Najia Mehadji. La trace et le souffle (extrait)

Page 1

Najia Mehadji

La trace et le souffle

Najia Mehadji

La source plurielle à laquelle puise Najia Mehadji, irriguée de ses racines occidentales et orientales, est contemplation, union du corps et de l’esprit, vérité, passage de témoin, expression pure. Le corps est là, dans la voix, le geste, le souffle. Ses mouvements, son échelle, donnent aux premiers dessins la trace de leur gestuelle, un élan, une construction, un espace. La pensée ne lui est pas étrangère ou extérieure, elle ne fait qu’un avec ce corps qui est bien plus qu’une enveloppe. Le corps et l’esprit sont réunis sous le dôme ou la coupole rassembleuse, unificatrice, résonnante d’un message humaniste devant l’Histoire et ses turpitudes. Coupole ou voûte céleste peu importe, le ciel ou son symbole, la transcendance ou l’icibas... la force du symbolique imprègne le vocabulaire de l’artiste. La géométrie, l’architecture, l’arborescence, le flux, le ressac expriment son rapport à l’infini.

La trace et le souffle

978-2-7572-1409-1

Spring Dance, 2011 Acrylique sur toile 200 ∞ 270 cm

Mehadji_couve_29-05.indd 1

25 €

Pascal Amel est romancier, écrivain d’art, co-fondateur de la revue Art Absolument. Il vit entre Paris et Essaouira (Maroc) depuis une trentaine d’années. En 1998, il fonde, à Essaouira, avec Abdeslam Alikane, le Premier festival de la culture des Gnaouas qui, depuis, a lieu tous les ans. En 2011, il est le commissaire de l’exposition « Paris et l’art contemporain arabe » (Villa Emerige, Paris) qui a également été présentée à Beyrouth, à Sanaa et à Rabat. En 2017, il inaugure Planet Essaouira, studio d’enregistrement et de création musicale installé à Essaouira. Il est l’auteur de Paul Gauguin, portrait de l’artiste en prophète bénéfique, de Rembrandt, L’humanité et d’El Gréco, le corps mystique de la peinture – tous trois aux éditions du Regard. Christine Buci Glucksmann, normalienne, est philosophe et spécialiste de l’esthétique. Elle est co-fondatrice du Collège international de philosophie où elle est directrice de programmes. Elle a été, jusqu’en 2002, Professeur émérite à l’Université Paris 8 (« Esthétique et art plastique »), où elle dirigeait un Séminaire de recherches sur « L’esthétique et l’antiesthétique dans les arts contemporains ». Elle a également enseigné à l’Université Todai à Tokyo. Elle est l’auteur d’une œuvre importante, avec la publication depuis 1970 de plus d’une trentaine d’ouvrages et de nombreux articles publiés en France et à l’étranger, ainsi que des contributions pour des catalogues d’exposition. Parmi ses plus récentes publications citons notamment Esthétique de l’éphémère (Galilée, 2005), Philosophie de l’ornement. D’Orient en Occident (Galilée, 2008), Les Voix de l’Orient. Le livre du Père (Galilée 2014). Mohamed Rachdi est un artiste plasticien et commissaire d’expositions. Docteur en Art et Sciences de l’art (Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et chercheur universitaire, il est le fondateur du RARE (Réseau d’art, recherche et essai). Il vit et travaille à Casablanca. En tant qu’artiste, il a réalisé de nombreuses expositions individuelles et participé à plusieurs expositions collectives au Maroc et à l’étranger. Il est responsable du Mécénat Culturel de la Société Générale Maroc à Casablanca. Nathalie Gallissot, conservatrice en chef du patrimoine, dirige le musée d’art moderne de Céret depuis 2012. Elle a réalisé des expositions monographiques consacrées à Antoni Tàpies (2012), Miquel Barceló (2013), Miguel Chevalier (2014), Jaume Plensa (2015), Maria-Helena Vieira da Silva (2016). Elle a présenté quatre œuvres de Najia Mehadji lors de l’exposition thématique sur les relations entre art et tauromachie « Le peintre et l’arène », en 2014. Pour la préparation de cette exposition, elle a rencontré Najia Mehadji à plusieurs reprises dans les ateliers parisien et marocain de l’artiste, et a mis en forme un entretien, reflet de leurs conversations.

29/05/2018 16:12


Le musée d’Art moderne de Céret

Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art

Établissement public de coopération culturelle bénéficiant du soutien de la région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée, du département des PyrénéesOrientales et de la ville de Céret

Directeur éditorial Nicolas Neumann Responsable éditoriale Stéphanie Méséguer

Hermeline Malherbe-Laurent, présidente du département des Pyrénées-Orientales, présidente du musée d’Art moderne de Céret

Coéditions Jean-Louis Fraud

Carole Delga, ancienne ministre, présidente de la région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée

Coordination éditoriale Alexandra Létang

Alain Torrent, maire de Céret, vice-président du musée d’Art moderne

Conception graphique Larissa Roy

Direction, conservation Nathalie Gallissot Administration générale Jessica Moreno, Lydia Fons

Contribution éditoriale Laurence Cénédèse Fabrication Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros

Documentation, coordination des expositions et régie des œuvres Aude Marchand Documentation, communication, suivi d’édition Julie Chateignon Graphisme, suivi de scénographie Étienne Sabench Médiation culturelle Peggy Merchez, Rachel Banares, Alexandra Bravo Administration, comptabilité, secrétariat Sylvie Oms, Jeannette Marti, Mélanie Poullain Accueil du public Marie-Line Raynaud et l’équipe d’accueil et de gardiennage Boutique du musée Larraitz Ibanez Sagardoy et l’équipe d’accueil Montage Jean-Marc Mion, Jean-Luc Punset, Nicolas Joly

978-2-7572-1401-9 Dépôt légal : juin 2018 Imprimé en Union européenne © Somogy éditions d’art, Paris, 2018 © Musée d’Art moderne de Céret, Céret, 2018

NMehadji-25-05.indd 2

04/06/2018 17:58


Najia Mehadji

La trace et le souffle

NMehadji-25-05.indd 3

29/05/2018 13:40


4

NMehadji-25-05.indd 4

29/05/2018 13:40


Remerciements Ce catalogue accompagne l’exposition « Najia Mehadji – La trace et le souffle » présentée au musée d’Art moderne de Céret, du 30 juin au 4 novembre 2018.

d’enregistrement et de création, Essaouira, Maroc). Merci aux musiciens et à Pascal Amel, fondateur du festival de musique gnaoua qui se tient chaque année à Essaouira.

