte où la consommation de bière baisse chaque année, cette chute touche aussi les binouzes qui affichent moins de 1,2° (le seuil pour l’appellation “sans alcool”). Aujourd’hui, la Buckler et consorts ne représentent plus que 2 % du marché global de la mousse. « Ce secteur n’a pas connu d’innovations depuis dix ans », juge Nargis Biki, chef de produit chez Bavaria qui vient d’étendre à l’échelle nationale le lancement de la Wit 0,0°, sa bière blanche sans alcool (sans le moindre degré pour le coup). Objectif : « rajeunir l’image du sans alcool », « toucher les femmes », et tenter de rattraper les Allemands et Espagnols, gros consommateurs de la bière qui rend sobre. Un but que semble avoir abandonné Hoegaarden qui a décidé de ne pas développer en supermarchés le sans alcool. « La France n’est pas le bon pays pour ça. Nous préférons développer nos bières de spécialité, un secteur qui lui est en hausse. » 7


WTF

« NAN MAIS C’EST KOI CETTE PROG DE MERDE » SUR LES PAGES FACEBOOK DES FESTIVALS, DE PLUS EN PLUS D’UTILISATEURS NE SE PRIVENT PAS POUR CRITIQUER SANS MÉNAGEMENT LES PROGRAMMATIONS. DUR DE SE FAIRE JUGER PAR DES TROLLS ? du site FM-R, qui avaient jugé la prog’ 2013 d’un « au-secours ». « C’est notre rôle aussi de contrecarrer certains médias qui, dans l’extrême inverse, sont souvent bien trop indulgents », justifie Baptiste, le responsable du webzine. Du côté d’Art Rock, qui a aussi bien mots blessants, c’est injuste. Mais pris dans la gueule à l’annonce des on va continuer à jouer la carte de premiers noms, on préfère jouer la l’interactivité avec les festivaliers. carte de la sobriété, quitte à garder Ça permet de créer un rapport de de la distance avec les festivaliers proximité. » sur la toile : « Certaines exigences Quitte à se chauffer un peu par concernant la prog’ sont tellement commentaires interposés avec des irréalistes que la peur de décevoir trolls et même avec les rédacteurs est trop grande. » R.D Bikini

Cet article est parti d’un constat : sur les réseaux sociaux, les programmations de festivals font de plus en plus l’objet de commentaires lapidaires. Les « top », « génial », « merci » partagent désormais l’affiche avec les « décevant » et autres « nul ». Ça doit quand même être vexant, non ? « Oui », reconnaît Joran Le Corre de Panoramas, un festoche qui a mangé quelques posts acerbes cette année sur Facebook. « Une première ! Même si la grande majorité des réactions restent positives, c’est vrai que se faire résumer un travail de plusieurs mois par deux ou trois

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ART RAP

À chaque édition, le festival Art Rock aime mettre à l’honneur des aspirants artistes du coin. La 30e édition n’échappe pas à la règle, avec la présence le 18 mai au Forum du rappeur briochin Lenny. Un gars de 23 ans qui monte, lauréat du tremplin “Partis pour un Tour” et qui vient de sortir un premier album, Né pour mourir. YOLO !

CANDIDE, KEL BOLOSS VAZI Mieux que les Profils et les fiches de lecture trouvées sur le Net, le Tumblr “Boloss des Belles Lettres” résume façon caillera les grandes œuvres de la littérature. Dans le même esprit que “la revue littéraire de Kamel Toe”, vidéos qui envoyaient bien du fat. 8

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TOUT EST BON DANS LE MICROSILLON ?

LE VINYLE AMASSE DE PLUS EN PLUS DE FANS, MÊME AUPRÈS DES MP3-ADDICTS. EXPLICATIONS. DU KIF « Le plaisir de fouiller dans les bacs est inimitable », affirme Fred, de Blind Spot à Rennes. Même topo pour Alban, au Dandy Shop à SaintBrieuc, pour qui les « pochettes stylées » sont un atout à l’heure de la dématérialisation de la musique.

UN SON INIMITABLE « Le CD c’est quoi ? Des 0 et des 1. Il manque la texture du son. C’est comme faire des crêpes avec du lait en poudre », estime Steven, de Vinyl Shop à Brest. À Saint-Brieuc, Alban voit débarquer « des gamins qui viennent se constituer une petite collection de vinyles, autant pour avoir l’objet entre les mains que pour ce son chaleureux si particulier ».

MAIS ÇA RESTE REUCH Les maisons de disques ont saisi cet engouement. Résultat : le dernier Foals par exemple se vend 20 €. « Il y a 7 ou 8 ans, il aurait été à 13 €. » Du coup, même si les ventes de vinyles sont en hausse de 40 % depuis deux ans, elles ne représentent encore que 2 % du marché actuel de la musique. Disquaire Day, le 20 avril 9


WTF

LES DAMES PIPI, ÇA EXISTE TOUJOURS ?

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QUALITY STREET

À L’HEURE OÙ L’AUTOMATISATION DES TOILETTES PUBLIQUES DEVIENT LA RÈGLE, QUELQUES LIEUX D’AISANCE GARDENT UNE ÂME HUMAINE. ON FAIT LE POINT DANS LES CHIOTTES DE BRETAGNE.

Festival de danse, Agitato revient cette année à Rennes, après une année de pause. Sur les 34 représentations programmées, 18 se tiendront directement dans la rue. Parmi les artistes invités : Junior Bosila, Alain Michard Mustafa Kaplan et Julien Jeanne. Du 21 au 25 mai à Rennes.

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REVOIR SON EX

Attention, groupe culte. 34 ans de carrière, une vingtaine d’albums, plus de 1 000 concerts… Les punks expérimentaux de The Ex (photo) sont de passage au Run ar Puñs à Châteaulin pour la 5e édition du festival Sonore. Au rayon culte toujours, la venue de l’ex-Noir Désir, Serge Teyssot-Gay. Les 17 et 18 mai.

SALUT LES PINKS

oi oi oi ! Nouvelle édition du festival Breizh Disorder. Une première teuf est prévue le 20 avril à L’Antipode à Rennes, avec dix groupes dont les délicieux Sarkofiottes et les si bien nommés Gang Bang Therapy. Deuxième soirée le 1er juin à La Carène à Brest. 10

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Comme dans Terminator, les chiottes publics se livrent une guerre : celle des Hommes contre les machines. Toilettes gardiennées contre toilettes automatisées. Et dans cet affrontement, chaque ville a sa stratégie. Du côté de ceux qui ont choisi les sanisettes en accès libre : Brest. Sur la quarantaine de WC que compte la ville, zéro dame pipi. « De mémoire, nous n’en avons jamais eu », ajoute le service propreté de la Ville. Si comme Brest, Rennes suit la tendance de l’automatisation, la capitale bretonne garde quelques lieux où l’on trouve du personnel. « Sur les 70 sanitaires gérés par la Ville, seules les toilettes de la place de la mairie sont gardiennées. Quatre personnes s’y relaient. Ce sont des toilettes ouvertes de 8h à 19h30, l’accès coûte 40 centimes », explique Laurent Jarry, du service propreté. Et pourquoi cette présence ?« Par

rapport au prestige du lieu (entre l’hôtel de Ville et l’Opéra, ndlr), nous voulions continuer à proposer une prestation d’accueil et d’entretien. » C’est aussi par souci d’hygiène que Citedia, qui s’occupe des toilettes de la gare de Rennes, a choisi d’employer une dame pipi : « Il y a 200 000 entrées par an, ce qui fait environ 550 par jour. » Pour faire face à l’afflux majeur de touristes, Saint-Malo dispose de son côté d’une véritable armée de dames pipi : douze agents vacataires. Ils sont répartis dans sept sanitaires dont l’accès est gratuit. « Le pourboire est autorisé mais il n’y a pas d’incitation. C’est au bon vouloir du client », informe Patrick Thomas, responsable propreté de la cité malouine. Un nouveau point de différence avec les chiottes publics rennais où “la coupelle” est strictement interdite. J.M


2013 : L’ANNÉE DES ZOMBIES

LA GUEULE DÉFORMÉE, LES TRIPES À L’AIR ET LES BRAS EN AVANT : VOICI LA MODE PRINTEMPS-ÉTÉ. Dans sa carrière, Brad Pitt a buté du Nazi, du hors-la-loi et du Spartiate. Dans World War Z, c’est une armée d’affreux zombies qu’il va devoir se cogner. Ce blockbuster est annoncé comme l’événement ciné de l’été et vient confirmer une tendance : le mort-vivant est à la mode. Ce qui réjouit la bande du FIST, l’asso rennaise de promotion des Films Insolites et Séances Trash. « Depuis le premier White Zombie, sorti en 1932, c’est un genre qui revient régulièrement à l’affiche, avec des références comme Zombie de Romero ou le pastiche très réussi Shaun of the Dead. » Et le Brad Pitt, il promet ? « On peut craindre le pire car Hollywood a tendance à aseptiser. Regarde ce que sont devenus les Vampires avec Twilight… » Mieux vaut donc se tourner vers les jeux vidéo « où le genre zombie reste très efficace pour se foutre les boules ». Avec succès, là encore : Resident Evil 6 s’est classé à l’automne dans le top des ventes en France, juste derrière l’indétrônable Fifa. Un phénomène qui fera même l’objet d’une conférence lors du Stunfest en avril à Rennes : “Les différentes figures du zombie et leurs utilisations/réappropriations par le jeu vidéo.” Vous avez deux heures. 11


WTF

FAITES ENTRER LES SPORTIFS L’AFFAIRE PISTORIUS, BUTANT SA FEMME UN SOIR DE SAINT-VALENTIN, EST VENUE LE RAPPELER : LES SPORTIFS SONT DES HOMMES COMME LES AUTRES, CAPABLES DE PARTIR EN QUENOUILLE DU JOUR AU LENDEMAIN. INVENTAIRE.

Ex-espoir du Stade Rennais, Cyril Yapi (photo) a longtemps tapé dans un ballon. Avant de s’en prendre à la tête de sa femme. Verdict : fracture du crâne pour madame, 15 ans de cabane pour monsieur, reconnu coupable de tentative d’assassinat. Deux autres anciens Rennais ont aussi eu maille à partir avec la justice : Michel Cougé, passé au club dans les années 70, actuellement en taule à Dakar pour viol ; et l’ineffable Tony Vairelles, mis en examen pour une fusillade sur un parking de boîte de nuit en 2011.

