SOLON n°1 - Novembre 2013

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Solon NATURE - GESTION - IMAGE

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NOVEMBRE 2013 LE MAGAZINE DE L’ASBL SOLON

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Sommaire N°1 - Novembre 2013

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Editorial

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Photo insolite

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Portfolio Ardenne nature par Philippe MOËS

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Dossier Dates d’ouverture de la chasse au cervidé

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Carnet de rencontre d’Eric HEYMANS

Photo de couverture : LARMES DE FAGNES Tourbière dans le brouillard © Philippe MOËS

© 2013 - asbl Solon Toute reproduction, même partielle, de cette brochure et des images qui la composent sans autorisation écrite de l’asbl est strictement interdite. RESPONSABLE DE PUBLICATION : ASBL SOLON, www.solon.be COORDINATION & CONTACT : Marc Bussers Martin Dellicour magazine@solon.be

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Portrait Evence COPÉE

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Portfolio - Voyage Un air de Paradis par Martin DELLICOUR

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Aménagement Le gagnage de brout

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Technique photo Le filé

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Chronique Ornitho

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Agenda et Actus

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Les petits aventuriers

MISE EN PAGE ET ÉDITION : Martin Dellicour www.studiobreakfast.be

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© Gérard JADOUL

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SOLON - NOVEMBRE 2013


Edito Une grande première pour SOLON : la mise en ligne de son premier magazine. Née il y a plus de trente ans d’une petite poignée de passionnés d’images, l’Asbl Solon n’a cessé d’explorer des chemins neufs de sensibilisation et de partage de ses idées : conférences, livres, vidéos, séances de formation, expositions, articles de presse, débats, site web sont autant d’outils mis en œuvre au cours de ces trois décennies pour mettre en lumière la philosophie qui guide notre Asbl. Être un lien entre les différents acteurs : propriétaires, gestionnaires, naturalistes, monde de la sensibilisation à l’environnement, chasseurs, secteur touristique pour illustrer, défendre et valoriser le milieu forestier ardennais patrimoine commun à tous. L’idée d’un magazine en ligne, à paraître au fil des saisons, nous a semblé être l’outil manquant qui nous permette, au travers de différentes rubriques, d’illustrer les nombreux talents qui composent notre association, les thématiques qui leur tiennent à cœur, les partenariats utiles créés avec d’autres acteurs de la ruralité. Ce magazine se veut avant tout riche en images. Et par là même reflet d’une caractéristique majeure de notre groupe : sensibiliser au travers de l’esthétique et de la beauté d’une région, de ses paysages et de ses hôtes. Mais riche en textes également. Textes de récits d’observations, de bons trucs de photographes, d’expériences de baguage, de techniques d’aménagement de la biodiversité, de suivis d’animaux. Mais également textes plus engagés, positionnant Solon sur des enjeux importants d’équilibres

écologiques et humains au sein de la ruralité. Textes volontairement libres de fonds, d’analyse et de ton traduisant ainsi la volonté d’indépendance de l’association. Mais textes affichant avec autant de force une volonté de dialogue franc avec tous les acteurs que des alliances constructives intéressent. Ce magazine se veut aussi une traduction des enjeux du monde associatif à une époque où l’investissement pour une cause cherche des voies neuves d’expression. A une époque où le temps offert apparaît suranné dans un univers où tout se monnaie. L’associatif peut et doit rester une aventure humaine, de confrontation d’idées, de mobilisation pour une cause, de création d’une intelligence collective pour proposer des pistes innovantes, seules à même de relever les défis d’un siècle de toutes les incertitudes mais aussi de tous les possibles. Ce magazine est enfin, et peut-être surtout, l’expression de cette volonté de symbiote qui anime nos membres. La Nature nous offre énormément en émotions, en ressourcement, en découvertes, en équilibre. Il a toujours semblé essentiel chez Solon de lui rendre partie de tous ces bénéfices. Ces quelques pages que nous vous invitons à feuilleter au gré des soirées d’automne participent à cette idée. Une part de Nature vous y est offerte, des idées vous y sont proposées qui doivent à nos yeux redistribuer équitablement les émerveillements qu’il nous fut possible d’y vivre.

Belle lecture à tous Gérard Jadoul, Président.

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Croc en patte © Jean-Pierre EVRARD  Nikon D300s, Nikon 300 f/2.8 VR II, 1/640 sec, f4, 400 iso - affût.

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PHOTO INSOLITE

Duo totalement inattendu ! Voir des grands corbeaux curieux mais distant ou l’un ou l’autre de nos deux protagonistes seuls fut presque commun en cette année exceptionnelle de disette de mustélidé faisant sortir les chats forestiers en plaine mais ensemble..., avec une telle proximité et sous mes yeux, quel moment ! J’ai eu ce jour-là jusqu’à sept ou huit buses simultanément autour de moi. Cela faisait maintenant plus d’une heure trente qu’elles étaient occupées à se délecter de cette carcasse en m’oubliant quelque peu... A ce moment, j’avais trois ou quatre buses au sol quelques mètres devant moi. Deux autres se chamaillaient décalées sur la gauche pour un morceau du festin puis soudain, le raffut, ca piaille, ca siffle ! Un chat forestier a déboulé sans prévenir dans l’arène et elles n’ont rien vu venir (moi, non plus, d’ailleurs) ! La photo laisse penser à un affrontement... En fait, il n’en est rien. Une première buse a déjà réussi à fuir mais la seconde, acculée, recule pas à pas comme elle peut jusqu’ à s’emberlificoter les pattes dans de jeunes pousses gelées et c’est la chute ! Jean-Pierre Evrard

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PORTFOLIO

Ardenne nature Philippe Moës La philosophie de Philippe : Figer un animal sauvage c’est intéressant, dans une attitude paisible et sans déranger c’est beaucoup mieux, dans un milieu le plus naturel possible cela devient vraiment bien, dans une lumière éphémère et éventuellement colorée c’est... la quête ultime !

ACTUALITÉ: Nouveau livre, dans un tout autre registre ! “Cheval vapeur”, un plaidoyer en textes et images pour le travail équestre en forêt. Plus d’infos sur www.photos-moes.be

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Frimas - chevreuil et givre © Philippe MOES

 Nikon F801s+500mm F4 mannuel • 1/500 sec, F4, monopode, sensia 100 iso

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Bleu liberté - mésange bleue sous la neige © Philippe MOES

 Canon eos 7d+500mm F4 IS USM • 1/125 sec, F4, affût, 200 iso

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Entre ciel et terre - pins sylvestres séculaires sous le givre © Philippe MOES

 Canon eos 5d + Canon 17-40mm F4 • 1/125 sec, F16, 250 iso, main levée

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La nuit leur appartient - chevreuil sur fond de nuit © Philippe MOES  Canon eos 7d+500 mm F4 • 1/80 sec, F4, 400 iso, trépied 12

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Feu de brume - hère (Cervus elaphus) à contrejour dans la brume © Philippe MOES

 Canon eos 10d + Canon 100-400mm F4.5-5.6 • 1/125 sec, F5.6, affût, 400 iso, trépied

« punk flowers » - anémones pulsatiles en graines © Philippe MOES

 Canon eos 5dMKII + 300 mm F4 • 1/320 sec, F4, 400 iso, trépied

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Blizzard - sanglier sous la neige © Philippe MOES

 Canon eos 1dmKIIn+Canon 100-400mm F4.5-5.6 • 1/650 sec, F10, 500 iso, affût, trépied

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Or végétal - filé de mélèzes © Philippe MOES

 Canon eos 5d+ Canon 28-300mm F3.5-5.6 • 1,3 sec, F14, 50 iso, main levée

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DOSSIER - DÉBAT

Date d’ouverture Dates ouverture de la chasse à l’espèce Cerf .

La période d’ouverture, de fermeture et de suspension de la chasse à toutes les espèces de gibier est régie, en Wallonie, par un arrêté quinquennal édicté par le Gouvernement régional. L’actuel arrêté court du 01 juillet 2011 au 30 juin 2016. Tous les cinq ans, on assiste donc à un vaste débat, essentiellement, au sein du monde de la chasse mais également, parfois, dans d’autres milieux, sur la pertinence de telle ou telle date, sur son éventuelle adéquation avec la biologie des espèces, sur les changements apportés par rapport au quinquennat précédent, sur les faveurs octroyées à tel ou tel mode de chasse (battue ou affut), sur le fait de savoir si elle avantagerait davantage tel ou tel type de territoires (grand ou petit, central ou périphérique) ou si les attentes légitimes d’autres utilisateurs du milieu rural et de ses nécessaires équilibres sont partiellement prises en compte ou rencontrées. Nous aborderons dans cet article le seul cas des ouvertures à l’espèce Cerf. Cependant certaines des considérations abordées dans ces lignes

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pourraient s’appliquer largement à d’autres espèces, de grand gibier à tout le moins.

Des dates d’ouverture de la chasse pour protéger le gibier. A l’origine, dans la Loi fondamentale sur la chasse (1882), la promulgation, par le Ministre de l’Agriculture (alors matière nationale) de dates d’ouverture et de fermeture de la chasse avait très essentiellement comme vocation de protéger les espèces en autorisant leur chasse que sur des périodes cadrées de façon relativement étroites dans l’agenda annuel. Pour rappel, à l’indépendance du Royaume (1830), le nombre de cervidés est estimé à moins d’une centaine d’individus, répartis en deux populations relativement isolées sur le plateau de Saint-Hubert d’une part et dans l’Hertogenwald, à la frontière allemande, d’autre part. Il y a donc dans le chef du législateur, pour cette espèce à tout le moins, un souci de préservation d’effectifs en voie de reconstitution.


Les dates d’ouverture vont, dès le départ, introduire des différences de traitement entre les sexes, les âges (faons et daguets essentiellement) ou les catégories (toujours basées au départ sur la notion, extrêmement contestable, du nombre de cors). C’est toujours la même logique de protection qui, via une obligation propre au Benelux (la Convention Benelux en matière de chasse et de protection des oiseaux, signée à Bruxelles le 10 juin 1970 et approuvée par la loi du 29 juillet 1971 ; décision M(83)16 du Comité des Ministres de l’Union économique Benelux du 20 décembre 1983 désignant les espèces de gibier et les régions des pays du Benelux où un Plan de tir sera appliqué) va voir l’Etat belge introduire la notion de plan de tir en 1993. A ce jour, en Région wallonne, le Cerf est toujours la seule espèce sujette à plan de tir officiel, seule porte d’entrée pour exercer légalement sa chasse. L’introduction de cette obligation de plan de tir

rend de facto la « protection » octroyée à l’espèce par les dates d’ouverture totalement surfaite. C’est dorénavant bien le quota octroyé à chaque territoire ou conseil cynégétique par l’autorité administrative qui est censé réguler l’espèce en évitant tout à la fois les risques de la voir disparaitre tout autant que les risques de la voir exploser. Ce dernier risque est sans nul doute davantage d’actualité en ce début de XXI° siècle.

Des dates d’ouverture de la chasse dans un contexte de pléthore du grand gibier Plusieurs phénomènes concomitants (dont les dates d’ouverture protectrices ou l’introduction du plan de tir ne constituent que des éléments très périphériques) vont voir les populations de cervidés très largement retrouver leurs effectifs anciens et les dépasser largement.

 Gérard JADOUL

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Moins d’une centaine de cervidés en 1830, plus de 12.000 au début du XXI° siècle. Après un contexte de gestion de la pénurie, il faut s’adapter à gérer la pléthore. Quel rôle jouent encore les dates d’ouverture dans ce nouveau schéma ? Sont-elles un frein réel à la résolution du problème quantitatif des surdensités ? Assez régulièrement, les représentants du monde de la chasse le disent, affirmant que ces dates d’ouverture trop courtes les empêcheraient de réaliser des plans de tir sans cesse imposés à la hausse. Et, sur un autre niveau, ces dates d’ouverture ont-elles encore un rôle à jouer dans la gestion qualitative de l’espèce aujourd’hui très largement dépendante de la teneur des règlement d’ordre intérieur des conseils cynégétiques, eux-mêmes approuvés par l’autorité administrative. Ce passage de la pénurie à la pléthore n’est pas propre à la Région wallonne. Nos régions voisines et plus largement tous les Pays européens sont logés à la même enseigne. Il est intéressant de réaliser une brève approche comparative des dates de chasse pratiquées dans les régions limitrophes de la nôtre.

Tour des régions voisines Nous explorerons ici uniquement les régions

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ou les pays directement frontaliers de la Région wallonne à savoir quatre départements français : la Meurthe et Moselle, la Meuse, l’Ardenne et le Nord, où les dates d’ouverture sont décidées au niveau du département par arrêté préfectoral, le Grand-Duché de Luxembourg où les dates de chasse sont décidées au niveau du Gouvernement et les Landers de Rhénanie Palatinat et de Rhénanie Westphalie où le choix des dates de chasse sont bien du ressort des politiques régionales. Un tableau récapitulatif tente d’illustrer au mieux l’extraordinaire diversité d’approches qu’ont ces différentes régions voisines de la nôtre des moments de l’année où il leur semble opportun de permettre aux chasseurs de tirer l’espèce Cerf.

Fondements biologiques ? Ce tableau est suffisamment éclairant sur le fait que les chasseurs wallons ont effectivement raison quand ils disent bénéficier des dates de chasse les plus étroites dans cette partie de l’Europe occidentale. On chasse des catégories d’individus de l’espèce cerf pendant huit mois consécutifs en Allemagne, six mois en France et au Grand-Duché de Luxembourg pour seulement 3 mois et demi en Région wallonne. Nous tenterons d’aborder plus loin la question de savoir si ces dates plus courtes ont réellement une influence sur la réalisation ou non des plans de tir imposés.