Commissariat de l’exposition : Nathalie Gallissot, conservatrice en chef, directrice du musée d’Art moderne de Céret, en dialogue avec l’artiste.

Merci enfin aux personnes qui nous ont conseillés et qui ont contribué à la conception de l’exposition et du catalogue : Éric Delpont, directeur, et Djamila Chakour, chargée de collections et d’expositions, département musée de l’Institut du monde arabe ; Yannick Lintz, directrice générale du patrimoine, et Monique Buresi, documentaliste, département des arts de l’Islam, musée du Louvre ; Claire Bernardi et Élise Dubreuil, conservatrices, musée d’Orsay ; père Étienne Lafaye, curé de la communauté de paroisses Saint-Ferréol du Bas Vallespir ; Anne Rivière ; Sylvia Beder (agence Beder Communication Culture, Paris) ; Mahala Alzamora et Patricia Fernández-Deu (agence Mahala, Barcelone) pour la communication de l’exposition ; Jean-Louis Losi, photographe ; Laurent Moulager, dont les photographies en ateliers sont publiées dans le présent catalogue et dans l’exposition.

Coordination : Aude Marchand et Julie Chateignon, assistantes principales de conservation au musée d’Art moderne de Céret. L’exposition s’est construite en constant et fécond dialogue avec Najia Mehadji, qui nous a ouvert les portes de ses ateliers à Ivry-sur-Seine et non loin d’Essaouira, présenté l’ensemble de son œuvre, livré ses sources d’inspiration et son mode de création. Nous lui exprimons toute notre gratitude, ainsi qu’à Pauline Mirete, son assistante. Nous remercions tout particulièrement les auteurs du catalogue, qui ont apporté leur vision et leur grande connaissance de l’œuvre de l’artiste au travers de textes originaux : Pascal Amel, Christine BuciGlucksmann et Mohamed Rachdi. Les Éditions du Regard nous ont permis de publier un extrait du livre de Pascal Amel, El Greco – Le corps mystique de la peinture, paru en mars 2018. Qu’elles en soient remerciées. Enfin, nous savons gré aux responsables des institutions suivantes de nous avoir accordé le prêt d’œuvres qui ont sensiblement enrichi le parcours de l’exposition : Centre Georges-Pompidou, musée national d’Art moderne/Centre de création industrielle, Paris Musée d’Orsay, Paris Musée des Arts décoratifs, Paris Musée de l’Institut du monde arabe, Paris L’Observatoire de Paris, Bibliothèque Musée Camille-Claudel, Nogent-sur-Seine Musée national de la Renaissance, Château d’Écouen L’Institut Lumière, Lyon Galerie Claude Lemand, Paris La Ville de Maureillas et son maire, André Bordaneil, La Paroisse Saint-Ferréol du Bas Vallespir Danish Film Institute, Copenhague Ainsi qu’aux particuliers ayant souhaité garder l’anonymat. Le film qui accompagne l’exposition a été réalisé par Brigitte HuaultDelannoy. Un remerciement chaleureux à la réalisatrice et à Bruce Frankel, à la caméra.

L’exposition sera présentée au printemps 2019 à la Villa des Arts de Rabat et à la Villa des Arts de Casablanca, deux lieux d’exposition sous l’égide de la Fondation Ona. Nous exprimons notre gratitude au Président de la Fondation Ona, M. Hassan Bouhemou, ainsi qu’à Meryem Mouline, secrétaire générale. La galerie L’Atelier 21 de Casablanca présente régulièrement le travail de Najia Mehadji. Nous remercions Aïcha et Nadia Amor ainsi qu’Aziz Daki, co-directeurs de la galerie. Le musée d’Art moderne de Céret est un établissement public de coopération culturelle bénéficiant du soutien de la région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée, du département des Pyrénées-Orientales et de la ville de Céret, ses collectivités fondatrices et financières. Le musée bénéficie ainsi de l’appui constant de personnes et institutions sans lesquelles cette exposition n’aurait pu voir le jour : Hermeline Malherbe-Laurent, présidente du département des Pyrénées-Orientales, présidente du musée d’Art moderne de Céret ; Carole Delga, ancienne ministre, présidente de la région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée ; Alain Torrent, maire de Céret, vice-président du musée d’Art moderne de Céret ; les membres du conseil d’administration ; l’association des Amis du musée d’Art moderne de Céret, Joël Mettay, président. Le musée bénéficie également du soutien de : la préfecture de la région Occitanie et de la Direction régionale des affaires culturelles de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, Laurent Roturier, directeur, Sophie Feret, conseillère musées.

La musique gnaoua est une source d’inspiration pour plusieurs tableaux de Najia Mehadji présentés dans l’exposition. La musique diffusée dans l’exposition est « Foulani Soudani » de Mohhtar Gania et Africa Gnawa Expérience (produit par Planet Essaouira, studio Najia Mehadji, avril 2018 Atelier Lamssasa, Essaouira Photographie Laurent Moulager

NMehadji-25-05.indd 5

5

29/05/2018 13:40


6

NMehadji-25-05.indd 6

29/05/2018 13:40


Sommaire

8

Prologue Nathalie Gallissot

12

Entretien Najia Mehadji – Nathalie Gallissot

24

De l’espérance Pascal Amel

28

L’Espolio d’El Greco Pascal Amel

30

La voie des fleurs Christine Buci-Glucksmann

36

Najia Mehadji, la puissance de la danse à l’œuvre Mohamed Rachdi

42–149

CATALOGUE DES ŒUVRES

150–159

ŒUVRES EN REGARD

160–165 163 163 164 165

ANNEXES

Biographie Bibliographie Expositions collectives Expositions personnelles

Najia Mehadji, avril 2018 Atelier Lamssasa, Essaouira Photographie Laurent Moulager