Le pot belge, vous connaissez ? Parce que Patrick Béon (photo), oui. Après sa carrière de cycliste, l’ancien lieutenant de Bernard Thévenet sur les routes du Tour devient commercial et carbure à ce mélange d’amphétamines et de caféine pour tenir le rythme. Puis il se met à revendre la came, se fait gauler par la patrouille et prend six mois ferme en 2002. Pour l’ancien champion du monde de boxe briochin Anaclet Wamba, c’est la picole qui l’a trahi : quatre mois de zonzon en 2004 pour ivresse au volant en état de récidive.

CORBEILLE Superbus Depuis son premier tube Tchi-Cum-Bah, Superbus ne s’est pas renouvelé. Mais alors pas du tout. Or, quand Tchi-Cum-Bah est sorti en single dans les bacs – oui, rien que cette expression est old – ce sont Las Ketchup, les Whatfor et la Star Ac 2 qui trônaient en tête des ventes. Je vous laisse réfléchir. À Brest 12

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Lou Doillon À petites doses, son pastiche de Cat Power peut s’écouter. Problème : la Birkin 2.0 est à la prog’ de quasi tous les festivals 2013. Jusqu’à l’overdose (coucou les C2C ! La bise à Zebda et Dionysos au passage). Merde quoi, ça va déjà bien de se la fader au ciné et sur les plateaux télé… À Rennes et Saint-Brieuc

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DU BIFF’

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ALCOOL ET STUP’

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AVEC ARME, HAINE ET VIOLENCE

Passé par l’EAG en 2006, le Belge Roberto Bisconti a été condamné à 18 mois de prison ferme pour organisation d’insolvabilité. Concrètement, son ex-femme lui reproche d’avoir illégalement vidé les comptes communs. Le néo-retraité a fait appel. Dans un style un peu différent mais pas moins con, l’ancien Rennais Fabrice Fernandes (photo) a été mis en détention en 2011. Un litige de 200 000 euros l’oppose à son ancien agent, qui l’accuse d’avoir engagé des malabars pour tenter de l’enlever. Un scénario de mauvais téléfilm. R.D

NOTRE ANTI-SÉLECTION DES SPECTACLES QUAND FRANCHISE ET MAUVAISE FOI NE FONT QU’UN AqME Alléluia. Le 25 janvier est un grand jour pour l’économie de notre pays. Nous avons réussi à vendre aux Allemands – en 2013 ! – un concert d’AqME. C’était le 25 janvier à Bielefeld, pas très loin de Dortmund. Pour une fois que le low cost français s’exporte, c’est bien. À Saint-Malo

Gerra-Bigard Saluons le joli combo du Liberté qui a réussi a caler, à deux jours d’intervalle, Laurent Gerra – Un spectacle normal : le titre déjà... – et Jean-Marie Bigard. Pour les fans, on conseille quand même de manger léger le jour entre les deux. À Rennes La rédaction


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PAGES SPOTTED : MAIS POURQUOI ?

SUR FACEBOOK ELLES SONT APPARUES PLUS VITE QU’UNE POUSSÉE D’ACNÉ. QUEL INTÉRÊT ? POUR ÉVITER LA VESTE Janvier 2013, en l’espace de quelques jours, chaque université disposait de sa page Spotted sur Facebook. Un lieu où chacun peut anonymement, et le plus souvent avec humour, déclarer sa flamme à la belle inconnue croisée à la B.U ou dans l’amphi. « C’est pour les timides », argumente le créateur de la Spotted de l’UBO à Brest. Plus pratique anéfé pour ne pas se manger un vent devant toute la cafet’.

POUR LES POTINS Ces pages ont fait causer. Dans les médias (un paquet de sujets dans la presse) et, surtout, dans les facs. « Ici, tout le monde se connait ou presque, du coup, ça met de la vie sur le campus », raconte le créateur de la page de l’UBS à Vannes.

POUR CHOPER Si les messages laissés sont – il faut l’avouer – souvent nazes, certains ont malgré tout visé juste. « Quelques personnes se sont reconnues, affirme le créateur de la page brestoise. Dans ce cas, l’échange de mail ou de téléphone se fait. » De quoi faire durer les Spotted ? Trois mois après leur lancement, la majorité des pages tournent toujours. I.J 13


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SOURDOREILLE / LES IMPOSTEURS : LE MATCH DES WEB-TV

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BIENVENUE PRINTEMPS

AVEC LA SAISON DES FESTOCHES QUI REPREND, LES DEUX PRINCIPAUX PURE PLAYERS QUI COUVRENT LES RENDEZ-VOUS DE LA RÉGION S’APPRÊTENT À FAIRE LEUR GRAND RETOUR. PETIT TOUR DES PROPRIÉTAIRES.

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Pour la troisième édition de sa soirée Bienvenue Printemps, le Théâtre de Poche, à Hédé au nord de Rennes, laisse carte blanche à l’équipe d’Electroni[k]. L’Allemand Christian Löffler sera de la partie, ainsi que Kiwisubzorus et Mioshe qui présentent Ufodyssea, leur première collaboration. Le 13 avril.

EYJAFJALLAJÖKULL

Lise Gaudaire

LE CHOIX DES FESTIVALS

Après un premier EP sorti en 2011, la troupe costarmorico-rennaise de Bumpkin Island dévoile son premier album, Ten Thousand Nights. Un disque mixé par Birgir Jón Birgisson, l’ingénieur du son de Sigur Rós, en Islande. La Mecque pour tout groupe de pop aérienne.

OH MERCI

intouchable Le festival de cirque contemporain Gare au Gorille fait une pause cette année. Mais le Carré Magique ne déserte tout de même pas les lieux puisqu’un chapiteau sera monté à Pleumeur-Bodou ce printemps. La compagnie Les Colporteurs viendra présenter sa nouvelle création, Le Bal des intouchables. Du 8 au 11 mai. 14

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Sourdoreille, qui va fêter son septième anniversaire, a déjà couvert une trentaine de festivals aussi bien en France qu’à l’étranger (Sziget, Paléo, FME…) et peut se targuer d’être l’un des pure players musicaux les plus connus. Conséquence ou pas, c’est principalement sur les “gros” festivals français qu’on le retrouve. Idem en Bretagne où il a ses habitudes à Panoramas, Art Rock, Astro, Trans… S’il est également présent sur les incontournables de la région (Charrues...), le site Les Imposteurs, lancé en 2011 par des jeunes fougueux du 22, joue de son côté la carte du local en s’invitant dans des festivals à la notoriété départementale ou régionale. « Pour Java dans les Bois ou Andel’ir, nous sommes le seul média vidéo présent. C’est un de nos atouts », estime son boss Simon Guyomard.

festival, nous réalisons trois vidéos par jour. Cela peut être des captations de concerts, des sessions acoustiques ou des interviews », détaille Mario Raulin, le fondateur de Sourdoreille. Du côté des Imposteurs, la réalisation d’un zapping quotidien a été privilégiée. « On aime résumer une soirée en quelques minutes. On y montre les concerts, mais aussi les coulisses, des interviews, des trucs débiles », précise Simon. Un format qui séduit les festivals, puisqu’Art Rock et les Charrues diffusent désormais sur leurs écrans géants les images des Imposteurs.

LE LIVE

Depuis une année, Sourdoreille s’est lancé dans la retransmission de concerts en direct, soignant ainsi sa plus-value. « Les artistes et les labels nous sollicitent à ce sujet, mais la mise en place est financièrement gourmande, tous les projets ne LES VIDÉOS voient donc pas le jour », explique C’est sur ce point que les deux pure Mario. Parmi ceux ayant abouti : players se différencient. « Sur chaque Cypress Hill, The Hives et Alt-J.


TOP 3 DES COLLABORATIONS LES PLUS NAZES ILS SONT ARTISTIQUEMENT RECONNUS ET, POURTANT, CERTAINS ARTISTES SE METTENT À TAFFER AVEC DES CHANTEURS UN PEU CHEAPOS. PAS TOUJOURS FACILE DE CHOISIR LE BON FEATURING OU LA BONNE COLLAB’. LA PREUVE PAS TROIS.

Le mois dernier, le Rennais est apparu dans le clip de Jenifer, Les Jours électriques, titre dont il est l’auteur et le compositeur (clap clap clap). Si elle avait fait appel au duo Jamaïca pour son précédent album (qui a fait un four), la gagnante de la Star Ac a sollicité pour L’Amour et moi le groupe Mutine, Yohann Malory et, donc, Emmanuel Da Silva. Un Da Silva qu’on n’a officiellement pas vu sourire depuis 2004. Dans le même genre ? Benjamin Biolay avec Élodie Frégé.

Reprise de Brest, écriture de Je ne serai jamais ta Parisienne, duo sur scène… Quand Christophe Miossec prendra sa retraite, on reste persuadé que le seul point noir sur sa page Wikipédia restera sa collaboration avec Nolwenn Leroy pour Bretonne. Parmi la troupe des monstres sacrés breizhoux, mention à Gilles Servat qui a l’air de s’en carrer royal de Nolwenn, évoquant même un « battage » médiatique. Big up gros. Dans le même genre ? Dan Ar Braz avec Jean-Jacques Goldman.

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YELLE AVEC FATAL BAZOOKA

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MIOSSEC AVEC NOLWENN LEROY

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DA SILVA AVEC JENIFER

Au jeu du name dropping, la Briochine nous donne l’occasion de pratiquer l’un des plus beaux écarts que nous permet la scène française : Kitsuné-Michaël Youn. Car oui, avant la sortie en 2011 du bon Safari Disco Club, Yelle (qui sort cette année un nouvel album) avait fait un featuring avec Fatal Bazooka sur Parle à ma Main. « Si t’as pas compris, ça veut dire oublie-moi, hein hein. » Dac, on oublie. Dans le même genre ? Teki Latex avec Leslie.

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PEUT-ON TRICHER À LA FAC ?

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BOUSEUX

QUI N’A JAMAIS, UN JOUR, COLLÉ UNE ANTISÈCHE DANS SA TROUSSE ? RÉPRÉHENSIBLE AU LYCÉE, LA TRICHE À L’UNIVERSITÉ DEVIENT UNE AFFAIRE QUI DÉPASSE LE SIMPLE ZÉRO SUR LE BULLETIN.

Marre du clash Booba/La Fouine ? Lâchez la Floride pour la Vendée. MC Circulaire est le 6 avril à l’affiche du festival Poly’Sons à Saint-Thuriau, près de Pontivy. Avant un premier album, qui devrait enfin sortir cette année. Ouais ouais mon p’tit bigouden, lève tes mains, bien en l’air, pour la patrie d’la pomme de terre.