Il est intéressant de noter que l’Allemagne qui offre les dates de chasse les plus longues tire les animaux jeunes aisément reconnaissables (daguets et bichettes) en juin et juillet et qu’elle ouvre toutes les catégories de cerfs (en ce compris les grands) dès le mois d’août (soit bien avant le brame). Cette position avait été défendue en Région wallonne par les représentants du conseil de la nature siégeant au conseil supérieur de la chasse lors des discussions prévalant au dernier arrêté quinquennal. Elles avaient alors été jugées iconoclastes par les chasseurs, très largement majoritaires dans ce conseil… La France quant à elle se tourne plutôt vers des dates d’ouverture allongées vers la fin de saison et continue à chasser le cerf jusque très tard en hiver (fin février, donc potentiellement déboisés pour les mâles).

Le Luxembourg opte plutôt pour une position mitoyenne en ouvrant dès le début août et en fermant seulement fin janvier. Sur une euro-région aussi petite on ne peut pas croire que les différences biologiques de l’espèce puissent justifier une pareille disparité de traitement dans le choix des dates où on puisse ou non tirer cette espèce. L’été reste l’été, l’importance du brame est bien identique partout et les conditions hivernales, avec la capacité des animaux à y résister, sont fort semblables également.

Causes culturelles ? On doit alors plus probablement chercher davantage des raisons d’ordre culturel. De façon historique, l’Allemagne fut un des premiers pays à instaurer une logique de « chasse gestion » et de l’axer assez fortement vers la pratique de la chasse solitaire à l’affut et à l’approche. Ce type de chasse est peu efficace en terme de quantité d’animaux tirés en rapport avec

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le temps consenti pour y arriver. On tire proportionnellement beaucoup moins au pirsch qu’on ne le fait en battue. La volonté des Allemands de pratiquer la chasse solitaire s’inscrivait également chez eux dans une volonté de chasse qualitative censée permettre de choisir le type d’animaux à prélever (sexe et âge). Ce type de chasse, à nouveau, nécessite davantage de temps pour se réaliser que le tir davantage aveugle de la battue. On peut donc aisément comprendre les ouvertures en juin et juillet pour cueillir des animaux aisément reconnaissables à cette période de l’année comme les biches ou les daguets ou encore l’ouverture de grands cerfs en août avant le brame dans une optique (qui pourrait, par ailleurs, faire l’objet d’un autre article) de « sélection » des animaux méritant ou non l’accès à la reproduction. En dehors du cas singulier de l’Alsace, la France a été traditionnellement et reste assez largement bien davantage le pays du « tout à la battue ». La Région wallonne, à cheval sur les cultures latine et germanique, pratique de façon assez équivalente le tir en battue et celui à l’approche et à

 Gérard JADOUL

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l’affut. Les dates de chasse doivent sans cesse être pensées pour ne pas apparaître favoriser un mode de chasse au détriment de l’autre.

Place de la chasse dans la société ? Outre les raisons d’ordre culturel (et historique), les dates de chasse reflètent également assez souvent une certaine forme d’organisation de la vie dans le monde rural et la place que tient encore la chasse dans la société civile au sein de laquelle elle s’exerce. Une chasse solitaire comme celle qui est largement pratiquée en Allemagne est parfaitement compatible avec d’autres activités humaines (exploitation forestière, tourisme) et n’empêche donc pas l’expression de deux piliers importants habituellement reconnus à la forêt : sa vocation économique et sociale. La chasse à l’approche et à l’affut se pratique à l’aube et au crépuscule. Le tir y est très largement pratiqué au départ de situations élevées (miradors ou chaises d’affut). Le tir fichant est donc sécurisé. Au pire doit-on envisager la fermeture de la forêt quelques heures en début de matinée et quelques autres heures en fin de soirée à des moments où l’éventuelle fréquentation touristique est peu présente. Dans beaucoup de régions en Allemagne, la pratique du pirsch n’impose d’ailleurs aucune fermeture de la forêt. Des dates de chasse très longues (8 mois) ne sont donc pas critiquées parce que


l’exercice de la chasse y est fort discret, peu ou pas pénalisant pour les autres activités rurales. Et aussi parce que la chasse garde une place importante dans la société rurale allemande. C’est bien l’argument majeur qui va prévaloir en France où la chasse pourtant pratiquée presque exclusivement en battue (pour les départements qui nous intéressent dans ce tableau) va perdurer six mois et permettre parfois la fermeture des mêmes secteurs de forêt tous les week-ends de cette demi-année. On est bien là dans un pays où l’immersion de la chasse dans la ruralité est encore une vraie réalité et où l’arbitrage politique peut difficilement faire l’impasse de ce groupe de pression. La Région wallonne fait partie d’un pays avec une des densités de population des plus élevées de toute l’Europe occidentale. Les zones forestières, très largement concentrées au sud du sillon Sambre et Meuse, constituent une offre touristique majeure y compris en automne et en hiver pour une population de plusieurs millions de touristes potentiels dans un rayon de moins de 200 kilomètres. On a plusieurs fois entendu les politiques tenir un discours qui puisait largement dans cet argumentaire d’une juste répartition de l’accès à la forêt entre le citoyen lambda et le chasseur. En 2000, l’arrêté quinquennal qui fut recalé et qui dut être présenté de nouveau en 2001 avait été « vendu » comme devant ouvrir la forêt quatre mois aux

chasseurs puisque les autres citoyens en bénéficiaient huit mois. On était là sans doute au summum de cette idée de « partage » du gâteau entre des périodes de totale herméticité des « clients » qui ne pouvaient s’y croiser. Forte densité de population, nature devenue rare sont certainement deux des éléments qui peuvent expliquer cette forme de parcimonie dans les dates d’ouverture laissées aux chasseurs par le politique. Il y a aussi et très certainement la place qu’occupe la chasse dans notre pays par rapport à son statut en Allemagne ou en France. Le pourcentage de chasseurs dans la population globale n’a rien à voir en Région wallonne (1 chasseur pour 452 habitants) avec ce qu’elle est en France (1 chasseur pour 48 habitants). Son immersion dans la ruralité (ou devrait-on plutôt dire dans la néo-ruralité wallonne) n’a là non plus rien à voir avec ce qu’elle est en France. L’identité même d’une part très conséquente des chasseurs au grand gibier exerçant sur les grands territoires en Wallonie n’est non plus pas du tout comparable avec l’ancrage local des chasseurs de la majeure partie des territoires français voire allemands. L’enjeu des dates d’ouverture de la chasse en Région wallonne, pour le politique qui en décide, est donc très prioritairement de trouver un compromis entre une activité de régulation nécessaire (potentiellement intéressante économiquement par ailleurs mais peu ou pas soutenue par une frange large de la population) et la nécessité d’offrir à cette même large frange de la population un accès le plus libre possible aux forêts en périodes automnale et hivernale. Il suffit de voir le débat né récemment autour de l’idée de ne plus autoriser la chasse autour des fêtes de fin d’année et durant les w-e de janvier pour se convaincre du caractère délicat de cette question.

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Influence sur le quantitatif ? Des dates restreintes ont-elles une influence sur la non réalisation des quotas, très essentiellement des quotas de non boisés imposés dans les plans de tir ? Depuis l’arrêté quinquennal de 2011 à 2016, tous les cervidés (boisés et non-boisés) sont ouverts dès le 21 septembre et elle a été prolongée jusqu’au 31 janvier pour permettre de finaliser les plans de tir non réalisés au 31 décembre. Que constate-t-on néanmoins quand on se penche sur le tableau des dates de prélèvement des cervidés sur ces 4 mois et 10 jours de chasse.

Les 10 jours octroyés en septembre sont quasiment exclusivement mis à profit pour tirer ces cerfs boisés. Plus de 70 % des animaux tirés à cette date sont des cerfs. Le quota total des non boisés est réalisé à plus de 68 % au cours des seules battues d’octobre et de novembre. Décembre y ajoute 25 %. L’ouverture de janvier, même écornée des w-e, ne concourt qu’à 5 % du quota annuel des tirs en non boisés. Les journées d’hiver sont courtes, les animaux très légers, les bois nus de toute végétation et le monde de la chasse lui-même est fatigué de la longue saison de battue. L’ enjeu réel si on souhaite vraiment réaliser les plans de tir nécessaires à un rééquilibrage entre les populations de cervidés et le milieu forestier, cet enjeu se situe clairement dans les mots d’ordre donnés aux ronds lors des battues de tout début octobre. De façon plus anecdotique ensuite, la question de l’allongement des dates pourrait être posée. Un allongement à l’amont de la saison et un tir appuyé de bichettes et de daguets dès le mois de juillet-août, tel que pratiqué en Allemagne pourrait alors utilement être testé en Région wallonne.

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Les grands cerfs : 15 septembre ? 21 septembre ? 01 octobre ? Un quinquennat fut plus restrictif encore que les actuels trois mois et demi dévolus: c’est celui qui fixa les dates de chasse entre 2001 et 2006. Il vit en effet l’ouverture au grand cerf reportée au 01 octobre, à la même date que l’ouverture générale du grand gibier en battue. Alors que jusque-là, les grands cerfs étaient tirables à l’affût et à l’approche dès le 15 septembre. Ce choix, défendu par le Ministre de l’époque, amateur impénitent des prestigieuses battues à cerfs des grands massifs d’Anlier, provoqua un grand émoi chez les défenseurs de la chasse à l’approche et à l’affut et de son corollaire de « sélection ». L’arrêté quinquennal opposait là les chasseurs entre eux sur deux approches très différentes de l’acte de tuer les cerfs. Des arguments très étonnants furent entendus à l’époque pour annoncer une catastrophe dans les efforts de vieillissement du cerf mis en œuvre dans plusieurs massifs depuis l’instauration des premiers conseils cynégétiques. Le plus courant consistait à dire que, si on interdisait la chasse en plein brame et qu’on la reportait au 01 octobre, il deviendrait impossible d’encore trouver à cette date les « vrais » vieux cerfs qu’on avait eu le mérite de faire vieillir jusque-là. Tant la prudence légendaire de ces cerfs mûrs les rendait invisibles en dehors des quelques rares erreurs de prudence que seule l’exaltation de la conquête des biches peut provoquer. Le bilan qui put être tiré en 2006, à l’issue de ce quinquennat, infirma totalement ces craintes. Les conseils cynégétiques qui avaient une vraie politique de vieillissement des cerfs tirèrent un nombre de cerfs de plus de 10 ans totalement similaires entre 2001 et 2006 qu’ils ne l’avaient fait entre 1995 et 2001 et qu’ils ne le firent à nouveau entre 2006 et 2011 quand le tir du grand cerf fut ramené au 21 septembre.


Un autre argument largement entendu à l’époque voulait qu’au 01 octobre, la violence des combats entre cerfs aurait fait en sorte que la majeure partie des trophées seraient abimés par des perches ou des andouillers cassés. Autre argument de grande légèreté. Sur cette base, la majeure partie des mues récoltées en fin d’hiver et exposées lors des bilans de fin d’année cynégétique seraient également abimées puisque risquant de subir des dommages plus de 5 mois encore après la date d’ouverture du 01 octobre. Or, chez les cerfs mûrs, ce n’est que très exceptionnellement le cas. Cassent très fréquemment leurs bois des cerfs jeunes. Bien plus rarement les vrais cerfs d’âge.

1. Pierre STRIJKMANS 2. Marc BUSSERS

De nouveau, les conseils qui laissaient vieillir les cerfs ne récoltèrent pas davantage de trophées amoindris entre 2001 et 2006 que lors des quinquennats précédents ou suivants. Par contre, dès le quinquennat suivant (20062011), Le Ministre en charge de la Chasse à l’époque, reprit lui-même ces arguments du lobby de la chasse lors de la présentation de son arrêté en seconde lecture au Gouvernement wallon. Il y disait : “Pour le cerf, la possibilité de le chasser à l’approche et à l’affût à partir du 21 septembre. Cette date devrait permettre de prélever, dans de bonnes conditions, des cerfs de récolte à une période où ceux-ci sont plus spécialement observables.” Sur base de cet argument, il proposa la date du 21 septembre pour l’ouverture des grands cerfs. Le 21 septembre, ce saisissant compromis à la belge entre l’ancien 15 septembre et le très contesté 01 octobre. Le symbole de la date de l’automne allant jusqu’à être mis en avant par le politique de l’époque pour justifier cette date étonnante. Les cerfs ne s’en plaignirent qu’à moitié qui perdaient bien 7 jours de quiétude au brame mais qui respiraient de ne pas en avoir perdu 15 … Le résultat attendu de récolte de vieux cerfs introuvables à tout autre moment de l’année, hors de cette période bénie du brame fit malheureusement un flop magistral. L’analyse statistique des cerfs récoltés durant cette période, réputée indispensable pour un vrai tir de récolte, est sans appel. Durant ce quinquennat devant permettre de récolter des vieux cerfs entre le 21 septembre et le 01 octobre, seulement 30 % des cerfs tirés avaient effectivement 9 ans ou plus. 49 % avaient moins de 9 ans. Et 21 % n’ont pas subi de détermination d’âge. Si on ne garde que la catégorie des cerfs dûment analysés quant à leur âge au moment du tir, près de 2/3 des cerfs n’avaient pas atteint l’âge de 9 ans !

