Analyse Loi Bertrand

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Assemblée Générale de l’ANEPF – Châtenay-­‐Malabry – Avril 2013

Vous trouverez dans ce document, le contenu de l’atelier « Décryptage de la Loi Bertrand » réalisé lors de l’Assemblée Générale de l’ANEPF au sein de la Faculté de Pharmacie de Châtenay-­‐Malabry. Celui-­‐ci traite principalement des causes et des conséquences de l’article 2, portant sur la Transparence des liens d’intérêts entre Industriels et Professionnels de Santé, mais sachez que celle-­‐ci traite également d’autres points comme la réforme de la Pharmacovigilance et des Dispositifs Médicaux. De nombreuses informations additionnelles, notamment dérivant du Droit, ont été ajoutées.

• DEFINITIONS GENERALES Ø

Conflits d’intérêt : Définitions :

Il s’agit d’une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions (Commission Sauvé, 2011 – Contrairement à la future Loi Bertrand, la Commission Sauvé ne s’est pas concentrée uniquement sur le secteur de la Santé). Un conflit d’intérêt implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités (OCDE, 2004). Type de conflit réel (intérêt avéré), apparent (nécessite vérification), potentiel (intérêts privés insuffisants) Nature de l’intérêt personnel (matériel ou immatériel) : patrimonial, financier, commercial, civil … ou familial, amical, politique, professionnel, confessionnel, sexuel, … Caractère direct ou indirect (au bénéfice d’une personne, physique ou morale, avec laquelle l’intéressé est en relation habituelle : examen au cas par cas du lien de proximité, de son intensité et de sa durabilité) Ø Responsabilité pénale & principe d’impartialité administrative : Délit de prise illégale le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission d’intérêt de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000€ d’amende (Art. 432-­‐12 du Code Pénal) Délit de corruption corruption passive commis par des personnes exerçant une fonction publique, c’est-­‐à-­‐ dire dépositaires d’une autorité, chargées d’une mission de service public ou investies d’un m andat électif (Art. 432-­‐11 du Code Pénal) Délit de favoritisme octroi d’avantage injustifié (marchés publics, délégations de service public) (Art. 432-­‐14 du Code Pénal)

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• TIMELINE : LA PARUTION DU TEXTE Ø

Historique :

Janvier 1993 – Loi DMOS Objectif : fin des pratiques d’incitation à la prescription et à la délivrance

Mars 2002 – Modifications de la Loi DMOS Objectif : pénaliser la « proposition » des avantages et pas seulement le fait de les recevoir

L’article L.4113 (CSP) modifié stipule désormais qu’il est « interdit pour les membres des professions médicales […] de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de Sécurité Sociale. Est également interdit le fait, pour ces entreprises, de proposer ou de procurer ces avantages. » Parmi les avantages en nature interdits, nous pouvons citer les voyages d’agrément, les invitations à des manifestations culturelles et sportives, les cadeaux sous forme de matériels ou d’objets et bien sûr, toute rémunération.

Déc. 2011 – Publication du texte de la Loi Bertrand, faisant suite à l’affaire du Médiator en 2009-­‐ 2010. Modèle du Sunshine Act (EU) Objectif : réformer le système de Pharmacovigilance et augmenter la transparence des liens d’intérêts entre Industriels et Professionnels de Santé

Loi Bertrand : Loi n°2011-­‐2012 du 29 Déc. 2011 : Titre Ier : Transparence des liens d’intérêts Chap. I : Liens d’intérêts / Chap. 2 : Avantages / Chap. 3 : Sanctions pénales Objectifs du dispositif de transparence : -­‐ restaurer la confiance entre le citoyen, usager du système de santé et les acteurs de ce système -­‐ permettre aux citoyens d’apprécier plus objectivement les relations entre professionnels de santé et les industriels -­‐ contribuer à dissiper les soupçons qui ont pu naître quant à l’indépendance notamment des professionnels de santé, des sociétés savantes et de la presse spécialisée

2012 – Publication progressive des différents décrets d’application de la Loi Bertrand

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Mars 2013 – Parution du 1 site internet public de déclaration aux EU Avril 2013 – Parution prévue du Décret d’application de l’Art. 2 : Décret « Transparence »

Mais … Affaire Diane 35, Affaire Cahuzac …

Où en sommes nous aujourd’hui ?

