LA FRENCH TOUCH - CINÉMA (extrait)

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cinéma

ANNE BOURGEOIS DAMIEN PACCELLIERI


Préface FOREWORD

« Le cinéma français, c’est une idée originale, qui devient une œuvre » selon les mots du producteur Daniel Toscan du Plantier. Tout, dans notre histoire, découle de cette conception du cinéma, et celà, dès ses premières heures. En somme il s’agit d’un art tout autant que d’une industrie. Cette vision spécifique a permis à notre cinéma d’être très avant-gardiste, de renouveler l’écriture cinématographique, d’influencer de nombreux artistes dans le monde entier. Car c’est vrai, et l’on s’en rend compte en voyageant à l’étranger, la France est connue et admirée pour sa créativité ; elle est aux yeux du monde un des plus grands pays de cinéma. La consécration d’Agnès Varda aux Oscars en a été une très belle illustration. À travers elle, Hollywood a rendu hommage à tout le cinéma français indépendant, à son inventivité, à sa liberté… Si je devais donc définir la FRENCH TOUCH, je dirais qu’elle traduit le rapport singulier de notre pays à son cinéma et à ses créateurs ; que ce rapport est incarné par un modèle unique au monde de soutien à la création fondé sur la croyance en la vertu d’une politique publique ambitieuse dans le domaine de la culture et à la nécessité de ne pas la soumettre aux seules lois du marché. Que ce modèle pousse à la créativité et permet à la France d’être le premier « hub » européen de production et la deuxième cinématographie la plus récompensée dans le monde. Que la FRENCH TOUCH c’est aussi des écoles, parmi les meilleures au monde (La Fémis, GOBELINS, ou RUBIKA), des savoir-faire, des champions internationaux, des start-up, des innovations entrepreneuriales commerciales, technologiques, dans l’animation, le jeu vidéo, ou encore la réalité virtuelle et augmentée. Que la FRENCH TOUCH, c’est tout une vision du monde mêlant réussite économique et exigence artistique, grand public et Art et Essai, diversité et compétitivité. Qu’enfin cette vision permet à tout le monde de coexister, en particulier aux jeunes créateurs, et offre un espace où s’exprimer à tous ces humanistes qui font de leur art un moyen de comprendre, voire de changer le monde. Et c’est justement pour les valeurs qu’elle défend que la France est aussi aimée dans le monde : la liberté d’expression, de création, la défense des droits de l’homme, l’accueil de tous les cinéastes étrangers qui ne peuvent pas créer dans leur propre pays. Cette ouverture aux autres, cette générosité-là sont au cœur de l’exception culturelle française. L’ouvrage Cinéma - La FRENCH TOUCH que vous allez découvrir, rend hommage à tous ces professionnels, à ces auteurs, réalisateurs, acteurs, agents, producteurs, distributeurs, critiques, concepteurs, animateurs, exploitants de salles, diffuseurs, entrepreneurs, ingénieurs qui font rayonner la France dans le monde entier. En définitive, il donne un aperçu de cette passion collective que notre pays cultive pour le cinéma et toute la création animée.

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French cinema, in the words of producer Daniel Toscan du Plantier, “is an original idea that is made into a work”. This idea of cinema has formed the basis of French filmmaking since its very beginning: it is an art form as well as an industry. This specific notion has always kept French filmmaking innovative: it has re-envisioned the way films are made and inspired a great number of artists around the world. Traveling and meeting people from other countries confirms that France is known and admired for its creativity; the world considers France one of the great filmmaking nations. The recognition of Agnès Varda’s at the Academy Awards forms a wonderful example. If I had to define the French Touch, I would say that the term encapsulates the exceptional attachment our country has to its cinema and its creators, an attachment embodied by a unique model of supporting creation, based on the belief that an ambitious cultural policy is always beneficial and preferable to a submission to market forces. We believe that this model is an incentive to creativity and that it allows France to be Europe’s prime hub for production and the second most lauded film industry in the world. We believe that the French Touch also includes film schools that are among the world’s best (La Fémis, GOBELINS, and RUBIKA), that it encompasses great expertise, international frontrunners, startups, and innovation in commerce and in technology, in animation and in video games, as well as in virtual and augmented reality. We believe that the French Touch is a vision of the world in which commercial success and artistic ambition, commerce and art, competitiveness and diversity can go hand in hand. We believe that this vision allows everyone space to exist, particularly young creators, and allows room for expression to all those humanists to whom film is a means to understand and even change the world. It is precisely for its values that France is appreciated around the world: freedom of expression and of creation, the defense of human rights, welcoming foreign filmmakers who are obstructed from creating in their own countries. This openness toward others, this generosity, forms the heart of France’s cultural exception. The book which you are about to discover, Cinéma – La FRENCH TOUCH, pays tribute to all those professionals, to all those writers, directors, actors, agents, producers, distributors, critics, designers, animators, theater owners, broadcasters, entrepreneurs, and engineers that make France a shining beacon in the world. It gives us an idea of the collective passion this country cultivates for cinema and for all forms of moving image creation. Frédérique Bredin Présidente du CNC

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sommaire

TABLE OF CONTENTS

Préface de Frédérique Bredin foreword

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SOMMAIRE TABLE OF CONTENTS

6

auteurs authors

8

Photographe photographer

9

Avant-propos introduction

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LES FONDATEURS

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CNC UNIFRANCE COFILOISIRS MARCHÉ DU FILM FESTIVAL DE CANNES FESTIVAL D'ANNECY ARTE

14 26 32 40 47 51 57

LES bâtisseurs

62

ORANGE STUDIO SOFICA JEAN-BAPTISTE BABIN CAROLE SCOTTA CHARLES GILLIBERT RAPHAËL BENOLIEL VALÉRIE SCHERMANN

64 71 77 81 85 89 93

LES inventeurs

98

FICAM YMAGIS ANGÉNIEUX TRANSVIDEO - AATON DIGITAL K5600 LIGHTING ANTOINE CAYROL BUF COMPAGNIE

100 106 114 121 128 134 138

The constructors

The FOUNDERS

The creators

6


LES orfèvres

146

ANNE SEIBEL DARIUS KHONDJI MADELINE FONTAINE GABRIEL YARED JEAN-PAUL MUGEL JULIETTE WELFLING KRISTOF SERRAND

148 153 158 162 167 172 176

The creators

LES éclaireurs

216

LA FÉMIS GOBELINS FONDATION GAN CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE MICHEL CIMENT LAURENT GRÉGOIRE ARNAUD DE SENILHES

218 225 232 239 246 250 254

LES ambassadeurs

258

The conductors

The ambassadors

LES magicienS

180

The magicians

DENIZ GAMZE ERGÜVEN LUC BESSON EVA GREEN VINCENT CASSEL JULIE DELPY THOMAS BIDEGAIN BENJAMIN RENNER OLIVIER MEGATON ALAIN FIGLARZ

182 185 189 193 196 200 204 208 212

7

FILM FRANCE ANTONIN DEPARDIEU HENGAMEH PANAHI LE PACTE SOPHIE DULAC LES STUDIOS DE PARIS

260 268 272 277 284 288

REMERCIEMENTS acknowledgements

294

Générique credits

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LES fondateurS the FOUNDERS


i Si le succès de notre cinéma est avant tout le résultat du « génie » créatif français, qu’en serait-il sans les fondations solides de politiques publiques et privées éclairées ? Celles-ci, originales, visionnaires et ambitieuses lui permettent d’être le tout premier d’Europe et l’un des plus vendus au monde. Ses fondateurs, entièrement dédiés à leurs missions, n’ont eu cesse de faire grandir l’industrie du rêve irriguant le 7e art mondial.

i

The success of French cinema may be largely thanks to its genius creators, but it would be impossible without the solid foundation provided by enlightened public and private authorities. Original, visionary, and ambitious, they have made it possible for France to become Europe’s premier film producing nation as well as one of the world’s most widely distributed. These founding figures, all fully dedicated to their mission, have tirelessly contributed to the growth and prosperity of our planet’s most popular art form.


UNIFRANCE LE FER DE LANCE

C’est en 1949 qu’UniFrance voit le jour sous l’impulsion du CNC et du Ministère des Affaires étrangères. En effet, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le cinéma français est exsangue. Dans le contexte général de la reconstruction du pays, le CNC va très vite mettre en œuvre un plan d’industrialisation d’envergure afin de répondre aux attentes des professionnels du cinéma français, dont les ressources ont fortement diminué et les coûts de financement tout autant augmenté. La concurrence effrénée de films étrangers diffusés en France ne fait qu’accélérer le mouvement de déflation. Une des toutes premières mesures d’urgence est alors la création d’un fonds d’aide à la diffusion du cinéma français à l’étranger, à l’origine d’UniFrance Film International, association loi 1901, aujourd’hui présidée par Serge Toubiana et dirigée par Isabelle Giordano.