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Le Ministre ne tînt aucun compte de cette discordance entre son discours de 2006 et les résultats de 2011 puisque, toujours en charge de cette matière, il confirma la date du 21 septembre pour un nouveau quinquennat. Deux raisons, bien réelles celles-là, auraient pourtant pu être avancées par les chasseurs et s’avérer cette fois recevables. Elles semblaient néanmoins trop inavouables que pour s’offrir une telle transparence. Chasser le cerf en plein brame est extraordinairement excitant. Comme d’ailleurs le photographier. Il y a là une ambiance à nulle autre pareille, mélange d’été indien et de brumes froides. Mêlée de cérémonial, de sons venus d’un autre âge, d’énergie exacerbée, de quête des biches, de rivalité des

toute puissance de son caractère mâle. Il suffisait d’avouer cette volonté de garder le 21 septembre, ou mieux encore le 15 septembre, pour cette seule raison de recherche d’un plaisir très particulier lié à l’acte de tuer en période de brame. Même sublimées, au point d’atteindre à la spiritualité, ce sont bien toutes ces données qui transpirent dans les pages du « Guetteur d’ombre » (Pierre MOINOT, le guetteur d’ombre, Paris, Gallimard, 1979. Prix Femina en 1979). Une autre raison moins avouable encore sans doute parce qu’elle scinderait trop profondément un monde de la chasse qui proclame son indéfectible unité, c’est celle qui voyait s’opposer dans ces choix de dates deux types de chasses différentes et bien souvent deux types de territoires différents.

mâles. Tout cela semble jouer fortement sur l’idée que le chasseur se fait de cette quête du Graal, de sa capacité à déjouer le cerf mâle dans la

Le 21 septembre, mais bien plus encore le 15 septembre, privilégie indéniablement les territoires de brame, souvent chassés à l’approche et à l’af-

 Gérard JADOUL

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fut. La date du 01 octobre fait déjà courir le risque de voir certains cerfs quitter ces cœurs de brame et s’en retourner vers leurs quartiers d’hiver (souvent de petits territoires périphériques) plus généralement chassés en battue. Il y a donc également dans cette guerre des dates un combat de possession des grands cerfs par certains titulaires de grands territoires, sans doute mieux représentés au niveau des instances de la chasse appelées à faire le lobby auprès du politique. C’est exactement le même argument qui fait refuser aux mêmes représentants du monde de la chasse le tir des grands cerfs durant tout le mois d’août, soit avant le brame, comme cela se pratique en Allemagne et au Grand-Duché de Luxembourg. Le risque là est que ces grands cerfs n’aient pas encore quitté les petits territoires périphériques et qu’ils n’aient donc pas encore rejoint les cœurs de brame, détenus par les titulaires des grands territoires.

Arbitrage politique versus maturité cynégétique ? On touche là sans doute à une des explications des dates restreintes de chasse en Région wallonne en comparaison avec nos régions voisines. Des pays mûrs au niveau cynégétique peuvent avoir des dates de chasse extrêmement longues puisque le monde de la chasse y régule lui-même le taux de prélèvement, les catégories à prélever et une juste répartition entre ceux qui peuvent avoir accès à ce prélèvement. Les 6 mois consécutifs de chasse des grands cerfs en Allemagne et au Grand-Duché de Luxembourg n’empêchent pas les cerfs d’y vieillir, d’être récoltés par toutes les catégories de chasseurs et de permettre néanmoins aux autres acteurs de la forêt, économiques ou récréatifs, d’y développer leurs activités en toute harmonie. Dans des pays cynégétiquement mûrs, une forte délégation peut être offerte au monde de la chasse, au sein de dates de chasse très longues,

pour arriver à gérer l’espèce cerf tant au niveau quantitatif que qualitatif et en respect des autres usagers. Ce pas-là n’est pas encore franchi en Région wallonne où la tutelle du politique (donc de l’intérêt commun) reste grande sur le monde de la chasse en le contraignant à n’exercer sa liberté (surveillée) que sur un laps de temps court en comparaison avec ses voisins européens. Nous pourrions revenir longuement sur ce sujet en analysant l’évolution récente des conseils cynégétiques et la grande prudence, pour ne pas dire frilosité, du politique à leur donner davantage de pouvoir. Un des arguments souvent avancés par le politique pour exprimer cette (légitime) défiance à octroyer plus de pouvoir aux conseils cynégétiques consistant à critiquer le manque de démocratie interne de ces structures, le développement en leur sein de baronnie des grands territoires et leur manque d’ouverture réelle aux autres acteurs de la forêt. Les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse ne correspondent clairement pas à de réels impératifs biologiques des espèces. L’analyse des dates pour le chevreuil aurait été au moins aussi édifiante à ce propos. Elles sont le résultat d’arbitrages politiques tout d’abord entre des tendances parfois très diverses au sein mêmes des chasseurs, entre modes de chasse différents, voire type de territoires et de titulaires. Elles sont le résultat d’arbitrages politiques ensuite avec les revendications légitimes d’autres acteurs de la forêt quant au libre accès à ce milieu à des périodes importantes pour les travaux forestiers et pour des loisirs qui se recentrent sur la proximité après l’exode lointain de l’été. Elles traduisent enfin la nécessité d’un arbitrage politique dans un monde où la chasse apparaît de moins en moins intimement intégrée à la ruralité mais davantage comme une pièce rapportée pratiquée, sur ses plus grandes surfaces à tout le moins, par des non ruraux. •

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CARNET DE RENCONTRE

Août

par Eric Heymans Le jour se lève doucement, il fait encore frais la brume stagne au fond de la vallée. Je suis dans une cache le long d’une prairie fauchée il y a trois jours, j’attends. Hier matin, de loin, j’y ai vu un chat forestier chasser, j’ai donc à l’heure de midi pour ne pas le déranger installé cette tente affût et préparé le sentier qui m’y a amené. J’ai beau scruter cette prairie je n’y vois rien, aucun mouvement n’annonce la venue du félin attendu. La lumière monte, et enfin du mouvement, c’est une buse qui se pose dans l’herbe et déambule comme un gros poulet, elle chasse les vers de terres, sauterelles et autres insectes. Le spectacle n’est pas extraordinaire mais c’est mieux que rien. Un autre mouvement attire mon attention, une chevrette sort du bois poursuivie par un gros brocard, ils cavalent comme des fous, font un cercle dans la prairie et aussi vite rentrent dans le taillis, je n’ai même pas eu le temps de les cadrer avec la caméra. Je me tiens prêt, peut être vont ils ressortir ? En scannant cette lisière aux jumelles, je finis par deviner le couple qui tourne autour d’un arbre, le nez du brocard est collé au derrière de la belle, il se shoote aux phérormones émis par la belle. J’essaie de les cadrer mais il y a trop de végétation devant eux, le résultat n’est pas terrible.

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Je quitte le couple des yeux et là sur ma gauche, le chat est assis immobile. Doucement je fais pivoter la caméra et enfin, le voilà, le beau chat forestier. Il est immobile si ce n’est ses oreilles qui bougent un peu pour capter les petits bruits provoqués par les mouvements des rongeurs qu’il chasse. Ses extraordinaires yeux verts ne regardent rien de précis, ils sont dans le vague, sa tête est tournée vers moi mais il ne le voit pas, je suis fondu dans son environnement. C’est toujours magique d’être dans la sphère proche d’un animal sauvage sans que celui-ci ne se doute de quoi que ce soit. Son comportement est parfaitement normal, il est relax et tout à fait tranquille. La caméra tourne, mais ….. il ne se passe rien, il est assis tout simplement et regarde autour de lui, 5 minutes, puis 10, puis presque une demi heure sans mouvements.


Le voilà qui se lève et se met à marcher doucement, toujours aussi tranquille, pour se rassoir à une dizaine de mètres de sa première place pour de nouveau simplement regarder autour de lui et écouter si aucun rongeur ne bouge. Soudain il est plus tendu, il regarde vers la gauche, et il se couche, plat comme une carpette dans l’herbe rase, il est devenu invisible. C’est un promeneur qui passe sur le chemin à une cinquantaine de mètres. Le promeneur disparu, doucement le félin se redresse et malheureusement regagne le couvert de la forêt. C’est pour cela que les chats forestiers paraissent si rares, ils sont simplement hyper discrets. Regardez un chat domestique, s’il est repu, il est capable de rester toute la journée sur un appui de fenêtre à simplement regarder autour de lui, tout comme il est capable de roupiller des heures au soleil, sans mouvements. C’est la même chose pour les chats forestiers, ils

bougent peu et s’ils sont inquiets au lieu de fuir, bien souvent ils se tapissent comme des lièvres, laissent passer le danger avant de se mettre à l’abri. C’est vraiment un animal qui se montre quand il le veut bien. Une exception, le printemps dernier, il y avait des chats partout en prairie, (il n’y a qu’à aller voir le nombre de photos postées sur le forum SOLON pour s’en rendre compte). J’en ai vu et filmé plus ce printemps que dans le reste de ma vie je pense. C’est probablement dû à une excellente reproduction en 2012, année de pullulation de rongeurs. En 2013, plus aucun rongeur en forêt, les carnassiers affamés se sont rabattus sur les rares campagnols terrestres et des champs en prairie et du coup sont devenus bien visibles. Les cadavres de chats trouvés écrasés pour la plupart déposés à l’université de Liège étaient d’ailleurs en sous poids et cachectiques pour certains. Une année comme celle-ci n’est pas prête de se reproduire et ces animaux vont de nouveau paraître bien rares. •  © Olivier EMBISE

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PORTRAIT D’UN SOLONIEN

Baron Evence Coppée 84 ans. Capitaine d’industrie, chasseur, héritier, passionné, philanthrope, amoureux, esthète, engagé, solidaire, naturaliste, spirituel, idéaliste, scout. RENCONTRE Par Marc Bussers Vous avez, je pense, créé une famille immense ? Oh oui, j’ai 9 enfants dont 7 de ma première femme qui ont aujourd’hui de 32 à 60 ans. 29 petits-enfants aussi et même 10 arrière-petits-enfants ! Je suis aujourd’hui un homme comblé, tant par eux que par mon épouse, Kathy d’Hoop.

Comment, de Capitaine d’industrie, devient-on passionné de cerf et artisan de sa protection tout en la basant sur une volonté d’ouverture au grand public ? Le domaine de Ochamps/Roumont a été constitué par mon grand-père à partir de 1885 grâce aux ventes obligatoire des terres incultes par les communes en lots de 50 à 60 Ha pour « mise à fruit » par ceux capables d’investir dans le matériel mécanique nécessaire.

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De nombreuses parcelles seront alors drainées et enrésinées car il y a, à l’époque, une demande importante de bois de soutènement pour les mines de charbon qui tournent à plein régime. La forêt gagne donc des milliers d’hectares sur les terres agricoles et de grands domaines tel le nôtre voient le jour. La forêt de Libin couvre alors une superficie de 9.000ha dont plus ou moins 6.000ha sont publics et dotés d’un couvert mixte de feuillus et résineux et 3.000ha privés couverts principalement de résineux. Dans les années 1934 à 1940, notre propriété est constituée de 2.000 à 3.000 ha avec des hardes de centaines d’animaux sortant en prairies sciemment laissées libres à leur profit. Les cerfs sont tirés en battue sauf l’un ou l’autre au pirsh à l’occasion du brame mais il faut se rendre compte qu’à l’époque, tirer un cerf de 14 cors, c’était déjà un superlatif ! J’ai donc été très jeune au bois, emmené par mon père et j’ai immédiatement été impressionné par le Cerf, mais d’abord en tant que chasseur. J’ai reçu mon premier fusil puis un second et enfin une carabine 22 Hornet utilisée pour tirer mon premier cerf à l’âge de 8 ans ! C’est la première partie de ma vie « cynégétique », l’itinéraire d’un « dauphin » gâté, celle d’un fils unique (j’ai eu une sœur aînée mais suis le seul garçon) tardif avec un père déjà âgé qui me cèdera de grandes propriétés et une immense entreprise, le groupe Copée fondé en 1851 par mon arrièregrand-père, créateur du premier four à coke moderne puis exploitant de charbonnages dans le Limbourg et en Hainaut. Heureusement, cette enfance (très) gâtée s’est arrêtée avec la guerre… ce qui a été son seul « bien » car sinon, j’aurais sans doute été encore plus insupportable que je ne le suis (rire). Mon père meurt à la fin de la guerre alors que je n’ai que 15 ans. Je me retrouve alors, entre autres choses, gestionnaire de la chasse de Roumont

Mon meilleur souvenir : Un journaliste télé bien connu me dit au pied de l’échelle d’un mirador de vision qu’il a un sérieux vertige et qu’il se sent incapable de monter là-haut. Il resta donc assis seul sur un banc adossé à un petit chalet. Dans la brume, apparait soudain un grand cerf qui se met à bramer dans une atmosphère irréelle. Au retour, j’ai vu sa tête ébahie, soufflée par ce spectacle grandiose. Tel Saint-Hubert, il avait eu la vision du Très-Haut. Un grand moment que je me remémore toujours avec bonheur. Je me souviens aussi d’un fabuleux jeu de cachecache avec un grand cerf aux sapins Peltzer. Il se déplaçait dans une remise de jeunes épicéas et seule sa ramure dépassait, majestueuse. Quel plaisir de suivre ainsi son intimité à son insu. Enfin, rien de plus beau qu’un « matin des magiciens »; brume, lumière de l’aube, végétation ruisselante de rosée et fils de la Vierge luisants au sol avec un brame en décor sonore !

avec mon beau-frère, devenu mon tuteur légal. Ce territoire n’est plus peuplé que d’une harde maigrichonne après les ravages faits par les gradés allemands durant les années d’occupation. J’ai alors la farouche volonté de reconstituer Roumont tout en respectant la tradition des chasses en battue avec, cependant, une différence notable par rapport au passé ; préserver certains cerfs qui seront réservés au tir à l’affût ou à l’approche et interdits au tir en battue. Cette évolution vient de ma tendre enfance où j’ai baigné dans une sorte de vénération du Cerf par un père qui m’a transmis cette admiration qui n’a, par la suite, fait qu’augmenter au fur et à mesure de ma vie. Animal mythique et porteur de sens écologique, spirituel, de vie. Le Cerf n’est plus pour moi une « cible » de chasse mais bien un animal prestigieux qui a déclenché dans mon cœur des émotions extraordinaires. J’étais envoûté par le brame. Le cerf est admirable, mais le cerf au brame est extraordinaire et cela a complètement modifié mon comportement

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à son égard. Le Comte Durkheim, psychologue allemand au parcours philosophique et spirituel étonnant a mis en exergue ce qu’il a conceptualisé comme

de simples « voyeurs » ; spectateurs admiratifs de cette expérience étonnante jusque-là réservée au monde de la chasse ou de la ruralité proche. Décloisonner le brame, le mettre à portée des

étant des moments numineux… (et non lumineux). Ceux où la vie s’arrête tant le moment est fort et vous transporte dans un bonheur complet. Mon premier moment numineux fut d’accompagner mon père au bois et d’entendre résonner le brame.

non-chasseurs devint pour moi quelque chose d’important.

