Calepin n°47

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Communautaire

Mais qu’est-ce qui fonde ces priorités ? Estce vraiment lié au terrain ou - et cela ne serait en rien péjoratif - est-ce le fait d’un plus grand intérêt de tel ou tel Conseil d’administration, directeur ou équipe, ici ou là ? Donc, si sur le plan des idées, la spécificité

ment aseptisé où tout le monde ferait la même chose ! Mon intention est vraiment à mille lieues d’une uniformisation quelconque. Mais, il importe qu’au moins chacun sache pourquoi il est actif dans tel ou tel terrain et ce qui réside derrière l’action concrète : action plus centrée sur les jeunes et les enfants chez vous en Brabant Wallon, ailleurs plus avec des femmes, ailleurs encore plus avec des étrangers... Et par ailleurs, savoir pourquoi ce sont ces plans opérationnels-là qui ont été choisis : faire comprendre en quoi ces problémati-

« Il ne faudrait pas, par souci de cohérence, aboutir à un mouvement aseptisé où à un mouvement où tout le monde ferait la même chose. » laïque est évidente, sa traduction en actes particuliers est moins claire et mérite encore un approfondissement. CALepin : Ta première réponse pointe la diversité des activités de la « laïcité organisée » et leur disparité : c’est donc la dimension organisationnelle que les questions de fond que tu relèves tout en les ayant déjà effleurés en parlant de scolarité et des différents thèmes qui dessinent cette espèce de mosaïque. Il est clair qu’au niveau du pôle central qu’est le CAL Communautaire des impulsions doivent venir, mais tout ne peut pas être impulsé de la même manière. Donc, la question se pose du fond et des priorités…

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Eliane Deproost : Oui, tout à fait. Cependant, il me semble qu’il ne faudrait pas, par souci de cohérence, aboutir à un mouve-

ques et les traitements que nous en avons, constituent des déclinaisons concrètes des valeurs laïques. Il y a les mots et derrière les mots et les concepts, il y a des traductions pragmatiques. Pour ma part, j’ai toujours considéré que c’est à ce niveau que se situe ma place, si j’en identifie une aujourd’hui, après un mois et demi : dans cette traduction vers la concrétisation. Je suis intéressée par les idées, les mots, les réflexions. Mais quand ils ne se transforment pas en outils vers l’agir, ils constituent un monde étrange voire étranger pour moi. C’est donc le passage à l’acte qui me mobilise. Maintenant, les choix sont-ils toujours délibérés au sein des équipes et dans le chef des différents responsables, ou sont-ils par-

fois le fruit de hasards ou de l’histoire ? Peu importe, il est temps aujourd’hui de réaliser la photographie de cette action, de ce qu’on fait : où est-on et que fait-on ? Et pas seulement au niveau du CAL Communautaire et des 7 régionales mais aussi à celui des 320 associations locales. Je rêve d’avoir cette photographie-là, dans une cartographie précise qui montrerait ce qui est fait par d’autres sur le terrain, services publics ou associations, pour « mesurer » si nous sommes toujours là où les besoins sont les plus criants. Il y a peut-être des zones un peu négligées par nous pour des raisons diverses : sociologiques, historiques, personnelles… Arriver à objectiver ce type de situations, constituerait un outil central pour élaborer l’avenir. Aura-t-on les moyens de le faire ? C’est une autre question ! Derrière tout cela, une des raisons qui m’ont poussée à briguer la fonction que j’occupe aujourd’hui tient dans l’interrogation ou plutôt le challenge suivant : est-ce que, en

cette période où tout un chacun est en recherche de références, de repères, de sens - ce qui fonde d’ailleurs en partie le regain du religieux - la laïcité peut-elle apporter des réponses significatives ? Car nous vivons une période très paradoxale sur ce plan. Par exemple, il est fait état dans un sondage récent de ce que plus de 50% de Belges se déclarent catholiques, mais, parmi ceux-ci, 31% se disent non-croyants ! Où est-on et de quoi parle-t-on ? Parle-t-on d’une culture X, Y à propos du catholicisme ? Les gens ne se définissaient pas comme ça auparavant et c’est sans doute un fait nouveau. Tout comme nous nommons « arabo-musulman », tout marocain d’origine ! En revanche, sommes-nous en mesure d’offrir aux citoyens qui affirment telle ou telle conviction, non seulement des lieux mais aussi des espaces/temps où il est possible de vivre des passages de vie importants, comme la naissance, la puberté, le mariage, le deuil, avec des rites qui ne soient pas figés et où les familles, les personnes concernées peuvent vraiment s’investir selon leur désir et leurs possibilités. Rien ne me terrorise plus que de remplacer un rite par un autre sans qu’il ne fasse sens pour les personnes concernées. J’ai donc envie de m’investir dans la «commission cérémonies » du CAL. Sans doute, aussi, parce que je l’ai vécu personnellement lors de deuils dans ma famille où j’ignorais que je pouvais « faire appel ». J’ai dû improviser totalement et j’en ai été très heureuse. Mais l’un ou l’autre coup de main n’aurait vraiment pas été négligeable !

