Raymond Drouhard de la MARE, le poète aux multiples facettes

Page 1

Raymond DROUHARD de la MARE

Le poète aux multiples facettes

Raconté par ses neveux

les Trois de Vignolles

Mai 2009


Sommaire

En guise d’introduction…. Raymond Drouhard de la Mare raconté par ses neveux

5

Marco raconte…

6

Jacky raconte...

11

Francis raconte...

15

Raymond Drouhard de la Mare : un florilège de poèmes

21

A la recherche du temps perdu...

23

Scènes de vie

47

Libertinage

63

Scènes de voyages

69

Histoires et louanges de ma campagne

83

Odes et ballades pour ma famille

97

Conclusion

113


En guise d’introduction...

Texte lu à l’occasion de la Communion de Laurent et de Denis en juin 1994


Raymond Drouhard de la Mare racontĂŠ par ses neveux


Marco raconte... Tonton Raymond L’oncle Raymond est né dans les parfums de la terre, Un pur fruit d’automne, entre moissons et vendanges, Un vrai paysan dans la lignée de père et mère, Partagé entre pressoir, semailles, étable et grange. Sur les bancs de la communal’, le savoir il apprend, Des quatre saisons, il en découvre les caprices, Et si le langage des oiseaux, très vit’ il comprend, Du raisin, de la vache et du blé, il est complice.

Quand vient l’heur’ fatidique de servir mère Patrie, Raymond est beau dans son uniforme militaire, Fier de ses galons gagnés tout là-bas en Tunisie, Il est brillant soldat et promis à belle carrière.

6

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Mais la ferme familiale n’attend que son retour, Des bras jeunes et créateurs sont les bienvenus, Raymond reviendra paysan et pour toujours, La campagne est belle et la vie continue.

Cette vie où la nature dicte ses devoirs : Epouser femme, assurer descendance, Labourer, semer, récolter du matin au soir, Aux vaches, veaux, cochons, donner pitance. Et les années passèrent au gré des saisons, L’oncle Raymond n’échappa pas au poids des ans, La besogne évolua au gré des mutations, Tonton vigneron s’effaça tout doucement. Aujourd’hui papi paysan médite, Il repasse le film de son existence, Un âge où les années coulent trop vite, Arrêter l’horloge du temps devient urgent. Dans le petit village qu’il n’a jamais fui, L’oncle Raymond goûte ses quatre-vingt printemps, Et dans les rues désertes de La Tâcherie, Son âme poète compose sur l’antan. Des vers plein de nostalgie et de mémoire, Des quatrains faits de vie, d’amour et de passion, Une vie de bonté qui sent bon le terroir, Tout simplement, celle de tonton Raymond. Marco raconte

7


Souvenirs, Je me souviens de ces années soixante, j’étais alors un enfant, quand j’allais durant quelques jours chez grand-père et grand-mère, à la campagne, dans le petit village de « La Tâcherie ». A l’évocation de ce nom, les souvenirs se bousculent dans ma tête, tellement ce furent des instants privilégiés dans mon existence. Aujourd’hui, je suis un quinquagénaire grisonnant et rien que de me remettre en mémoire ces moments de vacances enfantines, je redeviens alors ce petit garçon qui parcourait les près et les vignes et qui a grandi au rythme des saisons, s’« identifiant » à la vache ruminant dans l’étable, au canard nageant dans la mare, au bonhomme de neige planté dans la cour de la ferme, à l’hirondelle gobant les mouches, à la nature qui s’éveille, à l’hiver qui engourdi, à grand-père pêchant l’anguille ou chassant le faisan, à grand-mère trayant les vaches ou essuyant la vaisselle. De tendres souvenirs qui ont bercé mon enfance, forgé mon âme et que je me plais aujourd’hui à raconter. La Tâcherie, un village plein de vie à une époque où la terre rémunérait ses bienfaiteurs qui l’adoraient, la toilettait pour qu’elle soit belle, bonne et que naissent dans ses entrailles les meilleurs légumes et les plus beaux fruits et que vendanges et moissons nourrissent le paysan et sa progéniture. Terre bénite, maudite dès fois quand elle décidait de contrarier son protecteur. Bienfaiteur, protecteur. Des mots que je trace en pensant à cet homme qui les incarne tant. Je veux parler de Tonton Raymond, cet enfant né dans les parfums fumants des sillons, ce terrien dont le cœur et l’âme sont issus des profondeurs de cette terre qu’il chérit sans mesure, sa confidente, sa complice, sa raison d’être. Tonton Raymond, la terre et la vie, trois mots qui ne font qu’un. Tonton Raymond, ce poète à la plume paysanne, ce conteur d’histoires d’antan, ce témoin d’un temps révolu où les saisons dictaient leurs lois, sans contrepartie, ce repère que l’on voudrait à tout jamais garder, ce sang qui coulent dans nos veines, ce bienfaiteur et ce protecteur dont la générosité, la bonté et l’amour n’ont jamais fait défaut.

8

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Tonton Raymond que les vicissitudes de l’existence ont façonné, sans toutefois altérer cette affection et cet amour qu’il a toujours manifestés à ses trois neveux, prolongement viscéral empreint d’une connotation paternelle quand il s’est agi d’aider la famille plongée dans le malheur. Tonton Raymond, l’apprivoiseur de pies et le berceur de poules, Tonton Raymond, le malicieux et le besogneux, Tonton Raymond, l’artiste poète qui compose dans les vignes, Tonton Raymond, l’acteur qui se produit tous les jours dans le grand théâtre de la nature, Tonton Raymond, le conducteur privilégié du tracteur D 22.

Raymond, quand nous étions petits, tu nous captivais par tes histoires, pas de fées mais bien de chez nous, par tes trucs inépuisables, par ton sens de l’observation de la nature, tu nous faisais rêver car tu incarnais à nos yeux, la modernité, l’évasion, la tolérance : par exemple, voulions-nous conduire ton tracteur, faire les yeux doux à une fille...et tu étais toujours heureux de nous l’offrir pour le tracteur et de nous le suggérer pour la fille et s’il le fallait d’être notre complice par rapport à nos parents...

Marco raconte

9


C’est vrai, quand je pense à ces années où j’étais enfant, des séquences me reviennent en mémoire. Même si elles sont un peu floues, sans doute à cause du temps qui s’est écoulé et qui m’a fait adolescent, adulte et aujourd’hui me conduit au seuil du troisième âge, elles sont des plus fortes !! N’empêche qu’il demeure en moi ces images que je viens d’évoquer et surtout ces tendres et doux souvenirs d’une période où j’étais certes insouciant, mais que j’ai quand même gravés dans ma mémoire. C’est pour moi un bonheur extrême que de pouvoir repasser quelques-uns de ces clichés et de te dédier, Tonton Raymond, ces modestes lignes tracées tout spécialement pour toi à l’occasion de tes quatre-vingts printemps. Quelques mots, quelques lignes dans les profondeurs de mon cœur… De tout petits riens… mais de vrais bonheurs qui ont fait mes racines et auréolé ma tendre enfance.

10

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Jacky raconte... Un premier souvenir m’emmène dans ce chai où il y avait le cuvier.

C’est là que se déversait le jus du raisin qui venait d’être vendangé et qui donnera, après une longue alchimie, ce vin si attendu. Même une fois vidé de son contenu parti un jour, sans que je le sache, je ne sais où, pour aller donner cette eau de vie, ce cognac,…..cette « part des anges » qui noircit tant les murs et les toits de cette Charente de mon enfance… Même une fois vidé de son contenu, disais-je, il continue à y régner une odeur qui m’emplit encore aujourd’hui les narines simplement et seulement en y pensant, une odeur de raisin, une odeur de vin, une odeur d’eau de vie, une odeur de cognac, toutes mêlées, avec quelque part des anges pour veiller à bien la préserver. En bas du cuvier, il y avait deux épaisses petites portes métalliques qui permettaient d’avoir un accès à l’intérieur, mais elles étaient la plupart du temps fermées, gardiennes du temple des maîtres alchimistes de l’intérieur et pour moi tout n’était que mystère. Quelle ne fut pas ma joie et mon émerveillement, un jour que je pénétrais seul dans le chai où régnait toujours une douce pénombre, de voir que les portes étaient ouvertes. De ces portes sortait une clameur, un écho, un bruit résonnant. Seraient-ce les maîtres alchimistes dansant sur une musique jouée par les anges du vin? Je m’approchais à pas feutrés pour ne pas perturber ces maîtres de lieux qui auraient pu prendre ombrage de ma présence et m’imposer je ne sais quelle punition ou sévices. Et puis il y avait cette crainte, et non des moindres, de voir grand-père arriver, lui qui rodait si souvent par ici pour aller dans la cuisine en passant par le chai et la souillarde. Il n’aurait pas compris que j’ose m’aventurer en ce lieu interdit aux enfants, tout comme grand–mère qui me racontait des histoires de grosse-vieille pour que je n’ose pas me pencher au-dessus de la margelle du puits à Vignolles. Jacky raconte

11


Timidement, la peur au ventre, je m’armais de courage pour mettre la tête dans cette ouverture et pouvoir découvrir ce qu’il pouvait bien y avoir dans cet intérieur si sombre. Au fur et à mesure que j’avançais, il y avait cette odeur de plus en plus forte de vin, d’eau de vie et de cognac mêlés, qui finalement me rassurait. « Qué tou qu’ti fais là mon drôle ? ». Qui me parlait ainsi avec une voix si connue mais tellement amplifiée, comme faisant écho à elle-même ? Juste le temps d’avancer la tête, et je découvris mon tonton Raymond avec un grand sourire et un balai à la main. « Que fais-tu tonton ? » … et maintenant c’est ma voix fluette qui résonnait comme venant d’outre-tombe. « Eh bin mon drôle, j’nettoiye le cuvier » Tous les alchimistes avaient disparu et les anges envolés et ma peur en même temps….et combien de fois ensuite j’ai passé ma tête dans ces petites portes ouvertes en bas du cuvier pour faire résonner ma voix, grâce à mon oncle Raymond, sans plus avoir peur de grand-père et des grosses vieilles de grand-mère.

12

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Un deuxième souvenir m’emmène aux « Bardounes », lieu mythique à la lisière d’une forêt qui pour moi était immense et si mystérieuse avec ses fougères géantes dans lesquelles il fallait souvent se frayer un passage avec au bras un panier bien rempli de cèpes, et cette eau de la rosée matinale qui collait aux jambes entre le bas de la « culotte courte » et le haut des chaussettes déjà bien mouillées. Et là, au milieu de ses vignes, dans la froideur automnale ou hivernale j’ai du mal à bien retrouver la date exacte, baignées par le silence de cette nature encore si peu chahutée, il y a un homme courbé sur les ceps tous dépouillés de leur verte parure estivale, encore ornés de ci, de là de quelques restes de feuilles brulées par le gel…..cet homme, c’est mon oncle Raymond, qui comme le soliste d’un concerto, fait clic-clac avec son sécateur en écho à la symphonie silencieuse qui l’entoure. Je n’ose pas le perturber en plein concert. Mais nous voici à la fin du premier…ou du énième mouvement. Alors il lève la tête et me fait un grand sourire témoignant de la joie qu’il a de me voir venir lui rendre visite et me lance : «Ah mon n’veu, que j’suis content que tu viennes me voir ! » J’oubliai l’air froid qui me fouettait le visage…quelques corbeaux croassaient dans les chaumes voisins, on entendait parfois au loin le bruit d’une rare voiture passant sur la route du « Breuil aux Moines », ….. j’éprouvais un tel plaisir à partager avec lui ces quelques moments de proximité avec une nature encore si généreuse.

Jacky raconte

13


Troisième souvenir, c’est à « La Croix de la Barrique » je crois, à moins que ce ne soit aux « Chaumes à Midi ».

A l’autre bout de la vigne en contre-bas de la route de Mons qui a tant vu passer d’écoliers à pied aller à l’école, de bigotes aller à la messe , de familles aller fleurir les tombes, et d’habitants de la Tacherie faire leur dernier voyage, il y a un homme sur un tracteur. Il ne m’a pas encore vu. C’est une de ces chaudes journées d’été où l’air immobile semble crépiter sous l’ardeur des rayons du soleil. On entend chanter les grillons auprès de leur trou je me revois les en faire sortir à l’aide d’une tige d’herbe, quels gentils insectes ! ainsi que vibrer les ailes des sautereaux et sauterelles. Il revient accompagné du vrombissement de son tracteur, très affairé et concentré sur la tâche qu’il est entrain d’exécuter pour que ces « foutues » vignes arrivent à produire « comme il faut » Il se rapproche, tout bronzé sous son « gilet de peau », comme s’il avait fait toute une saison de surf à Saint-Tropez. Oui, c’est bien lui, c’est tonton Raymond. Il me voit, esquisse un large sourire, stoppe la machine, éteint le moteur et descend du tracteur pour m’exprimer toute sa joie de me voir et me dire : « Comme olé pas tous les jours que tu viens me voir mon n’veu, j’ vais débaucher et on va à la maison » Je me sentais à la fois coupable de l’avoir interrompu dans son travail mais en même temps si ravi de lui donner un prétexte pour aller se rafraîchir un peu.

14

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Francis raconte... Je me lance dans un exercice de critique littéraire un peu osé pour le profane que je suis, mais qu’importe le risque quand le cœur vous motive et quand l’auteur étudié n’est autre que son oncle, car il s’agit bien ici de mon ressenti sur ton oeuvre poétique et épistolaire dont tu nous gratifies depuis plus de 30 ans. Tu vas trouver que je suis bien présomptueux de parler d’oeuvre littéraire pour désigner un ensemble de feuilles dont les plus anciennes ont dû commencer à jaunir et d’apparence dispersée, même si chacune est une petite oeuvre en soi ! Ta modestie me répondra aussi qu’écrire des poèmes, même aux formes multiples, que faire un récit de ses vacances, même en vers, qu’écrire, déclamer voire chanter des rondeaux tout guillerets, c’est d’abord aspirer aux joies simples et les faire partager ; en fait, on est artiste inconsciemment comme M. Jourdain faisait de la prose… sans le savoir ! Ton inclination intellectuelle ira même jusqu’à me dire que nourrie par le talent, cette activité permet de donner du sens à ce qui ne saurait en avoir sans cela, mais de là à parler d’une œuvre et, de plus, prétendre en faire une analyse littéraire… Et pourtant, si je devais caractériser le tout (tes écrits) en quelques mots, j‘écrirais : technique, variété, cohérence et sens. Pour illustrer cela, en forçant peut-être un peu mon imagination je l’avoue, je dirai que tes écrits participent à la fois de Marcel Proust, de Mme de Sévigné, de Evariste Poitevin (Qui c’est ? Toi, tu le sais sans doute !) ; ils participent du poète de terroir, du poète tout simplement. Pourquoi Marcel Proust ? En lisant ton poème « Ils étaient cinq sages en pieds d’pot » et faisant référence à bien d’autres poèmes, comment ne pas ressentir que, comme Proust, tu es «A la Recherche du temps perdu». Un nommé Ramon Fernandez a écrit une très belle préface d’un roman de Proust de laquelle j’extrais ce passage qui campe bien l’artiste, et dussé-je faire un grand écart, ma perception de l’artiste que tu es m’autorise à te l’attribuer aussi : «Un souvenir ? Et une révélation merveilleuse le remplit de joie et d’espoir. Un phénomène de mémoire lui rend les sensations de sa vie passée, et ces sensations, qui, lorsqu’il les éprouvait, le laissaient indifférent, sous la forme de souvenirs fugitifs, lui donnent une impression d’extase presque mystique. Proust retrouve dans la contemplation esthétique tout ce Francis raconte

15


qu’il a perdu dans la vie, et que le soin de fixer dans une oeuvre durable ces instants merveilleux lui paraît digne d’occuper toute une existence. Faire oeuvre d’artiste, c’est pour lui le seul moyen de faire son salut. Le temps perdu n’est pas vraiment perdu puisque de son cours se détachent ces instants miraculeux qui permettent à l’artiste de le retrouver». Pourquoi Mme de Sévigné ? Baptisée l’épistolière, son oeuvre littéraire repose sur environ 3000 lettres dont elle ne s’est jamais doutée de son vivant qu’elles la hisseraient au sommet de la littérature française ! Elle y relate notamment ses séjours et voyages dans le Sud de la France où elle capte sur le vif, le climat, la faune, la flore, les rochers, les gens, les châteaux, et écrit tout cela dans ses lettres. Une prouesse et une audace à l’époque de Louis XIV, pour ne pas dire une innovation ! Je ne veux point te comparer à Mme de Sévigné, ne serait-ce que parce que dans ses lettres elle parle beaucoup d’elle alors que toi tu parles peu à la première personne, et quelle en a écrites bien plus que toi! Autre différence, elle a écrit très peu de poèmes et rarement une prose versifiée. Cependant, je ne puis m‘empêcher de faire plusieurs rapprochements que j’illustre par ces quelques lignes écrites sur Mme de Sévigné et tirées de la littérature, et que ton biographe pourrait écrire sur toi un jour : - rapprochement sur l’art de trouver l’expression juste, la formule percutante, avec « un tour de phrase et un ton » qui peuvent revêtir diverses formes selon le but recherché, comme par exemple faire durer le discours et à tenir le lecteur en haleine jusqu’à la dernière ligne dans ton Plaidoyer pour l’ACCM qui s’apparente dans la forme au célèbre texte de notre Marquise : « Le Mariage de Lauzun » ; - rapprochement sur le ton. Comme chez Mme de Sévigné, ton expression écrite est empreinte de légèreté (mais qui n’est qu’apparente), de liberté du propos souvent empreint d’un libertinage tout en finesse, de désinvolture et d’humour. Quand Mme de Sévigné dit d’elle-même : « Je suis tellement libertine quand j’écris, que le premier tour que je prends règne tout du long de ma lettre », je crois qu’on peut le dire de toi ; - rapprochement sur le discours « juxtaposant maximes, articles, discours, narrations plaisantes ou tragiques, toutes les