Mis à part une année d’étude aux USA et malgré une carrière qui m’a fait beaucoup voyager, je n’ai jamais raté une saison de brame depuis près de 65 ans ! Cela dit, cette année aux USA a été fondatrice pour moi notamment par la découverte des parcs naturels de l’Ouest américain (Yosemite, Yellowstone) qui ne seront pas pour rien dans ma volonté d’en créer une minuscule réplique à notre échelle à Saint Michel-Freyr. A Roumont, j’invitais des chasseurs pour tirer un beau cerf mais ensuite, j’invitais de plus en plus

Ma devise : « Acta non verba » mais, en même temps, un grand trait de ma personnalité est d’être bien meilleur pour inspirer, encourager et promouvoir les actions des autres que pour réaliser moimême mais il y a, bien entendu, tant de manières différentes d’agir efficacement.

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Je me souviens d’un grand journaliste critique d’art et d’opéra me répondant à une invitation au brame, qu’il n’était pas chasseur. Je lui demandais alors caustiquement, s’il aimait bien l’opéra car alors, lui dis-je, je vous propose une loge pour le plus bel opéra de la nature. Faire partager ce spectacle aux non-chasseurs devint une priorité. J’ai alors pris quelque distance avec le monde de la chasse pour qui le cerf ne vaut que pour son trophée et qui mène, parfois, à de ridicules luttes d’ego entre voisins. Pour moi, le brame est avant tout une expérience humaine magnifique qui doit être ouverte au grand public tout en balisant l’accès pour garantir l’indispensable quiétude de l’espèce. 1983, année clé, véritable césure dans ma vie, au niveau professionnel, sentimental et même au sujet de la chasse. Fusion du groupe familial avec le groupe Lafarge après 130 années d’existence et rupture sentimentale m’ont mené à une grande remise en question et au besoin de me lancer de nouveaux défis. J’avais déjà rencontré le Roi Baudouin à plusieurs reprises les années précédentes et - devait-il sa-


voir que j’accusais un peu le coup moralement et que j’avais besoin d’un nouveau projet - il me proposa alors de faire prendre un virage à 180 degrés aux Chasses Royales de Freyr (Saint-Hubert) et de l’Hertogenwald (Hautes-Fagnes). Ce fût la troisième partie de ma vie cynégétique. Le chasseur que j’étais encore a disparu le jour où j’ai été nommé président des Chasses de la Couronne. Ce fut un choix dicté par mon évolution personnelle mais aussi par la nécessité d’éviter le handicap de cette étiquette en restant neutre car dans mes nouvelles responsabilités, je devais réunir, faire avancer ensemble la gestion de la faune en harmonie avec le biotope forestier. Il me fallait également éviter le piège de la redevabilité des invitations inhérent au microcosme de la chasse. Enfin, mon engagement dans la création des premiers services de soins palliatifs entraina un rejet général de tout acte de tuer. J’avais déjà amené, petit à petit, des évolutions à la chasse avec l’instauration de la sonnerie au gibier abattu ainsi que les battues silencieuses moins traumatisantes et où le risque de blesser est moins grand et la sélection des animaux à tirer plus sûre. Ma rupture plus profonde avec la chasse constitue un peu le seul reproche que me font mes enfants (chasseurs eux-mêmes). Il est vrai que s’y re-

Mon pire souvenir : en 1953 car, étant étudiant aux Etats-Unis, j’ai raté une saison de brame. La seule en plus de 65 ans ! Mais cela a eu un effet regrettable l’année d’après, de retour en Belgique. J’étais en effet surexcité par la saison de pirsch qui s’annonçait et je l’ai commencée par un tir « raté » sur un grand cerf. Quelques jours plus tard, j’en tirais un premier puis un second pour « combler » l’absence de trophée de l’année précédente. Malheureusement, le premier fut retrouvé mort à l’occasion d’une battue, bel et bien tué par ma balle. J’eus alors un sentiment de dégoût, mal à l’aise devant ces 3 cerfs morts, c’était bien trop et cela a déclenché un questionnement sur le sujet !

trouvent également des gens remarquables dotés de personnalités rares, ouvertes sur le monde et souvent philanthropes importants. Evidemment, certains chasseurs me prendront eux-mêmes en grippe suite à mes prises de position ou à ma complicité avec Gérard. J’ai été terriblement séduit par le territoire de la forêt de Saint-Michel/Freyr et, avec les chasses de la Couronne, le DNF et Solon, nous lançâmes une politique de préservation des grands cerfs avec l’idée de créer une réserve/sanctuaire dotée de zones de quiétude fermée et, de zones d’accueil ouvertes à tous. Les agents des Eaux et Forêts (ancêtre du DNF),

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Passions : le Cerf, bien évidemment mais aussi l’histoire, les expériences religieuses et philosophiques tels la participation à un camp avec des chamanes dans le Vermont, un séjour au Japon dans un monastère bouddhiste de stricte observance, une randonnée au désert du Sinaï accompagné par un moine orthodoxe. L’art aussi, mais pas très moderne, je me suis arrêté à Cézane. La musique, enfin, avec les délices de Bach ou Mozart.

ont alors pris en charge exclusive la gestion cynégétique et faunique de ces territoires aidés par Simon de Crombrugghe et les responsables du laboratoire de la faune sauvage de Gembloux. Au tout début de ma mission aux Chasses de la Couronne, je fus invité à accueillir un professeur de chimie de Namur, à l’attirail étrange, qui était fan de photo de cerf ; il s’agissait de Monsieur Panier suivi de son porteur d’eau, tout jeune alors, notre ineffable Gérard Jadoul. Cette rencontre avec Gérard fut un coup de cœur très important car il partageait mes idées et même bien au-delà (rire) et nous avons alors formé une paire complémentaire qui dure encore aujourd’hui. Professeur de latin-grec au pensionnat des filles à Marche, passionné absolu du biotope forestier et du Cerf puis de la Cigogne noire en particulier, il devint un acteur central du changement. Lorsque j’ai racheté Mochamps et la Converserie, il accepta de prendre ces territoires en charge. Il s’engouffra également dans toutes les brèches pour occuper, par exemple, avec talent, les espaces laissés vierges comme ceux de la Cigogne noire ou de la photographie animalière et nature. Le Roi Baudouin aimait la photographie et un célèbre slogan de l’époque du WWF était d’ailleurs « take pictures not life » et nous avons donc créé le suivi photo du Cerf avec Roger Herman pour l’Hertogenwald et Gérard sur Freyr avec sa capacité à mobiliser les hommes en équipe autour de lui même si cela a pu emmener à des conflits avec le

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DNF. Mais bon, ils étaient et sont toujours, d’ailleurs, passionnés et ces petits dérapages ont donc été vite pardonnés (rire). Le développement de la photo entre autre par Solon devint un facteur principal dans la connaissance des cerfs du Massif. La collecte des mues fut aussi un outil de suivi fondamental. Dans un premier temps, il avait été envisagé d’en charger exclusivement les gardes. Heureusement sous l’inspiration de Gérard, il fut proposé, afin de coordonner les recherches entre les différents acteurs de terrains passionnées, de les rassembler et exposer une fois par an. Le succès fut immédiat et s’étend aujourd’hui à tout le massif de Saint-Hubert. Les Chasses de la Couronne devinrent donc, petit à petit un paradis terrestre du Cerf, ouvert progressivement à la vision du public dans le respect de la nature et sources de recherches passionnantes. La chasse devint donc secondaire dans ce territoire et n’était plus que « pédagogique » avec l’apprentissage pour les nouveaux lauréats du permis de chasse conviés à y tirer biches et jeunes cerfs. Le tir des grands cerfs de plus de 6 ans devenant interdit. Il s’agissait de constituer une réserve de vieux cerfs pour repeupler l’ensemble du massif avec des animaux matures. La connaissance par l’étude scientifique était l’absolu soubassement de toute politique à mettre en place mais constituait un moyen et pas une fin en soi.

Mon totem : Dauphin sagace, et oui, j’ai fait mes classes dans le mouvement scout (rire). Cette période eut sur moi un impact considérable pour façonner ma personnalité, susciter ma débrouillardise, m’inculquer le civisme qui plus est en cette période de guerre. Le lien avec la nature mais aussi, tout aussi vital, celui tissé avec les autres.


L’objectif était d’assurer un équilibre du biotope ainsi que celui de l’espèce en termes de sexe et de pyramide des âges. Non pas de créer des cerfs records mais bien de grands et beaux grands cerfs capables d’émerveiller un enfant de 10 ans en famille dans un mirador de vision. Avec Gérard, nous avons d’abord créé des miradors de vision à Mochamps puis après un long cheminement, les Chasses de la Couronne ont édifié deux miradors de vison. L’un à Bilaude, l’autre à Priesse, qui permettent d’accueillir le grand public dans une relative proximité des cerfs au cœur du massif forestier. Pour ce faire, les Chasses de la Couronne se sont basées sur l’exemple du domaine des chasses pré-

Mon coup de cœur :

tout ce qui fait progresser la relation de l’Homme à la Nature mais surtout mon épouse, Katty, mes nombreux enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants ainsi que nos chiens. Ils sont tous un appui permanent et essentiel dans mon cheminement.

Mon coup de gueule : pas mon genre…...

Solon :

c’est Gérard qui a lancé cette belle association de passionnés bourrés de talent et de compétences. Je n’ai fait que les encourager de la voix et du geste. J’en suis un membre fier mais peu actif vu mon grand âge mais je me dis qu’il est temps que Solon « sorte du bois » et augmente son audience, touche le grand public vu le savoir et les images accumulés. En espérant que ce magazine permette de faire avancer les sujets qu’il aborde et qu’il influence la gestion du biotope forestier et de ses hôtes mythiques. Le combat n’est pas fini.

sidentielles à Chambord, en France avec qui elles avaient tissé des liens étroits. A ce moment, des agents du DNF ont été recrutés sur deux triages important sur base, entre autres, de leur passion de la nature. Il s’agit de Thierry Petit et de Philippe Moës qui ont été un grand atout pour mener à bien tous ces projets. Mais le travail n’est pas fini, il reste encore des aires de vision à construire et enfin, pourquoi pas, créer un « corps » de guide nature pour accompagner ce public et pour lequel Solon pourrait jouer un rôle moteur.

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J’ai également été ravi d’aider à publier des livres de Gérard ou de Philippe avec de somptueuses photos et des textes didactiques ou poétiques d’une grande valeur. J’ai également été partenaire enthousiaste du projet Life-tourbières visant à ré-ouvrir les tourbières et les landes colonisées par des pessières pour les rendre à leur biotope d’ailleurs apprécié par le Cerf. Tout ce qui « ouvre » dans la vie est toujours un plus ! Je l’ai d’ailleurs souvent constaté sur un plan personnel ou professionnel. Lorsque prit fin ma présidence des Chasses Royales et je devins président de l’UGCSH (unité de gestion cynégétique du massif de Saint-Hubert) d’où fut poursuivi le mouvement avec l’instauration de la règle de tir limitant le prélèvement à 1 grand cerf/2000 ha/an ; une norme qui a évolué ensuite vers 1 grand cerf /1000 ha/an et plus encore aujourd’hui avec la possibilité de tir supplémentaire des cerfs de « sélection » (1 grand cerf/500ha/an). Serait-ce trop, comme à une autre époque ? Pendant tout ce temps, la Converserie, achetée en 1985 fut l’épicentre, le refuge, le catalyseur où beaucoup d’idées, de réalisations, de rencontres et d’amitiés sont nées.

Mon lieu fétiche : Mochamps et les Troufferies (Roumont)

Mon rêve : mener à son terme la transformation des Chasses de la Couronne en un sanctuaire de préservation du Cerf et lieu de sensibilisation et de partage avec le grand public.

Pour amortir cette infrastructure, nous y avons organisé des séminaires d’entreprise et de croissance personnelle. Rien à voir avec la nature à priori, cependant, nous proposions une option, originale : une balade aux aurores avec Gérard à la découverte de la faune et du biotope. Cela ne fut pas anecdotique car cela a permis à Gérard « d’intoxiquer » des centaines de cadres du secteur privé, à la nature et à la gestion forestière et animalière. Par la suite, nous avons essayé il y a 4/5 ans de faire de la Converserie le cœur d’un pôle touristique forestier basé sur l’éco-tourisme en partenariat avec la Région et les communes. Le projet n’a pu se réaliser faute d’avoir obtenu les subsides FEDER. Finalement, la Converserie n’a pas réussi à devenir ce centre pérenne du sanctuaire des Chasses de la Couronne et je le regrette vivement mais nous avons malgré tout trouvé une affectation qui me remplit tout de même de satisfaction au niveau humain ; un projet de resocialisation d’enfants excessivement difficiles.

www.baluchon-alzheimer.be Association de soutien et d’accompagnement à domicile des familles dont un des proches est atteint de la maladie d’Alzheimer. Ce projet, qu’avec mon épouse, j’ai lancé en Belgique après l’avoir découvert au Québec, offre du répit au proche aidant en fournissant un accompagnateur de remplacement pour une période d’une dizaine de jours.