Alain Cazenave

CONGO BONGO

Ancien président du fan club des Ramones, Kid Congo Powers a été, avec son groupe The Gun Club, l’un des résistants du rock ’n’ roll ricain dans les 80’s. Aujourd’hui, accompagné des Pink Monkey Birds, le gazier défend toujours son bout de gras. Keep rockin’ ! Le 10 avril à La Carène à Brest.

« C’EST GÔÔÔGNÉÉÉ »

festoches Art Rock, Rock’n Solex, Andel’ir, Papillons de Nuit, Les 3 Éléphants : Bikini vous envoie en festival. Pour gagner des places, rendez-vous sur notre Facebook. Bonne chance ! 16

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« Le texte de référence est le même pour toutes les universités de France : le décret du 13 juillet 1992 », explique Nathalie Lescoat du service des affaires statutaires et juridiques de l’UBS à Vannes. C’est cet article qui fixe les règles des sections disciplinaires des conseils d’administration des facs. Celles devant lesquelles les tricheurs pris la main dans le sac doivent s’expliquer. Mais les emmerdes débutent dès la salle d’exam. Si vous vous faîtes gauler, le surveillant a l’obligation de confisquer les preuves matérielles. Puis, « il dresse un procès-verbal contresigné par les autres surveillants et par l’auteur de la fraude ou de la tentative de fraude ». Si vous en êtes à ce stade, c’est que ça sent vraiment pas bon.

LOGICIEL DE DÉTECTION Une fois convoqué devant la section disciplinaire, bonne nouvelle – la seule ou presque – vous avez le droit à un défenseur. Selon la gravité des faits, vous pouvez écoper d’un avertissement, d’un blâme, d’une exclusion de votre université pour une durée maximum de cinq ans (avec sursis ou non) ou définitivement. La pire sanction ? Une exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour cinq ans… ou pour la vie. Oui, à vie. À l’UBS, le nombre d’affaires devant la section disciplinaire varie selon les années mais reste assez faible, entre 5 et 15 cas pour 8 500 étudiants. À Rennes 1, le nombre atteint « entre

40 et 50 cas par an pour 25 000 étudiants », indique Dominique Lorcy, présidente de la commission disciplinaire de l’université. En 2009, une étude révélait que seulement 11 % des jeunes avouaient avoir triché à la fac. Alors peu d’étudiants tricheurs ou simplement assez malins pour ne pas se faire prendre ? Mystère. « On trouve surtout des antisèches, des brouillons préparés à l’avance, voire de la triche avec les smartphones, continue Nathalie Lescoat. Au niveau des mémoires, on voit le plagiat se développer avec l’essor des mémoires en ligne. » Pour contrer le copier-coller, les facs s’équipent, à l’image de l’IUT de Lorient qui possède un logiciel de détection de plagiat. « Mais rien qu’avec les différences de styles dans un mémoire, cela se voit tout de suite. » Isabelle Jaffré


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QUEL GROUPE D’ÉLECTRO DÉBILE VOIR ?

TROIS FORMATIONS MÉLANGEANT BEATS ET LOL ONT DE L’ACTU EN 2013. BALAI DANS LE CUL S’ABSTENIR. SEXY SUSHI Julia Lanoë laisse sa casquette classieuse de Mansfield.TYA pour reprendre son personnage bordélique de Rebeka Warrior (photo). Nouvel album en avril, Vous n’allez pas repartir les mains vides, nouvelle tournée, mais mêmes délires anar-lol. Où ? Panoramas le 29 mars, Les 3 Éléphants le 25 mai

NAÏVE NEW BEATERS Si l’électro-pop était une famille, les gars de Naïve New Beaters seraient les tontons toujours prêts à faire les cons. Des pseudos (Martin Luther B.B. King, Eurobelix, David Boring) aux clips (enfin, sketchs), en passant par le look 90’s : une ambiance kermesse efficace dans son genre. Où ? Panoramas le 29 mars, L’Ubu le 16 avril, Rock’n Solex le 10 mai

SALUT C’EST COOL Ce groupe de « kiffeurs » fait de « l’électro-variété », a comme chanteur le sublime James Darle (ce mulet !), fait des chansons sur la purée, poste des vidéos WTF (« Allez viens ! ») et réhabilite le jogging à pression. Bon CV. On embauche. Où ? Panoramas le 29 mars 17


DOSSIER

ON A EU UNE STAGIAIRE

HIER DÉCONSIDÉRÉ, AUJOURD’HUI DEMANDÉ, LE STAGIAIRE EST DEVENU UNE FIGURE INCONTOURNABLE DE L’ENTREPRISE. ON N’Y A PAS ÉCHAPPÉ : BIENVENUE À BIKINI, YOUNA ! 18

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DOSSIER

otre nouvelle collaboratrice a 14 ans, est fan de Nicki Minaj, avoue être nulle en orthographe et, pourtant, son arrivée est en train de marquer l’histoire du magazine. Ce matin, Youna, élève dans un collège de Dol-de-Bretagne, devient officiellement notre première stagiaire 3e. De son côté, quatre jours d’observation pour découvrir le monde du travail et le fonctionnement d’une entreprise. De notre côté, quatre jours d’interrogation : Que va-t-elle faire ? Quoi lui montrer ? Va-t-elle se faire chier ? « Nan nan, ça va », nous répondra-t-elle à chaque fois. Car il est vrai que le stagiaire 3e a la malchance d’être souvent là pour ne rien faire. Ou, au mieux, pour se

taper les tâches un peu merdiques. Si nous avons eu l’élégance de ne jamais demander à Youna de nous apporter des cafés ou de descendre les poubelles, nous avons cependant respecté cette tradition des missions un peu connes.

Cool, et aujourd’hui incontournable. Qu’il soit en 3e, au lycée, en fac ou jeune diplômé, le stagiaire est en effet devenu une figure du monde de l’entreprise. Selon le Conseil économique et social, son nombre n’a cessé d’augmenter en France. De 800 000 en 2005, il Le plus cool est passé à 1,5 millions en 2010. Et à ce petit jeu, nul doute qu’elle se Une tendance que l’on retrouve souviendra de cette matinée où elle – logiquement – dans les facs brea dû ranger près de 3 000 magazines tonnes. Les universités de Bretagne et 1 000 autocollants dans le bon Occidentale, de Bretagne Sud, de sens. Officiellement pour lui montrer Rennes 1 et de Rennes 2 ont enrece qu’on est amené à faire quand on gistré 18 500 stages conventionnés travaille dans une rédaction, officieu- pour leurs étudiants sur l’année sement pour lui refiler le taf qu’on 2011/2012. C’est 40 % de plus est toujours content d’éviter. Faisant qu’il y a dix ans. ainsi du stagiaire le collègue le plus Cette présence massive dans l’entreserviable et le plus cool qu’on ait prise a fini par sortir le stagiaire finalement jamais connu. de son cadre d’origine. Que ce soit à la télé (le running gag du Petit Journal : « Il est là, ne dit rien, ne fait rien... c’est le stagiaire 3e »), dans les séries (l’héroine de Girls), au ciné (sortie en juin prochain du

« Le stagiaire cantonné à la photocopieuse, c’est révolu » 20

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film Les Stagiaires avec Will Ferrell) ou sur le Net (la multiplication des Tumblr : L’enfer du stagiaire, Je suis stagiaire aux Trans...), il s’est fait une place dans la pop culture. Mais comment cet esclave moderne qui tuerait sa mère pour un ticket resto a-t-il fait pour envahir nos écrans ? Pour Muriel Villebrun, auteur de l’ouvrage Le Parcours du combattant stagiaire et ancienne militante chez Génération Précaire (lire par ailleurs page 24), cette récurrence du stagiaire dans les médias s’explique avant tout par sa généralisation. « Il y a une quinzaine d’années, c’était encore quelque chose de facultatif, que les étudiants prenaient l’initiative de faire seuls pendant leurs vacances. Aujourd’hui, les stages sont intégrés dans les cursus de formation et sont, le plus souvent, obligatoires. C’est devenu un passage obligé dans la carrière professionnelle de tout un chacun. »

« Oui, le stagiaire est un Julian Assange potentiel... » Toi, plus moi, plus eux, plus tous ceux qui le veulent : le stage touche désormais tout le monde. « Nous sommes dans une logique actuelle de professionnalisation des études, explique Dominique Glaymann, sociologue et spécialiste de la question. Pour beaucoup, il y avait une coupure absolue entre les universités et les entreprises. Les périodes de stages se sont donc multipliées, quelles que soient les filières. »

pour les futures embauches et, surtout, il s’agit d’une main d’œuvre peu onéreuse. » On touche là une des caractéristiques majeures du stagiaire : il est devenu un travailleur – presque – comme un autre. « Le temps où il était cantonné à faire des photocopies est largement révolu. Les employeurs ont compris que les stagiaires en passe d’avoir leur diplôme avaient beaucoup à apporter à leur société, à un prix défiant toute concurrence », Brancher le rétroprojecteur poursuit Muriel Villebrun. Il poursuit : « Les universités étaient « Il peut abattre autant de trademandeuses, il y avait un bon écho vail qu’un salarié. Pour autant, de la part des étudiants et l’accueil le stagiaire reste un stagiaire dans des entreprises était favorable... Pour l’esprit de tout le monde, tempère les patrons, deux principales raisons Alexandre des Isnards, auteur de sont vite apparues : les stagiaires L’Open space m’a tuer et observaconstituent un panel de recrutables teur avisé du monde de l’entreprise. 21


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Ça se voit notamment dans les réunions. Quand il faut aller chercher le café ou brancher le rétroprojecteur, on demande toujours au stagiaire. C’est la personne à tout faire. » Une situation qu’a connue l’illustratrice Yatuu qui, pendant ses deux années de stage dans des agences de pub, a tenu un blog, avant de sortir l’album Moi, 20 ans, diplômée, motivée… exploitée. « J’ai connu les nuits blanches au bureau, le travail le dimanche. Je faisais autant d’heures qu’un salarié classique mais en n’étant payée qu’à 30 % du Smic. À défaut de trouver un boulot, tu te dis qu’il vaut mieux un stage que rien du tout, car tu as toujours l’espoir d’être embauché. Bon, ça n’a pas été le cas pour moi… » Une situation et une précarité qui ont collé une image plutôt cool au stagiaire. A-t-on déjà vu un personnage de stagiaire méchant dans une fiction ? Non, à la différence du patron qui, une fois sur deux, a le rôle du connard. « C’est le syndrome

À QUOI LE RECONNAÎT-ON ? À CE QU’IL A ET À CE QU’IL AIMERAIT AVOIR. INVENTAIRE. 22

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Causette ça, estime Alexandre des Isnards. Chacun sait qu’il est passé par là, chacun a connu les mêmes difficultés. Tout cela participe au capital sympathie que dégage le stagiaire. » « Et puis, reprend Muriel Villebrun, il y a une certaine fraîcheur, une naïveté de sa part. Il garde des illusions sur le monde du travail. » Des illusions qu’il défend. À une époque où de nombreux salariés craignent

pour leur poste et concèdent à fermer leur gueule, les stagiaires apparaissent du côté de ceux qui osent encore l’ouvrir. Que ce soit sur le Net où ils balancent leurs conditions de travail, ou sur le terrain avec les actions de Génération Précaire, force est de reconnaître un certain militantisme de leur part. « Ce sont des lanceurs d’alerte professionnels, des dangers pour le calme social, au

TICKETS RESTO

FACEBOOK

FOURNITURES

Techniquement, un employeur peut accorder à un stagiaire des chèques déjeuner. Dans les faits, c’est rare, très rare. Seul espoir de grailler à l’œil : être invité par un collègue ou, mieux, pouvoir compter sur le cocktail qui suit une inauguration ou une conférence de presse.