UNIFRANCE The spearhead As spearhead of the promotion of French cinema, UniFrance gives films a life beyond the nation’s borders, in a very competitive market whose turnover is as significant as that of the automobile industry. Though firmly Paris-based, UniFrance has representatives in New York, Seoul, Beijing, and Tokyo. This conquest of foreign markets is financed predominantly by the CNC, to

Fer de lance de la promotion du cinéma français, UniFrance s’est dotée de stratèges pour faire vivre les films hors frontières, dans un monde concurrentiel où la rentabilité de l’industrie cinématographique est tout aussi importante que celle de l’industrie automobile. Si sa base est parisienne, UniFrance a envoyé ses soldats biberonnés à l’économie du cinéma vers New York, Séoul, Pékin, Tokyo, soutenus par une armée d’adhérents de 1 000 professionnels (producteurs, artistes, agents, exportateurs...) qui œuvrent de front pour partir à la conquête des professionnels, des médias et des publics étrangers.

the sum of 8 million euros a year, with all decisions taken by committee. The first priority is the export and distribution of French films abroad. UniFrance has a presence at 200 festivals and film markets worldwide, including Cannes, Berlin, Toronto, Los Angeles, Busan, Hong Kong, Locarno, and San Sebastian. There has a never been a single French

La conquête des nouveaux eldorados est financée majoritairement par le CNC - 8 millions d’euros annuels – et décidée collégialement en commissions. Elle se déploie sur plusieurs champs de bataille. Le premier d’entre eux est celui de l’export et de la distribution des films français à l’international. Aux côtés des œuvres, UniFrance et ses troupes sont, entre deux avions et six continents, de tous les grands festivals et marchés internationaux (plus de 200, dont ceux de Cannes, Berlin, Toronto, Los Angeles, Busan, Hong Kong, Locarno, San Sebastian...). Pas une seule sortie commerciale de films français à l’étranger sans qu’UniFrance ne soit derrière, utilisant à bon escient le marketing et les médias des terres d’élection, avec pour base arrière, des études de marché, précieux outils d’analyse. Et les résultats sont là. La France se hisse au rang de deuxième exportateur de films au monde et a réalisé en moyenne depuis 10 ans, 70 millions d’entrées par an, généré 470 millions d’euros de recettes par an, pour un total

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film release abroad without some kind of backing from UniFrance, which knows how to make intelligent use of the marketing and media channels in various countries, supported by extensive market research and analysis. The results are clear: France is the world’s second largest exporter of films and has, for the past ten years, generated an average 70 million tickets sold or 470 million euros a year, for 5000 films theatrically released outside France. Its greatest achievement is no doubt that the United States has once more become French cinema’s largest export


d’environ 5 000 films en exploitation dans les salles étrangères. Le plus grand tour de force est certainement d’avoir réussi à ce que les États-Unis deviennent à nouveau le premier pays d’exportation pour le cinéma français. Mais le travail de fourmi se poursuit à l’intérieur de nos frontières, plus particulièrement à Paris, avec Les rendez-vous du cinéma français, devenu aujourd’hui le premier marché et press junket au monde dédié aux films français. C’est également à Paris qu’est né, il y a six ans de cela, MyFrenchFilmFestival, premier festival de cinéma français en ligne, proposant pendant un mois aux internautes le meilleur de la jeune production française sous-titrée en dix langues et accessible dans 206 pays. Le succès est au rendez-vous, 6 500 000 visionnages enregistrés via le site myfrenchfilmfestival.com et 37 plateformes de VàD partenaires.

market. Efforts are not only made abroad, though: Les rendez-vous du cinéma français in Paris is the world’s largest market and press junket dedicated to French films. For the past six years, MyFrenchFilmFestival, the first online French film festival, offers the best of recent French cinema in a onemonth online event, with subtitles in ten different languages and accessible from 206 countries. It’s a successful initiative, with 6.5 million registered views through the site myfrenchfilmfestival. com and 37 partner VOD platforms.

Car faire découvrir et aimer le cinéma français au public étranger est un enjeu crucial pour booster l’industrie française. Dix festivals dédiés au cinéma français sont organisés, de New York à la Chine en passant par Abidjan et ses premiers Rendez-vous du cinéma francophone. Des milliers d’artistes ont été du voyage. On ne compte plus les nombreuses masterclass avec, pour n’en citer que quelques-uns, Michel Hazanavicius, Isabelle Huppert, Agnès Varda, Vincent Lindon, Tahar Rahim, Julie Delpy, Mélanie Laurent, Michel Gondry, Bertrand Bonello ou bien encore Juliette Binoche… L’union fait la force : telle pourrait être la devise d’UniFrance, inlassable combattante des terres fondatrices du septième art et qui ne compte aucunement s’arrêter là !

Worldwide there are ten festivals dedicated specifically to French films, from New York to China, most recently including Abidjan and its first Rendez-vous du cinéma francophone. Thousands of artists attend these events, and countless stage talks have been organized around. Unity is power: such could be UniFrance’s motto on its tireless quest to gain ground for French films.

© UNIFRANCE - Délégation française lors du Festival du film français au Japon en 2016

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ENTRETIEN AVEC

ISABELLE GIORDANO Directrice générale d’UniFrance depuis 5 ans, Isabelle Giordano a été l’incarnation pendant plus de dix ans du 7e art sur Canal +. Citoyenne engagée et professionnelle aguerrie, elle insuffle une belle énergie à l’action culturelle internationale en portant les valeurs du cinéma français à travers le monde.

ISABELLE GIORDANO General manager of UniFrance The digital transition “My main priority was to accelerate the means of diffusing our films, but also

La transition digitale « Un de mes objectifs prioritaires est d’aider le cinéma français à entrer de plain-pied dans le monde digital. Il y a cinq ans, je suis arrivée à un moment charnière, celui de l’explosion du numérique, qui n’était pas totalement assumé. Aujourd’hui, nous ne pouvons imaginer la culture hors de l’univers digital. Le cinéma français est à un moment clé de son destin et le faire connaître par le biais de plateformes, comme nous le faisons avec MyFrenchFilmFestival, n’est pas faire injure à la salle. Ma priorité a donc été de mettre un coup d’accélérateur dans la manière de diffuser nos films, mais aussi de communiquer sur le cinéma français, notamment via les réseaux sociaux. Nous avons par exemple commencé à initier des partenariats avec de grands médias comme le New York Times, pour organiser avec eux des événements Facebook live pendant le festival de Cannes, pour faire ainsi découvrir la diversité de notre cinéma à des millions d’internautes. La prochaine étape est de tenter de convaincre les grandes plateformes comme Amazon, Google, iTunes et Netflix de mieux présenter nos films, sur leur page d’accueil notamment. MyFrenchFilmFestival, qui permet aux étrangers de voir chaque année des films français en ligne, est un modèle inspirant pour les opérateurs. Pour autant, nous conservons nos outils traditionnels d’accompagnement et de soutien financier aux cinéastes, en renforçant notre présence dans les grands festivals et marchés étrangers. »

to communicate about French cinema through social media. We struck up a partnership with The New York Times to co-organize Facebook Live events during the Cannes film festival, in order to bring the diversity of our cinema to millions of internet users. We’re working hard to make sure that major platforms such as Amazon, Google, iTunes, and Netflix present our films in the best possible way. MyFrenchFilmFestival, which allows people outside France to watch French films online, forms an inspirational model for these providers.” Up-and-coming filmmakers “We need to rejuvenate the image of French cinema. A survey on the image of French cinema around the world, carried out by Opinion Way, has shown that viewers in fourteen countries mentioned Gérard Depardieu and Luc Besson, followed by François Truffaut,

La jeune génération de cinéastes « Nous devons rajeunir l’image du cinéma français. Nous avions lancé à mon arrivée une enquête sur l’image du cinéma français à travers le monde, avec Opinion Way. Les spectateurs ont été interrogés dans quatorze pays et à chaque fois les réponses récurrentes évoquaient Gérard Depardieu et Luc Besson, puis François Truffaut, Jean-Luc Godard, Jean-Paul Belmondo... Cette aura, qui couronne le cinéma français liée à la Nouvelle vague, mérite d’être aujourd’hui conservée mais renouvelée. Nous voulons donc donner un grand coup de

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Jean-Luc Godard, and Jean-Paul Belmondo. We have so many young filmmakers that represent the diversity of our culture and they need to be brought to the forefront more. The same goes for social comedies, which is our most exported genre, politically committed films, and co-productions that have been very successful,



fraîcheur à cette vision du cinéma français car dans la réalité, nous avons de nombreux et talentueux jeunes cinéastes qui incarnent la diversité de notre culture. La France est un pays champion en matière de femmes réalisatrices ou de talents émergents, cela mérite d’être mis en valeur ! Idem en ce qui concerne la comédie sociale (le genre qui s’exporte le plus), le cinéma engagé, ou encore les coproductions pour lesquelles nous affichons quelques beaux records. De Mustang à La vie d’Adèle en passant par Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ? ou Sils Maria, nous avons de très nombreux atouts formidables. »

such as Mustang, La Vie d’Adèle, Qu’est que-ce que j’ai fait au Bon Dieu?, or Clouds of Sils Maria.” Distribution support for French films “The core of our mission is to support, by all means possible, from funding to press relations, the foreign release of films and the presence of our artists, who are much in demand all across the

L’aide à la distribution des œuvres « Depuis 2012 et le succès mondial d’Intouchables qui a séduit 50 millions de spectateurs dans le monde, nos autorités de tutelle sont convaincues que l’international est un fort relais de croissance, d’autant que le monde professionnel s’interroge sur la pérennité des financements publics et des chaînes de télévision. Le cœur de notre mission est de soutenir, par tous les moyens, du financement aux communications à la presse, la sortie des films et l’actualité des artistes, qui sont très sollicités partout dans le monde. Pas une semaine sans qu’il n’y ait au bureau une demande d’interview ou une sélection dans un festival pour le cinéma français. »

world. Not a week goes by without an interview request or a festival selection for a film somewhere in the world. The success of The Intouchables, which drew 50 million viewers worldwide, is proof.” New territories “Piracy, new viewing methods, young people’s use of various platforms, competition from TV series – these are all factors that bring up new challenges.

Nouveaux territoires « Comment développer la part du cinéma français sur les marchés internationaux ? Cette question m’obsède, d’autant plus que le piratage, les nouveaux usages, les habitudes des jeunes face aux offres des plateformes, la concurrence des séries télé, tous ces facteurs font que de nouveaux défis apparaissent. Il me semble de plus en plus nécessaire d’aller là où les autres ne sont pas encore, ou peu, comme en Afrique et en Asie du Sud-Est. D’un point de vue économique, le cinéma français a tout intérêt à miser sur ses millions de spectateurs francophones. Je me suis rendue à Djakarta qui représente une formidable opportunité grâce à sa croissance démographique et au développement d’une classe moyenne aisée qui veut se divertir en dehors des blockbusters américains. »

I feel it’s increasingly important to go

Construire une synergie « Même si nous aurons toujours “un petit char d’assaut” comparé aux bulldozers américains, je milite pour une politique culturelle

Creating synergy

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where others have yet to go, or where they rarely venture, to Africa and Southeast Asia for instance. French cinema has a lot to gain from targeting French-speaking audiences across the world. I went to Jakarta, which forms an immense opportunity thanks to its demographic growth and development of a middle class with the means and time for leisure activities that aren’t limited to Hollywood blockbusters.”