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Pour conclure, je pense que le travail déjà réalisé sur Saint-Michel/Freyr, est déjà une très belle réussite collective. Il y a encore à faire pour atteindre le rêve que j’y avais fait avec quelques-uns. La passion et le travail continuent ! •


LA CONVERSERIE Au carrefour des voies romaines Bavay-Tréves et Reims-Aix-la-Chapelle, les comtes de Laroche fondèrent, au XIe siècle, un hospice dédié à Sainte-Catherine. Un siècle plus tard, cette hostellerie-dispensaire fut léguée à l’abbaye de Saint-Hubert qui y dépêcha des frères convers avec pour mission de défricher la forêt et de créer une grande ferme D’où le nom de « Ferme des Convers» ou «Converserie» Au XVe siècle, le mythe du cerf crucifère vint enrichir l’histoire de Saint-Hubert d’Aquitaine. Les pèlerins qui venaient de plus en plus nombreux à l’abbaye virent dans la Converserie le lieu où leur saint patron s’était « conversé» ou converti. Au siècle des Lumières, Dom Nicolas de Spirlet remania la ferme et l’agrandit. C’est à lui que l’on doit sans doute les majestueuses proportions de la grange. Sous la Révolution française, les biens de l’abbaye furent mis en vente. Une famille d’agriculteurs de Saint Hubert acheta la ferme et l’exploita jusqu’en 1952. A cette date, elle fut acquise, par le comte de Launoit. Il mit à la disposition de S.A.R. la princesse Lilian le bâtiment de la ferme et les moyens nécessaires à son aménagement, pour en faire une fondation à l’image de la chapelle musicale Reine Elisebeth, mais, à la gloire de la nature et du Cerf. C’est à son goût que l’on doit sa merveilleuse décoration. En 1982, le roi Baudouin décida de confier la gestion des chasses royales de l’Hertogenwald, de Saint-Michel et Freyr, à un comité de gestion dont la présidence me fut confiée. Au décès du comte de Launoit, désireux de maintenir ce merveilleux patrimoine en osmose avec les chasses de la Couronne et la forêt de Saint-Hubert, je m’en rendit acquéreur. Avec mon épouse, nous avons mit les bâtiments à profit pour y promouvoir et organiser des rencontres intellectuelles et culturelles, des séminaires groupant non seulement des professionnels des entreprises mais également des scientifiques, des médecins, des thérapeutes et des maîtres spirituels et même pour y organiser des concerts.

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PORTRAIT D’UN SOLONIEN

REGARDS CROISÉS par Gérard Jadoul La première rencontre avec Evence Coppée date du tout début des années ’80 quand sa nomination à la présidence du Conseil de Gestion des Chasses de la Couronne par le Roi Baudouin le fait débouler dans un territoire sur lequel, depuis mon enfance, j’use mes bottes et ai débuté une passion pour la photographie de nature. La première rencontre officielle a lieu dans son bureau de l’Avenue Franklin Roosevelt. Bureau où domine le bordeau sombre des murs et des draperies, très faiblement éclairé par des luminaires mettant individuellement en valeur des tableaux de grands maîtres flamands. La discussion est de suite passionnée, ce qui restera un des traits dominants de mes rapports avec cet idéaliste forcené. Idéaliste au sens philosophique premier du terme, à savoir largement convaincu que la réalité doit pouvoir se fondre dans l’idée qu’il s’en fait, que le monde peut de-

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venir ce qu’il en entrevoit comme futurs possibles, que la page blanche reste largement à écrire et que c’est bien celui qui porte la plume qui décide des couleurs de ce monde à venir. La mission donnée par le Roi Baudouin est largement explorée durant cet entretien, sans doute est-elle également déjà largement amplifiée et adaptée à la dimension du rêve d’un homme que le caractère étriqué des choses rebute. Elle est cadrée également dans des principes fondateurs. Cette mission confiée par le Roi enclenche, comme corollaire naturel et immédiat chez cet homme, le non renouvellement de son permis de chasse. Décision saine qui évite toute ambiguïté sur la ferme détermination à répondre aux souhaits du Souverain en toute indépendance. Les grands axes sont tracés, le cerf doit redevenir un patrimoine commun à toute une société, il doit sortir du domaine strict de la chasse, il doit s’ouvrir à d’autres catégories d’acteurs. Les photographes animaliers viennent en tête de l’agenda dans


cette stratégie de reconversion d’un territoire que mon enfance avait catégorisé comme Chasses de prestige avec un gradient d’ouverture au public très limité, a fortiori en période de brame. La seconde rencontre a lieu quelques semaines plus tard seulement. Le rendez-vous a été fixé bien avant l’aube au Château de Roumont. Le brame est à son apogée. Evence débute ces matins- là bien avant que la nuit n’ait encore songé à faire place au jour. L’avant pirsch a au moins autant d’importance que le pirsch lui-même. Tout comme le petit déjeuner au retour en prendra également une déterminante dans l’échange passionné que chacun fera de ses observations du matin. Il fait nuit noire quand nous descendons à deux vers le mirador en bordure du gagnage. Le brame est partout en même temps, intense. Quand une promesse de lumière commence à se faire deviner, on entrevoit des formes dont on doute au départ qu’il s’agisse bien d’animaux. Quand le jour se sera enfin imposé ce sont bien trois hardes distinctes, de plus de 15 non boisés chacune, autour desquels

gravitent nombre de cerfs tenus à distances par les 3 maîtres de place. Pourquoi faire étriqué quand on peut faire grand … Voir mais surtout faire voir, partager, communier ensemble à cet opéra de plein air. Là réside certainement une autre grande caractéristique de ce passionné des cerfs. S’il prend un plaisir évident à aller à la rencontre du brame, son plaisir n’est entier, son plaisir n’est démultiplié que s’il peut en même temps l’offrir à d’autres. A d’autres sans cesse renouvelés, matin et soir, au gré des invitations à venir voir et entendre les cerfs, à en parler des premières heures qui précèdent le jour jusqu’à la nouvelle nuit noire, à comparer les observations, à émettre des hypothèses, à accroître encore le plaisir et à magnifier l’observation initiale en la revisitant sans cesse par l’histoire qu’on en conte. Et ce de façon inusable malgré les pages des années du calendrier qui se tournent inexorablement. Va-t-il un matin faire l’impasse ? Oublier de venir au mirador ? Dormir, enfin … Laisser un peu de répit à l’accompagnateur obligé ? Et bien non, mille fois non. Chaque matin et chaque soir du brame, années après années, il sera présent, de façon immuable. C’est que l’énergie est une autre caractéristique du personnage. Les cerfs ne semblent pas les seuls à en dispenser sans compter durant ce mois de toutes les folies. Faire percoler une idée pour qu’elle s’ancre dans la réalité et prendre le temps que les acteurs de terrain la fassent leur est sans nul doute une épreuve pour un idéaliste quand il se double d’un impatient notoire. Deux réalités s’affrontent dans un premier temps. Celle qui consiste, pour les nouveaux gestionnaires de ce territoire, à dire qu’ils ont enfin les manettes de commande, qu’un déséquilibre trop longtemps subi va enfin pouvoir être corrigé et que la gestion qualitative que sous-tend le suivi photographique pourra sans souci aucun attendre quelque temps encore que le problème quantitatif soit préalablement résolu. Sans doute cela est-il

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également légèrement teinté d’une volonté de se retrouver chez soi, entre soi, au sein d’une corporation, sans avoir à gérer des regards ou des avis extérieurs. Et de l’autre côté, celle qui entend maximaliser les souhaits du Souverain, faire partager le cerf, le faire voir et entendre, le gérer sur des bases scientifiquement fondées, s’appuyer pour ce faire sur des intervenants divers, tous nouveaux dans ce paysage très longtemps coincé dans sa seule dimension cynégétique. Derrière ces idées, sans doute aussi une volonté de garder des densités qui soient compatibles avec les buts poursuivis. Donc probablement plus élevées que celles escomptées par les gestionnaires du territoire. L’idée pourtant fait lentement son chemin, souvent soutenue par des titulaires de chasse voi-

laisser retomber le taux de testostérone des chercheurs de mues qui mettront des années à passer du stade de rivaux invétérés à celui de complices d’une passion commune. Solon allait trouver là un vaste champ d’action et de rassemblement avec l’aide passionnée de nombreux titulaires voisins et de leur garde. Dans le même temps, la Converserie devenait un centre de séminaire. Rapidement une tradition s’y imposa qui consistait à cueillir les cadres d’entreprises à la sortie de leur repas du soir et à les sensibiliser (par diapositives puis par PPT …) aux équilibres forestiers, à la vie et la gestion du cerf, aux grandes soifs d’horizons neufs des migrateurs ou à la logique d’une gestion intégrée, multi-acteurs. Si la nuit - courte souvent - n’avait pas été suffisante pour leur permettre de digérer les

sins et leur garde. Les premiers catalogues de suivi photographique sortent et sont distribués. Lentement les trappes d’escaliers donnant accès aux greniers remplis de mues s’entrouvent et les recoupements s’opèrent soulevant quelque peu le voile du secret des cerfs. L’idée d’expositions des mues au printemps fait son chemin. Elles seront d’abord organisées tardivement en juin pour

double agapes de la cuisine et de la conférence, ils étaient réveillés aux aurores pour une leçon de terrain. Levés à 05.00 en juin ou à 07.30 pour les malins qui avaient choisi de séjourner à la Converserie en plein hiver, ils arpentaient les chemins forestiers comme sésame obligatoire pour avoir droit au petit déjeuner. Des recoupements parfois saisissants étaient faits entre les mécanismes de

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gestion d’un écosystème forestier et les modes de gestion durable d’une entreprise. Des centaines de cadres d’entreprises furent ainsi sensibilisés à ce superbe plateau forestier, à ses landes et tourbières ou à la place de la chasse dans une société moderne. Un public belge moyen défilait à cet endroit, à savoir largement suspicieux sur l’intérêt et la légitimité de la chasse. Il en ressortait bien souvent convaincu que si la chasse était réellement cet outil de gestion exposé là, elle pouvait garder un rôle important dans une gestion bien comprise des écosystèmes forestiers. Solon trouvait, via cet encadrement, ses premiers modes de financement propre qu’il réinvestissait aussitôt dans des premières parcelles de gagnages de brout et de diversification feuillue, âprement négociées avec le service forestier.

A ses yeux, très rapidement, le territoire pilote devait largement dépasser la notion de simple territoire de chasse pilote pour devenir une vitrine de ce qui se fait de plus pointu en matière de gestion forestière intégrée en Région wallonne. Grandes hêtraies du plateau, aulnaies-frênaies des fonds de vallées, sombres peuplements résineux du plateau, vastes landes et tourbières restaurées, vol de la pie-grièche grise, halte des grues cendreés en recherche d’horizons neufs, mue récoltée sur la gelée tardive, groupes accueillis pour une balade guidée, sites d’écoute du brame, zone de quiétude, poussées silencieuses, épargne des grands cerfs. Pour lui, ce territoire est un tout indéfectible dont chaque caractéristique doit être valorisée et prise en considération au même niveau d’importance. La chasse n’étant dans ce panel qu’une activité parmi d’autres ni plus importante ni moins.

Une grande fagne, « enclavée » sur le territoire des Chasses royales et acquise par Evence Coppée, allait jouer un rôle important dans cette dynamique en privilégiant la vision de la grande faune pour un public large, accompagné. Les premières aires de vision du plateau y voyaient le jour, source renouvelée de pédagogie et de sensibilisation à la beauté de ces lieux d’exception, hantés par leur animal le plus emblématique. Cette fascination du cerf provoqua chez lui une véritable conversion, dans un sens proche de celle du Saint patronyme du massif. Une réelle élévation qui pousse à abandonner le caractère premier de la quête, celle qui veut s’approprier l’animal, le trophée, la pointure, les points CIC ... voire l’image. Pour se hisser à un niveau supérieur qui embrasse l’animal dans toute sa dimension d’être social, aux comportements riches et variés, à l’éthologie fascinante, aux secrets difficilement décodables, aux relations tendues avec le milieu et les hommes. Animal élevé également et sans nul doute possible à sa juste dimension spirituelle. Cette dimension reconnue par toutes les civilisations au cours de la longue aventure humaine depuis les parois rupestres jusqu’aux plus intimistes documentaires animaliers modernes. La dimension d’animal, intermédiaire entre le monde des hommes et une spiritualité qui les transcende.

Ce rêve reste largement à poursuivre. Sans doute y va-t-il partiellement de l’avenir durable des Chasses de la Couronne que d’oser cette conversion définitive. Et, à l’instar d’autres grands territoires européens, d’élargir la seule dimension cynégétique - très XIX° siècle - pour accéder à la notion de territoire écologiquement fondé faisant l’objet d’une gestion intégrée et partagée. Les attentes de la société moderne, et donc assez probablement des politiques qui ne sont que les dépositaires temporaires de choix budgétaires de juste redistribution de l’impôt, vont-elles sans doute de plus en plus vers cette recherche de territoires ouverts au partage d’une nature patrimoine commun à tous qu’il faut largement réapprendre à vivre. Ce territoire pilote, plus largement soutenu financièrement que tout autre en Région wallonne, doit fort probablement couvrir cette très large palette d’attentes et ne pas les focaliser sur cet enjeu -fusse t’il important- de la gestion de la grande faune par la carabine. Il y a là pour la région une véritable opportunité de développement et de vitrine d’une forme d’excellence. A moins d’une heure et demie de route de Bruxelles et du siège de la Commission. Sans doute le souhait initial du Roi Baudouin y trouverait-il là sa matérialisation la plus aboutie. • 41


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P O RT FO L I O - VOYA G E

Un air de paradis Martin Dellicour Novembre : délaissée par les touristes et randonneurs, la montagne valdotaine est le théâtre du rût spectaculaire des chamois. A quelques semaines de l’hiver, la neige est déjà bien présente... Alliée à la brume, au vent, elle offre un panorama aux accents particulièrement sauvages. Sous le regard attentif du gypaète ou d’un renard curieux, nous parcourons ces montagnes dans une solitude savoureuse.