16

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


variations d’un écrit au charme de la parole vivante, foisonnant à l’image de la vie, tantôt chronique d’un temps, tantôt et surtout chronique d’une âme en mouvement à travers la durée ». Un bémol cependant, car « la chronique d’une âme » est assez discrète chez toi ; en revanche, tu excelles surtout dans les reportages, de plus chez toi versifiés, reportages qui sont autant de chroniques d’un temps, comme par exemple tes beaux récits Excursion aux lacs italiens et Voyage au Maroc. Pourtant, tous ces types d’expression ne doivent point tromper car « cette littérature, plus subtile, plus insidieuse que toute autre, cache l’art sous le masque de la nature » ; Voici quelques extraits de lettres que tu nous as adressées, et qui valent le détour ! « Claudette s’est fait enlever un sein. Notre lapine a huit petits lapins. On croit que Filouze notre chienne est pleine. Le vin titre onze degrés en moyenne » « Dans la petite rue où Gervier s’est noyé dans un puits, un nommé Perthuis s’est foutu un coup de fusil dans le ventre parce que sa femme lui avait fermé la porte au nez » « A côté de moi on change la tapisserie de ma chambre abîmée par des ébats charnels…» « Vers Noël, il était 4h30 du matin, je venais avec ma lampe électrique contrôler la chaudière. J’étais vers la barrière quand les gendarmes sont passés : - Qui êtes-vous ? Que faites-vous ? - Pardon Messieurs ! Je suis chez moi et nous distillons... Et ils se sont excusés. Chacun son métier » Ou encore cette réponse à Claude qui t’avait envoyé ses vœux sous la forme d’une recette de bonne année : « La mienne, ma recette, serait : Un verre de champagne, Une bonne cuillérée de Cognac, Une pincée de Gingembre. La vôtre est vertueuse, chaste, Et émane des profondeurs de nos cloîtres… Francis raconte

17


Et tu ajoutais en commentaire : Mais ce sont ces mots simples que mes principes philosophiques apprécient même si le zeste d’humour que j’ajoute est souvent un peu osé » Plus loin, tu écris : « Quand j’ai répondu aux vœux de Coco, Jospin venait de dire que la Droite était contre l’abolition de l’esclavage ! Coco qui était à la Caserne Schoelcher, a dû réagir ! ». « Nous avons acheté les bâtiments en face. Chez Renard sont délogés, mais n’empêche qu’un renard à deux pattes ( ?) m’a bouffé 4 poros et 10 poulets ». Ou encore ce récit d’une consultation médicale de la tante Fernande : La tante « Fumier de lapin » est en observation à l’hôpital. Mais elle n’a pas à se tracasser, aux dernières nouvelles, elle n’a rien. Voici son récit de la consultation : « Mon bon M. des jholis endrets à regarder ! Hum ! olé tout melé, tout ridé. Et thiette position ! » Ma tante avait les mains au niveau des pieds, et le docteur lui inspectait l’anus. « Poussez, poussez, disait le docteur ! » Et la tante lui lâcha deux ronflées au nez ! « Je ne vous avais pas demandé ça » dit le docteur ! Ah ! J’oubliais un dernier rapprochement : comme toi (mais 404 ans plus tôt), elle n’a pas aimé ces rochers « qui s’écorchent en dentelles », « ces rochers affreux » et cette végétation d’arbres persistants qui lui paraît fastidieuse, dont elle dit ceci, en comparaison des arbres de chez nous : « la persévérance de ceux de Provence est triste et ennuyeuse ; il vaut mieux reverdir que d’être toujours vert ». Quelle heureuse trouvaille cette expression « il vaut mieux reverdir que d’être toujours vert », dans sa simplicité superbement suggestive et évocatrice ! Tu comprends pourquoi je dis qu’à certains égards, tu es un disciple de la Marquise de Sévigné1 car toi aussi tu n’aimes pas ces rochers et préfères les châteaux, et tu as l’art de ces expressions bien enlevées ! Pourquoi Evariste Poitevin ? Ce barde2 charentais dit Goulebenéze est né à Burie en 1877 et mort à Saintes en 1952. Sur lui, j’ai trouvé cet éloge : « Transcendant par la profondeur et l’acuité de l’observation,

18

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Ton aversion pour ces « ces rochers affreux » et cette végétation d’arbres persistants qui te paraît fastidieuse en comparaison des arbres de chez nous, que tu nous as manifestée ostensiblement au Chaos de Montpellier-le-Vieux, ne viendrait-elle pas de ce jour où nous nous perdîmes en grimpant au Pic St Loup...

par la subtilité des nuances, par le lyrisme, même, ce lyrisme à la fois lumineux et guilleret tel le philtre que Goulebenéze puisa aux «fins bois» du sol natal » . Quand je lis son poème Saintonge et que je lis le tien Mons en Saintonge, je me dis que tu es le digne héritier de ce grand poète de terroir. Tu es un barde aussi quand tu écris « Nos bœufs », « L’arrivée des Arabes chez nous au Moyen Age », « Charlemagne à Bresdon », « La légendes des fontaines de Charlemagne » et bien d’autres récits, qui participent tantôt du témoignage vécu, tantôt du conte, tantôt de l’épopée. Enfin, tu es aussi et surtout le poète dans toute sa plénitude qui touche le cœur. Un vécu personnel ? Et, grâce à la poésie, tu sublimes ce vécu en une œuvre d’artiste achevée, universelle, pour 1. Pour une fois dans ta vie, au moins dans mon imagination, on pourra dire qu’il y a un rapport entre toi et une marquise ! Au-delà du rapport littéraire (quel esprit libertin a pensé à autre chose ?), elle fût ta contemporaine, tu aurais sans doute aimé cette châtelaine au cœur agreste qui t’aurait entraîné vers son château plutôt que dans un site ruiniforme de pierres « écorchées en dentelles », et quant à choisir de la dentelle…En revanche, en ce qui concerne Marcel Proust, eu égard à sa nature invertie, je ne puis t’imaginer émoustillé en sa compagnie (il me semble que je te vois : « Beurnoncio ! » viens-tu de dire en faisant mine de cracher par terre !). Trêve de plaisanteries ! C’est à Marcel Proust, parait-il, que nous devons la vraie découverte de Mme de Sévigné. 2. Désigné comme tel par un de ses biographes pour avoir chanté les louanges de la Saintonge. Le barde est un poète celte, épique et lyrique.

Francis raconte

19


toucher d’autres cœurs et pour toujours. « La perte d’un ami » fait partie de ces petits chez d’œuvre. Ce qui nous apparaît terne, sans relief et sans lendemain, abandonné, gris et froid, sous ta plume peut être transcendé, acquérir une âme et faire naître une aspiration divine. Depuis que j’ai lu ton poème Mons en Saintonge, ce lieu éveille en moi une résonance nouvelle3. Un évènement familial ? Et ta plume nous gratifies d’une ode, d’une ballade ou d’une fable, qui sont autant de petits tableaux de famille à une époque donnée, ou nos êtres chers se meuvent et nous émeuvent : ces poèmes sont comme des lampes qui s’allument sur une tranche de notre vie quand on les lit ; on les garde précieusement : « Il est sur la terre africaine… », « Les trois de Vignolles », « Les Trois Ganry », « Allons ma p’tite frangine… ».

...où nous nous perdîmes en grimpant au Pic St Loup mais où tu as apprécié la victoire au sommet, comme en témoigne cette photo !

3. Mais rien ne vaut de s’y marier et d’y épouser une princesse, que dis-je, une reine, ce qui me fait dire, que devenu lieu de pèlerinage où Dieu m’a uni à ma reine, Claude, je ne m’y rends plus pour des prunes !

20

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Raymond Drouhard de la Mare Un florilège de poèmes


A la recherche du temps perdu


A la recherche du temps perdu

Raymond Drouhard de la Mare Tant de souvenirs de la mare me bercent encore Que je suis heureux d’en être la douce métaphore A vingt ans une carte de visite avec particule Aurait sûrement fait tomber la fille d’un Consul - On y faisait boire le vaches (pas en été ou alors, s’il pleuvait). - Monté sur Bouquet (le bœuf) j’allais le faire boire (je me prenais pour Hannibal sur son éléphant !). - C’était la joie des canards et des oies : avec un arc j’ai piqué une baleine de parapluie dans un canard qui s’est sauvé avec et il était au voisin ! (ni vu ni connu). - J’y ai vogué monté dans un « baille » (hélas ! pas longtemps...). - Brune (la vache) a failli s’y noyer. - Quand elle était gelée, on glissait. On avait fait un traîneau avec René Suire, Jacques Bernier. On cachait des cigarettes dans des souches et on fumait en cachette, le dimanche (mais quand la glace a dégelé, l’eau est rentrée dans les souches !...) - Au printemps, c’était un concert de grenouilles, jusqu’à l’apparition des détergents. - Marcel Surbier, malade, y avait basculé en vélo (heureusement pour lui il y avait un témoin qui le secoura). - Quand l’oncle Robert s’est marié avec Denise (il avait 27 ans de plus qu’elle !) une partie du village a « corné » dans la mare qui était à sec (les temps ont changé !). Difficile de trouver une photo de cette mare aujourd’hui remblayée, hormis celle-ci où elle apparait un peu. Enfants, nous trouvions que c’était une «richesse» d’avoir une mare ou un étang dans son domaine, et étions fiers de nous faire photographier devant, comme l’un d’entre nous sur cette photo ! Mais les temps changèrent et, progrès oblige, l’homme pensa qu’il fallait combler tous ces lieux humides ; heureusement, les temps changèrent encore, et l’écologie lui donna tort.

24

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Souvenirs...souvenirs1 (un rare texte en prose) Je me souviens, c’était durant l’hiver 1940, qui fut très froid, M. Jeanjean trottinait en tenant l’oreille du jeune Papillard de St Hérie en vociférant «tu vas voir», quand ses sabots glissèrent sur le sol de la cour verglacé et M. Jeanjean tomba sur le derrière, mais, même dans cette position, «il n’avait pas lâché l’oreille de Papillard. Le même hiver, je me souviens qu’entre Thors et Matha à la descente de La Barde qui était verglacée, j’ai dérapé et nous avons glissé (moi et la bicyclette) pendant 50 mètres. Ma bouteille de vin rouge fut cassée et mon pain était devenu du «mijho». Je me souviens que mon camarade André Texier, qui a fait une belle carrière dans l’enseignement, même qu’il est en retraite l’an prochain, portait une ou deux bottes d’asperges au magasin de primeurs Rullier à Matha et redonnait l’argent à ses parents. Souvent entre Thors et Matha, l’armée allemande faisait la petite guerre et nous passions entre ces soldats qui rampaient le casque couvert de feuilles. Parfois un officier nous arrêtait, quand ils tiraient. Je me souviens aussi que l’heure de notre sortie correspond à la relève du poste de garde qui se situait devant la maison actuelle des vétérinaires de Matha où se trouvait la «Kommandantur». Les maniements d’arme étaient si martiaux et saccadés, les harnachements des soldats brillaient tant au soleil, que nous nous arrêtions pour contempler le spectacle. Lointaine époque où la Place Sanson avait encore ses marches, mais dont l’image devient floue au fil des années et dont pourtant je garde un tendre souvenir. Même avec la guerre nos mamans faisaient l’impossible pour nous habiller décemment en troquant quelques morceaux de beurre. La puissante stature de M. Jeanjean toujours rouge de figure que je n’ai jamais vu rire, 1. Extrait de Collège de Matha. Spécial cinquantenaire 1932-1982/1933-1953

Un florilège de poèmes

25


A la recherche du temps perdu

nous forçait au respect. L’hiver, la fumée des poêles à charbon nous prenait à la gorge. Souvent les allées et venues des chars d’assaut allemands étaient assourdissantes. Les vitres des fenêtres étaient peintes en bleu ainsi que nos phares de bicyclette et la feldgendarmerie impressionnante dans son uniforme était très stricte à ce sujet. Lorsqu’on jouait au ballon, dans la cour et qu’il allait tomber dans le camp (où est le collège actuel) les soldats allemands s’empressaient de nous le rendre. M. Fontenaud, révoqué, dessinait des cartes de géographie. C’était, déjà, l’éveil des sensibilités et la svelte silhouette de Mlle Fontenaud me laissait parfois rêveur. Avec Richardeau d’Aumagne, nous dévorions les livres de Jack London et nous avions fait le projet d’aller nous aussi «trapper» dans le Grand Nord. Même la France battue, nous aimions apprendre ses colonies parce que, là-bas, ils étaient libres. De l’école à Charmille Parc, nous marchions en chantant «Maréchal nous voilà» à plein poumon. En ce temps là, quelques bergères faisaient paître leurs vaches sur la berne des routes, car à part les Allemands, il n’y avait pas de voitures françaises le gazogène n’étant pas encore en fonction, et tous les jours, c’étaient les mêmes visages. Pieux souvenirs que j’évoque Témoins d’une certaine époque Soyez entendus par vos enfants Pour qu’ils survivent dans les ans. Raymond Drouhard

26

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Ils étaient cinq sages5 en pieds d’pot La Tâcherie-nord dans un passé récent Fut animée par cinq bonnes familles Les hommes étaient nés vers mil neuf cent Deux Fernand, André, Georges et Camille. Ils n’avaient pas tous les mêmes passions Mais ils cultivaient les mêmes vertus Tous ont vécu de dures conditions Mais sans jamais se dire je suis foutu. Son nom, chez Hennessy, en or au tableau André était la force du village Et le petit alambic à Javelaud Le propulsa sur un petit nuage. Charrettes de foin «queue d’hirondelle6» Georges en faisait aussi le dimanche Papillon, Marquis , étaient ses fidèles Et n’hésitait pas à retrousser ses manches. Télégraphiste-morse au front Le Fernand qui épousa Valentine, Pour sa chère terre, refusa l’affront Qui le faisait radio dans la marine. L’autre Fernand uni à Lucienne Récoltait toujours le plus beau des blés Les plus belles vignes étaient les siennes Et tenait jeu de boules pour rassembler. Entrepreneur et d’une santé de fer Camille dirigeait trois maisons Il vendait aussi pas mal d’affaires Et faisait danser à suer la raison.

Valentine, notre grand-mère, ici avec Brigitte sa petite-fille, notre cousine. Enfants, à Vignolles, nous l’attendions chaque dimanche et guettions les premiers sons de sa sonnette qui tintinnabulait depuis le virage jusqu’à chez nous, et elle nous apportait son lot d’amour et surtout des « pastilles » succulentes.

5. André Veillon, Georges Texier, Fernand Drouhard, Fernand Granier et Camille Bernier 6. Vu de derrière, le renflement des charrettes de foin finissait en queue fourchue

Un florilège de poèmes

27


A la recherche du temps perdu

« Coubiage », chasse, veillées d’ paysan Les faisaient rencontrer après l’ouvrage Et même leurs chevaux en se croisant S’arrêtaient sûrs d’un bavardage. En ce temps-là les champs avaient une âme Où nos attelages tournaient volontiers Mais plus aucune voix hélas n’y clame Et ce grand silence fait prendre pitié. Parler de Marthe l’occasion est là Femme dévouée dans les urgences Remettant en vie ceux qui en étaient las, Sa présence calmait dans la souffrance. Raymond Drouhard

Fernand notre grand père (à gauche) et Fernand notre oncle (à droite). Comment ne pas être ému par leur jovialité et leur ressemblance !