Quand il ne sait pas quoi faire au bureau, le stagiaire traîne sur Facebook. Et tombe toujours sur un boss qui lui rappelle que « l’Internet perso est interdit au boulot ». Coïncidence ou pas, la page FB “Enlever Facebook a un stagiaire et le regarder bosser” compte près de 12 000 fans.

À défaut de salaire, le stagiaire se sert en nature. Parmi les petits plaisirs : aller chourer dans l’armoire à fournitures. Stylos, feutres, rouleaux de scotch... Un conseil : faites-le sur l’heure du déjeuner quand vous êtes seul au bureau. Ça leur apprendra à pas vous donner de ticket resto.


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même titre que les syndicats, estime le journaliste David Abiker, décrypteur du monde de l’entreprise dans “La Gueule de l’emploi” sur Europe 1. Il y a un mariage explosif du stagiaire, des réseaux sociaux et de l’esprit de revendication. Oui, le stagiaire est un Julian Assange potentiel. » De quoi craindre un WikiLeaks de la vie de bureau ? Youna, on compte sur toi… Julien Marchand

BOÎTE MAIL PRO À la différence de tous ses collègues, le stagiaire ne dispose pas, dans la plupart des cas, d’une boîte mail professionnelle à son propre nom. Et doit donc se résigner à utiliser son adresse Yahoo ou Gmail au boulot. Au mieux, il dispose d’un compte “stagiaire@nomdelaboite.com”, histoire de lui rappeler qu’il est simplement de passage et qu’il sera prochainement remplacé. Le management moderne likes this. 23


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Émilien Petit, porte-parole de Génération Précaire, collectif qui depuis 2005 milite pour un meilleur encadrement des stages.

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« IL FAUT SAVOIR REFUSER CERTAINES OFF

Quel bilan dressez-vous de la situation des stagiaires aujourd’hui ? Le constat comptable est inquiétant : on est passé de 800 000 stagiaires en France en 2005 à 1,5 millions aujourd’hui. C’est autant de jeunes travailleurs en plus qui ne peuvent pas cotiser pour leur retraite et leur chômage. Certains n’ont aucune perspective professionnelle, si ce n’est d’enchaîner les stages. De plus, on se rend compte que les stages ne sont pas valorisés, ni par Pôle emploi ni par la majorité des entreprises, La question de la rémunération reste qui ne les considèrent pas comme un problème majeur… une expérience pertinente. Oui. Moi par exemple qui suis stagiaire à Paris je paie à peine mon Le problème est général ou réservé loyer avec mes 436 euros mensuels. à certains secteurs ? Je rappelle que le seuil de pauvreté est Il y a encore quelques années, fixé à 60 % du salaire médian, ce qui c’était surtout des secteurs comme donne à peu près 800 euros. Concrèles médias ou les agences de com’ tement, on tolère qu’1,5 millions de qui avaient le plus recours aux ser- jeunes étudiants et post-diplômés vices des stagiaires. Aujourd’hui, la vivent aujourd’hui en France avec pratique s’est généralisée. Dans le un revenu équivalent à la moitié du détail, le domaine de la finance, des seuil de pauvreté… assurances et, dans un autre genre, celui des ONG, sont des grands La situation peut-elle évoluer favoconsommateurs de stagiaires. Le rablement dans l’avenir ? CDI a d’abord progressivement été On a bon espoir que la situation remplacé par le CDD, et aujourd’hui soit mieux prise en considération c’est le CDD lui-même qui est menacé par le nouveau gouvernement, avec par la généralisation des stages. les grandes lois prochaines sur la

« Un stagiaire recruteur de stagiaires... un cas absurde » 24

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sécurisation de l’emploi et la formation professionnelle (la ministre de l’Enseignement supérieur Geneviève Fioraso a annoncé toute une série de mesures sur l’encadrement des stages début mars, ndlr). La Loi Cherpion de 2011 a déjà permis un meilleur encadrement du statut de stagiaire. Il est désormais considéré comme un salarié de plein droit, ce qui doit permettre de limiter les abus. Quels sont les plus fréquents ? Le cas qui revient souvent est celui de stagiaire vendeur. Je rappelle qu’un stagiaire est là pour apprendre, pas pour être un agent économique de l’entreprise. Virgin par exemple s’est fait dénoncer à ce sujet. Quelques offres sont encore plus absurdes, comme celle proposant de devenir stagiaire directeur de cabinet ou, plus énorme encore, Danone qui recrutait un stagiaire recruteur de stagiaires…


Génération Précaire

RES DE STAGE »

Quels sont les pièges qu’un jeune en recherche de stage doit aboslument éviter ? Il faut savoir refuser les offres ne cadrant pas avec la loi. Par exemple, remplacer un employé malade ou parti en vacances est interdit. Un autre abus revient fréquemment : les entreprises qui enchaînent les stagiaires à un même poste sans respecter le délai de carence de trois mois. Par exemple, si un jeune termine son stage au 30 juin, il est interdit d’en reprendre un pour occuper le même poste avant le 1er octobre. Je rappelle enfin que le stage s’inscrit dans un accord tripartite entre le jeune, l’employeur et l’établissement d’enseignement supérieur. Chacun doit jouer son rôle : l’école doit assurer un suivi pédagogique et l’entreprise doit jouer son rôle de tuteur, sans considérer le stagiaire comme un employé lambda. Recueilli par Régis Delanoë 25


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GROUPIE, QUI ES-TU ? ELLES FONT PARTIE DU FOLKLORE DU ROCK. ET ONT AUSSI CONTRIBUÉ À CONSTRUIRE LA LÉGENDE DE CERTAINES FORMATIONS CULTE. MAIS QU’EN RESTE-T-IL EN 2013 ? ET EN BRETAGNE ? MUSICIENS, PATRONS DE SALLE ET JOURNALISTES RÉPONDENT. a prescription maintenant, j’peux le dire : quand on était en tournée, on avait une collection de petites culottes dans le tour bus. » Vingt ans après, Bruno garde un souvenir amusé de l’époque où il était bassiste au sein de la formation punk The Gunners. « Ces culottes, c’était un peu nos trophées. Entre deux dates de concert, faut savoir qu’un groupe parle plus de foot et de nanas que de musique. On ne 26

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dérogeait pas à la règle… » S’il s’est rangé depuis, ce grand gaillard au crâne rasé, aujourd’hui patron du bar Le Mondo Bizarro à Rennes, continue pour autant à observer ce phénomène. Un phénomène qui veut que musiciens et groupies restent une des valeurs sûres de l’amour à la hussarde. Après dix années passées à la tête de son café-concert, Bruno collectionne désormais les anecdotes. Des zicos retrouvés en charmante compagnie

dans les loges (pour ne pas dire dans les chiottes) aux ébats juste derrière la scène, l’équation sexe et rock ’n’ roll s’est vérifiée au Mondo. « Je me souviens notamment du concert de Sky Saxon. Il y avait plein de petites nanas qui étaient montées sur scène. Je voulais les dégager de là, mais lui ne voulait pas… Après le concert, il a embarqué tout un tas de filles avec lui à l’hôtel. Hôtel dont il a ruiné la chambre au passage. » Des fans que Bruno a également vu


débarquer chez lui les soirs où, faute d’hôtel, il hébergeait les formations. « C’est arrivé plusieurs fois qu’on se rende compte arrivé chez moi qu’une nana s’était incrustée. Je pensais qu’elle accompagnait le groupe, et le groupe pensait qu’elle était avec moi. Jusqu’au moment où on lui demandait “mais t’es qui toi ?”. Une fois sur deux, elle finissait quand même la nuit dans le lit d’un des mecs. »

« Orgies perpétuelles » Figures incontournables de l’imagerie rock, les groupies restent liées à l’histoire de nombreux artistes. Les Stones, Hendrix, Led Zep… des formations qui ont aussi construit leur légende sur leurs frasques et sur l’attirance qu’elles suscitaient auprès du public. « Si le phénomène de groupies commence à naître avec Elvis, il explose vraiment dans les années 1960 avec les Beatles, rappelle le journaliste rock Pierre Mikaïloff. Dans leurs concerts, c’était 75 % de filles, hystériques pour la plupart. Et même si les Beatles jouaient parfois aux garçons sages, leurs tournées étaient plutôt synonymes d’orgies perpétuelles. » Un mode de vie qui a également contribué à installer Mick Jagger et sa bande comme symboles sexuels. Point d’orgue : leur tournée de 1972 suivie par Robert Frank pour son documentaire Cocksucker Blues. « On y voit notamment leur avion aménagé. Avec salle de bain, chambres, fausse cheminée… et au milieu des groupies qui s’offrent aux musiciens et à leurs roadies. » En France à cette même époque, le phénomène, s’il est moins romanesque, n’est cependant pas inexistant. « Il y a des histoires, certes moins prestigieuses car il y avait moins d’argent, mais des artistes comme Claude François et Johnny rassemblaient tout un cheptel de fans et de groupies à leurs pieds. Ils 27


en étaient consommateurs », ajoute Pierre Mikaïloff pour qui ce folklore très marqué seventies perdure de nos jours avec des musiciens comme Pete Doherty, The Strokes ou, plus proches, les BB Brunes. Mais qu’en est-il pour les “petits” groupes ? Une notoriété régionale peut-elle suffire à susciter admiration et désir ? Max, le chanteur du quartet rock The Octopus, nous rassure sur le capital séduction des jeunes groupes bretons. « Des meufs qui veulent finir la soirée avec les zicos, tu en as toujours. Même à un niveau comme le nôtre, le simple fait d’être musicien et de faire des concerts, ça aide... » Même topo de la part de Franck Richard, le batteur de Rafale, qui se souvient d’une proposition d’une fan russe. « On jouait dans un club à Moscou : boîte assez select, pas une seule meuf à jeter dans la salle... Juste après le concert, j’arrive au bar et, là, une fille me saute dessus. Elle était avec son mari et me proposait de partir avec eux en hélico. Je sais pas où j’aurais atterri... » Malgré leur image de bourreaux des cœurs, les quatre garçons des Wankin’ Noodles s’avèrent finalement plus sages que prévu. Si le groupe

