Positionsdelapppsy

Page 1

Législation en matière de psychologie clinique de psychothérapie et de santé mentale

18 octobre 2013

POSITIONS DE l’APPPSY

Contexte Dans la situation présente, l’exercice de la psychothérapie et de la psychologie clinique ne pose aucun problème particulier. Il n’y a apparemment pas plus de charlatans en la matière que chez les médecins. Mais il est vrai que le public mérite une meilleure information et de meilleures garanties. Il est vrai aussi que la loi est en retard sur la réalité des pratiques. Néanmoins, les situations acquises sont tellement bien ancrées et l’exercice de la psychothérapie tellement fonctionnel (cadre officiel de psychologues dans les SSM, autonomie de fait des pratiques cliniques, etc.) qu’il est exclu – si l’on veut respecter les psychologues -­‐ de légiférer en deçà de leur statut actuel — lequel découle autant de leur spécificité que de la demande sociale.

L’entrée du psychologue clinicien dans l’Arrêté Royal 78 («Exercice des professions des soins de santé»), la protection du titre de psychothérapeute, ne peuvent se payer, autrement dit, d’une hiérarchisation médecin-­‐psychologue. De par leur formation, les psychologues cliniciens et les psychothérapeutes savent quand ils doivent renvoyer à un médecin ; ils le font régulièrement ; et en tout état de cause, dès le moindre doute, leur déontologie les y oblige. Le renvoi aux psychothérapeutes par les médecins est par contre beaucoup plus rare, bien qu’il soit établi, par exemple, que les antidépresseurs ne fonctionnent pas mieux que les placebos (sauf dans la dépression aigüe) et que les psychothérapies fonctionnent beaucoup mieux en la matière que les médicaments. Or, la dépression sera bientôt la seconde cause d’invalidité au monde (OMS).

En outre, en matière de psychothérapie, les psychologues sont beaucoup plus souvent les formateurs des médecins (psychiatres et généralistes) que l’inverse.

Enjeux

La législation future n’est donc concevable que dans le cadre d’un rapport d’égalité et de complémentarité entre psychothérapeutes et médecins, dans le cadre général de «l’exercice des professions des soins de santé». Confronté à ce qui excède sa compétence, le psychologue clinicien fera appel au psychothérapeute (évoluant, à un niveau spécialisé, dans le même paradigme que lui). Confronté à ce qui se trouve hors de son champ (la techno-­‐médecine des organes), le psychologue et le psychothérapeute renverront au médecin. De même, le médecin -­‐ sauf s’il est formé à la psychothérapie -­‐ renverra quand nécessaire au psychothérapeute. En tout état ce cause, le psychologue et le psychothérapeute exerceront leur profession de manière autonome.

Il est bon de rappeler que si les psychothérapies s’avèrent les meilleurs remèdes de la dépression et de l’anxiété (selon la littérature scientifique), le stress et la dépression apparaissent comme les principaux déclencheurs des maladies qui nous habitent virtuellement ou auxquelles nous sommes


exposés (le lien est établi, par exemple, entre deuil et dépression immunitaire, entre dépression et cancer, le cancer entraînant lui-­‐même des dépressions).

L’AR 78 organisant les professions concernées sous l’égide des «commissions médicales provinciales», l’entrée officielle des psychologues cliniciens au sein des professions des soins de santé (à ne pas confondre avec le seul univers des professions médicales et paramédicales) devrait entraîner – pour correspondre à la réalité – un changement d’appellation. Elles devront logiquement s’appeler : «commissions provinciales psycho-­‐médicales».

Remarques

• Il ne s’agit en rien ici de «revendications» des psychologues. Il s’agit de prendre acte de la réalité clinique et quotidienne d’un terrain que le législateur a choisi de renforcer en l’encadrant. Il ne peut pour ce faire le dénaturer, ni priver les psychologues de droits acquis depuis longtemps — quels que soient les archaïsmes corporatistes de certains médecins.

• De plus, l’AR 78 a jadis accueilli en son sein les dentistes. Bien que s’inscrivant dans le même paradigme techno-­‐médical des organes que les médecins, et effectuant -­‐ avec une formation moindre -­‐ des actes médicaux quelquefois dangereux, ils ne sont en rien subordonnés aux médecins. A fortiori, les psychologues cliniciens, qui évoluent dans un tout autre paradigme -­‐ excédant la compétence des médecins -­‐ ne doivent en rien leur être subordonnés. Comme les médecins, ils émettent leurs propres diagnostics – y compris ceux de leur non compétence en une situation donnée -­‐ et ils renvoient le cas échéant aux compétences de leurs collègues médecins. Dans la pratique quotidienne, la collaboration entre psychologue clinicien, psychothérapeute, médecin généraliste, psychiatre, travailleur social est constante — dans le respect du territoire de chacun.

• L’organisation d’un dossier médical centralisé et le choix d’un médecin de référence peuvent protéger efficacement les patients. S’ils le souhaitent, ils peuvent donc demander à leur psychologue clinicien l’envoi à un médecin de référence d’une part (très circonscrite) des données incluses dans leur dossier psychologique. Ceci constitue une possibilité offerte, et non une règle de base dont le patient pourrait refuser éventuellement l’application. En effet, l’intervention psychologique concerne l’intime – et assez souvent ce qui est vécu comme subjectivement honteux -­‐ beaucoup plus que ne le fait la consultation médicale. Il est essentiel pour nombre de patients que leur médecin de référence – précisément parce qu’il les connaît bien ! – n’ait pas accès à leurs données psychologiques. Cette possibilité pourrait même décourager chez certains toute velléité de consultation chez un psychologue. En outre, en tant que procédure normative et automatique (refus du patient excepté) cette pratique n’entrerait pas dans le cas de figure du secret professionnel partagé. En cette matière, la déontologie des psychologues est plus exigeante que celle des médecins.