28

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Etre laitier, naguère Le ramassage du lait, avant le chambardement, Etait un moment joyeux dans tous les villages Et bien plus encore le jour du paiement Un jour attendu pour régler les arrérages. De grands bidons dans un char bâché sentant fort Tiré par un cheval s’arrêtant où il fallait Notre laitier dynamique avec maints efforts Jouait de la trompette pour qu’on prépare le lait. Toujours jovial et aimant les calembours, A l’époque où le téléphone était à ses débuts, Il transmettait les « o s’ dit » de bourg en bourg Mais éviter de faire des mécontents était son but. Le crayon toujours coincé sous la casquette Il mesurait avec son décalitre tous les seaux de lait Préférant boire la niaule que la piquette Mais son bon vieux cheval savait où il allait... A Mons, il avait monté le théâtre l’Aiglon Le jouant brillamment avec des acteurs réputés. Il se plaignait de n’avoir jamais eu le bras long Pourtant Joël savait parler comme un député. II nous aida aussi dans un grand théâtre, naguère, Car au contact de M. Peyrègne il l’avait appris, Pour fêter le retour de nos Prisonniers de guerre

Un florilège de poèmes

29


A la recherche du temps perdu

Dans un grand chai alors à Mme Gaborit. Si ton lait vers le caillé semblait être parti Il fermait les yeux si ce n’était pas grave... Pourtant nos mamans passaient les seaux aux orties Et lui faisaient confiance tant il était brave. Le bruit des anses tombant sur les «jalons» vides, Les chiens pour les lécher qui se montraient les dents, Ces dames de fraîches nouvelles toujours avides, Etaient un moment riche dans nos matinées d’antan. Mais la chose la plus folklorique de l’oeuvre C’est que si arrivé à la Laiterie il ronflait Le vieux cheval habitué à la manoeuvre Prenait les choses en main, et seul, au quai reculait. C’est M. Faure qui remplaça Joël Billard, Heureux pieds nus dans ses bots par temps glacial, Il conduisait aussi le noir corbillard Tout ça avant qu’un moteur remplace le cheval. Ce neuf thermidor 2008 Raymond Drouhard ACCM

30

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Soirs d’été d’antan Ô crépuscule chaud de nos beaux soirs d’été Quand le soleil semble se noyer dans l’Océan, Quand une tiède pénombre vient tout dorloter, Sublime est ton silence dans cet obscur béant. Une odeur de grillade enchante les narines II y a des gens qui rient, un enfant pleurniche... Maintenant tous les bruits se font en sourdine Puis tout ce petit monde s’en ira à la niche Fini les vaches allant au pré après la traite, Plus personne rentrant tard venant d’un battage, Même de bons voisins pourtant à la retraite Dirons que ma méditation n’est plus à la page. Des pies somnambules jacassent encore tout près, Un chien se fait entendre mais n’est pas aux abois... C’est l’heure où un fantôme aime vous courir après Où le ramponneau monte dans l’escalier de bois. De nuit voulant lire une lettre merveilleuse Avec la seule lumière d’un ver luisant La vilaine bébête s’est vite mise en veilleuse Me faisant louper un rendez-vous séduisant. Saint-Pierre, tout-là-haut, allume ses clignotants, Un point y file vite, mystère en ces endroits! Mais faisons vœux à ce corps qui s’éclaire en tombant. Une effraie nous a lancé son cri qui donne froid... Un pétrole cher a calmé la faim du volant Alors tous les «couche tard» s’abreuvent de télé... Le papi qui a tant vu, étant souvent somnolent, Ira, lui, en songe revoir ses bœufs attelés.... Mais de vouloir s’enivrer de douces sensations, Des moustiques vous piquent ou un nuage passe... Ce qui était si beau ne retient plus l’attention Ainsi des plus belles choses toujours on se lasse! Ce 1er thermidor 2008 Raymond Drouhard de l’ACCM. Un florilège de poèmes

31


A la recherche du temps perdu

Hommage à nos ormeaux A toi, auguste et légendaire vieil ormeau, Roi de nos villages et de nos gais hameaux Souviens-toi, on jouait Tarzan parmi tes rameaux... Sous tes sombres frondaisons quand il faisait chaud Nous pouvions cacher nos ébats de jouvenceaux Et lancer nos balançoires, toujours...plus haut! Toi, tel un vieux berger surveillant ses agneaux Tu frémissais sous la poussée de nos assauts. Comme on t’aimait quand il pleuvait à pleins seaux Et qu’on n’avait rien à se mettre sur le dos! Comme tu étais fier d’abriter nos berceaux En les recouvrant de ton immense chapeau! Sur combien de larmes et serments, vrais ou faux, As-tu de ton vieux tronc, toujours fait rideau! Tu abritais les nids de pies et de corbeaux, Tu faisais un vert tunnel de nos chemins ruraux, L’hiver, le vent sifflait dans ton noir fardeau Et tes feuilles mortes faisaient du bon terreau. Ton bois nous a chauffés et séchés nos manteaux, A fait de fortes poutres et des jolis panneaux, Ton vert feuillage nourrissait tous nos troupeaux. De l’Homme de Cro-Magnon à nos temps nouveaux Tu fus l’ami des hommes et de tous les animaux Et maintenant tu meurs et tombes en lambeaux Victime, je ne sais trop de quels mauvais maux! Lançant pourtant, en priant vers le Tout-là-haut Le reste de tes bras, décharnés jusqu’aux os... Puisse un beau lierre te cercler de ses anneaux Pour te cacher du monde, toi qui fus si beau, Vivant linceul, où te chanteront tous les oiseaux. Ainsi ne sois pas triste, mon vieil ami ormeau Pour nous aussi la vie ne fait pas de cadeau La fin du millénaire aura tous notre peau Car, l’Homme atteindra des sommets tellement hauts La peur des lendemains troublera son cerveau En ouvrant, tout grand, la porte de son tombeau. C’était en 1986, or, heureusement, il ne s’est encore rien passé) Printemps des poètes Germinal 2009 Raymond Drouhard Ass. Cult. Matha

32

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Greniers de chez nous J’aime mon grenier aux chères reliques Où il règne un calme mélancolique... J’aime m’y réfugier les jours de grands vents Quand la pluie fouette fort sous les auvents Et s’écrase comme des larmes sur les carreaux Alors que l’orage roule ses lourds tombereaux. Pénétré par une douce nostalgie De vieux objets y semblent animés de magie... Ici c’est mon vieux landau aux grandes roues Hélas! le temps et les rats y ont fait des trous, Ici c’est la vieille hotte de famille en zinc Aussi lourde vide qu’un bon panier de raisins, Là ce sont les vieux vélos de papa et de maman Qui me rappellent de bien tendres moments

Là c’est une armoire de ma grand-mère Pleine de cahiers et de livres chers Et au vu de tout ce travail scolaire Je me dis alors que j’aurai pu mieux faire. IL y a ici ma chère valise de régiment Témoignage émouvant de mes vingt ans, D’un fil pendille une veste de papa Un florilège de poèmes

33


A la recherche du temps perdu

Qui trente ans après sent encore le tabac! Là les lits conjugaux de mes chers aïeux Seuls témoins de leur passé vertueux, Des édredons faits de nos duvets d’oies Sont toujours suspendus en cas de grands froids. Une bonne bascule née sous Gambetta Pèsera encore que nous ne serons plus là! Des paniers suspendus de vieilles noisettes Précaution aléatoire en cas de disette... Un fourre-tout de nos vieilles guenilles Prouve nos exigences quand on s’habille. Autrefois et pour notre propre usage Des hommes y montaient le grain des battages. Si le vieil escalier était «audible» Il pourrait faire des confidences «risibles» Je me revois y tressant des queues d’ail Craignant de le sentir partout où j’aille. Et cette poussière...partout omniprésente L’être aussi, sommes-nous pas dans l’attente? Mais le coq chante, l’hirondelle gazouille Fini de rêver il faut que je me grouille... Chez les enfants c’était l’antre du ramponneau La peur nous les rendait doux comme des agneaux. Printemps des poètes 2009 Germinal 2009, Raymond Drouhard Ass.Cult. de Matha

34

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Les mémoires de Rémondroire II n’y a plus devant nous le paravent des années Nous voila les «vieux», c’est une certitude Les années se sont tant ajoutées aux années Que nous en sommes à les vivre par habitude. Encore une fois, novembre nous lâche ses feuilles Mais d’autres, on le sait, rejailliront au printemps. Nous, nous lirons les âges dans les carnets de deuils Enfin soulagés de voir qu’on y meurt à cent ans. Ceux qui ont eu vingt ans quand sonna l’armistice Se comptent maintenant sur les doigts de la main. Mais nos destinées sont si riches d’injustices Qu’on a tous appris à se méfier du lendemain. Aussi avant que je perdre ma lucidité J’aimerais écrire tout le plaisir que j’ai pris Depuis et même avant mes assiduités A vouloir expliquer des «pourquoi» à tout prix. D’abord, bientôt, nul aura en souvenir Combien la maison des Drouhard était réduite ; Heureusement que deux ventes à saisir Devaient bien nous conforter par la suite.

Un florilège de poèmes

35


A la recherche du temps perdu

Car pour annuler deux passages dans la cour Mainguenaud nous demanda un hectare de champs, Sa bonne femme crachant sur notre seuil tous les jours Malgré l’arnaque, papa trancha sur-le-champ. De Laurence Candé et Churlaud Julien D’Elise Giraud et de Drouhard Lucien Naquirent mes mère et père à La Tacherie Où ils travaillèrent beaucoup et sans tricherie. Maçons, les trois frères Churlaud étaient limousins Et pilaient le pied des verres avec leurs dents. Les Drouhard, spartiates, faisaient quant à eux du raisin Mais leur nom devrait s’éteindre faute de descendant. Un menuisier, deux épiciers, un forgeron A part eux, les gens étaient des paysans du coin Avec chacun son fumier, son pailler aux environs Et un attelage pour charroyer même de loin. Tant qu’il y eut des bêtes dans les étables Le village était entouré de clos et d’ouches Avec de gros ormeaux, des frênes, des érables Et beaucoup d’oiseaux, vu les vers et les mouches. Tout commença à douze ans par une annonce : Nous fondions la S.T.C.M entre quelques copains «La Société théâtrale de la commune de Mons» Dont siège et acteurs n’étaient que du coin. Ainsi, nous avons pu jouer sans que cela nous gène Pour les Prisonniers de Guerre, juste de retour, «L’Tampon du Capiston, Quiémence a-t-in’gazoghène» Dans des chais à Madame Gaborit, dans sa cour. Je suis allé deux ans au Cours Complémentaires. Pourtant bien noté, je ne sais plus l’avanie Qui m’aura fait lâcher pour travailler la terre Alors que des rêves fous m’emmenaient aux colonies. A Vignolles, ma sœur eut la plus grande des peines Et sa vie basculant, dut prendre un autre mari. Veuve mais dynamique, sa retraite est sereine Et ses garçons portent très haut le nom des Ganry.

36

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


En mille neuf cent quarante cinq, pas de vin, pas d’argent ! Et je partis donc au Premier Zouaves à Sousse. Puis, je suis revenu, même étant Sergent, Comptant à nouveau sur une vie plus douce. Là-bas, devenu soldat chez les Tirailleurs J’eus le grand plaisir, à Bizerte, de revoir Mon copain Jacques Arnaud, ça c’était la meilleure! Mais le pauvre fut tué, en manœuvres, dans le noir. Chevallon et tout Mons pleurèrent leur soldat L’auteur involontaire, lui, voulut périr, Les parents de Jacques m’envoyèrentun mandat Me suppliant d’aller le voir et de le fleurir. C’est le Colonel Favard qui l’a fait revenir A bord d’un bateau qui allait vers Bordeaux. Avec une fille de Migron, il comptait s’unir Et d’être menuisier, rien n’était aussi beau. A mon retour, un André Texier dynamique Nous fit jouer à Mons un classique : «l’Avare» Lui, jouant Harpagon fut très comique Mais sans photo tout se perd dans le brouillard. L’année suivante, toujours au baraquement, André nous avait peint de magnifiques décors Ce fut «La Mare au Diable» qu’on joua brillamment Et là des photos «noir et blanc» nous ravissent encore. Des bals fous qui suivirent la Libération Et animés par l’orchestre de Jean Ségurel Auront apporté chez nous tant d’animation Que l’exaltation en était surnaturelle. Vers soixante, j’ai eu un jeune apprenti On l’appelait Popeye, je ne sais pourquoi ; Il était rusé mais travailleur et pas chétif8 Et à la fronde descendait n’importe quoi.

8. Prononcer chéti

Un florilège de poèmes

37


A la recherche du temps perdu

Ayant mis du «corbeau dort» sur un labour Soixante pattes de groles pendirent au plafond! Pour faire rire, il n’était jamais à la bourre Vu qu’étant le septième, il avait un don. II m’a aidé à creuser un puits devant chez nous. Dix mètres, un mois à travailler péniblement. Le sourcier avait mis tablier jusqu’aux genoux Sa baguette, disait-il, réagissait violemment! Mais ne voyant toujours pas la source promise On me conseilla de faire « péter la mine un bon cot »... Mais la sourde déflagration émise Fut ressentie jusqu’à la maison de Franco Heureusement que l’endroit n’était pas construit Car du sable et des pierres furent projetées très haut Mais la source ne fut pas à l’égal du bruit Car on a parfois recours au château d’eau. Un de la Laiterie de Matha, natif des environs. Se débrouillait aussi à venir me donner la main. Je l’ai vu mettre du vin rouge dans un biberon Quand il n’avait pas assez de lait pour son gamin! Nous quittions lentement un Moyen Age. Pour «Trente Glorieuses» riches de bons imprévus Bientôt, il n’y aurait même plus de battages Et nos futures vendanges seraient «du jamais vu». Ma mère lasse de repasser mon pli de culottes Me demanda, enfin, de me «ranger des voitures... ». Et je lui ai trouvé une bru pas manchote Mais qui, asteur, est « piène » de courbatures. Pardon, toi, dont les pleurs délayaient l’encre, Pardon cousine de n’avoir pas été vôtre L’une a fini par me prendre pour un cancre Et la jolie cousine en a trouvé un autre. A Cherves, j’avais fait danser une belle fille Elle était de Juillac-le-Coq, par là-bas, Je me voyais déjà l’avenir qui scintille Quand elle me quitta dès qu’elle me sut du Pays-Bas.

38

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Chabrignac, toi, cité interdite A tous ceux qui t’ont chérie autrefois Ô cher Hameau pépinière d’élites Ton bon souvenir n’est pas encore froid. Délicieuse oasis pour nobles jadis On y allait chercher l’amitié sans nuage Dommage qu’il a fallu qu’elle se salisse A nous croire victime d’un affreux mirage. Puis ce fut le grand avènement des tracteurs Mon père vendit Marquis et disparut peu après. Le désherbant était le plus grand bienfaiteur Et nos ceps, soulagés, que l’on ne passe plus aussi prés. Jadis, avant l’aube tous les chais en « déperchant » Donnaient «le concert du cliquetis» au voisinage... Oter râpe et fumier, presser, en se dépêchant, Tout le monde se surpassait dans tous les villages. Dix ans avec des coupeurs surtout espagnols Nous auront fait des vendanges souvent pleines de rires Mais des señoritas chantant comme des rossignols La poudre à éternuer put seule les guérir. Réveillée par une envie pressante Ramona, dans le noir, se soulagea «sais pas ou» Mais pour finir prenant l’herbe présente Ce sont des orties qui frottèrent son « je sais où».

Un florilège de poèmes

39


A la recherche du temps perdu

Quatre vaches nous obligeaient à faire les foins En donnant ma sueur contre une botteleuse... Voulant faire vignes et foin avec le plus grand soin C’était beaucoup de travail et sans heures creuses. En soixante treize, vint l’impôt sur le revenu Vus les rendements énormes en vin obtenus Et sur l’air de notre «Marche Lorraine» J’ai défilé en chantant ces paroles souveraines: «Vous n’aurez pas nos maigres bénéfices Et s’il le faut nous deviendrons méchants Vous avez fait beaucoup trop d’injustices Et nous sommes prêts à faire couler le sang». Mes parents aux Chaumes-à-Midi n’avaient qu’un hectare En achetant, j’ai pu en faire sept d’un seul tenant C’est même Pierre qui planta la dernière part La première ayant déjà plus de quarante ans. Début soixante dix, il fallut planter de nouveaux droits Et l’copain aidant au copain tout se passa dans la gaieté Mais Bruxelles jugea vite son geste maladroit Car il y eut du vin en trop grande quantité. A Matha, au Foyer des Ecoles Marc Jeanjean J’ai appris l’anglais avec Monsieur Valdenaire. Puis ce fut trois théâtres qui firent rire les gens Me donnant presque des airs de fonctionnaire... Avec la suppression des vaches laitières Fumiers, enclos, ouches, disparurent des villages; Les vignes ne gelant plus, les gens devenaient fiers Et ce fut la Peugeot, la Citroën, la Delage... Mais l’achat de voitures et tracteurs neufs Allait faire naitre une jalousie tenace Des grenouilles se voulant grosses comme un bœuf Firent que des soupes se mangèrent à la grimace.... Des subventions aidant, on retapa les granges Notre tourisme rural était en plein essor, Nos tables d’hôtes furent polyglotement étranges, Le «bruleau charentais» agissant comme un ressort.