Ambiance de brume - chamois © Martin DELLICOUR  Nikon D3s +Nikon 70-200mm F2.8 • 1/8000 sec, F2.8, 640 iso 43


La tête dans les nuages - Combe de Levionnaz © Martin DELLICOUR

 Nikon D800 + Nikon 70-200mm f2.8 • 1/1600 sec, F5.6, 500 iso

L E PA R C D U G R A N D PA R A D I S V A L D ’A O S T E , I TA L I E Le parc s’étend sur plus de 700 km2 autour du Gran Paradiso, sommet imposant qui dépasse les 4000m. Ancienne réserve de chasse du roi Victor Emmanuel II, le Grand Paradis est depuis plus de 100 ans un véritable havre de quiétude pour chamois et bouquetins. Ces derniers, emblème du parc, lui doivent probablement d’avoir été sauvés de l’extinction. Montagnes sauvages, libérées de toute «gestion» humaine, elles sont, depuis quelques années, redevenues le territoire de chasse de prédateurs mystérieux tels que le gypaète, l’aigle, le lynx ou ces quelques loups venus naturellement de la région du Piémont.

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L’esprit vagabond - Chamois © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 70-200mm F2.8 • 1/8000 sec, F2.8, 640 iso

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Ombres & lumières © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 200-400mm F4 • 1/320 sec, F10, 200 iso, trépied

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Gypaète en vol © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 200-400mm F4 • 1/100 sec, F10, 200 iso, trépied

Course poursuite © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 200-400mm f4 • 1/1600 sec, F5, 400 iso

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Mélèzes dans la brume © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 70-200mm F2.8 • 1/500 sec, F5.6, 640 iso

Regard sur la vallée - Chamois © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 600mm F4 • 1/640 sec, F5.6, 1000 iso, trépied

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Rut en crète - attitude caractéristique du mâle en pleine poursuite © Martin DELLICOUR  Nikon D800 + Nikon 600mm F4 • 1/1600 sec, F13, 800 iso, trépied 51


Le seigneur entre deux mondes - Bouquetin © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 200-400mm F4 • 1/1250 sec, F5, 400 iso, trepied

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Compagnon de pique-nique - Chocard à bec jaune © Martin DELLICOUR  Nikon D3s + 70-200mm F2.8 • 1/1000 sec, F3.5, 400 iso

Les flocons © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 200-400mm F4 • 1/320 sec, F7.1, 2000 iso, trépied

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Cache-cache - l’écartement et la courbe des cornes permet d’identifier une femelle © Martin DELLICOUR  Nikon D3s + Nikon 200-400mm F4 • 1/1000 sec, F5.0, 400 iso, trépied

Le dahu - chamois à flanc de rocher © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 600mm F4 • 1/200 sec, F4, 1600 iso, trépied

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L’Eau Rousse - Rivière du Valsavarenche sous la glace © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 24-70mm f2.8 • 0,5 sec, F22, 200 iso, trépied + Filtre Lee Grad ND9

LIENS : Découvrez d’autres images de Martin Dellicour sur son site :

www.martindellicour.be

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Au détour d’un escarpement, la rencontre se fait parfois à une proximité déconcertante - Chamois © Martin DELLICOUR  Nikon D3s + Nikon 600mm F4 • 1/500 sec, F4, 1250 iso 57


AMÉNAGEMENT

Le gagnage de brout Texte & photos de Philippe Moës En matière d‘aménagements forestiers, la gestion de parcelles couvertes de végétation ligneuse (arbustes) destinée à l’alimentation des ruminants sauvages semble connaître un regain d’intérêt. Ces parcelles, généralement appelées « gagnages ligneux » ou encore « gagnages de brout », sont effectivement sensées apporter de la matière ligneuse favorable à la rumination de nos ruminants sauvages. Mais pas seulement ! Idéalement, un » gagnage ligneux » doit être conçu et géré de manière à fournir simultanément nourriture, couvert, « défouloir », semenciers, biodiversité, voire intérêt paysager ! Dans cet article, nous tenterons de résumer quelques observations liées aux essais pratiqués en la matière depuis une vingtaine d’années sur un des plateaux de Haute Ardenne belge, par trois partenaires régulièrement associés dans cette démarche : le Département de la Nature et des Forêts (DNF), le Laboratoire de la Faune Sauvage

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et de Cynégétique (LFSC) du DEMNA et l’a.s.b.l. SOLON.

Contexte général La forêt où se sont déroulés les essais et aménagements est située en Ardenne centrale et culmine à 530 m d’altitude. Elle se caractérise par un climat rude et des sols forestiers pauvres. Les feuillus, très largement dominés par le hêtre, occupent ¾ de la superficie, le ¼ restant ayant étant enrésiné en épicéa commun. Compte tenu de ces spécificités stationelles extrêmes, les possibilités de choix est réduit à quelques espèces (chacune d’elles ayant des exigences de sol, de climat et de lumière précises).


Du point de vue des ressources alimentaires naturelles pour la grande faune sauvage (entre autre), la forêt considérée a été longtemps un véritable désert ; en cause, plusieurs éléments historiques conjugués : - des sols pauvres, peu productifs - une population anciennement -pendant plusieurs décennies- excédentaire de grand gibier, à l’époque favorisée en permanence sur le territoire par de hautes clôtures, un nourrissage concentré et une politique cynégétique très conservatrice. - une gestion forestière intensive, ayant toujours négligé les essences ne produisant pas de bois d’œuvre (dites « secondaires ») au profit des seuls hêtres, chênes et épicéas, se traduisant actuellement par l’absence quasi-totale de semenciers susceptibles de relancer la colonisation du territoire.

Depuis une dizaine d’années, bien des éléments ont changé: un lourd plan de tir a localement réduit fortement les densités de cerf élaphe, les clôtures ont été enlevées, le nourrissage concentré a cessé, des gagnages herbacés et ligneux ont été créés de manière disséminée, tandis que l’abandon de la sylviculture sur sols tourbeux et la mise en lumière de ces zones a offert un apport massif de lumière, point de départ indispensable au redéploiement de la biodiversité. Néanmoins, sur le plateau, l’absence de vieux semenciers d’essences auxiliaires reste un problème majeur, rendant presque impossible toute colonisation naturelle des clairières et mise à blanc – même cloturées à deux mètres- par autre chose que de la molinie et de l’épicéa… Dans ce contexte de véritable « sinistrose » du biotope, l’installation d’essences feuillues dites « secondaires » (c’est-à-dire ne faisant pas l’objet, chez nous, de sylviculture intensive) s’avère particulièrement difficile. Les aménagements ne peuvent en outre se faire qu’à partir d’apports ex-

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térieurs (plants, semis, boutures) et doivent être protégés d’une manière ou d’une autre pendant les premières années. En outre, l’absence évoquée de semenciers implique une gestion un peu particulière des gagnages ligneux : produire du brout certes, mais aussi des producteurs de graines ! La situation implique également de maintenir un niveau faible de la densité d’ongulés sauvages tant que la capacité d’accueil globale de la forêt n’aura pas été fortement améliorée. Les éléments qui suivent s’inspirent de la situation spécifique du territoire décrit.

1. biche dépensant sans compter son énergie pour cueillir en hauteur les feuilles qui l’intéressent / 2. parcelle de brout semée en bouleaux pubescent. Structure idéale : une partie des arbres sont broutés, d’autres montent, assurant simultanément lisière étagée et futur semenciers.

Qualités d’une parcelle de brout idéale Idéalement, les végétaux installés dans une même parcelle seront : - adaptés à la station ; - indigènes et si possible de provenance locale ; - intéressants pour la faune pendant toute l’année et peu abondants dans les environs ; - rejetant de souche après recépage et supportant bien la taille ; - constitués de plusieurs essences, mélangées par lignes, pieds et/ou bouquets ; - installés sur sol nu et suffisamment ensoleillé ; - cultivés sur une surface conséquente (voir plus loin) ; - protégés de manière adéquate et durant une période adaptée à la vocation principale Pour fournir le brout, le plant doit idéalement être accessible lorsqu’il atteint au minimum le genoux de l’animal, au maximum la tête. Pour fournir le bois de frotture, la tige doit avoisiner grossièrement le diamètre des bois de l’animal susceptible de l’utiliser. Eventuellement, les tiges trop grosses peuvent être recépées-taillées pour donner à nouveau du brout. Plusieurs mises en garde peuvent être formulées à ce niveau : - la station influence fortement la vigueur de réaction et peut, dans certains cas, induire la mort des plants recépés, par épuisement - pour conserver à la fois la vigueur des plants et continuer à produire des semences, il est préférables de ne jamais taller-recéper l’ensemble des tiges d’un même plant (exemple : dans une « boule » de saule, ne pas rabattre plus de la moitié du volume des tiges).

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Pour obtenir le couvert de la grande faune en même temps que la nourriture, la règle est plus complexe : la surface est prépondérante et variera en fonction de la présence d’autres remises, de la quiétude, de la présence de résineux associés aux feuillus… ... Dans la forêt concernée, après 20 ans d’expérience et pour rencontrer les objectifs précités, on peut considérer qu’il ne faut pas descendre sous la surface d’un hectare. Afin de servir la biodiversité (et la valeur paysagère), le couvert sera varié dans les composantes suivantes: recouvrement du sol, essences, hauteurs, densités, pérennité. Rien n’empêche non plus, dans les trouées, de creuser des mardelles dans l’une ou l’autre tache de joncs à très faible valeur patrimoniale, de repiquer quelques plants de linaigrette (locale !) dans une poche de tourbe dégradée, de maintenir l’une ou l’autre micro-clairière…...

 engrillagement efficace autour d’une parcelle de « brout »

Comment protéger les plants et quand cesser de les protéger ? Si, comme sur la plus grande partie de la forêt évoquée, les essences « secondaires » ont disparu purement et simplement, une protection mécanique est indispensable. En effet, les végétaux

installés constituant l’alimentation naturelle des animaux, un grand herbivore -fut-il seul- présent dans les parages aurait tôt fait de se servir quotidiennement sur les plants et de les anéantir. Parmi les protections mécaniques envisageables, même s’il comporte certains inconvénients, l’engrillagement complet constitue la solution idéale. Il permet en effet de régénérer non pas uniquement l’essence que l’on veut privilégier, mais l’ensemble de la végétation, du sorbier au saule, en passant par l’épilobe et le papillon qui l’accompagne…... Remarques : - ne jamais se contenter d’une clôture électrique, même de 2.5 m de haut ! En effet, le chevreuil parvient toujours à se faufiler entre les fils et une fois à table, peut aller jusqu’à anéantir l’aménagement (pour rappel, le chevreuil se nourrit de près de 80 % de végétaux ligneux et semi-ligneux, contre environ 20 % pour le cerf, lequel a surtout besoin d’herbages) - suite à l’installation d’une clôture, la tendance générale est de laisser subsister celle-ci le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’elle s’effondre, ce qui est une erreur. En effet, en laissant les tiges dépasser le « stade-garrot » ou « tête » décrits ci-dessus, les animaux ne profitent que très peu du feuillage des plants et qui plus est, détruiront le plus souvent ceux-ci par frottures (le cerf du moins). Si la vocation de la parcelle est de produire à la fois brout et semenciers, l’idéal est de l’ouvrir une fois la pousse terminale hors d’atteinte des plus hauts animaux concernés. Du point de vue de la biodiversité et du paysage, une ouverture à ce stade est également intéressante : lorsqu’une partie des ligneux sont maintenus à faible hauteur par abroutissement, une structure étagée est obtenue plus facilement (gratuitement) et bénéficie à bien plus d’espèces animales et végétales (plus de lumière au sol et d’hétérogénéité à tous points de vue).

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- Si l’on souhaite à la fois avoir du brout et conserver des hautes tiges, il convient, avant d’ouvrir la clôture, de protéger le nombre de pieds voulu. Ceci peut se faire soit individuellement (corsets), soit en refermant par exemple les coins du grand enclos initial, de manière à former des parcelles en triangle à très peu de frais supplémentaires.

Comment rajeunir les plants si ceux-ci deviennent trop grands pour l’usage escompté ? Plusieurs moyens existent (et peuvent éventuellement être combinés) : - le recépage : coupe près du niveau du sol, permettant, si le plant supporte l’opération et si la concurrence herbacée n’est pas trop forte, d’obtenir une tige fortement ramifiée dès sa sortie du sol ; - la taille : coupe des rameaux latéraux et/ou de la pousse terminale visant à étoffer la ramure tout en évitant les risques de mauvaise reprise du plant parfois liés au recépage; - le couchage : cassure des branches (en laissant un « raccord ») et disposition contre le sol, de manière à stimuler la croissance de pousses verticales tout le long du rameau et sous la cassure.

