Arabic dialectology

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jérôme lentin

(intradialectale) dont on aurait pu méconnaître l’existence. À cet égard, les problèmes dans une même ville ne sont pas qualitativement différents de ceux auxquels doit faire face l’intercompréhension interdialectale. Un coup d’œil aux variantes lexicales traitées par Cadora 1979 montre vite qu’on retrouve un certain nombre de celles qui ont été signalées ici. – Les différentes formes ne sont presque jamais attribuables à tel ou tel groupe de locuteurs, car leurs conditionnements sont complexes, mais on note des tendances de groupes à employer plutôt telle forme (avec éventuellement un conditionnement syntaxique). Emprunts, recouvrements se font à partir de distributions anciennes, sans doute plus nettes, des diverses formes. – Sont conservées à Damas des formes plus anciennes que d’autres, en particulier dans la vieille ville (elles sont assez souvent mieux conservées par les Chrétiens, cf. par ex. 9 ʾawlāni) ; il arrive qu’elles soient adoptées hors des limites des groupes qui les ont conservées, et qu’elles soient ainsi pour ainsi dire ‘réinjectées’—avec les modifications d’emploi que cela implique—délogeant éventuellement alors des formes pourtant plus récentes (cf. 37 māni, 21 honīk). – Ces phénomènes indiquent selon toute vraisemblance une évolution de la situation sociale à Damas, caractérisée par une intensification et une ampleur sans précédent des brassages (certes anciens) qui déterminent plus de contacts, d’emprunts réciproques entre groupes sociaux. – Un des phénomènes les plus clairs est que les locuteurs chrétiens, en tant que tels, outre le fait qu’ils ont conservé plus que d’autres des traits anciens, partagent (et ont dû par le passé en partager davantage encore) un certain nombre de traits qui leur sont propres. La situation est certes, dans le détail, plus compliquée : un informateur chrétien du Mīdān, par exemple, a certains de ces traits mais pas tous ; et on observe, entre les locuteurs chrétiens des quartiers de Bāb Tūma et ceux du cœur de la vieille ville des différences, les seconds étant, dialectalement, plus ‘musulmans’. Ces différences doivent recouper d’ailleurs en partie des différences sociales entre deux groupes distincts, comme l’indiquent les jugements que l’on entend exprimer parfois par Grecs catholiques et Grecs orthodoxes. – Cela dit, il existe incontestablement des traits dialectaux ‘chrétiens’ : 2 faṣūlye etc., 3 bazella / bazālya, 5 farāše etc., 26 bǝrd’ān, 30 ta/ǝC1C2īC3, de même qu’une emphase apparemment plus forte (mis à part le cas particulier de nahr) que celle des musulmans.


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