“We may be a small engine in comparison to Hollywood’s bulldozers, but I want


extérieure qui soit beaucoup plus offensive. Cela pourrait s’apparenter à une stratégie industrielle. Nous avons la chance d’avoir de très beaux champions comme Vivendi, Orange, Gaumont, Pathé, et nous devons créer les conditions d’une meilleure synergie pour améliorer le système d’exportation, grâce à des actions groupées et cohérentes. Mieux faire connaître, exporter plus, aussi bien le cinéma que les autres industries créatives, comme la musique – cette fameuse musique électronique française à qui l’on doit la première, l’appellation de FRENCH TOUCH. J’étais particulièrement heureuse, s’il ne fallait garder qu’un exemple, de voir à quel point lorsque nous avions organisé notre festival de cinéma à New York, le jeune public avait répondu présent et était venu nombreux voir le documentaire puis la prestation des DJ invités avec Pedro Winter. Même Pharrell Williams est venu à la soirée, c’est dire. La FRENCH TOUCH est un trésor, faisons en sorte qu’elle soit un outil plus efficace, une arme culturelle, diplomatique, économique et politique. »

to keep fighting for a genuine foreign cultural policy and a much more offensive industrial strategy. We are lucky to have such major players and champions as Vivendi, Orange, and Pathé, and to improve our system of exports we need to create, through concerted and coherent efforts, the circumstances for ideal synergy. The French Touch is a real treasure, so let’s make sure it’s also an effective tool and a cultural, diplomatic, economic, and political weapon.”

© UNIFRANCE - Le festival en ligne de films français myfrenchfilmfestival.com

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ARTE

LA CHAINE DES CINÉASTES

À la vue du logo orange écarlate d’ARTE, les cinéphiles du monde entier perçoivent immédiatement que l’œuvre qui leur sera montrée se situera aux antipodes du consensus mou, l’impertinence et l’excentricité étant invitées aux premières loges. Pas frileuse, la chaîne franco-allemande a soufflé un grand coup de sirocco pour que le cinéma d’auteur international trouve un second souffle. Le secret tient au tissage méticuleux de liens ténus avec plus de 200 producteurs indépendants et intrépides.

ARTE The filmmakers’ Channel One look at ARTE’s orange logo is all a cinephile needs to know that the film they are about to watch will be anything but average and consensual. The French-German TV channel has given international auteur cinema a real push,

Pour comprendre les ingrédients de cette recette au zeste européen, il faut remonter aux origines de la coopération entre l’Allemagne et la France. Dès 1974, soucieux de protéger leurs industries cinématographiques respectives, les deux pays signent un accord de coproduction pour préserver la vitalité de leur cinéma alors même que tant d’autres pays d’Europe le laissent agoniser. Le deuxième acte fondateur est la création d’ARTE en 1991, financée à 95 % par la contribution à l’audiovisuel public perçue dans les deux pays.

thanks to its close ties with a network of over 200 independent and intrepid film producers. Back in 1974, France and Germany signed a co-production agreement to preserve the vitality of their film industries. ARTE was created in 1991, financed to a degree of 95 per cent by public funds from broadcast license fees in the two

Dès sa naissance, ARTE France, anciennement la Sept, met au cœur de sa politique de production la création de programmes originaux et décalés. Avec sa filiale ARTE France Cinéma, belle trentenaire, la chaîne s’est engagée avec allant dans la coproduction de vingt-cinq films d’auteur de cinéma dont trois longs-métrages documentaires par an, assortis d’un préachat pour leur future diffusion sur son antenne. Plus de 3,5 % du chiffre d’affaire d’ARTE France, aujourd’hui présidée par Véronique Cayla, sont ainsi injectés dans la coproduction de films de cinéma, alors même qu’ARTE, de par son statut européen, n’est pas soumise à l’obligation des chaînes françaises d’en investir 3,2 %. Génératrice de cinéastes émergents qui n’hésitent pas à bousculer les codes établis, ARTE France Cinéma, dirigée par Olivier Père, est également fidèle à des talents reconnus : Alain Cavalier, Agnès Varda, Bruno Dumont, Leos Carax, Bertrand Bonello, Claire Denis, Mia Hansen-Løve, Céline Sciamma, Alain Guiraudie…. et tant d’autres encore qui, sans elle, seraient à la peine. Engagée dans la production cinématographique européenne aux côtés de réalisateurs confirmés comme Michael Haneke, Olivier Assayas, Nanni Moretti, Lars Von Trier ou encore Aki Kaurimäki et attachée à un certain idéal, généreux et transfrontalier, la filiale cinéma de la chaîne a mis en pleine lumière des metteurs en scène venus des quatre coins de la planète.

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countries. From its inception, ARTE, headed today by Véronique Cayla, has made it a mission to produce original and unconventional programming. Through its subsidiary ARTE France Cinéma, the channel has committed to co-producing twenty-five quality independent films, including three feature-length documentaries, per year, including pre-buying their broadcast rights. More than 3.5 per cent of ARTE’s annual income is in this way reinvested into the co-production of films for theatrical release, even though ARTE, given its pan-European nature, has no obligation to comply with the law that states all French channels must invest 3.2 per cent in film production. ARTE France Cinéma, which is run by Olivier Père, has supported the emer-


© ARTE - Siège social d’ARTE à Strasbourg

Abderrhamane Sissako, Karim Moussaoui, Mahamat-Saleh Haroun pour l’Afrique et le monde arabe ; Nadav Lapid, Samuel Maoz, Nuri Bilge Ceylan pour le Moyen-Orient ; Lisandro Alonso, Fellipe Barbosa, Jayro Bustamante pour l’Amérique Latine ; Wang Bing, Naomi Kawase, Jia Zangke pour le continent asiatique ; la liste est riche et continue de s’étoffer pour le plus grand bonheur des aficionados d’un septième art multiculturel.

gence of many a young iconoclast filmmaker, but also remains faithful to recognized talent, including Alain Cavalier, Agnès Varda, Bruno Dumont, Léos Carax, Bertrand Bonello, Claire Denis, Mia Hansen-Løve, Céline Sciamma, and Alain Guiraudie, as well as acknowledged European masters.

Ces dernières années, deux dispositifs sont venus parfaire cette politique engagée auprès des cinéastes. En 1996, le « Grand Accord » franco-allemand entre ARTE et ses partenaires, l’ARD et la ZDF entérine un accord de coproduction ayant pour objectif majeur d’apporter une contribution plus substantielle à six films de grands réalisateurs du monde. The Square de Ruben Östlund, Palme d’or 2017, est le fruit du Grand Accord ARTE France Cinéma / ZDF. Par ailleurs, depuis 13 ans, le fonds ARTE / COFINOVA, doté d’un montant de 500 000 euros, complète les subventions de la filiale Cinéma et a permis de soutenir plus de 30 films dont Huit fois debout de Xabi Molia, Wrong Cops de Quentin Dupieux ou encore Laurence anyways de Xavier Dolan. Les réalisatrices sont également à l’honneur telles Valérie Donzelli avec La guerre est déclarée, Katell Quillévéré avec Suzanne, Christine Carrière avec Darling, Julie Delpy avec Le Skylab ou bien encore Céline Sciamma, l’une des plus douées de sa génération avec Naissances des pieuvres, Tomboy et Bande de filles ; tout cela est sans compter la Caméra d’or Jeune Femme de Léonor Serraille (ARTE / COFINOVA), premier film remarquable.

Not surprising given its generous and border-crossing ideals, the channel’s film division has also financed works by filmmakers from elsewhere on the planet, including Abderrahmane Sissako, Nuri Bilge Ceylan, Fellipe Barbosa, Naomi Kawase, and Jia Zhangke. In recent years, two new schemes have further bolstered the channel’s commitment to these filmmakers. In 1996, ARTE and German public broadcasters ARD and ZDF signed a “Grand Accord” to provide substantial support for six films by established directors from around the world. Additionally, for the past thirteen years the ARTE / COFINOVA fund, equipped with a total of 500,000 euros,

Dénicheuse de talents, incubateur du cinéma indépendant en Europe et dans le monde entier, ARTE France Cinéma ne se lasse pas d’être à l’avant-garde d’une cinématographie qui ne cède en rien aux sirènes du divertissement. Elle accompagne tambour battant les œuvres, à ce jour 600 réalisées par 400 cinéastes de 50 nationalités différentes. Avec depuis 2012 la coproduction d’un long-métrage d’animation par an. La reconnaissance internationale de La Tortue Rouge a récompensé cette volonté d’élargir les champs de la création. Les derniers succès en salles des films ARTE (La Loi du marché, Fatima, Visages villages, Faute d’amour… ) prouvent sans conteste qu’une politique éditoriale exigeante plaît au public, alchimie enchanteresse pour ceux dont le cinéma est un cœur battant.

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completes the funding handed out by the channel’s film division and has so far allowed for the creation of thirty films.Talent spotter, patron of European and worldwide independent cinema, ARTE France Cinéma tirelessly continues to value a type of filmmaking that never concedes to the lure of simple entertainment. It proudly carries out its message, with 600 films by 400 different directors of 50 different nationalities supported to this day.


ENTRETIEN AVEC

olivier père Directeur général d’ARTE France Cinéma et également directeur de l’unité Cinéma d’ARTE France, Olivier Père fut un temps journaliste cinéma aux Inrocks, puis directeur artistique du festival de Locarno et de la Quinzaine des Réalisateurs. Les productions de films, les sorties soutenues par Arte, les cycles et les événements cinéma d’ARTE... c’est lui ! Rencontre avec un cinéphile passionné qui contribue à la création du cinéma d’auteur français, européen et mondial.