CALepin : Tu évoques là, à travers un exemple en particulier, la fonction de la diffusion d’informations par le CAL et par rapport à laquelle un certain déficit peut exister. Quelles seraient les actions à promouvoir à ce niveau ?

d’être le cas. Et même par rapport à ceux qui ont été gagnés, il importe de rester vigilant aux plans belge et européen pour qu’ils ne soient pas détricotés dans la loi ou dans la pratique. CALepin : Tu penses à l’avortement, j’imagine ?

Eliane Deproost : Déjà donner à voir l’ensemble de l’action qui est menée devrait permettre à beaucoup de citoyens et de citoyennes qui ne nous connaissent pas du tout, d’avoir des représentations mentales, des images de ce qu’on fait et donc, par là, de qui on est. C’est un pan tout à fait important et qui parlera peut-être plus à une partie de la population que de grands discours. Ceci étant, sur la question des « grands discours », il est vrai que prendre position pour se réjouir de telle avancée législative, de tel événement est et restera fondamental. Il faut que l’on continue à réagir, comme on l’a fait, par exemple, aux propos de Monsieur Léonard. Mais, idéalement, cette réaction devrait être suivie, dans les 15 jours, d’une autre prise de position sur un sujet d’actualité, où par ailleurs, on soulignerait les avancées éthiques qu’aurait fait le dernier gouvernement... On doit être à la fois, dans des revendications/réactions parce que le combat n’est pas terminé, mais aussi dans des paroles positives, soit sur ce qu’on fait, soit sur ce que d’autres ont fait, en étant en alerte sur ce qui se passe dans la société, pour « les gens ». Au sein de la population qui a une image de la laïcité « organisée » associée à des combats éthiques, beaucoup pensent que ces combats sont terminés, ce qui est loin

Eliane Deproost : Je pense à l’avortement, bien sûr. Mais je pense aussi à l’euthanasie pour laquelle il reste beaucoup à faire. Entre la loi et la pratique il y a une marge. Pour ma part je dénonce avec beaucoup de vigueur le fait qu’il est, quasiment partout, y compris dans nos hôpitaux publics, impossible d’en parler. C’est vraiment le plus douloureux. Ce n’est même pas le fait d’agir, de passer à l’acte: c’est le fait d’être considéré comme un conjoint, un parent indigne quand on pose une question ! C’est insupportable. Cette revendication, qu’une parole sur la fin de vie ne soit plus taboue, est essentielle. Ma grande découverte dans les régionales, c’est que tous les sujets de société, la précarité, le logement, l’interculturalité, la question des drogues, de l’enfermement, ... nous concernent. On pourrait très bien estimer que « laïcité = questions éthiques » et se limiter à cette sphère. Mais il y a quelque chose dans l’histoire du CAL qui a fait que les bénévoles comme les professionnels se sont emparés, sous des formes diverses, de tout ce qui fait le bien-être des hommes, des femmes et des enfants de ce pays et d’ailleurs. On doit aussi avoir un discours laïque proactif, pas seulement sur les questions philosophiques mais aussi au travers

« Est-ce que, en cette période où tout un chacun est en recherche de références, de repères, de sens, la laïcité peut-elle apporter des réponses significatives ?»

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fraternité, … tout en étant sans conviction religieuse, s’interroger sur la spécificité de notre action est donc fondamental. D’autant que l’action des régionales est très diversifiée : les unes sont plus centrées sur l’interculturel, d’autres sur les sans abris, les troisièmes sur les sans papiers ou sur la lutte contre l’extrême droite... L’ensemble forme un puzzle magnifique !

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