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renno-briochin a la chance d’avoir des fans fidèles depuis ses débuts, cela se limite le plus souvent à un bisou ou à un cœur dessiné sur le bras – trop meugnon ! « Par contre, on a vu des groupes qui se privaient pas de ramener des filles de seize piges en loges, c’est un peu bourrin. C’est pas trop notre genre », ajoute François, le guitariste des Wankin’.

les toilettes sur le palier, on voyait de temps en temps descendre des nanas, juste en culotte, parce qu’elles ne se souvenaient plus du numéro de la chambre du musicien avec qui elles passaient la nuit... » Un simple objet sexuel, la groupie ? Pas vraiment. Car, selon nos experts, il n’existe pas une mais des groupies. Les « occasionnelles » (la fille qui passe backstage sur un concert), Moulage en plâtre les « régulières » (les attitrées que « Des groupies, il y en a toujours l’on retrouve à chaque date sur une eu et il y en aura toujours », estime même ville) et les « professionnelles » de son côté Charles Muzy, le boss (celles qui accompagnent les musidu Vauban à Brest qui, en une tren- ciens en tournée). Des statuts diftaine d’années, a vu un paquet de férents pour différents degrés de fans essayer de s’incruster dans les relation. « Être groupie, cela ne loges ou dans les chambres de l’hôtel signifie pas forcément passer à l’acte, juste au-dessus. Avec réussite pour poursuit Pierre Mikaïloff. Pour de certaines. « À l’époque où il y avait nombreux fans, approcher pendant quelques heures un artiste, boire un verre avec lui, voir ce qu’il se passe derrière... cela suffit à les satisfaire. Ça représente d’ailleurs la majorité des cas. Et c’est tout aussi bien. »

« Une fille me saute dessus et me propose de partir en hélico » 28

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Parmi les “professionnelles”, certaines ont cependant marqué l’histoire de la culture rock. Réussissant même à surpasser leur statut de simples fans. Après avoir fricoté avec Jagger, Zappa, Morrison, Page et Hendrix, la Californienne Pamela des Barres a monté son propre groupe, The GTO’s (pour Girls Together Outrageously), avant de sortir des bouquins sur son passé de groupie star. Même émancipation et même reconversion maligne pour Cynthia Plaster Caster. Une ex-groupie que le photographe Richard Bellia, auteur de l’ouvrage Sexe and Rock and Roll, a réussi à rencontrer il y a quelques années à Chicago. « Elle est devenue artiste... spécialisée dans le moulage en plâtre des bites de musiciens qu’elle fréquentait. » Sa plus belle pièce ? Le sexe de Jimi Hendrix, moulé en février 1968, dont elle vend chaque réplique 2 500 dollars. Julien Marchand 29


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ALCOOL AU VOLANT, EXCÈS DE VITESSE OU STOP GLISSÉ : DE PLUS EN PLUS DE CONDUCTEURS S’INSCRIVENT À UN STAGE POUR RÉCUPÉRER DES POINTS SUR LEUR PERMIS. ON EN A SUIVI UN AUSSI. onjour, je m’appelle Bruno, je me suis fait enlever six points parce que je roulais à 160. » « Et la limite était de 110 ou de 130 km/h ? » « Ni l’un ni l’autre : 50 km/h. » Cela fait 45 minutes que je suis dans la salle de réception d’un hôtel. Avec onze autres personnes, je suis là pour un stage de 30

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récupération de points pour mon permis. Les animateurs sont arrivés il y a un quart d’heure, soit une demiheure en retard. Elle psychologue, lui ancien moniteur d’auto-école. Ces deux jours s’annoncent longs. Et je me dis que j’aurais dû lever le pied lors de mes allers-retours entre Rennes et Lannion pour éviter de me retrouver dans ce traquenard.

La matinée débute par un tour de table. Chacun explique ses infractions. L’homme aux 160 km/h en ville a mis la barre très haut. Cette présentation est pour moi le début d’une analyse de mes nouveaux collègues. Il y a d’abord ceux qui connaissent mal les règles. Ils sont de bonne foi, mais leur méconnaissance du code est à la fois drôle et


vu que j’étais venu en voiture, ils m’ont mis en dégrise et j’ai perdu quatre points. » C’est con. Enfin, il y a ceux qui ont décidé de ne pas faire de remous. Petits excès de vitesse, stop glissé, téléphone au volant... Ni chauffards ni exemplaires. Parmi eux, Saïd, Égyptien, ne parle pas un mot de français. Le but de chacun : sortir d’ici avec le Graal, les quatre points en plus sur le permis. Disons-le tout de suite : nous les avons tous obtenus. Pour cela, il a fallu débourser 245 euros pour l’inscription. Une somme versée à Actiroute, une entreprise leader dans ce secteur qui dispose de 140 lieux de stage en France. Mais la société n’est pas la seule à proposer ces prestations. Depuis 1992, l’association Prévention Routière est sur le coup, inquiétante. Guillaume, la cinquan- tout comme 1 500 autres centres taine : « Je comprends le concept composés d’auto-écoles et autres du sens interdit. Mais si on met la entreprises privées. En Bretagne, on voiture dans le bon sens et qu’on dénombre plus de 70 organismes recule, c’est interdit aussi ? » Ils sont agréés par les préfectures. les “à l’ancienne”. La seconde catégorie se compose À la supérette d’à-côté de trois hommes ayant tous eu un Des centres de plus en plus nomretrait immédiat de six points. Tous breux en raison du renforcement des considèrent leur sanction comme contrôles et donc de la hausse des « injuste ». Thomas, la trentaine, infractions relevées. Les modificaparle de « racket ». Attrapé pour tions des aires urbaines jouent aussi alcool au volant, il ne manque pas leur rôle. « Dans une ville comme une occasion de descendre le tra- Rennes, le principal facteur de perte vail des policiers. Félix, lui, est « un de points est la cohabitation entre les incorrigible de la vitesse », roule à 200 voitures, les nombreux moyens de sur les routes de campagne, soutenant transports en commun et les vélos que « tout le monde le fait ». de plus en plus présents », observe Viennent ensuite les persévérants. Ils François-Xavier Gadras, directeur sont très dangereux mais avouent de la Prévention Routière 35 qui lui leurs erreurs. Halfi raconte : « Je me aussi pointe une hausse du nombre suis fait voler mon portable pendant de stages. une cuite. Je suis allé porter plainte Entre 2007 et 2011, celui-ci a augà la gendarmerie le lendemain, mais menté de plus de 25 % (de 13 500 ils ont senti mon haleine. Ils ont à 17 000), ce qui représente au-

jourd’hui près de 250 000 stagiaires en France. La raison principale de leur venue ? Une certaine tendance à jouer les pilotes. Mais si les excès de vitesse représentent 79% des infractions françaises, l’ONISR (Observatoire national interministériel de la sécurité routière) place les départements bretons parmi les territoires où le combo bibine et conduite est le plus fort. Le pétard n’est jamais bien loin non plus. C’est le cas ce matin avec Halfi, qui avoue résoudre ses problèmes d’alcool grâce au joint. De bonne foi, il demande à l’animatrice le taux limite de THC dans le sang pour se faire sanctionner. « La question ne se pose pas puisque la consommation de cannabis est interdite en France », lui répond-elle. Halfi ne s’est jamais contenté de cette réponse. C’est son septième stage, et l’idée de devenir exemplaire au volant semble avoir quitté son cerveau depuis longtemps. « Il peut y avoir cet état d’esprit chez certains stagiaires, reconnaît François-Xavier Gadras. Ils se disent qu’ils peuvent perdre des points puisqu’ils paieront pour les récupérer. Mais les pouvoirs publics réfléchissent à ce problème. » Parmi les pistes envisagées : passer devant un psychologue au bout de trois stages. Le mien touche à sa fin, à mon plus grand soulagement. Thomas demande s’il peut « s’absenter quelques minutes ». Sûrement une envie pressente. Ah non, le voilà qui revient avec deux bouteilles de mousseux achetées à la supérette d’à-côté. « On va quand même prendre un p’tit apéro avant de partir, non ? » Brice Miclet 31


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révenons tout de suite parce que c’est inhabituel : dans cet article, il ne sera pas fait mention de cuite, de cul ou de musique. Il n’y aura rien non plus de très rigolo, car il va être question de parler d’une maladie. Ne fuyez pas, on va tâcher de traiter ça avec autant de légèreté que le sujet l’y autorise. Et puis ça peut t’être utile, toi lecteur, de savoir comment faire en sorte de l’éviter. Ou d’en guérir. Cette maladie s’appelle le burn-out, “syndrome d’épuisement professionnel” en VF. Pour les spécialistes de la question, elle s’annonce comme la grande maladie du siècle. Une pathologie qui se définit sur le plan individuel comme « un état d’extrême fatigue consubstantiel à l’activité humaine » pour le chercheur belge Pascal Chabot qui a publié en ce début d’année Global burn-out (éditions PUF). « Le syndrome a été détecté dans les années 70 par un certain Dr Freudenberger, qui l’a d’abord appelé “la maladie du bon Américain”. Il est lié aux modifications dans notre rapport à l’organisation du rythme de travail. » 33


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À l’origine, le burn-out touchait surtout les professions médicales, de l’enseignement et de la gouvernance. « Des secteurs où on ne sait pas dire “non”. Mais progressivement le syndrome s’est étendu. » Une étude a montré que neuf cadres sur dix avaient le sentiment de travailler trop vite et 38 % disaient être atteints de burn-out. « Le salarié lambda aussi peut mettre sa santé en danger par des règles de management trop contraignantes », complète Pascal Chabot. Pour le sociologue Francis Jauréguiberry, qui tiendra en mai prochain une conférence sur le sujet aux Champs Libres à Rennes, la sphère professionnelle a en effet muté en une « chrono-compétition », où la règle consiste à « réduire au maximum les coûts de fabrication et de distribution. En deux décennies, le temps s’est comme rétréci et le monde tend vers l’immédiateté. » De cette maladie, le médecin du travail Agnès Martineau-Arbes évoque quatre symptômes : « le pessimisme, la fatigue, l’isolement et le laisseraller. » Le terme est approprié, puisqu’il s’agit littéralement d’une combustion physique et morale due

à une surchauffe, jusqu’à épuisement des réserves. « Le retour au travail peut prendre des années, on n’en sort pas indemne », prévient-elle.