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Comparaison DMOS – Loi Bertrand A rt. 2 :

Les entreprises produisant, commercialisant ou assurant des p restations associées à des :

DMOS

Loi Bertrand – Art.2

Produits pris en charge par les régimes obligatoires de l’Assurance Maladie

Produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et produits à finalité cosmétique

Qui consentent des conventions, avantages en nature ou en espèces, tels que :

✓ Activités de recherche (hors études cliniques) ✓ Manifestations ✓ Contrats orateurs ✓ Frais hospitalité ✓ D ons ✓ Etudes cliniques Liens d’intérêts directs

Conventions, avantages en nature ou en espèces, consentis à :

✓ Professionnels de Santé (IV du Code de Santé) ✓ Associations de Professionnels de Santé ✓ Associations d’usagers

Ces conventions, avantages en n atures ou en espèces, doivent :

Être transmises au préalable au Conseil de l’Ordre compétent pour avis

Et également : ✓ Prêt de matériel ✓ Dons de produits (missions humanitaires) ✓Invitations ponctuelles ✓ Ouvrages, thèses (étudiants) ✓ Staff hospitalier ✓ Goodies Liens d’intérêts directs ou indirects Et également aux : ✓ Etudiants destinés aux Professions de Santé ✓ Etablissements de Santé ✓ Fondations, sociétés savantes ✓ Sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur des produits ou prestations ✓ Entreprises éditrices de presse, éditeurs de services de communication au public en ligne ✓ Editeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance ✓ Personnes morales assurant la formation initiale des Professionnels de Santé ou participant à cette formation Pour les conventions DMOS : être confirmées au Conseil de l’Ordre compétent après leur réalisation Pour l’ensemble : être rendues publiques

• LES INSTITUTIONS

La Loi Bertrand généralise à toutes les administrations et les organismes du secteur de la Santé les Déclarations Publiques d’Intérêts (DPI) : -­‐ Etablissement obligatoire d’une DPI pour les membres des cabinets ministériels, des instances collégiales, des conseils de l’ONIAM, l’EFS, l’INVS, l’ABM, des ARS, de l’EPRUS, de la HAS, de l’ANSM … (Art. L.1451-­‐1 CSP). -­‐ Modalités et contenus de la DPI sont fixés par l’arrêté du 5 Juillet 2012 (JO 10 août 2012). -­‐ Sanctions : omission, ou modification, d’une DPI sont punies d’une amende de 30.000€ (Art. L.1451-­‐2 CSP). -­‐ Implications : les dirigeants des instances ci-­‐dessus ne peuvent participer aux travaux, aux délibérations et aux votes de celles-­‐ci qu’une fois la DPI souscrite ou actualisée. è Risque de délit de prise illégal d’intérêts La loi étend le dispositif “anti-­‐cadeaux” (Art. L.4113-­‐6 CSP) aux membres des institutions précitées. Elle étend également la DPI en cas d’intervention lors d’une manifestation publique sur des produits de santé (presse écrite & audiovisuelle) (Art. L.4113-­‐13 CSP).

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• L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE Ø

Mécanismes de transparence déjà en place :

Les entreprises fabriquant et commercialisant des produits de santé doivent déclarer chaque année (HAS), la liste des associations de patients qu’elles soutiennent, ainsi que le montant des aides procures (Loi DDAC). Les entreprises pharmaceutiques sont autorisées à faire des dons destines à encourager la recherche ou la formation des professionnels de santé, sous réserve de leur déclaration préalable à l’ARS compétente, à condition que ceux-­‐ci ne procurent pas un avantage individuel à un membre d’une profession de santé (Art. R.5124-­‐66 CSP). Ø Nouvelles obligations type « Sunshine Act » : -­‐ Déclaration de toutes les conventions conclues entre Industriels et 9 catégories d’acteurs du secteur des produits de santé : o Les professionnels de santé o Les associations d e professionnels de santé o Les étudiants se destinant aux professions de santé ainsi que les associations et groupements les représentant o Les associations d ’usagers du système de santé o Les établissements de santé o Les fondations, sociétés savantes et sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur d es produits ou prestations de santé o Les entreprises éditrices de presse, les éditeurs de services de radiotélévision et de services de communication en ligne o Les éditeurs de logiciels d ’aide à la prescription et à la délivrance o Les personnes morales assurant la formation initiale des professionnels de santé ou participant à cette formation -­‐ Déclaration des avantages en nature ou en espèces versées d irectement ou indirectement à ces mêmes acteurs au-­‐delà d’un certain seuil. -­‐ Obligation de déclaration pour les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé (ou des prestations associées). -­‐ Exclues du champ : industrie d es médicaments vétérinaires, industrie agro-­‐alimentaire … Ø Sanctions : L’omission de rendre publique l’existence des conventions ou les avantages, procurés aux personnes mentionnées aux 1 à 7, est amendée de 45.000€ (Art. 1454-­‐3 CSP). Possibilités de peines complémentaires. è Ces obligations s’appliqueront à compter de la date de publication e t seront rétroactives à partir du 1er Janvier 2013.

• LES ASSOCIATIONS DE PROFESSIONNELS ET D’ETUDIANTS EN SANTE Ø

Pourquoi des partenariats avec les entreprises pharmaceutiques ?