40

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Un cognac en plein boum fit monter des chaudières Bien souvent dans des lieux où était le bétail Mais certains furent vite sur la litière Car une sale crise allait être de taille. Grace à un homme bousculant l’ordinaire Dont la classe autorisait l’impossible Mon alambic est déjà plus que trentenaire Un Monsieur «Jo» aux souvenirs infaillibles. Je l’ai aidé deux fois dans le Gers à planter ; L’équipe était aussi travailleuse que joyeuse Avec des repas qui étaient fortement agités, Nous nous souviendrons longtemps de ces heures heureuses. F.R.3, en poésies se passionnant J’osai leur en transmettre un petit nombre Et je fus convoqué sur le «Front de mer» à Royan Et passais à l’émission 40° à l’ombre. D’aller pendant cinq ans aux cours d’anglais a Burie Je devais finir par en être président. La présence de jeunes dames stimulait mon Q.I Mais un contact de lèvres est toujours imprudent A l’Abbaye aux Dames dans un concours de poésies J’ai eu plaisir à gagner un joli petit oscar, Aussi depuis vingt ans je me paie la fantaisie De laisser ma muse taquiner le hasard. Tchernobyl me fit cadeau d’un goître Je m’en sortis... d’autres moururent sans être âgés, On racla ma prostate qui ne cessait de croître Enfin trois hernies me furent grillagées. Ecrire au passé des noms qui te furent intimes, Alors qu’une tempête hurle au dehors, Fait revoir leurs visages que ce grand vent anime. Et si c’était là, l’osmose avec la mort ? Il y a vingt ans je rentrais à l’A.C.C.M*. Avant Guilaine Baudry, j’y fus sept ans président. C’est une Association que tout le monde aime Un florilège de poèmes

41


A la recherche du temps perdu

Et qui actuellement a beaucoup de mordant. Mais alors que nous végétions, manquant de cerveaux, Avec Lucette nous avons tendu une perche Et de bons éléments devinrent nos atouts principaux Nous redonnant encore le gôut de la recherche. J’ai eu la joie d’y faire un bon copain Nos chemins de vie étant à peu près parallèles En homme sage et vertueux il est dépeint Et c’est Yves, féru de dessins et d’aquarelles. Pour le livre «A la Rencontre des Lieux-dits*» On a dû expliquer deux mille cinq cent soixante dix noms Ce fut pendant presque dix ans un travail d’érudit Et sans que nous soyons porteurs d’un grand renom! Dans «Histoires et Légendes*» récemment édité J’ai eu l’honneur d’écrire la page de garde Les fabliaux et mystères qui y sont cités Sont du monde de nos aïeux qui nous regardent. Tous nos villages ont leur histoire Et comme j’aime fouiller sous les vieux pignons J’ai vu qu’à La Tâcherie, il y eut une foire Qui allait du Marchais9 au Virage des Maquignons10 Le cadastre situe encore bien l’endroit, Un clos aux Blais, Texier, Dessais, avec petits fossés tracés, Le Chemin de La Traverse y allait tout droit Le bétail à vendre y était surement massé11. J’y ai vu que les Beaurivier et leurs descendants Des la fin mil six cent, par mariages et par dons Devaient être à La Tacherie de grands possédants Leur caveau est à Thors car possédant Bardon. Le puits du Châtas, avant la Révolution

* Voir page 83 9. Les Marchis 10. ler virage vers La Vrignolle 11. En 1751

42

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


S’appelait le Puy de Doudeuille, c’est authentique. Et donner ce nom aux maisons en construction Envers nos aïeux, serait un clin d’œil sympathique. Le lieu-dit Les Baillettes, touchant les Prés-Maurin, Vient que la Comtesse de Jarnac en faisait bail A Nicolas Bourivier et ça des mil sept cent vingt et un Ce nom étant encore dit par ceux qui y travaillent. Paul Blais disait : un soixante-quinze (un canon) aux Charniers Jamais l’Allemand serait passé à La Chagnée » Camille Papin allant à Alger sur un paquebot Se vantait, lui, d’avoir traversé le « gabot ». Allant chercher leur soupe, des soldats allemands Se trompant de tranchée pour ce ravitaillement, Oscar Hillairet à l’affut, les mettant en joue, Les a tous fait prisonniers d’un seul coup. Mon père radiotélégraphiste sur le front Transmettait en morse l’ordre de ses chefs. La guerre finie, on lui a dit: nous vous offrons Cette place sur un bateau : ce fut non, derechef ! Les Prouteau, Brousson, Churlaud, Bout, Quintard Furent prisonniers et revinrent cinq ans plus tard. De ce quinquennat chacun d’eux aurait fait un roman Avec des filles en «na» aux yeux comme des aimants. Bachimont, Wagon, Derrier, Pleutain, Gobert, Devain Furent des Refugiés de la Meuse au village. Seuls les Léonard de Thors furent un bon levain Fondant une bonne souche dans notre entourage. Petit à petit, faut vivre pour s’en rendre compte Des inconnus achètent nos vieilles maisons mères Si bien, qu’hélas, plus personne ne raconte Les merveilleuses histoires de nos grands -mères. Qui connut La Tacherie aux années cinquante Et viendrait y finir ses jours aujourd’hui Y trouverait l’ambiance quasi inquiétante Car à part les moteurs, il n’y a plus de bruit! Un florilège de poèmes

43


A la recherche du temps perdu

Dans un lent mais constant remue-ménage On sait bien que tout est en train de se modifier. Bientôt tu seras un étranger dans ton village Et avec plus personne à qui te confier. J’aurai vu s’éteindre les Monsieurs (lire Mon) du village Que ma mère me faisait saluer en me découvrant, Se voir désargentés leur a fait tant outrage Qu’ils en vendirent leurs biens au plus offrant! Depuis quarante sept ans, sept voitures Auront agrémenté notre vie quotidienne Aussi, bien des jeunes de la nouvelle nature Jugent-ils faciles nos années anciennes! Je vous le dit tout bas, mon frêne fait des miracles. Il a le don de guérir du mal et des soucis ; Il emmène ta pensée consulter les Oracles. Mais dès qu’on est bien, il aime qu’on dise merci. D’une main frotte ton mal, de l’autre, le frêne En disant plusieurs fois, passe, passe, passe Et tu sens la douleur qui se freine, freine, freine Tant et si bien que l’écorce s’en crevasse! J’ai élevé une « ajhasse » qui disait «Margot», Raymond, merde, et en plus savait siffler et rire. Après manger elle bafouillait à tire-larigot Mais hélas, par jalousie, on me la fit périr. Une mare sale était au centre du village, Longtemps animaux, canards allèrent y boire, On y a fait rouir le chanvre pour le tissage, Mais, comblée, dommage pour la patinoire. Deux chiens dans ma vie m’auront été fidèles Stop, le setter, Faune, le berger allemand. L’un me rapportait le gibier avec plus d’aile L’autre toujours prêt à jouer, attendait commandement Depuis longtemps, la veille du Premier de l’an, Que ce soit chez nous, chez Arlette, chez Germaine, On se retrouve dans un dîner époustouflant Où on doit s’embrasser pour cinquante deux semaines!

44

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


J’aurai vu deux générations disparaître Ou chacun des êtres, un jour, put jouer son va-tout Beaucoup seront partis en espérant renaître Mais nul ne sait combien le ciel peut en loger en tout. Pour eux, fumer était une envie pressante, L’Occupation les vit faire un tabac bâtard, Mais devant les cancers des années soixante Tous arrêtèrent mais certains, hélas, trop tard.... Peu auront connu la libération sexuelle ; Eux avant la noce, ils s’efforçaient d’être prudes. S’ils avaient un aperçu des temps actuels Diraient-ils libération ou décrépitude ? Aux Grands Chaumes, Visseron taillait à 80 ans Et moi, au même âge, je taille au Chaleuil. Aussi fort heureux de pouvoir en faire autant Mourir comme lui, c’est encore dix ans à l’œil.

Fier de mes neveux et nièces...

Maman, malgré toi, en terre ensevelie Nous t’avons remontée et mise dans notre maison. Tous trois, plus tard, en rapprochant nos bois de lit, Sûr que l’on ne verra plus passer les saisons. En se chauffant avec une chaudière au bois On pouvait se payer un voyage chaque été. Maintenant avec tout le fuel qu’elle nous boit On se contente juste d’aller à la «Marestay».

...je le souhaite également de mes petits-enfants.

Fier de mes neveux et nièces qui ont réussi Je le souhaite également à mes petits enfants. Même sans cheminée je sens quand même le roussi Mais de vous en apitoyer je vous le défends. Si mes mémoires écrites semblent jalonnées, J’oublie l’oral de la vie quotidienne ; Nanti d’un romantisme dont je suis étonné Bien souvent la vie m’aura fait des siennes. Cœurs romantiques aux mains de gens habiles Font cuisants réveils aux larmes stériles. Consciences dans l’odieux compromises Font de leurs nuits des Cours d’Assises.

Un florilège de poèmes

45


Beau masque velours quand enfin tu es tombé Méchantes dents après souvent sont montrées. Avec Edouard Collon du Logis de La Tâcherie Nous ne sommes plus, en 2007, que deux conscrits. Lui a dû se séparer de son vignoble chéri . Moi, je me fais un devoir de laisser des écrits... J’aimerais citer là des amis vivants et de mon temps Les Gauthier, Bernier, Pelluchon, Garraud, Guillon, Qui sont avec Granet autour des 80 printemps Tous enfin las de courir après les millions. De mes tendres souvenirs que rien n’aura flétris, Que même soixante dix ans n’auront pas altérés Il me reste Jacques Fouasseau de La Piatrie Un de ces vieux amis dont nul ne peut me séparer «... Et grâce à mon gendre j’ai pu gardé mon vignoble chéri.»

Dommage que Lise ne trouve pas un bon paysan Qui aurait lui aussi du bien au soleil Et tranquille je partirai à Mons en disant Que Moon’s House brille et tout s’émerveille.... Dans sa boite en carton sommeille mon képi Vestige de mon grade de sous-officier ; Des photos ne m’y montrent aussi pas encore décrépi C’était quand sur René Caillé je voulais copier... Mis dans le secret de la vente de nos eaux-de-vie Mon frêne sut m’attirer les faveurs des Oracles Et Jean-François, hier, m’a dit: « J’en suis ravi Car de les vendre si chères tient du miracle ! » Le corps qui me fut prêté pour faire un homme N’était pas, hélas, celui d’un bel Adonis. J’en fis quand même une sacrée bête de somme Mais qui aima s’abreuver aux Fontaines des Délices... Raymond Drouhard (Une vie tirée vers le haut dans le Pays-Bas)

46

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Scènes de vie


Scènes de vie

La perte d’un ami Il n’est plus Faune mon vieux chien, Rappelé au paradis des siens; Treize ans présent à mes côtés, Tel un des miens il fut élevé. Mais depuis hier il gémissait Et son regard qui nous implorait, Sous ce voile couvrant les yeux, Sûrement nous disait-il adieu! Nous qui t’avons maudit et adoré, T’avons appris à cinq à compter, A pas rentrer les pattes mouillées, Et tout un tas d’autres simagrées, Bien longtemps nous te regretterons Et souvent, encore, nous t’entendrons. Toi qui as tant aimé les gens Aboyant aux seuls indifférents, Leur enlevant d’un bond la casquette Fier de démontrer ta souplesse! Comme tu les aimais tous ces enfants, A la balle leur montrant tes talents! Dors en paix, ami, dans ce jardin Où à l’ombre on était si bien... Pleurez, frênes, platanes, charmes, En ces jours funèbres de Toussaint! Que vos feuilles telles des larmes Recouvrent là où gît chien. Et, certains soirs, quand tombe le brun, Lui honorant sa sépulture, Un beau rouge-gorge dans ces refrains Chante les mois de la Nature. Raymond Rémondroire

48

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Nos bœufs Ils allaient lentement de leurs pas pesants Fiers mais soumis aux paroles de l’Homme Ce vieux singe qui, devenu si savant, Les fit d’aurochs libres des bêtes de somme. Ils tiraient, soufflant, sous le joug faisant front Retournant les champs où fut pris un bon grain De longs jours mais sans leur faire l’affront D’une méridienne en peau de chagrin. Joli, Bouquet, étaient leurs noms dits ou criés Que soulignait, hélas, le coup d’aiguillon Plus des jurons jugeant Dieu sans pitié Donnant de «paysan» l’autre définition. Ainsi depuis Cérès, le brabant excepté, Nos labours étaient ceux de l’Antiquité. Un essaim de mouches s’activait autour d’eux Tapissant leurs yeux, s’abreuvant des larmes Et de gros taons sanguinaires et belliqueux Etaient craints par eux comme une arme. Mais un jonc au ventre en guise de lame, Rite de notre Saintonge Profonde, Ils devaient aller faucher à leur grand dam Le reste des prés de tout le monde... D’autres, plus Petits, avaient comme châtiment La fourmilière au coin du champ! Alors comme faisait Jean de La Fontaine Les boeufs «buffant» j’assistais à l’enfouissement Ou, trouvant un passage dans la « paleine », J’ y glissais un collet subrepticement Car d’un lièvre pendant l’Occupation On assurait la ficelle pour la moisson Ou le fumeur doublait sa ration! Du système D nous tirions nos leçons Puis on tournait... le palonnier glissait... ...l’enclenchement ...cahin-caha...tout repartait Ouvrant, fermant une énième « rège », Surprenant les mulots que le chien attrapait Un florilège de poèmes

49


Scènes de vie

Et quelques grillons pour tendre des pièges Près d’une branche morte dont un bout pendait, Car traquets-bat-ajhasses et grassets Petits passereaux de notre folklore Faisaient les délices des plus fins gourmets Et tout ravitaillement valait de l’or! Nous, en guise de sieste, nous allions Piquer une tête à Port-Besson Et nous revenions tout frais à nos sillons En sifflant alors la plus belle des chansons. Imitant Hannibal sur ses grands éléphants Je montais sur mon boeuf pour aller jusqu’aux champs Aussi, dans la mare, je l’enmenais boire Jusqu’au jour, où virevoltant, il m’y fit choir! Mais le comble fit qu’un jour en sulfatant, Avec in vieux pull, alors assis devant, Le boeuf en diarrhée, toussa en tirant, M’envoyant au nez un jet chaud et puant Si bien qu’il eut peur en me revoyant, Le tout gâchant mon proche rendez-vous galant. Depuis le paysan s’est endimanché Et une page de deux mil ans s’est tournée. (Pages de ma vie) Raymond Drouhard

50

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


J’ai deux grands bœufs dans mon étable Mais l’un d’eux a fait un tour pendable... Durant cette seconde guerre mondiale Où le paysan était comme au Moyen Âge Avoir de bons bœufs était primordial Car, « les pauvres » servaient à bien des usages... Mais quand ils étaient jeunes fallait les dresser Et c’était loin d’être une mince affaire Le foutu pince-nez semblait le plus les stresser Leur museau n’aimant pas le contact du fer. Or, un de nos voisins appelait au secours De voir le pince-nez, son bœuf s’était donc échappé... Heureusement il était rentré dans une cour Où il semblait être facile de le rattraper... Mais une pile de javelles juste affleurait L’appentis prononcé d’une belle bâtisse... Comme fou, le bœuf que plus rien n’apeurait Monta sur le tas donnant un spectacle gratis! Et on allait être tous pris de grands frissons Car il venait de sauter sur les tuiles! Sous son poids elles éclataient en mille cassons Et on s’attendait à la plus grande des tuiles... Par chance un mur devait être en-dessous Car il monta jusqu’à la cheminée. Une photo prise là aurait rapporté des sous «Un village du Pays-Bas par un bœuf dominé»! Darius Mhilau aurait trouvé courtois La même illustrant son «Bœuf sur le toit.» Mais malheur si tout venait à «s’ébouiller» Il ne serait sûrement pas récupérable vivant. Sur la route on risquait d’être «écrabouillé» Car c’était un court-métrage captivant! Puis, ô miracle, le bœuf fit demi-tour En empruntant le même chemin que pour monter... A son patron il avait joué un sacré tour Lequel, tremblant, a juré de ne jamais le raconter... Mais sûr qu’on te dira que tu perds la raison Si tu dis : « J’ ai vu un bœuf… sur une maison ! » Printemps des poètes Germinal 2009 Raymond Drouhard (fait divers véridique) Un florilège de poèmes

51


Scènes de vie 52

Nos oiseaux après l’an 2000 De mignons petits oiseaux autour de ma maison Marquent par leur présence nos quatre saisons: Au début de mars la mésange cherche un nid Souvent dans la boîte que tu lui as fournie. Après c’est l’hirondelle qui profite de l’ondée Pour que son mortier puisse bien souder. Puis c’est le rouge-queue, l’oiseau familier Qui tous les ans change de trou et de mobilier, La huppe, faute de femme de ménage, a un trou qui pue Mais peu importe quand les petits sont bien repus. L’étourneau, rusé, trouve un trou sans se fatiguer. Mais sans pinson il n’y a pas de village gai... La tourterelle turque, à grands roucoulements, Sur un nid de rien pondra qu’un œuf seulement Le chardonneret qui se croit l’ami de l’humain Ne devrait jamais mettre son nid à portée de main. C’est l’été,...le coucou s’en va...les orges sont mûres Une grande volière enchante la nature... Pour leurs petits, deux grandes buses dans les airs Epient de haut tout ce qui se passe sur terre. Si la caille ne chante plus « point d’tabac » dans les blés Les perdrix y font « tirelite » pour se rassembler... L’automne pousse le rouge-gorge dans les granges Mais trop familier ce sont les chats qui le mangent! La nuée de grives qui marquaient les vendanges Se sont toutes évanouies de façon étrange... L’hirondelle, la huppe, le rouge-queue nous quittent Mais sans GPS, l’an prochain, retrouveront leur gîte. Une bergeronnette trottinant dans la cour Annoncera qu’un autre hiver est de retour... Les buissons nus, le merle est près des murailles Mais plus de bande d’alouettes pendant les semailles! Le vanneau viendra bien lancer son « piouite» Mais devrait laisser le grand froid chez les Inuits. Des corbeaux croassent dans un ciel sans horizon Les pies adorent se chamailler près des maisons... Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Les moineaux disparaissent sans faire de bruit Et notre petit roitelet, où est-il, lui? Un geai que j’avais trouvé blessé dans la lande Crie trois «olala» dans un vol en guirlande... Si la copine du hibou est dame chouette Le cri de l’effraie nous fait mettre sous la couette... Mais si fin janvier l’hiver met un peu le frein La draine, aux cimes, chantera son plus beau refrain Le merle, tôt le matin, déjà s’égosillera Et avec un Deux Mil, neuf, tout recommencera... Ce 25 vendémiaire 2008 Raymond Drouhard, ACCM

Tu nous captivais en nous parlant des animaux, des oiseaux qui couvent comme ici cette hirondelle dans ton écurie.