OLIVIER PÈRE Managing director of ARTE France Cinéma ARTE’s editorial philosophy, from production to broadcast “Firstly, we try to discover good films on the basis of their screenplay. Every year, we want to gather films that we can be

La ligne éditoriale, de la production à la diffusion « En premier lieu, il s’agit de prospecter et de découvrir des films sur scénario. L’enjeu est le même que lorsque j’étais programmateur de festivals : réunir chaque année des films dont on puisse être fier, représentant une photographie cohérente et originale du cinéma contemporain avec une orientation européenne, évidemment, mais ouverte sur l’Amérique Latine, l’Asie, et l’Afrique. Nous coproduisons en moyenne 25 films par an avec une enveloppe de 10 millions d’euros. Le seul critère est la qualité d’un cinéma d’auteur exigeant. Nous sommes au service des auteurs, leur mise en valeur est notre ADN. Arte est un lieu stratégique défendant une certaine idée du cinéma qui doit être novateur, audacieux et généreux. Nous choisissons les films avant tout pour leur dimension cinématographique et sommes très attentifs à leur carrière en salles. Cela n’empêche pas que nous fassions aussi tout notre possible pour les mettre en valeur sur notre antenne lorsqu’ils sont diffusés sur ARTE. Toutes nos coproductions sont également disponibles en télévision de rattrapage (ARTE+7) sur notre site au moment de leur diffusion. Quand nous choisissons un projet de film, c’est donc pour sa qualité. La plupart sont, certes, en accord avec mes goûts cinéphiliques mais ce qui compte avant tout c’est l’intérêt de la chaîne et de ses investissements : le film est-il promis à une grande carrière en salles ou en festivals ? L’équilibre entre films français et étrangers, entre premiers films et films de cinéastes reconnus, est-il respecté ? Le meilleur exemple est peut-être Timbuktu d’Abderrahmane Sissako qui a rencontré le public au-delà de nos espérances. Le film a dépassé le million d’entrées en France et est devenu le plus gros succès du cinéma africain. Pour la diffusion, le fait que cela soit la même personne qui s’occupe de la production et de l’unité cinéma permet une synergie qui rend la programmation à l’antenne plus fluide et plus évidente. Faire des

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proud of, that represent a coherent and original portrait of today’s cinema, with an obvious European emphasis but at the same time open to Latin America, Asia, and Africa. We co-produce an average 25 films a year, on a 10 million euro budget. Our only criterion is a high-quality auteur cinema. We choose films above all for their cinematographic dimensions and we devote a lot of attention to their theatrical release and to giving them the proper spotlight when we broadcast them. The best example is Timbuktu by Abderrahmane Sissako, whose success with audiences exceeded our expectations. When it comes to broadcasting, the fact that the same person oversees film production and film programming allows for a synergy that makes the programming more fluid and more logical. Presenting popular classics as well as lesser-known films so that these will reach a larger audience is a bit like being a smuggler of culture – which is what cinephilia is these days.” The role of French producers in world cinema “The fact that we produce so many foreign films is thanks to the dynamism of



© ARTE G.E.I.E. - Capture d’écran du site arte.tv section cinéma pour y découvrir de grands films, des courts-métrages...

propositions de grands classiques populaires ou de films moins connus pour les partager avec une large audience, c’est comme montrer à l’antenne une certaine culture de la contrebande – la cinéphilie – et c’est aussi, parfois, ouvrir mon jardin secret aux téléspectateurs. »

French producers, who are profoundly interested in what’s happening in the world around them. Without France, certain countries would have a lot of trouble making films that are capable

Le rôle des producteurs français dans le cinéma mondial « Si nous produisons autant de films étrangers c’est grâce au dynamisme et à l’activité des producteurs français qui montrent un vif intérêt pour ce qui se passe dans le monde. Sans la France, certains pays auraient plus de difficultés à faire des films à dimension internationale, à les faire circuler en festivals, à les sortir en salles. Quand nous travaillons avec un coproducteur français, on ne cherche pas à amener des éléments français qui vont dénaturer le projet. Nous apportons le système de financement à un cinéma d’auteur qui trouve dans certains cas un écho très faible dans son pays d’origine mais qui est célébré dans les plus grands festivals du monde entier. Notre spécificité à ARTE – chaîne franco-allemande – est de pouvoir nous associer avec nos partenaires allemands avec le “Grand Accord”, un accord de coproduction cinématographique qui valorise la création cinématographique européenne. Nous choisissons trois propositions françaises et trois propositions allemandes par an. Nous pouvons réunir un apport financier deux fois plus important que nos investissements habituels à condition que les projets justifient cette attention particulière. Ce sont généralement des films d’identité européenne signés par des grands réalisateurs, qui doivent réunir des coproducteurs et des distributeurs français et allemands. Les films de Michael Haneke, Volker Schlöndorff, Andreï Zviaguintsev sont par exemple des films du Grand Accord. »

of reaching international audiences, to get them into festivals and into release. We use our system of financing to support an auteur cinema that is often neglected in its own country, but which at the same time is celebrated at the world’s biggest film festivals. What sets ARTE apart – and remember that it’s a French-German channel – is our ability to team up with our German partners in the ‘Grand Accord’ co-production agreement. We are now able to bring twice as large a stake into a project, on the condition that it justifies receiving that degree of attention. Those are often recognizably European films directed by great filmmakers that seek backing in both France and Germany. The films of Michael Haneke, Volker Schlöndorff, and Andre Zvyagintsev are good examples of Grand Accord productions.”

© ARTE G.E.I.E. - ... mais également des films du patrimoine, des masterclasses et bien d’autres programmes encore.

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LES orfèvres the creators


i Fruits de la rencontre enTRE l’Art et la Technique, les femmes et les hommes qui fabriquent les films font jaillir la beauté esthétique des OEuvres, imprégnées de leur virtuosité, leur sensibilité et leur culture. Ombres et lumières, sonorités et musicalité, magie des décors et des costumes, art du montage et de l’animation, ces orfèvres français qui cisèlent le film sont plébiscités par les plus grands cinéastes du monde.

i

On the crossroads of art and technology, the women and men who make the films place their virtuosity, their sensibility, and their culture in the service of creating beauty. Shadows and light, sound and music; the magic of costumes and sets, and the art of montage and animation – these French creators are in popular demand with the great filmmakers of this world.


ANNE SEIBEL

DÉCORATRICE DES IMAGINAIRES

Et si l’âme d’enfant d’Anne Seibel, ses heures passées à fabriquer des marionnettes, se réincarnait, le temps d’une scène de fête des années folles, par la caméra de Woody Allen ? Et si tous ces objets d’illusion présents dans Midnight in Paris étaient en fait un cadeau qu’elle offrait à son réalisateur, lui si touché qu’il en changea son scénario ? Eh bien, elle est là la magie du cinéma, l’alchimie d’une rencontre entre deux univers, deux nostalgies aussi peut-être, qui mena Anne Seibel, la plus hollywoodienne de nos décoratrices françaises, sur le tapis rouge des Oscars...

ANNE SEIBEL Designing the imaginary Anne Seibel came to the cinema via architecture. Her studies at Paris’s École Spéciale d’ Architecture taught her rigor, the attention to detail that forms her pride and her distinction. A quality much appreciated in both Britain and the U.S., where they understand

C’est par l’architecture qu’elle viendra au septième art. Plus précisément, à l’École Spéciale d’Architecture de Paris où elle fait le grand saut, du bricolage dans le garage de sa tante aux dessins qui ne souffrent pas de perspectives approximatives. Cet apprentissage de la rigueur, ce souci du détail, qu’elle transmet à ses équipes et à ses étudiants de la Fémis – elle y dirige le département décor depuis 5 ans –, est chez elle un point d’honneur et un gage d’excellence, appréciés par les anglo-saxons qui savent bien que si le Diable s’habille en Prada, il se loge aussi dans les détails. Seulement dessiner des plans ne suffit pas à son monde imaginaire. En troisième année d’architecture, elle assiste à un tournage et découvre ces fabricants de rêves qui scient, découpent, poncent, peignent, la projetant dans ce qu’elle a toujours aimé : plonger jusqu’au tréfonds de la matière et la tordre à l’aune de ses songes. Les techniciens auprès desquels elle s’enquiert du métier lui confirment que sa formation d’architecte est cohérente avec le travail de décorateur de cinéma. Son diplôme passé, l’idée de devenir décoratrice de cinéma ne la quittera plus.

that the devil may wear Prada, but he is above all in the details. In her third year of college, Seibel visited a film set and discovered that building dreams required a crew of people cutting, sawing, hammering, and painting away. She saw herself among them, doing what she loves. Immediately after graduation, she tried her hand at becoming a set designer. After working as an intern on Rouletabille, her first professional job was Stan the Flasher. Perhaps the film’s English title portended an international career, because she swiftly realized that mastering the English language, still a rarity among French craftspeople, would

Elle débutera comme stagiaire pour le long-métrage Rouletabille qui ne vit jamais le jour mais qui lui permit de commencer des esquisses de décors de Paris. Son premier maître de cinéma sera Raoul Albert, décorateur de Pierre Schoendoerffer et de Serge Gainsbourg. Sa réelle première expérience est Stan the Flasher, titre anglais, prémonitoire pour sa future carrière internationale ? En effet, l’anglais est une pierre angulaire déterminante du continent cinématographique. Et langue de James Bond. Anne la maîtrise, fait encore rare dans le milieu des techniciens français. Serge Douy la repère dans les studios de Boulogne-Billancourt, alors jeune Alice au pays des merveilles, instinctive et sans peur qui tripatouille des tissus

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be crucial for allowing her to circulate through the world of cinema. It is the language of James Bond, after all, and so Serge Douy, after noticing her at Boulogne-Billancourt studios, hired her to assist him on A View to Kill, directed by John Glen. A second Bond film followed and Seibel decided to focus on British and American productions. She quickly became known as “The French assistant who speaks English”, a French girl



et des ficelles avec maestria pour un décor de bateau. Ni une ni deux, il l’embarque sur Dangereusement vôtre de John Glen et en fait son assistante. Elle enchaîne sur un deuxième film du célèbre espion britannique puis décide de s’orienter vers le cinéma anglo-saxon. Elle devient rapidement « The French assistant who speaks english », la french girl dont la réputation la précède outre-Atlantique.

with a reputation that stretches across the Atlantic. It was on Sofia Coppola’s Marie Antoinette that Seibel became art director in her own right. The stakes were high, but production designer Keith Bar-