Axe principal

La psychothérapie apparaît comme un métier à part entière, découlant d’un enseignement théorique approprié et d’une formation personnelle spécifique dans une filière choisie. L’enseignement approprié fait partie des études de psychologie et de psychiatrie. Il est donné à l’université ou dans les écoles supérieures.

Pluralité des chemins

Bien qu’il soit tentant de soutenir parfois une vision corporatiste, la réalité démontre qu’en matière d’aptitude à la psychothérapie les expériences de vie, les cheminements individuels, sont déterminants. S’ils ne sont pas suffisants, ils sont nécessaires. Eût-­‐elle trois doctorats, on se méfiera de la personne qui aurait choisi une formation de psychothérapeute sur seule base d’une étude de


marché. Néanmoins, l’aptitude, le «don», ne suffisent pas. Pour ceux qui viennent d’autres filières, le Roi (c’est à dire l’Exécutif, sur recommandations du Conseil Supérieur Fédéral de la Santé Mentale, chambre Psychothérapie) décidera des compléments d’enseignement nécessaires. Dans le cas des titulaires d’un baccalauréat en sciences de la santé (au sens large), le Roi pourrait décider d’un cursus standard. Dans celui des autres parcours, le Conseil de la Santé Mentale fera part de ses avis et de ses exigences selon les situations.

Dans tous les cas, les formations seront laissées aux associations (chacune dans sa spécialité) agréées par le Conseil de la Santé Mentale (via sa chambre Psychothérapie, elle-­‐même divisée en quatre sections, dont l’orientation psychanalytique).

Santé mentale, contraintes budgétaires et interdisciplinarité

Seconde cause d’invalidité annoncée, la dépression est corrélée en premier lieu dans nos pays avec la solitude, en second avec le chômage. La dépression grave mène souvent au suicide, et l’on observe de plus en plus de suicides sur le lieu du travail (Christophe Dejours). En outre, les enquêtes sociologiques établissent avec constance une corrélation entre le taux de consultations en psychiatrie et la pauvreté, surtout si celle-­‐ci va de pair avec une destruction du lien social. En même temps, l’exercice de la psychiatrie se voit contrarié par son formatage obligé selon le modèle dominant de la techno-­‐médecine des organes et de ses contraintes managériales. Il est hors de propos de dénigrer la techno-­‐médecine (elle l’avantage non négligeable de nous sauver quelquefois la vie) mais il importe qu’elle ne soit pas le seul paradigme en matière de santé.

Si la psychiatrie agit à l’interface du somatique et du psychique, la psychothérapie a son champ propre. Évoluant dans des registres hétérogènes et complémentaires à la médecine, elle ne peut nullement se réduire aux mêmes schémas de formation et d’évaluation. Par ailleurs, l’intervention psychothérapeutique en amont de nombre de maladies potentielles -­‐ au niveau de l’anxiété, du stress et de la dépression -­‐ constitue une des meilleures formes de prévention et donc d’allégement budgétaire. Il importe que cette réalité soit prise en compte dans l’organisation rationnelle des professions de la santé. Nous nous trouvons en effet devant un paradoxe : le coût des dépenses en santé mentale est à ce point minuscule relativement au budget total de la santé, qu’on aurait tendance à croire que la santé mentale est de piètre importance en matière de prévention globale. Or, c’est tout l’inverse. La prise en compte du lien entre santé du corps, santé mentale et santé sociale est essentielle. Si l’on veut alléger la pression budgétaire, il importe de tenir compte de la spécificité du volet santé mentale.

En réalité, l’exercice de la psychologie clinique – amplifié par la formation à la psychothérapie -­‐ n’introduit pas une profession spécialisée en plus dans l’AR 78. Il s’agit de la prise en compte, parmi les professions de la santé, d’un nouveau paradigme.

Celui-­‐ci implique la mise en œuvre d’une large interdisciplinarité. La création d’un Conseil Supérieur Fédéral de la Santé Mentale répond à cette nécessité. Organisant concrètement le champ de la psychologie clinique, de l’orthopédagogie et de la psychothérapie, balisant enseignement et formation, il ferait dialoguer en son sein psychologues cliniciens, orthopédagogues, psychothérapeutes et psychiatres, mais aussi médecins généralistes, infirmiers psychiatriques, éducateurs, travailleurs sociaux, voire fonctionnaires de police. Reflétant ainsi au plus près la réalité du terrain, il serait l’interlocuteur nécessaire et privilégié des pouvoirs publics.

FÉDÉRATION NATIONALE DES PSYCHOLOGUES PRATICIENS D’ORIENTATION PSYCHANALYTIQUE DE BELGIQUE APPPsy, membre de l’Union des Classes Moyennes (UCM) et de l’Union des Professions Libérales et Intellectuelles de Belgique (Unplib)

http//www.apppsy.be contact@apppsy.be


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.