Hyper-connectivité Ce constat n’est pas réjouissant. Cependant, le burn-out peut être évité grâce à quelques précautions d’usage : revoir ses priorités de travail, déléguer, se fixer des limites raisonnables… Pour ceux qui ont déjà pété un câble, il n’y a malheureusement pas de remède miracle. « On peut prescrire des antidépresseurs, mais ça ne fonctionnera qu’un temps », estime Étienne, interne en médecine à Brest, qui préconise plutôt d’observer « une pause indispensable pour reposer le corps et se remettre la tête à l’endroit ». Le jeune homme sait de quoi il parle, lui-même a été victime

« Couper le téléphone et se retrouver dans le silence » 34

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de burn-out. Nous l’avons rencontré lors d’une retraite spirituelle effectuée au foyer de charité de Tressaint, près de Dinan. Le principe : vivre une semaine dans le silence et la méditation. « Le foyer est comme un oasis où l’on peut se ressourcer pour partir sur de meilleures bases dans la vie », vante Honorine, membre de la communauté de laïcs chargée de l’accueil des retraitants. Des gens de tous les milieux se mettent ainsi à l’écart du monde pendant une semaine, dont quelques jeunes actifs. Pour Étienne, Hélène ou Bérangère, ce n’est pas leur première retraite. Et ce ne sera pas la dernière. « J’avais possibilité d’aller au ski avec des potes pour les congés, mais j’ai préféré venir ici, témoigne Hélène. C’est bon de couper le téléphone, de se retrouver dans le silence et de prier. » Car oui, si tout le monde est accueilli, mieux vaut quand même « avoir la foi ou au moins être en quête », reconnaît le responsable, le père Hervé Gosselin. Avec plusieurs prières par


Foyer de Charité de Tressaint

jour et des cours de réflexion à tendance théologique, c’est effectivement préférable… Idem à la retraite Zen, organisée en l’abbaye de Saint-Jacutde-la-Mer, dans les Côtes d’Armor. Les temps de méditation alternent avec les temps de prière, le tout dans un silence auquel on est tellement peu habitué qu’il en devient presque pesant. L’animateur, Bernard Durel, observe la venue de plus en plus importante de « cadres, âgés de la trentaine ». « La situation pourrait empirer avec la jeune génération », confirme l’auteur de Global burn-out, qui pointe du doigt « l’effet néfaste des nouvelles technologies ». Principal appareil visé : le smartphone, qui permet une connexion H24, y compris avec le travail. « Aujourd’hui, la distance physique, les murs et les horaires ne protègent plus. » Inquiétant ? Cela peut le devenir selon nos experts qui, tous, pointent l’hyper-connectivité des plus jeunes, 90 % des 18-29 ans dormant avec leur portable. Régis Delanoë avec Benoît Tréhorel 35


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montage : Julien Zwahlen

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À L’ARTICLE DE LA MORT

L’ACTUALITÉ A ÉTÉ DERNIÈREMENT MARQUÉE PAR LES DÉCÈS DE GRANDES PERSONNALITÉS. METTANT AINSI UN GENRE À L’HONNEUR : LA NÉCROLOGIE. UN EXERCICE OÙ IL FAUT ÉCRIRE VIVANT SUR LES MORTS. ébut mars, Libération s’est payé un joli quarté gagnant. Celui des unes nécrologiques. En l’espace de six jours, le journal de Nico Demorand a consacré quatre fois sa première page à une personnalité décédée : Stéphane Hessel, Daniel Darc, Jérôme Savary et Hugo Chavez. Des couvertures dans la plus pure tradition du journal, qui a fait des nécros l’une de ses signatures maison. « La photo de une en pleine page, les quatre à dix pages intérieures, les textes longs, les belles photos… il y a une patte Libé pour les grands morts », explique le journaliste Antoine de Baecque qui, de 2001 à 2006, a été le chef du service culture. De ses cinq années à Libération, il retient notamment les disparitions de Pierre Bourdieu, Georges Harrison, Maurice Pialat, Henri Cartier-Bresson… « S’il y a toujours eu une concurrence entre les services pour gagner la une, c’était l’union

sacrée quand il y avait un grand mort. Tout le monde acceptait de donner des pages. C’était le branlebas de combat. » Car la nécrologie nécessite d’écrire vite. Surtout lorsque l’annonce du décès tombe tard et que le bouclage approche. « À Libé en plus, il y a très peu de nécros rédigées à l’avance. Contrairement au Monde, par exemple, qui en a pas mal en réserve. Parmi celles qui étaient déjà préparées à l’époque où j’y étais : Rohmer, Lévi-Strauss… » Avec une anecdote sur ce dernier. « La nécro était signée d’Antoine de Gaudemar… qui n’était plus à Libé au moment de la mort de Lévi-Strauss. » Autre ambiance mais même façon de faire au journal La Croix qui ouvre un dossier dès qu’une personnalité de grande envergue commence à prendre de l’âge. Des éléments qui peuvent servir plus tôt que prévu, ce qui a été le cas avec Benoît XVI au moment de sa renonciation. « On a réalisé cinq pages sur lui. On a

notamment repris des articles qui auraient dû servir en cas de décès, révèle Pierre-Yves Le Priol, secrétaire général de la rédaction. Dès qu’il avait été nommé, compte tenu de son grand âge, on avait ouvert sa biographie. Au final, on avait neuf pages déjà prêtes sur lui. » « Forcément qu’une mort, ça s’anticipe », poursuit François Chrétien, chef de la dernière page à Ouest-France, qui se souvient notamment de l’épisode Johnny, en 2009, où l’idole des vieux avait failli casser sa pipe à Los Angeles. La nécro avait été entamée, avant d’être rangée au placard. « Récemment, on s’est aussi posé la question sur Mandela, ajoute-t-il. Une mort qui serait intéressante à traiter ? Celle d’une personne toujours en fonction. La mort de François Hollande aurait plus d’impact que celle de Jacques Chirac qui serait finalement dans l’ordre des choses. Cela serait plus surprenant. Idem dans le domaine culturel : le décès d’un 37


PAPIER

jeune acteur de notoriété moyenne provoquerait plus d’émotion que la disparition d’un vieil acteur de la Comédie-Française. »

« Entorse du nerf optique » L’émotion, l’une des difficultés du genre. Comment rester factuel sans être froid, tout en évitant de sortir les violons ? Pour répondre à cette question, commençons par une nécro bien hardcore. Celle de Télérama consacrée à Tony Scott, le réalisateur de Top Gun, mort l’été dernier. « Inutile de jouer les hypocrites. Les films de Tony Scott ne sont pas meilleurs depuis qu’il s’est jeté dans les eaux du port de Los Angeles depuis le pont Vincent Thomas. Aussi triste son suicide est-il, ne comptez pas sur nous pour porter au pinacle le réalisateur d’énormes

bouses boursoufflées (…) dont le montage stroboscopique nous a valu une entorse du nerf optique », pouvait-on notamment lire. On a vu des hommages plus sympas. « Ce qu’il faut, c’est trouver le ton juste, estime Antoine de Baecque. L’écriture doit être romanesque pour le récit de vie, sans être pompeuse ni larmoyante. » Si la corde sensible est plus facilement acceptée quand il s’agit d’un comédien ou d’un musicien populaire, qu’en est-il pour une personnalité controversée ? Prenons Jean-Marie Le Pen. Quand l’ancien président du FN virera de l’œil, l’exercice sera-t-il délicat ? « Je ne crois pas, estime FrançoisXavier Lefranc, de la rédaction en chef à Ouest-France. On retrouvera les moments marquants de sa vie, ses principaux coups dans le débat

« Un vrai casse-couilles, une plaie... il était adorable » 38

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politique. Mais ce ne sera pas faire insulte que de rappeler les moments à controverse. » Même topo du côté du Télégramme pour qui le traitement d’une personnalité telle que celle-ci doit être « très distancié », vis-à-vis de la famille, des partisans mais aussi des opposants.