NMehadji-25-05.indd 7

7

30/05/2018 17:41


Prologue

Nathalie Gallissot

Découvrir le travail de Najia Mehadji, connaître ses sources d’inspiration, parcourir les différentes techniques et thématiques qui composent une œuvre dont cette rétrospective a l’ambition d’être le reflet le plus complet possible, constitue une expérience d’une grande intensité visuelle, esthétique, philosophique, personnelle, intérieure. La première réaction devant les grands tableaux, les plus éclatants, conçus à l’échelle humaine – celle de l’artiste comme du spectateur –, est le plus souvent un silence, en réponse et en hommage à l’harmonie et à la beauté. L’émotion devant la beauté du monde, comme devant celle d’innombrables œuvres d’art du patrimoine de l’humanité, est à la fois la source et l’accomplissement de l’art de Najia Mehadji. C’est dans la contemplation de l’architecture, du monde végétal, de la mer, de la peinture, de la sculpture, de la danse, que Najia a puisé son énergie, son engagement, son langage pictural. Les auteurs et penseurs de la beauté disent d’une même voix combien son apparition est liée à la bonté, à la pureté, à l’empathie, à la noblesse et à la sincérité de l’engagement qui préside à l’acte créateur, comme au regard sur l’œuvre posé. S’il n’est pas toujours fait référence au sacré, au sens religieux du terme, la notion de transcendance est le plus souvent présente. Dostoïevski : « C’est la beauté qui sauvera le monde1 » ; Simone Weil : « Le beau est le nécessaire, qui, tout en demeurant conforme à sa loi propre et à elle seule, obéit au bien 2 » ; François Cheng : « La vraie beauté ne réside pas seulement dans ce qui est donné comme la beauté ; elle est presque avant tout dans le désir et dans l’élan. Elle est dans un advenir, et la dimension de l’esprit ou de l’âme lui est vitale3 ». La source plurielle à laquelle puise Najia Mehadji, irriguée de ses racines occidentales et orientales, est contemplation, union du corps et de l’esprit, vérité, passage de témoin, expression pure. Le corps est là, dans la voix, le geste, le souffle. Ses mouvements, son échelle, donnent aux premiers dessins la trace de leur gestuelle, un élan, une construction, un espace. La pensée ne lui est pas étrangère ou extérieure, elle ne fait qu’un avec ce corps qui est bien plus qu’une enveloppe. Le corps et l’esprit sont réunis sous le dôme ou la coupole rassembleuse, unificatrice, résonnante d’un message humaniste devant l’Histoire et ses turpitudes. Coupole ou voûte céleste peu importe, le ciel ou son symbole, la transcendance ou l’ici-bas... la force du symbolique imprègne le vocabulaire de l’artiste. La géométrie, l’architecture, l’arborescence, le flux, le ressac expriment son rapport à l’infini.

8

NMehadji-25-05.indd 8

Sorties de terre, dépouillées de leurs oripeaux biologiques – tiges, feuilles –, les fleurs prennent elles aussi une dimension cosmique. La dualité est présente comme dans toute évocation aspirant à une transcendance. La pivoine, symbole de l’éphémère par excellence, épanouissement de chair offerte aussitôt vouée à sa fin, éclate de couleur, de cette sensualité poudreuse du bâton de peinture à l’huile comme écrasé sur une toile brute, pour devenir fleur de cendre – et de lumière – sur un dessin au graphite. La traditionnelle

29/05/2018 13:40


vanité de l’histoire de l’art n’a plus besoin d’accessoire ou d’anecdote, pas de crâne, d’insecte, de vers : juste la couleur, la matière, les moyens de la peinture et du dessin. Car la peinture parle d’elle-même, elle est langage, au-delà de toute représentation ou mimêsis. L’indicible est son domaine, qui s’exprime si bien dans les volutes, plis, drapés, circonvolutions, enroulements... Autant de titres croisés dans l’exposition. Najia Mehadji rêvait d’une histoire de l’art écrite à partir de ces seuls signes. Elle s’est emparée d’eux pour nous conduire aux portes de l’indicible et au cœur de la peinture. Le soufisme est la source philosophique et spirituelle du travail de l’artiste, dont les créations répondent en écho au tournoiement extatique des derviches tourneurs, à la danse de Loïe Fuller ou à La Valse de Camille Claudel. Dans la collection du musée, l’artiste a choisi un dessin de Picasso, La Sardane de la paix. Une danse pour le bien de l’humanité. Peintre corps et âme, Najia Mehadji suit la course des étoiles, l’éclosion des fleurs, le plissement des drapés, le mouvement de la danse ou l’ondulation de la vague. Elle nous offre en retour un tableau statique, plan, fixe, aux propriétés hypnotiques : « La beauté : un fruit qu’on regarde sans tendre la main 4 » (Simone Weil).

• 1 Dostoïevski, L’Idiot, Gallimard, 1868. • 2 Simone Weil, La Pesanteur et la Grâce, Paris, Librairie Plon, 1947, p. 168. • 3 François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, Paris, Albin Michel, 2006, p. 36. • 4 Simone Weil, op. cit., p. 170.

Pablo Picasso Sardane de la Paix, 20 sept. 1953 Encre noire sur papier vélin 48,8 ∞ 63 cm Don de la Section du Parti Communiste Français Céret, musée d’Art moderne

NMehadji-25-05.indd 9

9

29/05/2018 13:40


10

NMehadji-25-05.indd 10

29/05/2018 13:40


Najia Mehadji, avril 2018 Atelier Lamssasa, Essaouira Photographie Laurent Moulager 11