Mais c’est avec Marie-Antoinette de Sofia Coppola qu’elle gagne ses galons. L’enjeu est énorme, le chef décorateur Keith Barrett ignore les subtilités de l’architecture et du décor du XVIIIe siècle français. C’est donc à Anne Seibel que le producteur Ross Katz confie l’intégralité du décor. Il lui laisse carte blanche pour constituer son équipe. Elle ira rechercher ceux avec qui elle a travaillé sur La Révolution française dix-sept années auparavant et qui la suivront dans cette aventure hors-norme. La FRENCH TOUCH s’exerce alors à plein régime, avec ces menuisiers, tapissiers, peintres, ensembliers qui partagent un savoir-faire méticuleux, des magiciens artisans aux inspirations puisées dans une culture commune. L’alliance du génie français et de l’entertainment américain fait des étincelles à l’écran. Les superproductions se l’arrachent, de grands, voire de très grands réalisateurs comme Steven Spielberg, Clint Eastwood ou Woody Allen la sollicitent. Rick Carter, fidèle chef décorateur de Steven Spielberg, la découvre, en fait son assistante décoratrice sur le tournage de Munich. Elle enchaîne les films à gros budget tels Rush Hour 3, Phénomènes puis G.I. Joe : Le Réveil du Cobra où elle a la responsabilité de son plus gros budget décoration à ce jour, 15 millions de dollars, avec entre autres 42 décors de Paris recréés à Prague et un rythme de stakhanoviste. C’est alors que la rencontre professionnelle avec l’Inde, dont elle a déjà arpenté les terres et les fleuves, lui offre un nouveau souffle, tout en couleurs et en total contraste.

rett turned out to be unfamiliar with the intricacies of 18th-century French architecture and interiors. Producer Ross Katz called in Anne Seibel to take charge of design and gave her carte blanche in assembling her own crew. She gathered a formidable pool of talent, made up of dozens of carpenters, upholsterers, painters, and assistants, all artisans of the highest order with a shared culture and history. The marriage of French craftsmanship and American entertainment worked miracles on the screen and a succession of films saw Seibel working with some of the most venerated names in American cinema, including Steven Spielberg, Clint Eastwood, and Woody Allen. Spielberg’s longtime set designer Rick Carter hired her as his assistant on Munich and one blockbuster followed another: Rush Hour 3, The Happening, and G.I. Joe: The Rise of Cobra, which gave her the largest design budget she

Elle décroche enfin son « titre » de chef décoratrice avec Road Movie de Dev Benegal, jeune réalisateur de la nouvelle vague indienne. Mais ici, pas de budget pharaonique, loin s’en faut, quelques centaines de milliers de dollars tout au plus, une équipe réduite dont seule elle et le directeur de la photographie, Michel Amathieu, sont Français. Elle fabrique des moodboards, tableaux de tendances – tissus, croquis, photos, collages – qui donnent des références très précises de

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had ever worked with: 15 million dollars, which meant 42 sets of Paris recreated in Prague and demanded a working pace to match. She finally received her first full credit as production designer on Road, Movie


© ANNE SEIBEL - Exemple de croquis pour le décor de Magic in the Moonlight

la vision de son projet et lui permettent de communiquer avec l’équipe indienne. Un langage visuel et international dont elle ne se départit plus depuis, que cela soit pour Midnight in Paris, To Rome with Love ou Befikre. Elle embraye dès son retour sur le long-métrage d’un certain Clint Eastwood, Au-delà, et travaille avec le chef décorateur James J. Murakami, une icône du décor qui a commencé avec Apocalypse Now. Le grand Clint Eastwood à ses côtés, le désir de cinéma semble à son apogée. C’était sans compter sur la suite...

by Dev Benegal, young director of the Indian new wave. No bloated budget this time, but a few hundred thousand dollars at most, plus a small crew, of which Seibel and cinematographer Michel Amathieu were the only French members. Upon returning, she immediately began work on Eastwood’s Hereafter, on which she worked with an icon of the

Grâce à Raphaël Benoliel qui a fondé la société de production Firstep en 2000 et dont la mission est de fournir une prestation de services aux productions étrangères en France, le prochain film de Woody Allen, Midnight in Paris, se déroulera entièrement à Paris. Il charge Anne de chiffrer le scénario et de faire un devis avec son équipe. Mais c’est loin d’être gagné, la bataille est rude pour obtenir le poste face à quatre grands décorateurs français plusieurs fois primés.

craft: James J. Murakami, whose career began on Apocalypse Now. Working at Clint’s side, she felt she had reached the zenith of cinema, but more was to follow. Woody Allen’s production

company

approached

her to work on Midnight in Paris and

Elle doit alors passer un casting devant le cinéaste. Elle se met dans la peau du décorateur, cherche des lieux méconnus avec son fidèle

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she was asked to audition, spending almost an hour discussing the project


© ANNE SEIBEL - Exemple de moodboards pour le décor de Midnight in Paris

repéreur Antonin Depardieu, prend des centaines de photographies, se constitue un book avec toutes ses expériences, ses dessins et ses moodboards. L’entretien se déroulera en deux temps. Un premier, face à la sœur du cinéaste et sa productrice auxquelles elle montre son book, argumente sur sa polyvalence – pouvoir aussi bien faire G.I Joe, un blockbuster de 200 millions de dollars de budget, que Road Movie et son budget 100 fois moins important. Un deuxième, plus surréaliste où elle échange près d’une heure avec Woody Allen, dans son bureau qui ressemble à celui d’un détective privé des années 1950. On la prévient qu’au bout d’une demi-heure, il lui demandera son prénom ; cela ne rate pas, humour typique du cinéaste. Ce dernier lui dira : « Well, it’s promising let’s see us in Cannes. » En fait, elle remporte son oral haut la main. À Cannes entre 120 interviews, il lui consacre 20 minutes et lui dit pour toute instruction : « Je fais un film sur quelqu’un qui a la nostalgie du passé. » Et lui donne carte blanche. Son repéreur lui parle d’un lieu méconnu, le Musée des Arts Forains. Coup de foudre immédiat, un cabinet de curiosités, une montgolfière éléphant, une licorne jouant du piano, une fête foraine de la Belle Époque, des manèges centenaires et leurs chevaux de bois, une lumière entre chien et loup. Quand le cinéaste approuve son choix, elle sait qu’ils ont en partage un jardin secret. Sa récompense sera de concourir à l’Oscar des meilleurs décors en 2012.

with Allen. She emerged successfully from the exam, with only one piece of direction: “I’m making a film about a true nostalgic.” He gave her free rein. Her location scout informed her of a little-known spot, le Musée des Arts Forains, Paris’s fairground museum. This cabinet of curiosities was love at first sight, with its hot air balloon in the shape of an elephant, a unicorn playing the piano, its Belle Époque fairground attractions, the hundred-year-old stables full of rocking horses, and its dusky light. When the director approved her choice, she felt that they were sharing a secret garden.The acknowledgement came in the shape of an Oscar nomination for Art Direction in 2012. The year 2016 saw her chosen to design the sets for a new Indian film shot entirely in France, Befikre by director Aditya Chopra, a pure piece of Bolly-

En 2016, elle est choisie pour les décors d’un nouveau film indien, tourné intégralement en France, Befikre du réalisateur Aditya Chopra, pure production bollywoodienne du mythique studio Yash Raj Films et du producteur indien, Aashish Singh. L’ensemble des chefs de poste est français pour mettre en scène deux grandes stars indiennes, Vaani Kapoor et Ranveer Singh. Anne Seibel se régale, laisse exploser son imagination dans un grand déluge coloré de son Inde tant aimée. Depuis, elle est repartie sur les routes à Belgrade et Moscou... pour le film de Ralph Fiennes The White Crow, l’histoire du passage de Rudolf Noureev à l’Ouest, où elle entame une nouvelle aventure. Décidément, rien ni personne ne pourra entraver son plaisir de créer, de découvrir de nouveaux pays et de rouler sa bosse au rythme des cinéastes.

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wood spectacle from Yash Raj Films, with all-French department heads and two great stars of Indian cinema: Vaani Kapoor and Ranveer Singh. Since then, she has been heading for Belgrade and Moscow, on Ralph Fiennes’ film The White Crow, the story of Rudolph Nureyev’s defection to the West. Anne Seibel continues to joyously ply her craft in the service of great filmmakers across the four corners of the globe.


GABRIEL YARED LE MÉLODISTE

Aux premières lueurs de l’aube, Gabriel Yared aime « poser le ciel au-dessus de sa tête » en déchiffrant une cantate de Bach et retrouver, à l’écoute d’une Fugue en sol mineur, une nécessaire humilité. Sa liturgie matinale achevée, commencent alors les lentes minutes de composition à son piano, quelques heures volées au temps où l’absolu n’est qu’un bruissement de croches. Que seraient les œuvres de JeanJacques Beineix, Robert Altman, Anthony Minghella ou Xavier Dolan sans les notes d’un de nos plus grands compositeurs, oscarisé en 1997 pour Le patient anglais ? Depuis trente-huit ans, Gabriel Yared ne cesse de surprendre par la richesse créative de son style poétique où sa musique, cet art premier, éclaire de mille résonances les images des cinéastes.