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Les principales causes d’échec possibles Parmi les différentes causes d’échec, nous avons rencontré : - installation des plants, racines ou boutures dans les trouées totalement improductives, là ou rien d’autre ne pousse à part un dense tapi de joncs (pratique courante dans le passé) ; - destruction des semences , racines et/ou du collet par les rongeurs (prévoir quelques perchoirs à rapaces s’avère efficace) ; - installation de plants ou de semis sur sol couvert de végétation herbacée dense (joncs, molinie…concurrence hydrique…) ; - dessiccation due au drainage préalable et/ou au tassement du sol ; - protection contre le gibier « inadéquate»: usage de clôtures électriques (pourtant hautes, bien entretenues et aux fils serrés), placement de protections individuelles mal adaptées ; - ouverture trop tardive de clôture et destruction

1. bouleau cassé ; il fournira de jeunes pousses au pied de l’arbre et tout au long du tronc horizontal / 2. avant enlèvement de la clôture, des arbres et bouquets ont été protégés de manière à conserver des hautes tiges et assurer un couvert minimal /

3. impact des ongulés sauvages sur la ronce (entre autre !), dans et hors clôture…


définitive des plants par frottures (bourdaines et sorbiers surtout…) ; - manque de lumière (certains essais en futaie de hêtre) ; - gel intense succédant au couchage de tiges (effectuer celui-ci en juillet ou hiver) - traitement incorrect des baies avant semis (pour lever la dormance) ou mauvais pouvoir germinatif - débourrement trop précoce de plants et destruction par le gel (ex : sureaux rouges de provenance inadaptée…) ; - semis trop denses d’essences héliophiles (nécessitant beaucoup de lumière) croissant habituellement de manière plutôt isolée (sorbes…). - parcelles constituées presqu’exclusivement de sorbiers : cette essence est de loin la plus appétée (avec le sureau rouge), mais est assez sensible à l’abroutissement et une forte pression des animaux peut réduire à néant l’aménagement (préférer un semis diffus parmi d’autres essences et la protection individuelle de semenciers avant ouverture de la clôture).

Modes d’installation

aulne glutineux, saule marsault, saule à oreillette, sureau rouge, bouleau pubescent et verruqueux, viorne obier, aubépine monogyne, peuplier tremble, ronce, myrtille, pommier et poirier sauvages, érable sycomore… De toutes ces espèces, c’est l’aubépine qui présente le meilleur taux de reprise et résiste le mieux. Elle supporte aussi bien le plein soleil que la mi-ombre et reprend sur les sols tassés. Qui plus est, elle possède souvent plusieurs pousses terminales de force +- équivalente et il suffit d’en protéger une ou deux (par chaulage ou manchons) pour que les cervidés les délaissent et broutent plutôt les branches voisines, laissant ainsi généralement un minimum de feuilles indispensables à la croissance (l’aubépine se contente de très peu de feuilles pour survivre !) Le sol ne doit néanmoins pas être trop humide. Sur ceux-ci, le saule à oreillette et le bouleau pubescent donnent souvent d’excellents résultats. Concernant la ronce : il s’agit bien entendu d’un excellent aliment, puisque vert et appétant durant toute l’année ! Sur un territoire en comportant de manière abondante, nul besoin d’installer de gagnages ligneux, favoriser les feuillus secondaires suffit.

7.1 PLANTATIONS 7.2 SEMIS Les essences auxiliaires ayant fait l’objet d’essais sont les suivantes : sorbier des oiseleurs,

Divers semis ont été testés: sorbier, bouleaux, sureau rouge, genêt, ronce, aulne, pommier, saules, érable, charme… Depuis quelques années, les semences issues du commerce (sauf comptoir à graines de Marche-en -Famenne) ont été abandonnées, pour trois raisons essentiellement : - taux de germination souvent très médiocre, parfois nul - provenance inconnue et vraisemblablement (très) lointaine, volonté d’utilisation de souches locales - grande efficacité et importants atouts des semis de sorbes

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Outre les semis de sorbes en question, d’autres moyens simples de « semis » sont utilisés, tels le fichage en terre, au moment opportun, de rameaux de saules ou de bouleaux couverts d’infructescences prêtes à s’envoler ou encore de rameaux de genêts couverts de fruits prêts à exploser. Ces procédés ont l’avantage une fois encore d’utiliser et de propager à relativement peu de frais des essences de provenance locale. D’une manière générale, pour les semis, le sol doit être le plus nu possible (importance du contact de la graine avec la terre, mais aussi de la quantité d’eau et de lumière disponible). Il faut donc à tout prix profiter au maximum des toute nouvelles mises à blanc et les ensemencer dès leur première année ! Pour les bouleaux pubescents, veiller à fractionner les passages, de manière à ce que les semences dispersées aient un maximum de chances de tomber dans une période favorable à la germination (3 passages étant l’idéal). Notons que mélanger les graines à de la sciure ou du sable permet de diluer

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les graines (2 millions par kg pour le bouleau), de les « lester » et de mieux visualiser le travail. Enfin, remarquons que parmi les différents modes de destruction des rémanents après mise à blanc, la pratique de l’endainage procure des résultats écologiquement bien plus intéressants que le broyage, lequel apporte massivement de l’azote de manière assez uniforme et banalise fortement la végétation.

7.3 BOUTURES L’essence de bouturage par excellence et appétée par le grand gibier est le saule à oreillette (le saule marsault se bouturant plus difficilement). Les résultats engrangés peuvent être médiocres dans certains cas :

sorbiers en vieille hêtraie après semis manuel


- choix inadapté de la station (parcelles soit drainées, soit peu ensoleillées, soit au sol damé), - concurrence de la végétation herbacée (installation sur sol déjà enherbé voire couvert de grands joncs…) - destruction du collet ou des racines par les campagnols (essentiellement en mise à blanc). Les quelques essais en bonne station (le pied +dans l’eau toute l’année et à la lumière) et sous protection ont donné d’excellents résultats. La pose d’une assiette en carton autour de la bouture peut également aider à la reprise : maintien de l’humidité, limitation de la concurrence herbacée, sentiment d’insécurité pour les rongeurs… Enraciner les boutures pendant un an en pépinière avant de les replanter (boutures enracinées) est également une bonne solution mais nécessite plus de travail.

Opportunités d’installation d’essences secondaires dans une forêt Bien des possibilités existent pour favoriser le retour d’essences secondaires dans une forêt qui en est pratiquement dépourvue, qu’il s’agisse de semis ou de plantations ; en voici quelques-unes (outre la pratique d’élagage précoce, d’éclaircies fortes, de plantations à larges écartements et de dégagements très ciblés): - plantation de massifs en site propre (« gagnages de brout ») ; - création de petites placettes (3x3m ou 9x9m par exemple), bien réparties sur le territoire, plantées d’essences diverses et clôturées durablement, de manière à produire des semenciers (sureau rouge, sorbier, aubépine, bouleaux pubescents et verruqueux, peuplier tremble, saules à oreillettes et marsault, alisier blanc, à raison de un plant par mètre carré, disposés en tenant compte du port de l’espèce) ;

- création de cordons feuillus variés en lisière de peuplement de production et le long des routes… (vocations multiples, lisières étagées…) ; - semis « massifs » de sorbes, saules, bouleaux et genêts juste après élimination des rémanents sur nouvelle mise à blanc (à fortiori dans les coupes destinées au reboisement à vocation économique, car ces feuillus semés gaineront-éduqueront les plants, amélioreront la qualité du sol, tout en jouant le rôle de « paratonnerre » vis-à-vis des ongulés sauvages) ; - passage au crabe ou à la fraise en futaie clairsemée (même hêtraie !) puis semis de sorbes ou bouleaux ; - réserver de temps en temps de gros houppiers d’arbres abattus (chêne de préférence); ceux-ci fourniront un « micro-climat» favorable au développement de la ronce et d’autres essences pionnières et constitueront une barrière naturelle contre les grands herbivores. Faute de semenciers dans les environs, on pourra éventuellement, dans les cas extrêmes, y transplanter des marcottes de ronce ; - dans les taches de semis naturels d’épicéas que l’on ne souhaite pas voir évoluer en monoculture, planter çà et là des feuillus auxiliaires (protégés mécaniquement) et au fil des interventions, leur donner priorité par rapport aux épicéas ; - dans les massifs d’épicéas plantés sur sols hydromorphes et dont on attend l’exploitation finale dans 10 ou 20 ans, planter des bouleaux pubescents en bordure des coupe-feu qui le permettent (largeur suffisante), en quinconce pour ne pas gêner le débardage ultérieur (extraction des arbres abattus), voir éventuellement dans les fossés. Lorsque la pessière sera mise à blanc, les bouleaux seront de précieux porte-graines capables d’ensemencer directement l’espace réouvert ; - sous des semenciers existant (idéalement groupés), travailler le sol en surface, clôturer, attendre la régénération naturelle ; ultérieure-

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ment, on pourra y pratiquer un « dépressage » et transplanter les semis arrachés aux endroits voulus (« pépinière »); - mise en lumière de la régénération des essences rares et contrôle de la concurrence de celles plus communes .

cerf se délectant de feuilles de bouleau sur un arbre « cassé »

EPILOGUE Certains territoires, comme celui décrit dans cet article, sont véritablement sinistrés du point de vue de la disparition d’essences dites « compagnes » ou « auxiliaires », en raison d’une gestion passée inadéquate, tant sylvicole que cynégétique. Bien entendu, les gestionnaires de l’époque n’en avaient pas totalement conscience et ce n’est qu’avec le recul que l’on peut porter un tel regard. Il n’est pas trop tard pour éviter d’atteindre de tels sommets sur certains territoires qui glissent doucement sur cette pente, tout comme il est possible de tenter de redresser au moins partiellement la situation là où elle se présente. On ne peut qu’insister sur l’importance d’avoir des pratiques sylvicoles et cynégétiques réfléchies. Pour des raisons à la fois économiques (richesse de l’humus, moindre coût, qualité technologique du bois…), écologiques (oiseaux, insectes…), cynégétiques (apport de nourriture, refuges, limitation des dégâts…) et esthétiques (variété des hauteurs et des couleurs…), le gestionnaire du milieu forestier doit ranger définitivement au placard les notions de dégagements « en plein » dans les jeunes plantations et l’élimination systématique des essences qui ne rapportent pas (actuellement) de bois d’œuvre ! De son côté, le chasseur responsable a le devoir de gérer la grande faune de manière à rendre possible le développement d’une flore forestière abondante et diversifiée. Quand les dégâts sont là, quelles qu’en soient les raisons, il est trop tard…Il faut alors des générations entières et beaucoup d’argent pour tenter de réparer ou recréer ce que la nature avait mis gratuitement à notre disposition depuis toujours et que nous n’avons pas su apprécier et respecter à sa juste valeur…...

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Découvrez notre exposition thématique à louer :

Exposition

CERF

SOLON asbl a pour objet la connaissance approfondie de l’écosystème forestier et la diffusion de ces connaissances à des fins de maintien, de sauvegarde et d’amélioration de la gestion de ce patrimoine. Avec son exposition sur le cerf, SOLON vous emmène à la découverte de cette espèce emblématique de nos forêts. Sous des images en grands formats, quelques traits de la biologie et de l’éthologie de l’espèce sont abordés, ainsi que les défis essentiels liés à sa gestion cynégétique.

33 panneaux photos de hautes qualité et légendés de 60X80 cm pour en savoir plus sur le cerf !

Info : Pierre Strijckmans GSM 0478/484132 E-mail : info@solon.be www.solon.be 67


TECHNIQUE PHOTO

Quand filent les rivières... Texte de Philippe Moës

Les rivières et cascades inspirent bon nombre de photographes, mais ceux-ci sont souvent déçus de leurs clichés. Comment se donner toutes les chances de réussir une bonne image du genre ? C’est ce que nous allons aborder dans ce premier cahier photographique dédié aux filés.

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Matériel :

Lumière et météo :

rien de particulièrement précis ou couteux en termes d’optiques, à peu près tout pouvant faire farine au moulin (à eau). Bien sûr un télézoom sera plus facile à utiliser pour le cadrage puisque plusieurs plans seront possibles en restant au même endroit. Seul impératif : travailler avec un trépied !

mieux vaut éviter le soleil, car les reflets brillants de l’eau seront souvent source (tiens donc…) de zones surexposées, très difficiles à gérer.

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Quand filent les rivières… © Philippe MOES

 Canon EOS 5D + 100-400 mm F4 • (gauche) 1/125 sec, F8 - (droite) 8 sec, F32, trépied

Mise en place :

Prises de vues :

veillez avant-tout à assurer une stabilité maximale du matériel afin qu’il ne termine pas sa course (voire son histoire) dans l’eau ! Vérifier le serrage des sections du trépied, le basculement de la tête mobile, ainsi que la sécurité de la fixation rapide s’il y en a une. Enfin, ne négligez pas, selon le cas, la possibilité de passer la sangle du boitier autour du cou. Attention, les rochers lisses et mouillés, ça glisse !

Au niveau de la mise au point, rien de particulier ; manuelle ou en autofocus, tout est bon et en principe la rivière ne s’enfuira pas pendant la mise au point…(la lumière c’est autre chose) Le paramétrage du couple vitesse/ouverture par contre, est essentiel. Plus la vitesse sera lente, plus l’effet de filé sera important. Essayez donc plusieurs vitesses, par exemple du 1/60 sec à 6 secondes en passant par quelques intermédiaires et vous serez vite fixés : résultat totalement différent !

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Le filé est aussi une solution intéressante pour mettre en valeur le sujet... © Martin DELLICOUR

 Nikon D3s + Nikon 24-70 f2.8 • (haut) 1/80 sec, F7.1, 800 iso - (bas) 20 sec, F7.1, 800 iso, trépied + filtre ND10

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En descendant encore, la différence sera moindre, l’eau sera juste plus vaporeuse en bas de la cascade. Pour descendre dans la vitesse, plusieurs actions à mener : la première, descendre dans les isos le plus bas possible (50 ou 100). Ensuite, se placer en mode priorité ouverture et fermer le diaphragme (donc éloigner la valeur « F » de zéro) jusqu’à obtenir le résultat espéré. N’oubliez pas au passage (vive ne numérique !) de vérifier ce que cela donne au niveau de la profondeur de champ (rappel : plus on ferme le diaphragme, plus la zone de netteté augmente). Enfin, pour les puristes, ne pas perdre de vue que la qualité de l’optique n’est pas équivalente à toutes les ouvertures d’utilisation (généralement en fermant le diaphragme à fond on perd de la qualité ; s’en

Autres conseils techniques  Pour limiter au maximum les risques de flous de bouger, une télécommande (avec ou sans fil) peut être utile, idéalement couplée au pré relevage du miroir (fonction personnalisable dans les menus, permettant de limiter au maximum les vibrations au cours de la prise de vue).  S’il y a trop de lumière ambiante pour descendre suffisamment dans la vitesse, on peut utiliser un filtre ND8 qui va « manger » la lumière à raison d’un équivalent de 3 valeurs de diaphragme (exemple : pour un réglage donné, vous êtes au 1/60 de sec. En plaçant un ND8, vous divisez trois fois cette valeur par deux et parvenez donc à 60 :2 :2 :2=1/8 sec.

tenir entre F8 et F16 est souvent l’idéal, à voir objectif par objectif).