NMehadji-25-05.indd 11

29/05/2018 13:40


12

NMehadji-25-05.indd 12

29/05/2018 13:40


Entretien

Najia Mehadji – Nathalie Gallissot

Cet entretien est le fruit des longues conversations que nous avons eues à ton atelier parisien lors des premières séances de travail, en vue de la préparation de l’exposition ; et dans ta résidence/atelier marocaine, située à l’intérieur des terres, à une vingtaine de kilomètres d’Essaouira, où je suis venue passer quelques jours, et assister à la création d’un tableau de la série des Vague : un thème qui t’habite depuis l’adolescence et qui constitue ton actualité de peintre depuis plusieurs mois. Nous avons bien sûr commencé à parler de ta jeunesse, des années de formation, qui sont la source d’intérêts et de pratiques que tu as développées au fil du temps. Le corps, le geste sont une composante de ton art évidente pour qui te regarde peindre. Cette implication du corps dans son entier – tu t’es beaucoup intéressée à la voix – trouve son origine dans certaines expériences de ta vie d’étudiante à Paris dans les années 1970-1980. J’étais inscrite au Département théâtre de la faculté de Vincennes, et j’ai appris la technique de la peinture dans différents ateliers aux Beaux-Arts dans le cadre d’une maîtrise d’art plastique à Paris I. À côté de ces ateliers étaient proposés des cours d’esthétique, d’histoire de l’art, mais également des approches expérimentales dans le domaine du théâtre, où j’ai d’abord suivi un cours centré sur le geste. C’était l’époque du théâtre expérimental, de Grotowski, de Peter Brook, du Living Theatre, une époque d’une très grande créativité et d’une ouverture sur des cultures non européennes, le théâtre Nô, le zen, d’autres modes d’expression. Des gens, venus de tous les horizons, s’investissaient dans la recherche d’une unité entre le corps et l’esprit, qu’ils découvraient dans les cultures orientales. C’est un domaine qui m’a passionnée et fait résonner en moi, ayant grandi dans une double culture – française par ma mère, marocaine par mon père –, un écho particulier. Ces pratiques se caractérisaient par une grande « pauvreté », une économie de moyens dirait-on aujourd’hui. Lors de l’un de ces cours, il nous était demandé de courir jusqu’à une grande feuille de papier où nous devions, au fusain, tracer un geste avec la plus grande spontanéité possible. Lors d’un autre exercice nous était donnée une feuille entièrement noire de fusain, que nous gommions pour révéler la trace des gestes des acteurs. Retrouver l’énergie, l’essence du mouvement de ces acteurs qui n’avaient pas de texte ou si peu, qui évoluaient en fonction des résonateurs de la voix, sans décor, sans costume, et la restituer en noir et blanc sur des dessins apparaissant comme des diagrammes constituaient une expérience nouvelle, révélatrice d’une grande spontanéité, et en cela d’une vérité.

Tes premiers dessins ont été publiés dans la revue Sorcières, créée en 1975 par Xavière Gauthier, une revue littéraire et féministe dont le sous-titre, « Les femmes vivent », reflète bien l’esprit de l’époque. Un peu plus tard, en 1980, tu obtenais ton premier atelier, près du canal de l’Ourcq à Paris, que tu occuperas une dizaine d’années, et qui sera détruit en 1990 par un incendie. Najia Mehadji, avril 2018 Atelier Lamssasa, Essaouira Photographie Laurent Moulager

NMehadji-25-05.indd 13

Ces dessins qui, pour certains, ont fait la couverture de la revue, ont été sauvés de l’incendie grâce, entre autres, à Anne Rivière qui en avait acquis. J’étais très jeune lorsque ces dessins ont été publiés et cela a été d’un grand soutien. Démunie à l’époque, je

13

29/05/2018 13:40


24

NMehadji-25-05.indd 24

29/05/2018 13:41


De l’espérance Pascal Amel

Le ciel métaphysique est vide depuis que, nous autres, les orphelins de Dieu des sociétés modernes – du moins ce que les hommes appellent Dieu – sommes plombés par une chape d’angoisse existentielle qui nous afflige d’une conscience d’autant plus douloureuse qu’elle sécrète le tourment de la mort inéluctable. Bien que l’évolution vitale des espèces, avec l’avènement graduel de la pensée qui nous permet de choisir et d’être davantage libres de nos actes, ressemble à s’y méprendre à un programme efficace, hormis notre propre précarité, nous doutons de tout. Il arrive, cependant, que le songe devienne réalité : chaque fois que la sensation de la grande durée – la preuve véridique par la perception – s’inscrit en nous, elle nous délivre du funeste, le surgissement de la vie y semble inhérent, l’invention sans cesse renouvelée, le flux du temps comme porteur de création et d’avenir. Surtout, lorsque les portes de la perception s’ouvrent, la matière et l’immatériel nous semblent intimement reliés : l’euphorie nous transporte lorsque nous vivons l’expérience salvatrice que l’illimité s’incarne dans le limité. Comme les anthropologues l’ont démontré, depuis la nuit des temps, outre la main fabricatrice et fabulatrice qui distingue l’espèce humaine de l’animalité, celle-ci enterre systématiquement ses défunts dans des sites consacrés qu’elle voue au hors temps. Quels que soient l’époque et le lieu, il s’avère que, dès qu’il émerge en tant que tel, l’être humain n’a eu de cesse de vouloir s’affranchir des bornes de la mort individuelle au bénéfice de ce qui l’excède. Inhérente à ses croyances symboliques ou à ses mythes fondateurs, à ses espérances eschatologiques ou à ses utopies radieuses, n’importe, la quête de « l’éternité » demeure le plus profond désir de l’être. Chimère surgie de l’effroi de l’inexorable, toxique hallucinatoire, obscurantisme de la pensée, décrète le nihilisme contemporain. Pour ses déceptifs, tout est vanité, déréliction, non-sens, l’homme pour toujours condamné à la malemort et aux sempiternelles tragédies de l’Histoire, aux illusions de l’imaginaire et aux leurres de la subjectivité ; en réalité – objectivement : cyniquement, analysent-ils – seuls prévalent les rapports de force, le primat de la stratégie et de la ruse, l’obtention des biens éphémères de ce monde, l’obsession de la réussite et la boursouflure de l’ego, bref ce qui compte, pour eux, c’est, qu’on le veuille ou non, l’adaptation maximale à la courte vue – « terre à terre » – dans le but pratique de survivre aux inévitables aléas de l’existence. Face au refus obstiné de notre époque d’accorder crédit à une quelconque transcendance, comment, dans notre monde d’aujourd’hui apparemment déchu, réifié, comment, lorsqu’on est artiste, faire advenir ce qui est plus durable et plus intense que soi-même ? Le capter ? Le conserver ? S’en faire le témoin ? Le transmettre ?

Najia Mehadji Drapé (d’après L’ Espolio du Greco), 2012 Acrylique sur toile 190 ∞ 165 cm

NMehadji-25-05.indd 25

On sait que, pour produire un « cosmos » du chaos qui nous environne, il ne faut pas seulement un corps, mais un point de vue spécifique. Une vision. Ou plus précisément, la vision, qui procède de la conscience de notre vulnérabilité, émergera à la condition sine qua non que, à force de grande patience, à force d’exigence et de dépouillement, nous cherchions inlassablement à atteindre le noyau dur qui nous constitue. L’irréductible est

25

29/05/2018 13:41


Le Greco L’ Espolio, Le Partage de la tunique du Christ (1577-1579) Cathédrale Sainte-Marie de Tolède Huile sur toile de lin 285 x 173 cm Cabildo Primado, Tolède

28

NMehadji-25-05.indd 28

29/05/2018 13:41


L’Espolio d’El Greco Pascal Amel

Extrait d’El Greco - Le corps mystique de la peinture, éditions du Regard, mars 2018.