GABRIEL YARED The Melodist In the first moments of the dawn, Gabriel Yared likes to “place the sky over his head” by deciphering a Bach cantata so as to feel, while listening to a fugue in G minor, a necessary sense of humility. Once this morning ritual is completed, the slow process of composition at the piano begins, a few hours spent while the only thing that exists is the rustling of eighth notes. Where would the

Les thèmes mélodiques ont sa préférence. À son panthéon personnel, Jean-Sébastien Bach, bien sûr, son contrepoint et son art de la fugue, et Wolfgang Amadeus Mozart. Non loin, Emmanuel Chabrier, Claude Debussy et Maurice Ravel, fondateurs de la nouvelle école musicale française qui colorient et texturent le son au moment même où les impressionnistes révolutionnent la peinture. Un panthéon élargi où se côtoient Sergueï Prokofiev, Dmitri Chostakovitch, Leonard Bernstein – aux partitions pour Sergueï Eisenstein, Mikhaïl Kalatozov, Elia Kazan – John Coltrane, Marvin Gaye, Claude Nougaro et les Beatles qui amènent du riff à la mélodie. Le Liban, son pays d’enfance, y tient une place entre ombre et lumière avec ses mélodies et ses rythmes de la montagne « lubnan » qui le rendaient, dans ses tendres années, si mélancolique. Il reviendra des années plus tard à la source avec Le patient anglais, fruit de ce syncrétisme entre ondulations du chant arabe et harmonies de l’Europe aux anciens parapets. Justement, cette Europe des compositeurs, il la découvrira au sein de la bibliothèque musicale des Jésuites, dans son pensionnat au pays du Cèdre. Il dévore le répertoire de la musique occidentale, se frotte à l’orgue, au piano. Rien ne pourra le détourner de son intime conviction ; il composera.

works of Jean-Jacques Beineix, Robert Altman, Anthony Minghella, or Xavier Dolan be without the notes of one of our greatest composers, Oscar winner for The English Patient? For thirty-eight years Gabriel Yared hasn’t ceased to surprise us with the creative riches of his poetic style, in which his music adds a thousand resonances to filmmakers’ images. He prefers melodic themes. In his personal pantheon we find Johann Sebastian Bach, naturally, for his counterpoint and his fugue, and Wolfgang Amadeus Mozart. Following at some distance: Emmanuel Chabrier, Claude Debussy, and Maurice Ravel, founders of the new French school of music. Lebanon, the country of his birth, has a place too, somewhere between shadow and light,

À 20 ans, il part suivre les cours d’Henri Dutilleux et de Maurice Ohanna à l’École Normale de Musique de Paris. Henri Dutilleux, cet immense compositeur, qui à la demande de Maurice Pialat écrivit la musique de Sous le Soleil de Satan, lui martèle : « Quoi que vous fassiez plus tard, apprenez le contrepoint. »

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with the melodies and rhythm of the mountains that made him feel so melancholy even in his youth. Many years later he would return to those roots with The English Patient, the fruit of a



Le contrepoint, cette méthode d’écriture dont le principe repose sur la superposition de lignes mélodiques différentes, jouées simultanément et où les accords semblent apparaître de manière surnaturelle comme l’or de l’alchimiste.

syncretism between undulating Arab chants and European harmonies. Yared discovered the Europe of composers in the music library of the Jesuits, at the boarding school he attended as a child.

Amoureux des musiques du monde, ces sonorités originelles en dialogue avec les divinités, il part vivre une histoire d’amour avec le Brésil dans les années 1970 où il s’imprègne de bossa nova avec Ivan Lins, ambassadeur de la bossa nova moderne, le compositeur Milton Nascimento et la chanteuse Ellis Regina. À son retour en France, il s’est trouvé. Sa ligne de chant parlera au cœur, à l’âme, à l’intime, aux sentiments dans une harmonisation et un contrepoint ciselés. Il met un temps son talent d’orchestrateur et de producteur au service de grands noms de la variété française (Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, Michel Jonasz, Françoise Hardy... ). Rien ne semble alors le prédestiner à devenir compositeur de musique pour films, lui qui ne voit que peu de films et ne vit que pour les accords.

He devoured the entire repertoire of western music and tried his hand at the organ and the piano. At the age of 20 he departed for Paris to take the classes of Henri Dutilleux and Maurice Ohanna at the École Normale Supérieure, where he learned the counterpoint. For a while he placed his talent for orchestration in the service of such entertainers as Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, Michel Jonasz, and Françoise Hardy. Nothing yet pointed toward a fu-

C’est grâce à Jacques Dutronc qu’il entre en cinéma. Et pas avec n’importe qui. Jean-Luc Godard l’intronise pour Sauve qui peut la vie. Pourtant leur première rencontre ne laisse rien présager de bon : « Mon cher Yared, je voudrais que vous fassiez différentes orchestrations de l’Ouverture du deuxième acte de la Gioconda de Ponchielli, de durées variant entre 30 et 90 secondes. » Le compositeur décline. Godard lui réécrit, Gabriel Yared veut voir les images du film : « C’est inutile, je vous raconte. » L’élément déclencheur, ce « je vous raconte », aura une influence considérable sur son travail. Cette composition hors image, nourrie par la lecture du scénario et par ses discussions avec le metteur en scène, il la fait sienne. Place au brouillard et à l’imaginaire, loin du littéral et du visible.

ture as a composer of film scores: he watched few films, living only for music. It was Jacques Dutronc who introduced him to the world of the cinema and to Jean-Luc Godard, who hired him to score Every Man for Himself. Yared wanted to watch the film’s images, but heard instead: “It’s not necessary, I’ll describe them to you.” This proved to be the turning point, and a profound influence on his method of working: composing without images, influenced only by the screenplay and his discussions

Sa carrière cinématographique est lancée. Il touche à la consécration sept ans plus tard, avec 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix. La relation qu’il instaure avec le cinéaste, fusionnelle, son attachement à Jean-Hugues Anglade et Béatrice Dalle pour lesquels il écrit les plus beaux morceaux du film, aboutissent à ce mariage spirituel où la musique incarne l’image. Personnage du film, sa partition sera jouée sur le plateau afin que techniciens et comédiens se l’approprient et la chorégraphient. Il obtient pour la bande originale une nomination

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with the director. It would become his hallmark: ambiguity and imagination rather than the literal and visible. His film career was off to a flying start. Recognition followed seven years later, on Beineix’s Betty Blue, whose score earned him his first of many César


aux César, la première d’une belle série qui lui vaudra un trophée en 1993 pour L’Amant de Jean-Jacques Annaud et pour lequel il écrit un thème en « arpège vietnamien », exercice périlleux qui donne tonalité au film.

nominations. This succession culminated in a win in 1993 for Jean-Jacques Annaud’s The Lover, for which he composed a “Vietnamese arpeggio”, a perilous undertaking that gave the film its

En l’espace de quelques années, Gabriel Yared impose sa signature à l’échelle mondiale, en multipliant les collaborations avec Bruno Nuytten (Camille Claudel), Robert Altman (Beyond Therapy, Vincent et Theo), Florian Henckel von Donnersmarck (La Vie des autres), Jan Kounen (Coco Chanel & Igor Stravinsky), Angelina Jolie (Au pays du sang et du miel, Vue sur Mer). Mais c’est sa rencontre avec Anthony Minghella, amoureux de la musique de 37°2 le matin qui le sacrera, outre-Atlantique, à la fois aux Oscars, aux Golden Globes et aux Grammy Awards avec Le patient anglais. Pour le réalisateur britannique, « son frère d’âme », il accepte de lâcher du lest et de se frotter aux images. Le compositeur conserve néanmoins une grande rigueur dans sa démarche considérant que la musique de film est l’aboutissement de quinze siècles d’art musical ; pour Le patient anglais, il compose avec l’intention de donner les clés de la mélomanie à un public de cinéphiles. La déferlante est énorme et conditionne son image auprès du public anglo-saxon, celle d’un compositeur d’inspiration romantique et dramatique. Les films que lui propose Hollywood voient le personnage principal toujours mourir à la fin. Gabriel Yared fait trois films dans cette veine puis envoie aux orties les suivants, refusant d’être catalogué par cette approche morbide. Ses autres longs-métrages avec Anthony Minghella, tous produits par les studios américains, ne seront pas un copié-collé du Patient anglais. Au contraire, pour le dernier film du cinéaste, Par effraction, il retrouve le chemin de la pop avec le groupe Underworld. Pendant dix ans, Anthony Minghella le mène vers des chemins inexplorés, le portant à puiser au fond de lui des ressources nouvelles. Aucune de leurs aventures partagées - Le patient anglais, Le talentueux Monsieur Ripley, Retour à Cold Mountain, Par effraction, ne souffre du syndrome de répétition, dont Gabriel Yared a la hantise.

tone. Within a few years, Gabriel Yared’s touch travels the globe, through collaborations with Bruno Nuytten (Camille Claudel), Robert Altman (Beyond Therapy, Vincent and Theo), Florian Henckel von Donnersmarck (The Lives of Others), Jan Kounen (Coco Chanel and Igor Stravinsky), and Angelina Jolie (In the Land of Blood and Honey, By the Sea). However, it was meeting Anthony Minghella, an admirer of his music for Betty Blue, that led to stateside recognition, with an Oscar, a Golden Globe, and a Grammy for The English Patient. For the British director, his “soul brother”, he accepted to jettison his ballast and expose himself to the film’s images. For The English Patient he composed with the intent of turning cinephiles into music lovers. The consequences were enormous, as the film established his image in the eyes of the British and American public as that of a composer of romantic and dramatic pieces. These last few years, Gabriel Yared has become more selective, refusing any form of “mediocrity that appeals to the gut and not to the soul”. He found a new

Depuis plusieurs années, Gabriel Yared se fait plus sélectif, refusant « la médiocrité qui parle au bas-ventre et non pas à l’âme ». Il se régénère auprès d’une nouvelle génération d’auteurs notamment Xavier Dolan, prodige du cinéma canadien. On lui doit la musique de

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lease on life with a young generation of filmmakers, in particular with Xavier Dolan, the prodigy of Canadian cinema, for who Yared composed the scores for


Tom à la ferme, Juste la fin du monde et de The Death and Life of John F. Donovan. Pour ce dernier, le compositeur a demandé à écrire sur scénario, à la recherche de sa quête première, celle où la musique repose sur son propre rythme sans céder le pas à l’arythmie des personnages. Une exigence qu’il justifie par le travail de ses glorieux prédécesseurs Bernard Herman, Maurice Jarre, Nino Rotta, Jerry Goldsmith, John Barry, Michel Legrand, Francis Lai qui ont tous écrit avant l’irruption de la vidéo et des montages aux musiques temporaires qui brident la création musicale originale.