Making of... © T. MOES

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CHRONIQUE ORNITHO

Baguage Résultats du printemps 2013 par Eric Heymans

A l’origine, le baguage a été inventé pour essayer de savoir où les oiseaux disparaissaient en hiver, à étudier leurs déplacements.

sur les causes de mortalité de certaines populations (tirs des Alouettes dans le sud de la France par exemple).

Les choses ayant évoluée et les moyens de recherches aussi, les enseignements tirés du marquage de ces oiseaux sont nombreux.

- Pour la plupart des espèces capturées, le bagueur sait identifier les jeunes oiseaux, Le pourcentage de ceux-ci donne une bonne idée du succès reproducteur année après année. Comparer celui-ci avec les aléas climatiques peut permettre de savoir pourquoi certaines espèces réussissent bien leur nidification et d’autres pas.

- Si pour la plupart des oiseaux on sait maintenant où ils hivernent on s’aperçoit qu’ils tentent de s’adapter aux changements climatiques. Leurs lieux d’hivernage peuvent changer radicalement, par exemple des fauvettes à tête noire hivernent maintenant en Angleterre au lieu d’aller en Espagne et en Afrique. Par exemple la fauvette à tête noire femelle de première année baguée à Nassogne le 29 août 2010 reprise en hivernage le 26 janvier 2013 à Rhos on Sea (côte ouest de l’Angleterre à 369 km et 2 ans 4 mois et 26 jours de port de bague) - On peut étudier les conditions et la vitesse de déplacement des oiseaux. Par exemple cette rousserolle effarvatte adulte baguée à Nassogne le 16 août 2011 reprise 4 jours plus tard à Plaisance Saint Frould en France, elle a parcouru 481 km en 4 jours, pas mal pour un oiseau de 11 grammes. - Les reprises autres que celle des bagueurs peuvent apporter des renseignements précieux

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- Baguer les poussins au nid peut aussi permettre de comparer année les dates moyenne de baguage et s’apercevoir par exemple qu’actuellement les mésanges baguées en nichoir en Ardenne le sont en moyenne 10 jours plus tôt que dans les années 70, autre preuve d’un réchauffement global du climat. - Le baguage donne une idée claire de l’état des populations de certaines espèces difficiles à recenser autrement. A effort égal le nombre d’oiseaux capturés peut varier fortement. La plupart des ornithologues ont remarqué une diminution de la population de fauvette grisette dans les environs de Nassogne. Au vu des captures c’est clair, en 2011 230 oiseaux ont été capturés, en 2012 seulement 80 l’ont été, en 2013 du printemps à la mi-août j’en ai capturé


 1. © Martin DELLICOUR - 2. Buse variable © Eric HEYMANS

…16. Même si les captures de cette espèce vont continuer jusqu’au début du mois d’octobre, il est maintenant certain que le chiffre 2013 sera encore inférieur à celui de 2012.

« Pour un nombre de nichoirs à mésanges identique, il apparaît que la saison a été très mauvaise. » L’été étant là, il est maintenant possible de faire le point sur la saison de reproduction passée. Pour un nombre de nichoirs à mésanges identique, il apparaît que la saison a été très mauvaise. L’absence totale de fruits forestiers et l’hiver rigoureux 2012/2013 expliquent ces chiffres, les mésanges qui dépendent en grande partie l’hiver

des faînes et des glands (toutes n’ont pas accès aux mangeoires des jardins) ont commencé la saison de nidification en faible nombre et en mauvais état (les oiseaux capturés en mars/avril et pesés étaient en sous poids). Un printemps humide et tardif a fait le reste. On s’aperçoit que la mésange noire a mieux résisté à ce printemps froid et tardif que les bleues et les charbonnières, c’est probablement du au fait que c’est un oiseau qui est capable de vivre en haute montagne et donc probablement plus résistant au froid et à l’humidité. Par contre et contre toute attente l’année semble excellente pour les hirondelles rustiques, à l’heure où j’écris ce texte (la nidification n’est pas terminée) il y a déjà 20% de jeunes bagués en plus qu’en 2012. Les rapaces nocturnes aussi activement suivis n’ont pas nidifié cette année, seule une chouette Hulotte a pondu dans un nichoir, ses jeunes sont morts de faim faute de micro mammifères eux

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aussi décimés par un hivers rigoureux sans rien à manger. En 2012, par contre l’année était exceptionnelle et nous avions bagué 39 Chouettes Hulottes, 85 Chouettes Effraies, 6 Chouettes Chevêches, 6 Hiboux Moyen-duc et 17 Chouettes de Tengmalm. Cà montre bien que c‘est le nombre de proies qui détermine le nombre de prédateurs, une bonne année pour les rongeurs est une bonne année pour les rapaces, les mauvaises années, ceux-ci ne se reproduisent pas ou très peu.

Quelque reprises :

1. Pic épeichette - © Eric HEYMANS 2. © Eric HEYMANS 3. © Martin DELLICOUR 4. © Eric HEYMANS 5: © Eric HEYMANS

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Buse variable baguée après revalidation (arrivée épuisée) à Wéris le 08/07/08 et contrôlée en pleine forme à Marche le 20/10/09 Rousserolle effarvatte baguée en Suède à Falsterbo le 29/07/10 et contrôlée à Nassogne le16/08/10 (778 km en 8 jours) Rousserolle effarvatte baguée en France à La Neuville le 11/09/09 et contrôlée à Nassogne le 07/08/11 (170 km) Rousserolle effarvatte baguée nicheuse en Hollande à Lelystad le 26/06/11, contrôlée à Nassogne le 11/08/11 Rousserolle Effarvatte baguée en Suède à Hasslarp le 13/08/11, contrôlée à Nassogne le 17/09/11 (833 km) Rousserolle effarvatte baguée en Norvège à Lysta Fyr le 18/08/11 et contrôlée à Nassogne le 17/09/11 (891 km) Rousserolle effarvatte baguée en Allemagne à Neustad le 25/07/08, contrôlée à Nassogne le 21/08/10 Rousserolle effarvatte baguée à Nassogne le 06/08/11 et contrôlée le 20/08/11 à Plaisance Saint Frould en Carente Maritime soit 668 km en 4 jours de trajet vers l’Afrique. Pas mal pour un oiseau de 11 grammes


Rousserolle verderolle baguée àNassogne le 02/08/11 et contrôlée en Hollande à Tungelroyschebeek le 04/08/11, soit 124 km vers le nord en 2 jours, bel exemple de rétromigration (migration inversée régulière avant d’entamer la vraie migration vers le sud) Rougequeue à Front Blanc bagué poussin à Ambly le 05/07/09 et tué contre une vitre à Ambly le 09/05/10 au retour de sa première migration. Locustelle tachetée baguée à Bokrijk le 13/08/11 et contrôlé à Nassogne le 16/08/11 (30 km de migration par jour) Fauvette Grisette baguée à Nassogne le 04/09/10 et contrôlée en Suède à Skurup le 21/08/11 (807 km) Fauvette à tête noire baguée en Allemagne à Numburg le 29/08/11 et contrôlée à Nassogne le 17/09/11 (427 km) Fauvette à tête noire baguée en Angleterre à Longbridge Deverill le 09/07/11 et contrôlée à Nassogne le 15/09/11 (550 km) Fauvette à tête noire baguée en Allemagne à Velbërt Tönisheide le 15/10/11 contrôlée à Nassogne le 17/10/11 (179 km en 2 jours) Fauvette à tête noire baguée à Nassogne le 03/10/09 et contrôlée nicheuse en Allemagne à Delmenshorst le 10/06/10 (394 km) Hirondelle de rivage baguée nicheuse à Heyd le 20/06/08 et contrôlée nicheuse à Jemelle le 29/07/09 Hirondelle de Rivage baguée jeune à Jemelle le 16/07/10 et contrôlé nicheuse en Hollande à Moergestel le 11/06/11 (152 km)

Accenteur Mouchet bagué à Nassogne le 26/10/10 et contrôlé en Allemagne dans les îles de la mer du Nord le 02/04/12 (509 km) Accenteur Mouchet bagué en Suède à Stenugsun le 10/09/11, contrôlé à Nassogne le 09/10/11 (980 km) Accenteur mouchet bagué à Nassogne le 08/10/10 et tué contre une vitre au Danemark le 30/03/12 (786 km) Rougegorge bagué à Nassogne le 30/07/11 et contrôlé en France à Chatillon sur Seine le 01/10/11 (259 km) Roitelet Huppé bagué au Danemark à Christianso le 30/09/10, contrôlé à Nassogne le 12/10/10 (886 km en 13 jours pour un oiseau de 5 grammes Tarin des Aulnes bagué en Angleterre à Geddington le 17/02/18 et contrôlé4 fois à Nassogne en janvier et février 2010 
Tarin des aulnes bagué à Nassogne le 26/01/10 et contrôlé en Suède à Boden le 17/05/11 
(1994 km) Sizerin flammé cabaret bagué en Angleterre à Black Brow le 01/10/09 et contrôlé à Nassogne le 19/01/10 (371 km) Serin cini bagué à Nassogne le 17/10/11, il a été contrôlé en Allemagne 25/04/12 à Gross Ilsede à 416 km. Cet oiseau avait été saisi par l’UAB après avoir passé plusieurs années en captivité. Il y a ici la preuve que ces oiseaux une fois revalidés et relâchés peuvent reprendre leur vie sauvage et recommencer leurs déplacements interrompus par la captivité. 
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ACTUS & AGENDA

ARBRE, MON FRÈRE Un nouveau livre de

C É C I L E B O L LY membre de notre asbl

«En tenant tout à la fois l’objectif et la plume, c’est à une longue ballade dans la nature que Cécile Bolly nous invite. Une nature tellement proche qu’elle pourrait parfois se faire oublier, ou nous faire oublier qu’elle est un lieu de ressourcement, de compréhension du monde, de découverte de la place que nous y tenons…...» Gérard Jadoul Format: 24,5 x 26,5 cm / Nombre de pages: 144 pages / Couverture: cartonnée Prix de vente public TTC: 29,90€

www.weyrich-edition.be

CAMOSCI Découvrez le film « Camosci », primé lors du Festival du Film Nature de Namur 2013 et réalisé l’automne dernier par un membre de Solon, Martin Dellicour, durant le rut du chamois.

www.vimeo.com/73735047

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Actions Le projet Life ELIA repose sur la mise en place de 7

Philosophie

types d’actions en matière de restauration :

Le projet Life ELIA a pour objectif de déployer la biodiversité dans les couloirs de mise en sécurité des lignes à haute tension traversant des milieux forestiers. La continuité et la sécurité du transport électrique impliquent une gestion récurrente de la végétation sous les lignes. Telle que pratiquée dans la plupart des cas, elle n’offre pas de valeur ajoutée à la biodiversité et est assez rarement profitable aux acteurs de la ruralité qui se désintéressent de ce « no man’s land » grevé d’une servitude pour le passage de l’électricité. Le Life ELIA mise donc sur développement de la biodiversité via la réappropriation de ces couloirs par différents acteurs du monde rural qui les utiliseraient de manière raisonnée : agriculteurs, chasseurs, apiculteurs, propriétaires, ... Ce projet, débuté en septembre 2011 et qui court jusqu’août 2016, a pour originalité d’être porté par un opérateur industriel, ELIA, gestionnaire du réseau haute tension belge (et par son équivalent français, RTE pour nos sites dans l’Hexagone), en collaboration avec les asbl Solon et Carah qui chacune abrite le personnel affecté à ce projet.

- la création (90 ha) et la restauration (120 ha) de lisières étagées - la création de vergers conservatoires de pommiers, poiriers sauvages, néfliers (20 ha) - la restauration de tourbières, landes et prairies maigres de fauche (20 ha) - la création de mares (100) - la lutte contre les espèces invasives (20 à 30 ha) - la mise en place d’infrastructures de pâturage et de fauchage (20 ha) - la création de prairies fleuries allégées, avec graines certifiées locales (20 ha)

Pour suivre l’évolution du projet, rejoignez nous sur

www.life-elia.eu où vous pourrez, si vous le désirez, vous inscrire à notre Newsletter.

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P E T I T S AV E N T U R I E R S

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Découvrez notre exposition thématique à louer :

Exposition

SANGLIER SOLON asbl a pour objet la connaissance approfondie de l’écosystème forestier et la diffusion de ces connaissances à des fins de maintien, de sauvegarde et d’amélioration de la gestion de ce patrimoine. Avec son exposition sur le sanglier, SOLON vous emmène à la découverte de cette espèce emblématique de nos forêts. Sous des images en grands formats, quelques traits de la biologie et de l’éthologie de l’espèce sont abordés, ainsi que les défis essentiels liés à sa gestion cynégétique.

22 panneaux photos de hautes qualité et légendés de 60X80 cm pour en savoir plus sur le « Sus Scrofa » !

Info : Pierre Strijckmans GSM 0478/484132 E-mail : info@solon.be www.solon.be 80

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