Sur une toile de grand format, Doménikos Theotokópoulos – dit El Greco – décide de peindre le Vulnérable à la dimension de l’homme de chair et de sang qu’il fut avant d’être le Ressuscité. Il l’érige conceptuellement et physiquement : plus de perspective, mais un fond et une surface qui sont si intimement mêlés qu’on les croirait plaqués à même une paroi de glace bleuie. Son pinceau peinturlure une houle rageuse de quidams issue des ténèbres oppressantes, de l’abîme des bourreaux aux trognes patibulaires attestant un monde sans grâce – déchu. Brosse le miroir de la foule malveillante qui désigne à la vindicte celui qui n’est qu’un blasphémateur puisqu’il ose se proclamer le Fils de Dieu, quelques-uns tournés vers nous, l’un d’eux allant jusqu’à nous interpeller (car, bien entendu, ces tristes mortels, ces gueules d’infamie : c’est nous) ; tous – les quidams – couronnés du plumet d’arrogance de leurs casques, les hampes à la verticalité virile de leurs armes d’hast pareilles à des instruments de torture, la plupart bardés de couleurs humorales, abjectes, qui le cernent mais paradoxalement, comme par contraste – par soustraction ? –, sa beauté et sa bonté d’autant plus rehaussées de leur absence d’âme. Suspend la paume de suavité ouverte du Rédempteur – sa main de bénédiction – avec, sous elle, à l’avant-plan, courbé sur sa tâche obtuse, l’artisan responsable mais non coupable, puisqu’il ne fait que se soumettre à ce que la puissance temporelle lui a dicté de faire (l’amorce de l’un des trous de la croix où clouer Notre Seigneur). En contrebas, de dos ou profilées dans le rôle de personnages qui nous introduisent à la scène sacrilège, l’observent avec angoisse les trois Marie, les trois fidèles, les trois aimantes, les Saintes pleureuses ; et, au-dessus de la ligne haute du surplis jaune et écru de l’artisan et des têtes du trio des Marie, un hidalgo taciturnement cuirassé, et un vil tourmenteur qui appose ses poignes d’ignominie contre la tunique. Surmontant l’effroi de son sacrifice, le sang de l’agneau est le prix à payer pour racheter celui de la meute des loups, Lui, tel un cœur dilaté ou une flamme incarnate qui pulse contre l’obscur de la foule hideuse de ses bourreaux. Lui, non plus héroïque à l’instar de l’idéalisation de la Renaissance mais indivisible – présent : unique –, le visage de grâce lumineuse et le regard embué de larmes levés vers l’au-delà qui perçoivent ce que nous ne pouvons voir avec nos yeux de chair. Lui, ou plutôt l’amplitude de sa chasuble coruscante à la fois viscérale et onctueuse embrasée au sein de ses plis. Lui, notre bel et doux Seigneur, capte le flux de la vitalité qui jamais ne meurt : nous sommes le Christ souffrant, mais le Christ ressuscité est en nous. C’est un coup de foudre pictural. Un bloc d’énergie matérielle et immatérielle. Une plongée au cœur des pulsions intérieures sublimées par l’esprit de la vie. Une œuvre mythique et mystique. Efficace et véridique. De la peinture « pure » pour ceux qui l’éprouvent…

29

NMehadji-25-05.indd 29

29/05/2018 13:41


NMehadji-25-05.indd 30

29/05/2018 13:41


La voie des fleurs Christine Buci-Glucksmann

« When I spoke of flowers I am a flower » O’Keeffe

« Quand je parle de fleurs, je suis une fleur » : c’est en ces termes qu’O’Keeffe « peint » sa relation éblouie aux fleurs dans un devenir-fleur qui l’a habitée toute sa vie. Et elle ne fut pas seule : Manet, Monet, Matisse, Kiefer, Warhol, Anne et Patrick Poirier, Cy Twombly, Araki, et bien d’autres ont trouvé dans le floral ce « grand regard » cher à Rilke. Un regard tour à tour épanoui de beauté, ou attristé, comme dans les fleurs du deuil des natures mortes ou dans les fleurs du vide du Nô japonais. C’est précisément cette « voie des fleurs » qu’a emprunté Najia Mehadji durant presque dix ans, du Végétal aux Pivoine, des Arborescence (2001) aux nombreuses Fleur de grenade, des Fleur/Flux (2005) à la série des Vanité (2007), des War Flower hantées par Goya aux fleurs numériques : tout un itinéraire de dessins, de courbes, de plissés d’enroulements et de déroulements colorés, qui donneront naissance ultérieurement aux séries Volute, Drapé, Arabesque et Mystic Dance. Je me souviens de ces fleurs si variées, celles de l’atelier d’Essaouira avec ses verrières ouvertes sur une allée de palmiers ou celles de l’atelier d’Ivry-sur-Seine, toujours entre deux cultures. Celles du Maroc et de la France, de l’Orient et l’Occident. Je me souviens tout particulièrement de ce triptyque symbolique, Fleurs d’Orient (2008), avec son déploiement de pétales noirs plissés sur ce turquoise lointain que l’on retrouvera dans de nombreuses Vanités. Mais pourquoi toutes ces séries et ce « devenir-fleur » qui dessinent peu à peu l’écoulement du temps et la fragilité de toutes choses ? Un deuil initial, et une longue exploration de la vie, de son épanouissement, de ses flétrissures et de ses violences. Vous pénétrez dans le musée d’Art moderne de Céret, et là vous êtes saisi et comme happé dans le mouvement dansé et enroulé sur soi de cette Spring Dance rouge, réalisée en 2011, au moment du Printemps arabe. Et vous quitterez la dernière salle sur d’autres danses, les immenses Mystic Dance des derviches tourneurs inspirées par Rûmî. Entre ces danses, leur rythme coloré et leur tempo, d’autres épanouissements gestuels, d’autres plissés et d’autres explorations du trait et de la couleur : le « devenir-fleur » de Najia Mehadji.