Tom à la ferme, Juste la fin du monde, and The Death and Life of John F. Donovan. Today, after a three-decade love affair wit the cinema and nearly one hundred films to his name, this creator of unforgettable melodies feels proud that the great themes from American films were composed by Europeans. The Europe capable of instilling into the dominant

Aujourd’hui, après trois décennies de mariage avec le cinéma et près de cent films à son palmarès, cet orfèvre de mélodies inoubliables est fier que les grands thèmes du cinéma américain aient été composés par des Européens. Cette Europe capable d’instiller une forme de beauté intemporelle dans l’entertainment prédominant, bien loin des diktats de l’immédiateté reine.

form of entertainment a sense of timeless beauty, far removed from the diktat of instant gratification.

© LAURENT KOFFEL - Quelques partitions sur le bureau du compositeur

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LES ambassadeurs the ambassadoRs


i L’excellence artistique de la France reste un atout majeur et en fait une terre d’accueil pour de nombreux projets du monde entier. Multiplicité des paysages et du patrimoine architectural, salles de cinéma aux fenêtres grandes ouvertes sur le monde, studios replaçant l’hexagone dans l’épicentre européen des tournages, vente et distribution des films marqués du sceau de la singula­rité des créateurs, nos ambassadeurs OEuvrent quotidiennement à son rayonnement.

i

France’s artistic excellence remains a major asset and makes it a haven for countless film projects from all over the globe. A widely diverse set of landscapes and styles of architecture, numerous film theaters that function as windows on the world, sound stages that are among the finest in Europe, the sale and distribution of films that carry the stamp of their visionary creators – our ambassadors work tirelessly to bring these unique qualities to the world’s attention.


les studios de paris LE CINÉMA SERVI SUR DES PLATEAUX

Au cœur de la Cité du Cinéma, nouvelle destination incontournable du septième art, Les Studios de Paris est un écrin de créativité et de technicité audiovisuelles qui accueille, depuis son lancement en 2012, des tournages français et internationaux de films et de séries, à quelques encablures des principaux monuments de la capitale. Grâce aux Studios, la France détient désormais un atout de poids face à la concurrence anglaise et européenne de l’Est.

LES STUDIOS DE PARIS Setting the stage Located in the heart of the Cité du Cinéma, at a stone’s throw from the capital, Les Studios de Paris has played host to the shooting of a great many films and series, French as well as international,

À son origine, un défi lancé par Luc Besson : réunir en un seul lieu l’ensemble des métiers constituant la chaîne de fabrication d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, depuis l’écriture du scénario jusqu’à la postproduction, en passant par l’élaboration des décors, la logistique de production et l’organisation des tournages. Initiés en 2004, les travaux font sortir de terre Les Studios de Paris en 2012, surnommés, avec la Cité du Cinéma, le « Hollywood sur Seine ». Le lieu propose aux professionnels du grand et du petit écran 9 500 m² de plateaux avec des surfaces exceptionnelles pour certains d’entre eux, comme le plateau n° 5, impressionnant pavillon d’une surface de plus de 2 000 m² (61 mètres de longueur pour 34 mètres de largeur), une hauteur sous gril de 16 mètres ainsi qu’une grande fosse centrale de 400 m2 permettant une profondeur de champ supplémentaire pour des effets de scènes. L’ensemble des 9 plateaux répond à tous les besoins que peuvent avoir de grosses productions cinématographiques notamment américaines ainsi que, et ce de plus en plus fréquemment, des séries TV importantes, nécessitant un ensemble d’espaces annexes et de services étoffés.

since opening its doors in 2012. It forms France’s counterweight to the studio complexes in England and Eastern Europe, a kind of ‘Hollywood on the Seine’. It all began with a vision by Luc Besson: to create a central place for all links in the production chain of films and audiovisual works, from scriptwriting to post-production, including set building, production logistics, and organizing shoots. The space offers professionals of big and small screen 9 large sound stages. The facilities on offer fulfill all needs of film or TV shoots, including American productions. Among the shoots it has welcomed so far are the Europacorp productions Taken 2 and 3, Malavita,

On compte évidemment parmi les tournages accueillis, les productions d’Europacorp et les longs-métrages de Luc Besson qui ont été les fers de lance des Studios de Paris, tels que Taken 2 et sa suite, Malavita, Lucy ou bien encore Valerian : La cité des mille planètes et Taxi 5. Et dans une dynamique qui ne faiblit plus depuis, ils ont également ouvert leurs portes immenses à Alain Resnais avec Aimer, boire et chanter, à François Ozon avec Une nouvelle amie et aussi à Pablo Larraín pour son biopic de la First Lady américaine Jackie (interprétée par l’émouvante Natalie Portman), à Alain Chabat, Danny Boon, Fred Cavayé pour n’en citer que quelques-uns. Les séries, notamment françaises, sont également au rendez-vous avec la populaire Scènes de ménage (M6) et l’une des plus récentes productions françaises en

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Lucy, Valerian and the City of a Thousand Planets, and Taxi 5. Also made here were Pablo Larraín’s Jackie, French films including Life of Riley by legendary director Alain Resnais and The New Girlfriend by François Ozon, recent movies by Fred Cavayé, Dany Boon as well as series such as the internationally successful The Bureau. Given their recent opening, the studios are equipped with the latest technology.


© VALERIAN SAS - TF1 FILMS PRODUCTION - DOMINIQUE GIRARD - Les Studios de Paris ont accueilli le tournage de Valerian

la matière, Le bureau des légendes (Canal +) inspirée de l’activité antiterroriste des services secrets français.

In addition you will find a prop rental firm, a workshop for digital cutting of any base material in three dimensions,

Si Les Studios de Paris sont autant plébiscités, ce sont aussi pour les nombreux avantages et services proposés. En effet, du fait de leur création récente, ces studios bénéficient des derniers équipements à la pointe de la technologie et de la technique. Cet argument à haute valeur ajoutée s’enrichit de la présence de divers équipements : un magasin de fournitures pour tournages, Cinestore, où les techniciens et les équipes de création peuvent trouver notamment toutes les fournitures et consommables indispensables au bon déroulement de leur projet ; un studio de découpe numérique de matériaux non ferreux (bois, mélaminé, aluminium, agglo...) y compris en trois dimensions ; un studio d’impression numérique, 3D incluse, avec la capacité de produire sur papier des illusions parfaites de faux journaux, faux marbres, faux carrelages... À cela s’ajoutent de nombreux espaces pour maquettes, tapisserie, peinture, stock bois et structures métalliques, et une imposante menuiserie. À proximité des plateaux, les équipes de production peuvent installer leurs bureaux, stocker leurs costumes et accessoires, mettre des loges tout confort à disposition des comédiens, des coiffeurs et des maquilleurs.

as well as a studio for digital printing

En somme, un « tout-en-un » unique en terre française, très différent des autres studios hexagonaux car adossé à La Cité du Cinéma, où résident des sociétés de production et de postproduction, des écoles de cinéma et de maquillage avec leurs étudiants (techniciens de demain) et enfin un immense espace de restauration. Avec la révision du crédit d’impôt français et international, effective depuis le 1er janvier 2016 et son évolution appuyée par Luc Besson au bénéfice de films de nationalité française mais tournés en langue étrangère, Les Studios de Paris ont, au-delà de leurs qualités intrinsèques, un pouvoir d’attraction désormais renforcé. Alors, à vos marques, prêt, tournez !

The January 2016 reform in tax laws for

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that is capable of recreating on paper perfect replicas of newspapers, marble, tiles, and more. Production crews will find office space close to the sets, space for costuming and props, as well as comfortable dressing rooms for the cast. The studios, in short, offer an all-in-one solution that is unrivaled on French soil, located at the Cité du Cinéma that also houses production and post-production companies, film schools and make-up schools, as well as providing housing for their students (tomorrow’s crewmembers) and an impressive staff canteen capable of welcoming and feeding even the largest of film crews.

French and international productions and Luc Besson’s use of these for the benefit of French productions shot in different languages, have made Les Studios de Paris, beyond its already considerable intrinsic qualities, even more appealing. So: lights, camera, action!