Un florilège de poèmes

53


Scènes de vie

Il était le Marquis des chevaux (traduit du patois en français)

Brave bête, franc de collier et intelligent Marquis était un cheval comme il n’y en a pas souvent! Tenant la tête haute, agitant ses oreilles, II comprenait tous les ordres à merveille... Vous saluant au matin d’un petit hennissement Attendant son avoine dont il était gourmand... Et en revenant du timbre ou il avait bu II passait prendre son sucre qui lui était dû. II l’attendait devant la porte tous les jours ainsi Et balançait la tête comme pour dire merci... Puis il desserrait les dents pour que le mors rentre Même s’il aurait voulu remplir plus son ventre... Attendant fièrement qu’on lui lance le collier Rechignant jamais quand fallait aller travailler. Il connaissait tous les pas pour rentrer dans les champs Et en «chopant» quelques feuilles tournaient en les mâchant. Quand, avant soleil levé, on allait chercher du garouillet II trottait, réveillant les gens dans leur lit douillet... Dans un rang de vigne avec Duc devant pour tirer Seul il aboutait la charrue, l’autre ayant viré. Quand on croisait l’ami Intel avec son attelage II s’arrêtait sachant qu’il y aurait bavardage... On s’attache toujours trop à ces bêtes vénérées Sachant pourtant qu’un jour faudra s’en séparer... Ainsi un vendredi treize au boucher il fut cédé Et six mois après mon père est décédé.

R.D

54

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Passage d’un Ouragan Intriguant les Fêtes du Nouvel An - Nuit de la St Jean à la St Innocent Curieux de sensations paranormales Nous étions dans l’attente du fameux «bog» annoncé. Au nord une tempête avait soufflé pas mal Qu’une autre au sud était déjà amorcée. Dans ma tête, comme nous nous trouvions au centre Nous avions, là, une chance d’être épargnés ; D’ailleurs j’aime ces grands vents qui déconcentrent Quand ils miaulent à travers nos framées. Mais ce soir à quatre jours de l’an deux mil L’ouragan nous a sorti de notre torpeur Et à une fin du monde faudrait qu’on l’assimile Car ce n’est peut-être qu’un essai pour faire peur... Dans un roulement de milliers de tonneaux poussés Le cyclone peupla la nuit d’OVNI pourchassés Et bien des cheminées, aux jouets juste passés, Tombèrent parfois jusqu’au rez-de-chaussée. D’après le dico «bog» voudrait dire «les chiottes» Mais la peur au ventre, sans lumière et pas d’eau Il n’y avait pas là de solutions idiotes Et souvent ce fut «the dog» qui effaça le cadeau... Mais le jour d’après se leva sur un champ de bataille Où nos arbres, ces témoins muets d’une vie, Embrassaient cette terre si fière de leur taille Nous montrant à quel point l’ouragan avait sévi. Leçon d’humilité venant de cette nature Qui se donne toute à nous pour qu’on ait du bon temps Mais qui aussi nous inflige quelques tortures Rappelant qu’elle seule fait la pluie et le beau temps Mais six jours sans téléphone et sans lumière Ont forcé les gens à se coucher de bonne heure, Aussi de beaux bébés naîtront dans nos chaumières Faisant que sans souffrance il n’y a pas de bonheur. Rémondroire Un florilège de poèmes

55


Scènes de vie

Petit souvenir d’il y a longtemps Dans les temps avant la seconde guerre mondiale Les familles n’avaient que quelques vaches laitières Et l’épouse assurait la tâche primordiale De faire paître l’herbe la plus nourricière. Le jeudi, après l’école, les enfants la remplaçaient Les menant parfois dans des prés bien au loin Où copains, copines se débrouillaient à se déplacer Pour se retrouver ensemble dans un petit coin. Nous étions des jeunes avec une santé de fer Mais la bouteille d’eau en tombant s’étant vidée Pour boire on ne savait plus comment faire! Mais la soif, elle, allait nous donner une idée Mon copain avait un gros chien qui était bon à tout Portant souvent un sac attaché au collier Et son petit patron, il l’aurait suivi partout! Pour les vaches…il savait juste aboyer Il se nommait «Champagne» où avait sévi la guerre. L’appelant, je lui dis, malgré sa chaude haleine, «Etant un de ces chiens comme il n’y en a guère Vas chez nous et reviens la bouteille pleine » Et lui remettant sac et bouteille au cou Champagne s’en alla au Fourneau chercher de l’eau… Le désaltérant, sa patronne se doutant du coup Dit : « Mon bon Champagne porte vit’ l’eau au ptit Jeannot » Les vaches cherchaient un ombrage providentiel, Ma soeur faisait un canevas de toutes couleurs, Des martinets acrobates jouaient dans le ciel Des taons sanguinaires harcelaient fous de chaleur. Et on vit retourner notre bon Saint-Bernard... Soixante dix ans après j’aime à relater ce fait Le patron d’une bête comme çà est un veinard Mais quand faut s’en séparer cela fait un drôle d’effet. Ce 5 thermidor 2008 Raymond Drouhard Association Culturelle de Matha

56

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Histoire vraie O l’était peu après la Libération Mais beun avant nout’ grande évolution En thieu temps les ch’vaux tapiant dau sabot Sur des routes qu’étiant piènes de gabots Et les bouses, zelles, fasiant un goudron Qui t’éciaboussait des fois jusqu’au front. Malgré tout, déjhà, l’villaghe d’La Tâch’rie Avait son bar tabacs jhornaux épicerie; On z’app’lait chez Marthe et c’qu’était pratique O y’avait in’ cabine téléphonique. Et o l’est par hasard qu’en ach’tant un jhournal, Alors qu’Marthe disait des choses banales, Que jh’ai lu sur la première des paghes Qu’on chorchait in’ assassin dans nos paraghes... Et o l’avait étout la photo dau meurtrier Qu’avait commis thieu crime à Poitiers. V’là tout pas qu’en sortant o l’avait un gars Qui bouévait en fumant mais qui nous r’gardait pas... I marquait point tell’ment jhuste, mal rasé, Bouf ! et o l’est un rabalou que jhe m’disais! Mais avec sa casquette et thieu pal’tot I r’sembiait bin un peu à thiette photo. En pensant coume moue Marthe zou raconta Au téléphone â l’Adjudant de Matha... II prit notes à toutes fins utiles Nos allégations jugées futiles... I l’avait dit çà exprès, car peu d’temps après In’ boun’ dizaine de ghendarmes bin guétrés, En grouss’ motos, le fusil en bandouillère, Firent irruption et patrouillèrent... M’sieur l’Sous-Préfet en traction avant Douna des ordres au Lieut’nant de Saint-Jhean Mais nout’ bounhomme s’étant volatilisé Fallait fouiller tous les paillers localisés. Au gard’ à vous chaque paysan attendait Darrière in’ moto qui pétaradait... Un florilège de poèmes

57


Scènes de vie

Le nez su’ l’ mousqueton d’au policier Jh’avons exploré paillers, hangars et foussiés... Fasant zeu mariènnée bin des brav’ ghens S’demandiant c’que vouliant thiés aghents Et de pauv’ z’amoureux surpris dans leurs ébats Le souffle copé, en restiant tout baba! Les poules courrèces nous sautiant aux oeils Et les jhars nous mordiant dans les gh’neuils, Sans compter les cheuns japant en montrant les dents Et quièques taureaux prêts à nous foncer dedans ... Enfin le Lieut’nant arrêta les fouilles Et on s’est rentorné teurtout bredouilles. Bordasse mais fair play M’sieur le Sous-Préfet Nous promit qu’nos ch’mins s’raient vit’ refaits.

Les temps heureux

58

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Anonyme mais vrai Appelé en Allemagne pour faire son régiment Un copain allait y trouver son premier amour... Comme fallait se réconcilier avec l’Allemand Il le fit avec une « fraulen » de la Ruhr. Lui ayant prestement ramassé son calot La rencontre de leurs yeux fut si émotive Et voulant que ce bel effet ne tombe pas à l’eau Ils se fixèrent une rencontre la plus hâtive. Ils se parlaient dans un anglais approximatif Mais l’attrait l’un pour l’autre était si puissant Qu’en amour ils franchirent vite le limitatif Et ce qui allait s’en suivre était angoissant! Le père du copain qui avait fait la Grande Guerre Défendit à son fils d’épouser une Allemande. Il lui fit une de ces morales si sévères Que le soldat pleura d’une telle réprimande... La jeune fille par la guerre très marquée Déjà habituée aux plus grands malheurs Encaissa le choc faisant rien remarquer Et tant d’évènements confirmeront sa valeur. La fille devait faire un abandon délibéré Pour que son bébé soit bon pour l’adoption. D’autant plus le copain allait être vite libéré Et qu’ils n’auraient sûrement plus de relations. Une bonne famille, en désir d’enfant, à Paris, Un jour adopta un petit garçon adorable... Un papa médecin, le bambin allait être chéri Et aurait, sûr, une situation honorable.... Vingt années passèrent, puis un beau jour d’été Une auto décapotable chez mon copain stoppa. Un couple descendit et déclina son identité S’excusant à l’avance s’ils faisaient un faux pas Monsieur! Si vous vous appelez (le nom de mon copain) Et qu’en Allemagne vous avez fait votre régiment Un florilège de poèmes

59


Scènes de vie

Vous êtes mon papa de Francfort-sur-Ie Main Où avec maman vous vous êtes aimés follement... Mon copain en larmes par le choc assommé Embrassa ce fils inconnu et sa belle compagne Et quand il le sut chirurgien renommé Comme fou, il partit, en battre la campagne. Ce 26 fructidor 2008 Raymond Drouhard de l’ACCM.

60

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Joli conte de la mi-août Il était une fois dans un hameau isolé Une gamine qui n’était pas heureuse Par la mort de sa maman, son papa désolé N’était plus le même et l’avait rendue peureuse... Pourtant elle faisait de son mieux à la maison Mais le pauvre, lui, déprimé, s’était mis à boire... Elle avait peur qu’il en perde la raison Avec tout ce qu’il y aurait comme déboires... Avec son chien elle aimait garder son bétail Priant son ange-gardien de veiller sur elle Sachant que son père la battrait sans faire de détails Si elle se poudrait pour faire demoiselle... Ils étaient si pauvres en ces temps seulement écrits Que seuls les chants d’oiseaux étaient mélodieux Mais dans son corps semblait naître comme un grand cri Rêvant d’un prince charmant qui serait son dieu... S’étant fait lire la main par une voyante La dame poussa un «oh» comme à un être mourant! Pas un seul sou et la séance était payante... Mais la Gitane troublée s’enfuya en courant.... Et dans une nuit d’été sous un bon méridien Alors que tombait une pluie de météores Assise avec son chien et son ange gardien Ce fut le miracle, ceux près d’elle étaient en or... Pour sauver la fille de sa détresse morale Son ange gardien, là-haut, avait du secours... Elle embrassa fort tout l’espace sidéral Disant c’est sûrement Maman qui m’a fait un tour.

Ce 3 thermidor 2008 Raymond Drouhard Association Culturelle de Matha

Un florilège de poèmes

61


Libertinage


Libertinage 64

Pudeur... Ô insolente divine beauté Emerveillement béat des yeux Que de soupirants mis de coté N’ont, hélas, pu t’offrir mieux! Quand la laideur Se fait pudeur L’inaccessible Se fait sensible Les longues nuits Trouvent l’ennui Alors martyr II faut partir... Ô ma vahiné Cache tes nénés De te voir nue Trouble ma vue... Je me replonge Dans ma Saintonge Dans ce terroir Vit mon miroir J’entends un soupir Comme un désir Demoiselle Enfin me hèle Elle est de chez nous J’en tombe à genoux...

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Coument jh’l’ai eue... Y’a longtemps qu’la chauffais, au champ, sous les oumias, Jhe la seuguais portout, mais a s’sauvait d’moi ; La fumelle se méfiait ; pu fine qu’ine belette A l’était chaude dau thiu mais point trop boune bête. A m’avait souvent dit : Bise me tant qu’tu voudras Félix, mais por le reste jhamais tu m’zou f’ras. Jhe magnais les teutons, les mollets d’la drolesse, Jhe zi caressais les thieusses, jhe zi touchais les fesses Por thieu a disait reun, mais sitout qu’mes degts, Alors que ma goule zi suçait l’bet, Dans son ramigheau veuliant gratter un peu A s’ébraillait qu’mes degts étiant coum’ d’au feu ! Portant thielle jhornée, o l’était dans les fauches Apres l’p’tit colation, au moument d’l’embauche, Jhe la vis au champ dans un pré que depuis Titi A défoncé et barré por en faire un pianti. Darriere in’ seupée d’frâgne, à l’abri d’au soulail Jhe coummenqais tout jhuste à aiguiser mon dail Qu’a v’nit au ras dlmoué et m’disit achalée A-t-ou longtemps que trois heures avant sounnées? A n’eyit pas boun’ghens le temps d’en dire pu long... Mes degts s’étiant déjhà sacqués sous ses cotions! A luchait, grand malheur! et qu’o l’était honteux Les ghens d’Sounnat alliant l’entendre de chez eux! Veux-tu finir, grand sot, jhe te dis qu’zou veut pas Et si tu m’fais d’au mau, jh’peux t’dire qu’ta mère zou saura ! Mais chaillant dans la paleine, nos deux corps s’enroulent... Oh grand bounheur! y’avais sacqué ma langue dans la goule... Ses quieusses coum’ ses oeils s’étiant écarquillés Vouèla qu’jh’zou fasions sans nous déshabiller... Tu l’as dans l’ thiu, dis ma mignoune, o m’ passe portout Sacque donc ta langue su la meune étout... Tes fesses sont là dans la paume de mes deux mains Tes teutons sont bias et tes quieusses jhe les tins ! A disait : oh ! fais zou, fais zou, tu m’fais d’au beun Jhe bâzis, jh’seus ta famme, jhe pense pu a reun... Un florilège de poèmes

65


Libertinage

Et jh’vous réponds que jh’y’ai passé in’ baurrée Que por son premier cot a l’a pas été volée... Mais quand a s’est r’levée, jh’eu pour qu’a s’fâche ! A l’a s’coue ses cotions puis a couru à sa vache Et quand a l’a eu désenfarghé la taure A m’disit, Félix, quand m’zou f’ras-tu encore? Raymond

66

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


O Cordoue ! Ô jolie fille sourire du soleil levant Encadrée par la voûte de cette mosquée Ton regard fascinant a gommé mes vieux ans Et peu m’importe si de moi tu t’es moquée! Mais quand tu as collé ta joue contre la mienne Pour que ta copine nous photographie J’y ai mis un baiser sans que honte me vienne Comme si à mon grand âge je lançais un défi. Mais le coup de foudre fut intense quand même Car brusquement ma montre bracelet s’arrêta Et deux heures après repartit d’elle-même Quand pour Tokyo son avion décolla Petite fleur à la voix cristalline Elle a su me dire «au revoir» en revanche Et peut-être que sur internet la câline Se montrera avec l’homme en casquette blanche! Ô corps doux!