Najia Mehadji Fleur de pavot, 2005 Aquarelle sur papier 29 x 19,5 cm

NMehadji-25-05.indd 31

Au départ un seul trait ou plutôt un seul geste continu : celui à la craie grasse sur le papier, puis la toile. Des grands formats (2 mètres), un plan frontal sans perspective, une ligne courbe et modulée : les fleurs surgissent en leur quasi hors-temps, comme immobilisées par un regard qui vous fixe. Car toutes les lignes épurées par le geste relèvent alors de cet « espace lisse » qui laisse apparaître le vide immanent d’une abstraction florale ambiguë. Comme si ces fleurs de grenade, originaires d’Orient, retrouvaient le pouvoir de rayonner à partir du vide dans l’entre-deux de la figure et de l’abstraction propre au primat du dessin. Et puis, avec le temps, ces fleurs du dessin se métamorphosent peu à peu. Le fond blanc de la toile devient éclatant de couleur, souvent rouge vif ou turquoise. Et surtout

31

29/05/2018 13:41


36

NMehadji-25-05.indd 36

29/05/2018 13:41


Najia Mehadji

La puissance de la danse à l’œuvre Mohamed Rachdi

Casablanca, mars 2018.

L’acte de dessiner et de peindre, comme celui de danser, est une expression fondamentale et naturelle. Depuis la nuit des temps, depuis que l’homme s’est distingué par son expression culturelle des autres espèces, il en est toujours ainsi. Au travers de cette expression, l’homme véhicule ses émotions, ses désirs et ses plaisirs, les interrogations essentielles qui le préoccupent, bref, la complexité physique et métaphysique de la vie en ce qu’elle dynamise et le corps et l’esprit. Dans les grottes préhistoriques, des humains (plus précisément des femmes, nous disent certains chercheurs) peignaient sur les parois pariétales les mouvements des silhouettes animales aux rythmes de la danse des ombres portées produites par celle des sources ignées. Dès l’aube de l’humanité, donc, l’énergie de la torche à la flamme dansante, sans doute accompagnée de musique et de chant, générait un spectacle de danse qui fonde la dynamique de l’acte de dessiner et de peindre. Dessiner, peindre, faire danser lignes et couleurs, ombres et lumières, c’est ce qui animera en permanence la démarche créative de Najia Mehadji qui est fondée sur le mouvement, depuis la série intitulée Icare jusqu’à celles d’aujourd’hui, Fleur/Flux, Arborescence, Vanité, Pivoine, Éros et Thanatos, Volute, Spring Dance, Drapé, Enroulement, Blue Wave, Gnawa Soul, Sublimation, Arabesque..., y compris dans les œuvres en référence à l’architecture qui ne célèbrent nullement le statique, mais bien la dynamique. C’est que l’artiste n’a jamais été en réalité attirée par la fixité et le statisme. Ni capture du réel en représentations immuables, ni échafaudage de pures compositions abstraites stables ne l’intéressent. Ce qui la préoccupe au plus haut point, c’est de laisser plastiquement s’écouler l’énergie vibratoire sur les territoires de ses œuvres, toujours sobres et minimalistes, qui semblent défier toute pesanteur, se déployant, se pliant et se dépliant, pour se replier avant de se déplier à nouveau en étendues flottantes où évoluent des rythmes ondulatoires, tels de légers étendards que module sans cesse le souffle d’une subtile brise.

Najia Mehadji Danse mystique, 2002 Aquarelle sur papier 28,5 x 38 cm chaque

NMehadji-25-05.indd 37

Énergie, vibration, rythme et modulation, c’est ce qui fascine Najia Mehadji. Ce sont les fondements mêmes de la danse, laquelle s’enracine dans la célébration de la vie et de ce qu’elle a du divin. Du micro au macro (et l’artiste est portée par la croissance des plantes, l’ouverture d’une grenade ou l’épanouissement d’une fleur, comme de la danse céleste des astres), tout, dans la nature, n’est autre qu’énergie et célébration du mouvement. Et qu’estce que la danse, si ce n’est du mouvement qu’accompagne le plus souvent la puissance vibratoire de la musique ? Attentifs depuis la nuit des temps à la dynamique qui opère dans l’univers et la danse cosmique, les humains, mais aussi d’autres espèces animales et sans doute aussi végétales et minérales, sont sensibles à l’énergie rythmique de la vie. Et il n’y a pas un point sur terre et à travers tous les temps de populations qui n’ont édifié leur propre culture à partir de leur pratique de la danse. « Sans la musique, la vie serait une erreur, une besogne éreintante, un exil. » : Nietzsche, à qui revient ce fameux propos, n’en dit pas moins sur la danse qui va tout naturellement

37

29/05/2018 13:41


42

NMehadji-25-05.indd 42

29/05/2018 13:41


Catalogue des Ĺ“uvres

43

NMehadji-25-05.indd 43

29/05/2018 13:41


Ma, 1990 44

NMehadji-25-05.indd 44

Peinture, colle et papier sur toile 205 ∞ 300 cm

29/05/2018 13:41


45

NMehadji-25-05.indd 45

29/05/2018 13:41


Coupole, 1994 58

NMehadji-25-05.indd 58

Craie sur papier 76 ∞ 57 cm chaque

29/05/2018 13:42


Gradient, 1996 Craie sur papier 76 ∞ 57 cm chaque

NMehadji-25-05.indd 62

29/05/2018 13:42


Fleur de Grenade (Série Floral), 2002-2003

64

NMehadji-25-05.indd 64

Craie sanguine sur papier 121 ∞ 80 cm Inv. AM 2005-114-115-146-147 Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne/ Centre de création industrielle. Achat à l’artiste en 2005

29/05/2018 13:42


71

NMehadji-25-05.indd 71

29/05/2018 13:42


Pivoine, 2003 Stick à l’huile sur toile 167 ∞ 200 cm

NMehadji-25-05.indd 77

77

29/05/2018 13:42


81

NMehadji-25-05.indd 81

29/05/2018 13:42


Vanité, 2008 Gouache sur papier 140 ∞ 100 cm

NMehadji-25-05.indd 89

29/05/2018 13:42


107

NMehadji-25-05.indd 107

29/05/2018 13:43


NMehadji-25-05.indd 115

29/05/2018 13:43


117

NMehadji-25-05.indd 117

29/05/2018 13:43


Drapé (d’après La Valse de Camille Claudel), 2015 118

NMehadji-25-05.indd 118

Acrylique sur toile 167 ∞ 145 cm

29/05/2018 13:43


NMehadji-25-05.indd 129

29/05/2018 13:43


Mystic Dance n°3 et 4, 2011 Ensemble de 4 éléments, épreuve numérique pigmentaire tirée sur bâche, tirage et réalisation Studio Bordas Paris, n°3/3 200 ∞ 200 cm chaque Collection Claude et France Lemand