DARIUS KHONDJI brigitte segal LE PRINCE DES TÉNÈBRES ENTRETIEN AVEC

Sous les plafonds ornésded’un appartement âge du quartier Présidente des Studios Paris depuis marssans 2015, Brigitte Segal, Saint-Sulpice à Paris se musse une auguste silhouette d’un franco-américaine, avocate au barreau de Californie, est au unecœur habituée décor cistercien parfumé d’encens et empreint de musique classique. des productions cinématographiques internationales. Peu à peu, et devientet lumière, dévoilant Après avoirl’ombre occupé vespérale le poste des’approche Directrice Juridique Business Affairs songroupe identité : l’un des plus grands directeurs de photographie de notre du Quinta Communications, elle arrive à Saint-Denis pour époque. Marchant quelques pas sereins dans son intérieur où dynamiser l’exploitation des plateaux et de tous lesjardin services annexes chats et arbres fruitiers apprennent à s’apprivoiser, Darius Khondji proposés aux producteurs du monde entier. décide d’ouvrir le livre de sa vie et de nous en lire quelques pages secrètes pour nous permettre de saisir son regard sur l’image et le L’objectif des studios cinéma. « Il restera toujours fondamentalement le même : mettre à disposition du plus grand nombre de productions françaises et étrangères, un lieu Le septième pour art se porta précocement à sa rencontre, lui qui fut exceptionnel y tourner leurs projets audiovisuels les plus divers principalement élevétous par les sa outils mère nécessaires et ses grands-parents dans la et variés, leur offrant pour fabriquer leurs commune deun Vaucresson, non loin de la2017, capitale. effet, son père, œuvres dans confort total. Sur l’année nousEn devrions atteindre en voyage permanentde pour son fut quelques temps exploitant un taux d’occupation près detravail, 80 %. Depuis la mise en place effecde salles en Iran dontd’impôt l’une d’elle se nommait « Dunyâ », que l’on tive du nouveau crédit français et international le 1er janvier traduirait « la vie » et donnant à penser sur monde. 2016, notrepar activité estd’ici-bas continuellement en croissance. Ces le nouveaux Alors encore très jeuneprincipalement enfant, il n’arrêtait jamais audiovisuels de fouiller dans les dispositifs intéressent des projets à budcartons rapportés son pèrepouvant et y découvrit des affiches de films gets d’une certainepar importance se permettre des tournages bollywoodiens ainsi des en photographies et équipe d’acteurs dont les intérieurs se que tournent studio. Nous d’actrices sommes une de italiens qui furent, pourl’ensemble lui, un premier déclic inconscient. Lors de huit salariés qui gérons des neuf studios, le magasin et les ces parcimonieux retours l’un en France, son père l’emmenait temps deux ateliers spécialisés, en impression numérique et de l’autre en à autre dans les salles obscures desannexes. Champsdécoupe numérique ainsi que prèsproches de 7 000de m2l’avenue d’espaces » Élysées, notamment au Club de l’Etoile, dédiées aux exploitants où régnait une ambiance (affiches, photographies, découverte des L’accueil des tournages bandes originales) à une maturation vers le septième « La gestion de cespropice énormes espaces relève lente parfois néanmoins du 2 art. ! Au printemps 2017, pendant plus de deux mois, chaque m de la défi Cité du Cinéma était occupé ! Sa effet, sœur,nous de huit années son aînée, concrétisera sondes désir deune cinéma En avons accueilli en même temps Robin Bois, prolors de américaine son adolescence l’emmenant en salles voir des longsduction signéeen Lionsgate, les ateliers d’accessoires et de métrages parfois difficiles comprendre, Conformiste de costumes du sixième opusàde la franchisecomme MissionLeImpossible, trois Bernardode Bertolucci ou des classiques du cinéma japonais, qui équipes trois productions différentes, toutes en bonnemais entente ferontlaleurs effets àetretardement. Elle l’accompagna également dans menuiserie les ateliers. Santa & Cie d’Alainvoir Chabat, quant delui, nombreux populaires comme King Kong où Darius à occupait films quatre plateaux, sans compter certaines sériesKhondji TV qui, fut grimé pourhabitude, faire plusoccupaient adulte, n’ayant encore l’âge légal de voir comme à leur leurspas quatre plateaux. le film les de tournages Ernest B. Schoedsack Merian C. Cooper. En ces Parmi majeurs desetdeux dernières années, il y temps, a bien l’ouvreur veillait aux grainsLa encité circulant dans les allées sallessept afin évidemment eu Valerian : des mille planètes qui des a occupé de vérifiersur l’activité et l’identité des spectateurs... plateaux les neuf dont nous disposons pendant une période Mais s’il est unmois, personnage de décors cinémadignes qui le marqua vie, telle d’environ sept avec des du XXIIeàsiècle (Hugues

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sssCum SEGAL aut auditas dolessundit, BRIGITTE nos quatet oditdeas sum quiaectat CEO, Les Studios Paris voluptatquo quam evelesciis alia dia goal quodici repre pe nestis pa siThe of the Studios tat. “This remains essentially unchanged: Porepedisque essum fugiam lito offer the greatest number of French tatendit ex eaqui velliqui and foreignquam productions an exceptional inctam, con rathe inulpa space for in shooting most sande diverse maximendi incit dolentem re, range of audiovisual projects, giving cum all vent aut needed accullabores them the tools to createdolo their bea vidus velectur? works in complete comfort.Uga. Dam, estium, ulparch ilicaborrum For the year 2017, we’re expectingcoan ribeaquam, es re pos occupation ratesinvelecte of 80 per cent. imetum Since the estint. new tax credits took effect in Nequam re nisit optistios moJanuary 2016, our activity has is continlupic aboremo luptam quatem ued to increase. con nim Ut quo con affect nate These new fuga. regulations primarily volorrum aut animawith qui considercum faaudiovisual projects ciatibudgets id ut etthat ommodici ullab ipiable allow for shooting on dist orundus, omnis doluptam sound stages.” qui coneceprore precull uptati cuptatet. Welcoming film shoots sssCum dolessundit, “It can be aut quiteauditas a challenge to manage nos quatet odit as sum quiaectat these huge spaces. voluptatquo quam evelesciis alia In the spring of 2017, every square meter diathe quodici nestis paconsiof Cité du repre Cinémape has been in tat. stant use. In fact, all at the same time Porepedisque liwe welcomed the essum Lionsgatefugiam production tatendit ex costumes eaqui velliqui Robin Hood,quam props and for the inctam, in conin ra sixth installment theinulpa Mission:sande Imposmaximendi dolentem re, sible franchise,incit three different feature cum shoots, vent aut dolo film andaccullabores everything passed beagood vidus Dam, in ordervelectur? with the Uga. construction estium, ulparch ilicaborrum codepartment and the various workshops. ribeaquam, es occupyre pos Alain Chabat’s sinvelecte Santa & Co was imetum estint. four stages, as did a ing an additional Nequam re series. nisit optistios is monumber of TV luuptam coneceprore precull Among thequi biggest productions we’ve uptati had hascuptatet naturally been Valerian and



Tissandier). Nous avons également accueilli le biopic Jackie dont une partie des sublimes décors (Jean Rabasse) a été entièrement réalisée dans notre menuiserie. Lors de périodes aussi remplies, nous engageons plusieurs régisseurs et intermittents, notamment pour assurer un service continu sur des plages horaires décalées, certaines équipes tournant jusqu’à minuit ; notre régie doit donc être présente jusqu’à l’extinction des feux. Pour 2018, nous avons déjà rebooké plusieurs séries comme Le bureau des légendes, Scènes de ménages et En famille. Par ailleurs, les grosses boîtes de pub affectionnent les Studios et viennent régulièrement y tourner leurs films haut de gamme car elles peuvent faire d’un plateau de 2 000m² un véritable cocon technique très organique, où tout est stocké pour une mise en place rapide. Enfin, nous avons reçu également des expositions à très grand succès comme Star Wars et Harry Potter. »

the City of a Thousand Planets, which

Attirer les productions internationales « Lorsque je me rends aux États-Unis, j’en profite pour passer dans les studios, continuer à développer des contacts et me renseigner sur leurs prochains projets. Par exemple, concernant Mission Impossible sixième du nom, c’est par mon contact à la tête du département de production de Paramount que j’ai pu faire venir l’équipe du film aux Studios et y installer ses costumes et accessoires. Nos arguments pour séduire les productions étrangères sont nombreux. Vous les avez cités précédemment et notamment, nous sommes au cœur de la Cité du Cinéma, elle-même aux abords de Paris et donc facilement accessible par tous les moyens y compris les transports en commun. Notre lieu abrite Digital Factory, studio de postproduction numérique parmi les meilleurs du monde (Lucy, Valerian, Malavita, Le Bureau des Légendes) situé face à nos plateaux permettant ainsi aux productions en tournage de visionner leurs rushes le soir-même et de monter les images au fur et à mesure du tournage ; la grande Nef offre un auditorium numérique “state of the art” pour 480 personnes. Notre challenge est d’optimiser la perception qu’ont les productions étrangères à l’égard de la France et de mettre Paris et les Studios de Paris sur la carte internationale des lieux de tournage les plus prestigieux du monde. Côté américain, ce qui compte pour tout producteur c’est ce qu’on appelle le bottom line c’est-à-dire le coût final. La perception qu’ont les américains de la France est que c’est un

Attracting international productions

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occupied seven of our nine stages, for a duration of roughly seven months, with sets that looked like they’d been built in the 22nd century. We’ve also welcomed the biopic Jackie, for which our in-house decorators built a part of the sumptuous sets. In 2018 we will be welcoming back certain series, such as The Bureau, Scènes de ménages, and En famille. Last but not least, we have also hosted large-scale exhibitions that met with great success, such as those on Star Wars and Harry Potter.”

“Our arguments for seducing foreign productions are legion: we house Digital Factory, one of the world’s best digital post-production studios, which will allow productions to screen rushes on the day of filming, as well as to edit during shooting. To the Americans, what counts is the bottom line: the final cost. The image Americans have of France is based on a cliché, that of a country where labor is expensive and working hours are limited. Our challenge now is to change this cliché and put our facility on the map as one of the most prestigious studio complexes in the world. Indeed, our technicians show the highest and most efficient performance figures in the world, and their versatility and effectiveness find fewer limitations than in Britain or the U.S., which have to


pays à la main-d’œuvre onéreuse et aux horaires de travail limités. Il nous appartient donc de leur faire remarquer notamment : que nos techniciens sont parmi les plus performants et les plus efficaces du monde ; que leur polyvalence, leur qualité de travail et leur efficacité peuvent s’exprimer plus librement que dans les pays anglo-saxons enfermés dans un carcan syndical rigide ; que par conséquent, les productions qui viennent chez nous n’ont pas à employer une myriade de techniciens comme ce serait le cas aux USA (regardez les génériques de fin), mais qu’une force de travail française beaucoup plus réduite donne les mêmes résultats. Certains l’ont très bien compris comme la production Lionsgate que je citais précédemment et qui a choisi nos plateaux de tournage, alors qu’elle avait pour habitude de se diriger vers les studios d’Europe de l’Est. Cela ne tient donc qu’à nous de faire de la France l’épicentre européen des tournages cinématographiques. »

follow strict union rules. As a result, productions that shoot with us don’t need to employ a huge number of crewmembers like they do in the U.S. (as you can see in the closing credits of any film), but a far smaller French crew that will deliver the same results. Some are already well aware of this, like Lionsgate, which chose to shoot on our stages even though they normally shot in Eastern Europe. It all depends on us to turn France into Europe’s epicenter for film production.”

© LES STUDIOS DE PARIS - L’entrée des plateaux de cinéma

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ANNE BOURGEOIS DAMIEN PACCELLIERI

cinéma

Cinéma - La FRENCH TOUCH présente 50 portraits d’entreprises, d’événements, de personnalités et d’institutions incarnant ensemble le meilleur de l’industrie cinématographique française. Serti d’entretiens et de photographies, ce livre est le premier en son genre à explorer l’ensemble de la chaîne de fabrication d’un film et raconte la « success story » des talents hexagonaux à l’international.

39 euros ISBN 2-757213-70-4

cinéma

Cinéma - La FRENCH TOUCH introduces 50 portraits of businesses, events, people, and institutions that together form the crème de la crème of today’s French film industry. Featuring interviews and many photographs, this book is the first of its kind to explore the entire cycle of a film’s life and tells the success story of French talent around the world.


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