« Rituels du deuil moderne » Et quand l’émotion est extrêmement vive dans une ville, là aussi la nécro s’avère complexe. Encore plus quand elle est publiée en pages locales. Pierre, ancien journaliste dans un quotidien de la région, se souvient du décès d’une figure de la commune où il était en poste. « Ce mec était correspondant pour le journal. Quand c’est quelqu’un que tu connais bien, que tu croises souvent, c’est chaud… Bon après, le gars était un vrai casse-couilles, une plaie, un alcoolo... Tout le monde connaissait son côté “sombre”. Malgré tout, il était adorable. Il fallait donc trouver les bons mots


Bikini

pour rester correct, tout en disant quand même les choses. » Un genre qui, pour l’universitaire Marie-Laure Florea fait aujourd’hui partie « des rituels du deuil moderne ». Une sorte de pont entre le passé (qui était la personne, ce qu’elle a fait) et le présent (ce qu’elle laisse aux vivants, en quoi elle continuera à marquer les esprits). « C’est tout sauf morbide quand tu arrives à faire un papier vivant sur un mort, ajoute Pierre, avouant même avoir un jour écrit, sans faire exprès, une nécro avant l’heure. J’avais fait le portrait de la doyenne d’une commune du Finistère. Je connaissais bien le personnage et je l’aimais bien. J’avais donc chiadé mon papier. L’article a beaucoup plu, y compris à la doyenne. Quelques jours après, elle m’a dit : “C’est toi qui écriras l’article quand je mourrai.” Sauf que mon portrait en fait, tu changes la concordance des temps, ça te fait la nécro. » Julien Marchand et Benoît Tréhorel 39


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DIVIN FAUVE

FAUVE. DERRIÈRE CE PATRONYME, SE CACHE UN COLLECTIF ÉNIGMATIQUE PRATIQUANT UN SPOKEN WORD HYPNOTIQUE, QUI PEUT FAIRE FIGURE DE SENSATION MUSICALE DE L’ANNÉE 2013. CE SERAIT BEAU. ET MÉRITÉ.

n nous avait filé un 06 et un soir de semaine pour le composer. Pierre devait y répondre. Ou peut-être Quentin. Ça aurait pu être Simon ou Nico. Ce fut Stéphane. Peu importe, car Fauve est un collectif qui « s’exprime d’une même voix ». Sur scène, ils sont cinq mais en coulisses, ils peuvent être dix ou vingt. « Des amis de longue date et des rencontres qu’on peut faire au gré des concerts et des soirées. Fauve est protéiforme. Qui on est, d’où on vient et ce qu’on fait dans la vie n’est ni intéressant ni important. Dis-toi qu’on est comme tout le monde. » Le mystère s’épaissit autour de ce « corp » qui a seulement posté quatre morceaux sur YouTube, mais dont la réputation ne cesse d’enfler. Sans qu’on ne sache rien d’eux ou presque : aucune bio, tout juste sait-on qu’ils sont âgés de 27 ans et originaires de la région parisienne. « Fauve est né en 2010, mais ça fait vraiment un an que ça prend forme », éclaire notre interlocuteur, qui s’emballe : « Même si ça fait un peu pompeux, je vais te le dire car c’est comme ça qu’on voit les choses : on veut s’étendre au40

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delà de la musique. Si demain, on veut se lancer tous ensemble dans un autre domaine, on le fera. On ne veut pas se donner de limites ni de contraintes. » Fauve revendique sa liberté, mais n’allez pas parler d’un groupe sauvage qui se réclame hors-système. S’il n’est signé sur aucun label malgré les sollicitations qu’on imagine – de Kitsuné notamment, dont la dernière compil met à l’honneur le morceau Kané – c’est un acte réfléchi mais pas définitif. « On n’est pas snob, clairement on a envie de signer avec un label. C’est juste qu’au stade où on en est, c’est-à-dire au tout début, on considère qu’on n’en a pas besoin. C’est une trop grande décision qu’il ne faut pas prendre dans la précipitation. On est lent mais en même temps on a tous des boulots à côté. » Au printemps, il va tout de même falloir poser des RTT pour assurer une tournée des festivals. Rien qu’en Bretagne, Panoramas, Mythos et Art Rock ont programmé la nouvelle sensation, qui encaisse l’engouement en essayant d’éviter le vertige. « On hallucine de voir l’ampleur que ça prend. Que des

gens se retrouvent dans ce qu’on fait, c’est dingue. Je te jure, certains nous expliquent que nos textes les aident dans leur vie. C’est à la fois déstabilisant et galvanisant. Et quelque part, c’est disproportionné. On n’a pas l’impression de l’avoir mérité, pas encore. » Difficile de dire ce qui hypnotise autant chez Fauve. Le groupe luimême l’ignore, et peine à définir son style ovni, mélangeant phrasé slam et guitares rock. « Ce n’est pas du slam, ni du rap. On est incapable d’en faire. On fait du conversationnel, autrement dit du spoken word, avec la musique qui est là pour sublimer l’histoire. C’est dans la veine de Gil Scott-Heron. » Voilà pour la forme. Quant au fond, il touche en plein cœur la fameuse génération Y car il déborde des sentiments contradictoires qui animent leur quotidien : du spleen enchaîné avec des périodes d’euphorie. La vie dans ses excès de beaux losers et dans ses frustrations de héros tristes. Régis Delanoë Le 31 mars à Panoramas à Morlaix Le 20 avril à Mythos à Rennes Le 18 mai à Art Rock à Saint-Brieuc


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À QUATRE POTES NÉ AU COLLÈGE, LE GROUPE TOTORRO A DÉCIDÉ D’OPÉRER EN 2013 UN VIRAGE MATH-ROCK AUSSI AMBITIEUX QUE SÉRIEUX. ENFIN SÉRIEUX… LA BANDE DE POTES COMPTE QUAND MÊME CONTINUER À BIEN SE MARRER. endez-vous était donné à Rennes, par une moche matinée d’hiver. Ça meule sévèrement, on s’engouffre dans un bar du centre, thé pour les uns, pinte pour les autres. Les quatre de TotorRo sont là, ils ont déboulé ensemble d’un coin de campagne dans le 35 où ils vivent en colocation. « Pour répéter c’est quand même pratique. Et puis là où on est au moins on n’emmerde pas les voisins. » Si dans certains cas c’est un cliché à dire, pour TotorRo c’est la vérité vraie : plus qu’un groupe, c’est d’abord une bande de grands potes, dont deux des membres, Jonathan et Christophe, se connaissent depuis le collège à Perros-Guirec. « C’est là qu’on a commencé à 42

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faire de la musique, du genre qu’on écoutait à l’époque », explique l’un, quand l’autre précise en rigolant : « Style Néo métal, du Doom même un peu. Si si. » Rien à voir avec le subtil post-rock à tendance math-rock – j’ai toujours eu du mal avec la classification des styles de rock – pratiqué aujourd’hui. C’est qu’entre temps deux nouveaux membres sont arrivés, Xavier puis Bertrand. TotorRo a mis cinq années à grandir depuis le premier EP en 2008. Un album, All Glory to John Baltor, a aussi vu le jour en 2011, mais c’est le second EP, Home Alone, sorti il y a quelques mois, qui donne une idée du TotorRo millésime 2013. « Plus ensoleillé, plus dynamique, avec des morceaux raccourcis. »

Les quatre ont beau être encore tout minots – 22, 23 ans –, le groupe a déjà pas mal de vécu et quelques bonnes expériences de tournées. « Il y a eu notamment ce concert à Berlin, qu’on a terminé plus tard que prévu. On devait être en Hongrie le lendemain. On a roulé comme des bourrins pour arriver pile à l’heure à laquelle on devait jouer. Ce qu’on a fait direct à la sortie du camion, complètement morts. Rétrospectivement c’était cool. » Le genre d’histoire qu’ils aimeraient revivre. « Peut-être pas tout de suite ceci dit, on se concentre sur le nouvel album. 2013 est une année charnière, on veut pas se rater. » Régis Delanoë Le 29 mars à L’Ubu à Rennes


C. Sommerer et L. Mignonneau

« MONÉTISER LE TEMPS PASSÉ »

AVEC « THE VALUE OF ART », CHRISTA SOMMERER ET LAURENT MIGNONNEAU REDÉFINISSENT LA VALEUR DES ŒUVRES. Comment ça fonctionne ? Il s’agit d’un détecteur de présence optique, placé juste en dessous du cadre d’une peinture. Celui-ci permet de mesurer le temps passé devant le tableau et, grâce à une petite imprimante, d’indiquer le prix de l’œuvre qui augmente en fonction du nombre de visiteurs. On monétise cette attention. Ce sont les spectateurs qui font la cote de l’œuvre, ils en étaient exclus ? Si une œuvre a besoin d’un public pour exister, ce n’est pas le critère qui entre en jeu lorsque les premières estimations sur son prix sont calculées. Le marché de l’art définit-il mal la valeur d’une œuvre ? Chacun de nous a une conscience de la valeur d’une œuvre, accordée selon des critères qu’ils soient d’ordre conceptuel ou esthétique. La valeur spéculative est tout autre et n’affecte une œuvre que lorsqu’elle rentre sur le marché. On jette un regard froid mais amusé sur ce phénomène, en le réduisant à une simple interaction entre l’œuvre et celui qui la regarde. Festival Bouillants à Vern-sur-Seiche 43


RDV

CHER VOISIN

LE MEILLEUR ESPOIR FRANÇAIS DE L’ABSTRACT HIP-HOP SE PRÉNOMME GABRIEL ET SE SURNOMME SUPERPOZE. ÂGÉ SEULEMENT DE 20 ANS, CE GARÇON, PASSÉ PAR LE CONSERVATOIRE, VIENT DE CAEN. ENCORE UN NORMAND, SACREBLEU.

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n va vraiment finir par les jalouser, ces maudits Normands. Avec Orelsan, ils avaient déjà le rappeur mainstream le plus respecté du moment. Avec Concrete Knives, une valeur sûre du rock hexagonal. Avec Granville, la pop qui monte. Et voilà que déboule maintenant notre gars Superpoze, originaire lui aussi de Caen, et considéré à raison comme un espoir de l’électro. Un hasard, vraiment ? « Un peu ouais, rigole l’intéressé. On se connaît tous, on s’apprécie et, inconsciemment, il y a une émulation qui se crée entre nous. Mais on a tous des styles différents. Je crois pas que dans dix ans, on pourra parler d’un son caennais à proprement parler. » Le “son” Superpoze, c’est ce qu’on appelle l’abstract hip-hop, un genre à mi-parcours entre hip-hop et électro, avec quelques tentations pop. Un peu glucose, quoi. Lui-même peine à définir son style, même s’il reconnaît avoir évolué. « J’ai débuté down-tempo en m’inspirant de truc comme Bonobo ou Boards of Canada. Aujourd’hui, je suis dans 44

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un délire plus sombre, plus synthétique. Plus méchant aussi ! » Le jeune homme a débuté dans la musique en intégrant le prestigieux conservatoire, « en classe de percus ». Bac en poche obtenu avec un an d’avance, direction la fac d’Histoire et les débuts de Superpoze. Possible que l’un ait à voir avec l’autre… Toujours est-il que les débuts sont hésitants. « J’avais enregistré un EP de rap français, qui heureusement ne sortira jamais de mon ordi ! J’aimais vraiment composer des textes, mais j’ai fini par prendre plus de plaisir avec le beatmaking. Voici donc comment je suis arrivé à ce que je fais aujourd’hui. » Révélation des dernières Trans, où son set a bien bastonné, il a récemment assuré quelques grosses premières parties, notamment celles de C2C. De quoi s’occuper à temps plein et s’imaginer un chouette avenir dans la musique ? « Si tout se combine bien, 2013 devrait être une belle année pour moi. » Régis Delanoë Le 4 mai à L’Échonova à Saint-Avé


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« L’AIGUILLAGE DE PARPAING »