NMehadji-25-05.indd 140

29/05/2018 13:44


147

NMehadji-25-05.indd 147

29/05/2018 13:44


150

NMehadji-25-05.indd 150

29/05/2018 13:44


Ĺ’uvres en regard

151

NMehadji-25-05.indd 151

29/05/2018 13:44


Albert Ballu Mosquée de Sidi Abd-er-Rahman (Alger), façade principale, élévation, 1884 Encre et aquarelle 50 ∞ 141 cm Paris, musée d’Orsay

Maquette d’architecture égyptienne, début XXe siècle

152

NMehadji-25-05.indd 152

Monument carré à pans coupés, surmonté d’une coupole, en bois doré à décor sculpté, ajouré et marqueté d’os, de nacre et de bois coloré 88 ∞ 76 ∞ 76 cm Collection privée

René Binet Cour de l’Alhambra de Grenade, 1895 Mine de plomb et aquarelle (recto), crayon (verso) H 0,487 m ; L 0,32 m Paris, musée d’Orsay

29/05/2018 13:44


ŒUVRES EN REGARD

Alphone Gosset Église Sainte-Clotilde à Reims, entre 1898 et 1900 Monument du centenaire de la conversion des Francs en 496. Façade principale, élévation, coupe Crayon, plume et encre noire et rouge, lavis, aquarelle et gouache blanche 94 ∞ 188 cm Paris, musée d’Orsay

NMehadji-25-05.indd 153

Anonyme Visite d’Alexandre à la reine Nouchabé, feuillet d’un « Khamseh » de Nizâmi, Sharaf nâme (Roman d’Alexandre), Iran, Chiraz, 1560-1570

Ali Gholam Feuillet « Portrait de Muhammad Sharif Beg », Inde, 1657-1658

Encre, gouache, or sur papier 30 x 18 cm Paris, Musée de l’Institut du monde arabe, inv. AI 84-20

Encre, gouache, or sur papier 31,5 x 24 cm Paris, Musée de l’Institut du monde arabe, inv. AI 87-39

153

29/05/2018 13:44


160

NMehadji-25-05.indd 160

29/05/2018 13:44


Annexes

161

NMehadji-25-05.indd 161

29/05/2018 13:44


Najia Mehadji, avril 2018 Atelier Lamssasa, Essaouira Photographie Laurent Moulager

NMehadji-25-05.indd 162

29/05/2018 13:44


ANNEXES

Biographie Najia Mehadji naît à Paris en 1950. Elle vit et travaille entre Paris et Essaouira (Maroc).

CATALOGUES MONOGRAPHIQUES

Elle obtient, au milieu des années 1970, une maîtrise d’arts plastiques et d’histoire de l’art à Paris I, ainsi qu’une licence de théâtre à Paris VIII. Cette dernière lui donne l’occasion de travailler avec Peter Brook et le Living Theatre, groupes d’avant-gardes ouverts aux cultures dites « extra-européennes ». Travaillant également avec des étudiants en musique contemporaine, elle met en place des performances qui intègrent le dessin et le son. Ses premières œuvres sont des dessins évoquant des diagrammes sonores, tel le timbre d’une voix.

Najia Mehadji, texte d’Abdelwahab Meddeb et entretien avec Philippe Piguet, galerie L’Atelier 21, Casablanca, 2015

Elle s’intéresse également à l’esthétique zen japonaise, la gestuelle du Nô et aux rituels soufis des derviches tourneurs qu’elle transpose au fusain et à l’encre. Elle fréquente le collectif Femmes/Art et participe à la revue Sorcières en y publiant des dessins et des textes. À partir des années 1980, elle expérimente d’autres matériaux et techniques : gesso (enduit de préparation des toiles à peindre), papier transparent collé sur de grandes toiles brutes, papier d’imprimerie, encres sérigraphiques. Les formes sont géométriques et architecturées. Le traitement de la muralité et des couleurs dans la peinture italienne chez Giotto, Piero della Francesca ou encore Ucello l’intéressent.

Najia Mehadji : la révélation du geste, textes de Pascal Amel, Christine Buci-Glucksmann, Rémi Labrusse, Abdelwahab Meddeb, et entretien avec Véronique Rieffel, Somogy, Paris, 2014 Najia Mehadji, textes de Pascal Amel, Christine Buci-Glucksmann, Anne Dagbert, Rémi Labrusse, Philippe Piguet, Mohamed Rachdi, Peggy Inès Sultan, Ghitha Triki, et entretiens avec Henri-François Debailleux et Véronique Rieffel, Les Éditions Art Point, Casablanca, 2012 Spring Dance, texte de Christine Buci-Glucksmann, galerie Shart, Casablanca, 2011 Najia Mehadji, textes d’Alain Tapié, Jean-Louis Baudry, Christine BuciGluksmann, Mohamed Rachdi, entretien avec Henri-François Debailleux, Somogy, Paris, 2008 Najia Mehadji, texte de Mostafa Chebbak, galerie Shart, Casablanca, 2008

En 1985, elle obtient une bourse de la Villa Médicis à Essaouira, où elle séjourne un an. Elle retournera régulièrement y travailler, puis y installera l’un de ses deux ateliers. Depuis, elle alterne ses séjours entre Essaouira et Paris.

Peintures, dessins, aquarelles, 2000-2006, « Notes d’atelier », galerie Libéral Bruant, Paris, 2006

En réaction aux crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), notamment la destruction de Sarajevo (ville symbole de la coexistence des trois monothéismes), elle crée la série des Coupole. Elle y développe son intérêt pour le dialogue des architectures occidentales et orientales tout en faisant référence à la représentation de la cosmologie dans les arts de l’Islam. La mosquée de Cordoue et l’Alhambra font partie de ses références esthétiques.