Rémondroire (it’s my pen’s name) «Charmant détail d’un voyage en Andalousie et à Gibraltar en 2000»

Un florilège de poèmes

67


Scènes de voyages


Scènes de voyages

Faire un grand voyage par an devint à la mode Nos parents gardaient, enfants, maison, animaux, On n’aurait jamais cru un avion aussi commode Et la vie était belle, loin de nous tous les maux. J’aurai mis nos douze voyages en poésie, Mémentos d’événements marquant l’excursion. Des noms de personnes en pleine frénésie Seront lus, plus tard, avec beaucoup d’émotions. En voici quelques uns :

Voyage en Irlande Bien assis dans le car de chez De Maillard Nous laissions tics et manies au placard. Tous désireux de taquiner l’Aventure Elle vint, en mer, avec Dame Nature. La force huit des grands vents d’équinoxe Voulait nous faire subir Oceano Nox C’était méconnaître ces braves Saintongeais Venus pour découvrir le sol irlandais Mais qui, au plus profond de la tourmente Entre deux contractions vomissantes, Songeant à leurs vendanges imminentes Regrettaient déjà leur vie en Charente! Avec ce centre de gravité oscillant Le comportement devenait angoissant Tel, cet homme rendant tripes et boyaux Expulsant son dentier au fond du bateau, Ou celui qui, du haut de sa couchette Remplit au-dessous une paire de basket, Ou ces dames soudainement grabataires Vaquant à quatre pattes à leurs affaires! Même à la belotte, dans ce branle-bas, Les cartes à jouer avaient le virounas! Et dormir à quatre par cabine

70

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Ne suscita aucune idée câline! Enfin vint la cohue du débarquement Et dans le car un laborieux rassemblement. Monsieur Cadusseau faisait ses petits yeux C’était bon signe, remercions les cieux! Après un périple nocturne somnolent On découvrit un Queen-hôtel très charmant. Puis vint le temps des grandes excursions Et à chacun de donner son opinion. Sauvage Burren aux rochers bleus fissurés Repaires pour dinosaures ressuscités, Mohair et sa douce laine recherchée. Mais aux falaises à pic pour désespérés, Rejoignaient les dômes du Connemara, Couverts d’une buissonnante toundra, Aux formes gracieuses et caressantes Irisées de mille couleurs chatoyantes Se mirant dans des lacs vastes et profonds Foisonnant de truites homards et saumons Pour mourir plus bas dans des tourbières Source de chaleur pour maintes chaumières. Que de belles tapisseries d’Aubusson Ces taches blanches tatouant ces petits monts! Sages moutons, qui, entre deux murets faits main, Broutaient et broutaient se riant des ravins. Et avec tous ces petits champs sans paysan On se demandait où étaient passés les gens! De rares mais coquettes maisons sans volet Egayaient d’étroites routes en lacets Souvent longées d’un fin ruisselet Dont le fond tourbeux faisait de sombres reflets. Et leurs panneaux sous-titres en gaélique Sauvegardaient leurs origines celtiques. De nombreux terrains de golf illimités Etaient très tôt le matin déjà occupés! Eglises au bénitier extérieur Chez nous l’eau bénie aurait drôle d’odeur! Ici il pleut si souvent que l’anti-stress C’est d’aller au pub pour prendre une guiness! Un florilège de poèmes

71


Scènes de voyages

En ville nos charmantes équipières Dans un shopping comique, excellèrent! Dans un shop de fourrure, demandant l’patron In’ dam’ ajhouta - e r - pour faire le nom: - Etout bin vous ithi qui fasez le fürher? - Yes, I do fit-il, riant, songeant à Hitler! – Oh, qu’o dit la fem’, thieu est un coup fourré O l’est un gars qui vend de l’ail doux à Galway. Le sud, moins rocailleux et plus peuplé Nous offrit, quand même, quelques champs labourés. De belles frisonnes en fin de pays Alimentant une grande laiterie Et parquées entre des haies d’aubépine Se mêlaient à la race chevaline. L’impétueux Shannon dans sa traversée Nous rappela le bac de l’île de Ré. Sites et Châteaux, toujours placés où il faut S’harmonisaient dans un décor des plus beaux. Et tout se termina en apothéose Fushias rouges et rhododendrons roses Firent longtemps au car une haie d’honneur Et les Dieux du vent et de la mer, en choeur, Nous firent du retour belle croisière Saluant ainsi un beau séjour en Eire. Raymond Drouhard

72

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Excursion aux Lacs italiens Malgré des vendanges à nouveau précoces Nous sautions dans le car comme des gosses; La découverte d’horizons plus lointains Surpassant nos impératifs quotidiens. Mais cette fin de nuit fut si brumeuse Que lorsqu’il fit clair nous étions en Creuse. Une musique douce d’airs d’autrefois Faisait rêver et nous charmait à la fois... L’Allier et ses foires de Charolles La vache s’y vend, les jeunes y convolent! Des bêtes paissaient sur des champs presqu’arides L’herbe rare d’un été sec et torride. On y aperçut la Roche de Solutré Où François Mitterrand a peur d’être bousculé... Paré le Monial, ses apparitions, On eut beau se concentrer, pas de visions... Le vignoble à ras terre du Mâconnais A Gaillard, on goûta son petit beaujolais, Pendant qu’un feu d’artifice imprévu Semblait nous souhaiter la bienvenue! Et, de ces lieux où Annemasse si bien On partit, tous détendus, chez les Italiens. Un temps clair permit de voir un Mont Blanc Emergeant d’une mâchoire de géant. Dans des forêts recouvrant les cimes, Puis se jouant des vallées, gorges et abîmes, L’autoroute des futurs Jeux Olympiques A rendre jalouse la Rome Antique. L’Arve, écumante, roulait de mille feux Ses eaux vertes et claires sur son fond rocheux. Fuis ce fut le très long tunnel du Mont Blanc, Avec à mi-cours un léger étouffement ; Un florilège de poèmes

73


Scènes de voyages

Débouchant sur un Val d’Aoste encaissé Où la « Dogana « fit peu de formalités. Courmayeur et ses maisons enchevêtrées Nous fit voir ses cultures étagées... La vue de champs de riz, les pieds dans l’eau Constipa quelques-uns d’entre nous, sur le Pô! Et ce fut Novarra puis Verbania Avec un trois étoiles comme Gagna! Si l’Hôtel San Gothardo / Avait son beau Roberto La Ville de Verbania / Avait ses beaux magnolias Beaucoup prirent l’escalier, non l’ascenseur, L’un testant sa virilité, l’autre son coeur! Comme le Colosse de Rhodes avant Jésus Le Père Borromée a sa statue .... Mais là, le piège était aux toilettes Car il fallait payer pour faire sa pissette! Par une nuit d’encre, à bord de canots, A la lueur d’éclairs zébrant comme Zorro, Sur un Lac Majeur, noir, profond, étale, Sous un tonnerre digne d’un combat naval, Nous nous rendîmes à un thé dansant Où l’on pu se frotter l’nombril comme à vingt ans! Là, excité par une sacrée lambada, Sur l’air des « Saltimbanques «, quelqu’un chanta - Tessin Majeur Ancône / Immola Gênes, Vérone - Carrare Tessin Terni / Sont les plus beaux de Pavie - C’est l’amour ... (tout le monde chante). Un autre rêva d’être Ministre d’État Pour coucher avec la belle Tchicholina... La porte d’hôtel était si transparente Qu’un de nous la croyait béante Mais hélas son genou la trouva fermée Et fit un grand trou dans la porte vitrée.... Certains fins palais prirent des vins à Streza Pour chaudes comparaisons, plus tard, à Matha! Isola Bella et la Villa Carlotta, Qui nous ont laissé éblouis par leur éclat,

74

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Ont su perpétuer le temps des Gorgones Et des Jardins Suspendus de Babylone.... Belle Ascona.... aux fleurissements de balcons Faisant de beaux soutiens-gorge aux maisons! Mais étranges nuits aux cimetières Où les tombes ont un rai de lumière! Beaux versants glaciaires du Lac de Côme Joliment urbanisés jusqu’à mi-dôme Dont les pitons et îlots fortifiés Ont vus, jadis, nos aïeux venir s’y frotter ! Pour du pain lancé dans le Lac de Lugano Mouettes, canards, poissons, firent l’assaut, Même qu’ils se mélangèrent les pinceaux Sans se faire le moindre petit bobo. La célèbre route du Col du Simplon, Recouverte et vitrée à flanc de mont, Nous fit voir les carrières de marbre De versants sinistrement beaux, mais sans arbres. Lors d’un arrêt frisquet à une station Un hélico, par les monts, passait du béton Faisant tache sur les neiges éternelles Dans un bruyant va-et-vient continuel. Là, le reste de nos lires fit emplette Du fameux chocolat à la noisette! Les trois Suisses se mettent en quatre Tellement ils ont peur de se faire battre! Minant même leurs routes frontalières N’aimant pas qu’on les prenne par derrière! Après des vignobles aux grands crus enivrants Ce fût le Valais et son bon lait gouleyant ... Repas à Martigny et ce fût Genève Où les richesses alimentent le rêve... Venant du nord une bise glacée Nous saisissait et rendait son lac agité. Ses multicolores bateaux de plaisance Un florilège de poèmes

75


Scènes de voyages

Mouillaient à l’abri des vents, dans une anse. En longues voitures diplomatiques Passaient des beautés sous voile islamique... D’autres, de l’Opep, tressées à la Noah De leurs deux oasis souriaient aux beaux gars... Par sa fresque, ses buildings banks, l’O.N.U. Genève s’impose à l’homme de la rue. Un coucher à Gaillard, dans notre bel hôtel Nous permit d’être au courant des nouvelles. Et nous retraversions le Pays d’un seul trait, Blasés, belle France tu n’avais plus d’attrait! Vertes histoire de Toto et chansons Egayèrent ce retour à la maison. Animatrice et chauffeur d’un top niveau Firent de ce voyage un de nos plus beaux! Les époux Mortessagne, par leur présence, Supervisant notre grande diligence. Après un touchant « ce n’est qu’un au revoir « Nous nous dispersions, vite, dans le noir. D’aubes en crépuscules, soir tu es là, Mais laisse encor’ nos yeux s’émerveiller, La nature a mis ses plus beaux apparats Pour nous séduire et nous extasier! Nous qui avons tant vu, serons toujours étonnés Devant ses féeriques métamorphoses Et par la vitre son film accéléré Sera toujours un spectacle grandiose.

Fin septembre 1989 R.Drouhard

76

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Voyage au Maroc Entre deux nuits étoilées différemment Notre 737 glissait majestueusement. Casablanca scintillait quand il nous fut annoncé Que la descente sur Marrakech était amorcée. Le bon atterrissage valut un bravo frénétique Et comme fait le Pape nous embrassâmes l’Afrique. Nos hôtels devaient partout être des plus chouettes Mais le désert Erfoud pompa l’eau des toilettes. Des paillers bien faits couverts de terre arable Témoignaient au nord d’une récolte appréciable. Car les rituelles marches de la pluie Font que le Maroc exporte du blé aujourd’hui. Dans des endroits humides des eucalyptus élancés Par chênes verts et oliviers étaient concurrencés. Dans les ruines imposantes de Volubilis On nous commenta savamment de précieux éboulis. L’Association Culturelle devrait être agrée par l’UNESCO Four une cure de fouilles là-bas sans lumbago. Des martinets par centaines avec des cris stridents Par de gracieuses arabesques fuyaient l’occident. Sur un toit une cigogne ne manquant pas d’aire Prenait déjà dans Marrakech ses quartiers d’hiver. Réveillés par le Muezzin pour la prosternation Ma boussole donnait La Mecque pour l’orientation. D’où l’avantage d’avoir chacun son petit lit Car la tête aux pieds, seul, n’est pas un délit. Visiter la Médina avec ses odeurs de fiente Aurait été impossible sans le petit bouquet de menthe. S’en suivirent quelques « touristas » corsées Mais le grand pastis «Dubet» en fut la panacée. Cinq villes marocaines imagent l’homme ce Roumi Mekhnès, Ouarzazate, Fès, Rabat, Sidi-Ifni fini mon zami ! Un florilège de poèmes

77


Scènes de voyages

Une dame chatouillant le nez d’un cheval du Roi Pour nous faire rire il se moucha dans ses doigts! Par le nombre de ses photos Hassan II semble adoré Mais paraîtrait que ses prisons ne seraient pas dorées. Mais pour la herse ce qui est là-bas amusant C’est qu’elle sert plus la Police qu’aux paysans. Trop maigre à la bascule d’un caravansérail Christiane12 n’ira pas au harem du Cheik Ismail. Mais pour Jean Dubet13, costaud, et pesant davantage, Nous dûmes palabrer pour qu’il fuie l’esclavage ! Le Châ Zal Maurice14 et Jacqueline sa Chabanou15 Nous firent l’honneur de leur présence parmi nous, Tristan Izeult, Paul Virginie, Roméo Juliette Et dans le car nous eûmes un Paul & Paulette16. Marcel Thouard17 conquis par la beauté du Désert Veut y construire sa résidence secondaire; Sa tondeuse lui fera un ULM impensable Pour em’ner les clients de son fils aux bains de sable. Un vieux Marabout, lui, voulait épouser Jeannette18 Mais voulant la faire voiler elle refusa net. Madeleine19 par la marmaille très sollicitée Leur faisait la morale avant de les gâter. Eh M’sieur t’as vu l’accident, l’auto et la dame, Si tu veux tout savoir tu me donnes dix dirhames. Le Guide Azizi en de brûlantes gorgées S’enfila le cognac de Messieurs Dubet et Begeay... M. André a vu dans Omar20 l’ami de la France Qui, à Monté Cassino, sut mourir pour sa délivrance. 12. Mme Egreteau (Haimps) 13. Adjoint au Maire de Maqueville 14. Maire des Touches de Périgny 15. Jaqueline Cornet 16. M. et Mme Auboin (Mesnac)

78

17. Maréchal au Seure 18. Mme Moinot (Thors) 19. Mme Rouget (Matha) 20. Le bagagiste du car No1

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Simoun, sirroco on sculpté la roche des Atlas Si bien que de les contempler jamais on s’en lasse. Mais le raid dans les dunes en 4/4 pour safaris21 Me fit penser à Rommel fuyant Montgoméry... A la Maison des Epices, un aphrodisiaque Nous fit passer des nuits paradisiaques ... Bravo aux Guiton22 avec le souvenir dans mon coeur De leurs premiers amours quand je surveillais ma soeur23. Craignant l’incident diplomatique « côté marocain » Dans le car je n’ai pas chanté « C’est nous les Africains» Mais je peux vous le faire maintenant Et vous ferez choeur naturellement....

Raymond Drouhard

21. Voir le soleil se lever sur le désert 22. M. et Mme Guiton, responsables de l’Agence Ulysse 17 (Matha) 23. Aux Grands Chaumes

Un florilège de poèmes

79


Scènes de voyages

Méditations estivales à La Tranche-sur-Mer La mer s’était offert un lit des dimanches Et de longs rouleaux d’écume blanche Lui brodaient un drap de fines dentelles Couvrant et découvrant l’oreiller éternel. Un trait sombre, là-bas, sur l’horizon ocre Stylisait notre grand pont de l’Ile de Ré ... D’hardis planchistes se grisant de vitesse Avaient mis en commun talent et adresse. Nourrissant et se riant de l’Humanité Elle variait l’humeur de son immensité Et le perpétuel vent du large qui lasse Couvrait son bruit sourd de train qui passe. Rires, colères d’enfants désappointés Le flux venait d’effacer châteaux et pâtés! La mer, souveraine, reprenait gentiment Ce qu’elle sait redonner régulièrement. Si le nom, La Faute, t’inspire critiques Prends garde que l’Aiguillon ne te pique! Préfère La Tranche l’hospitalière Ou se niche la si douce Terrière. Avec ses sœurs Le Phare et La Grière, Des lieux bénis où l’on va sans prière, Ce sont trois petites «tranches» exquises Idéales quand le moral est en crise. Cette mer océane d’un beau vert gris-bleu Nous fascine dans son infini merveilleux Faisant La Tranche station balnéaire Dont l’extension sera spectaculaire. J’aime ses petits jardins faits avec amour La terre légère se prêtant aux labours; Longtemps les tulipes y furent chouchoutées Pour des cavalcades d’une rare beauté.

80

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Si durant l’hiver bien des volets sont clos Le printemps venu tout est joie de nouveau Et de belles rues récemment pavées Dirigent les foules aux endroits rêvés. Sœur jumelle d’une ville allemande Elle lui a mis son cœur en offrande Pour que dans la grande Europe de demain Nous puissions tous nous tenir la main. Raymond Drouhard juillet 2007

Un florilège de poèmes

81


Scènes de voyages

Echappée belle du 14 au 21/10/2007

Geste touchant Pour fêter les quatre-vingts ans de son papi Moun Julien m’a fait revoir le pays du simoun! On aime y vanter ce que la Tunisie sera Mais surtout ignorer le temps du protectorat. Soixante ans après mon Camp du Nador est devenu Une grande prison avec mirador et détenus... Mais les jeunes maintenant nous traitent en camarades Même l’un d’eux, spontanément, m’a donné l’accolade! Les filles semblent plus à l’aise sans leur camouflage Et peuvent choisir l’élu dans le mariage. Dans la Médina Julien fut l’acheteur rusé Même que le marchandage l’a beaucoup amusé! Des maisons aux enjolivures architecturales Font un long cordon blanc le long du littoral. Les yeux se régalent des tons, blancs, bleus, verts, ocres, Mais l’ensemble routier y semble assez médiocre. L’odeur de friture dans les lieux anciens Devait être la même aux temps des Phéniciens. Des nuits, on croit y entendre... comme un sanglot long Celui ...d’un bon p’tit menuisier... de Chevallon... Beau pèlerinage, riche en douces émotions Merci à Julien dont le cœur suit l’action. Raymond Drouhard

82

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


20 ans pour l’ACCM L’assemblée générale a été l’occasion de montrer les « beaux » restes du Gallo-Romain Courferus … Et de fêter les trois Présidents successifs depuis la création de l’association en 1985 : Claude Lelièvre, de Beauvais-sur-Matha, Pierre Denéchère, de Neuvicq-le-Château, et Raymond Drouhard, de La Tâcherie (Mons). Ce dernier ayant, pour l’occasion, célébré cet anniversaire en vers soulignant les débuts, puis l’envol de l’ACCM : « MM. Lelièvre et Denéchère plusieurs fois frôlèrent la jachère» (sic). Il paraît que ce dernier terme ne peut s’appliquer à la culture. Mais il faut bien défricher avant d’obtenir une bonne moisson ! Pierre Girard L’Hebdo de Charente-Maritime – 08/12/2005

Histoires et louanges de ma campagne

Lu sur le site internet de l’ACCM :


Histoires et louanges de ma campagne

Quand le Dieu Thor chevauchait l’Hipparion Au temps où l’on tirait du sable à la pioche et à la pelle, il était encore possible de trouver, par hasard, des ossements posant question. Ainsi à Thors, il y a quarante ans, sous quatre mètres de sable, dans l’argile verte, furent trouvés par un ouvrier (Camille Brousson), par chance curieux de la nature, quelques os insolites. Enfouis sous les alluvions récentes de la vallée de l’Antenne, dans les argiles du jurassique supérieur, ces os ont résisté au temps depuis la fin de l’ère tertiaire (au Pliocène), ce qui remonterait à environ deux millions d’années quand il faisait très chaud, avant les grandes glaciations du quaternaire. Ces os seraient ceux de l’Hipparion, l’ancêtre du cheval. Avec un oeuf de dinosaure fossilisé, trouvé dans les carrières de gypse d’Orlut, un coeur pétrifié anonyme et quelques ammonites, il est intéressant d’imaginer les âges, qui ont fait des plis aux scènes de la Création (Pliocène)!