AVEC SON ROCK STONER 70’S, THE 1969 CLUB ESPÈRE NE PAS RATER LE COCHE EN 2013. Alors, trois mois après, quel souvenir de la grande scène des Trans ? Pfff, c’était énorme. T’avais un truc comme 3 000 personnes, en plus le hall du parc des expos est interminable, ça donne une impression de gigantisme. C’est super impressionnant quand tu débarques sur scène, tu te dis : « Bon, ben maintenant que j’y suis, je peux plus reculer ! » Il y a un avant et un après ? Clairement ouais, c’est une carte de visite. Dans le même temps on a fait appel à un tourneur, disons qu’on s’est professionnalisé d’un coup. On a pas mal de dates qui s’enchaînent jusque août, c’est la conséquence directe de ce qu’on a vécu en décembre. Faut pas qu’on loupe le coche. Un groupe à trois, c’est la bonne configuration ? Pour nous, oui. On se connaît depuis qu’on a quatre ans donc on s’entend super bien. Après, trois instruments, ça demande beaucoup d’exigence, la fausse note tu la sens passer ! On a un son lourd mais il faut savoir le manœuvrer avec délicatesse. C’est de l’aiguillage de parpaing. Le 19 avril à Andel’ir Le 17 mai à Art Rock 45


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BON PERDANT

ON L’A CONNU SOUS LE NOM DE DONDOLO, PUIS DE YOUNG MICHELIN. MALGRÉ L’AMBITION, DES ÉCHECS. AUJOURD’HUI ROMAIN GUERRET REVIENT SOUS LE NOM D’ALINE, ET MET ENFIN TOUT LE MONDE D’ACCORD. l y a les groupes qui explosent rapidement. Un morceau sur le Net et tout le monde s’excite dessus. Et puis, il y a les autres. Ceux qui en chient pour s’imposer, malgré le talent et la volonté. Romain Guerret appartient à cette deuxième catégorie. Les couilles, les couacs, les déconvenues, le chanteur d’Aline les a collectionnés. Si l’album Regarde le ciel reçoit aujourd’hui un bon écho de la part des médias et du public, celui qui se définit comme un « maudit garçon » le voit plutôt comme le résultat logique d’une suite d’échecs. Et c’est pas tout à fait faux. Retour en 2007. À cette époque, Romain s’appelle Dondolo et vient de sortir Dondolisme, un disque pop assez couillu, avant de récidiver trois ans plus tard avec Une vie de plaisir dans un monde nouveau. Rétrospectivement, les deux disques du Marseillais – on vous rassure, il a pas d’accent – étaient de bonne facture. Problème : tout le monde en a eu rien à battre. « Aujourd’hui, oui, je considère Dondolo comme un échec. J’étais sur un petit label, la distribution 46

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était mauvaise, la promo était inexistante… Ça ne décollait pas, à tel point que je me suis demandé si j’allais pas tout arrêter et faire autre chose. » L’autre chose s’appellera finalement Young Michelin, nouvelle formation pop qu’il monte avec son pote Arnaud. « Ce projet, je l’ai fait en réaction à Dondolo. Musicalement, il y avait des trucs que je ne voulais plus faire. Je voulais des morceaux moins décousus, quelque chose de plus homogène. » Le chant passe en français et les titres gagnent en clarté. « Ce que je recherche, c’est la fulgurance pop, les morceaux limpides qui vont le plus droit possible. » Il cite Frank Black, Christophe, Étienne Daho. Et souligne l’efficacité de leurs morceaux qu’il essaie aussi d’appliquer. Ça paye puisque Young Michelin remporte le tremplin CQFD des Inrocks. Le début de la reconnaissance ? Pas vraiment. « Cette victoire nous a permis d’enregistrer neuf titres à New York. Mais on ne savait pas quoi en foutre : les maisons de disques nous tournaient autour mais n’avaient pas la moindre

idée de ce qu’elles voulaient faire avec nous. » Une impasse, bientôt suivie d’une frayeur juridique, quand la marque de pneus leur demande « gentiment » de changer de nom. « On n’était pas de taille à lutter. » Romain et sa bande optent donc pour Aline. Une renaissance synonyme de jours meilleurs. Sous la bannière Aline, ils sortent Je bois et puis je danse, un titre réussissant à faire ce que Dondolo et Young Michelin n’avaient jamais réussi : mettre d’accord médias, public et professionnels de la musique. Onze autres titres suivront et l’album Regarde le ciel déboule début 2013. De quoi – enfin – fanfaronner et d’always look on the bright side of life ? Romain coupe court : « Avec tout ça, j’ai du mal à être euphorique aujourd’hui. Je me suis rendu compte que rien n’était sur des rails. Quand tu l’écoutes bien, cet album, c’est d’abord un disque de crise, un album de loser. » Julien Marchand Le 24 avril au Manège à Lorient


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Frank Loriou


VTS

« Si je ne devais retenir qu’une édition : 1990. Une année charnière, avec une prise de risque financier. Tout s’est super bien passé : le public et les médias nous ont suivis. Les deux moments forts sont le concert de Miles Davis et de Public Enemy. Le soir où les rappeurs passaient, les commerces du centre-ville avaient fermé à 18 h par crainte de débordements, alors que dans le même temps l’un des leaders du groupe faisait ses courses à Mammouth pour acheter du lait pour son bébé. Belle ironie. » 48

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« L’une des particularités d’Art Rock, ce sont ses spectacles pluridisciplinaires. Les plus emblématiques sont ceux de La Fura dels Baus, dont le premier passage a eu lieu en 1987 et qui revient cette année. On a aussi énormément de sympathie pour Philippe Decouflé, qui vient toujours à Saint-Brieuc avec grand plaisir. Dans un autre registre, la troupe argentine De La Guarda est passée ici en 1999. Tous sont des artistes reconnus internationalement. C’est une fierté de pouvoir les accueillir. »

Pierre Iglésias

Pierre Iglésias

Art Rock

Pierre Iglésias

LE FESTIVAL DE SAINT-BRIEUC FÊTE CETTE ANNÉE SON TRENTIÈME ANNIVERSAIRE. JEAN-MICHEL BOINET, SON DIRECTEUR, REVIENT POUR NOUS SUR LES MOMENTS, ARTISTES ET SOUVENIRS QUI ONT MARQUÉ SON HISTOIRE.

« J’ai toujours en mémoire la prestation de la Mano Negra au grand théâtre en 1989. Le groupe était à l’époque au sommet de son art, c’était extraordinaire de le voir sur scène. Un bon tiers de l’audience avait terminé le concert torse nu, ça faisait un joli contraste avec l’atmosphère habituellement feutrée de la salle ! En rappel, les Tambours du Bronx étaient arrivés sur scène sans que la Mano soit au courant. La surprise avait été totale et la prestation musicale vraiment démente. »

« Diriger un festival, c’est aussi une bonne occasion de rencontrer des artistes admirables. Joe Strummer, l’ancien leader des Clash, en fait partie. En 1991, il avait remplacé au pied levé Shane MacGowan pour une tournée des Pogues. Dès son arrivée, on a compris qu’on avait affaire à quelqu’un de très simple malgré son statut mythique. C’est le genre de gars à aller tout naturellement au bar festivalier pour boire des coups avec ses fans. Dans un autre registre, Arno avait fait ça aussi. »



AGENDA

Timothy Saccenti

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RECOMMANDE

DOOINIT

TOBOGGAN

LE MULTIPLEX

ROCK’N SOLEX

Si t’aimes le rap mainstream Skyrock, passe ton chemin. Le festival Dooinit met à l’honneur des pointures hip-hop pour puristes, dénichées principalement aux States : Edo.G, Skyzoo, The Procussions, Rich Medina, 9th Wonder (photo)… Cette 4e édition se déroule à L’Ubu, au 4bis et au Diapason notamment.

Au Japon, des personnes âgées démunies en arrivent à considérer la prison comme un moyen de bénéficier d’un logement, de trois repas par jour et de soins. Quitte à devoir commettre des délits pour y entrer. Ce fait de société 100 % vrai, le metteur en scène Gildas Milin en a fait une pièce assez fascinante.

Les deux dernières journées de Ligue 1 font l’objet d’une bien belle tradition : le multiplex dans un bistrot. De la mousse, des copains, des buts dans tous les sens, des rires, des larmes, un Paganelli dans le jacuzzi et un Loulou Nicollin à deux doigts de l’arrêt cardiaque. Et si c’était finalement ça le bonheur ?

Toujours organisé par les foufous de l’Insa sur le campus de Beaulieu, le festival Rock’n Solex, 46e du nom, est comme son nom ne l’indique pas très branché électro. Rone (photo), Popof, Brodinski, SebastiAn et Danger sont notamment à l’affiche vendredi et samedi, après un jeudi plus orienté reggae-dub. Ça roule !

THEE OH SEES Cette formation californienne existe depuis quinze ans. Avouons notre ignorance, on ne la connaît que depuis son passage à Art Rock l’an dernier. On avait kiffé ce groupe de rock psyché qui, ce printemps, a une date en BZH entre Coachella et Primavera. Classe. À L’Antipode à Rennes Le 15 mai

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PUBLIC ENEMY

LA FEMME

Pionnier : nm, personne qui ouvre la voie, défricheur de contrées incultes. Il y a trente ans, Public Enemy a joué les explorateurs d’un rap de bourrin, sur le fond comme sur la forme. La bande à Chuck D et Flavor Flav reste une référence à voir au moins une fois dans sa vie.

Leur premier concert en Bretagne a eu lieu lors d’Astropolis 2011. Portés par la vague hype, les auteurs de Sur la planche ont depuis fait du chemin. Et sortent le 8 avril Psycho Tropical Berlin, leur premier album après deux excellents EP de pop psychédélique.

Au Festival Insolent à Lorient Le 27 avril

À Rennes Du 8 au 12 mai

À Mythos et à Art Rock Le 19 avril et le 17 mai

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Dans tous les bons bars Les 18 et 26 mai

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Au Théâtre de Lorient Les 11 et 12 avril

Kelly O

À Rennes Du 2 au 7 avril

CONSTELLATION Le rendez-vous électro de L’Échonova déballe la grosse came pour sa 9e édition. À l’affiche : Black Stobe, le groupe du DJ Arnaud Rebotini (photo), Foreign Beggars et son dubstep, le prometteur Caennais Superpoze et, le local de l’étape, Modern Death. À L’Échonova à Saint-Avé Le 4 mai




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