Floral, texte de Christine Buci-Gluksmann, et « Notes d’atelier » de Najia Mehadji, galerie La Navire, Brest, 2005

Elle réalise ses premiers pastels à l’huile sur toile brute à partir de 1996, dans des formes très graphiques et équilibrées : séries des Gradient, Chaosmos, Souira. Puis la nature apparaît, avec des motifs végétaux et floraux : pivoines, palmes, arborescences, la grenade – symbole universel revisité… Elle dessine sur de grands formats avec des sticks de couleurs pures et de tonalités lumineuses (rouge, orange, jaune).

NMehadji-25-05.indd 163

Bibliographie

Flux-Végétal, Attijariwafa Bank, espace d’art Actua, Casablanca, 2005

Végétal, « Notes d’atelier » de Najia Mehadji, salle Reine-Fabiola, Anvers, Belgique, 2003 Gravures et dessins, textes de Pascal Martin Saint-Léon et de Jean Petitot, Centre culturel français de Bamako, 2001 Najia Mehadji, texte de Nicole de Pontcharra, Musée départemental d’art ancien et contemporain, Épinal, 2000 Coupole et Rhombe, « La Virtualité du sensible », texte d’Anne Dagbert, Instituts français de Tétouan, Rabat, Fès, Maroc, 1995

À partir de 2005, toujours engagée contre les violences de la guerre, elle entame une série d’œuvres numériques qui imbriquent leurs motifs avec ceux des gravures de Francisco de Goya, dont les Désastres de la guerre, au sein de fleurs fluorescentes – « qui crée une tension entre Éros et Thanatos ».

Najia Mehadji, textes de Pascal Amel et d’Abdelkébir Khatibi, galerie Meltem, Casablanca, 1993

Les Fleur/Flux évoluent vers les Volute et les Drapé. Le rythme, la danse, deviennent prépondérants. La fusionnelle sculpture La Valse de Camille Claudel est revisitée. Ses dernières années, la gestuelle picturale, à la fois éployée et enveloppante, trouve son écho oriental dans les danses mystiques soufies ou gnaouas, ainsi que dans l’art de la calligraphie.

Icares, textes de Maïten Bouisset, Alain Tapié, Najia Mehadji, Musée des beaux-arts de Caen et de Poitiers, 1986 et 1987

Triptyque Ma, « Conjugaison des lieux », texte de Jean-Louis Baudry, Musée des beaux-arts de Caen, 1990

163

29/05/2018 13:44


Najia Mehadji

La trace et le souffle

Najia Mehadji

La source plurielle à laquelle puise Najia Mehadji, irriguée de ses racines occidentales et orientales, est contemplation, union du corps et de l’esprit, vérité, passage de témoin, expression pure. Le corps est là, dans la voix, le geste, le souffle. Ses mouvements, son échelle, donnent aux premiers dessins la trace de leur gestuelle, un élan, une construction, un espace. La pensée ne lui est pas étrangère ou extérieure, elle ne fait qu’un avec ce corps qui est bien plus qu’une enveloppe. Le corps et l’esprit sont réunis sous le dôme ou la coupole rassembleuse, unificatrice, résonnante d’un message humaniste devant l’Histoire et ses turpitudes. Coupole ou voûte céleste peu importe, le ciel ou son symbole, la transcendance ou l’icibas... la force du symbolique imprègne le vocabulaire de l’artiste. La géométrie, l’architecture, l’arborescence, le flux, le ressac expriment son rapport à l’infini.

La trace et le souffle

978-2-7572-1409-1

Spring Dance, 2011 Acrylique sur toile 200 ∞ 270 cm

Mehadji_couve_29-05.indd 1

25 €

Pascal Amel est romancier, écrivain d’art, co-fondateur de la revue Art Absolument. Il vit entre Paris et Essaouira (Maroc) depuis une trentaine d’années. En 1998, il fonde, à Essaouira, avec Abdeslam Alikane, le Premier festival de la culture des Gnaouas qui, depuis, a lieu tous les ans. En 2011, il est le commissaire de l’exposition « Paris et l’art contemporain arabe » (Villa Emerige, Paris) qui a également été présentée à Beyrouth, à Sanaa et à Rabat. En 2017, il inaugure Planet Essaouira, studio d’enregistrement et de création musicale installé à Essaouira. Il est l’auteur de Paul Gauguin, portrait de l’artiste en prophète bénéfique, de Rembrandt, L’humanité et d’El Gréco, le corps mystique de la peinture – tous trois aux éditions du Regard. Christine Buci Glucksmann, normalienne, est philosophe et spécialiste de l’esthétique. Elle est co-fondatrice du Collège international de philosophie où elle est directrice de programmes. Elle a été, jusqu’en 2002, Professeur émérite à l’Université Paris 8 (« Esthétique et art plastique »), où elle dirigeait un Séminaire de recherches sur « L’esthétique et l’antiesthétique dans les arts contemporains ». Elle a également enseigné à l’Université Todai à Tokyo. Elle est l’auteur d’une œuvre importante, avec la publication depuis 1970 de plus d’une trentaine d’ouvrages et de nombreux articles publiés en France et à l’étranger, ainsi que des contributions pour des catalogues d’exposition. Parmi ses plus récentes publications citons notamment Esthétique de l’éphémère (Galilée, 2005), Philosophie de l’ornement. D’Orient en Occident (Galilée, 2008), Les Voix de l’Orient. Le livre du Père (Galilée 2014). Mohamed Rachdi est un artiste plasticien et commissaire d’expositions. Docteur en Art et Sciences de l’art (Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et chercheur universitaire, il est le fondateur du RARE (Réseau d’art, recherche et essai). Il vit et travaille à Casablanca. En tant qu’artiste, il a réalisé de nombreuses expositions individuelles et participé à plusieurs expositions collectives au Maroc et à l’étranger. Il est responsable du Mécénat Culturel de la Société Générale Maroc à Casablanca. Nathalie Gallissot, conservatrice en chef du patrimoine, dirige le musée d’art moderne de Céret depuis 2012. Elle a réalisé des expositions monographiques consacrées à Antoni Tàpies (2012), Miquel Barceló (2013), Miguel Chevalier (2014), Jaume Plensa (2015), Maria-Helena Vieira da Silva (2016). Elle a présenté quatre œuvres de Najia Mehadji lors de l’exposition thématique sur les relations entre art et tauromachie « Le peintre et l’arène », en 2014. Pour la préparation de cette exposition, elle a rencontré Najia Mehadji à plusieurs reprises dans les ateliers parisien et marocain de l’artiste, et a mis en forme un entretien, reflet de leurs conversations.

29/05/2018 16:12


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.