Avec Camille, « par chance curieux de la nature », ici en compagnie de Pierre, tu parlais certes de vignes et de champignons, mais aussi de l’Hipparion....

84

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


La légende des Fontaines de Charlemagne20 Nos belles histoires de France, Souvent, doux reflet de dures réalités, Ont tant marqué notre adolescence, Qu’il est bon maintenant de les méditer. Aux confins des Pays de Matha, à l’est, Charlemagne et ses preux chevaliers Furent encore après tant de prouesses, A la « Rivière Sèche » très humiliés. Il n’y avait pas d’eau pour les chevaux ! Saint-Ouen, Frère dévot et sourcier, Montant un âne rescapé de Roncevaux Lui fit gratter un trou près d’un roncier... L’Empereur voyant de l’eau suinter, Avec son épée, il avait tous les dons La fit jaillir et Saint-Ouen, enchanté Cria à son âne : asteur braie donc ! Un petit ru qui allait faire antenne Évacua le trop-plein de la source ; Il devait prendre le nom de « La Thène » Créant alors d’innombrables ressources. En guise de cloches, ce furent des braiements Qui glorifièrent bleu et Cupidon, Et la troupe exprimant son contentement Baptisa ces beaux lieux du fameux « braies dont ». Et cette « fontaine de Charlemagne » Devint un bel endroit prometteur L’oasis modifiant la campagne, Comme l’aurait fait Merlin l’Enchanteur.

20. Extrait de Histoires et Légendes du Pays de Matha. Association Culturelle du Canton de Matha (ACCM).

Un florilège de poèmes

85


Histoires et louanges de ma campagne 86

Notre Frère dévot et fier Paladin, En creusant « la Grand Font » fit l’événement ; Il en devint célèbre comme Aladin L’évêque Turpin, même, fit compliment Las de voir morts et plaies qui saignent Il désira se fixer près du ruisseau ; Mettant alors son âne comme enseigne, Dans ses trous, il assurait l’eau à pleins seaux. Sûrement à la belle Aude pensa-t-il La mort de Roland était certaine Mais tout bon conte ayant fin utile Ces lieux devinrent Saint-Ouen-la-Thène. Nous ne sommes pas des Missi Dominici Aussi ne pas trop se fier à ce récit, Juste pour que messieurs les Maires Et tous les braves gens de Bresdon-Saint-Ouen Se rappellent un historique époustouflant.

Raymond Drouhard

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


L’arrivée des Arabes chez nous au Moyen Age (un autre rare texte en prose) Par l’Espagne envahissant la Gaule, Abderrahman Ibn Abdallah Chàh ou calife d’une troupe de Sarrasins montés sur des petits chevaux arriva en 732 dans notre Saintonge. Ayant perdu sa tasse en or (sa naqqara) dans un lieu appelé plus tard Chadenac, ne la retrouvant pas, il rançonna un village en raflant tous les deniers romains (d’où Chadeniers). Causant d’autres exactions dans une bourgade cette dernière s’appela chàh niais en son souvenir (Chaniers). Rencontrant une résistance à Médiolanum (Saintes) il mit le feu à la ville. Montant vers le nord l’armée se lava avant la prière dans une rivière appelée par la suite Le Coran, et le village miraculé s’appela St Sauvant, car, plus loin, ils pendirent le curé d’une paroisse qui prit le nom de St Suplice (St Sulpice). Traversant à gué le Veyron ces Barbaresques violèrent les Religieuses du Couvent du Prieuré du Seure et se déployèrent dans des lieux inhospitaliers appelés «les Grandes Chaumes». Mais ils ne tardèrent pas à découvrir de vastes prairies verdoyantes où il fit établir son campement (d’où le nom de Prés Maurins). Il réquisitionna le four d’un certain M. Naud pour faire son couscous et cacha toute sa smallah dans de grandes Frâgnées tout en occupant un lieu stratégique cerné par un chemin qui s’appela ensuite le Chaleuil (Chàh oeille, épie). Mais à court de vivres il lui fallut improviser. Il leva le camp et cachant ses chevaux dans les Bois Longs de la Seigneurie de la Vergnole (La Vrignolle) ses troupes mirent à sac un grand secteur de blés murs que l’on nomma les Pilleries. Des paysans qui moissonnaient tout près en furent figés de peur (la Figeasse).Ensuite ils égorgèrent un troupeau de moutons dans un bois (d’où le nom de Bois Bêlaient) les Bois Bellets. Après tous ces forfaits la troupe prit un chemin au nord appelé ensuite Chemin des Maures. Passant à Thoré (Thors) la Voie Romaine devait les conduire vers la Capitale des Pictons (Poitiers) où les attendait un certain Charles Martel. Nivôse I992 R.Drouhard Un florilège de poèmes

87


Histoires et louanges de ma campagne

Plaidoyer pour l’ACCM21 Ami, si tout ce qui est beau t’émerveille, Si tu veux t’épancher avant te grand sommeil, Si tout ce qu’est mystique ou antique Te rend aussi curieux que nostalgique, Si un beau coucher de soleil d’automne Par ses tons et couleurs te passionne, Si devant une très belle aquarelle Ton coeur bondit et augmente en décibels, Si un violon qui joue une berceuse Te fait vivre des heures délicieuses, Si de lire de beaux poèmes t’amuse Te donnant idée de taquiner ta muse, Si tu veux une France toujours première Tout en adorant ses vieilles pierres, S’il t’arrive que le sourire d’un enfant Te soulage autant qu’un bon médicament, Si tu es nanti d’un savoir immense Pour aider ceux qui eurent moins de chance, Si tout ce qui est sublime ou vertueux Suspend ton souffle ou embue tes yeux, Alors, viens grossir l’Association Qui deviendra l’âme de ce beau canton

Raymond Drouhard

21. Extrait de Histoires et Légendes du Pays de Matha. Association Culturelle du Canton de Matha (ACCM).

88

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Si La Forêt et Le Puy de Doudeuille m’étaient contés Naguère, le lieu du Puits du Château Etait un bel endroit frais et ombragé Où deux grands « timbres » lors de manque d’eau Servaient aux bêtes et à la «bugée» Vendre les ormeaux avait été prédit Pour acheter une pompe à main Et même un grand trou en cas d’incendie Hélas les deux cas furent sans lendemain D’aubépine à buissons à prunelles Ils recouvraient le tour des champs du Châtas Et les morilles dans les crottes d’agnelles Etaient les plus belles du canton de Matha A l’abri le printemps arrivant tout d’un coup En ces lieux des enfants tout plein d’ardeur Venaient cueillir violettes et coucous Chacun les offrant à l’élu de son coeur Quand la route était itinéraire vert Des touristes au bord du malaise Remarquant cet endroit salutaire Allaient volontiers s’y mettre à l’aise Puis des archives firent un clin d’oeil Doudeuille était le nom de ce puits Et le chemin dit «du Puy de Doudeuille» Tenait du même nom preuve à l’appui Notre présumé Château et son veau d’or Se trouvaient après le fossé courant Et une légende raconte encore Que sous Doudeuille sont ses mourants Notre vieux cadastre en mairie Seul signalera toujours sa présence Et Douteville par trois fois écrit Serait son nom presque une confidence Un florilège de poèmes

89


Histoires et louanges de ma campagne

Le hasard fit que Madame Collon trouva En ces lieux une pièce d’argent Où l’effigie de Louis XV prouva Que noblesse y vivait au temps du Régent Avec au nord le Logis et son seigneur A l’est Jarnac et sa grande forêt A l’ouest le Prieuré du Seure Doudeuille, Douteville se sont évaporés A Jarnac, comté ou châtellerie, Propriétaires dans nos alentours Durent avoir documents que l’on nie Et que ma suite verra à son tour... Peuplée surtout de laboureurs à bras «la tâche était taxe qui ne riait pas» La Tâcherie a eu quatre notables Auxquels se louaient ces pauvres diables Eux auront connu le chemin des Bardonnes Aux ornières sans fond quand il pleuvait! Empierré maintenant on en fredonne Et faire son «U» en auto on en rêvait Mais ils n’auront pas vu cet hélicoptère Qui drogue les vignes quand l’eau est sur terre! Pour soulager les paysans il est venu Et qu’ils aillent à la plage des seins nus... On ne peut citer la forêt de La Tâcherie Sans louer son cèpe à l’odeur divine Ni ceux qui dans un assaut d’infanterie Vont le chercher écrasant les épines Huit ans avant mil neuf cent, vers la Nau (noël) Un gros loup y fut tué par Charrier Empaillé il resta longtemps chez Mainguenaud Puis tout mité il alla au bourrier Avec mon père au guet dans cette forêt Pris par la nuit on s’est vu égarés

90

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Et je dus monter à l’arbre le plus près Pour nous diriger où c’était éclairé En mil neuf cent il s’en arracha assez grand Pour qu’en vigne il y eut cinquante rangs Mais la Commune ayant tout acheté Un jour en bois tout sera replanté La «brande» poussant le long de l’allée Huttes et palissades un temps fleurirent Les gens allaient aussi y faire leurs balais Mais un jour le grand chef ne voulut plus rire Notre forêt a son bois des Dames Où il n’y a pas d’épines féroces Ceux qui y vont pour déclarer leur flamme Ignorent que le «p’tit noir» y est précoce Elle cache aussi des trous à renards Donnant lieu à des battues sonores Biches et daguets y gambadent peinards Et leur douce présence nous honore Un vieux bûcheron encore résistant Ne voulant pas perdre de temps pour manger Faisait lui ses besoins en même temps Aussi n’aimait-il pas être dérangé Puissant et vénéré un chêne roi Etait dans ce paysage si imbriqué Que l’homme qui le coupa pour son bois Mourut peu après d’un mal inexpliqué Prévue grande forêt intégrale Avec sentiers où on se serre de près Attention à nos peurs ancestrales Quand le fantôme bondit et vous court après... Où seront des maisons, trois cerisiers En juin quarante étaient mûrs à point Les Allemands qui passaient, extasiés, S’en goinfrèrent et Mémé levait l’poing! Un florilège de poèmes

91


Histoires et louanges de ma campagne

Pour amuser les années de déroute On allait voir passer quelques voitures Et en gardant sa vache le long des routes La bergère en plus faisait sa couture Quand les Anglais bombardèrent Cognac Il y eut dans l’air tant de tirs sans répit Que la crainte des balles au sinistre «clac» Fit coucher les gens qui se firent tout petit Champs où avec ma soeur nous aimions courir Voir des autos qu’on n’aurait sûrement jamais Où mes débuts avec le «dail» faisaient rire Où l’éveil des sens, déjà, faisait aimer Un des co-auteurs de ce lotissement Chez Hennessy expert en vieillissement Amusera tant avec ses «Jackyari» Que ces lieux seront la Doudeuillerie Ces deux lotissements n’en feront plus qu’un Nommé « La Forêt du Puy de Doudeuille » Et les jours y seront si doux que chacun Voudra de sa vie faire un recueil.

La Tâcherie printemps 2005 Raymond Drouhard

92

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Mons en Saintonge Immense accent circonflexe d’ouest en est, Dominant de son clocher un pourtour familier, MONS est centrée avec assez de justesse Parmi d’autres villages entre eux bien reliés. Si nos petites routes sont toutes si tordues C’est qu’un bosquet, un jour, était sur le tracé. Nos Gaulois alors, peur d’un travail ardu, Le contournèrent pour en être débarrassés. Ruban poussiéreux ou cahots mirant ses yeux Vers l’Ecole elle a mené l’enfant et ses rêves. Maintenant bitumée tout roule tellement mieux Que la course contre le temps n’aura plus de trêve. Si son brusque raidillon nous a toujours essoufflés, On s’encourageait parfois du plus gentil refrain, L’ivresse de sa descente nous a toujours insufflés Une joie immense même sans avoir de freins. Lentement affranchis de fortes Seigneuries Ses paysans se sont usés à retourner sa terre. Ils ont payé cher une liberté à tout prix Et nous continuons aujourd’hui à le faire. De l’Instit’ Gabet au Professeur des écoles Rouger Cent cinquante ans ont passé et quelle évolution! Quand nos petits descendants auront l’âge de se bouger On aimerait tant savoir comment vit la Nation... Un nom a été donné à chacune de ses rues Mais on a oublié trop vite bouse et crottin... Son froid cimetière attend d’autres recrues Mais il fait si bon vivre qu’on s’en remet au destin. Ici, le cortège gravit le raidillon et on peut voir les musiciens Robié et Barry qui emmènent les mariés à l’Eglise.

Un florilège de poèmes

93


Histoires et louanges de ma campagne

Ses lieux-dits évocateurs d’un passé rustique, Dont certains ne sont plus que des bouche-à-oreille, Font l’objet d’une toponymie très sympathique Et quand nous trouvons notre joie est sans pareille. Son grand vignoble qui attend des jours meilleurs Nous a pourtant offert un vin de haute qualité Dissuadant ceux tentés d’aller voir ailleurs Leur disant qu’un bonheur peut aussi ressusciter. Commune patoisante riche de traditions, Où toute fête donnait lieu à un petit bal, Elles disparaissent au fil des générations Mais leur succès au théâtre fait remplir les salles. Bruissement envoûtant des feuilles de peupliers Berçant là-bas le grand sommeil de nos défunts, Voix de nos grands chênes pleurant leurs feuilles grillées L’hiver dans les grands bois les nuits seront sans fin... Mais... douce brise ondulant nos épis prometteurs... Exhalant des bons foins l’odeur saisonnière... Elle emporte au loin le bruit de nos tracteurs Et sème l’amour qui fait tant de prisonnières. Qu’elle vienne vite caresser nos visages Ramenant le sourire, purifiant l’invisible, Et alors des Monsois s’élèvera l’hommage A une Nature aussi belle qu’imprévisible. Raymond Drouhard

94

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Ô Races ... découvrez Matha Matha qui t’a vu naître & que ton cœur adore Matha qui nous délimite Pays-Bas & Pays-Haut Matha dont les Ecoles s’écrivent en lettres d’or Matha qu’on aime lire aux temps de son Château (Longtemps les Corneilles nichèrent dans les pierres de ce Château)

‘’D’un visage se reflétant dans ses eaux transparentes L’Antenne capte le mal si son âme est souffrante »

L’Antenne à Mesnac

Porte-parole d’une bonne conscience Une poésie est l’image de son reflet Où chaque mot brille de magnificence Qu’il soit un hommage ou un camouflet. On aime ces vers écrits avec passion Rimant les âges qui égrènent la vie Redonnant une éternelle animation A de grands évènements ayant peiné ou ravi.

Germinal 2009 Raymond Drouhard A CCM Lors d’un lâcher de ballons en mars 2009, lors du « Printemps des Poètes », ce poème fut attaché à chaque ballon… Comme on s’amuse bien à 81 ans ! Mon ballon ira peut-être jusqu’à Rome ! Un florilège de poèmes

95


Odes et ballades pour ma famille


Odes et ballades pour ma famille

Il est sur la terre africaine…26 Il est sur la terre africaine Un jeune garçon fort sympathique Fort sympathique Qu’il faut tout le temps qu’il se promène Dans ses recherches agronomiques Oui agronomiques. Pour trouver la fille idéale Il a fouillé tout le Sénégal Oui le Sénégal Pour enfin trouver Claude-Anne Il a chassé dans la savane Oui la savane Mais après tout, qu’est-ce que ça fout On s’en fout tralala… En te mariant dans les Charentes, Souviens-toi, oui souviens-toi On a fait tous l’expérience Cette tradition de raconter ou de chanter Avant toi, oui avant toi jamais tu n’y déroges au plus grand bonheur Sème la graine des Ganry des convives que tu fais toujours rire ou pleurer. Ici « aux 60 ans » de Francis. Découvre-nous de l’énergie Et en vous souhaitant bonne chance Buvons, chantons la France. Comme la fumée blanche montait dans les cieux du Vatican Francis et Claude, à Mons étaient unis chrétiennement.