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Besoin indéniable de l’expertise industrielle et professionnelle au sens large Financement des activités de recherche, études cliniques, … Formation des étudiants complémentaires à celles d es UFR Financement et pérennisation des projets des associations étudiantes

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Conséquences de la Loi Bertrand :

La loi étend le dispositif “anti-­‐cadeaux” aux étudiants se destinant aux professions relevant de la 4e partie du CSP et pour les membres des professions médicales, ainsi que les associations les représentant, de recevoir en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procures par des entreprises Assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires d e Sécurité Sociale. Est également interdit le fait, pour ces entreprises, de proposer ou de procurer ces avantages. è Problème de la définition légale d’une association « représentative » : au regard de la loi, seule les organisations nationales du type FAGE/PDE correspondent à ces critères. Ø Sanctions : Les personnes ayant reçu un avantage prohibé encourent une peine d’amende de 75.000€ et 2 ans d’emprisonnement (Art. L.4163-­‐2 CSP). è Limites : dans le cadre de la promotion des médicaments auprès des personnes habilités à les prescrire ou à les délivrer, il est interdit d’octroyer, ou d’offrir, ou de promettre à ces personnes un avantage, à m oins que celui-­‐ci ne soit de valeur négligeable et ne soit relative à l’exercice de la Médecine ou de la Pharmacie. Ø Exceptions : Ne s’applique pas à l’hospitalité offerte, de manière ou indirecte, lors de manifestations de promotion ou lors d e manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique, lorsqu’elle est prévue par convention passée entre l’entreprise et le professionnel de santé et soumise pour avis au Conseil de l’Ordre compétent avant sa mise en application, et que cette hospitalité est d’un niveau raisonnable et limité […] Il en va de même en ce qui concerne les étudiants […] Ø Conseil de l’Ordre : -­‐ Transmission des conventions entre professionnels de santé et industriels -­‐ 2 mois de délai -­‐ Avis défavorable ou favorable (si absence de réponse dans les délais : accord tacite) -­‐ Preuve de l’application de la convention

LE DECRET « TRANSPARENCE »

Pharmagora 2013 – Discours de M . Touraine “La publication de ce décret s’inscrit dans une volonté de rendre le m onde industriel pharmaceutique transparent mais ne cherche en revanche à interdire tous les liens entre professionnels de S anté car c eux-­‐ci sont indispensables pour le fonctionnement du système de santé […]” Ø Calendrier de Publication : Le décret en est à son 3e passage devant le Conseil d’Etat (mars 2013) et devra encore repasser devant la CNIL afin de résoudre le problème de l’indexation publique des données qui seront contenues sur le site de déclaration. La publication du décret est par conséquent imminente. + Circulaire de la DGS : interprétation du dispositif de transparence Ø Le décret doit fixer : + Circulaire de la DGS : -­‐ Seuil de l’obligation de déclaration interprétation du -­‐ Nature des informations qui doivent être rendues publiques dispositif de -­‐ Délais et modalités de publication et d’actualisation transparence -­‐ Modalités d’association des Ordres à ces démarches

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En pratique : les dernières avancées :

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Distinction entre “conventions avec contrepartie” et avantages “avantages sans contrepartie” Déclaration à partir d’un euro :

Au fil des mois le seuil est passé de 60€ à 10€ puis finalement à 1€ … Ces modifications ont des conséquences importantes car selon le seuil, le nombre de déclaration varie énormément (exemple pour une PME) et il y a un risque de voir noyé dans les déclarations les montants importants : o 1.500 déclarations pour un seuil à 60€ o 2.900 déclarations pour un seuil à 10€ o 7.000 déclarations pour un seuil à 1€ -­‐

Publication sur un site de service public :

A la vue de la complexité de mise en place d’un site public unique, l’information devra être publiée en attendant sur le site internet des entreprises, ainsi que sur le site des Conseils Ordinaux. -­‐ Publication tous les 6 mois : Publication semestrielle à partir du 1er O ctobre 2013, avec une potentielle rétroactivité à partir du 1er Janvier 2013.

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Délai de 90 jours pour publier è Exclusion : tous les avantages lies à la facturation (Art. L.441-­‐7 du Code du Commerce). è Sanction : 45.000€ et interdiction de participer à des marches publics etc.

• PISTES DE RESOLUTION Les conventions avec les associations sont possibles si la démarche suit les points suivants :

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Vérification d es statuts (pas de « syndicats », gestion désintéressée de l’association, non imposition) Rédaction & signature d’une convention (méthodes & procédures) Contreparties fournies par l’association : prestations/vente, « fair market value » Moyens/ressources adéquates Assurance Responsabilité Civile de l’association Facture conforme à l’Art. L.441-­‐3 du Code du Commerce Déclaration CNOP …

L’idéal est de préparer un dossier complet, numérique et papier, comportant la déclaration en Préfecture (siège social), la publication au JO, et les statuts & RI de l’association. è Fondamentalement pas d’interdictions mais beaucoup de choses restent à cadrer avec le décret …

Remerciement & Sources

Jérôme Peigné – Droit & Economie de la Santé (Université Paris Descartes) Sébastien Pradeau – Avocat en Droit de la Santé (Think Tank Loi Bertrand) Bruno Moreau – Directeur Associé (Market iT) Lionel Reichardt – Rédacteur (Pharmageek – Scoop.it!) Joelle Toulze – Formatrice (Sigvaris)

Nicolas Guedeney Vice-­‐Président en charge des Partenariats de l’ANEPF 2012-­‐2013 vp-­‐partenariats@anepf.org

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