Le 26 août 1978 Moun

26. Chanson

98

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Allons ma p’tite frangine Allons ma p’tite frangine Voici l’moment venu Où faut qu’on s’imagine Qu’on est bientôt foutu Regarde tes p’tits enfants Jolis et souriants Ils sont le prolongement D’une vie sans ménagement Et dans la prairie Toute fleurie Allons ma sœur nous asseoir Et les ah! Te souviens-tu Avec la peur d’être battu Les feront rire de nos déboires Un beau matin d’école T’ayant lancé un oeuf C’est l’balai que tu me colles Me faisant un œil de boeuf Em’nant les vaches au champ Dans une luzerne trop tendre Ton flirt s’éternisant La Brune enfla du ventre

« Allons ma p’tite frangine... ». Ici avec ta sœur, Lélette, notre maman.

Et dans la prairie Toute fleurie Allons ma sœur nous asseoir Et les ah! Te souviens-tu Avec la peur d’être battu Enchanteront les gorlets le soir D’avoir tombée d’vélo T’ayant fait mal au g’nou T’es allée faire dodo Ton ventre étant tout mou Georges en boutons d’manchettes Venant de nuit nous voir Un florilège de poèmes

99


Odes et ballades pour ma famille

Vit pas sur notre targette Une crotte sur le poussoir Et dans la prairie Toute fleurie Allons ma sœur nous asseoir Et les ah ! Te souviens-tu Avec de l’odeur en plus Ah qu’elles sont belles nos histoires! Un beau trio d’Ganry Fit jour de votre union Si bien qu’à La Tâcherie On aime leur réunion Vignolles et Pain-Perdu Aimèrent vous voir gamin Et une Mamie émue A fait souvent l’chemin

Et dans la prairie Toute fleurie Allons ma sœur nous asseoir Et les ah ! Te souviens-tu Non ! Je ne m’en rappelle plus Toutes les fleurs diront au revoir (ou : il est tard disons-nous bonsoir)

Pour les 80 ans de Lelette, sur l’air de la « Chanson des violettes » chantée par Fernand Drouhard 1897-1967

100

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Après les Trois Grâces Après les Trois Mousquetaires Il y a les Trois Ganry Ils sont nés peu après la guerre Elevés au lait de chèvre et de vache Tous choyés par leur grand mère Ils furent toujours nickel et sans tache. Trop tôt, hélas, ils durent se prendre en main Et éviter tous les pièges de la vie Mais s’étant tous assurés un beau lendemain Tous ceux qui les aiment en sont attendris. Francis, disciple d’un Teilhard de Chardin Jacky serait un Turgot contemporain Marco un Lyautey en gant de velours Tous trois ont un q.i qui pèse lourd. Leur maman en est heureuse à souhait Je le suis autant que leur papa serait. Le tonton Raymond

Un florilège de poèmes

101


Odes et ballades pour ma famille

Toujours dans la série des Trois de Vignolles Parfois ma muse me fait jouer au guignol A l’enterrement de Raymond Drouhard Fallait zou voir pour zou croire De La Tâcherie à la mairie O l’était pire quine frairie Mais en passant devant l’autel Voilà-t-ou-pas, miracle du ciel, Que le Bon Dieu est pris de pitié Et Raymond est ressuscité.... Aussi jh’ai pu écrire : Mont Sapé, nous voilà Devant toi Nous voilà réunis Tu es fier des Ganry Abonnés à n’avoir que des prix Toi, Jacky, sois content Soixante ans c’est l’automne du printemps Tant qu’à moi, c’est certain Mes yeux vous suivront même éteints.... Ah qu’il fait bon avoir votre âge Ah qu’il fait bon entendre vos voix Et de fêter notre belle Savoie Tout en pensant à nos villages Qu’elle est jolie la petite Chloè Qu’ils sont mignons tous ses aînés Qu’elles sont contentes les deux mamies Prêtes à fêter l’autre à Miami (bis) L’an prochain, si mon frêne gardien veut Sera l’année de mes «ochenta anos» Aussi, ce soir, avec vous, j’émets le vœu De les fêter avant de vous dire «adios».

102

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


L’oncle Raymond qui ajoute :

Je ne voudrais pas glorifier nos garçons Sans vanter le talent de leurs épouses... Notre belle infirmière Brigitte, de Sfax où étaient mes Spahis Notre Claude, la fée blanche du Sénégal Notre Brigitte la douce panacée du Rouergue Des Trois Grâces vous avez à peu près la même ligne Mais, de grâce, n’oubliez pas de mettre une feuille de vigne. D’aubes en crépuscules soir tu es là Mais laisse encore nos yeux s’émerveiller La nature a mis ses plus beaux apparats Pour nous séduire et nous extasier Tu n’choisis pas l’endret Mais quand t’es au P’tit Versailles Où veux-tu que tes vers aillent Et tu t’es cru où ? O faut que tu t’bouches le trou... Le 14 messidor 2006 Pour les 60 ans de Jacky R.Drouhard

Un florilège de poèmes

103


Odes et ballades pour ma famille

Mariage de Laurent et de Cynthia ce 29 germinal 2008 Devant un parterre de Ganry aussi joyeux Drouhard n’est plus qu’une branche bientôt à scier Mais c’est triste de couper le fil de ses aïeux Aussi, à un autre nom, aurait-on dû l’associer! J’ai eu plaisir à voir évoluer les parents Et de loin voir grandir de beaux chérubins Qui à leur tour se portent garants De se faire un avenir avec un bon turbin Laurent le Magnifique a enl’vé sa Schéhérazade «Dispensée de série» Mille et Une Nuits... Une lampe magique les fit plus que camarade Et quand ils se sont embrasés (et embrassés), Aladin s’est enfui... On m’avait déjà dit que Cynthia était jolie Belle amazone sur patins à roulettes Une de ces belles filles autour de Saint-Gély Fascinée par un champion de bicyclette Francis qui met un air sur des lèvres qui remuent Et qui entend des voix audibles que par lui Dit, c’est par mon étoile que tout cela est mû Mais des milliers d’autres vers nos mariés ont lui Claude qui a vu tous ses enfants quitter le nid Est heureuse de les voir toujours sourire Et après ce mariage qu’un beau printemps bénit Viendront ces anges à bercer et à chérir Et quand le soir tombe sur un long cheminement L’enfant par ses pleurs attendrit son aïeul Il lui offre son rire comme un médicament Et plus tard il saura le couvrir de glaïeuls Même si l’Hérault nous offre son charme éperdu C’est bien notre Laurent le héros aujourd’hui Et La Tâcherie, Vignolles, Mesnac et Pain-Perdu Font un gros compliment que mon sourire traduit.

104

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Sarko et Carla ont ouvert le chemin Cyril et Sylvie ce sera pour demain Mais eux ont choisi Saint-Emma pour se dire d’ac Et cela dans quatre villes finissant par ac A vous chers neveux et nièces ici réunis Je dirai qu’un jour je m’en irai vers l’infini Météorite humanoïde étincelante J’exaucerai tous vos voeux en étoile filante Avec un neuf aux deux dates de vos alliances Vous allez sûrement rénover de vieux à priori Mais on sait, ô combien, est innée votre vaillance «Aime déjà demain» étant l’Ariane des Ganry!

Raymond Drouhard

Un florilège de poèmes

105


Odes et ballades pour ma famille

Mariage de Cyril et de Sylvie ce 19 germinal veille du 1er floréal 2008 Germer la veille pour fleurir le jour d’après Fut possible jadis grâce à un Fabre d’Eglantine C’est à dire que la chance peut nous courir après Mais faut la saisir avant qu’elle se débine Des genévriers faisant une genévrière Chez Sylvie, naguère, on a dû faire de l’alcool On est donc des collègues devant une chaudière Où on aime tant rire quand le copain « tricole » Mais j’aime mieux Sylvie guide ou monitrice Commentant à de vieilles gens, la retraite venue, Des tableaux comme si elle était institutrice Ignorant ces messieurs en extase devant un «nu» Tout le monde n’habite pas un Petit Versailles Où le petit cours d’eau serait la grande Seine Mais faudra qu’un beau Louis naisse de ses entrailles Aussi à nos deux garçons de rentrer en scène! Brigitte Ganry et Marie-Thérèse d’Autriche Ont plusieurs points communs: chevelure, taille, peau Mais Marie qui ne voulait pas d’un mari qui triche Fut déçue et Brigitte, de ce côté, a du pot! Marco digne représentant de l’ordre en France, Sa maison pour lui vaut le «Petit Trianon», Il y fait des poèmes à vous mettre en transes Et aux honneurs qui font bonheur n’a jamais dit non J’aime leur vallée faisant un immense V Plaignant quand même ceux qui font la vigne tout là-haut! Sur les versants les moutons aiment à s’y retrouver Mais un plancher des vaches offre route et ruisseau Le long des cloisons de la maison de leurs parents Pour y faire des courses d’escalade Cyril et Frédéric y ont creusés des crans Laissant dire plus tard y’avait là des gens malades!

106

Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Pour l’union des mariés, Mesnac, Cognac Marmanhac, Aurillac, Marcillac, Vézac Ont été choisies pour leur fin en «ac» Pour un immense «d’accord» ratatiné en «d’ac» Cyril qui ne conçoit rien sans faire un plan Sylvie comblant des gens qui s’émerveillent Vont se mettre en ménage avec un tel élan Qu’ils seront aussi heureux que le Roi Soleil Porteur d’un message secret à des F.F.I. En vélo mais ayant des chatons en cage à son guidon Un allemand l’arrêta mais sur les chats s’attendrit Sauvant le jeune Hot du peloton d’exécution Il y eut les Frères Montgolfier, Goncourt Puis d’autres et d’eux tous on nous parle souvent Mais les Ganry chez les Grands sont entrés dans la Cour Où leurs enfants essaiment leur graine à tout vent Honorant la devise chère à leur fratrie Aime déjà demain c’est l’Ariane des Ganry.

Raymond Drouhard

Un florilège de poèmes

107


Odes et ballades pour ma famille 108

Mon grand père Julien Churlaud Garde-champêtre à Mons, Julien Churlaud décédé y’a belle lurette Etait né dans un Limousin pauvre et ancestral. II fut fier avec le géomètre Lurette De refaire à Mons notre plan cadastral. Né en mil huit cent soixante dix pendant la guerre, Avec deux frères, il quitta son pays sans façon. En Paris, aux cafés, croquant le pied de grands verres Ils gagnèrent quelques sous et se firent maçons. Caporal d’arts martiaux à Joinville Sur son livret militaire ses talents sont écrits, Mais une fois revenu à la vie civile Souvent il lui en coûta de tenir ses paris! Hélant souvent les gens en leur disant: «hé, mon couillon» Avec son bel accent et des mots en patois Il était en tant que garde invité aux « pailloux » Où le bon vin illuminait sa plaque au bras «La Loi»! Quand il parlait de Mons, il disait ma Commune Et en mairie, dans les archives au grenier La réparation de son vélo est à la une... C’était sous l’Occupation, personne ne peut nier. Pour dire les avis de la mairie en public II tapait un vieux tambour, jouant des baguettes Et quand d’une rage de dents il sentait le déclic Il nouait un grand mouchoir sur sa casquette. Son pot à vin orné d’un Poincaré sévère Etait l’objet de réflexions faisant sourire. Un « S’il te plaît, fait pisser Poincaré dans mon verre » Si le vin était bon, déclenchait le fou rire ! C’est lui qui exhuma le vieux cimetière, Après l’école ma mère prenait le petit routin... De ses deux piliers au village il était fier Et son bon «Banboche» était son moteur à crottin.... Puis il m’a dit un jour de gros brouillard Bientôt la quatre chevaux sera ma roulotte, Ainsi désignait-il le triste corbillard, Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Et je m’en irai rejoindre ma p’tite Charlotte... En colère contre grand mère, sans être inquiétant, Il lui disait vous, menaçant de couper les liens. Pourtant elle lui a dit en ses derniers instants « Cause donc à ta vielle folle, mon bon Julien ».

Ce 16 août 2008 Raymond Drouhard de l’ACCM

Un florilège de poèmes

109


Odes et ballades pour ma famille 110

Grand-père Lucien Mon grand-père Lucien, demain, aurait 143 ans Et il peut encore apparaitre au fond de moi... Même s’il m’a connu môme et ado rassasiant Sa joie dans la pauvreté me mettait en émoi! Curieusement la Saint Benjamin n’a jamais changé Du coup il est reste jeune, fredonnant ses airs. Son plaisir fut que tout le monde puisse manger Un courtage en vin, enfin, ayant fait un peu d’air. Domestiques chez Frouin, avec la paire de bœufs Ils allaient labourer leur vigne aux Chaumes-à-Midi Et cela faisait presque 10 kilomètres de chez eux Et forcément un dimanche, m’avait-il dit ! Chez les Naud, ils eurent un gros bœuf Lancier... Vénéré par la famille, il était très chouchouté. Même si de ses grandes cornes fallait se méfier II savait pour tirer fort, les arc-bouter... Grand-mère était une force de la nature Plus forte que lui, aucun boulot ne la rebutait Elle se chargeait d’assurer la nourriture Champignons, cagouilles, gibier étaient ses secrets Son chignon défait, ses cheveux tombaient sur ses reins D’un blond argenté, ils étaient un peu ondulés. Elle gardait biques et vaches dans les Près-Maurins Sachant répliquer si elles confondaient herbe et blé! Elle me faisait des tartines nourrissantes Avec du fromage de chèvre sur du beurre Surmontés d’une confiture consistante Grand-mère avait déjà inventé le hamburger! Une image d’elle, on ne peut voir pire, Dans sa buanderie remplie de fumée, Assise, brassant et brassant une sauce de pire, C’était un spectre en noir mais pas notre mémé... En juin mil neuf cent quarante des soldats all’mands Ayant envahi ses cerises, faisant du dégât, Se plaignant à un officier, mais en lui en offrant, Un seul coup de sifflet fit descendre tous les gars! Raymond DROUHARD de la MARE Le poète aux multiples facettes


Des flatulences entre ses dents trouvant une faille, Je ne sais pourquoi elles allaient vers le haut... Chevilles, mollets, en grosseur même grande taille Elle m’a dit, mon drôle, tout ça m’enverra au tombeau!

Fait à La Tâcherie ce 30 mars 2009 pour la postérité...

Elise, Fernande, Fernand et Lucien le 3 juin 1904

…Fernande quelque 90 ans après. La tante Fernande ! Raymond et Lélette, comme nous trois et Brigitte, étions ses enfants et petits-enfants. « Ses yeux nous suivent même éteints.... » as-tu écrit Raymond, et c’est vrai, nous avons tous cette impression !

Un florilège de poèmes

111


Conclusion « ...j’aurai écrit à peu près tout ce que je voulais qui soit perpétué, mais j’aurais sûrement pu mieux faire...c’est la note que je donne sur le cours de ma vie » O l’est dur à crère que thieu drôle de Raymond Drouhard a déjà 81 ans ! I s’appelle même encore Moun, Mounet coume à l’Ecole ! O n’en a qui taquinant les vordons, li o l’est la Muse. Jhe sais même pas si o se manghe thieu !... En tout cas il aimerait que l’automne de sa vie se résume dans l’image d’un tableau de Monet «Impression soleil couchant» La vie est courte comme un jour Dont le soir suit de près l’aurore L’heure fuit, le couchant se dore Le temps s’envole sans retour. Les saisons pleurent tour à tour Sur les fleurs qu’elles font éclore La vie est courte comme un jour Dont le soir suit de près l’aurore Il faut en faire un doux séjour Un nid familier et sonore Où quelque chose chante encore Après la jeunesse et l’amour «Un nid familier et sonore…»

Rémondroire


La mémoire familiale nous confère une identité et nous donne des racines. Cette mémoire se transmet le plus souvent verbalement, mais quand par chance, la famille compte un « écrivain » capable de la fixer sur le papier, elle est pérennisée pour le plus grand bonheur de la famille. Ce recueil précisément participe de la transmission de cette mémoire, celle d'une famille charentaise du Pays-Bas sous la plume d'un des siens. Ecrit sous la forme poétique, chaque poème y relate des souvenirs, des sensations, des croyances, des façons d'être, des épopées, y dessine des portraits. Au delà de son intérêt "pour la famille", ce recueil est le témoin fidèle d'un monde rural qui s'éteint mais relayé par un autre ouvert au progrès et aux loisirs tels les voyages comme en témoignent les "Scènes de voyages". Ce progrès va de pair avec la volonté des ruraux de sauvegarder leur patrimoine historique et la mémoire de leur village comme en témoignent les "Histoires et louanges de ma campagne".

Raymond Drouhard cultive son jardin (et pas un petit !) et taille toujours les vignes. Féru d’histoire locale, il se consacre à l’Association Culturelle du Canton de Matha (ACCM) qu’il a eu l’honneur de présider. Il adore sa famille et réciproquement sa famille l’adore.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.